Sozialalmanach - Caritas Luxembourg
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pas fixer le seuil de pauvreté à 40% du revenu équivalent médian, ce qui ramènerait le taux de risque de pauvreté à 2,3%? Une autre solution consiste à partir des minima que les individus fixent eux-mêmes en considérant le revenu qu’ils estiment nécessaire pour vivre. S’il faut combattre l’exclusion et la pauvreté, il est tout de même important de s’entendre sur une définition quantitative (statistique) de la pauvreté et sur une méthode de mesure, sinon il n’est guère possible d’évaluer l’impact des politiques conduites, ni d’explorer les causes de la pauvreté. Sans effort de repérage, il n’est guère possible de définir des programmes d’aide à ces personnes défavorisées par rapport à la classe moyenne (définie comme étant juste au-dessus du seuil). C’est d’ailleurs ce que propose la nouvelle stratégie économique de la Commission européenne, baptisée Europe 2020, qui va succéder à la fameuse Stratégie de Lisbonne. Remettre en question la mesure quantitative de la pauvreté (quelle qu’elle soit), c’est tout simplement se refuser à affronter la question épineuse de l’inégalité des revenus et du patrimoine des citoyens. Les politiques éprouvent une gêne : le terme de pauvreté évoque les clochards et les sans-abri (qui ne sont pas répertoriés par les enquêtes statistiques officielles), les enfants en guenilles et les mendiants, iconographies qui font désordre dans l’image d’une société d’affluence. En fait la pauvreté, comme nous le montrons plus loin, est une autre manière de parler d’inégalité des ressources. Précisons que l’inégalité des revenus concerne le revenu disponible des ménages (revenus du travail - impôts directs + transferts sociaux) par équivalent adulte pour tenir compte de la composition du ménage. Elle ne prend pas en compte le patrimoine mobilier et immobilier et sa distribution, car celui-ci est pratiquement inconnu. Selon l’enquête Eurobarometer no 321 2 , 55% des personnes interrogées au Luxembourg pensent que la pauvreté est très répandue et plus de 80% pensent qu’elle a fortement augmenté au cours des trois dernières années. Il y a donc une forte dissonance entre l’histoire que racontent les statistiques officielles et la perception du grand public. Il ne suffit donc pas de changer la définition pour faire disparaître la pauvreté considérée comme trop criante, mais d’engager un vrai débat public sur les éléments d’une définition et une politique communément acceptée. Parmi les causes de la pauvreté les personnes interrogées au Luxembourg citent, plus souvent que la moyenne communautaire, la recherche du profit, la globalisation, plutôt que la faible croissance économique, les politiques publiques inadéquates, l’immigration ou la protection sociale. 2 Commission européenne (2010). 189
Augmentation des revenus, inégalité et pauvreté Le lien entre croissance économique – et donc des revenus – et pauvreté a fait l’objet de nombreuses études. L’économiste Simon Kuznets a postulé, dès les années 50, une courbe en U inversé entre développement et inégalité de revenu 3 . En effet, selon cet auteur, dans les premiers stades de développement l’investissement dans les infrastructures intensives en capital nécessitent la concentration des moyens financiers dans peu de mains ; les inégalités encouragent la croissance en partageant les ressources en faveur de ceux qui épargnent et investissent le plus. A l’inverse, dans les économies plus avancées, l’accroissement du capital humain prend la place de l’accroissement du capital physique comme source de la croissance. Les inégalités ralentissent dès lors la croissance économique en limitant le niveau général de l’éducation, parce que les moins favorisés ne pourraient financer leur formation. Ainsi l’inégalité a augmenté pendant la période d’industrialisation et diminué dans les pays occidentaux après la deuxième Guerre Mondiale avec le développement de l’Etatprovidence, mais l’inégalité semble repartir dans de nombreux pays avancés. Les recherches ultérieures ont dépassé les relations stylisées et simplistes entre inégalités