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SANTÉ PUBLIQUE<br />
Ces maladies infectieuses importées par les aliments.<br />
Y. Buisson (1), J.-L. Marié (2) & B. Davoust (3)<br />
(1) Institut de la francophonie pour la médecine tropicale, Ban Kaognoth, rue Samsènthai, BP. 9519, Vientiane, RDP Laos. E-mail : yves.buisson@auf.org<br />
(2) Secteur vétérinaire de Marseille, BP 48, 13998 Marseille Armées, France.<br />
(3) Direction régionale du service de santé des armées de Toulon, BP 80, 83800 Toulon Armées, France.<br />
Manuscrit n° 3210. “Santé publique”. Reçu le 31 décembre 2007. Accepté le 19 février 2008.<br />
Summary: These infectious diseases imported with food.<br />
People are sometimes frightened by food scares and foodstuffs are increasingly suspected of containing<br />
dangerous substances or infectious agents, as a result of the unprecedented development<br />
of the industry and food trade in the world. Rightly or wrongly, imported food is held responsible<br />
for the greatest risks. Importing an infectious disease along with food can be a source of danger,<br />
involving multiple agents, mainly bacterial (Salmonella, Campylobacter, Verotoxin producing Escherichia<br />
coli, Listeria…), but also parasitic (Toxoplasma gondii, Cyclospora cayetanensis, Trichinella<br />
spp…), and viral (Norovirus, hepatitis A virus), as well as non conventional communicable agents and<br />
mycotoxins. Prevention of food risks means enforcing international regulations on the part of the<br />
149 member states of the WTO, increasing vigilance with regard to illegal imports of food, systematically<br />
investigating collective food-borne outbreaks, and finally implementing controls according to<br />
the hazard analysis and critical control point (HACCP) method.<br />
imported food-borne disease<br />
food hygiene<br />
emerging pathogen agents<br />
globalization<br />
prevention<br />
Résumé :<br />
Les aliments font peur, de plus en plus souvent soupçonnés de receler des substances dangereuses<br />
pour la santé ou des agents infectieux en raison du développement irrépressible de l’industrie et<br />
du commerce alimentaires dans le monde. À tort ou à raison, les denrées alimentaires importées<br />
suscitent les plus grandes frayeurs. Le risque d’importation de maladies infectieuses par cette voie<br />
est bien réel, impliquant de multiples agents, principalement bactériens (Salmonella, Campylobacter,<br />
Escherichia coli producteurs de vérotoxine, Listeria), mais aussi parasitaires (Toxoplasma gondii,<br />
Cyclospora cayetanensis, Trichinella spp), viraux (Norovirus, virus de l’hépatite A), ainsi que des<br />
agents transmissibles non conventionnels et des mycotoxines. La prévention repose sur le respect<br />
d’une réglementation internationale par les 149 pays membres de l’OMC et la lutte contre les<br />
importations clandestines, une investigation systématique des foyers de toxi-infections alimentaires<br />
collectives et la mise en œuvre de contrôles suivant la méthode « HACCP ».<br />
maladies alimentaires d’importation<br />
hygiène des aliments<br />
agents pathogènes émergents<br />
mondialisation<br />
prévention<br />
Introduction<br />
Les aliments que nous consommons peuvent contenir des<br />
substances ou des agents pathogènes dangereux pour la<br />
santé. Toxiques chimiques, bactéries, virus, prions, parasites,<br />
algues, champignons, organismes génétiquement modifiés<br />
(OGM), longue est la liste des dangers potentiels qui forcent<br />
à considérer le contenu de notre assiette avec circonspection.<br />
La méfiance est accrue quand il s’agit de produits importés.<br />
Le journal L’Expansion du mardi 21 août 2007 ne révélait-il<br />
pas tout récemment que certaines denrées d’origine chinoise<br />
contenaient des substances dangereuses pour la santé ? La liste<br />
a de quoi inquiéter : colorants interdits dans les sauces et les<br />
gâteaux de riz, moisissures cancérigènes sur les fruits secs,<br />
résidus d’antibiotiques dans des lots de miel et de poissons,<br />
