Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro<br />
<strong>de</strong> la Prensa-Basm Oz<strong>et</strong>i<br />
LE MONDE I MERCREDI 8 MARS 2000 CUL TU R E- eiN ~ M A<br />
Parcours du combattant pour le « Voyage... »<br />
La question kur<strong>de</strong> investit avec difficulté<br />
ISTAMBUL<br />
correspondance<br />
La sortie <strong>de</strong> Voyage vers le soleil<br />
dans les salles <strong>de</strong> cinéma turques,<br />
le vendredi 3 mars, marque l'épilogue<br />
d'un véritable parcours du<br />
combattant. Après avoir effectué<br />
le tour du mon<strong>de</strong>, auréolé <strong>de</strong> plus<br />
<strong>de</strong> vingt prix récoltés dans les festivals<br />
turcs <strong>et</strong> internationaux, le<br />
film <strong>de</strong> Yesim Ustaoglu (Le<br />
Mon<strong>de</strong> du 7 juill<strong>et</strong> 1999) est enfin<br />
présenté dans son propre pays,<br />
selon les vœux exprimés par la<br />
réalisatrice, après plus d'une année<br />
d'atermoiements. En dépit <strong>de</strong><br />
c<strong>et</strong>te reconnaissance internationale<br />
plutôt flatteuse - <strong>et</strong> profitable<br />
- <strong>et</strong> d'une autorisation<br />
d'exploitation délivrée par le ministère<br />
<strong>de</strong> la culture turc, qui n'.~<br />
pas exigé <strong>de</strong> coupes, aucune dt:s<br />
gran<strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> distribution<br />
présentes en Turquie, tant nationales<br />
(Özen Film) qu'arrjéricaines<br />
(VIP, Warner), n'~'accepté <strong>de</strong><br />
prendre en charge la <strong>de</strong>stinée<br />
d'un film rendu sulfureux par son<br />
évocation sans complaisance du<br />
racisme anti-kur<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> la répression<br />
subie "ar c<strong>et</strong>te communauté.<br />
C'est donc dans un circuit restreint<br />
<strong>de</strong> huit salies indépendantes,<br />
dont l'une soutenue par<br />
Eurimages - fonds du Conseil <strong>de</strong><br />
l'Europe qui a aussi contribué au<br />
financement du film -, que ce<br />
<strong>de</strong>rnier a été distribué. Il est vrai<br />
que l'approche r<strong>et</strong>enue par la<br />
réalisatrice ne plai<strong>de</strong> guère en sa<br />
faveur face aux grosses machines<br />
hollywoodiennes <strong>et</strong> n'invite pas<br />
au consensus au sein <strong>de</strong> son<br />
propre pays. En relatant l'amitié<br />
tragique entre <strong>de</strong>ux jeunes, l'un<br />
Turc <strong>et</strong> l'autre Kur<strong>de</strong>, le film s'attache<br />
au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s déshérités,<br />
kur<strong>de</strong>s en majorité, qui ont fui la<br />
misère <strong>et</strong> la violence du sud-est<br />
anatolien pour venir grossir les<br />
bidonvilles <strong>de</strong> la métropole en<br />
quête d'un avenir meilleur. L'évocation<br />
<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te « Autre Turquie »,<br />
dont personne généralement ne<br />
veut entendre parler, se double<br />
d'un tableau sans concessions <strong>de</strong><br />
la situation militaire dans le su<strong>de</strong>st<br />
anatoliep marquée par la rél'ression<br />
<strong>et</strong> l'exo<strong>de</strong>.<br />
UNE APPROCHE OCCIDENTALE<br />
Longtemps passé sous silence<br />
par les médias turcs, le film a suscité<br />
à l'occasion <strong>de</strong> sa sortie <strong>de</strong>s<br />
commentaires élogieux, mais<br />
aussi <strong>de</strong>s attaques. Si la presse<br />
salue avec force le « courage » <strong>de</strong><br />
la réalisatrice, qui délivre un message<br />
d'amitié <strong>et</strong> <strong>de</strong> paix entre les<br />
peuples à la lumière d'une actualité<br />
toujours vive, ainsi que les<br />
vertus pédagogiques du film, appelé<br />
à jouer un rôle dans le « processus<br />
d'apprentissage démocratique<br />
» du pays, les appréciations<br />
les écrans turcs<br />
divergent cependant sur <strong>de</strong>ux<br />
points essentiels. La vision du<br />
conflit kur<strong>de</strong> par celle que l'on<br />
qualifie déjà <strong>de</strong> « Ken Loach <strong>de</strong> la<br />
Turquie» <strong>et</strong> qu'on situe dans le<br />
sillage du grand réalisateur politisé<br />
Yilmaz Güney (l'auteur du<br />
Mur) est jugée « déséquilibrée»<br />
en insistant surtout sur la répression<br />
militaire.<br />
Le racisme à l'encontre <strong>de</strong><br />
