Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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• Le Monde - samedi, 15 mars 1997 •Le Monde - samedi, 15 mars 1997
Téhéran envoie des « signaux »
rtHÉItAN
de notre envoyée spéciale
L'Hôtel Lalehn'accueille plus les
clients d'un agressif «Mort à
l'Amérique ». Le trompe-l'œil qui
portait cette inscription sur le mur
du salon d'entrée a disparu. La
pièce s'est agrandie d'un jardin intérieur.
Chose exceptionnelle en Iran : le
soir tombé, un pianiste berce les
clients de mélodies d'hôtel surranées.
Les portraits de l'imam Khomeiny
et du «Guide de la République
islamique », Ali Khamenei,
ornent désormais en simples médaillons
l'une des arcades. Les
ineffables cerbères des bonnes
mœurs et des va-et-vient des
clients sont certes toujours là,
mais le souci principal des propriétaires,
la célèbre Fondation
des déshérités, l'un des piliers historiques
du régime, semble être
désormais de faire primer les affaites
sur la propagande.
• NOUS SAVONS h'RE POSmFS •
L'ancienne ambassade des
Etats-Unis est à quelques kilomètres
de là, avenue Taleghani,
transformée en lycée pour les
«gardiens de la révolution », les
hérauts de la voie tracée par
l'imam Khomeiny. L'Iran et les
Etats-Unis ont rompu tout contact
il y a dix-huit ans et se vouent réciproquement
aux gémonies.
Toutefois, de légers frémissements
sont perceptibles, d'où la
rumeur, dont fait état Ibrahim
Yazdi, secrétaire général du Mouvement
de libération de l'Iran,
principal parti d'opposition intérieure
interdit mais toléré, selon
laquelle la coalition des conservateurs
au sein du pouvoir aurait déjà
établi des contacts avec les Britanniques
pour tenter de jeter des
ponts en direction de Washington.
Invérifiable, cette rumeur atteste
en tout cas d'un certain climat en
Iran.
Dans le discours destiné à tenir
lieu de ligne de conduite, le principal
représentant des conservateurs,
Ali Akbar Nategh Nouri,
président du Parlement - et présumé
futur président de la République
-, comme l'actuel chef de
l'Etat, Ali Akbar Hachémi Rafsandjani,
posent une condition rationnelle
pour la reprise du dialogue
avec Washington: la
libération des avoirs iraniens bloqués
aux Etats-Unis depuis 1979,
aprèS la prise d'otages à l'ambassade
américaine à Téhéran. « Nous
ne pouvons pas faire plus, explique
un membre de l'administration.
C'est aux Etats-Unis de faire le premier
pas et ils verront que nous savons
être positifs. Le président Rafsandjani,
ajoute-t-il, se voit
reprocher encore aujourd'hui
d'avoir œuvré à la remise en liberté
des otages américains du Liban
sans avoir rien obtenu en retour. La
libération des avoirs est un droit. »
Mais, pour la consommation intérieure,
la rhétorique antiaméricaine
continue, notamment aux
grandes occasions. Enjanvier déjà,
le Parlement avait décidé pour la
deuxième année consécutive de
consacrer plus de 15mlllions de
dollars (environ 85 millions de
francs) à «déjouer les complots
américains ». Ce n'était néanmoins
qu'une réponse du berger à
la bergère, après que Washington
eut publiquement annoncé, en
1995, que la CIA consacrerait
20 millions de dollars à des actions
le régime ira-
visant à «modérer»
nien.
de détente à Washington
Les signaux contradictoires qui
émanent de Téhéran n'étonnent
plus personne. Ici, c'est un mode
de gouvernement. Un esprit cartésien
aurait aus.si du mal à
comprendre comment, après avoir
mobilisé le peuple pendant dixhuit
années contre le «Grand Sata,n
» américain, les autorités
pourraient justifier une éventuelle
volte-face. «ils n'auront pas à se
justifier, estime M. Yazdi.Il leur suffira
de dire qu'un tel dialogue vise à
préserver et défendre les intérêts de
l'Iran. »
PERSPECTIVES DE L'OR NOIR
La classe politique de Téhéran a
pris connaissance avec intérêt
d'articles publiés par certains journaux
américains invitant les Etats-
Unis à reprendre langue avec T~héran.
