Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti
rieurs, avaient falsifié leurs' comptes-rendus
pour donner de la crédibilité à
l'accusation. «La CIA n' avait pas de
preuve à ce sujet ». déclara-t-il le 25 septembre
1991 devant le comité sur le renseignement
du Sénat aÏnéricaiÏl.. La thèse
de la« filière bulgare» n'en renforça pas
moins l'image de l'URSS comme empire
du mal, tout en détournant l'attention des
liens entre les services de renseignement
américains et l'extrême droite turque.
Le responsable de l'antenne de la CIA
à Rome au moment de la fusillade contre
le pape, M. Duane Dewey Clarridge,
avait été en poste à Ankara. n s'y trouvait
dans les années 70, quand les Loups gris.
commirent une vague d'attentats qui
contèrent la vie à des milliers de démocrates
et de Kurdes. A cette époque, les
Loups gris opéraient avec la bénédiction
et la ,protection de l'Organisation de la
contre-guérilla, une section du département
des opérations spéciales de l'armée
turque. Ce département - installé dans le
bâtiment de la mission d'assistance militaire
américaine à Ankara - recevait des
fonds et bénéficiait d'entraînement de
conseillers américains. n s'agissait de
créer des escadrons clandestins, formés
de civils supposés rester en retrait et
mener des actes de sabotage dans l'hypothèse
d'une invasion soviétique, sur le
modèle répandu dans tous les pays de
l'OTAN (2). Mais, en fait, ces agents se
concentrèrent sur des cibles intérieures.
Ancien procureur militaire et membre
de la Cour de justice suprême turque,
M. Emir Deger a établi la preuve de la
collaboration entre les Loups gris et les
forces antiguérilla du gouvernement
ainsi que les liens très étroits entre ces
dernières et la CIA Ces unités paramili-'
taires clan~estines étaient chargées de la
traque et de la torture de l'extrême.
gauche, si l'on en croit M. Talat Thrkan,
un haut responsable militaire en retraite,
auteur de trois livres sur leurs activités
(3). Les Loups gris furent ainsi à l'origine
d'une partie de la violence politique
qui culmina par le coup d'Etat militaire
de 1980.
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Là ReaIpôlitik de l'époque de la guerre'
froide obligea les Loups gris et leur
parrain turc, le Parti d'action nationale,
d'accepter une alliance discrète avec
l'OTAN et la CIA Avec à sa tête le colonel
Alparslari Türkes, cette' organisation
défendait une' idéologie panturque,
réclamant le retour de territoires de
l'URSS sous la bannière d'un empire
turc ressusCité.' ,
PendaÎ1t plus de quatre' décennies,
l'importance stratégique de la Thrquie a
tenu au fait qu'elle était pour l'Occident
. le rempart le plus à l'est contre le bloc
soviétique. La CIA utilisait des partisans
de la Grande Thrquie pour attiser les passions
antisoviétiques au sein des minori-'
tés turques musulmanes en URSS. Bien
que cette politique soit devenue caduque
en 1991, elle avait permis l'imPlantation
des Loups gris en Asie centrale. Si bien
qu'après, les croisés de la Grande 'furquie
se répandirent chins les territoires de
l'ancienne Union soviétique. Certains
devinrent conseillers des gouvernements
dans la région.
Autorisé à'reprendre ses activités politiques,
malgré la peine de prison (écourtée)
purgée dans les années 80,le colonel
Türkes se rendit ainsi en 1992 dans
l'Azerbaïdjan indépendant, où il fut
accueilli en héros. A Bakou, il appuya la
candidature du sympathisant des Loups
gris, M. Abulfaz Elchibey, qui fut ensuite
élu président. Ce dernier choisit comme
ministre de l'intérieur M. Iskender
Garnidov, un extrémiste incontrôlable
affichant son appartenance aux Loups
gris et plaidant ouvertement pour la création
d'une Grande Thrquie qui comprendrait
le nord de l'Iran et s'étendrait
jusqu'à la Sibérie, l'Inde et la Chine. n
fut forcé de démissionner en avril 1993
après avoir menacé l'Arménie d'une
attaque nucléaire.
Abdullah Catli sortait alors de plusieurs
années d'emprisonnement. Evadé,
en 1990 d'une prison suisse, ilrejoignit le
maquis néofasciste en Thrquie. En dépit
de son implication dans la tentative
d'assassinat du pape. il fut recruté
o
comme organisateur d'un escadron de'la
mort destiné à mener la sale guerre
contre les Kurdes (4.) En échange de la
coopération d'Ankara durant la guerre du
Golfe, Washington fermait les yeux sur
les bombardements de l'aviation turque
contre les bases kurdes en territoire irakien.
De même, les escadrons de la mort
antikurdes purent assassiner en toute
impunité plus d'un millier de civils dans
le sud~t de la Thrquie. Des violations
évidentes des droits de l'homme perpétrées
par les forces de sécurité turques
furent dénoncées par Human Rights
Watch, Amnesty International et le Parlement
européen.
L'accident du 3 novembre 1996 devait
révéler le rôle de Catli dans la persécution
des Kurdes. Dans les débris de la
voiture se trouvait la preuve de ce que de,
nombreux journalistes et militants des
droits de l'homme soupçonnaient depuis
longtemps: les gouvernements successifs
turcs avaient protégé des narcotrafiquants,
abrité des terroristes et financé
des gangs de tueurs pour éliminer dissidents
turcs et rebelles
kurdes. Le colonel Alpars-
Ian Türkes le confirma
d'ailleurs: « Catli a coopéré
dans le cadre d'un
service secret travaillant
pour le bien de l'Etat (5). »
Quant à Mme Tansu Ciller,
l'actuel ministre des
affaires étrangères, elle prit
également sa défense: « Je
ne sais pas s'il est coupable
ou non, mais je me
souviendrai toujours avec
respect de ceux qui ontfait
feu ou ont été blessés, au
nom de ce peuple. de cette
nation et de cet Etat (6). »
Réclamant une enquête
poussée. 80 membres du
Parlement turc ont pressé
le procureur fédéral de
poursuivre MmeCiller pour
activités criminelles et de
sanctionner les opérations
illicites. L'accident de
voiture de Susurluk, firentils
valoir, offrait une occasion
historique de tirer au
clair des affaires de
meurtres, de trafic de
drogue et d'armes 10l1gtemps étouffées.
. Ce scandale a stimulé la presse turque.
Mais nombre de journalistes qui enquêtaient
sur les liaisons dangereuses entre
trafiquants d'héroïne et de hauts responsables
de la police ont été assassinés par
des escadrons de la mort au cours de ces
dernières années. Quant aux procureurs,
ils ont toutes les peines du monde à résister
aux pressions de leurs supérieurs.
Interrogé, le département d'Etat américain
déclare n'avoir aucun commentaire
à faire sur l'affaire dè Susurluk. Une
affaire purement intérieure turque, rien
d'autre ...
(I) Lire Gilles Perrauh. «La grotesque et
pitoyable fable de la filière bulgare ». Le Monde
diplomatique. mai 1987.
, (2) Lire François Vitrani. «L'Italie. un Etat de
"souveraineté limitée" ». Le Monde diplomatique.
décembre 1990.
(3) Info-Turk Bulletin. Bruxelles. février 1993.
(4) Info-Turk Bulletin. décembre 1990.
(5) The Ne .....York Times. 19décembre 1996.
(/i) lhid,'m.