l'i<strong>de</strong>ntité kur<strong>de</strong>, dont témoignent<br />
en particulier les fameuses croix<br />
apposées sur les portes <strong>de</strong>s victimes<br />
<strong>de</strong> c<strong>et</strong> ostracisme, suscitent<br />
les réactions indignées <strong>de</strong> ceux<br />
qui préfèrent percevoir le film<br />
comme une œuvre visant avant<br />
tout le public étranger en épousant<br />
une approche occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong><br />
son suj<strong>et</strong>. Même r<strong>et</strong>ardée, la sortie<br />
<strong>de</strong> Voyage vers le soleil en Turquie<br />
témoigne cependant d'une<br />
évolution récente sur la question<br />
du pluralisme culturel. Si ce film<br />
est la plus abouti <strong>de</strong>s œuvres<br />
traitant <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité kur<strong>de</strong> au cinéma,<br />
il en va <strong>de</strong> même pour<br />
d'autres, comme récemment La<br />
Frontière, <strong>de</strong> Yasar Güner <strong>et</strong> Gürsel<br />
Ates, sorti lui aussi dans un<br />
réseau <strong>de</strong> salles « alternatif », ou<br />
La Terre, <strong>de</strong> Kazim Öz, toujours<br />
en attente d'une autorisation qui<br />
confirmerait que la Turquie a<br />
choisi la liberté d'expression.<br />
Nicolas<br />
Monceau<br />
Pour nous ouvrir<br />
les yeux LE nGARO MERCREDI 8 MAltS 2000<br />
CINtMA<br />
« Passeur <strong>de</strong> rêves»<br />
<strong>de</strong> Hiner Saleem<br />
n faut avoir vu ce film pour<br />
m<strong>et</strong>nll'el' <strong>de</strong>s drames qui se<br />
viveDt pnsque sous Dotte<br />
regard <strong>et</strong> sur lesquels lI4Ius<br />
fezmoDS les yeux,<br />
im~uisSllDtII.Mais est-ce<br />
QD8 excuse ? n s'agit cttl'tes<br />
d'QD8 fictioD mais iDspiree<br />
pas à pas pu les<br />
souffraDces physiques <strong>et</strong><br />
mentales que SODauteur a<br />
dO. SlU'IDOIItu poul'<br />
1I1UVivre.<br />
BiDer Saleem est kar<strong>de</strong>. na<br />
fui la ture <strong>de</strong> ses aucêtres<br />
oc:c:upée pu <strong>de</strong>s 8IlIl«Uis<br />
héréditaires <strong>et</strong><br />
impitoyables selon lesquels<br />
UD boD Kur<strong>de</strong> est UD Kur<strong>de</strong><br />
molt. n DOUS racoDte son<br />
eznmc:e clau<strong>de</strong>stine à<br />
travers <strong>de</strong>s pays d'Europe<br />
qui _ voulaieDt pas <strong>de</strong> lui<br />
<strong>et</strong> qui le l'IIDÇolllUlient<br />
d'autant plus que l'exactiOD<br />
restait forcément impunie.<br />
.&pied, U a travené les<br />
moutagDes du Caucase. La<br />
neige, le vent, la fatigue<br />
viemumt à bout <strong>de</strong>s plus<br />
jeuues <strong>et</strong> <strong>de</strong>s plus vieux qui<br />
l'escortent. Anivé en<br />
UlaaiDe, U faut graisser la<br />
patte du douanier qui<br />
réclame visa <strong>et</strong> passepolt,<br />
mais ce D'est jamais assez.<br />
Grice à mille ruses <strong>et</strong><br />
quelques p<strong>et</strong>its boulots<br />
notre évadé trouve les<br />
moyens <strong>de</strong> se cacher à fond<br />
<strong>de</strong> cale d'un bateau qui<br />
vogue vers Venise. Là<br />
encore lapolice veille; Use<br />
glisse entre ses mailles<br />
pour finalement gagner<br />
<strong>Paris</strong>. Car <strong>Paris</strong> c'est poul'<br />
lui lafratemité <strong>et</strong> laliberté.<br />
Mais ce sera la déception<br />
finale. Là encore, U sera <strong>de</strong><br />
trop avec la flaDcée qui a pu<br />
le rejoindre. Alon ils<br />
partiroDt euemble pour<br />
nulle palt, à travers la<br />
Beauce, à pied, avec le rêve<br />
d'avoir un jour UD eDlant qui<br />
sera chez lui. iciou aDIeus.<br />
Banal, dira-t-on. Oui.<br />
Bélas !Saleem nous racoDte<br />
<strong>de</strong>s péripéties qu'au foDd<br />
personne n'ignore. Mais ce<br />
que nul n'a su aussi<br />
foltement exprimer aVllDt<br />
lui, c'est l'angoisse. U_<br />
angoisse latente avec <strong>de</strong>s<br />
pics <strong>de</strong> crise chaque fois<br />
qu'un risque se profile <strong>et</strong><br />
qu'U faut pourtant paraitre<br />
indifférent pour De pas se<br />
faire prendre. C<strong>et</strong>te<br />
panique, Saleem l'a véc:ue<br />
jusqu'au fond <strong>de</strong> ses<br />
entrailles j elle s'inscrit à<br />
l'état vif sur l'éc:raD., elle<br />
nous saute à la coDSCieuce.<br />
Même si nous peDSODSD'y<br />
être pour rieD.<br />
C. B.<br />
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