Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro
de la Prensa-Basm Ozeti
Le coordonnateur humanitaire
I -
de l'ONU en Irak a dû démissionner
Hansvon Sponeck a eu le tort de critiquer l'embargo-contre Bagdad
Le coordonnateur humanitaire de l'ONUen Irak, l'Allemand
Hans von Sponeck, qui a démissionné de ses
fonctions, proteste contre l'embargo qui frappe, à ses
NEWYORK(Nations unies)
de notre correspondante
C'est devenu la norme: tout responsable
de l'ONU qui se prononce
contre les sanctions économiques
imposées à l'Irak est
contraint de démissionner. La dernière
victime de cette règle non
écrite est le coordonnateur humanitaire
de l'organisation à Bagdad.
Présenté comme une «démission'»
volontaire, lundi 14février,
le départ du diplomate allemand
Hans von Sponeck - qui sera effectif
fin mars - aurait été «provoqué»
par le secrétariat. Il a d'ores
et déjà entraîné la démission du
chef du Programme alimentaire
mondial à Bagdad, Jutta Burghardt.
Leur retrait traduit la dichotomie
de plus en plus profonde, au
sein du secrétariat de l'ONU, entre
ceux qui dirigent le programme
humanitaire sur le terrain et ceux
qui en sont responsables à New
York.
Comme tous ceux qui côtoient
de près la situation en Irak, M. von
Sponeck p'a pas pu s'empêcher,
Une pauvret~ maSS/lie
L'Irak est « passé d'une relative
prospérité à une pauvreté massive»
depuis l'imposition des sanctions
'(,iel'ONU en 1990,indique le
dernier rapport de l'ONU (1"avril
1999)sur la situation humanitaire
dans ce pays.
• Mortalité tnfanWe. D'après
l'Organisation de l'ONU pour
l'enfance, le taux de mortalité
infantile y est parmi « les plus
élevés au monde ». De 56 pour
1000,pour les moins de cinq ans,
en 1991,il est passé à 131pour
1000actuellement. L'insuffisance
pondérale à la naissance concerne
au moins 23 % des nouveau-nés.
La malnutrition chronique affecte
un enfant de moins de cinq ans
sur quatre.
• Mortalité maternelle. Le taux
de mortalité maternelle, selon le
Fonds des Nations unies pour la
population, est passé de SO pour
100000naissances en 1991à 117
en 1998.
• AUmentation. D'après le
programme alimentaire mondial,
la disponibilité énergétique
alimentaire est tombée de 3 120à
dès novembré 1999, de protester
publiquement contre le régime
des sanctions et ses conséquences
sur la population civile. Ses propos
avaient alors suscité la colère
des responsables américains, qui
ont exigé son départ. Son contrat
n'a donc été renouvelé que pour
six mois. Il aurait, à son retour à
Bagdad, reçu «par écrit» des
«instructions précises» du siège,
lui demandant de ne plus exprimer
en public son opposition aux
sanctions, sous peine de voir son
contrat résilié.
Comme son prédécesseur irlandais,
Dennis Halliday, le diplomate
allemand ne s'est toutefois
PiI;lprivé dt;Mnpnc~r,le_ «génocide
»sanctiiimé par l'ONU depuis
une décennie. Egalement désireux
de se faire entendre sur
tousleS aspects de la politique internationale
en Irak, il serait en
train de préparer un rapport sur
les effets. des bombardements
quasi quotidiens américano-britanniques
dans les zones d'exclusion
imposées à l'aviation ira-
1093 calories par habitant et par
jour.
• Eau et énergie. Selon le
Programme des Nations unies
pour le développement, 41% de la
population seulement a accès à
l'eau propre. Lescoupures
d'électricité peuvent durer jusqu'à
dix heures par jour.
• Maladies mentales. D'après
l'Organisation mondiale de la
santé, le nombre de malades
mentaux s'adressant aux services
de santé a augmenté de 15% entre
1991et 1998.
• Scolarisation. D'après
l'Unesco, le taux de scolarisation,
tous âges confondus, est tombé à
53 %. 8613 bâtiments scolaires,
sur un total de 10334,ont été
gravement endommagés en Irak.
