Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basm Öz<strong>et</strong>i<br />
LA TRISTE ERRANCE<br />
DES ENFANrS KURDES<br />
ne rapportent pas toujours tout l'argent gagné à la maison.<br />
AlOTS, à son tour, Rezal <strong>de</strong>scend dans la ruc. « Les filles<br />
sont plus sérieuses », affirme sa mère. Surtout, elles<br />
ven<strong>de</strong>nt plus: les bouts <strong>de</strong> chou aux longs cheveux parfois<br />
emmêlés attendrissent les passants. Cela explique que,<br />
en 1998, 75 % <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong>s rues d'Istanbul étaient <strong>de</strong>s<br />
garçons, mais, à présent, plus <strong>de</strong> la moitié sont <strong>de</strong>s filles.<br />
Les enfants <strong>de</strong>s rues d'Istanbul habitent, pour beaucoup,<br />
le quartier <strong>de</strong> Talabasi,l'ancien gh<strong>et</strong>to juif <strong>de</strong>venu gh<strong>et</strong>to<br />
kur<strong>de</strong>. Un quartier lépreux, délabré, avec du linge qui sèche<br />
à toutes les fenêtres. Un quartier tout proche <strong>de</strong> Taksim,<br />
l'endroit où logent les touristes, où se trouvent les meilleurs<br />
restaurants, les bars <strong>et</strong> les boîtes à la mo<strong>de</strong>. Taksim, ses<br />
rues piétonnes, ses grands magasins; <strong>et</strong> la foule, compacte<br />
::l<br />
Victimes<br />
<strong>de</strong>, toutes . les<br />
repressions<br />
Au cours <strong>de</strong>s dix <strong>de</strong>rnières<br />
années, 3 500 villages<br />
du Kurdistan turc ont été<br />
évacués, incendiés, rasés.<br />
3 millions <strong>de</strong> personnes<br />
ont été déplacées <strong>de</strong> force.<br />
Ce sont <strong>de</strong>s chiffres officiels.<br />
Sans doute sous-évalués.<br />
Enfait, 5 à 6 millions<br />
<strong>de</strong> personnes auraient été<br />
chassées <strong>de</strong> chez elles.<br />
La raison ? La lutte contre le<br />
terrorisme. L'armée turque<br />
rase tout village soupçonné<br />
d'apporter <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
aux militants du PKK. Des<br />
centaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong><br />
familles paysannes sont<br />
ainsi arrivées dans les<br />
gran<strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> Turquie.<br />
Et notamment à Istanbul,<br />
<strong>de</strong>venue, en quelques<br />
années, la ville au mon<strong>de</strong><br />
qui abrite le plus <strong>de</strong> Kur<strong>de</strong>s.<br />
Un mot que l'Etat turc<br />
refuse d'entendre. Pour lui,<br />
le Kurdistan n'existe pas.<br />
" s'agit <strong>de</strong> la ccrégion du<br />
Sud-Est)). Engoncé dans un<br />
nationalisme étroit, l'Etat<br />
turc refuse <strong>de</strong> reconnaître la<br />
langue kur<strong>de</strong>, similaire<br />
au persan, proche du dari<br />
parlé en Afghanistan. Une<br />
langue sur laquelle repose<br />
une culture très ancienne.<br />
Intransigeant, l'Etat turc<br />
refuse toute chaîne <strong>de</strong> télé,<br />
toute radio, toute école<br />
£ kur<strong>de</strong>s. Et condamne à la<br />
8. prison toute personne<br />
~ qui parle <strong>de</strong> la différence<br />
.~ kur<strong>de</strong>. Leyla Zona, députée<br />
8 au Parlement turc, est<br />
.~ emprisonnée <strong>de</strong>puis mars<br />
::E 1994. Elle <strong>de</strong>mandait un<br />
statut d'autonomie au sein<br />
<strong>de</strong> la Turquie pour sa région.<br />
Elle purge une peine <strong>de</strong><br />
15 ans d'emprisonnement.<br />
Tout récemment, Daniel<br />
Cohn-Bendit <strong>de</strong>mandait<br />
aux autorités turques<br />
l'autorisation <strong>de</strong> lui rendre<br />
visite, en tant que prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> la commission mixte,<br />
chargée <strong>de</strong> faire la <strong>liaison</strong><br />
entre le Parlement européen<br />
<strong>et</strong> l'Assemblée nationale<br />
turque. Ankara le lui<br />
a refusé. Leyla Zana qui,<br />
un temps, avait bénéficié<br />
d'une cellule pour elle<br />
seule, a été transférée dans<br />
une cellule qu'elle doit<br />
partager avec trois autres<br />
femmes. Une femme<br />
démocratiquement élue<br />
est emprisonnée pour un<br />
seul délit: ses idées. A.LF.<br />
jusque tard dans la nuit. A qui vendre suffisamment <strong>de</strong><br />
mouchoirs, <strong>de</strong> roses, <strong>de</strong> briqu<strong>et</strong>s ou <strong>de</strong> cartes postales.<br />
Les enfants travaillent souvent <strong>de</strong> 2 heures <strong>de</strong> l'après-midi<br />
à 2 heures du matin. La moitié d'entre eux vont à l'école<br />
le matin. Mais ils sont si fatigués qu'ils sont condamnés<br />
à l'échec. L'autre moitié ne sait même plus ce que signifie<br />
l'école. Ils ont entre 6 <strong>et</strong> 14 ans.<br />
Dans la rue, ils vivent en ban<strong>de</strong>s. Des ban<strong>de</strong>s<br />
formées <strong>de</strong> gamins originaires du même village du<br />
Kurdistan. Des ban<strong>de</strong>s mixtes où les garçons ont pour tâche<br />
<strong>de</strong> surveiller les filles. Des ban<strong>de</strong>s qui courent dans les<br />
rues piétonnes, s'accrochent aux tramways, éclatent <strong>de</strong> rire.<br />
au se bagarrent. Les grands arrachent aux plus p<strong>et</strong>its<br />
les gâteaux qu'ils se sont fait offrir. Les garçons frappent<br />
les filles. Qui apprennent vite à répliquer aux coups <strong>et</strong><br />
à résister à la douleur. Dans la rue, les enfants connaissent<br />
une seule loi: celle du plus fort. Pour survivre, ils savent<br />
qu'il leur faut s'endurcir. Ces p<strong>et</strong>its durs, ces p<strong>et</strong>ites filles<br />
<strong>de</strong>venues <strong>de</strong>s garçons manqués sont pourtant avi<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> tendresse <strong>et</strong> <strong>de</strong> câlins. Une tendresse qu'ils ne peuvent<br />
recevoir à la maison. Leurs mères, épuisées par la misère<br />
<strong>et</strong> l'exil, enceintes souvent d'un neuvième ou dixième bébé,<br />
ne peuvent leur consacrer du temps. Mais, dès qu'un adulte<br />
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