traces de mercure sur des anguilles, sans oublier des OGM<br />
non autorisés dans les nouilles…<br />
En se limitant aux seuls risques infectieux, cette revue aborde<br />
la question complexe du commerce international des aliments<br />
et envisage les agents pathogènes émergents, les aliments à<br />
risque ainsi que les mesures de prévention.<br />
Les circuits d’approvisionnement en<br />
denrées alimentaires évoluent<br />
L<br />
a mondialisation a tué l’exotisme culinaire : on mange de<br />
tout partout. Certains restaurants font du label « cuisine<br />
internationale » un atout publicitaire. Les migrants apportent<br />
leurs coutumes alimentaires tout en adoptant progressivement<br />
celles des pays qui les accueillent. La mode des produits crus,<br />
peu transformés, réputés « naturels », fait rechercher de nouveaux<br />
procédés de conservation pour garder les aliments plus<br />
longtemps. La diminution de l’intensité des traitements de<br />
conservation et l’accroissement de la durée de conservation<br />
des produits, constituent d’importants facteurs de risque (26).<br />
Des tendances récentes en matière de protection de l’environnement<br />
conduisent à réduire au maximum les emballages des<br />
produits alimentaires. Ces initiatives peuvent cependant avoir<br />
un effet pervers, car la fonction première des emballages est de<br />
protéger le produit des contaminations extérieures.<br />
De plus en plus à l’écoute des recommandations diététiques,<br />
les populations des pays développés veulent consommer tout<br />
au long de l’année une grande variété de fruits et de légumes<br />
qu’elles doivent importer des pays chauds (tropicaux) faute<br />
de pouvoir les produire sur place.<br />
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Selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation<br />
et l’agriculture (FAO), les perspectives d’accroissement de la<br />
population mondiale, de 2,5 milliards en 1950 à près de 10 milliards<br />
en 2050, s’accompagneront d’une réduction concomitante<br />
de la surface des terres cultivables de 0,5 à 0,2 hectare<br />
par habitant. Face à une demande croissante, la production<br />
mondiale d’animaux de boucherie augmente chaque année<br />
de 5 % pour les volailles, 3,1 % pour les porcs, 2,3 % pour<br />
les ovins et 0,5 % pour les bovins (données de l’Association<br />
nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes).<br />
Figure 1.<br />
Figure 2.<br />
Figure 3.<br />
Crevettes importées d’Inde et de Colombie.<br />
Shrimps imported from India and Colombia.<br />
Chinchards (Trachurus capensis) congelés, importés de Namibie.<br />
Frozen chinchards (Trachurus capensis) imported from Namibia.<br />
Évolution des échanges de viandes et conserves (en millions de tonnes<br />
équivalent carcasse) entre l’Union Européenne et le reste du monde<br />
(source : Office de l’élevage).<br />
Evolution of exchanges of meat and canned food (in million tons equivalent<br />
carcass) between the European Union and the rest of the world.<br />
700<br />
600<br />
500<br />
400<br />
300<br />
200<br />
100<br />
0<br />
exportations<br />
importations<br />
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006<br />
En constante progression, le commerce international des denrées<br />
alimentaires continue de se diversifier avec une implication<br />
croissante des pays émergents (figures 1 et 2). Ainsi, les<br />
exportations de volailles, charcuteries, fruits de mer, épices<br />
et jus de fruits à partir de la Chine ont été multipliées par<br />
vingt au cours des 25 dernières années. De même, le Brésil<br />
est devenu premier exportateur mondial de jus d’orange concentré<br />
et de viande bovine. Il est significatif de noter que les<br />
échanges de viandes et de conserves entre l’Union européenne<br />
et le reste du monde évoluent en faveur d’une augmentation<br />
des importations (figure 3). L’ascension du prix du pétrole a<br />
peu d’impact sur le transport par voie maritime des produits<br />
