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Renée Banville<br />
LA MUSIQUE DANS LES MILIEUX DE SANTÉ<br />
UN PROJET POUR BRISER L’ISOLEMENT DES AÎNÉS<br />
Le visage éclairé d’un sourire, les<br />
yeux rivés sur un guitariste qui<br />
occupe la petite scène, une soixantaine<br />
de résidents du Centre d’hébergement<br />
de soins de longue<br />
durée de Saint-Henri savourent ce moment<br />
de détente en musique. Malgré certains pensionnaires<br />
qui manifestent un peu bruyamment<br />
leur appréciation, l’ambiance générale<br />
est au recueillement et la plupart d’entre eux<br />
écoutent attentivement. « C’est une musique<br />
qui nous calme », affirme une dame ravie.<br />
UN RAYON DE LUMIÈRE DANS LA SOLITUDE<br />
<strong>La</strong> Société pour les arts en milieux de santé<br />
(SAMS) a été créée en mars 2009 pour améliorer<br />
la qualité de vie des personnes vivant<br />
en résidence. L’organisme a pour mandat<br />
d’apporter la culture à ceux dont l’accès aux<br />
concerts ou au théâtre est souvent devenu<br />
impossible. Les 46 CHSLD de l’île de<br />
Montréal, tous sous la compétence de<br />
l’Agence de la santé et des services sociaux de<br />
Montréal (ASSSM), recevront cette année<br />
552 prestations musicales. <strong>La</strong> SAMS espère<br />
augmenter ses activités et atteindre un jour<br />
les centres de réadaptation, les centres jeunesse,<br />
les autres centres d’hébergement et<br />
aussi les maisons de retraite.<br />
Quatre organismes ont accepté de collaborer<br />
avec la SAMS : le Conservatoire de<br />
musique de Montréal, la faculté de musique<br />
de l’Université de Montréal, les Jeunesses<br />
<strong>Musicale</strong>s du Canada (JMC) et l’Orchestre<br />
Métropolitain. De 55 à 70 musiciens professionnels<br />
et étudiants en fin d’études, tous<br />
rémunérés, se partageront la série de<br />
concerts. Selon la directrice générale et artistique<br />
Annie Saumier, les musiciens ont<br />
accueilli le projet avec enthousiasme, heureux<br />
que la plage horaire inhabituelle de ces<br />
concerts leur permette de participer au développement<br />
d’une nouvelle clientèle.<br />
Consciente du large bassin d’excellents musiciens<br />
à Montréal, elle prévoit continuer d’accroître<br />
le partenariat avec divers ensembles.<br />
UN RÊVE QUI PREND FORME<br />
Basée sur le modèle de la Health Art Society<br />
fondée par David Lemon en Colombie-<br />
Britannique en 2006, la SAMS est l’initiative<br />
de Sylvia l’Écuyer, animatrice-réalisatrice à<br />
Radio-Canada. Les activités de la HAS<br />
connaissent là-bas un grand succès auprès des<br />
résidents et de leurs familles qui accueillent<br />
les musiciens avec reconnaissance. À l’automne<br />
2008, voulant établir un organisme<br />
similaire à Montréal, Sylvia L’Écuyer demande<br />
au député mélomane Daniel Turp de l’aider<br />
dans sa démarche. Emballé par le projet,<br />
52 Novembre 2009 November<br />
M. Turp décide de s’impliquer,<br />
même s’il n’agit plus maintenant<br />
en qualité de député. Pierre<br />
Vachon, directeur communications-marketing<br />
à l’Opéra de<br />
Montréal, accepte de se joindre à<br />
l’équipe.<br />
Le 16 mars 2009, les trois premiers<br />
administrateurs, en compagnie<br />
de David Lemon, soumettent<br />
le projet au PDG de<br />
l’ASSSM, David Levine. À leur<br />
grande satisfaction, il se déclare<br />
vite intéressé et offre spontanément<br />
son soutien. Non seulement<br />
va-t-il les aider à trouver du<br />
financement, mais il va lui-même<br />
présenter le projet à ses directeurs.<br />
Peu de temps après, il leur<br />
annonce que l’ASSS et le ministère<br />
de la Santé et des Services sociaux du<br />
Québec leur accordent une subvention de<br />
90000$. M. Levine a trouvé en plus un partenaire<br />
privé, TELUS (Solutions en santé),<br />
