Sozialalmanach - Caritas Luxembourg

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19.07.2014 Views

l’extérieur, il est difficile à entrevoir un avenir raisonnable. Ceci vaut d’autant plus pour le Luxembourg, où nous avons vu ces derniers mois qu’une course aux niches 7 au détriment de nos voisins n’est pas une alternative raisonnable. 4.3 Les bonus des traders On a beaucoup parlé des bonus des traders, non pas parce qu’il s’agit bien ici d’un problème majeur quant à la convalescence des marchés financiers, mais parce qu’il s’agit d’un élément fâcheux qui démontre le manque de compréhension des banques et de leurs employés. Du côté des acteurs financiers il n’y a pas de reconnaissance ou de sentiment de faute commise. Au contraire, le système tel quel a repris, y inclus les bonus et ceux qui avaient touché ces émoluments dans le passé n’ont pas été pénalisés d’aucune sorte quand leurs transgressions ont conduit certaines banques au bord du gouffre. Tous les bonus ou émoluments de performance financière sont prélevés juste avant la taxation des profits bancaires. Ce qui fait qu’ils ne sont imposés qu’au niveau des individus qui les reçoivent comme revenus personnels. Donc, ces profits en fait échappent à l’imposition en tant que surplus d’exploitation des institutions financières. Pour y remédier, le Royaume-Uni seul jusqu’à présent a imposé une taxe exceptionnelle de 50% sur les bonus individuels de 2009 de plus de £ 25.000. Les banques touchées ont réagi pour la plupart en prélevant d’avantage de profits avant taxation pour neutraliser tout ou partie de l’effet de la taxe britannique exceptionnelle sur leurs employés ! Encore une fois, il ne s’agit pas du problème fondamental proprement dit, mais plutôt d’un élément emblématique qui empêche de croire dans les forces autorégulatrices. Et que dire de l’avis du directeur de l’ABBL 8 que les bonis ne sont pas mauvais en soi ? Selon lui, Ils ne le seraient que s’ils rendaient impossible ou s’ils entravaient la fonction principale des marchés financiers, c’est-à-dire de munir l’économie des moyens financiers nécessaires. Il faut répliquer à cela que tel serait le cas si les marchés financiers traitaient seulement les moyens financiers épargnés pour les mettre à disposition de l’économie réelle. Cependant les marchés financiers internationaux traitent plus que 50 fois les sommes nécessaires aux transactions de l’économie réelle. Et cet argent sert uniquement à la spéculation et aux bonus des traders et autres qui sont calculés là-dessus. Et leur ampleur entraîne ces traders dans des 7 En fait il ne s’agit ici pas de niches, mais plutôt de profiter des autres. Utiliser vraiment des niches (de savoir-faire, de connaissance, etc. au lieu de niches de souveraineté) ne poserait pas de problème, ni à nos voisins, ni du côté de l’éthique. 8 Voir Rommes (2010). 63

investissements spéculatifs très risqués qui peuvent s’avérer potentiellement rémunérateurs, tandis que d’éventuelles pertes ne réduisent pas du tout leurs émoluments. Voilà pourquoi une action au niveau international s’impose, même si cela ne résoudra pas tout. En fait, il importe de repenser entièrement comment traiter bonus et imposition fiscale bancaire, ceci dans le cadre de la coopération et de la régulation internationales des banques. C’est pourquoi le Luxembourg Institute for Global Financial Integrity a voulu lancer le débat en publiant un « Livre Vert » sur la question 9 . Il s’agit en fin de compte de trouver le moyen de changer le comportement des acteurs financiers. Le comportement persistant actuel conduit inéluctablement à la réalisation du risque systémique, donc à la crise financière et par-là à la crise économique avec ses effets néfastes sur la condition humaine. 4.4 Le problème des marges irréalistes Si l’économie réelle produit des ROI 10 de 5, 6, 7 ou 8% en moyenne, il est impossible de garantir à des investisseurs des rendements de 20 à 25% d’une manière durable, sans pour cela vivre aux dépens des autres. Il n’y a pas de critiques fondamentales à formuler à l’envers des agents qui conseillent aux investisseurs des placements à rendement élevé. Mais se pose la question, avec quelles méthodes 11 ces rendements sont réalisés, et de plus il faut aussi expliquer à ces investisseurs que la possibilité d’un rendement supérieur va aussi de pair avec un risque plus élevé. Mais apparemment ils n’en veulent rien entendre, plutôt l’on réclame que dans le cas de pertes ce serait l’Etat qui devrait intervenir. Donc il ne s’agit pas seulement de contrôler de nouveau les marchés financiers libéralisés à outrance, mais aussi d’engendrer un nouveau paradigme auprès des investisseurs : pendant que la grand-mère, à la recherche d’un rendement illimité, ne prend pas d’égard à rien, la prochaine augmentation du rendement est réalisée par une série de licenciements qui touchent son propre petit-enfant. 4.5 Au revoir secret bancaire Le secret bancaire, ou plutôt le reste minable qui en a persévéré, ne peut être sauvé. Au lieu de mener depuis des années des combats de retraite qui néanmoins finissent chaque 9 Voir Ligfi (2010). 10 « Return on Investment », retours sur les investissements. 11 Par exemple il y a des fonds qui achètent des entreprises bien portantes pour les scinder en petites portions qui sont alors exploitées et saignées, puis vendues ; et à la fin les différentes parties n’emploient plus qu’une fraction des salariés que l’entreprise a employés jadis. Le fonds en question est entre-temps à la recherche de la prochaine victime. Seulement en utilisant de telles méthodes on est capables d’engendrer des bénéfices de 20 ou 25%, non pas avec une gestion d’affaires sérieuse. 64

