Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa:"'Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basm Öz<strong>et</strong>i<br />
La L<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> ['UGAB<br />
n° 170 - Samedi 12 avril1997<br />
ISSN n° 1249-271X<br />
DÉRAPAGE<br />
Après avoir prononcé <strong>de</strong>s propos injurieux à l'encontre <strong>de</strong>s Arméniens<br />
Le ministre turc <strong>de</strong> l'Intérieur présente ses excuses<br />
à «tous les Arméniens du inon<strong>de</strong> entier»<br />
, Le déclenchement <strong>de</strong> l'affaire remonte au 27 mars 1997 : ce<br />
• jour-là, le ministre turc <strong>de</strong> l'Intérieur, Mme Meral Akchener<br />
(I), inaugurant un hôtel <strong>de</strong> police situé dans l'~~e <strong>de</strong>s ban-<br />
, lieues d'Istanbul, fustige le lea<strong>de</strong>r du PKK, Abdullah Oçalan, dans<br />
, les termes suivants: ,«( ... ) Un clown d'un sperme arménien essaie <strong>de</strong> ,<br />
diviser la Turquie, mais ils n'y parviendront pas.»<br />
Ce n'est paS la première fois que <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> la classe<br />
politique ou <strong>de</strong>s médias turcs associent le PKK <strong>et</strong> les, Arméniens, à<br />
, travers les prétendues origines arméniennes du lea<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'organisation<br />
séparatiste kur<strong>de</strong>. Mais <strong>de</strong> quelle manière, c<strong>et</strong>te fois! Tollé générai<br />
parmi les Arméniens d'Istanbul. La première réaction officielle<br />
émane du Patriarche <strong>de</strong>s Arméniens <strong>de</strong> Turquie, Sa Béatitu<strong>de</strong><br />
Karekine Kazandjian, qui estime que Mme le ministre, en prononçant<br />
c<strong>et</strong>te phrase, «comm<strong>et</strong> un délit». Il ajoute qu' «utiliser le nom d'une<br />
nation comme une insulte, dépasse le but <strong>de</strong> votre discours».<br />
De leur côté, les journaux turcs révèlent que les standards <strong>de</strong>s<br />
grands quotidiens du pays <strong>et</strong> du ministère <strong>de</strong> l'Intérieur à Ankara ont<br />
été bloqués un moment en raison <strong>de</strong>s appels <strong>de</strong>s mécontents.<br />
L'association <strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme d'Istanbul a émis<br />
une protestation officielle contre Mme le ministre, auprès du procu~<br />
reur <strong>de</strong> la République <strong>de</strong> Beyoglu (ex-Pera), à Istanbul.<br />
Le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> toutes les associations <strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong><br />
l'homme <strong>de</strong> Turquie, M. Akin Birdal, a tenu une conférence <strong>de</strong> presse<br />
<strong>de</strong>vant le bâtiment du ministère <strong>de</strong> l'Intérieur, à Ankara, durant<br />
laquelle il a déclaré que «par l'emploi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te expression, les<br />
citoyens arméniens ont été insultés; les associations <strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s<br />
droits <strong>de</strong> l'homme élèvent une protestation officielle contre ces propos».<br />
Les bureaux <strong>de</strong> Bakirköy <strong>et</strong> Maltepe; ainsi que plusieurs cellules<br />
du parti politique «Liberté <strong>et</strong> Solidarité», fondé par <strong>de</strong>s militants <strong>et</strong><br />
intellectuels <strong>de</strong> gauche, ont envoyé <strong>de</strong>s messages <strong>de</strong> protestation à la<br />
rédaction <strong>de</strong> l'he!xJomadaire Agos (2).<br />
Ce mouvement <strong>de</strong> protestation collective semble aVOIrporté<br />
ses fruits. Lors d'une visite' effectuée au Patriarcat <strong>de</strong>s<br />
