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CAHIER PEDAGOGIQUE - Palais des Beaux Arts de Lille

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<strong>CAHIER</strong> <strong>PEDAGOGIQUE</strong>


—<br />

Sommaire<br />

—<br />

Contexte historique<br />

Régis Cotentin p. 4<br />

1 er <strong>de</strong>gré<br />

Esprit <strong>de</strong> la peinture et peinture <strong>de</strong> l’esprit au Siècle d’Or<br />

Marie-José Parisseaux p. 6<br />

Pistes pédagogiques Entrées pour <strong><strong>de</strong>s</strong> débats philosophiques en classe p. 7<br />

Entrées en arts visuels p. 11<br />

Entrées en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts p. 11<br />

Construisez votre parcours<br />

Dominique Delmotte p. 13<br />

2 nd <strong>de</strong>gré<br />

peintres et philosophes<br />

Philippe Lefèbvre p. 17<br />

Réflexions autour <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres <strong>de</strong> Bill viola et <strong>de</strong> José <strong>de</strong> Ribera<br />

Marie Barras p. 18<br />

Pistes pédagogiques : Entrées en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts p. 20<br />

Ren<strong>de</strong>z-vous autour <strong>de</strong> l’exposition p. 21<br />

contacts p. 22<br />

—<br />

Commissariat <strong>de</strong> l’exposition<br />

> Alain Tapié<br />

Conservateur en chef du patrimoine,<br />

Directeur du <strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Lille</strong> et du Musée <strong>de</strong> l’Hospice Comtesse<br />

> Régis Cotentin<br />

Chargé <strong>de</strong> la programmation contemporaine<br />

Exposition en collaboration avec Citéphilo<br />

Cette exposition est organisée par le <strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> et la Ville <strong>de</strong> <strong>Lille</strong>.<br />

Elle bénéficie du soutien <strong>de</strong> la Région Nord-Pas <strong>de</strong> Calais.<br />

Elle a été réalisée grâce au mécénat <strong>de</strong> la Société Générale, Grant Thornton, Vauban Humanis<br />

et les Amis <strong><strong>de</strong>s</strong> Musées <strong>de</strong> <strong>Lille</strong>.<br />

En partenariat avec Philosophie Magazine, Nord Eclair, la Fnac et Arte.<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique |


—<br />

contexte historique<br />

—<br />

Le siècle d’or espagnol<br />

—<br />

Le Siècle d’Or débute symboliquement en 1492 par <strong>de</strong>ux événements majeurs du mon<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntal. Le 2 janvier, les Rois catholiques reprennent Grena<strong>de</strong><br />

aux Arabes et scellent la fin <strong>de</strong> la reconquête <strong><strong>de</strong>s</strong> royaumes musulmans <strong>de</strong> la péninsule ibérique. L’unification <strong>de</strong> l’Espagne est réalisée. Dans la nuit<br />

du 11 au 12 octobre, Christophe Colomb accoste sur l’actuelle île <strong>de</strong> San Salvador. La "découverte <strong>de</strong> l’Amérique" ouvre les portes du Nouveau Mon<strong>de</strong>.<br />

Au cours du XVIe siècle, les Castillans poursuivent la colonisation <strong><strong>de</strong>s</strong> territoires américains que les conquistadores nomment les In<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> Castille. La<br />

« monarchie universelle » <strong>de</strong> Charles Ier, dit Charles Quint (1516-1556), puis <strong>de</strong> Philippe II (1556-1598) se présente comme une royauté territoriale et<br />

maritime illimitée. La péninsule ibérique exerce alors une influence mondiale.<br />

L’ordre est maintenu <strong><strong>de</strong>s</strong> rives du Danube aux côtes du Pacifique grâce à une politique <strong>de</strong> marchés inondés par l’or <strong><strong>de</strong>s</strong> Amériques, dont l’exploitation<br />

est seulement tempérée par l’évangélisation <strong><strong>de</strong>s</strong> indigènes. Dans les arts, le Siècle d’Or correspond à l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> les plus exaltantes <strong>de</strong> l’histoire<br />

<strong>de</strong> l’art. En Espagne, l’art du Greco, <strong>de</strong> Ribera, <strong>de</strong> Zurbaran, Murillo et Vélasquez accompagne l’excellence <strong>de</strong> la littérature espagnole avec les romans<br />

picaresques <strong>de</strong> Miguel <strong>de</strong> Cervantes, Mateo Aleman et Franscisco <strong>de</strong> Quevedo. L’oeuvre prolifique <strong>de</strong> Lope <strong>de</strong> Vega popularise le théâtre. Les premiers<br />

espaces scéniques, les "corrales <strong>de</strong> comedias" sont construits à la fin du XVII e siècle. La mise en scène gagne la composition picturale, et justifie aux<br />

yeux du public les poses affectées du Baroque. La vie religieuse est dominée par l’ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Jésuites fondé par Ignace <strong>de</strong> Loyola (1491-1556). Leur<br />

influence est aussi prépondérante dans les milieux artistiques. Ils participent à la diffusion <strong>de</strong> l’esthétique baroque dans tout le royaume, du Danube<br />

aux In<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> Castille. L’évangélisation <strong><strong>de</strong>s</strong> colonies par les pères jésuites et les ordres mendiants dominicains et franciscains contribuent à la diffusion<br />

<strong>de</strong> l’esthétique baroque.<br />

Le "Siglo <strong>de</strong> Oro" se clôt en 1648 par l’indépendance reconnue <strong><strong>de</strong>s</strong> Provinces-Unies qui donne naissance à la "République <strong><strong>de</strong>s</strong> Sept Pays-Bas-Unis". Cette<br />

reconnaissance tardive <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> la monarchie espagnole, en plus <strong>de</strong> symboliser le triomphe <strong>de</strong> la Réforme contre les catholiques, marque le déclin<br />

progressif <strong>de</strong> l’Empire <strong><strong>de</strong>s</strong> Habsbourg.<br />

—<br />

L’invention du philosophe mendiant<br />

—<br />

L’apparition du portrait imaginaire du philosophe antique, comme modèle <strong>de</strong> l’homme érudit et spirituel du XVII e siècle, est liée aux contingences <strong>de</strong><br />

l’histoire. Dans cet empire où "le soleil ne se couche jamais", l’armée est nécessaire dans tous les pays du royaume pour maintenir l’ordre monarchique.<br />

Mais l’ubiquité du pouvoir impérial engendre <strong><strong>de</strong>s</strong> dépenses exorbitantes que l’or <strong><strong>de</strong>s</strong> Amériques ne suffit pas à couvrir. Pour répondre aux accusations<br />

<strong>de</strong> matérialisme politique par la fron<strong>de</strong> protestante, l’urgence d’incarner les idées humanistes est nécessaire pour rétablir l’unité spirituelle <strong>de</strong> l’Empire.<br />

Sous l’influence <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres mendiants initiés par Ignace <strong>de</strong> Loyola, Thérèse d’ Avila et Jean <strong>de</strong> la Croix, au cours du XVI e siècle, la figure du philosophe<br />

stoïcien, détaché <strong><strong>de</strong>s</strong> biens matériels, totalement dévoué à la recherche <strong>de</strong> la sagesse et <strong>de</strong> la vérité, <strong>de</strong>vient évi<strong>de</strong>nte comme modèle <strong>de</strong> la raison,<br />

<strong>de</strong> la civilité et <strong>de</strong> l’érudition. Mais pour se soustraire du conflit entre catholiques et protestants sur l’interprétation du message du Christ, le choix <strong>de</strong><br />

l’Antiquité comme référence universelle s’impose pour démontrer les fon<strong>de</strong>ments communs <strong>de</strong> toute confession.<br />

Le portrait <strong>de</strong> philosophe antique appartient désormais à notre patrimoine culturel collectif. Son image est récurrente quand on souhaite incarner la<br />

raison morale sous les traits du vieux sage, tout particulièrement dans les arts <strong>de</strong> la scène et le cinéma, du film historique à l’heroic fantasy.<br />

—<br />

repères historiques<br />

—<br />

l’antiquité grecque<br />

v. 540 av. JC. | Naissance d’Héraclite, Éphèse.<br />

540 ou 510 av. JC. | Naissance <strong>de</strong> Parméni<strong>de</strong>, fondateur <strong>de</strong> l’ontologie occi<strong>de</strong>ntale (la pensée <strong>de</strong> l’être).<br />

460 av. JC. | Naissance <strong>de</strong> Démocrite, Abdère.<br />

470 av. JC. | Naissance <strong>de</strong> Socrate.<br />

427 av. JC. | Naissance <strong>de</strong> Platon, Athènes.<br />

Indissociablement lié à Socrate, il a constitué une œuvre immense sous forme <strong>de</strong> dialogues.<br />

v. 404 av. JC. | Naissance <strong>de</strong> Diogène le Cynique, Synope.<br />

387 av. JC. | Platon fon<strong>de</strong> l’Académie. Elle survivra jusqu’en 529 apr. J.C. Dix ans d’étu<strong>de</strong> sont consacrés à l’arithmétique, la géométrie,<br />

l’astronomie et l’harmonie, puis cinq ans sont dédiés à la philosophie pour accé<strong>de</strong>r à la dialectique, la science suprême.<br />

384 av. JC. | Naissance <strong>de</strong> Aristote, Stagire (Macédoine). Il «invente» la métaphysique et la poétique.<br />

| portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique


l e siècle d’or espagnol<br />

1592 | Naissance <strong>de</strong> José <strong>de</strong> Ribera, Valence<br />

1598 | Début du règne <strong>de</strong> Philippe III<br />

1599 | Naissance <strong>de</strong> Diego Vélasquez, Séville<br />

1610 | Mort <strong>de</strong> Caravage<br />

1613 | Ribera s’établit à Rome où il découvre l’œuvre du Caravage et <strong>de</strong> ses disciples<br />

1615 | Cervantès achève Don Quichotte, commencé en 1605<br />

1616 | Ribera se fixe à Naples<br />

1621 | Règne <strong>de</strong> Philippe IV<br />

1623 | Vélasquez <strong>de</strong>vient peintre du roi Philippe IV<br />

1630 | Vélasquez est à Naples où il rencontre Ribera.<br />

1634 | Naissance à Naples <strong>de</strong> Luca Giordano<br />

1648 | L’Espagne reconnaît l’indépendance <strong><strong>de</strong>s</strong> Provinces-Unies <strong><strong>de</strong>s</strong> Pays-Bas<br />

1652 | Mort <strong>de</strong> Ribera<br />

1656 | Vélasquez peint son chef d’œuvre Les Ménines<br />

1660 | Mort <strong>de</strong> Vélasquez<br />

1705 | Mort <strong>de</strong> Giordano<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique |


1 er <strong>de</strong>gré Marie-José PARISSEAUX<br />

—<br />

Esprit <strong>de</strong> la peinture<br />

et peinture <strong>de</strong> l’esprit au Siècle d’Or<br />

—<br />

L’exposition <strong>de</strong> quarante cinq portraits imaginaires <strong>de</strong> philosophes ou <strong>de</strong> saints explore la question <strong>de</strong> la représentation <strong>de</strong> la pensée.<br />