et croissance, ajoutant une couche additionnelle de complexité 4 . La redistribution peut favoriser la croissance, mais la croissance qui s’en suit affecte à son tour la distribution des revenus. La question qui se pose est de savoir s’il peut y avoir un cercle vertueux diminuant l’inégalité et stimulant la croissance et vice versa, ou bien les inégalités qui s’accumulent vont-elles surtout provoquer une demande accrue pour la redistribution de revenus. Les études empiriques citées par Aghion et al. 5 trouvent que plus d’inégalité réduit la croissance économique. Mais la discussion n’est guère close car les arguments en faveur de l’inégalité ou de la concentration des revenus pèsent de tout leur poids. Il est raisonnable de supposer que la recherche empirique devra essayer de départager les arguments de ce dilemme dans les années à venir. François Bourguignon 6 insiste sur le fait que la relation sur laquelle il faut se focaliser, l’enjeu principal, c’est l’inégalité et non pas la pauvreté (« l’exclusion »). La croissance économique, donc le revenu moyen, réduit la pauvreté monétaire si l’inégalité ne s’accroît pas. Au Luxembourg, comme partout ailleurs, la pensée unique a imposé le concept d’inclusion. Ces réflexions ne font qu’émerger. 3 Kuznets (1955). 4 Aghion et al. (1999). 5 Aghion et al. (1999). 6 Bourguignon (2004). 190
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Augmentation des revenus, inégalité et pauvreté<br />
Le lien entre croissance économique – et donc des revenus – et pauvreté a fait l’objet de<br />
nombreuses études. L’économiste Simon Kuznets a postulé, dès les années 50, une courbe<br />
en U inversé entre développement et inégalité de revenu 3 . En effet, selon cet auteur, dans<br />
les premiers stades de développement l’investissement dans les infrastructures intensives en<br />
capital nécessitent la concentration des moyens financiers dans peu de mains ; les inégalités<br />
encouragent la croissance en partageant les ressources en faveur de ceux qui épargnent<br />
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capital humain prend la place de l’accroissement du capital physique comme source de la<br />
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général de l’éducation, parce que les moins favorisés ne pourraient financer leur formation.<br />
Ainsi l’inégalité a augmenté pendant la période d’industrialisation et diminué dans les<br />
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mais l’inégalité semble repartir dans de nombreux pays avancés. Les recherches<br />
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ajoutant une couche additionnelle de complexité 4 . La redistribution peut favoriser la<br />
croissance, mais la croissance qui s’en suit affecte à son tour la distribution des revenus. La<br />
question qui se pose est de savoir s’il peut y avoir un cercle vertueux diminuant l’inégalité<br />
et stimulant la croissance et vice versa, ou bien les inégalités qui s’accumulent vont-elles<br />
surtout provoquer une demande accrue pour la redistribution de revenus. Les études<br />
empiriques citées par Aghion et al. 5 trouvent que plus d’inégalité réduit la croissance<br />
économique. Mais la discussion n’est guère close car les arguments en faveur de l’inégalité<br />
ou de la concentration des revenus pèsent de tout leur poids. Il est raisonnable de supposer<br />
que la recherche empirique devra essayer de départager les arguments de ce dilemme dans<br />
les années à venir. François Bourguignon 6 insiste sur le fait que la relation sur laquelle il<br />
faut se focaliser, l’enjeu principal, c’est l’inégalité et non pas la pauvreté (« l’exclusion »).<br />
La croissance économique, donc le revenu moyen, réduit la pauvreté monétaire si l’inégalité<br />
ne s’accroît pas. Au <strong>Luxembourg</strong>, comme partout ailleurs, la pensée unique a imposé le<br />
concept d’inclusion. Ces réflexions ne font qu’émerger.<br />
3 Kuznets (1955).<br />
4 Aghion et al. (1999).<br />
5 Aghion et al. (1999).<br />
6 Bourguignon (2004).<br />
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