Magazine pour la clientèle de Sanitas Troesch: casanova «Le ...
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sanitas troesch Mai 2013 <strong>casanova</strong> 31<br />
«Nous avons eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance dans <strong>la</strong> malchance.»<br />
Hubert Basler, 51 ans, responsable magasinier<br />
chez <strong>Sanitas</strong> <strong>Troesch</strong>, Dättwil<br />
«Rétrospectivement, je dois<br />
dire qu’on oublie vite qu’on a<br />
eu une <strong>de</strong>uxième chance.»<br />
Quelquefois, <strong>la</strong> chance et <strong>la</strong> malchance se touchent presque.<br />
Pour Hubert Basler, il n’y avait même pas 24 heures entre<br />
les <strong>de</strong>ux. Le samedi, c’était son mariage, une superbe fête<br />
avec <strong>la</strong> famille et beaucoup d’amis. Le dimanche, un vol<br />
panoramique au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s Alpes, ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> mariage <strong>de</strong> sa<br />
femme. Décol<strong>la</strong>ge à 17 heures <strong>de</strong> l’aérodrome <strong>de</strong> Birrfeld.<br />
Dans un petit avion, un Tobago à aile basse. Il était assis<br />
<strong>de</strong>vant avec le pilote. Derrière se trouvaient sa femme et son<br />
beau-frère. C’était le début d’une chaîne <strong>de</strong> circonstances<br />
malheureuses.<br />
Un dimanche soir <strong>de</strong> juin 1988, le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> son mariage:<br />
il fait beau, tout le mon<strong>de</strong> est <strong>de</strong> bonne humeur. Le vent dans<br />
le dos n’est pas idéal, mais ce n’est pas une raison suffisante<br />
<strong>pour</strong> changer d’avis. Au démarrage, l’avion commence déjà à<br />
pencher à gauche. Mais il n’est plus possible <strong>de</strong> faire machine<br />
arrière. La piste ne permet pas <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>mi-tour. Au décol<strong>la</strong>ge,<br />
l’aile gauche touche presque le sol. Un signal d’a<strong>la</strong>rme sonne<br />
sans interruption. Le pilote force l’alimentation en carburant<br />
<strong>pour</strong> augmenter <strong>la</strong> puissance. Juste <strong>de</strong>vant nous, les lignes<br />
haute tension. On passe juste au-<strong>de</strong>ssus. Mais l’avion n’est<br />
pas manœuvrable, il est trop lent, il n’arrive pas à monter.<br />
Hubert Basler a documenté le déroulement <strong>de</strong> l’acci<strong>de</strong>nt<br />
dans un c<strong>la</strong>sseur bleu qui contient <strong>de</strong>s comptes rendus<br />
d’enquête <strong>de</strong> l’Office fédéral <strong>de</strong> l’aviation civile et <strong>de</strong>s jugements.<br />
Des documents pleins <strong>de</strong> chiffres et <strong>de</strong> termes<br />
techniques. Quand Hubert Basler commence à parler <strong>de</strong> ce<br />
fatal dimanche soir, il aligne les faits <strong>pour</strong> rendre intelligible<br />
l’incompréhensible: 3 minutes <strong>de</strong> vol, poids total <strong>de</strong> 1156 kilos,<br />
soit 6 kilos au-<strong>de</strong>ssus du poids autorisé. Au lieu d’un réservoir<br />
<strong>de</strong> carburant plein aux trois quarts, le réservoir est plein,<br />
car l’aiguille est mal ajustée. Le beau-frère pèse 120 kilos,<br />
le pilote a un poids simi<strong>la</strong>ire, tous <strong>de</strong>ux sont assis à gauche.<br />
Hubert Basler et sa femme, à droite, ne font pas le poids. La ligne<br />
haute tension à 30 m <strong>de</strong> hauteur est évitée <strong>de</strong> justesse. Volte à gauche,<br />
on fonce en biais dans <strong>la</strong> forêt près <strong>de</strong> Müllingen. D’abord, une aile<br />
arrachée, puis c’est au tour du nez <strong>de</strong> l’avion et du moteur. Et <strong>pour</strong> finir,<br />
environ 10 minutes après le crash, l’explosion. Dans un périmètre <strong>de</strong><br />
30 mètres, tout était brûlé. L’endroit où s’est écrasé l’avion était à<br />
10 mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong> lisière <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Ces 10 mètres étaient décisifs, <strong>de</strong><br />
même que le conseil du pilote avant le décol<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> n’attacher que <strong>la</strong><br />
ceinture ventrale. «Un sur mille survit à un tel crash. Nous avons eu <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chance dans <strong>la</strong> malchance. Les arbres ont freiné l’avion. Nous étions à<br />
dix mètres du pré à côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Si l’avion s’était écrasé dans le pré,<br />
nous n’avions aucune chance.» Hubert Basler s’en est sorti avec <strong>de</strong><br />
graves brûlures, sa femme et son beau-frère étaient à peine blessés.<br />
Le pilote n’a pas réussi à se dégager, il est mort dans les f<strong>la</strong>mmes.<br />
Les trois hommes étaient <strong>de</strong>s amis, <strong>de</strong>ux ou trois autres collègues<br />
faisaient aussi partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> clique. C’est ce réseau social, ses parents et<br />
sa femme qui ont aidé Hubert Basler à remonter <strong>la</strong> pente. «Pendant mon<br />
séjour à l’hôpital, ma femme était tous les jours à mes côtés. Nous avons<br />
eu immédiatement l’occasion <strong>de</strong> tenir <strong>la</strong> promesse <strong>de</strong> mariage consistant<br />
à être là l’un <strong>pour</strong> l’autre dans les bons comme dans les mauvais<br />
moments.», dit-il en conclusion. Une profon<strong>de</strong> reconnaissance l’unit à sa<br />
femme et aux autres personnes qui l’ont aidé par d’innombrables<br />
conversations. Si seulement il n’y avait pas le sentiment <strong>de</strong> culpabilité du<br />
survivant. «Je n’ai pas pu regar<strong>de</strong>r en face <strong>la</strong> femme du pilote, mère d’une<br />
fillette d’un an. Je ne sais pas comment elle a réussi à assumer.»<br />
Les premières semaines, il était très inquiet dès que sa femme était en<br />
retard. Au bout <strong>de</strong> trois mois, ses brûlures étaient pratiquement guéries,<br />
ses accès <strong>de</strong> panique s’espaçaient. Mais il a mis dix ans avant <strong>de</strong><br />
pouvoir remonter dans un avion, «et encore, en prenant <strong>de</strong>s médicaments»,<br />
précise-t-il. «Rétrospectivement, je dois dire qu’on oublie vite qu’on a<br />
eu une <strong>de</strong>uxième chance.» Il a emménagé dans une maison, les <strong>de</strong>ux<br />
filles sont nées, chez <strong>Sanitas</strong> <strong>Troesch</strong> il a été nommé responsable<br />
magasinier dans <strong>la</strong> succursale <strong>de</strong> Dättwil. «Le quotidien a eu vite fait <strong>de</strong><br />
me rattraper. Mais rien n’est plus comme avant.» Hubert Basler sait<br />
que <strong>la</strong> vie peut être vite terminée. «C’est <strong>pour</strong>quoi je dis toujours à<br />
moi-même et aux autres: on doit prendre les choses posément, coopérer<br />
et ne pas se combattre.» Et il s’est encore juré une chose: ne plus<br />
jamais monter dans un petit avion.