Mais qu’est-ce-que la pensée et comment représenter cet acte intime et invisible pour un peintre ?<br />

Ces séries <strong>de</strong> peintures <strong>de</strong> philosophes sont issues d’une mo<strong>de</strong> qui s’est répandue parmi les artistes du royaume hispanique et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

ses provinces (Flandres, Royaume napolitain) au XVIIe siècle. L’Espagne voit alors fleurir tous les domaines artistiques et rayonne<br />

intellectuellement dans toute l’Europe. Des figures littéraires comme Cervantès, Lope <strong>de</strong> Vega trouvent leurs équivalents en peinture<br />

avec Ribera, Velasquez, Zurbaran, Murillo.<br />

Toutefois, ce Siècle d’Or est surtout celui où la pensée, libérée <strong><strong>de</strong>s</strong> préceptes <strong>de</strong> la scolastique médiévale qui voit s’épanouir <strong>de</strong> grands<br />

courants d’idées fondés sur l’érudition et la liberté. La lecture du mon<strong>de</strong> s’appuie dorénavant sur la science, la redécouverte <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

philosophies antiques, Dieu restant certes le grand ordonnateur <strong>de</strong> l’univers selon l’Eglise catholique romaine. Au XVIIe siècle, en<br />

effet, la dynamique intellectuelle engagée dès la Renaissance sépare encore davantage, savants et autorités religieuses, à la lumière <strong>de</strong><br />

transformation radicale dans le champ du savoir. Le passage d’une conception théologique géocentrique (la Terre, centre <strong>de</strong> l’univers) à<br />

une conception héliocentrique (le soleil, centre <strong>de</strong> l’univers selon Copernic mais surtout Galilée en 1633) marque en effet un tournant<br />

irréversible dans la connaissance et la pensée. Au XVIIe siècle, émerge l’esprit scientifique mo<strong>de</strong>rne : ainsi l’astrologie et l’astronomie<br />

se séparent définitivement, alors que le microscope révèle l’infiniment petit, <strong>de</strong> nouveaux mon<strong><strong>de</strong>s</strong> se découvrent. La condamnation<br />

<strong>de</strong> Galilée, par l’Église, en 1633 illustre bien les <strong>de</strong>rnières tentatives menées par le pouvoir religieux pour réfuter <strong><strong>de</strong>s</strong> conclusions non<br />

plus fondées sur <strong><strong>de</strong>s</strong> hypothèses métaphysiques, mais sur une métho<strong>de</strong> expérimentale. Cette révolution scientifique amène avec elle<br />

un renouvellement <strong>de</strong> la philosophie. Désormais, nul ne peut ignorer la portée <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> d’investigation scientifique prônée par<br />

Descartes, Spinoza ou encore Leibniz. Deux tendances philosophiques vont alors émerger : le rationalisme qui cherche à déduire <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

connaissances positives à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> principes logiques <strong>de</strong> pensée (Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibniz) l’empirisme qui fait <strong>de</strong><br />

l’expérience sensible le fon<strong>de</strong>ment même <strong>de</strong> la connaissance (Hobbes ou Locke). Le XVIIe siècle est aussi le grand siècle mystique<br />

en ces temps <strong>de</strong> Contre-Réforme. La canonisation, en 1622, <strong>de</strong> grands réformateurs catholiques, Thérèse d’Avila, Ignace <strong>de</strong> Loyola,<br />

François Xavier confirme la place <strong>de</strong> l’Église dans son combat contre les réformés. Les images exaltent le culte ou accompagnent la<br />

méditation privée. La peinture comme délectation privée prend alors une place <strong>de</strong> plus en plus importante.<br />

Au XVIIe siècle, pensée scientifique et foi religieuse s’incarnent donc dans ces portraits imaginaires <strong>de</strong> philosophes ou <strong>de</strong> figures<br />

saintes. Les artistes du Siècle d’Or illustrent l’esprit et la réflexion non pas en représentant la pensée, mais les "penseurs". Les figures<br />

du sage, du philosophe, du saint, du poète, peints en séries vont fleurissent à cette époque. Ce sont les gestes, les attitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, les<br />

expressions, les attributs mais aussi les jeux <strong>de</strong> lumière, source symbolique du savoir, qui traduiront la pensée qui élève l’homme vers<br />

la métaphysique. José <strong>de</strong> Ribera est l’initiateur <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> portraits <strong><strong>de</strong>s</strong>tinés aux cabinets <strong>de</strong> travail princiers, associant les grands<br />

auteurs <strong>de</strong> l’Antiquité aux pères fondateurs <strong>de</strong> l’Eglise, il sera bientôt suivi par d’autres artistes espagnols, italiens et pas <strong><strong>de</strong>s</strong> moindres<br />

comme Vélasquez, Zurbaran, Giordano mais aussi par <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres flamands Moreels, Ter Bruggen, etc.<br />

Durant son séjour à Naples et influencé par le courant ténébriste du Caravage, Ribera peint <strong><strong>de</strong>s</strong> séries <strong>de</strong> saints anachorètes montrant<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> personnages dont les modèles sont <strong><strong>de</strong>s</strong> gens du bas peuple, tannés par le soleil, é<strong>de</strong>ntés et en haillons. Nous sommes loin <strong><strong>de</strong>s</strong> figures<br />

solennelles et idéalisées <strong><strong>de</strong>s</strong> philosophes <strong>de</strong> l’Antiquité, réunis dans un grandiose cadre architectural et peints en 1508 par Raphaël dans<br />

l’«Ecole d’Athènes». Ce sont à présent <strong><strong>de</strong>s</strong> miséreux qui seront assimilés aux portraits <strong>de</strong> la pensée.<br />

Les philosophes sont souvent représentés en hommes âgés, la vieillesse évoquant la sagesse, vêtus <strong>de</strong> guenilles et souvent baignés par<br />

un clair obscur violent. Solitaires, ces penseurs rappellent la nécessité du repli sur soi pour entrer dans la réflexion ou la méditation,<br />

à l’image <strong><strong>de</strong>s</strong> pères <strong>de</strong> l’Eglise aux pratiques cénobitiques. Quand ils sont plusieurs, ils échangent et évoquent la dialectique prônée<br />

par les philosophes, métho<strong>de</strong> qui consiste à argumenter une idée en tenant compte <strong>de</strong> son contraire. Souvent représentés dans un<br />

décor spartiate, les rares éléments <strong>de</strong> mobilier présents ne sont pas l’essentiel du discours peint, ils ne font que souligner le contraste<br />

entre réalité matérielle et mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> idées. Philosophes mais aussi savants, les figures sont accompagnées d’objets qui renvoient à<br />

la connaissance et l’activité intellectuelle. Alambics, cartes, globes terrestres et célestes, écrits mathématiques, livres, compas, sont<br />

les attributs les plus souvent représentés. Le livre omniprésent souligne la dualité entre pensée philosophique chrétienne et pensée<br />

scientifique. Tantôt représenté comme outil d’enseignement, sujet <strong>de</strong> réflexion, <strong>de</strong> médiation ou d’interrogation, le livre est aussi<br />

source <strong>de</strong> confrontation d’idées. La lumière joue également un rôle important dans ces portraits, symbole <strong>de</strong> la connaissance. Elle<br />

émane tantôt du penseur ou <strong><strong>de</strong>s</strong> objets <strong>de</strong> connaissance, tantôt du ciel symbolisant alors la révélation spirituelle.<br />

Esprit, réflexion, méditation, raisonnement, la pensée au sens large est une activité psychique consciente, qui permet à l’individu<br />

d’élaborer <strong><strong>de</strong>s</strong> concepts qu’il associe pour apprendre et créer. Les philosophes sont par excellence ceux dont le métier est d’interroger<br />

le mon<strong>de</strong>. Ils réfléchissent avec raison, pour accé<strong>de</strong>r à la sagesse et comprendre le sens <strong>de</strong> la vie. Ces figures allégoriques <strong>de</strong> la<br />

pensée que nous présente l’exposition, interpellent leur profon<strong>de</strong>ur et nous renvoient inévitablement à notre présent, à nos propres<br />

convictions dans un mon<strong>de</strong> en perpétuel changement.<br />

| portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique


—<br />

PISTES <strong>PEDAGOGIQUE</strong>S<br />

—<br />

ENTREES POUR DES DEBATS<br />

PHILOSOPHIQUES EN CLASSE<br />

—<br />

Qui sont les philosophes représentés ?<br />

Quelles questions nous posent-ils ?<br />

En France, la philosophie, en tant que discipline, n’est enseignée<br />

qu’en terminale générale. Pour autant, certaines pratiques<br />

relevant du philosophe commencent à voir le jour dans les<br />

écoles primaires sous forme <strong>de</strong> débats ou d’ateliers à visée<br />

philosophique. L’objectif recherché est d’ai<strong>de</strong>r les élèves à<br />

problématiser, argumenter et conceptualiser. Il ne s’agit pas <strong>de</strong><br />

faire un cours <strong>de</strong> philosophie à <strong><strong>de</strong>s</strong> élèves <strong>de</strong> primaire. Il s’agit<br />

d’éveiller en eux le goût <strong>de</strong> la réflexion, du débat collectif, <strong>de</strong><br />

l’échange, <strong>de</strong> l’écoute, <strong>de</strong> la construction collective sur un thème<br />

à caractère philosophique.<br />

Questions pour lancer le débat autour du savoir<br />

> A quoi sert le savoir ?<br />

> Le savoir peut-il transformer le mon<strong>de</strong> ?<br />

> Le savoir est-il dangereux, possible ?<br />

> Comment apprendre ?<br />

> Comment inventer ?<br />

—<br />

LE PHILOSOPHE MATHEMATICIEN (PYTHAGORE)<br />

• Luca GIORDANO, L’Astronome<br />

huile sur toile,Chambéry, Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong> <strong>Arts</strong>, 1655<br />

• Luca GIORDANO, Un Philosophe mathématicien<br />

huile sur toile, Douai, Musée <strong>de</strong> la Chartreuse<br />

• Luca GIORDANO, Un Philosophe<br />

huile sur toile, Londres, collection privée, vers 1660<br />

Luca Giordano, peintre célèbre et prolifique, nous donne<br />

à voir ici l’image <strong>de</strong> philosophes dont les attributs (compas,<br />

chiffres, etc.) renvoient aux mathématiques ou aux sciences.<br />

Ils rappellent la naissance <strong><strong>de</strong>s</strong> sciences mo<strong>de</strong>rnes mais aussi la<br />

notion <strong>de</strong> philosophes –savants <strong>de</strong> l’antiquité souvent associés<br />

aux figures <strong>de</strong> Pythagore ou <strong>de</strong> Thalès.<br />

Pythagore (582 av. JC, 500 av. JC) mathématicien et<br />

philosophe grec (célèbre pour son fameux théorème), fon<strong>de</strong><br />

une communauté religieuse, politique et scientifique. Il a par<br />

ailleurs donné un caractère scientifique aux mathématiques en<br />

les séparant <strong>de</strong> la religion et en imposant la numération décimale.<br />

