Dossier pédagogique - Pinacothèque de Paris

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LA ROUTE DU TKAID • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • La route du Tkaid, « route de la mer de l’Est », est l’une des cinq artères majeures du Japon d’alors. Ces cinq routes ont été créées ou se sont développées pendant l’époque d’Edo (1603‐1868), les Tokugawa souhaitant faciliter les déplacements des Japonais, et améliorer leur contrôle sur le pays. Cette artère permet de relier Edo (capitale shogunale) à Kyoto (résidence impériale) en passant par le littoral. La distance était de 488 km, parcourus en deux semaines environ. Les voyageurs, en fonction de leur place dans la société, effectuaient ce voyage à pied (à l’aide de sandales de paille qui ne duraient généralement pas plus de deux jours), en palanquin, en logette de bambou tressé, en chaise à porteur ou à cheval. Le tracé initial du Tkaid remonte au XI e siècle, mais la route ne prend de l’importance qu’à partir de 1603, à la suite du déplacement de la capitale shogunale à Edo. Il débute au pont Nihonbashi, aux portes d’Edo, et aboutit au pont Sanj à Kyoto. Il est intéressant de noter que, l’empereur n’ayant jamais été déchu, Kyoto reste ofciellement la capitale politique du pays. Dès lors, la route devrait débuter au pont Sanj et se terminer au Nihonbashi, à Edo. Faire débuter la route à Edo et choisir le terme nihon pour désigner le Japon, plutôt que le terme yamato, montre une volonté de se couper du pouvoir impérial shintoïste en faveur d’une liation plus chinoise, entre autre par la reconnaissance du néo‐confucianisme comme religion d’État. Les cinquante trois relais sont distants entre eux de quatre ri, une unité de mesure qui correspond à environ deux kilomètres. À l’époque d’Edo, elle est fréquentée avant tout par les daimy (seigneurs féodaux) ; pour éviter les tentatives de rébellion, les daimy sont astreints à une résidence alternée (sankin ktai), dans la capitale auprès du shogun et sur leurs terres. Ils doivent donc emprunter cette route pour se rendre à Edo avec leur suite, et ne retournent dans leur ef qu’en laissant leur famille en « otage ». La suite d’un daimy peut compter plus de mille personnes. De plus en plus de personnes de toutes conditions sillonnent également les routes du pays afin de contempler l’infinie variété des paysages, de visiter les sites célèbres ou de se rendre en pèlerinage dans les sanctuaires ; la nature participe davantage de l’environnement familier. L’obtention de permis de voyage s’assouplit progressivement dans le courant du XIX e siècle, permettant ainsi le développement rapide du tourisme intérieur et la fréquentation des grandes routes comme le Tkaid. Ainsi, la route est très empruntée : daimy et leur suite, bonzes, messagers, marchands, pèlerins et touristes. Des pins sont plantés le long de la route pour offrir de l’ombre aux voyageurs. Des relais, nommés shukuba, sont aménagés pour les ravitaillements (auberges, restaurants, maisons de thé, commerces avec des produits artisanaux et locaux, écuries, etc.). Ils sont souvent situés dans des sites pittoresques, près de sanctuaires shintoïstes ou de temples bouddhiques. Concernant le parcours, la route du Tkaid est partiellement littorale : elle longe la baie de Tokyo, puis la baie de Sagami jusqu’à Hakone. Elle quitte le littoral pour passer la chaîne de montagnes de Hakone, avant de le retrouver dans la baie de Suruga, au sud du mont Fuji. Les voyageurs devaient par la suite traverser les différents euves qui se jettent dans la mer, représentés avec attention par Hiroshige ; de nombreux passages se font en barque. Après le quarantequatrième relais, la route pénètre dans les terres, avant de rejoindre Kyoto. Le Tkaid est aujourd’hui la voie principale de l’immense mégalopole du même nom, qui englobe Tokyo, Yokohama et Nagoya, regroupant plus de cinquante millions d’habitants. Une ligne de train suit le tracé initial de la route (Shinkansen). 12
Utagawa Hiroshige. Un pèlerin avec un large masque Sarutahiko sur les rives du euve Kano. Série des Cinquante-trois étapes du Tkaid, 1833-1834, nishiki-e (estampe à partir d’une gravure colorée) : papier, encres, pigments, dim. max. 23,9 x 35,7 cm. © Museum Volkenkunde, Leiden/Musée national d’Ethnologie, Leyde, inv. RMV 1353-25-13 Les estampes de Hiroshige La série des Cinquante‐trois étapes du Tkaid Jusqu’à très récemment, on pensait que Hiroshige avait effectué ses esquisses lors d’un voyage en 1832 sur la route du Tkaid, alors qu’il accompagnait le cortège du shogun qui se rendait à Kyoto pour offrir des chevaux à l’empereur. Mais cette version est aujourd’hui contestée, et ce pour plusieurs raisons (il n’aurait effectué qu’une semaine de voyage sur le Tkaid, et n’aurait pas dépassé la station 19) : • ce voyage n’est mentionné nulle part dans les archives de la famille ou les autres sources littéraires sur la vie de Hiroshige ; • si Hiroshige a réellement effectué ce voyage, il n’a sans doute jamais dépassé la province de Sugura : la majorité des étapes suivantes s’appuient certainement sur des descriptions d’un guide de voyage, le Tkaid meisho zue. Cet ouvrage illustré donne également de très nombreuses descriptions des stations, du paysage, des spécialités culinaires, etc. ; • l’autre source littéraire est le Tkaidch hizakurige, « À pied sur le Tkaid », roman de Jippensha Ikku publié en 1802, qui a rencontré un vrai succès : certaines scènes du livre sont évoquées dans la série de Hiroshige. La série est publiée en 1833‐1834 grâce à un éditeur inconnu jusqu’alors, Takenouchi Magohachi, et remporte aussitôt un immense succès ; les retirages sont nombreux. Hiroshige a publié au total plus d’une trentaine de séries ayant la route du Tkaid pour sujet, la plupart représentant la totalité des cinquante‐trois étapes. Certaines séries sont réalisées en collaboration avec d’autres artistes tels que Kunisada, Kuniyoshi et Eisen. Pour cette première édition, les dégradés et les coloris sont particulièrement soignés. 13
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