investissements spéculatifs très risqués qui peuvent s’avérer potentiellement rémunérateurs,<br />

tandis que d’éventuelles pertes ne réduisent pas du tout leurs émoluments. Voilà pourquoi<br />

une action au niveau international s’impose, même si cela ne résoudra pas tout.<br />

En fait, il importe de repenser entièrement comment traiter bonus et imposition fiscale<br />

bancaire, ceci dans le cadre de la coopération et de la régulation internationales des banques.<br />

C’est pourquoi le <strong>Luxembourg</strong> Institute for Global Financial Integrity a voulu lancer le<br />

débat en publiant un « Livre Vert » sur la question 9 . Il s’agit en fin de compte de trouver<br />

le moyen de changer le comportement des acteurs financiers. Le comportement persistant<br />

actuel conduit inéluctablement à la réalisation du risque systémique, donc à la crise financière<br />

et par-là à la crise économique avec ses effets néfastes sur la condition humaine.<br />

4.4 Le problème des marges irréalistes<br />

Si l’économie réelle produit des ROI 10 de 5, 6, 7 ou 8% en moyenne, il est impossible<br />

de garantir à des investisseurs des rendements de 20 à 25% d’une manière durable, sans<br />

pour cela vivre aux dépens des autres. Il n’y a pas de critiques fondamentales à formuler<br />

à l’envers des agents qui conseillent aux investisseurs des placements à rendement élevé.<br />

Mais se pose la question, avec quelles méthodes 11 ces rendements sont réalisés, et de plus il<br />

faut aussi expliquer à ces investisseurs que la possibilité d’un rendement supérieur va aussi<br />

de pair avec un risque plus élevé. Mais apparemment ils n’en veulent rien entendre, plutôt<br />

l’on réclame que dans le cas de pertes ce serait l’Etat qui devrait intervenir. Donc il ne<br />

s’agit pas seulement de contrôler de nouveau les marchés financiers libéralisés à outrance,<br />

mais aussi d’engendrer un nouveau paradigme auprès des investisseurs : pendant que la<br />

grand-mère, à la recherche d’un rendement illimité, ne prend pas d’égard à rien, la prochaine<br />

augmentation du rendement est réalisée par une série de licenciements qui touchent son<br />

propre petit-enfant.<br />

4.5 Au revoir secret bancaire<br />

Le secret bancaire, ou plutôt le reste minable qui en a persévéré, ne peut être sauvé. Au<br />

lieu de mener depuis des années des combats de retraite qui néanmoins finissent chaque<br />

9 Voir Ligfi (2010).<br />

10 « Return on Investment », retours sur les investissements.<br />

11 Par exemple il y a des fonds qui achètent des entreprises bien portantes pour les scinder en petites<br />

portions qui sont alors exploitées et saignées, puis vendues ; et à la fin les différentes parties n’emploient<br />

plus qu’une fraction des salariés que l’entreprise a employés jadis. Le fonds en question est entre-temps à<br />

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