qui donnera le même montant. <strong>La</strong> SAMS a<br />
dorénavant les moyens de réaliser le projet.<br />
LA CONCRÉTISATION D’UN<br />
PROJET IMPORTANT POUR LES AÎNÉS<br />
Les premiers membres du Conseil d’administration,<br />
auxquels se sont joints la peintre Rita<br />
Ezrati et Olivier Deshaies d’Hydro-Québec,<br />
commencent aussitôt à jeter les bases du<br />
nouvel organisme à but non lucratif. Il faut<br />
trouver d’abord une personne efficace pour<br />
en prendre la direction et produire rapidement<br />
une programmation dans les 46 centres<br />
concernés, tout en continuant à développer<br />
le projet. Gestionnaire dynamique et créative,<br />
Annie Saumier devient alors, le 15 septembre<br />
2009, la première directrice générale<br />
et artistique de la SAMS. Musicienne ellemême,<br />
cette perle rare possède une connaissance<br />
du milieu culturel ainsi qu’une expérience<br />
au sein des JMC et elle est titulaire<br />
d’un MBA de l’École des Hautes études<br />
commerciales de Montréal (HEC).<br />
Afin de faire connaître l’organisme, un lancement<br />
a lieu le 26 mai 2009 au Centre Saint-<br />
Henri. Les résidents ont le bonheur d’entendre<br />
une courte prestation des solistes de la<br />
production Lucia di <strong>La</strong>mermoor de l’Opéra de<br />
Montréal : Église Gutierrez, Stephen<br />
Costello, Jorge <strong>La</strong>gunes, Alain Coulombe,<br />
Sarah Myatt, Antoine Bélanger et Pierre-<br />
Étienne Bergeron. Marie-Ève Scarfone les<br />
accompagne au piano. Un cadeau inespéré<br />
reçu avec enthousiasme par l’assistance. Le 1 er<br />
octobre, la saison 2009-2010 est lancée officiellement<br />
par un concert au Centre d’hébergement<br />
Biermans, à l’occasion de la Journée<br />
internationale de la musique, une date qui<br />
LA DIRECTRICE GÉNÉRALE ET ARTISTIQUE DE LA SAMS, ANNIE SAUMIER .<br />
coïncide avec la Journée internationale pour<br />
les personnes âgées.<br />
UN BONHEUR POUR LES AÎNÉS<br />
ET UNE NOUVELLE AVENUE POUR LES MUSICIENS<br />
Après le concert du 8 octobre au Centre<br />
Saint-Henri, les résidents ne se sont pas fait<br />
prier pour donner leurs impressions et exprimer<br />
le bonheur que ce moment privilégié leur<br />
apporte. Enthousiaste, M. Van de Velde<br />
tenait à faire des commentaires élogieux à<br />
Annie Saumier et à féliciter l’artiste invité.<br />
Originaire de Russie, le guitariste Daniel<br />
Bolshoy habite Montréal depuis deux ans et<br />
enseigne à l’Université Concordia. Son expérience<br />
de tournées avec les Jeunesses<br />
<strong>Musicale</strong>s du Canada l’a amené à commenter<br />
ses prestations pour différents publics, mais<br />
c’était pour le virtuose la première expérience<br />
avec cette clientèle. Très heureux de constater<br />
la qualité d’attention de cet auditoire, il prépare<br />
avec joie son prochain concert.<br />
Ancien professeur de piano au<br />
Conservatoire, une autre résidente a loué cette<br />
initiative qui met de la joie dans le cœur de ces<br />
gens isolés de la vie artistique. «Chaque seconde<br />
que nous vivons, disait Pablo Casals, est<br />
une parcelle nouvelle et unique de l’univers,<br />
un moment qui ne sera jamais plus. » Dans ce<br />
lieu où la vie se passe au ralenti, la musique est<br />
comme un rayon de soleil, «comme une séance<br />
de relaxation», a ajouté une autre. Les<br />
musiciens ne demandent pas mieux que de<br />
partager le bonheur de la musique.<br />
Dans son dernier livre L’élégance du hérisson,<br />
Muriel Barbery fait cette réflexion qui<br />
apparaît si pertinente dans la situation<br />
actuelle : « L’Art, c’est la vie, mais sur un autre<br />
rythme. » Les concerts de la Société pour les<br />
arts en milieux de santé offrent déjà en<br />
musique, pour le bonheur de nos aînés, la vie<br />
«sur un autre rythme ». ■<br />
PHOTOS : MIKAEL SAXEMARD