Il enseigne que la réalité repose sur les nombres qui, selon lui,<br />

ont une sorte <strong>de</strong> pouvoir magique pour façonner la réalité "Les<br />

nombres gouvernent le mon<strong>de</strong>".<br />

Questions pour lancer le débat autour <strong><strong>de</strong>s</strong> sciences<br />

> Les inventions <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes sont-elles toutes nécessaires,utiles<br />

ou bonnes ?<br />

> Invente-t-on <strong><strong>de</strong>s</strong> choses ou les découvre-t-on ?<br />

> Comment les hommes ont-ils découvert certaines choses ?<br />

> Les découvertes se font-elles par hasard ou pas ?<br />

> Trouve-t-on toujours ce que l’on cherche ? Sait-on toujours ce que l’on<br />

cherche ?<br />

> Toutes les découvertes sont-elles bonnes ?<br />

> Quelles sont les découvertes importantes que tu as faites <strong>de</strong>puis que<br />

tu es né ?<br />

—<br />

PLATON<br />

• Luca GIORDANO, Platon<br />

huile sur toile, Metz, musée <strong>de</strong> la Cour d’Or, 1655-1660<br />

• José <strong>de</strong> RIBERA, Platon<br />

huile sur toile, Musée <strong>de</strong> Picardie, Amiens, vers 1630<br />

Les artistes nous offre une figure du philosophe âgé, méditatif et<br />

interrogatif tenant Le Livre <strong><strong>de</strong>s</strong> Idées qui rappelle sa théorie sur<br />

le concept du dualisme.<br />

Platon (427 av JC, 347 av JC), philosophe grec élève <strong>de</strong><br />

Socrate, met en place la notion <strong>de</strong> dualisme. Pour lui, la réalité<br />

peut être divisée en <strong>de</strong>ux substances, l’une matérielle et l’autre<br />

spirituelle, cette <strong>de</strong>rnière rend possible la pensée et la connaissance.<br />

Pour Platon, le mon<strong>de</strong> sensible s’oppose au mon<strong>de</strong> intelligible.<br />

Le mon<strong>de</strong> matériel est comme une caverne sombre où nous<br />

ne voyons que <strong><strong>de</strong>s</strong> ombres; sortons <strong>de</strong> la caverne, contemplons<br />

l’Idée du Bien. Les idées sont parfaites. Le mon<strong>de</strong> sensible est<br />

comme les ombres <strong>de</strong> la caverne, il est affecté par le changement<br />

et la dégradation. Le mon<strong>de</strong> intelligible lui est permanent et<br />

idéal. Le corps est mortel et l’âme est immortelle (voir "le Mythe<br />

<strong>de</strong> la caverne", La République).<br />

Questions pour lancer le débat autour <strong>de</strong> la réalité<br />

> Si chacun a sa réalité, comment peut-on connaître LA réalité ?<br />

> Quelles sont les choses qui ne sont pas vraies pour tout le mon<strong>de</strong> ?<br />

Donne <strong><strong>de</strong>s</strong> exemples.<br />

> Les rêves peuvent-ils influencer la réalité ?<br />

> Quelles différences fais-tu entre la réalité et l’imagination ?<br />

> Le réel est il toujours ce que nous percevons? Le rêve, le réel la magie<br />

sont ils la réalité ?<br />

> L’art, le cinéma, la télévision nous donnent-ils la vision vraie <strong>de</strong> la<br />

réalité ?<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique |


—<br />

RENE DESCARTES<br />

• Jean Baptiste WEENIX, Portrait <strong>de</strong> René DESCARTES<br />

huile sur toile, Utrecht, Centraal muséum, 1647-1649<br />

Seul portrait d’un philosophe vivant du XVIIe siècle, ce tableau<br />

nous montre Descartes tenant un livre portant ces mots "Mundus<br />

est fabula": le mon<strong>de</strong> est une fable. Car, c’est ainsi que pour <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

finalités pédagogiques, Descartes emploie ce genre littéraire couru<br />

au XVIIIe siècle, la fable, afin d’illustrer ses propos.<br />

René Descartes (1596-1650) met en doute ce qu’il a appris<br />

après <strong>de</strong> longues étu<strong><strong>de</strong>s</strong>. Son projet est <strong>de</strong> réformer la connaissance<br />

humaine car nous ne savons rien avec certitu<strong>de</strong>. Il ne faut accepter<br />

pour vrai que ce qui est clair et distinct, ce que l’on ne peut mettre<br />

en doute. Avec cette métho<strong>de</strong> nous progresserons pour découvrir<br />

les lois qui régissent la nature. Méfions-nous donc <strong>de</strong> nos sens.<br />

—<br />

DEMOCRITE<br />

• Luca GIORDANO, Le philosophe Démocrite<br />

huile sur toile, Brescia, Musei civici d’Arte e Storia, 1657-1658<br />

• Hendrick TER BRUGGHEN, Démocrite<br />

huile sur toile, Amsterdam, Rijksmuseum, 1628<br />

• Johan MOREELSE, Démocrite, le Philosophe rieur<br />

huile sur toile, La Haye, Maurithuis, vers 1630<br />

Démocrite (460 av. JC, 370 av. JC), philosophe grec, enseigne<br />

que la nature toute entière est constituée d’infimes particules et<br />

<strong>de</strong> vi<strong>de</strong>. Un arbre, un chat, un homme sont composés d’atomes<br />

qui, quand ils meurent, retournent à la nature pour se combiner<br />

autrement et former d’autres corps.<br />

En formulant l’idée d’atome, Démocrite tente <strong>de</strong> démontrer<br />

que la nature ne doit rien au caprice, mais tout à l’ordre. C’est<br />

aussi à Démocrite que l’on doit d’exercer dès l’Antiquité, le rire<br />

comme pratique philosophique. Tenu pour fou par ses concitoyens,<br />

le philosophe facétieux et provocateur est représenté désinvolte<br />

face aux pauvres d’esprits enfoncés dans leurs certitu<strong><strong>de</strong>s</strong> et leurs<br />

croyances. Mais Démocrite rit aussi <strong>de</strong> lui-même.<br />

"La liaison fortuite <strong><strong>de</strong>s</strong> atomes est à l’origine <strong>de</strong> tout ce qui est".<br />

Démocrite<br />

> Que signifie pour toi avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> atomes crochus ? Mets en image. Démocrite<br />

raille l’ignorance et se moque <strong>de</strong> tout.<br />

Questions pour lancer le débat autour du rire<br />

> A ton avis, peut-on rire <strong>de</strong> tout?<br />

> Pourquoi les dictateurs n’aiment-ils pas le rire ?<br />

> En quoi le rire peut-il être libérateur ?<br />

> Déci<strong>de</strong>-t-on <strong>de</strong> rire ou est-ce malgré soi que l’on éclate <strong>de</strong> rire ?<br />

> Rire, est-ce un droit ?<br />

> Les choses tristes peuvent-elles faire rire ? Pourquoi ?<br />

> Rire peut-il rendre triste ? Comment ?<br />

> Vivre, est-ce drôle ?<br />

> L’humour peut-il être méchant ? Comment ?<br />

> Qu’est-ce qui te semble le plus juste : plus on souffre <strong>de</strong> quelque chose,<br />

moins on en rit. Plus on rit <strong>de</strong> ce qui nous fait souffrir, moins on en souffre ?<br />

Questions pour lancer le débat autour <strong>de</strong> la vérité<br />

"Le bons sens est la chose la mieux partagée au mon<strong>de</strong>",<br />

René DESCARTES<br />

> Trouve trois mots qui dérivent du mot raison (raisonnable, déraisonnable,<br />

irraisonné, raisonnement, rationnel, irrationnel, etc.)<br />

"Que je veille ou que je dorme, <strong>de</strong>ux plus trois font cinq et un carré n’aura<br />

jamais plus que quatre côtés", René DESCARTES<br />

> Est-ce que le résultat d’une addition, la définition d’une forme<br />

géométrique change selon que je rêve ou pas, est ce que cela dépend <strong>de</strong><br />

ma perception?<br />

"Je pense donc je suis", René DESCARTES<br />

> Comme Descartes, la seule chose dont on est sûr est d’exister et <strong>de</strong><br />

penser. Pour le reste, doutons <strong>de</strong> ce que l’on a appris: la terre est-elle<br />

vraiment ron<strong>de</strong> ? Napoléon a-t-il existé ? L’eau <strong>de</strong> mer est-elle salée ? Les<br />

extra- terrestres sont- ils verts ?<br />

"Combien <strong>de</strong> fois m’est-il arrivé <strong>de</strong> songer la nuit que j’étais en ce lieu,<br />

habillé, que j’étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dans mon lit",<br />

René Descartes<br />

> T’est-il déjà arrivé <strong>de</strong> croire que tes rêves étaient réels ? Lesquels ? Ne<br />

rêvons-nous pas tout le temps ?<br />

> Tes yeux peuvent-ils voir tout ce qui existe ?<br />

> Tes yeux peuvent-ils te tromper ?<br />

> Comment peut-on être sûr que les choses existent ?<br />

> Connais-tu toutes les choses que tu vois ?<br />

> Comment connais-tu toutes les choses que tu sais ?<br />

> Dois-tu croire tout ce qu’on te raconte ?<br />

> Dois-tu croire tout ce qu’on t’apprend ?<br />

> Y a-t-il <strong><strong>de</strong>s</strong> choses que l’on sait dont on n’est pas tout à fait sûr ?<br />

> Comment peut-on être sûr <strong>de</strong> quelque chose ? De quoi peut-on être<br />

absolument sûr ?<br />

> Quelle différence fais-tu entre croire quelque chose et être sûr <strong>de</strong> quelque<br />

chose ?<br />

| portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique


—<br />

DIOGENE DE SINOPE<br />

• Ecole espagnole, XVIIe siècle, Diogène à la lanterne<br />

huile sur toile, Montauban, Musée Ingres<br />

Le philosophe est ici représenté avec <strong>de</strong>ux attributs, un livre et<br />

une lanterne. La seule richesse <strong>de</strong> Diogène était un drap qu’il<br />

utilisait en guise <strong>de</strong> caleçon et une lampe qu’il utilisait en plein<br />

jour, à Athènes. A la question que lui posaient les gens <strong>de</strong> savoir<br />

pourquoi il se promenait avec une lampe à midi, il répondit :<br />

"Je cherche l’Homme, et je ne vois que <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes !".<br />

Diogène (413 av. JC, 327 av. JC), philosophe grec, prône le<br />

mépris <strong><strong>de</strong>s</strong> biens matériels et considère la vanité comme le plus<br />

ridicule <strong>de</strong> tous les comportements. Dédaignant les richesses<br />

et les conventions sociales, Diogène vit dans une amphore et<br />

cherche la sagesse dans le dénuement. Il s’acharne à dénoncer<br />

les contradictions et la bêtise <strong><strong>de</strong>s</strong> gens qu’il rencontre. Il nous<br />

enseigne que la liberté a un prix et que pour être totalement<br />

libre il ne faut pas s’attacher aux biens matériels.<br />

Questions pour lancer le débat autour <strong>de</strong> la richesse<br />

Sale et barbu, Diogène dormait, dit-on, dans une amphore (ou un<br />

tonneau) près d’un tas d’immondices. Un jour, Alexandre le Grand,<br />

empereur puissant <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Diogène "Que puis-je faire pour toi?".<br />

