Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basm Özeti
d'assaut par les services de sécurité
syriens du complexe résidentiel de
Rifaat El Assad à Lattaquié, sur la
côte-méditerranéenne, jugé décidément
trop remuant malgré son exil.
Une violente algaradè a ainsi oppotête
de l'armée et des services de
renseignement sur lesquels repose
le pouvoir, une purge a ét~ entreprise.
L'oncle de Bachar, Rifaat
. El Assad, « âme damnée» du. régime,
en a fait les frais, il y a deux
ans, en perdant définitivement un
titre de vice-présiâent: viae âe~sä
substance depuis longtemps. La
demière victime en date est le responsable
du principal service de sé-.
curité, les renseignements militaires,
Ali Douba, dont l'étoile'
pâlissait depuis plusieurs mois et
qui a été remplacé par son numé.ro
deux, Hassan Khalil, responsable
sé le bras droit de Bachar pour les .
aIfäiresae séaififé;Assef Chaiikat,
beau-frère de Bachar, au frère cadet
de ce dernier, Maher, également
responsable dans l'armée. Un
titre de vice-président ou l'entrée
dans le commandement régional
du parti Baas, le parti du président,
permettraient sans doute de
consolider ce statut inconfortable
de dauphin. Reste à savoir si le président
El Assad, dont l'état de santé
serait chancelant,
enfin venu.
juge ce moment'
Gilles Paris
« On a perdu cinquante ans, on est en retard dans tout ... »
DAMAS
de notre envoyé spécial
Début février, un commentateur
arabe vivant à Damas, Hicham Da-
. jani, s'est étonné dans les colonnes
de Al-Hoyat, le prestigieux quotidien
saoudien édité à Londres, du «silence.
assourdissant des Întellectuels
syriens» sur les négociations de paix
èntre la Syrie et Israël. Depuis la reprise
contrariée des discussions
. entre les deux pays, la presse officielle
syrienne s'est globalement
contentée de reproduire la position
des autorités. Seul Ali aida Orsan, le
président syrien de l'Union des écrivains
arabes, s'est prononcé publiquement
contre les négociations.
L'Union avait exclu de ses rangs en
1995 le grand poète syrien contemporain
Adonis, accusé d'être favorable
à une normalisation culturelle
avec Israël. Rencontré à Damas, le
2 mars, M. Orsan a confirmé cette
opposition. Interrogés dans des
. conditions strictes d'anonymat,
trois observateurs syriens nous
confient leurs sentiments personnels
et leurs réflexions. nois attitudes
face à une paix longue à venir ..
• Le sceptique
«Qu'est-ce que je pense d'une
paix avec Israël, franchement, je ne
sais pas quoi dire ? Je suis pour. J'ai .
des amis israéliens. Mais le régime
va présenter comme une victoire le
fait de récupérer quelque chose. qu'il
a perdu, il y a plus de trente ans, et
pour laquelle il porte une responsabilité.
Et ça, ça me gêne. Je trouve
aussi 9ue le Golan, en Syrie, est de-
. venu depuis vingt ans un dossier
politique et non quelque chose de
populaire. Il' n'y a pas d'attachement
affectif au Golan. A la limite,
on se sent' plus concerné et plus
proche de ce qui se passe au liban
qu'ils vont se prononcer sur la paix,
je les envie, je trouve très beau
qu'un gouvernement prenne ce
risque, alors même que sur le Golan,
les avis sont très partagés. Moi
j'aimerai bien voter, même si cela
reviendrait à voter pour ce régime,
paradoxalement. Car on lui resud,
entre le Hezbollah et l'armée.
"israélienne.
» Pour nous, le Golan ne représente
rien de particulier- sauf, bien
sfir, pour les personnes qui ont été
chassées par les Israéliens mais qui
sont de toute façon des Syriens. Ce
ne sont pas des réfugiés comme les
réfugiés palestiniens. Cela fait tellement
longtemps que l'on vit sans le'
.Golan que l'on a pris l'habitude de
s'en passer.»
• L'optlmlste
«Il y a en Syrie un désir in-
"Croyable de changement. Le système
est complètement bloqué.
Après trente ans de loi martiale et
tie dépolitisation, on ne peut plus.
'espérer qu'un changement vienne
de l'intérieur. La conclusion d'un accord
de paix, en revanche, peut être
. la clef du problème. De fait, je salue
à l'avance cette paix parce qu'elle
voudra dire pour la Syrie un changement
radical. Depuis 1948,les mi-
. litaires justifient leur présence à la
tête de l'Etat par la guerre avec Israël.
