Virginie Calmels - Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts ...

DOSSIER
“ ” Françoise Savés
Les valeurs féminines
s’imposent dans la société
française…
ENTRETIEN
Françoise Savés, présidente du comité Création et Développement des entreprises
“
Adaptons notre métier aux femmes
et non l’inverse !”
SIC : Pour renforcer l’attractivité auprès des jeunes,
vous n’hésitez pas à dire qu’il faut changer le discours, innover
dans les méthodes de travail et combattre des idées reçues ?
F.S. : Le sujet peut être abordé sous des angles différents. L’angle
féministe pour certains, discours mille fois entendu, serait de dire
que nous n’avons pas assez de femmes dans la profession, du moins
au niveau de la profession d’expert-comptable. C’est un fait et, tandis
que le personnel des cabinets est majoritairement féminin, nous perdons
ces femmes au fur et à mesure que nous gravissons les échelons
pour terminer à moins de 20 % au niveau de la profession d’expertcomptable.
Écartons tout de suite la difficulté des études et l’aptitude
à exercer des responsabilités. En 2008, nous n’en sommes plus là. Il
faut donc observer les évolutions sociétales pour faire de la prospective
métier. Attirée par le cursus, comme le prouve l’engouement
constaté auprès des étudiantes, la jeune femme a des doutes sur la
possibilité de pouvoir exercer le métier d’expert-comptable en pleine
harmonie avec sa vie personnelle.
Alors, l’expertise comptable, un métier d’homme ?
F.S.: Si c’était vrai ce serait terriblement négatif car la société a changé
en profondeur, les attentes ne sont plus les mêmes, les valeurs féminines
ont le vent en poupe ! Donc, finis les combats d’arrière-garde. Je me
souviens d’un certain 8 mars 2006, lorsque Jean-Pierre Alix avait pris l’initiative
de réunir pour un petit-déjeuner des femmes impliquées dans la
société, j’ai entendu avec un certain plaisir la plus jeune d’entre nous dire:
« Je sais gré à mes aînées d’avoir mené des combats pour l’égalité, elles ont ouvert
la voie, mais c’est fini, nous les jeunes femmes, nous ne voulons pas mener
la vie des hommes, nous voulons mener la nôtre. Et les hommes d’aujourd’hui
ont aussi envie d’une autre vie par rapport à celle de leurs aînés !»
Voilà donc le vrai message, celui que nos institutions et nos associations
doivent faire passer au corps professionnel et pas uniquement
aux jeunes, car l’évolution, elle doit être faite chez nous, dans
nos cabinets. Attirer, c’est faire évoluer nos mentalités. Oui, on peut
être expert-comptable sans avoir des réunions de 18h à 20h, on peut
travailler à son rythme, quatre jours sur cinq, on peut travailler chez
soi et aller au bureau uniquement pour les rendez-vous avec les clients
et avec les collaborateurs, on peut avoir un plan de carrière qui alterne
des périodes de plus ou moins grande disponibilité. Il n’y a pas de
fatalité, nous pouvons faire des choix et ils sont réversibles.
Ces valeurs féminines innervent toute la société française, les
jeunes hommes aussi veulent mettre le métier à leur main.
Désormais, ils sont dans leur vie parfois seuls, famille éclatée,
recomposée, enfants en garde alternée, ils adoptent un style de vie
célibataire marqué profondément par le travail des femmes, 81 %
des femmes entre 25 et 49 ans ont une activité professionnelle, ils
sont urbains, ils ont besoin de garder la main sur leur gestion du
temps.
Alors que faut-il faire ?
F.S. : Changer les mentalités, innover dans les modes d’exercice,
télétravail, temps partiel, collaborateur libéral, ne rien s’interdire, le
dire et le redire. Proscrire cette appellation d’hommes du chiffre,
inventée par les avocats et dont nous nous faisons l’écho. Elle est
froide, sans aucun sens de l’humain. Vous voulez que les femmes
s’y retrouvent ? Certes, notre métier c’est de mettre en œuvre des
techniques pointues, mais la finalité c’est le client, les salariés de
son entreprise, nos propres collaborateurs, l’utilité économique.
Un beau métier, non ? p
Les tournois de gestion
Sur quasiment toute la France, les Conseils régionaux de l’Ordre soutiennent, chaque année, en collaboration avec les établissements
d’enseignement locaux, l’organisation de tournois de gestion mettant les étudiants en situation pratique sur un cas d’entreprise
qui leur permet de simuler la vie d’une entreprise durant une période déterminée et souvent dans un environnement concurrentiel.
La remise des prix aux équipes lauréates est toujours un moment de convivialité avec des confrères et consœurs de la région
(exemples de la Bretagne, de la Champagne, de Poitou-Charentes-Vendée, etc.). D’autres Conseils régionaux déploient des trésors
d’imagination pour “accrocher” les jeunes autour d’activités partagées telles que des concours d’affiches (Orléans), des Challenge
Neige (Lyon Rhône-Alpes), ou à partir d’actions spécifiques pour faciliter les stages à l’étranger par exemple (Paris Ile-de-France).
20 SIC 262 AVRIL 2008