Diogène lui répond alors "Ôte-toi <strong>de</strong> mon soleil !".Alexandre, en<br />

effet, lui faisait <strong>de</strong> l’ombre. Diogène refusant honneurs et richesse ne<br />

<strong>de</strong>mandant qu’a à se réchauffer au soleil.<br />

Un jour qu’il est en train <strong>de</strong> manger <strong><strong>de</strong>s</strong> lentilles pour souper, Diogène<br />

rencontre le philosophe Aristippe qui menait une existence confortable<br />

car proche du roi. Aristippe lui dit : "Si tu apprenais à flatter le roi, tu<br />

n’en serais pas à te contenter <strong>de</strong> lentilles". Diogène lui répondit : "Si<br />

tu avais appris à te contenter <strong>de</strong> lentilles, tu n’aurais pas à ramper<br />

<strong>de</strong>vant le roi".<br />

> Serais-tu plus heureux si tu avais : plus <strong>de</strong> jouets ? plus d’amis ? <strong>de</strong><br />

meilleures notes à l’école ? une belle maison ?<br />

> Pourrais-tu être heureux si tu n’avais pas : <strong>de</strong> jouets ? d’amis ? <strong>de</strong><br />

bonnes notes à l’école ? De maison ? <strong>de</strong> parents ?<br />

—<br />

HERACLITE<br />

• Johan MOREELSE, Héraclite<br />

huile sur toile, Utrecht, Centraal muséum, vers 1630<br />

Très beau portrait <strong>de</strong> ce philosophe d’âge mur représenté <strong>de</strong><br />

profil, dans une posture conventionnelle <strong>de</strong> la mélancolie,<br />

l’homme semble discourir sans ferveur, mesurant sans doute<br />

l’inutilité <strong>de</strong> son argumentation.<br />

• Hendrick TER BRUGGHEN, Héraclite<br />

huile sur toile, Amsterdam, Rijksmuseum, 1628<br />

Un vieillard en pleurs est penché au <strong><strong>de</strong>s</strong>sus d’un globe<br />

terrestre. Les mains serrées, <strong><strong>de</strong>s</strong> ri<strong><strong>de</strong>s</strong> profon<strong><strong>de</strong>s</strong> marquant son<br />

beau visage, Héraclite est ici représenté <strong>de</strong> manière convenue:<br />

pessimiste voire désespéré.<br />

Pour HERACLITE (576 av. JC, 480 av. JC) philosophe<br />

grec, une seule chose est constante, permanente, c’est le<br />

changement. Tout passe, tout change, rien ne <strong>de</strong>meure. Rien<br />

ne peut être pensé sans son contraire. Le jour <strong>de</strong>vient nuit, la<br />

nuit <strong>de</strong>vient jour, le petit <strong>de</strong>vient grand et l’invisible visible,<br />

le commencement et la fin, le mortel et l’immortel. Sa<br />

philosophie influencera gran<strong>de</strong>ment Platon. Héraclite renonce<br />

à sa position <strong>de</strong> magistrat. Suite à une injustice, il se retire sur<br />

une montagne, solitaire. Accablé d’infirmités atroces, il se laisse<br />

mourir <strong>de</strong> faim. D’humeur mélancolique il est souvent opposé<br />

à Démocrite, philosophe hilare.<br />

Questions pour lancer le débat autour du changement<br />

et du savoir<br />

> "On ne saurait entrer <strong>de</strong>ux fois dans le même fleuve". Héraclite<br />

Tout change avec le temps à l’image <strong>de</strong> l’eau en perpétuel<br />

mouvement.<br />

Quelle autre image choisir pour évoquer le temps qui passe?<br />

> A quoi sert le savoir ?<br />

> Le savoir peut-il transformer le mon<strong>de</strong> ?<br />

> Le savoir est-il dangereux, possible ?<br />

> Comment apprendre ?<br />

> Comment inventer ?<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano<br />

• cahier pédagogique |


—<br />

SAINT JERÔME<br />

• José DE RIBERA, Saint Jérôme<br />

huile sur toile, <strong>Lille</strong>, <strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong> arts, 1643<br />

Vieil homme décharné, en pleine méditation, s’interrogeant sur le sens <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> sa finitu<strong>de</strong>, saint Jérôme n’est pas ici le Père<br />

<strong>de</strong> l’Eglise érudit et entouré <strong>de</strong> livres mais la figure même <strong>de</strong> l’ascèse. Seul son manteau rouge renvoie à sa fonction <strong>de</strong> cardinal<br />

et permet d’i<strong>de</strong>ntifier le père <strong>de</strong> l’église romaine. Nous sommes dans l’intimité d’un vieillard seul face à un crâne, seul face à la<br />

question <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> la mort.<br />

• Giovanni BATTISTA CARLONE, Saint Jérôme<br />

huile sur toile, Paris, Maurizio Nobile, 1650-1660<br />

• Hendrick van SOMER, Saint Jérôme<br />

huile sur toile, Palazzo Barberini, Rome, Galerie Corsini,1652<br />

Deux portraits <strong>de</strong> vieillards incarnent saint Jérôme en pleine méditation : pour l’un, les yeux levés vers le divin, le bras ballant<br />

tenant une plume comme suspendu dans sa réflexion, alors que chez l’autre le vieillard est en pleine action, concentré sur un<br />

rouleau qui renvoie à l’ancienne forme du livre et donc probablement entrain <strong>de</strong> traduire la Bible.<br />

SAINT JERÔME (342-420) voue une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> sa jeunesse à étudier les lettres grecques, latines et hébraïques. Après avoir<br />

frôlé la mort et été accusé par Dieu <strong>de</strong> ne pas être un bon chrétien car curieux <strong>de</strong> textes païens, il revient à la vie et ne lit plus que<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> livres sacrés. A vingt-neuf ans, il <strong>de</strong>vient cardinal <strong>de</strong> l’Eglise romaine. Il commence alors à traduire les livres saints. Il passe les<br />

trente <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> sa vie, dans un monastère. Cette pério<strong>de</strong> est marquée par une intense activité intellectuelle (traduction<br />

latine <strong>de</strong> la Bible, commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament). Il étonne ses contemporains par l’ampleur <strong>de</strong> sa science<br />

profane et sacrée, il traduit la Bible en latin, elle prend alors le nom <strong>de</strong> Vulgate.<br />

Questions pour lancer le débat autour <strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

vestimentaires<br />

> Tes habits racontent-ils qui tu es ?<br />

> Devient-on laid si on est mal habillé ?<br />

> Tes goûts pour les habits changent-ils avec la mo<strong>de</strong> ?<br />

> Préfères-tu regar<strong>de</strong>r tes habits plutôt que toi-même ?<br />

> Que regar<strong><strong>de</strong>s</strong>-tu chez les autres en premier lieu ?<br />

> Quand tu choisis tes vêtements, est-ce dans le but d’être beau ou pour cacher quelque chose ?<br />

> Qu’est-ce qu’une personne "cool" pour toi ? "Être cool" a-t-il quelque chose à voir avec l’intérieur ou l’extérieur ?<br />

Questions pour lancer le débat autour <strong>de</strong> la mort<br />

> La mort est-elle un mystère ? La mort est-elle une énigme ?<br />

> Connais-tu d’autres mystères ?<br />

> Quelles choses dans ta vie sont <strong><strong>de</strong>s</strong> mystères ou <strong><strong>de</strong>s</strong> énigmes ?<br />

—<br />

SAINT AUGUSTIN<br />

• Francisco <strong>de</strong> Zurbaran (entourage), Saint Augustin<br />

en méditation<br />

huile sur toile, Montauban, Musée Ingres<br />

Le saint nous regar<strong>de</strong> et nous invite par son geste à engager le dialogue. Accoudé à une table où <strong><strong>de</strong>s</strong> livres fermés sont accumulées,<br />

l’homme encore jeune adopte la posture <strong>de</strong> la méditation.<br />

SAINT AUGUSTIN (354 – 430), docteur <strong>de</strong> l’Eglise latine, affirme qu’il faut d’abord la foi pour ensuite pouvoir raisonner. Pour<br />

lui, le temps n’existe pas, seule l’expérience du présent existe vraiment, accompagnée, dans l’esprit, d’une représentation du passé<br />

et du futur.<br />

Questions pour lancer le débat autour du temps<br />

> "Qu’est ce que le temps quand personne ne me le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, je le sais ; dès qu’il s’agit <strong>de</strong> l’expliquer, je ne sais plus".<br />

Le temps est relatif : comparer les différentes heures dans le mon<strong>de</strong> au même moment. Quelle heure est-il à Paris quand il est minuit à New York,<br />

etc. Qu’en penses-tu ?<br />

> "Que l’avenir ne soit pas encore, qui le nierait ? Pourtant, l’attente <strong>de</strong> l’avenir est déjà dans l’esprit. Que le passé ne soit plus qui en doute? Mais<br />

le souvenir du passe est encore dans l’esprit. Que le présent soit sans étendue, n’étant qu’un point fugitif, qui le contesterait ?"<br />

Trouve <strong><strong>de</strong>s</strong> expressions avec le mot temps: tuer le temps, prendre son temps, meubler un temps mort, se payer du bon temps, le temps c’est <strong>de</strong><br />

l’argent, ancien temps, bon vieux temps, l’air du temps, etc.<br />

Illustre ces expressions.<br />

> "Nous ne tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le<br />

passé, pour l’arrêter comme trop prompt".<br />

Souviens-toi <strong>de</strong> ta petite enfance, écris tous les bons moments dont tu te souviens, que ressens-tu ? <strong>de</strong> la tristesse, <strong>de</strong> la nostalgie, <strong>de</strong> la joie ?<br />

Explique pourquoi.<br />

Maintenant projette-toi dans l’avenir et note tes projets.<br />

10 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


—<br />

SAINT THOMAS<br />

• Diego VELASQUEZ, Saint Thomas<br />

huile sur toile, Orléans, Musées <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>, vers 1619-1620<br />

Saint Thomas (1er siècle), appelé aussi l’Incrédule, est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

douze apôtres du Christ. L’incrédulité <strong>de</strong> Thomas se manifeste<br />

à <strong>de</strong>ux reprises : dans le premier épiso<strong>de</strong>, il refuse <strong>de</strong> croire à la<br />

résurrection du Christ, Jésus lui dit alors "Regar<strong>de</strong> mes mains ;<br />

avance ta main et enfonce- la dans mon côté. Cesse d’être<br />

incrédule et <strong>de</strong>vient un homme <strong>de</strong> foi".<br />

Il symbolise le doute et préfigure les métho<strong><strong>de</strong>s</strong> expérimentales<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> sciences mo<strong>de</strong>rnes. Evangélisateur <strong><strong>de</strong>s</strong> In<strong><strong>de</strong>s</strong>, Thomas<br />

doit construire un palais pour le souverain. Au lieu du palais<br />

promis, Thomas lui a conçu un palais céleste. Ses attributs sont<br />

l’équerre d’architecte et la lance qui fut l’instrument <strong>de</strong> sa mise<br />

