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lsmX-1 ml1 - La Scena Musicale

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CONCRÉTISER le RÊVE<br />

Lucie Renaud<br />

L’opéra féerie L’eau qui danse, la<br />

pomme qui chante et l’oiseau qui dit<br />

la vérité se veut la somme de la vie<br />

créatrice de Gilles Tremblay. Pauline<br />

Vaillancourt, directrice artistique de<br />

la compagnie Chants libres, connaît bien<br />

l’univers du compositeur, ayant elle-même<br />

participé aux créations d’Oralléluiants, de<br />

DZEÏ Voies de feu et surtout des Vêpres de la<br />

Vierge, moment qu’elle considère comme<br />

l’un des plus importants de sa carrière. Déjà,<br />

en 1995, elle tente de le convaincre de la<br />

nécessité d’écrire un opéra. En 2002, la commande<br />

est passée et un long périple s’amorce<br />

vers la première de cette œuvre lyrique d’un<br />

peu plus de deux heures, qui aura lieu le 19<br />

novembre prochain.<br />

Empreint d’une forte charge poétique, L’eau<br />

qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit<br />

la vérité se veut le fruit d’une collaboration<br />

entre le compositeur et le poète et romancier<br />

Pierre Morency (qui signe ici son premier<br />

livret), deux hommes unis par une même communion<br />

avec la nature. «Ils parlent le même<br />

langage », soutient Pauline Vaillancourt.<br />

Morency parle plutôt d’une «rencontre très<br />

spéciale, d’une conjonction<br />

qui aura permis à cette<br />

œuvre de naître». Les<br />

deux complices<br />

amorcent<br />

d’abord des<br />

recherches<br />

aux archives<br />

folkloriques<br />

LE NOUVEL OPÉRA-FÉERIE<br />

de Gilles Tremblay, dit-on,<br />

serait son chef-d'œuvre.<br />

20 Novembre 2009 November<br />

de l’Université <strong>La</strong>val, afin de retrouver le conte<br />

fondateur qui avait inspiré Mme D’Aulnoy et<br />

séduit Tremblay. Avant de proposer un premier<br />

découpage qui transmettra leur vision commune,<br />

Morency s’imprègne de plusieurs opéras, en<br />

étudie attentivement les livrets. Des discussions<br />

au sujet des personnages et même de chacune<br />

des répliques se multiplient ensuite, qui permettent<br />

à l’auteur de polir sa relecture de ce<br />

récit initiatique. «Chaque mot a été repris, discuté,<br />

nivelé, en fonction de la musique qu’il<br />

supporterait, explique Morency. Un livret, ce<br />

n’est pas uniquement raconter une histoire,<br />

mais créer une base pour que le compositeur<br />

puisse s’envoler dans sa musique.»<br />

L’œuvre s’incarne enfin en juillet 2008, lors<br />

d’un premier déchiffrage avec piano. Au cours<br />

de l’année qui suivra, la distribution sera finalisée<br />

alors que le copiste parachèvera la très<br />

ardue tâche d’extraire les partitions des 12<br />

chanteurs (dont un comédien-chanteur, Jean<br />

Maheu) et 26 musiciens (8 violons, 1 violoncelle,<br />

3 contrebasses, bois, 3 percussions et<br />

piano). Le 3 septembre 2009, toute l’équipe se<br />

retrouve pour une première mise en contexte.<br />

Pierre Morency avoue avoir vécu trois heures<br />

d’émerveillement : «Après cette écoute, j’ai été<br />

pénétré de l’œuvre pendant des jours; je souhaiterais<br />

ce genre de révélation à tout le<br />

monde.» Il se rappelle aussi combien Gilles<br />

Tremblay avait été renversé par le professionnalisme<br />

des interprètes, déjà pénétrés de leurs<br />

rôles. «Chacun pose sa petite pierre, mais nous<br />

érigeons un édifice magnifique», soutient la<br />

chef d’orchestre Lorraine Vaillancourt, qui a<br />

enregistré le monodrame de Tremblay À quelle<br />

heure commence le temps? avec le NEM en<br />

2005. «Dès le premier contact, les chanteurs et<br />

les musiciens ont adoré cette œuvre qui se livre<br />

JE SUIS PEUT-ÊTRE LE<br />

CAPITAINE, MAIS NOUS<br />

