Sozialalmanach - Caritas Luxembourg

La redistribution se traduisant par des prélèvements obligatoires, est mal supportée par
les couches aisées et les classes moyennes. Paul Krugman 12 , dans son enquête fouillée sur les
causes de l’inégalité des revenus aux USA conclut que c’est l’érosion des institutions, des
normes, de l’environnement politique, la montée de l’idéologie conservatrice qui expliquent
in fine la montée de l’inégalité et non pas le déchaînement des forces impersonnelles du
marché ou le changement technologique, ce dernier ayant joué un rôle bien moindre.
L’inégalité n’est donc pas un phénomène naturel, mais un fait politique délibéré que le Prix
Nobel américain attribue à la coalition de la droite américaine. Combattre l’inégalité n’est
plus une priorité politiquement correcte, elle a été remplacée par la lutte contre l’exclusion,
concept plus large mais opérant sur les franges de la société.
Il y a également des facteurs structurels qui jouent. La tertiarisation de l’économie
et la diminution de la taille des entreprises jouent contre les structures traditionnelles du
syndicalisme qui a du mal à prendre pied dans les entreprises du tertiaire et dans les milieux
à col blanc comme l’attestent les statistiques sur les conventions collectives, fer de lance
des syndicats luxembourgeois 13 . Le mal touche également les employeurs dont les grandes
entreprises se transforment en filiales de grands groupes multinationaux disposant d’une
autonomie très limitée localement. Comment négocier dans ces conditions un pacte social
« tripartite » en temps de déficit budgétaire, de chômage et de croissance molle ?
On peut y ajouter la célébration, l’exaltation de l’individu hypermoderne, s’accompagnant
du repli sur soi. Cette tendance à l’individualisation résulte de l’effritement des corps
intermédiaires qui défendent et protègent l’individu, mais aussi d’éléments a priori positifs
comme la valorisation de l’autonomie et de l’authenticité. Cette lame de fond favorise
cependant la fragilité et la vulnérabilité de l’individu en détricotant la cohésion sociale 14 .
Une politique volontariste est-elle encore possible ?
François Biltgen et Marc Glesener 15 dans un récent pamphlet ont soulevé certaines
questions intéressantes sur le lien entre croissance et pauvreté. Même si leurs affirmations ne
sont pas corroborées par les résultats des Rapports travail et cohésion sociale du STATEC,
leurs réflexions sont symptomatiques des schémas de pensée de la majorité de la classe
politique et médiatique. Les deux auteurs, acteurs politiques et médiatiques, ne sont pas
convaincus de l’efficacité des moyens dont dispose l’Etat pour lutter contre la pauvreté
monétaire. Les transferts sociaux sont pervers car ils risquent d’augmenter le revenu médian
12 Krugman (2009).
13 STATEC (2010).
14 Castel (2009).
15 Biltgen & Glesener (2007).
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