à mort.<br />

Questions pour lancer le débat autour du réel<br />

> Ton banc est-il réel ?<br />

> Une photo <strong>de</strong> ton banc est-elle aussi réelle que le banc ?<br />

> Un objet comme sur la photo est-il réel ?<br />

> Les photos <strong><strong>de</strong>s</strong> mannequins dans les publicités sont-elles réelles.<br />

Autrement dit, les mannequins sont-ils pareils en vrai ?<br />

> Qu’est-ce qui est le plus réel : la mer quand tu la vois, une photo <strong>de</strong> la<br />

mer, un tableau <strong>de</strong> la mer, le souvenir <strong>de</strong> tes vacances à la mer ?<br />

> Les étoiles existent-elles ?<br />

—<br />

ENTREES EN ARTS VISUELS<br />

—<br />

PORTRAITS<br />

> Réalise un inventaire lexical <strong><strong>de</strong>s</strong> expressions qui pourraient<br />

s’appliquer aux différentes expressions <strong><strong>de</strong>s</strong> philosophes :<br />

concentré, triste, désabusé, anéanti, perplexe, studieux, absorbé,<br />

soucieux, endormi, reclus, fier, arrogant, grave, amusé, sceptique,<br />

pensif, pieux, surpris, pédagogue, tourmenté, cynique, hautain,<br />

détaché, las, interrogatif, curieux, etc.<br />

Relève par ailleurs les différentes attitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> philosophes : assis,<br />

<strong>de</strong>bout, accoudé, agenouillé, en train <strong>de</strong> lire, les yeux levés au ciel, etc.<br />

> Mets-toi en scène : mime une attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> profon<strong>de</strong> réflexion.<br />

> Fais-toi photographier : attention le photographe jouera sur les<br />

cadrages (plan américain, profil, face, trois quarts) et sur la lumière<br />

(éclairage direct, indirect, contre jour, lumière tamisée, etc.).<br />

—<br />

ATTRIBUTS DU SAVOIR<br />

> Dans les tableaux <strong>de</strong> l’exposition, différents attributs sont associés<br />

à la connaissance : globe terrestre, livres, compas, instruments <strong>de</strong><br />

mesures, lunettes, compas, crâne, bougie, etc.<br />

Réalise ton portrait en philosophe d’aujourd’hui, quels attributs du<br />

savoir (ordinateur, i-phone, encyclopédies, etc.), quel contexte (ta<br />

chambre, ta classe, etc.) quels vêtements, quelle posture, quelle<br />

expression adopterais-tu avant <strong>de</strong> te faire photographier ?<br />

—<br />

METAPHORE DE LA PENSEE<br />

"Si je pouvais être l’hiron<strong>de</strong>lle qui tout entière se donne à ses pensées".<br />

SOSEKI (Japon). Jean-Paul Sartre comparait la pensée à un serpentin<br />

que l’on déroule. Une hiron<strong>de</strong>lle, un serpentin …<br />

> Dessine ou choisis une image qui pourrait t’évoquer la pensée.<br />

> Réalise ton portrait en philosophe d’aujourd’hui, quels attributs<br />

du savoir (ordinateur, i-phone, encyclopédies, etc.), quel contexte<br />

(ta chambre, ta classe, etc.) quels vêtements, quelle posture, quelle<br />

expression adopterais-tu avant <strong>de</strong> te faire photographier ?<br />

—<br />

ENTREES EN HISTOIRE DES ARTS<br />

Comment la pensée humaniste<br />

s’est-elle manifestée au XVIIe siècle ?<br />

—<br />

ARTS DU QUOTIDIEN<br />

Le XVIIe siècle voit l’émergence <strong><strong>de</strong>s</strong> sciences mo<strong>de</strong>rnes.<br />

> Le microscope : instrument d’optique muni d’un objectif et d’un<br />

oculaire qui permet <strong>de</strong> grossir l’image d’un objet <strong>de</strong> petites dimensions<br />

afin qu’il soit observable par l’œil humain.<br />

Hans JANSSEN et Zacharias JANSSENS, premier microscope, 1590<br />

GALILEE, occhiolino, microscope composé d’une lentille convexe et<br />

d’une autre concave, 1609.<br />

> Le globe terrestre : maquette <strong>de</strong> la Terre, notre planète à une<br />

échelle très réduite.<br />

Martin BEHAIM, Nuremberg, 1492<br />

Martin WALDSEEMÜLLER, création <strong><strong>de</strong>s</strong> fuseaux, 1507<br />

> La lunette astronomique : instrument optique qui permet<br />

d’augmenter la taille apparente et la luminosité <strong><strong>de</strong>s</strong> objets du ciel.<br />

Italie, vers 1590 ou Pays Bas, vers 1608<br />

—<br />

ARTS DU LANGAGE<br />

La satire comme remise en question <strong>de</strong> l’existant, esprit critique<br />

sur la société.<br />

• PERRAULT Charles (1628 - 1703), Contes <strong>de</strong> la Mère l’Oye<br />

Auteur <strong>de</strong> textes religieux, chef <strong>de</strong> file <strong><strong>de</strong>s</strong> Mo<strong>de</strong>rnes, Charles Perrault<br />

est un grand auteur du XVIIe siècle. Il formalise un nouveau genre<br />

littéraire : le conte merveilleux auquel il ajoute <strong><strong>de</strong>s</strong> moralités.<br />

• LA FONTAINE Jean <strong>de</strong> (1621 - 1695), Fables<br />

Poète et moraliste français, dont les Fables constituent la principale<br />

œuvre poétique. La Fontaine insiste sur ses intentions morales : "je me<br />

sers d’animaux pour instruire les hommes".<br />

• LA BRUYERE Jean <strong>de</strong> (1645 – 1696), Les Caractères<br />

Œuvre corrosive qui décrit sans allusion la société, l’auteur y dénonce<br />

les injustices <strong>de</strong> toute sorte, l’enrichissement <strong>de</strong> certains comme la<br />

misère du grand nombre<br />

• DE CERVANTES Miguel (1547 - 1616), Don Quichotte <strong>de</strong> La Manche<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 11


12 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


1 er <strong>de</strong>gré Dominique Delmotte<br />

—<br />

Construisez<br />

votre parcours<br />

—<br />

Nous vous proposons d’interroger en réseau les œuvres présentées<br />

dans cette exposition : un questionnement avec les élèves qui<br />

suscite une interrogation <strong>de</strong> la conception du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis<br />

l’antiquité jusqu’à nos jours. La scénographie <strong>de</strong> l’exposition<br />

conforte ce cheminement. Ainsi, cet outil pédagogique déclinera,<br />

sous le générique "d’itinéraires", un ensemble d’interrogations<br />

simples <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres, interrogations qui soulèvent d’intéressantes<br />

problématiques <strong>de</strong> classe en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages<br />

Les cartels déclinent l’i<strong>de</strong>ntité <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres : figures<br />

ou personnages, civils ou religieux, i<strong>de</strong>ntifiés ou génériques. Y<br />

chercher l’information, relever, puis questionner les répétitions :<br />

saints, représentations multiples <strong>de</strong> Démocrite. S’il apparaît que<br />

les dénominations <strong><strong>de</strong>s</strong> philosophes sont parfois très incertaines,<br />

il ouvre cependant aux élèves un champs <strong>de</strong> connaissances<br />

sur le mon<strong>de</strong> antique. Descartes et le religieux semblent avoir<br />

posé, toutes les autres figures sont, bien entendu, <strong><strong>de</strong>s</strong> portraits<br />

imaginés, même s’ils s’appuient sur la pose <strong>de</strong> modèles vivants.<br />

> Les saints : Augustin, Jérôme, Marie d’Egypte, Paul l’ermite,<br />

Paul, Pierre, Thomas.<br />

> Les figures : mythologiques (Sybille : prophétesse grecque,<br />

capable <strong>de</strong> divination) ou allégoriques (<strong><strong>de</strong>s</strong> sens, <strong>de</strong> la poésie, <strong>de</strong><br />

la logique) Ces figures sont également fonctionnelles : prophètes<br />

ou étudiant, philosophes, astronomes, mathématiciens, peintres,<br />

docteurs, alchimistes.<br />

> Les philosophes : Platon, Diogène <strong>de</strong> Sinope, Démocrite,<br />

Héraclite, Cratès et Descartes.<br />

> Les écrivains : Esope (VIIe siècle av JC)<br />

Quelques repères :<br />

Esope Ecrivain grec que l’on situe entre le VIIe et le VIe siècle<br />

av JC à qui l’on attribue l’invention <strong>de</strong> la fable. Ecrites en<br />

proses, ses fables sont traduites en latin, puis reprises par<br />

Jean <strong>de</strong> la Fontaine dont le premier recueil est publié<br />

en 1668.<br />

Héraclite Né vers 576 av JC, mort vers 480 av JC, ce philosophe grec<br />

victime d’une injustice, se retira <strong>de</strong> la société <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes<br />

(cf page : 9)<br />

Diogène <strong>de</strong> Sinope : Né à Sinope, en Grèce vers 413 av. JC, mort en<br />

327 av. JC à Corinthe, ce philosophe est le plus illustre <strong>de</strong><br />

l’école <strong><strong>de</strong>s</strong> cyniques qui oppose une attitu<strong>de</strong> jubilatoire à<br />

l’humilité préconisée par ses contemporains (cf page : 9).<br />

Démocrite Né vers 460 av. JC en Grèce, mort en 370 av. JC, Démocrite<br />

est le père d’une théorie <strong>de</strong> la connaissance. Son caractère<br />

rieur l’amène à être souvent opposé au caractère<br />

mélancolique d’Héraclite (cf page : 8).<br />

Socrate Ce philosophe athénien né vers 470 av. JC, construit<br />

sa pensée dans la rencontre <strong>de</strong> l’autre et fait école. Il suit<br />

sa voix intérieure, une liberté qui le conduit en prison où il<br />

prendra la ciguë.<br />

Platon Né à Athènes vers 428 av. JC, ce disciple <strong>de</strong> Socrate<br />

contemporain <strong>de</strong> la république d’Athènes, explore sa<br />

pensée au travers <strong>de</strong> poèmes (cf page : 7).<br />

Cratès <strong>de</strong> Thèbes : Né vers 368 av. JC, ce disciple <strong>de</strong> Diogène <strong>de</strong> Sinople,<br />

fut le <strong>de</strong>rnier cynique qui passa la fin <strong>de</strong> sa vie à prôner<br />

l’ascétisme. Il personnifie le passage du cynisme à<br />

l’ascétisme.<br />

Archimè<strong>de</strong> : Physicien, mathématicien et ingénieur grec <strong>de</strong> Sicile, né à<br />

Syracuse vers 287 av. JC et mort en 212 av. JC dans la<br />

même ville, il est considéré comme un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus grands<br />

scientifiques <strong>de</strong> l’antiquité.<br />

Pierre Premier disciple <strong>de</strong> Jésus, l’apôtre est le premier évêque<br />