à longue conservation (appertisés, congelés ou surgelés).<br />
En théorie, cette tendance ne peut qu’accroître les risques<br />
de maladies importées par les aliments. En pratique, il est<br />
très difficile d’estimer la part de morbidité et de mortalité<br />
par maladies d’origine alimentaire imputable aux produits<br />
d’importation. Les anadémies diffuses véhiculées par des produits<br />
alimentaires exportés et parfois réexportés, beaucoup<br />
plus difficiles à identifier que les foyers classiques de toxiinfections<br />
alimentaires collectives (TIAC) bien limités dans<br />
le temps et dans l’espace, sont probablement sous-estimées,<br />
seules les plus importantes donnant lieu à une détection et à<br />
une investigation.<br />
Par ailleurs, le trafic clandestin de viandes de brousse vers l’Europe<br />
a pris ces dernières années des proportions nouvelles.<br />
Ainsi, en Grande-Bretagne, en 2003, plus de 50 tonnes de viandes<br />
interdites à l’importation ont été saisies, ne représentant,<br />
selon toute vraisemblance, qu’une infime fraction du trafic réel<br />
(12). Une enquête de l’AESA (Autorité européenne de sécurité<br />
alimentaire) estime à 2 000 tonnes annuelles le poids des importations<br />
illégales de viande en bagage à main par les aéroports<br />
internationaux des 25 pays de l’Union européenne.<br />
En sens inverse, il ne faut pas méconnaître l’introduction<br />
possible dans des pays en voie de développement de denrées<br />
contaminées provenant de pays développés ; l’anadémie<br />
d’encéphalopathie spongiforme bovine en constitue un exemple<br />
emblématique.<br />
Des risques infectieux multiples<br />
Le nombre d’agents pathogènes pouvant être responsables<br />
de maladies transmises par les aliments importés est<br />
considérable. Certains d’entre eux, du fait de leurs propriétés<br />
biologiques, sont sélectionnés par les procédés de conservation,<br />
de préparation industrielle et de conditionnement des<br />
aliments destinés à l’exportation. Il s’agit surtout de bactéries<br />
capables de résister à d’importantes variations de température<br />
et de pH ou à l’action de certains antibiotiques, mais aussi de<br />
virus et de parasites.<br />
Infections bactériennes<br />
Quatre ensembles d’espèces bactériennes prédominent largement<br />
et présentent une tendance inquiétante à résister aux antibiotiques<br />
: les salmonelles, les campylobacters, les Escherichia<br />
coli producteurs de vérotoxines et Listeria monocytogenes.<br />
Salmonelloses<br />
Salmonella enterica reste la première cause d’infections d’origine<br />
alimentaire en France, certains sérotypes ayant émergé<br />
au cours des dernières décennies. S. enteritidis, qui peut contaminer<br />
le contenu des œufs au cours de leur formation dans<br />
l’oviducte et plus souvent la surface de la coquille lors de la<br />
ponte, a diffusé dans le monde entier au cours des années<br />
1980 à la faveur d’une intensification de l’élevage industriel et<br />
du commerce international des volailles (24) (figure 4). Puis,<br />
c’est le sérotype Typhimurium (clone DT 104) qui a émergé<br />
Santé publique 344
Ces maladies infectieuses importées par les aliments.<br />
Figure 4.<br />
Poulets congelés importés d’Argentine.<br />
Frozen chickens imported from Argentina.<br />
(entre –2 °C et +45 °C), elle peut contaminer toutes sortes<br />
d’aliments, en particulier certains fromages au lait cru, les<br />
charcuteries, de nombreux légumes et plats cuisinés, le plus<br />
souvent à partir de l’environnement.<br />
au cours des années 1990 et s’est répandu dans de nombreux<br />
pays d’Europe et d’Amérique du Nord grâce au commerce<br />
du bétail (9). Si les fromages au lait cru représentent aussi une<br />
source d’infections à l’étranger comme en France (10), les<br />
produits frais sont de plus en plus souvent à l’origine de salmonelloses.<br />
Ainsi, en 1999 aux États-Unis, les CDC ont mis<br />
en évidence une épidémie diffuse due à S. newport, affectant<br />
78 personnes dans 13 États et provoquant 2 décès. L’enquête<br />