On voit combien leur projet it:
échoué puisque aujourd'hui' on négocie
seulement pour retrouver ce
qu'ils ont perdu en 1967. Mais cette
perspective de paix provoque plusieurs
réactions. il y a ceux qui sont
pour, soit de leur propre jugement,
soit parce qu'ils voient que le régime
négocie cette paix, puis il y a
ceux qui ne changent pas et qui
considèrent qu'Israël va obtenir par
la paix ce qu'il n'a pas obtenu par la
. guerre.
» Quand je vois que les Israéliens
vont être consultés par référendum,
connail au moins une cheise, c'est sa
capacité de négocier dans de
bonnes conditions. Sur ce point, il
fait un bon travail. C'est vrai que sur
ce chapitre il vaut mieux être un Syrien
avec un président comme le
nôtre qu'un Palestinien avec Vasser
Arafat. Je regrette vraiment que le
régime ne sollicite pas le peuple à
cette occasion. Mais il est incapable
de le faire .
» Si je suis très impatient de voir
la paix, je ne peux pas ne pas
constater qu'elle va créer aussi un
traumatisme très profond. C'est
moins douloureux d'avoir été
communiste el: d'avoir vu la chute
du mur de Berlin et l'effondrement
de l'URSS. On a pu avoir été
communiste par idéal, puis après
découvrir qu'il y avait un énorme
mensonge derrière" de belles formules,
que tout ce en .quoi on pouvait
croire n'était qu'une illusion.
Avec la paix avec Israël, avec la normalisation,
la réalité d'Israël ne va
pas changer. On va découvrir non
pas une illusion, un Etat que ron-refuse
et qui n'est qu'une parenthèse,
mais l'incapacité d'entretenir cette
illusion. Ce qui fait que cette normalisation
sera lente.
» Je crois vraiment que la balle
est dans le camp des Israéliens.
. Il faut que la classe dirigeante
change de mentalité pour que la
paix puisse réussir. La normalisation,
de toute façon, ce ne sera pas
pour nous, Israël nous a pris une
partie de notre vie. La nouvelle
génération ne connaît pas Israël.
n en faudra sans doute trois pour
que la normalisation devienne une
réalité. »
• Le pessimiste
« On !l tellement tout justifié au
nom de l'état de guerre avec Israël
que je suis pessimiste. Pour nous, la
paix, c'est la clef de tout S'il y a la
paix, il y aura de meilleurs salaires,
des réformes, une autre vie. Mais les
intellectuels voient bien Que le ré-.
gime ne va pas changer de nature
avec la paix, alors qu'il va se poser
très vite pour nous un énorme problème
économique. On va se rendre
compte. que si on a très bien négocié.
et il faut le mettre au crédit du régime,
on n'a absolument pas préparé
la paix, On en parle depuis plus de
dix ans, mais on n'a rien fait du tout
et j'ai peur de la puissance économique
israélienne. On a perdu cinquante
ans, on est en retard dans
tout, l'industrie, les communications
... On a attendu le fax pendant
des années et on est très en retard
avec Intemet et la mondialisation.
On a bien vu en décembre 1999,
lorsque les discussions ont repris. En
Israël, la Bourse a flambé. En Syrie,
personne n'a bougé. Les commer-
. çants ~t les hommes d'affaires se
sont dit: attendons. Ce que je redoute,
c'est que les Israéliens se mettront
d'accord avec ceux qui tiennent
toutes les affaires en Syrie et nous,
nous n'aurons aucune retombée ..
» Si j'ai peur pour l'économie, je
n'ai pas peur, en revanche, pour la
culture, il y a une culture ici qui est
syrienne, arabe. La normalisation,
cependant, je n'y suis pas prêt ilfaut
attendre. Je ne pense pas qu'on va
avoir une situation comme en
Egypte où l'écrasante majorité des
intellectuels est hostile à la paix avec
Israël parce que lorsque la Syrie si- .
gnera, et avec elle le liban, il n'y aura.
plus de pays arabes en guerre. Mais
jusqu'à maintenant, Israël reste un
ennemi qui occupe des territoires qui
ne sont pas les siens. il faut que les
responsables israéliens changent,
qu'ils arrêtent de mentir. On voit
bien qu'ils ne parlent de la paix que
pendant les campagnes électorales .
Si on me demande maintenant si je
suis prêt à aller en Israël, je ne saurais
pas quoi répondre, je ne dis pas .
non, mais je ne dis pas oui. »
G.P.
38