Dossier pédagogique - Pinacothèque de Paris
Dossier pédagogique - Pinacothèque de Paris
Dossier pédagogique - Pinacothèque de Paris
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>de</strong>s discussions entre les <strong>de</strong>ux peintres à propos<br />
<strong>de</strong> l’art japonais durant la pério<strong>de</strong> où ils<br />
séjournent ensemble dans le Sud <strong>de</strong> la France.<br />
Vincent est en étroite relation avec le marchand<br />
d’art et collectionneur Siegfried Bing, qu’il ai<strong>de</strong><br />
notamment à vendre <strong>de</strong>s estampes japonaises<br />
aux artistes. Vincent a ainsi <strong>de</strong> nombreuses<br />
opportunités d’étudier <strong>de</strong>s centaines d’estampes<br />
dans le grenier <strong>de</strong> la boutique <strong>de</strong> Bing au<br />
19, rue Chauchat. Les positions communes <strong>de</strong><br />
Van Gogh et <strong>de</strong> Gauguin à propos du Japon se<br />
fon<strong>de</strong>nt sur la conviction que l’art japonais était<br />
capable <strong>de</strong> libérer le leur <strong>de</strong> la dépendance <strong>de</strong>s<br />
représentations naturalistes.<br />
Du japonisme à l’abstraction<br />
Au début <strong>de</strong>s années 1890, même si le japonisme<br />
reste populaire et que la fascination pour les<br />
objets nippons considérés comme chics ne se<br />
dément pas, le mouvement prend <strong>de</strong>s orientations<br />
plus sérieuses. Dans le mon<strong>de</strong> entier, on<br />
collectionne aussi bien les céramiques japonaises<br />
que les estampes ukiyo‐e et d’importantes expositions<br />
encouragent cette appréciation grandissante.<br />
Parmi celles‐ci, citons la vaste présentation<br />
d’estampes japonaises qui se tient à l’École <strong>de</strong>s<br />
beaux‐arts en 1890, où les œuvres d’Utamaro<br />
et <strong>de</strong> Sharaku côtoient notamment celles <strong>de</strong><br />
Hokusai et <strong>de</strong> Hiroshige. Elle est à l’origine <strong>de</strong><br />
l’idée selon laquelle toutes les formes artistiques<br />
japonaises, <strong>de</strong> la peinture aux arts appliqués, ont<br />
le même <strong>de</strong>gré d’importance dans la mesure où<br />
elles proviennent du Japon.<br />
La simplication <strong>de</strong>s formes et l’utilisation<br />
<strong>de</strong> couleurs en aplat, que Gauguin intègre dans<br />
son œuvre dès 1888, <strong>de</strong>viennent le credo d’une<br />
jeune génération <strong>de</strong> peintres. Des Nabis comme<br />
Maurice Denis, Pierre Bonnard et Félix Vallotton,<br />
tous collectionneurs d’estampes japonaises, s’inspirent<br />
avec ferveur <strong>de</strong> cet art. Le Bain au soir<br />
d’été <strong>de</strong> Vallotton (1892‐1893) est une interprétation<br />
<strong>de</strong> Femmes au bain public <strong>de</strong> Kiyonaga ; il<br />
y ajoute seulement un plus grand nombre <strong>de</strong><br />
gures apposées selon un dispositif décoratif an<br />
<strong>de</strong> renforcer les principes bidimensionnels <strong>de</strong> la<br />
surface plane.<br />
Après le tournant du siècle, l’art japonais continue<br />
à exercer une énorme inuence, surtout<br />
hors <strong>de</strong> France. À Vienne, dans les peintures <strong>de</strong><br />
Gustav Klimt, les éléments japonais sont si profondément<br />
assimilés qu’il <strong>de</strong>vient compliqué <strong>de</strong><br />
dénir exactement d’où provient telle ou telle<br />
inuence, notamment dans ses portraits. Ainsi,<br />
dans son portrait majestueux d’A<strong>de</strong>le Bloch<br />
Bauer, la robe représentée comme une étendue<br />
plane ainsi que les nombreux éléments décoratifs<br />
qui l’ornent rappellent aussi bien <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong><br />
batiks javanais que <strong>de</strong>s motifs empruntés aux<br />
kimonos japonais. La composition (à l’exception<br />
<strong>de</strong> ses mains) prouve que les portraits ne sont<br />
plus considérés comme <strong>de</strong>vant être <strong>de</strong>s représentations<br />
réalistes <strong>de</strong> leur modèle. L’abstraction<br />
s’impose désormais comme le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> créativité<br />
approprié et l’assimilation <strong>de</strong> l’art japonais<br />
– notamment <strong>de</strong>s estampes – conduit les artistes<br />
<strong>de</strong> tous les pays à repenser la façon dont ils<br />
représentent le mon<strong>de</strong> naturel, loin <strong>de</strong> l’esthétique<br />
naturaliste traditionnelle toujours en vogue<br />
en Occi<strong>de</strong>nt.<br />
D’autres façons <strong>de</strong> voir le japonisme<br />
L’obsession pour le Japon affecte différemment<br />
d’autres artistes. Certains, éprouvant la nécessité<br />
d’obtenir <strong>de</strong>s informations <strong>de</strong> première<br />
main sur ce pays, s’en remettent à l’utilisation<br />
<strong>de</strong> l’appareil photographique pour gar<strong>de</strong>r trace<br />
<strong>de</strong>s gens et <strong>de</strong>s lieux. Intrigué par les premières<br />
photographies du Japon, notamment celles <strong>de</strong><br />
Felice Beato (1832‐1909), le peintre américain<br />
Robert Blum s’y rend dans les années 1890<br />
an <strong>de</strong> se confronter aux réalités du pays et <strong>de</strong><br />
s’éloigner du mon<strong>de</strong> fantaisiste élaboré par tant<br />
<strong>de</strong> japonistes. Blum prend <strong>de</strong> très nombreuses<br />
photographies <strong>de</strong> la vie quotidienne, qu’il utilise<br />
dans la composition <strong>de</strong> ses propres <strong>de</strong>ssins et<br />
peintures. Durant son voyage au Japon, Blum est<br />
accompagné <strong>de</strong> Shugio Hiromichi, <strong>de</strong> la Première<br />
Compagnie <strong>de</strong> commerce et <strong>de</strong> manufacture<br />
japonaise, grâce à qui il peut être présenté à<br />
<strong>de</strong>s personnalités importantes – dont Hayashi<br />
Tadamasa, grand défenseur du japonisme en<br />
France qui soutient également <strong>de</strong> nombreux<br />
peintres japonais contemporains. Se déplacer<br />
librement amène Blum à photographier <strong>de</strong>s lieux<br />
inhabituels dont certains sont reproduits sous la<br />
forme <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins dans le Scribner’s Magazine, un<br />
23