Yannick Nézet-Séguin - La Scena Musicale

PORTRAIT FOURNELLE-BLAIN
Garder les pieds sur terre
Victor Fournelle-Blain gagne le prix d’Europe 2012
par JACQUELINE
VANASSE
C’est par hasard,
lors des cours de
maître donnés par
Mauricio Fuks en
juin dernier, que
j’ai eu le plaisir rencontrer Victor
Fournelle-Blain, le grand gagnant
du prix d’Europe 2012 tenu à
Montréal. Le jeune musicien, qui
avait passé les trois jours précédent
le concours au Centre d’arts
Orford, dit avoir été très inspiré
par les conseils prodigués par le
formidable pédagogue qu’est
M. Fuks. Le violoniste a étudié
pendant 10 ans au Conservatoire
de Montréal avec Johanne Arel
avant de passer cette dernière
année dans la classe d’Ani
Kavafian à l’université Yale. Il dit
que c’est un concert du violoniste
Maxim Vengerov entendu à 8 ou
9 ans alors qu’il venait de débuter
au violon qui a déclenché sa passion
pour l’instrument. À la fin du
concert, le public est devenu quasi
hystérique et Vengerov a donné
près d’une heure de rappels.
Aujourd’hui encore, ce dernier
demeure un de ses violonistes
favoris et une grande inspiration
pour Fournelle-Blain.
À Banff au moment où on s’est
parlé, il travaillait le Deuxième
Concerto de Bartók qu’il jouera
avec l’Orchestre symphonique
des Jeunes de Montréal en mars
prochain. C’est plein d’excitation
et inspiré par les Rocheuses que le
jeune lauréat travaille cette œuvre
qu’il lui tardait de jouer depuis
des années. « Je me suis toujours
senti très proche du langage personnel
de Bartók, explique-t-il.
J’adore comment sa musique est
incroyablement bien pensée et
structurée tout en laissant passer
une grande sensibilité. » Outre
Bartók, le violoniste essaie pour le
moment de parcourir toutes les
œuvres majeures du répertoire
pour violon en prévision d’un
éventuel calendrier de concerts
chargé qui ne lui laisserait plus le
temps de les travailler en profondeur.
De plus, en jeune homme
prévenant, il explique que l’on
doit laisser le temps aux œuvres
de mûrir et, avouant une préférence
pour un répertoire plutôt
conservateur, ajoute que si des
œuvres sont plus populaires, elles
ne le sont pas sans raison !
Plus encore que la reconnaissance,
la visibilité et les possibilités
de concert que lui a apportées
le prix d’Europe, c’est, ayant
travaillé seul le mois et demi précédant
le concours, de s’être
prouvé qu’il était maintenant prêt
à voler de ses propres ailes qui
l’enthousiasme le plus. Ainsi,
l’obtention de ce prix lui apparaît
comme un premier pas dans sa
carrière de violoniste. Fournelle-
Blain espère maintenant se présenter
à d’autres concours, ces
derniers étant extrêmement
motivants et de belles occasions
pour voyager et rencontrer
d’autres musiciens. Néanmoins,
le talentueux jeune homme garde
les pieds sur terre : « Je dois
essayer d’aller encore plus profondément
dans la musique et de
développer mon style personnel,
mais c’est un processus qui
durera ma vie entière. » Ce qui,
loin de l’effrayer, le motive encore
davantage, puisqu’en définitive
c’est la pratique régulière et quotidienne
de son instrument qui
nourrit sa passion de musicien.
Pour terminer, je peux té -
moigner du succès qu’a remporté
le violoniste lors de sa prestation
au concert des élèves du Centre
d’arts Orford : de tous les formidables
jeunes musiciens entendus
dans la soirée, c’est de Fournelle-
Blain surtout qu’on parlait. Il y a
chez lui une candeur et une intégrité
désarmantes et une ouverture,
un intérêt pour la musique
louable entre tous. C’est certainement
cette personnalité discrète
et attachante, alliée à son élégance
et à son grand sourire franc,
qui a séduit son public et le
séduira longtemps encore. LSM
www.prixdeurope.ca
SEPTEMBRE 2012 25