a impliqué la consommation de mangues importées du Brésil<br />
(25).<br />
Campylobactérioses<br />
Les campylobacters sont la deuxième cause d’infections d’origine<br />
alimentaire en France et dans la plupart des pays développés<br />
(22). Très répandus dans le monde animal, ils peuvent<br />
contaminer une grande variété d’aliments : lait cru et fromages<br />
non pasteurisés, viandes de bœuf et volailles, œufs, fruits de<br />
mer, etc. Il s’agit principalement de C. jejuni, fréquemment<br />
isolé chez les poulets, mais aussi de C. coli présent surtout<br />
dans la viande de porc. Le commerce international des volailles<br />
est considéré comme la principale source de diffusion de la<br />
campylobactériose. Les foyers identifiés sont souvent liés à la<br />
consommation de brochettes insuffisamment cuites, rançon<br />
du succès des barbecues, mais peuvent aussi être dus au lait<br />
cru, à l’eau et aux coquillages.<br />
Syndrome hémolytique et urémique (SHU)<br />
Les souches entéro-hémorragiques d’Escherichia coli ont<br />
émergé en 1982 avec le sérotype O157:H7. Commensales de<br />
la flore digestive des bovins, ces bactéries peuvent contaminer<br />
des aliments d’origine animale ou végétale. Les TIAC sont<br />
souvent consécutives à la consommation d’hamburgers insuffisamment<br />
cuits, de viande de poulet et de produits à base de<br />
lait cru de vache (5). Les infections à E. coli vérotoxinogène<br />
(VTEC) sont en recrudescence dans les pays anglo-saxons<br />
ainsi qu’en Italie. Ces souches sont à l’origine d’une proportion<br />
importante des redoutables SHU observés chez l’enfant<br />
de moins de cinq ans.<br />
Listériose<br />
Listeria monocytogenes était à l’origine d’environ 300 infections<br />
par an en France dans les années 1980. Au cours des<br />
dix dernières années, l’incidence annuelle a diminué (1999 :<br />
270 cas, 2000 : 261 cas, 2001 : 187 cas), cette baisse de l’incidence<br />
reflétant sans doute les mesures de maîtrise et de<br />
contrôle mises en place dans l’industrie agro-alimentaire et<br />
renforcées depuis 1998 (14, 15). L. monocytogenes est largement<br />
distribuée dans la nature, notamment chez les bovins<br />
et les ovins. Capable de se multiplier à basse température<br />
Infections parasitaires<br />
Parmi les nombreux parasites transmissibles par les aliments,<br />
3 sont principalement à redouter dans les denrées d’importation<br />
: les toxoplasmes, les cyclospora et les trichines.<br />
Toxoplasmose<br />
Toxoplasma gondii est une coccidie, parasite intracellulaire<br />
obligatoire, cosmopolite, dont les hôtes définitifs sont les félidés.<br />
L’homme, hôte intermédiaire, se contamine dans près<br />
de la moitié des cas par consommation de viande ovine ou<br />
porcine mal cuite. Jusqu’à 80 % des carcasses d’ovins sont<br />
infestées en France (13). Le portage est asymptomatique chez<br />
l’animal et les adultes immunocompétents. Les toxoplasmoses<br />
congénitales précoces sont les plus graves. Toutefois, une série<br />
de 16 cas de toxoplasmose aiguë a été rapportée en Guyane<br />
française entre 1995 et 2002, chez des adultes immunocompétents<br />
ayant consommé de la viande de gibier insuffisamment<br />
cuite (7). La souche de toxoplasme qui circule dans la forêt<br />
amazonienne présente une pathogénicité élevée.<br />
Cyclosporose<br />
Cyclospora cayetanensis est un protozoaire sporulé, parasite<br />
de l’intestin grêle chez l’homme, sans réservoir animal connu<br />
et responsable de grandes anadémies d’origine hydrique (18).<br />
En 1996, il a provoqué une épidémie diffuse en Amérique du<br />
Nord, affectant près de 1 500 personnes et liée à la consommation<br />
de framboises importées du Guatemala (6).<br />
Trichinellose<br />
Trichinella spp (dont T. spiralis) est un nématode qui infeste<br />
plusieurs espèces de mammifères. La transmission s’effectue<br />
par ingestion de tissu musculaire parasité. La recrudescence<br />
de la maladie humaine depuis 1975 en France et en Europe de<br />