<strong>de</strong> Rome, mort en 64 ou 65. Moise représentant l’ancienne<br />

loi, Pierre personnifie la nouvelle.<br />

Paul Né en Asie vers l’an 10, Paul rencontre Dieu sur le chemin<br />

<strong>de</strong> Damas, se convertit puis rencontre les apôtres après<br />

trois ans <strong>de</strong> retraite. Itinérant, il évangélise et réalise <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

miracles. Figure principale du catholicisme, il est considéré<br />

comme le père <strong>de</strong> l’église mo<strong>de</strong>rne, ayant définitivement<br />

séparé le christianisme du judaïsme. Très apprécié sous la<br />

Contre-Réforme, son attribut est le livre.<br />

Thomas Cet apôtre du Christ est souvent qualifié d’incrédule que la<br />

croyance populaire a qualifié <strong>de</strong> la fameuse maxime "je ne<br />

crois que ce que je vois". Bâtisseur en In<strong><strong>de</strong>s</strong>, il est le saint<br />

patron <strong><strong>de</strong>s</strong> architectes, l’équerre et la lance <strong>de</strong> son martyre<br />

sont <strong>de</strong> ses attributs (cf page : 11).<br />

Paul l’ermite : Né en Egypte en 229, mort en 342 dans le désert où il se<br />

retire, seul durant 99 ans. Sa vie légendaire est décrite<br />

postérieurement par saint Jérôme.<br />

Jérôme Saint Jérôme (vers 340-420) est, avec Augustin, un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

quatre grands docteurs <strong>de</strong> l’Eglise latine ; il étudie à Rome,<br />

puis se retire en ermite durant trois ans dans le désert<br />

syrien. A son retour à Rome en 382, le pape le charge <strong>de</strong><br />

traduire la Bible en latin à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> manuscrits hébreux<br />

conservés et la version grecque <strong>de</strong> la Septente. Il achève<br />

ce travail colossal à sa mort : la Vulgate, traduction<br />

plusieurs fois remaniée au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> âges, est désignée<br />

au XVIIe siècle comme version officielle <strong>de</strong> la Bible par le<br />

Concile <strong>de</strong> Trente (Assemblée <strong>de</strong> dignitaires <strong>de</strong> l’église<br />

réunie pour lutter contre la Réforme). A la Renaissance, les<br />

humanistes s’i<strong>de</strong>ntifient à ce saint érudit et publient ses<br />

œuvres (cf page : 10).<br />

Augustin (354-430) il est un grand théologien <strong>de</strong> l’Eglise catholique.<br />

Il est ordonné prêtre en 391 puis évêque en 395 (cf page :10).<br />

Marie d’Egypte : Née en Egypte au Ve siècle, cette pécheresse se serait<br />

convertie à la vue d’une peinture religieuse puis se serait<br />

repentie, en se retirant dans le désert. Vêtue <strong>de</strong> ses seuls<br />

cheveux longs, elle aurait survécu à ces années d’ascèse<br />

seulement nourrie <strong>de</strong> trois pains, qui constituent un <strong>de</strong><br />

ses attributs.<br />

Saint Jean <strong>de</strong> la Croix : Né en 1542 à Fontiveros en Espagne, décédé<br />

au couvent d’Ubeda en 1591, Saint Jean <strong>de</strong> la Croix est un<br />

moine espagnol béatifié en 1675, canonisé au siècle suivant<br />

et déclaré "docteur" mystique <strong>de</strong> l’église en 1926. En pleine<br />

Contre Réforme, il réforme l’ordre <strong><strong>de</strong>s</strong> Carmes avec Thérèse<br />

d’Avila avant d’être enfermé en 1577, par les autorités<br />

même <strong>de</strong> l’ordre. Dans son cachot, il développe une très<br />

forte expérience mystique qu’il transmet par ses célèbres<br />

poèmes. Echappé en 1578, il s’installe au couvent du<br />

Calvario, face aux montagnes andalouses, où il poursuit<br />

son œuvre littéraire (cf page : 18).<br />

Descartes Né en Touraine en 1596, René Descartes est un<br />

mathématicien, physicien et philosophe. En 1637, il publie<br />

le Discours <strong>de</strong> la Métho<strong>de</strong> dans lequel il milite pour une<br />

science nouvelle, basée sur le savoir. Considéré comme le<br />

fondateur <strong>de</strong> la philosophie mo<strong>de</strong>rne, il meurt en 1650 à la<br />

cour <strong>de</strong> Stockholm (cf page : 8).<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 13


—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> accessoires<br />

Avec les élèves, on peut envisager un jeu <strong>de</strong> pistes, relever la<br />

répétition d’objets, les dénombrer, questionner cette répétition.<br />

> Le livre : livre <strong>de</strong> prières, missel, textes saints, feuillets, livres épais,<br />

manuscrits, parchemins roulés, plans ou cartes.<br />

> Le crâne : siège <strong>de</strong> la pensée, il symbolise aussi la mortalité humaine.<br />

"Etre ou ne pas être, telle est la question", Shakespeare, 1601.<br />

> La lanterne : symbole lié à l’émanation <strong>de</strong> la lumière, ce qui éclaire.<br />

> Le globe : représente à la fois la totalité <strong>de</strong> l’univers humain et le<br />

pouvoir spirituel qu’y exerce celui qui le tient.<br />

> Le miroir : surface réfléchissante du mon<strong>de</strong>, le miroir est le support<br />

d’un symbolisme très riche dans l’ordre <strong>de</strong> la connaissance du mon<strong>de</strong>.<br />

Symbole <strong>de</strong> l’intelligence, <strong>de</strong> la perception, Socrate y place le reflet <strong>de</strong><br />

l’âme : "Connais-toi toi même"<br />

> Le compas : emblème <strong><strong>de</strong>s</strong> sciences exactes et <strong><strong>de</strong>s</strong> mathématiques,<br />

le compas évoque avec l’équerre, le ciel et la terre.<br />

> La plume : permet d’écrire la pensée (philosophes), <strong>de</strong> traduire la<br />

bible (saint Jérôme), <strong>de</strong> tracer les cartes (astronomie) et <strong>de</strong> transmettre<br />

le savoir.<br />

La lance <strong>de</strong> saint Thomas, symbole <strong>de</strong> son martyre, est<br />

attachée à la reconnaissance du personnage, comme le pain<br />

est traditionnellement attaché aux représentations <strong>de</strong> Marie<br />

l’Egyptienne. Le bâton, que l’on retrouve parfois, en appelle<br />

au voyage.<br />

En histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts, on pourra dès lors définir ou redéfinir la<br />

notion d’attribut.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> gestuelles<br />

Pour <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, imiter les postures, prendre la pose <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs<br />

du tableau permet d’en prendre plus facilement conscience.<br />

Certaines sont connues <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, d’autres permettre d’émettre<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> hypothèses.<br />

> La prière : mains jointes, le regard tendu vers l’ailleurs, vers le ciel.<br />

> La réflexion : menton pris dans la main, bras croisés, tête baissée<br />

> La méditation : face-à-face contemplatif, avec un crâne ou un livre,<br />

songe les yeux vers le ciel<br />

> La foi : main posée sur le cœur, sur le livre, sur le globe.<br />

> L’étu<strong>de</strong> : compulse ou s’appuie sur un livre, lisse un document, copie<br />

un livre, trace une carte du ciel<br />

> La démonstration : désigne un texte, brandit un document, pointe<br />

un livre<br />

> Le refus : Cratès s’oppose ou tempère, comme peut être le saint<br />

Pierre <strong>de</strong> Jacques <strong><strong>de</strong>s</strong> Rousseaux<br />

> La lecture et l’écriture<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> postures<br />

Faire imiter la pose, interroger le sentiment qu’elle induit.<br />

> En groupe : les penseurs se confrontent : un philosophe pointe le<br />

livre <strong>de</strong>vant son congénère qui atteste d’autres documents (Maître<br />

du jugement <strong>de</strong> Salomon), le sage au bâton interroge du regard,<br />

l’assemblée s’oppose (la dispute), le docteur démontre <strong>de</strong>vant Jésus<br />

qui argumente décomptant <strong><strong>de</strong>s</strong> doigts (Maître <strong>de</strong> l’Annonciation aux<br />

bergers), le verre levé, Démocrite assène une vérité <strong>de</strong>vant Héraclite<br />

qui se détourne (Van Bijlert).<br />

> Isolés : nous surprenons ces penseurs plongés dans leur activité<br />

mentale, réflexion ou prière. Nous sommes alors à extérieur <strong>de</strong> la<br />

scène, témoins <strong>de</strong> leur activité cérébrale. Le saint Augustin <strong>de</strong> Murillo,<br />

lui, surprend notre regard. Le regard baissé, Esope nous fixe. De même,<br />

quelques philosophes <strong>de</strong> Ribera nous convoquent du regard et du geste,<br />

Platon nous désigne le miroir, Cratès tient à distance le spectateur.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> expressions<br />

Avec les élèves, imiter l’expression, interroger le sentiment<br />

qu’elle invoque.<br />

> Ridés, cheveux blanchis, <strong>de</strong> nombreux personnages portent haut<br />

les stigmates du temps, témoin d’une sagesse lentement acquise. Le<br />

réalisme <strong><strong>de</strong>s</strong> chairs nous entraient sur les traces <strong>de</strong> l’ascèse, source du<br />

bonheur pour les philosophes comme pour les saints.<br />

Isolés, presque tous les personnages semblent sérieux, avec <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

expressions différentes : songeurs, pensifs, méditatifs, rêveurs.<br />

Certains pleurent (saint Pierre pénitent), les Démocrite s’esclaffent<br />

avec vigueur, parfois opposés à <strong><strong>de</strong>s</strong> Héraclite abattus, voire accablés.<br />

L’acte invisible <strong>de</strong> penser est donc exprimé par la posture et<br />

la gestuelle <strong>de</strong> l’individu représenté ; l’expressivité du visage<br />

s’ajoute à celle du corps, dans la mise en scène du tableau.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> décors<br />

> La quasi-totalité <strong>de</strong> ces portraits se situe en un lieu indistinct, plongé<br />

dans une obscurité que renforce le vif éclairage du sujet. Parfois, le jeu<br />

d’ombre et <strong>de</strong> lumière laisse transparaître la matière d’un mur. Dans<br />

son Démocrite, Moreelse y accroche une étagère garnie <strong>de</strong> documents<br />

et d’une chan<strong>de</strong>lle. Sans repère spatial, la représentation <strong>de</strong> ces<br />

figures semble tendre vers l’universel.<br />

Seule sainte Marie présente un décor extérieur minéral et austère où<br />

se joue son histoire. Le vieil alchimiste, comme le peintre <strong>de</strong> l’allégorie<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> arts, est peint dans l’atelier qui définit en détail sa fonction.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> costumes<br />