La commission chargée de la
rédaction du rapport est
convaincue que « la situation
humanitaire demeurera difficile en
l'absence d'une reprise durable de
l'économie irakienne, à laquelle les
secours dans le cadre du
programme Pétrole contre
nourriture ne sauraient suffire ».
yeux, la population civile. La Russie, soutenue par six
pays membres du Conseil de sécurité, a demandé que
M. von Sponeck soit entendu en séance publique.
kienne. «La tragédie des civils
irakiens a atteint un point tel qu'il
n'est plus possible de se taire », a-til
dit dans des déclarations à la
presse. La mortalité infantile a
«plus que doublé» et le «désespoir»
de la jeunesse incite à se demander
s'« il est possible de s'associer
à une telle réalité. Pour ma
part,j'en suis incapable ».
• UN PROBLèME DE CONSCIENCE •
La Russie, soutenue par six pays
dont la France, a demandé que le
Conseil de sécurité puisse l'entendre
en séance publique. Les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne
ont affirmé vouloir demander
l'avis du secrétariat général. Jusqu'à
maintenant, aucun chef de
mission sur le terrain n'a pu être
entendu par le Conseil à cause de
l'opposition systématique de Benon
Sevan, le responsable du programme
humanitaire de l'ONU à
New York.M. Sevan n'a jamais pu
supporter qu'il puisse y avoIr des
voix discordantes au sein du programme
Pétrole contre nourriture
dont il a la charge. Il a voulu et obtenu
le départ de M. Halliday et de
M. von Sponeck. M. Sevan leur reproche
d'avoir, en dénonçant publiquement
les sanctions, «politisé»
le programme humanitaire,
dont le bon fonctionnement est,
d'après lui, tributaire de la neutralité
de ceux qui en sont chargés.
CeJ;t~in~",à, rO~Y", accusent
néanmoins .M.Sevan d'être «sous
inj/uénce anglo-saxonne ». Lors
d'une rencontre avec Le Monde'
vendredi 18février, M. Halliday a
relevé une «anomalie» au sein du
programme à New York. «Le
conseiller le plus proche de Benon
Sevan est un Anglais, Allen Fellows,
JEUDI 24 F~VRIER2000
qui vient du ministère de la défense
britannique. C'est lui, ajoute-t-il,
qui prend connaissance des rapports
en provenance de Bagdad et
les modifie avant leur remise au secrétaire
général et au Conseil de sécurité.
»
Pour ceux qui travaillent sur le
terrain, les conséquences des
sanctions deviennent «un problème
de conscience », commente
un haut responsable de l'ONU.
Mais à New York,le secrétariat est
obligé de se conformer aux décisions
du Conseil et «les employés
l'ONU sont tenus de s'abstenir de
formuler des opinions personnelles
». Les voix discordantes se
multiplient malgré tout.
« La vérité est que le programme
Pétrole contre nourriture ne fonctionne
pas, explique un diplomate.
Après dix ans de sanctions, toute
l'infrastructure civile de l'Irak est en
ruine. Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité.
A quoi cela sert-il d'avoir du
lait en poudre pour les enfants si
l'eau est contaminée? Les médicaments
dans un hôpital sans électricité
ne servent à rien ... » Or les
Etats-Unis continuent de s'opposer
à l'importation par l'Irak des
équipements nécessaires à la réfection
de ses infrastructures.
INTIlANSIGEANCE AMIIRICAlNE
L'intransigeance américaine met
en difficulté le secrétaire général
de l'ONU, Kofi Annan. Rudement
critiqué à Washington pour sa rencon~e).e~.f~~!=r
1998,,vec le pré-
,sident irakien, Saddam Hussein,
.M. Annan s'efforce, depuis, de se
tenir à l'écart, du ,dossier irakien,
mais il n'y réussit pas toujours.
Ainsi, en juillet 1999,il a été forcé,
sous la pression des Russes, de demander
le départ du diplomate
australien, Richard Butler, président
de l'ancienne commission
spéciale chargée du désarmement
de Bagdad. Six mois plus tard, ce
sont les Américains qui l'ont obligé
à «inviter» M. von Sponeck à
démissionner.
Les détracteurs de la politique
des sanctions ne se taisent pas
pour autant. Dans un récent rapport
des parlementaires britanniques,
travaillistes et conservateurs
ont fait valoir que cette
politique, non seulement n'a pas
réussi à venir à bout du régime irakien,
mais elle a « démesurément»
pénalisé la population en entraînant
une dégradation des infrastructures
du pays. Même son de
cloche à Washington où, dans une
lettre au président Bill Clinton. un
groupe de soixante-dix membres
du Congrès conduit par le démocrate
David Bonoir a fait valoir
que «le peuple irakien doit avoir le
droit de réhabiliter son économie ».
Afsané Bassir Pour
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