Arméniens <strong>de</strong> Turquie à l'occasion <strong>de</strong>s fêtes pascales, le ministre<br />
<strong>de</strong> la Santé <strong>et</strong> porte-p'arole du gouvernement, M. Yildirim<br />
Aktouna, s'est désolidarisé du ministre <strong>de</strong> l'Intérieur, en réponse<br />
aux questions <strong>de</strong>s journalistes d'Agos <strong>et</strong> Jamanak (3). «Les propos<br />
<strong>de</strong> Mme Akchener ont dépassé leur portée initiale, <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce '<br />
point <strong>de</strong> vue, au nom <strong>de</strong> notre ministre <strong>de</strong> l'Intérieur, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s excuses à tous les Arméniens <strong>de</strong> Turquie.» Avant d'ajouter:<br />
«Si l'on me traitait un jour <strong>de</strong> "sperme d'un Turc", moi aussi je<br />
serais en colère. Je comprends alors tout à fait la sensibilité <strong>de</strong>s<br />
:citoyens arméniens, <strong>et</strong> encore une fois je leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
:excuses.»<br />
Les explications <strong>de</strong> Mme le ministre<br />
La presse turque, par l'entremise <strong>de</strong> ses grands chroniqueurs,<br />
n'a pas non plus été en reste. Mais plus intéressante<br />
encore est assurément la réaction du ministÎ'e<strong>de</strong> l'Intérieur en<br />
personne, qui a reçu le l'' avril la délégationreprésentative(4) <strong>de</strong><br />
la communauté arménienne <strong>de</strong> Turquie, composée <strong>de</strong> M. Pilo<br />
Atan, Mme Louise Bakar, M. Kegham Garabedian, M. Toros<br />
Apik <strong>et</strong> M. Hagop Tashken.<br />
Ce fut l'occasion pour Mme Akchener <strong>de</strong> faire acte <strong>de</strong><br />
contrition. «Je sais que le peuple arménien a été profondément<br />
blessé par mon expression. Mais je dis franchement que ces propos<br />
visaient l'ASALA, <strong>et</strong> non nos compatriotes arméniens vivant<br />
en Turquie <strong>et</strong> dans 'd'autres coins <strong>de</strong> la planète. C<strong>et</strong>te expression<br />
n'est digne ni <strong>de</strong> mon rang <strong>de</strong> ministre <strong>de</strong> /'Intérieur, ni <strong>de</strong> ma<br />
,personne. Je regr<strong>et</strong>te mes propos. Que voulez-vous, les gens sont<br />
faillibles. J'ai r<strong>et</strong>enu la leçon. En tout cas, je reconnais <strong>de</strong>vant<br />
les caméras <strong>de</strong> télévision avoir fait une erreur <strong>et</strong> ai le courage <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pardon.»<br />
Mme Louise Bakar, responsable du service <strong>de</strong> presse du<br />
Patriarcat <strong>de</strong>s Arméniens<strong>de</strong> Turquie, a considéré l'affaire Close.<br />
De son côté, M. Hrant Dink, le directeur <strong>de</strong> publication <strong>de</strong><br />
l'hebdomadaire Agos, que nous avonsjoint au téléphone,a précisé<br />
que «ce n'est pas la première fois en 80 ans que les autorités<br />
turques utilisent <strong>de</strong>s adjectifs insultants à l'adresse <strong>de</strong>s<br />
Arméniens, en revanche c'est la première fois <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong>s années ( ... ), qu'un ministre turc, dans une salle non-<br />
,exclusivement remplie d'Arméniens, mais où se pressaient tOllS<br />
les médias <strong>et</strong> journalistes turcs, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s excuses, non seulement<br />
aux Arméniens <strong>de</strong> Turquie, mais aussi à tous les Arméniens<br />
du mon<strong>de</strong> entier». Selon M. Dink, «la <strong>de</strong>uxième intervention<br />
(Ndlr : le pardon du ministre)fut beaucoup plus importante <strong>et</strong>.<br />
spectaculaire que la première» .•<br />
RAFFI H. ARAXES,<br />
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