> Les saints, comme les philosophes, sont souvent présentés<br />

dépenaillés, voire couverts d’un simple manteau qui laisse voir <strong>de</strong> larges<br />

parties du corps. Ce corps mis à nu semble alors plus proche d’une<br />

vérité <strong>de</strong> l’homme. Les har<strong><strong>de</strong>s</strong> sont souvent usées, outrageusement<br />

rapiécées, ouvrant un dialogue <strong><strong>de</strong>s</strong> matières représentées.<br />

Les penseurs semblent complètement accaparés par leur pensée au<br />

mépris <strong>de</strong> leur corps et apparence physique, à la fois plus vrais et plus<br />

convaincants.<br />

Les costumes antiques sont inventés par les artistes. Esope et Descartes<br />

portent <strong><strong>de</strong>s</strong> costumes socialement plus marqués et réalistes.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> éclairages<br />

Hormis l’alchimiste dans l’atelier à l’intérieur duquel le<br />

jour s’écoule par la fenêtre, toutes les œuvres se situent dans<br />

l’obscurité. On peut dès lors chercher la source lumineuse <strong>de</strong><br />

chaque œuvre, caractériser son intensité.<br />

> En plus <strong>de</strong> l’aspect universel du décor plongé dans l’obscurité déjà<br />

évoqué, on pourra peut-être interroger le dialogue <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres entre<br />

l’ombre et la lumière au travers d’expressions populaires : "C’est<br />

obscur" ou "c’est pas clair", "faire la lumière sur…". Ombres et lumières<br />

peuvent peut être rimer avec ignorance et savoir.<br />

14 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> mises en scène<br />

Acteurs, décors, éclairage : tout est en place pour évoquer la<br />

mise en scène <strong>de</strong> ces portraits où scènes imaginaires (hormis le<br />

portrait <strong>de</strong> Descartes et du religieux).<br />

> En cette pério<strong>de</strong> où renaît le théâtre avec ses illustres Shakespeare,<br />

Cal<strong>de</strong>rón, puis Molière, Corneille et Racine, les peintres semblent user<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mêmes outils que les dramaturges pour mettre en scène la pensée.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> géographies :<br />

Espagne, Italie, Flandres<br />

La lecture <strong><strong>de</strong>s</strong> cartels peut nous interpeller sur l’origine<br />

géographique <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres : consonance <strong><strong>de</strong>s</strong> noms, lieux <strong>de</strong><br />

naissance et <strong>de</strong> mort indiqués. L’aspect géographique sous titrant<br />

l’exposition "Espagne, Italie, Flandres" permet d’interroger la<br />

nature historique <strong><strong>de</strong>s</strong> états comme les déplacements et voyages<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> peintres.<br />

> Né à Gand en 1500, Charles Quint reçoit en 1515 le gouvernement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Pays-Bas qui comprend les actuelles Hollan<strong>de</strong> et Belgique ainsi que le<br />

nord <strong>de</strong> la France dont <strong>Lille</strong>. Il hérite <strong>de</strong> l’Espagne par sa mère dont il est<br />

couronné roi. En plus <strong><strong>de</strong>s</strong> Amériques, ses territoires comprennent les<br />

royaumes <strong>de</strong> Naples et <strong>de</strong> Sicile dans une Italie où il met à sac Rome en<br />

1527. La Hollan<strong>de</strong> d’Utrecht, le royaume <strong>de</strong> Naples où peignent Ribera<br />

et Giordano et l’Espagne appartiennent au même pouvoir, une Europe<br />

impériale qu’il est peut-être difficile d’imaginer pour un élève.<br />

> De plus, en cette Renaissance, la formation <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres inclut dans<br />

leur apprentissage, le voyage à Rome. Ainsi, José <strong>de</strong> Ribera, considéré<br />

comme le précurseur <strong>de</strong> ces portraits <strong>de</strong> philosophes, naît en Espagne<br />

et part très tôt pour Rome étudier les grands maîtres, Raphaël et<br />

Michel-Ange et découvre Le Caravage. Il s’établit à Naples en 1616<br />

où il reste jusqu’à sa mort. Le napolitain Lucas Giordano passe cinq<br />

années <strong>de</strong> formation dans l’atelier <strong>de</strong> l’espagnol Ribera : on ouvre à<br />

l’élève l’univers <strong>de</strong> la formation <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres.<br />

> En 1629, Vélasquez fait son premier voyage en Italie, convaincu par<br />

le flamand Rubens. Né à Utrecht en 1571, Paulus Moreelse part sans<br />

doute en Italie avant 1602. Entre 1614 et 1620, les utrechtois Dirk Van<br />

Barburen, Hendrick Ter Brugghen et Gerrit Van Hontorst reviennent <strong>de</strong><br />

leur tour d’Italie et introduisent la poésie du Caravage qui se diffuse<br />

en Hollan<strong>de</strong>.<br />

Les peintres circulent donc dans toute l’Europe, ce qui ouvre à<br />

l’élève le champ du voyage au XVIIe siècle, <strong>de</strong> ses moyens <strong>de</strong><br />

transports, <strong>de</strong> ses contraintes, durées et’ accueil à l’étranger.<br />

—<br />

Itinéraire <strong><strong>de</strong>s</strong> pensées<br />

Comment pense-t-on le mon<strong>de</strong> au XVIIe siècle ? La Renaissance<br />

vient <strong>de</strong> ressusciter le mon<strong>de</strong> antique, déclinant ses mythes, ses<br />

textes et personnages. Avec 1492, les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> découvertes ont<br />

élargi l’univers géographique <strong>de</strong> l’homme, la Réforme interpelle<br />

sa foi, les sciences bouleversent la conception <strong>de</strong> l’univers : le<br />

mon<strong>de</strong> ne tourne plus autour <strong>de</strong> la terre, donc <strong>de</strong> l’homme, mais<br />

c’est l’homme qui tourne autour <strong>de</strong> lui.<br />

Repères :<br />

La foi chrétienne :<br />

Luther puis Calvin, ont mis en doute la doctrine catholique qui régit la<br />

vie spirituelle <strong>de</strong>puis le Xe siècle. Les peintres <strong>de</strong> la Contre Réforme<br />

interrogent leurs grands penseurs. La foi ne tenant pas la même place<br />

qu’aujourd’hui. Il semble important que les élèves prennent conscience<br />

que la pensée d’alors est encore le domaine <strong><strong>de</strong>s</strong> théologiens.<br />

Comment est vécue, spirituellement, la mise en doute <strong>de</strong> la toute<br />

puissance <strong>de</strong> l’Eglise catholique ?<br />

L’héritage antique<br />

A l’heure où les fables d’Esope renaissent sous la plume <strong>de</strong> Jean<br />

<strong>de</strong> la Fontaine, on conçoit le mon<strong>de</strong> selon le modèle aristotélicien<br />

où les astres tournent autour <strong>de</strong> la terre, ce qui fait <strong>de</strong> l’homme<br />

l’épicentre <strong>de</strong> l’univers.<br />

La conception aristotélicienne du mon<strong>de</strong> : Sous le règne d’Alexandre le<br />

grand, Aristote (Macédoine, 384 av JC – Chalcis, 322 av JC) remet en<br />

cause certaines théories du Maître Platon. Entre autre, il met en place<br />

le principe <strong>de</strong> la finalité <strong><strong>de</strong>s</strong> choses : tout élément obéit à une finalité<br />

qui nous dépasse. Au Moyen âge, les traductions <strong>de</strong> philosophes<br />

arabes transmettent l’idée aux théologiens chrétiens qui la reprennent.<br />

Scientifique, Aristote construit une base <strong>de</strong> connaissance basée sur<br />

l’observation et l’expérimentation et établit une classification <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres<br />

vivant qui <strong>de</strong>vient a référence jusqu’à la Renaissance. On considère<br />

alors, comme Aristote, que le mon<strong>de</strong> tourne autour <strong>de</strong> la terre, donc<br />

autour <strong>de</strong> l’Homme.<br />

La révolution Copernicienne<br />

Comment vit-on lorsque l’on découvre que l’on n’est plus le<br />

centre du mon<strong>de</strong> ? "La nature entière est mise en mouvement par<br />

un premier moteur immobile" Nicolas Copernic.<br />

Au début <strong>de</strong> la Renaissance, la conception aristotélicienne du<br />

mon<strong>de</strong> domine : elle place la terre au centre <strong>de</strong> l’univers. Influencé<br />

par la science arabe, Nicolas Copernic (Thorn, 1473- Frombork 1543)<br />

révolutionne la conception du mon<strong>de</strong>. Egalement chanoine et mé<strong>de</strong>cin,<br />

cet astronome polonais place le soleil au centre <strong>de</strong> l’univers, faisant<br />

<strong>de</strong> la terre son satellite mobile. L’Eglise et la science résistent, le<br />

système copernicien est censuré par l’Inquisition en 1616. Galilée<br />

(Pise, 1564 - Florence, 1642) perfectionne la lunette astronomique,<br />

défend les théories coperniciennes. Il découvre la nature <strong>de</strong> la voie<br />

lactée et les satellites <strong>de</strong> Jupiter. Physicien, il construit les bases <strong>de</strong> la<br />

science mo<strong>de</strong>rne. En 1633, il est définitivement condamné et assigné<br />

à rési<strong>de</strong>nce jusqu’à sa mort. René Descartes (La Haye en Touraine,<br />

1596- Stockholm, 1650) prend parti pour le savant italien. Aspirant à<br />

l’application <strong>de</strong> la certitu<strong>de</strong> mathématique aux savoirs du mon<strong>de</strong>, il<br />

publie le Discours <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> en 1637, puis ressentant la nécessité<br />

d’un fon<strong>de</strong>ment spirituel à la connaissance, publie les Principes <strong>de</strong><br />

la philosophie en 1644. Issu d’une famille juive ayant fui l’inquisition<br />

espagnole, Baruch Spinoza (Amsterdam, 1632 – La Haye 1677) est exclu<br />

<strong>de</strong> sa communauté pour athéisme. Il défend la liberté <strong>de</strong> philosopher<br />

dans divers ouvrages condamnés par les autorités religieuses dont<br />

l’Ethique paru en 1670.<br />

Il semble très intéressant d’évoquer, avec la classe, les différentes<br />

conceptions du mon<strong>de</strong> que pouvaient avoir les hommes au cours<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> siècles : tenter, tant que faire ce peut, <strong>de</strong> se mettre à la place<br />

d’un homme du XVIIe siècle, qui découvre que tout ce qu’il a<br />

toujours cru est mis en doute <strong>de</strong> tout coté : religion, sciences, et<br />

… façon <strong>de</strong> penser.<br />

D’autres itinéraires peuvent bien entendu, être envisagés dont<br />

celui <strong><strong>de</strong>s</strong> cadrages, <strong><strong>de</strong>s</strong> styles et <strong><strong>de</strong>s</strong> influences ou <strong><strong>de</strong>s</strong> formes<br />

