Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti
De la maternelle
à l'université,
islamique de Téhéran
impose le strid
de ses principes religieux
à coups de censure
et d'interdits.
Le domicile reste, parfois,
le dernier espace de liberté
pour les jeunes
VENUEShohada,
au centre-sud de
Téhéran, le lycée
est un bâtiment
blanc anonyme
dans un quartier
de VIllaspetitesbourgeoises
aux
hauts murs d'enceinte
totalement aveugles qui intriguent
le visiteur. Etablissement
privé, le LycéeRefah pour fillesest
supposé accueillirune partie de la
future élite qui gérera l'Iran demain,
puisque 75 % de la population
a moins de vingt-cinq ans.
Fatemeh, leinab, Mariam et bon
nombre d'autres parlent un anglais
quasi parfait et se proposent de
jouer les interprètes pour cellesqui
le connaissent moins bien. Elle~
ont la répartie facile et la réponse
toute prête: le fondement de toute
leur vision du monde, du présent
comme de l'avenir, voire de leurs
loisirs, est l'islam. Du moins le
disent-elles. L'unique régime au
monde où les religieux sont au
pouvoir prépare sa relève dans un
double souci: concilier développement
scientifique et technique, et
rigorisme musulman.
S'ilen fallait une preuve, les activités
du Centre de recherches pour
les affaires de la jeunesse, relevant
de la présidence de la République,
est là pour l'administrer. En coordination
avec tous les ministères
concernés, ce centre est chargé
d'encadrer la jeunesse dans «quatorze
domaines essentiels », précise
Seyed Hamid Kalantari, son directeur.
Cela va des études proprement
dites, à «la foi et la connaissance
», « la morale et la
spiritualité », les questions du mariage
et de la famille, «les arts et la
littérature », «les sciences et tech-
séparer les garçons desfilles dans les
écoles, pour qu'ils se consacrent
jeunes filles. Si, pour les matières
à
leur travail et obtiennent de meilleurs
résultats exactes, l,a c.ens~re ne sévit pas,
,scientifiques et les sciences
le régime
».
Q
nombre d umversltaires ont renon-
UE pensent-elles du ré- cé à donner des cours dans les fagime
et du gouverne- ~ultés de~ sciences humaines, tant
ment? «Nulle part au il est vraI que les sujets interdits
mqnde, les gouvernements ~s ces matières et les rappels à
resped
ne sont parfaits, et le nôtre ne fait I ordre sont nombreux.
pas exception à la règle. Mais nous .« Dans ce pays méfiez-vous de la
lui faisons confiance et nous l'aide-: triche, pr~vient Néguine, une jeune
rons à ame1iorer les choses en nous bourgeOise occidentalisée. Pour
éduquant et en demandant l'aide avoir la paix chez soi, on nous force
d'Allah ». Que font-elles de leurs à menti,: Nous sommes un peuple
moments de loisirs? «J'étudie mes ß'hypocntes, je dirai même de schileçons,
lis le Coran et d'autres ou- ,z?phrènes, surtout les jeunes, qui
vrages,j'aide ma mère à la maison vIvent souvent une contradiction
et je regarde la te1é», répond lei ...entre leur mode de vie chez eux et ce
nab. Les programmes télévisés qu'ils doivent afficher en public.
sont, dit-elle, « bons et variés. Cer~ Tous lesjeunes suivent le même entains
films étrangers sont censurés; seiK.nem~nt religieux puisqu'il est
mais ça n'a pas d'importance parce oblIgatOIre. Et pourtant, voyez le
que ce qui est coupé ne correspond nombre de ceux qui réclament plus
ni à notre culture, ni à nos valeurs ».de libertés.» «Oui, mais ces liber J
Celles d'entre elles qui sont ai- tés, beaucoup de jeunes ne savent
lées à l'étranger, qu'elles soient pas très bien ce qu'elles veulent dire,
filles de diplomates ou qu'elles puisqu'ils ne les ont jamais vécues,
aient pris des vacances, trouvent dit Mohamad, vingt-neuf ans. Au
que les autres pays «c'est bien, point que certains de ceux qui ont
niques », maïs aussI « lès sports et mais leur savoir religieux ne nous l'occasion d'aller dans un pays oc~
l'éducation physique », «les voyages convient pas ». Demandez leur si cidental en reviennent en traitant les
et le tourisme ». elles n'ont pas envie d'autre chose, Européennes de "salopes". C'est la
Car le Centre, sur J'a base d'un d'aller danser par exemple, et c'est même chose lorsqu'ils rêvent d'Amésondage
mené auprès de un« non» offusqué qui fuse de rique: ils fantasment plus qu'autre
25000jeunes, a dressé la liste des toutes les lèvres. «Vous ne savez chose.»
