Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Baszn Özeti
Une table kurde à Cherbourg
Suayip Adlig vient d'ouvrir à Cherbourg
un restaurant voué aux spécialités de son pays.
/I a été acteur, assistant-réalisateur, photographe ...
Kurde réfugié politique depuis treize ans en France,
Mem a Zine, 35, rue de la Paix, à Cherbourg, (tél 02.33.93.92. 73.)
,est ouvert tous les jours sauf le mercredi. Avec aussi des plats à
emporter.
'
Point de vue
La façade du restaurant, au
35 de la rue de la Paix à Cherbourg,
est sobre. Mais dès que
l'on passe la porte, l'atmosphère
se fait chaleureuse. A
l'image du nom de l'établissement,
"Mem û Zine", deux prénoms
kurdes qui rappellent
une belle légende, assez similaireà
celle de Roméo et Juliette
... cc Ici, je reçois les gens
comme s'ils venaient chez
moi ", insiste Suayip Adlig.
Ces Kurdes qu'on assassine
Une dépêche pàrmi tant d'autres,
l'une de celles auxquelles on ne prête
qu'une attention distraite parce que
ça se passe ailleurs, que la situation
ne change pas et qu'une autre dépêche,
dans quelCiues jour~, viendra
recouvrir la précédente. Sachez donc
qu'hier à Diyarbakir, en Turquie,
soixante-trois rebelles du parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK, sépa":
ratiste), ont éte tués lors d'une offen-
, sive.
Les Kurdes viennent, comme cela
hanter (actualité, sorte d'empêcheurs
de tourner en rond, qui compliquent
un peu plus une situation difficile
dans le Proche-Orient et jusqu'aux
confins de l'Europe.
Oui, il existe un problème kurde. Il
existe un, drame kurde parce qu'il
existe une nation kurde, que c'est indiscutable,
que l'on s'efforce de faire
comme si le problème n'existait pas
et qu'on préférerait, en effet, qu'il
, n'existe pas. Mais ça ne va pas plus
loin.
Parce qiJe la nation kurde ne se cantonne
pas dans une île, ni dans un désert
déterminé privé de pétrole, mais
elle s'étend (un peu comm'e. les
Basques) de part et d'autre de plu-
, sieurs frontières. Entre la Turquie,
l'Irak et l'Iran notamment, ce qui suffit
à tout compliquer.
On pourrait s'interroger. Ce qui
complique tout, c'est peut-être justement
que l'on pose le problème à l'en-
vers. C'est aussi que les régimes
« hautement démocratiques» qui sévissent
dans la région, ont l'habitude
de faire dans la tendresse, et que les
attentats ou même un génocide ne
leur fait pas peur. On a vu un Sadd am
Hussein gazer sa population kurde
comme on se débarrasse de chiots
non souhaités.
La communauté internationale a, incontestablement,
un déficit d'intérêt
pour le peuple kurde. Or, on ne
construira pas davantage la paix dans
, cette région du monde sur une injustice.
Les Kurdes, ce n'est pas un Etat qui
défend âprement des prérogatives,
c'est un peuple, fier et cultivé, qui
souffre avec dignité d'être l'exclu de
toute une région, lui dont la civilisation
vient de celle qui a vu le jour il y a très
longtemps en Mésopotamie.
Le peuple kurde, qu'on assassine
depuis tant de temps, poursuit sa
marche vers la liberté et l'indépendance
chaque jour où tombent ses
fils, en Turquie ou ailleurs. Il n'y a pas
de depêche banale. Le long drame
continue de se vivre jour après jour.
Une exposition photographique,
présentée à Louviers par Suayip Àdlig,
se tiendra prochainement à Cherbourg.
'
Il faudra bien que ce peuple étouffé,
un jour, comme les autres, puisse
vivre sa liberté.
Jean LEVALLOIS
Ouvert dans le courant du
mois de décembre, le restaurant
propose midi et soir des
spécialités kurdes et grecques.
cc Culturelle'ment et humainement,
ce sont des peuples
très proches. Les Arméniens
aussi d'ailleurs. Tous prennent
leurs racines dans les
premières, civilisations de
Mésopotamie.Et les Kurdes
sont les créateurs du blé." Au
menu, on trouvera donc un
choix de quatorze entrées, autant
de plats de résistance et
des desserts.
cc La base de notre cuisine,
c'est le gigot d'agneau, le
poulet,le blé concassé et des
légumes tels que le poivron
et l'aubergine ", explique
Suiyap Adlig. Unecuisine colorée,
qui se conjugue parfaitement
en repas végétariens et'
appellera aussi, dans quelques
temps, des plats de poisson ...
La personnalité de l'hôte des
lieux, elle aussi, vaut le détour.
Kurde et fier de l'être, Suayip
Adlig a longtemps collaboré
avec le cinéaste Yilmaz Güney,
rendu célèbre en Europe en
1980 avec le film Yol. Assistant
et acteur, Suayip Adlig partieip~ra
aussi aux films Anxiété et
Le' tr,oupeau, '.réalis~(1t,~tl:e.
temps des documentaires, sur'
les conditions de travail dans
les plantations de tabac au
Kurdistan par exemple, ou plus
tard sur ('implantation des
Kurdes en Suède.
Il suivra aussi Yilmaz Güney
dans son exil politique en France,
en 1983. Et à la mort de celui-ci,
il lui rendra hommage,
dans un livre. .
Installé dan~ ('Eure, Suayip
Adlig va alors se consacrer à la
photographie, travaillant avec
ie poète YvesJouan, avec aussi
en particulier une exposition
intitulée Les Kurdes, un peuple
qu'on assassine qui sera présentée
dans le cadre des rencontres
photographiques internationales
de Normandie, à
Rouen. Des clichés rappelant.
le.Kurdistan que l'on retrouve
: aux murs du restaurant. cc Mais
ce sont de vieux tirages",
s'excuse:t-II. ' .
, L'ènvieide bouger l'a conduit'
-jusqu'à Cherbours:i:uneréglon '
qu'il avait déjà appréciée lors
de vacances. cc Le restaurant,
c'est un contact différent,
plus convivial. Ça calme l'esprit
", ajoute-t-i1avec un gral1d
sourire. D'autant qu'II y travaille
avec, côté cuisine, un musicien,
Ibrahim Halil.
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