l’Ouest est principalement liée à la consommation de viande<br />
chevaline importée d’Amérique du Nord, du Mexique et<br />
d’Europe centrale. En 25 ans, 7 épidémies ont été notifiées<br />
en France et 6 en Italie, représentant plus de 2900 cas, chaque<br />
carcasse de cheval ayant été consommée crue ou peu cuite<br />
par plusieurs centaines de personnes (3). La contamination<br />
humaine se fait aussi par ingestion de viande trichinée, crue ou<br />
peu cuite, de porc et de sanglier, en particulier dans les pays de<br />
l’Europe de l’Est (11). Une petite anadémie a été récemment<br />
rapportée, consécutive à la consommation de viande d’ours<br />
importée illégalement (2).<br />
Infections virales<br />
Les principaux virus pathogènes transmis par les aliments<br />
sont les Norovirus et le virus de l’hépatite A (VHA). Ces<br />
virus, non enveloppés, ont en commun la capacité de résister<br />
de façon durable dans l’environnement et dans les aliments.<br />
Ceux-ci peuvent être contaminés dès le stade de la production,<br />
comme les coquillages bivalves filtreurs (huîtres, moules, praires,<br />
coques, palourdes) dont l’hépato-pancréas peut stocker<br />
en abondance des agents infectieux et qui sont souvent consommés<br />
crus ou peu cuits. La contamination peut survenir<br />
aussi lors des manipulations par des mains sales au cours de<br />
la préparation de crudités, de sandwiches, de glaces, etc.<br />
Norovirus<br />
Les Norovirus sont responsables de la grande majorité des<br />
gastro-entérites non bactériennes dans les pays développés.<br />
En Suède, une épidémie liée à la consommation de framboises<br />
importées a été décrite (17). En Finlande, plusieurs épidémies<br />
liées à la consommation de fruits rouges congelés importés<br />
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d’Europe de l’Est sont survenues depuis 1998 (23). Les virus,<br />
dispersés dans l’environnement via les excréments humains,<br />
contaminent d’abord l’eau, puis certains aliments. L’arrosage<br />
des légumes ou des fruits (en particulier les baies) avec de l’eau<br />
contaminée est souvent à l’origine d’épidémies.<br />
Virus de l’hépatite A<br />
Aux États-Unis, plusieurs épidémies d’hépatite A ont eu un<br />
grand retentissement par leur ampleur. Celle de 1997, affectant<br />
des établissements scolaires de 5 États, était due à la consommation<br />
de fraises congelées importées du Mexique (8). Celle<br />
de 2003 (plus de 700 cas, dont 3 décès en 3 mois) a touché<br />
4 États : la source était une consommation d’oignons verts,<br />
également importés du Mexique (1). En Suède, l’augmentation<br />
inexpliquée de cas autochtones d’hépatite A, associée à une<br />
flambée épidémique mineure vers la fin du printemps 2001, a<br />
conduit à mener une étude cas-témoins. La consommation de<br />
salade roquette importée a clairement été associée à la maladie<br />
(OR : 9,1 ; IC 95 % : 1,5 - 69). L’importation de légumes frais<br />
à partir d’une région où l’hépatite A est endémique vers une<br />
région indemne représente un risque permanent pour la santé<br />
publique (20).<br />
Maladies à prions<br />
Les agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ou<br />
prions occupent une place privilégiée au sein des agents infectieux<br />
transmissibles par l’alimentation. L’émergence d’une<br />
épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) dite<br />
« maladie de la vache folle » au Royaume-Uni depuis 1986, a<br />
révélé des pratiques d’utilisation des carcasses d’animaux transformées<br />
en farines pour alimenter le bétail. Chez l’homme,<br />
l’apparition d’une nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob<br />
(nvMCJ) a suivi le développement de l’épizootie<br />
d’ESB, provoquant une crise économique et sanitaire sans précédent<br />
dans toute l’Europe. Depuis 1996, 165 cas humains de<br />
nvMCJ ont été enregistrés au Royaume-Uni, 22 en France, 1<br />
au Canada, en Irlande, en Italie et aux États-Unis. La source la<br />
plus probable de contamination humaine est la consommation<br />