SOMMES TOUS DANS LE MÊME<br />

BATEAU ET IL EST ESSENTIEL DE<br />

RACONTER LA MÊME HISTOIRE.<br />

- ROBERT DE BELLEFEUILLE<br />

déjà. Chaque personnage a une couleur, un<br />

rythme, un ton; il reste à les transmettre.»<br />

Des centaines d’heures de répétition<br />

sont prévues d’ici à la première. Le plus<br />

grand défi musical demeure d’assurer la<br />

cohérence de l’œuvre et d’en extraire<br />

les diverses strates, que ce soit les<br />

solos non accompagnés, à la prosodie<br />

rythmée, dans lesquels le<br />

compositeur impose une<br />

façon particulière de restituer<br />

le texte, ou l’apprivoisement<br />

par la chef<br />

des textures, des teintes, des détails, jamais<br />

anodins, que Tremblay intègre à certains<br />

moments de «liberté disciplinée».<br />

Toute création possède sa palette singulière<br />

et il est essentiel de trouver un metteur en<br />

scène qui sache comprendre l’union entre<br />

musique et jeu. Séduite par le travail de Robert<br />

de Bellefeuille dans <strong>La</strong> dame aux camélias,<br />

Pauline Vaillancourt lui offre les rênes. Celui-ci<br />

admet avoir ressenti un vertige intérieur par<br />

rapport à ce nouveau défi. Avant d’accepter, il<br />

a souhaité rencontrer Gilles Tremblay pour<br />

mieux saisir la genèse de l’œuvre : « Cet<br />

homme vibre, il est un véritable fleuve de<br />

paroles. Je me voyais déjà devenir l’élève du<br />

maître. Je lui ai expliqué que je prendrais ce<br />

qu’il avait imaginé et y intégrerais ma sensibilité.<br />

J’ai creusé dans le texte, dans les mots, ai<br />

travaillé comme un archéologue. Il était essentiel<br />

de laisser la place à la musique et à l’histoire,<br />

de traverser la frontière entre rêve et réalité. »<br />

Loin de la partition, il a d’abord travaillé<br />

avec les chanteurs le relationnel entre les personnages,<br />

analysé le texte avec eux, afin de<br />

saisir les moindres subtilités de la trame narrative<br />

: « Je suis peut-être le capitaine, mais<br />

nous sommes tous dans le même bateau et il<br />

est essentiel de raconter la même histoire. »<br />

<strong>La</strong> scénographie de Jean Bard et les éclairages<br />

de Nicolas Descoteaux, nés de l’imagerie des<br />

aurores boréales, se sont ensuite tout naturellement<br />

greffés à cette lecture. « Ce qu’on voit<br />

découle de ce qu’on entend; il faut trouver la<br />

part de la musique, des mots, du visuel, ne<br />

jamais regarder sans écouter. Il faut entendre<br />

le visuel et regarder la musique, ressentir<br />

l’opposition entre consonance et dissonance.<br />

<strong>La</strong> musique est très émotive, comprend<br />

beaucoup de points de rebondissement; il<br />

était donc essentiel d’aller dans la pureté,<br />

d’offrir un écrin à la musique », explique de<br />

Bellefeuille « Cela exige de l’audace, du courage,<br />

à la fois dans la musique et dans la possibilité<br />

que le public pourra jouir d’une telle<br />

œuvre », ajoute Pierre Morency.<br />

Comme trop souvent, la vie s’est révélée<br />

cruelle et Gilles Tremblay n’aura pu assister<br />

aux répétitions, puisqu’il poursuit une lente<br />

convalescence après un AVC. « Nous avons la<br />

responsabilité très fragile de mettre cette<br />

œuvre au monde. Elle nous passe à travers le<br />

corps, nous y investissons une part de nousmêmes,<br />

sans pudeur, sans compromis, s’enflamme<br />

de Bellefeuille. L’œuvre ne sera complète<br />

que le soir de la première; il reste à<br />

l’amener sans l’imposer, pour que le public y<br />

adhère, soit séduit. » ■<br />

Monument-National, 19, 20 et 21 novembre 2009. <strong>La</strong><br />

production sera diffusée le 5 décembre 2009 à 13 h<br />

sur Espace musique<br />

PHOTO : DONAT BOULERICE POUR LE SÉRIE HOMMAGE DE LA SMCQ

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