Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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d'hui peu à peu tempérés. Si, au cours de la première
décennie qui s'écoula après la chute du
shah, le pays, préoccupé par la guerre contre
l'Irak, fut saisi d'une sorte de ferveur religieuse,
il semblerait qu'ensuite, et aujourd'hui encore,
on assiste à une réaffirmation du sentiment
national.
De fait, durant les premières années de la
révolution, les conservateurs religieux deTéhéran
firent démonter une statue du poète Ferdowsi*,
dont ie poème épique Shah Nameh, ou
le livre des rois [éd. J. Maisonneuve, 1976] avait
tenté de redonner sa fierté à l'ancienne culture
-persane. Et ce à une époque où les Iraniens
se sentaient quelque peu dévalorisés par les
conquérants arabes qui introduisirent l'islam
en Iran, au VIle siècle. Aujourd'hui, la statue
de Ferdowsi a été réinstallée et des lectures
publiques du Livre des rois peuvent être organisées
sans incident. Par ailleurs, le ministre de
la Culture iranien a présidé au début de l'année
une cérémonie exceptionnelle à Persépolis,
où est situé le château en ruines de l'ancien
roi perse Darios 1 er , afin d'y célébrer le No Ruz,
le nouvel an persan. Cet événement a coïncidé
avec un décret du gouvernement informant
qu'il ne voyait pas d'objection à ce que la population
commémore la nouvelle année autour
du grand feu de joie traditionnel, une coutume
critiquée par les religieux conservateurs parce
qu'elle s'enracine dans le zoroastrisme de l'Iran
préislamique.
Aux yeux de certains de ceux qui se rassemblent
autour de la tombe d'Hafez, la culture
profonde et ancienne de leur pays ne peut
que renforcer la tendance politique actuelle en
faveur de la réforme et de la modération. ''Cette
tombe prouve que nous avons une grande et
ancienne civilisation", remarque Nehdi Mahdimosleh,
une civilisation qui, comme l'a encouragée
le président Khatami, est avide de nouer
avec le reste du monde un vrai "dialogue de civilisation"et
non de s'isoler et de tenter d'exporter
sa révolution. "Comme l'a dit Khatami,
l'heure est aujourd'hui au dialogue. Nous avons
une très ancienne culture et nous en sommes fiers."
Quoique Hafez soit pour une part une figure
religieuse, l'ambiance qui règne autour de sa
tombe n'est ni pieuse ni austère. Respectueuse,
oui. Mais il ne faut pas insister beaucoup
auprès des Iraniens pour qu'ils ouvrent leur
exemplaire de ses œuvres poétiques, son Divan,
et se mettent à le lire à haute voix pour le seul
plaisir de jouir de ses sonorités.
"UNE alVltU, DE LA MU'IQUE, DU VIN,
UNE AMIE. UNE .oaTE DE PAIlADI ......
A l'occasion d'une de ses visites quasi hebdomadaires
à la tombe du poète, Reza Bordbar,
22 ans, lit un de ses textes favoris. "Une nuit,
malgré mon grand âge, serre-moi fort entre tes bras
pour qu'au matin de ton étreinte je sorte rajeuni",
récite-t-il sous le regard de ses amis. "Attention,
m'avertit-il, en Iran, les gens aiment parler de ce
qu'ils ne peuvent pas voir de leurs propres yeux ...
Une rivière, de la musique, du vin, une amie. Une
sorte de paradis ... Je parle de Dieu." Soit. Mais
nombreux sont en Iran les amateurs d'Hafez
qui prennent au pied de la lettre ses évocations
du vin et des femmes, et soutiennent qu'il était
un homme d'une sensibilité si élevée qu'il percevait
le divin dans les plaisirs quotidiens, un
aspect de la poésie et de la culture persanes bien
connu en Occident à travers l'œuvre d'Omar
Khayyam**, mais qui se trouve un peu en
porte-à-faux avec le puritanisme des vingt dernières
années ...
"J'adore Hafez", déclare Massoud Karam,
un étudiant de 18 ans qui, avant de se rendre sur
la tombe du poète, s'est arrêté pour manger une
glace au salon de thé installé à proximité du
mémorial, l'un des trois sites de Chiraz consacrés
à des poètes mystiques. "Il dit que l'amour
est une bonne chose. .. Qu 'j[ est important dans la
vie. Qu'j[ est nécessaire. Il dit cela de tous lespeuples
de la terre, souligne-t-il. Si tu veux consulter Hafez,
il faut faire un vœu, dire : 'Hafez, aide-moi à savoir',
puis ouvrir le livre." C'est ce que fit Karam, qui
lut : "Viens, que nous puissions effeuiller la rose et
verser le vin dans la coupe."
* Poète épique persan du X' siècle.
** Savant et poète persan du XI' siècle. Son œuvre fut
traduite en Angleterre au XIX' siècle par E. Fitzgerald.
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N
I R A K
Le casse-tête Saddam Hussein
• Presque dix ans après la fin de la guerre du Golfe, Saddam
Hussein est en train de gagner la bataille, écrit The Guardian.
Pour le quotidien britannique, le bilan d'une décennie de
sanctions onusiennes contre Bagdad est loin de constituer une
victoire pour le camp occidental. Jamais les Etats-Unis et le
Royaume-Uni,fers de lance de cette politique, n'ont été autant
isolés sur la scène internationale. Leurs accusations contre
Saddam, stigmatisé comme le seul responsable de l'agonie
de son peuple, ne convainquent plus personne. Au Conseil
de sécurité, la France a même rejoint la Chine et la Russie pour
critiquer les positions anglo-américaines.
A travers le monde, le dictateur irakien a su habilement exploiter
les malheurs de sa population, qui survit sous l'embargo:
épidémies, mortalité infantile, malformations génétiques,
famines ... Ces images ont fait le tour de la planète. Au Moyen-
Orient, l'Irak n'est plus un pays pestiféré. Il vient de signer un
accord commercial avec la Turquie et a renoué des relations
avec son ennemi héréditaire, la Syrie. Même la Ligue arabe lui
fait un bon accueil et l'invite à ses réunions.
L'embargo a bel et bien échoué, et le dictateur irakien est toujours
en place. Mais céder aujourd'hui aux exigences de Saddam
Hussein et lever les sanctions sans conditions n'en est
pas moins une politique à risques.
Elle aura un effet dévastateur sur la crédibilité de l'ONU dans
le monde et risque de surcroît de se retourner contre le peuple
irakien. Fort de cette nouvelle .victoire., le bourreau de Bagdad
pourrait se sentir les mains libres pour frapper à nouveau
ses opposants kurdes au nord de l'Irak et chiites au sud.
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