de produits (matériaux à risque spécifié notamment) d’origine<br />
animale infectés par l’ATNC de l’ESB. Les cas français<br />
sont expliqués en partie par l’accroissement des importations<br />
d’abats bovins britanniques entre 1988 et 1990, le temps moyen<br />
d’incubation de la nvMCJ étant estimé à 16 ans (4).<br />
Intoxinations<br />
Le risque d’élaboration de toxines bactériennes dans les<br />
aliments doit toujours être pris en considération : toxines<br />
botuliques produites par Clostridium botulinum, toxines<br />
émétisante et diarrhéique de Bacillus cereus, entérotoxines<br />
de Staphylococcus aureus. Plus difficiles à contrôler, les mycotoxines<br />
présentent aujourd’hui les plus grands risques. Ce sont<br />
des molécules organiques élaborées par des micromycètes,<br />
généralement des moisissures qui se développent au cours de<br />
stockages défectueux de produits destinés à l’alimentation de<br />
l’homme ou des animaux. Les plus redoutées sont les aflatoxines<br />
formées sur les produits importés de pays tropicaux ou<br />
subtropicaux, notamment les céréales, les oléoprotéagineux<br />
(tourteaux d’arachide, de coton et de maïs) et les fruits (19).<br />
Risques particuliers des aliments<br />
importés<br />
Tous les aliments ne sont pas à considérer comme également<br />
dangereux. Parmi les produits importés légalement,<br />
les aliments consommés après cuisson présentent un risque<br />
faible, mais il ne faut pas méconnaître de possibles contaminations<br />
croisées de produits crus (par exemple, les crevettes<br />
importées d’Asie contaminées par des salmonelles). D’autres<br />
aliments peuvent être ingérés plus ou moins cuits selon les<br />
habitudes des consommateurs (par exemple, les viandes de<br />
cheval ou d’ours infestées par les trichines).<br />
Ce sont les aliments consommés crus qui exposent aux risques<br />
les plus importants : poissons crus importés d’Asie contaminés<br />
par des bactéries (Vibrio parahaemolyticus, V. cholerae, etc.)<br />
ou des parasites (Anisakia, Clonorchis sinensis, Opistorchis<br />
felineus, Gnathostoma spinigerum, Diphyllobotrium latum),<br />
mais aussi des crustacés, coquillages, fruits et légumes.<br />
Ainsi, la consommation de salades importées a été identifiée<br />
à l’origine d’une épidémie d’infections due à Shigella sonnei<br />
survenue en 1994 en Norvège, en Suède et au Royaume-Uni et<br />
d’une épidémie d’hépatites A apparue en 2000 en Suède (16).<br />
Les importations clandestines sont, par définition, à haut<br />
risque. En France, elles concernent principalement l’approvisionnement<br />
illégal de restaurants africains ou asiatiques,<br />
mais aussi la consommation familiale de produits rapportés<br />
lors de voyages à l’étranger. Parmi les aliments dangereux<br />
figurent les viandes de brousse salées, fumées ou boucanées<br />
et consommées en brochettes ou en grillades. Ces procédés<br />
de conservation par la fumée ne sont pas efficaces à cœur et la<br />
cuisson insuffisante ne détruit pas les parasites (toxoplasmes,<br />
cysticerques, trichines, etc.). Certains virus, comme les agents<br />
des fièvres hémorragiques d’Ebola, de Marburg ou de Lassa,<br />
pourraient aussi être introduits par ces aliments, mais ce risque<br />
demeure théorique jusqu’à présent.<br />
Que faire ? Réglementer, surveiller,<br />
contrôler<br />
L<br />
a globalisation des échanges transforme le monde en un<br />
vaste supermarché et accroît les risques de transmission<br />
d’agents infectieux des pays producteurs vers les pays consommateurs.<br />
La prévention repose sur une adaptation de la<br />
réglementation internationale, un renforcement de la vigilance<br />
et des contrôles.<br />
Au niveau mondial, les échanges sont régis par l’Organisation<br />
mondiale du commerce (OMC). L’accord SPS du 15 avril 1994<br />
sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires vise<br />
une harmonisation internationale des dispositions prises dans<br />
ces domaines, en application des normes de la Commission du<br />
