Dossier pédagogique - Pinacothèque de Paris
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Le japonisme et l’impressionnisme<br />
Dès 1874, les expositions impressionnistes<br />
<strong>de</strong>viennent le point <strong>de</strong> convergence <strong>de</strong>s<br />
expérimentations visuelles suscitées par la<br />
découverte <strong>de</strong> l’art du Japon. Tous les ans, les<br />
membres du groupe envoient <strong>de</strong>s toiles qui<br />
témoignent soit <strong>de</strong> l’engouement pour les<br />
objets japonais, soit <strong>de</strong>s différentes assimilations<br />
<strong>de</strong>s conventions plastiques <strong>de</strong>s estampes<br />
japonaises : forme sans mo<strong>de</strong>lé, asymétrie<br />
<strong>de</strong> la composition et perspective en vue<br />
plongeante. Cette première phase d’inuence<br />
artistique donne notamment lieu à la gran<strong>de</strong><br />
toile <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Monet, La Japonaise. Présentée<br />
à la <strong>de</strong>uxième exposition impressionniste <strong>de</strong><br />
1876, cette composition s’inscrit pleinement<br />
dans le style du Salon tout en recréant un<br />
environnement pseudo‐japonais, comme en<br />
témoignent les nombreux éventails xés au<br />
mur <strong>de</strong> l’arrière‐plan. Monet veut <strong>de</strong> cette<br />
manière reproduire l’atmosphère régnant dans<br />
<strong>de</strong> nombreuses maisons et ateliers parisiens<br />
– peut‐être ceux <strong>de</strong> ses amis impressionnistes.<br />
Le mouvement du japonisme <strong>de</strong>venant <strong>de</strong><br />
plus en plus populaire, <strong>de</strong> nombreux artistes, par<br />
divers moyens, développent leur collection d’objets<br />
japonais tandis que les critiques d’art publient<br />
<strong>de</strong>s articles sur ce tout nouvel engouement.<br />
Le Japon en France : Cézanne et Gauguin<br />
On a longtemps considéré que Paul Cézanne n’a<br />
pas montré le moindre intérêt pour l’art japonais,<br />
mais <strong>de</strong>s éléments prouvant le contraire<br />
se font jour <strong>de</strong>puis plusieurs années. En réalité,<br />
il apprécie les estampes japonaises au point <strong>de</strong><br />
transposer <strong>de</strong>s vues du Japon dans <strong>de</strong>s paysages<br />
du Sud <strong>de</strong> la France où il vit 2 .<br />
Il est donc fort possible que Cézanne ait étudié<br />
<strong>de</strong>s estampes japonaises pour comprendre<br />
comment traiter <strong>de</strong>s formes planes et simplier<br />
ses compositions, mais cela reste <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong><br />
l’hypothèse tant il est difcile d’i<strong>de</strong>ntier <strong>de</strong> quels<br />
ukiyo‐e il se serait inspiré. Aujourd’hui, rien ne<br />
permet d’afrmer non plus que Cézanne collectionne<br />
les estampes ; et il reste exclu qu’Émile<br />
Zola, avec qui il s’était lié d’amitié durant leur<br />
adolescence à Aix‐en‐Provence, ait pu partager<br />
avec lui son intérêt pour le japonisme, puisque<br />
les <strong>de</strong>ux artistes ne se fréquentent déjà plus à<br />
cette pério<strong>de</strong>.<br />
Cependant, les trente‐six vues qu’il peint <strong>de</strong><br />
la montagne Sainte‐Victoire – l’énorme massif<br />
dominant la campagne aixoise – au tout début <strong>de</strong><br />
sa carrière, accrédite la possibilité <strong>de</strong> l’inuence<br />
<strong>de</strong>s estampes japonaises sur son œuvre. Il ne<br />
fait aucun doute qu’il s’est inspiré ici <strong>de</strong>s nombreuses<br />
estampes <strong>de</strong> Hokusai représentant le<br />
mont Fuji, et qu’il ait été inuencé par le traitement<br />
du même thème par d’autres graveurs.<br />
En s’intéressant à la masse <strong>de</strong> la montagne et à<br />
ses différents aspects sous différentes lumières,<br />
Cézanne adopte les représentations <strong>de</strong>s artistes<br />
japonais – notamment Hokusai – à tel point<br />
que le karma du cône volcanique japonais vient<br />
habiter la montagne Sainte‐Victoire, au cœur <strong>de</strong><br />
la Provence.<br />
Le japonisme est aussi à l’origine <strong>de</strong> ce que<br />
Paul Gauguin, autre artiste qui expose avec les<br />
impressionnistes, considère comme sa première<br />
toile traitant d’un thème religieux : La Vision après<br />
le sermon (La Lutte <strong>de</strong> Jacob avec l’ange). Cette<br />
peinture joue un rôle clé dans le nouveau style<br />
adopté par Gauguin, et lui permet <strong>de</strong> se distinguer<br />
au point <strong>de</strong> servir <strong>de</strong> modèle à <strong>de</strong> nombreux<br />
jeunes artistes <strong>de</strong> Bretagne et <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, particulièrement<br />
au sein du groupe connu sous le nom<br />
<strong>de</strong> Nabis. Le point capital <strong>de</strong> cette œuvre rési<strong>de</strong><br />
dans la façon dont Gauguin assimile les sources<br />
japonaises qui, en 1888, sont exceptionnellement<br />
bien documentées et connues. Que Gauguin ait<br />
utilisé <strong>de</strong>ux lutteurs d’une page <strong>de</strong>s manga <strong>de</strong><br />
Hokusai ou d’autres images japonaises parues<br />
dans le magazine inuent <strong>de</strong> Siegfried Bing, Le<br />
Japon artistique, il reste que ces représentations<br />
sont <strong>de</strong> véritables catalyseurs pour l’imagination<br />
créatrice du peintre. Cette œuvre, achevée juste<br />
avant que Gauguin n’aille rejoindre Van Gogh à<br />
Arles, laisse également présager <strong>de</strong> la teneur<br />
2. Hi<strong>de</strong>michi TANAKA, « Cézanne and Japonisme », in Artibus et historiae 22, n° 44, 2001, pp. 201‐220. Cette analyse originale <strong>de</strong> la<br />
conception que Cézanne a du japonisme est soutenue par la gigantesque exposition sur le japonisme organisée par Geneviève<br />
Lacambre en 1988 – qui comprend un tableau <strong>de</strong> Cézanne.<br />
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