goûts et préférences de la jeune pas poser les questions essentielles », Vivre chez soi et faire semblant
génération, pour répondre à cer- lance l'une d'elles. Et quelles sont dehors, c'est-à-dire, respecter la
tains besoins et exclure tout ce qui les questions essentielles? «De- séparation entre hommes et
n'est pas conforme « à la culture et mandez-moi quel est mon but dans femmes dans les cinémas, les bus,
aux valeurs islamiques ». Les comi- la vie etje vous dirai que c'est d'ap~les files d'attente, le port - à défaut
tés d'information, les centres prendre à avoir confiance en moi. Je du tchador proprement dit ~ du
culturels et sportifs, les activités crois en Dieu, en son prophète et err voile et du manteau très long, pour
sociales, ont été multipliés,mais ils nos imams, et c'est pour cela que je les femmes, etc. Et encore,l'intimidemeurent
strictement encadrés, considère, par exemple, que danser té n'est-elle pas garantie puisque le
dirigés et dirigistes. c'est futile. (...). La vie doit être risque est permanent de voir inter-
Fatemeh, leinab, Mariam et les consacrée à Dieu et les loisirs aus- venir chez soi une escouade de
autres, avec leurs mots d'adoles- si ». ' «gardiens de la révolution» ou de
centes de quinze à dix-sept ans, Ces adolescentes qui veulent membres de la police, pour
tiennent sur le fond exactement le être dentiste, mathématicienne, conduire au poste tous ceux qui
même discours que leurs aînées de généticienne ou suivre des études auront été pris en flagrant délit de
trente-cinq à quarante ans,' religieuses, disent-elles vraiment simple soirée dansante, ou de
membres du très officiel Conseil ce qu'elles pensent, ou répètent- consommation de quelques verres,
culturel et sodal des femmes, qui elles un discours stéréotypé qu'on d'alcool fabriqué à domicile. Mais
relève directement du guide Ali leur a appris dès la maternelle? il arrive aussi que ces gardiens de
Khamenei, l'autorité suprême poli- «Vous savez, quand vous vivez dans l'ordre se laissent «convaincre »'
tique et religieuse. Le voile que les une pièce fermée et que l'on vous de fermer les yeux en échange de
fillettes doivent porter dès l'âge de délivre constamment le même mes- sommes d'argent plus ou moins
neuf ans? «C'est la dignité des sage, vous ne pouvez que croire ce importantes.
femmes d'en porter », disent-elles. qu'on vous dit », commente une
Et toutes les croyantes du monde jeune étudiante en médecine, DEVANTl'une des permamusulman
qui ne se voilent pas «C'est inévitable. L'endoctrinement nences de l'organisme
sont « des musulmanes, certes, mais est tel que les gens ordinaires de- chargé d'appliquer les
pas parfaites ». Pourquoi? «Parce viennent, sans même s'en douter, de «interdits» (mounkerat), avenue
que c'est le prophète Mohammed plus en plus fanatiques. Je me sur- Motahari, dans le centre de Téhéqui
l'a dit. (...) Parce que nos mères prends moi-même dans la rue. et ran, des dizaines de personnes atet
nos parentes nous ont montré la Dieu seul sait silen ai marre de ce tendent tous les jours, pratiquevoie.
(...) Parce que nous avons étu- régime, en train de regarder d'un ment à toute heure. Ce sont des
dié et découvert la vérité par nous- œil presque noir une femme qui Téhéranais venus s'enquérir de
mêmes.» , 'n'aurait pas de chaussettes ou l'un des leurs interpellé pour un
Elles affirment sans sourciller d'épais bas sombres. » « interdit », ou pour son allure,
que «la plupart des problèmes des Et de raconter comment les étu- surtout si elle est jugée « rap ». Le
autres sociétés sont dus au sexe », diants islamistes exercent de fortes« rap» dont parlent les cerbères
qu'elles l'ont appris «en lisant des pressions à l'Université, dont des bonnes mœurs ne concerne
articles, y compris dans des revues nombre de facultés ne sont pas même pas la musique, mais déoccidentales
». L'une d'elles dit mixtes et où un professeur, pour signe une tenue jugée débraillée,
avoir même « entendu à la BBC que peu qu'il soit jeune et célibataire, une coupe de cheveux pas tout à
les Etats-Unis veulent maintenant ne peutpas donner de cours aux fait réglementaire ou un type de
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