Codex alimentarius et de l’Organisation mondiale de la santé<br />
animale (OIE). En Europe, l’importation et l’exportation des<br />
produits sont basées sur le principe du libre échange.<br />
Lorsqu’un impératif de santé publique l’exige, un État peut<br />
adopter des mesures restrictives en matière d’échanges, limitées<br />
au strict nécessaire et encadrées par les institutions communautaires<br />
(pour les échanges avec un pays européen) ou par l’OMC<br />
(avec les autres pays). Il doit pouvoir justifier ces mesures en<br />
apportant les preuves de la dangerosité du produit incriminé.<br />
Cela requiert un haut niveau de vigilance et l’investigation systématique<br />
de tout foyer de TIAC afin de pouvoir neutraliser<br />
les sources de contamination et prendre les dispositions qui<br />
s’imposent lorsqu’il s’agit d’aliments importés.<br />
L’organisation des contrôles doit aussi s’adapter à la complexité<br />
croissante des circuits d’exportation/importation. Ils<br />
s’appliquent tout au long de la chaîne, depuis le stade de production<br />
jusqu’au stade de distribution, suivant la méthode<br />
Hazard analysis and critical control point (HACCP). La prévention<br />
des maladies humaines d’origine alimentaire passe<br />
aussi par la maîtrise sanitaire des aliments et de l’eau consommés<br />
par les animaux (27).<br />
Santé publique 346
Ces maladies infectieuses importées par les aliments.<br />
Conclusion<br />
Avec la mondialisation, nous partageons les mêmes aliments<br />
et les mêmes risques. Aussi, préoccupé par la<br />
qualité de son alimentation, le grand public est demandeur<br />
d’informations, de garanties d’innocuité et de traçabilité. Alarmée<br />
par le traitement médiatique des crises sanitaires récentes,<br />
la population est devenue méfiante. Chaque consommateur<br />
doit pouvoir choisir ses aliments sans rien ignorer de leur<br />
origine, des méthodes de préparation et de conservation qui<br />
leur ont été appliquées.<br />
Les médecins jouent un rôle essentiel pour relayer auprès de<br />
la population les messages de santé publique délivrés par les<br />
autorités sanitaires : éviter les fromages au lait cru pour les<br />
femmes enceintes et les personnes immunodéprimées, nettoyer<br />
et désinfecter régulièrement son réfrigérateur, cuire à<br />
cœur les steaks hachés destinés aux jeunes enfants, etc.<br />
Au bout de la chaîne, le grand public doit également apprendre<br />
à assumer ses responsabilités, afin de ne pas compromettre<br />
tous les efforts réalisés en amont. Ainsi le respect de la<br />
chaîne du froid appliquée aux produits périssables depuis le<br />
supermarché jusqu’au réfrigérateur ménager, le respect des<br />
dates de péremption et l’entretien hygiénique des lieux de<br />
stockage des aliments, constituent des exigences essentielles<br />
qu’il ne faut pas perdre de vue. De même, la prudence impose<br />
de savoir résister à certaines tentations exotiques lorsque la<br />
qualité sanitaire de l’aliment n’est pas garantie.<br />
Les échanges internationaux de denrées alimentaires vont<br />
encore s’accroître dans les années à venir et l’évolution des<br />
comportements alimentaires ne va probablement pas réduire<br />
les risques. Malgré toutes les précautions qui seront prises<br />
pour prévenir l’importation de maladies via les aliments, des<br />
accidents surviendront encore, car il est impossible, en matière<br />
de sécurité alimentaire, comme dans d’autres domaines, de<br />
garantir un risque zéro. Ainsi, le Japon, malgré un contrôle<br />
très poussé des denrées alimentaires importées, n’a pas pu<br />
prévenir l’introduction de raviolis chinois contaminés par un<br />
insecticide, à l’origine d’un grand nombre d’intoxications au<br />
début de l’année 2008.<br />
À l’avenir, la confiance devant l’assiette ne pourra s’acquérir<br />
qu’au prix d’une vigilance sans faille des organisations internationales,<br />
des États et des consommateurs eux-mêmes.<br />
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