L'un d'eux était signé par
un ancien otage de l'ambassade
des Etats-Unis en Iran, Bruce Laingen,
alors chargé d'affaires.
Hamid Zaheri, directeur des relations
internationales de l'Institut
iranien pour les études énergétiques
internationales, est
convaincu que les compagpies pétrolières
américaines poussent à la
reprise du dialogue parce que, ditil,
l'Iran est devenu «le centre
énergétique mondial », du fait de
sa situation géographique entre le
Golfe et la Caspienne - tous deux
zones pétrolières -, de son rôle de
pont entre le Golfe et l'Asie centrale
et, surtout, de l'importance
croissante que va prendre le pétrole
des pays de la région du
Golfe au cours des prochaines années,
une nouvelle crise du brut
devant, selon lui, se profiler à l'horizon
2000-2005. Sans oublier,
ajoute-t-il, le rôle que le gaz va
être amené à jouer. Or l'Iran partage
avec le Qatar le gisement offshore
de gaz le plus grand du
monde.
Pour l'heure, la loi américaine
dite D'Amato - du nom du sénateur
qui en est à l'origine -, menaçant
de sanctions toute compagnie
qui investirait pour plus de 40 millions
de dollars dans le secteur pétrolier
iranien, pèse sur les sociétés
pétrolières, notamment celles qui
ont des intérêts aux Etats-Unis,
telles la française Elf et la néerlandaise
Shell. Malaisiens et Australiens
sont plus entreprenants.
Quatre compagnies américaines,
affirme M. Zahedi, auraient dO
être représentées à une conférence
internationale sur le gaz qui
s'est tenue les 16 et 17février sur
l'ile iranienne de Kish. Ellesont renoncé
pratiquement à la dernière
minute, indique M. Zaheri, qui ne
veut pas nommer ces compagnies
«parce que ce n'est pas convenable
» et qui est convaincu qu'Israël
fait pression sur les Etats-Unis
pour empêcher une normalisation
avec l'Iran. «Le pétrole et le gaz, au
moins, devraient €tre laissés à
l'écart de la politique », s'indigne-til.
Deux développements devraient
peser dans la décision que prendrait
éventuellement Washington:
le premier est le verdict, attendu
en mars, du procès des meurtriers
de quatre dirigeants kurdes iraniens,
en 1992à Berlin, et dans lequel
les plus hautes autorités de
l'Etat iranien sont mises en accusation.
L'autre est le résultat de
l'enquête sur l'attentat antiaméricain
de Khobar, en Arabie saoudite,
dans lequel Washington voit
la main de l'Iran.
MounaNaïm
-Le Monde - dimanche 16, lundi 17 mars 1997 -Le Monde - dimanche 16, lundi 17 mars 1997
Un journaliste turc a été condamné
à dix moi de prison avec.sursis
ISTANBULLejournaliste turc Ertugrul Kurkcu a été condamné, vendredi
14mars à Istanbul, à dix mois de prison avec sursis pour avoir
« diffamé et insulté lesforces de l'ordre» en traduisant un rapport de
Human Rights Watch sur la répression de la rébellion kurde en 1\1r-
.quie. La cour a également ordonné la saisie du rapport et condamné
l'éditeur turc, Mme Ayse Zarakoglu, à une amende symbolique de
Udollars. Le rapport affirme que les armes de l'OTAN, notamment
celles fournies par les Etats-Unis, jouent un rÔle-clé dans des violations
des règles de guerre par les forces de sécurité turques, notamment
contre les civils dans l'est et le sud-est anatoliens à majorité
kurde. Une «qualification générale» des membres du département
des opérations spéciales de la police de «chiens brutaux» dans le rapport
constituait l'« insulte» aux forces de l'ordre incriminées, selon le
juge. Ces propos avaient été attribués à un diplomate américain basé
en 1\irquie et cité sous le couvert de l'anonymat. - (AFP.)
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