(portrait individuel, diptyque, portrait <strong>de</strong> groupe). De retour<br />

en classe, le cahier d’histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts pourra être complété sur<br />

plusieurs pério<strong><strong>de</strong>s</strong>, dans plusieurs disciplines à l’ai<strong>de</strong> d’images<br />

découpées dans les dépliants, <strong>de</strong> petits croquis, <strong>de</strong> légen<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres et <strong>de</strong> très courts résumés <strong>de</strong> ce qu’on a perçu,<br />

découvert et appris. Les activités plastiques <strong>de</strong> classes pourront<br />

reprendre, entre autre, les problématique <strong>de</strong> la lumière (ce que<br />

j’éclaire – ce que j’assombris), du livre (mise en scène du livre,<br />

types <strong>de</strong> livre), <strong><strong>de</strong>s</strong> symboles <strong>de</strong> la connaissance scolaire (livre,<br />

cahier, tableau, répertoire, etc.).<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 15


16 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


2 nd <strong>de</strong>gré Philippe Lefébvre<br />

—<br />

Peintres et philosophes<br />

—<br />

Les rapports <strong>de</strong> la philosophie et <strong>de</strong> la peinture sont mouvants dans l’ histoire <strong>de</strong> la culture occi<strong>de</strong>ntale. On se souvient <strong>de</strong> débuts<br />

difficiles avec Platon qui se livre à une critique très sévère <strong><strong>de</strong>s</strong> arts mimétiques au rang <strong><strong>de</strong>s</strong>quels on compte la peinture et la poésie.<br />

La peinture est d’ autant plus condamnée que son imitation du sensible qui déjà tourne le dos à la réflexion intelligible, se double<br />

d’un pouvoir <strong>de</strong> fascination trompeur. Cependant, la culture humaniste <strong>de</strong> la Renaissance va donner l’occasion au peintre <strong>de</strong><br />

réviser ce jugement et <strong>de</strong> révéler dans l’art cette part <strong>de</strong> réflexion sur le mon<strong>de</strong>, les choses et la place <strong>de</strong> l’homme. Cette quête <strong>de</strong><br />

sens est reconnue, louée chez Leonard <strong>de</strong> Vinci pour qui la peinture est "causa mentale". Elle prend une forme plus spéculative<br />

chez Nicolas Poussin, l’artiste philosophe pour qui le tableau d ‘histoire n’illustre pas la victoire <strong>de</strong> la volonté stoïcienne sur les<br />

passions mais la victoire <strong>de</strong> l’oeuvre qui triomphe <strong>de</strong> la confusion. En incarnant la doctrine <strong>de</strong> "l’ut pictura poesis", Poussin traite<br />

le tableau comme une leçon <strong>de</strong> philosophie. Il pense en peinture et dédie l’oeuvre à la méditation. Dans Diogène jettant son écuelle<br />

qu’il peint en 1648 pour un banquier lyonnais, il figure Diogène qui se dépouille définitivement en renonçant à son écuelle- le<br />

<strong>de</strong>rnier objet superflu qu’il possédait - pour ne plus boire qu’au creux <strong>de</strong> sa main comme il l’a vu faire par un jeune homme. C’est<br />

un moment <strong>de</strong> renoncement. Jeter l’écuelle est un acte libérateur car dorénavant Diogène sait que nul ne pourra plus le priver<br />

<strong>de</strong> quoi que ce soit puisqu’il ne possè<strong>de</strong> plus rien. Par conséquent, personne, ni aucun événement ne pourra limiter sa liberté<br />

<strong>de</strong> jugement. A contempler l’ample nature radieuse que Poussin développe en arrière-plan, on soupçonne qu’un autre sujet est<br />

abordé dans ce tableau. Ce paysage paradisiaque comme la quintescence poétique <strong>de</strong> la nature nous invite au détachement. Poussin<br />

postule qu’il existe une harmonie originelle <strong>de</strong> la nature où l’Homme a sa place s’il est prêt à renoncer aux vanités humaines.<br />

Cette nature radieuse rappelle à l’homme <strong>de</strong> ce temps, l’idéal auquel il doit se rallier.<br />

L’affinité pour la philosophie peut trouver d’autres chemins chez les artistes. Au XVIIe siècle, dans un genre nouveau, Velasquez,<br />

Giordano et Ribera développent le thème du portrait fictif <strong>de</strong> philosophes. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> portraits <strong><strong>de</strong>s</strong>tinés à <strong><strong>de</strong>s</strong> lettrés, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

humanistes passionnés <strong>de</strong> l’Ecole philosophique antique et qui figurent en bonne place dans les bibliothèques et cabinets <strong>de</strong> travail.<br />

Les portraits <strong>de</strong> philosophes <strong>de</strong> Luca Giordano nous confrontent plus encore que chez son maître Ribera à la figure du philosophe<br />

mendiant. On pense immédiatement à Diogène qui vivait comme un clochard. Diogène le cynique errant sans feu ni lieu avec<br />

pour seuls biens son manteau et sa besace et libérant l’ homme <strong>de</strong> tous les faux biens : pouvoir, richesses et plaisirs. Cette simplicité<br />

volontaire, cet ascétisme garantiraient une vie <strong>de</strong> liberté ouverte à la pensée. Le gueux figure le dépouillement du philosophe.<br />

Le bâton et la besace, emblèmes du vagabond et du mendiant, nous rappellent que si la philosophie amène la connaissance par le<br />

discours, elle doit à la pauvreté <strong>de</strong> l’enseigner par les faits. Le jeu d’ apparence est déterminant dans ce genre <strong>de</strong> portraits qui ne<br />

cherche pas la ressemblance physique ni le trait psychologique mais qui s’efforce d’ incarner un modèle intellectuel (le savant, le<br />

philosophe, le poète). Une telle association d’ idèes allait <strong>de</strong> soi pour qui bénéficiait d’ une culture humaniste. L’idéal <strong>de</strong> l’homme<br />

vertueux qui doit modérer ses passions pour préserver sa liberté, selon le modèle antique <strong>de</strong> l’impassibilité appartient à l’humaniste.<br />

Le dénuement rappelle les vertus stoïciennes qui, à leur tour, illuminent la perfection philosophique.<br />

Caractéristique <strong>de</strong> l’époque, la culture <strong>de</strong> l’attribut, qui a pour principale source l’iconographie religieuse, donne sens à ces portraits.<br />

C’est le crâne du saint Jérôme <strong>de</strong> Ribera, symbole incontournable <strong>de</strong> la méditation, du memento mori et vestige affligeant du siège<br />

<strong>de</strong> la pensée. C’est l’imposant globe terrestre du Démocrite <strong>de</strong> Johannes Moreelse qui témoigne <strong>de</strong> sa conception matérialiste<br />

du mon<strong>de</strong>. C’est un mon<strong>de</strong> qui n’ est qu’ une possibilité parmi d’ autres, il est le fruit du hasard, non pas le modèle <strong>de</strong> la création.<br />

L’attitu<strong>de</strong> espiègle, l’expression hilare du philosophe vis à vis <strong>de</strong> ce globe pousse la dérision à son comble. La scène permet<br />

l’i<strong>de</strong>ntification rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Démocrite. Ce sont les attributs traditionnels du savant : livres, manuscrits, encriers, compas rouleaux<br />

dans les portraits <strong>de</strong> philosophes <strong>de</strong> Luca Giordano, avec à la ceinture, la gour<strong>de</strong> qui est l’ image réitérée du pèlerin mendiant. Les<br />

attributs, les objets symboliques, la rhétorique <strong><strong>de</strong>s</strong> gestes, la mise en scène, tout cela participe au jeu d’i<strong>de</strong>ntification. Comme <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

portraits à clefs qu’il faut interpréter, c’est un exercice intellectuel qui était proposé pour séduire le public lettré.<br />

Le ténébrisme auquel souscrivent ces artistes marqués par la leçon du Caravage prend dans ces portraits <strong><strong>de</strong>s</strong> accents également<br />

symboliques. Le philosophe seul paraît dans la lumière, le reste est rejeté dans l’ombre. Impossible <strong>de</strong> ne pas penser à l’allégorie <strong>de</strong><br />

la caverne <strong>de</strong> Platon (livre 7 <strong>de</strong> La république). Le philosophe est celui qui effectue la démarche <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> l’obscurité <strong>de</strong> l’opinion<br />

pour aller vers la lumière <strong>de</strong> la vérité. "Franchir le seuil <strong>de</strong> l’ombre" : cette image renvoie à la fois au mythe <strong><strong>de</strong>s</strong> origines <strong>de</strong> la<br />

peinture (l’art <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>siner une ombre selon Pline) et au mythe <strong>de</strong> l’origine <strong>de</strong> la connaissance.<br />

Le portrait du penseur nous apparaît comme un exercice <strong>de</strong> style dans l’ expression symbolique avec ses références explicites, ses<br />

subtilités d’érudits, ses évocations suggestives. Le spectateur d’ aujourd’hui redécouvre, dans ces mystérieux attributs et symboles,<br />

un langage perdu.<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 17


2 nd <strong>de</strong>gré Marie Barras<br />

—<br />

Réflexions autour<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> oeuvres<br />

<strong>de</strong> Bill viola et <strong>de</strong><br />

José <strong>de</strong> Ribera<br />

—<br />

« Il existe bel et bien une autre dimension, qui peut <strong>de</strong>venir une<br />

véritable source <strong>de</strong> savoir. C’est pour l’i<strong>de</strong>ntifier et rentrer en<br />

contact avec elle que je cultive ces expériences et que je fais ce que<br />

je fais. A plus gran<strong>de</strong> échelle, cette dynamique est <strong>de</strong>rrière toutes<br />

les démarches religieuses. Il y a quelques part un mon<strong>de</strong> invisible<br />

dont nous faisons partie. »<br />

Bill Viola, entretiens avec Lewis Hy<strong>de</strong>, 1998<br />

Artiste vidéaste contemporain, Bill Viola ne cesse d’explorer le phénomène <strong>de</strong> perception comme voie <strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> soi.<br />

Ses expériences humaines trouvent leur origine dans l’art oriental comme dans l’art occi<strong>de</strong>ntal et dans les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> traditions<br />

spirituelles. Sa démarche l’amène à découvrir les pères du désert, les gnostiques du début du christianisme et les mystiques<br />

chrétiens tels que Maître Eckhart ou saint Jean <strong>de</strong> la croix. Il s’inspire ainsi du Nuage <strong>de</strong> l’inconnaissance, écrit médiéval qui ne<br />

conçoit l’approche <strong>de</strong> Dieu que "dans la nuit obscure <strong>de</strong> l’âme", dans le vi<strong>de</strong> et le néant, Dieu étant lui même inconnaissance.<br />

Saint Jean <strong>de</strong> la croix, a<strong>de</strong>pte <strong>de</strong> cette via negativa et formé chez les jésuites, écrivit et transmit l’invisible, la puissance <strong>de</strong> l’amour, à<br />

travers <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes rédigés sous les pires conditions <strong>de</strong> détention et <strong>de</strong> torture que lui infligea l’inquisition (il a été tenu prisonnier<br />

et torturé par les Carmes pendant neuf mois dans une pièce sans fenêtre et dans laquelle il ne pouvait pas se tenir <strong>de</strong>bout). C’est à<br />

cette expérience que nous invite Bill Viola au travers d’un dispositif <strong>de</strong> mémoire et <strong>de</strong> méditation, <strong>de</strong> temps revisités et d’espaces<br />

sensibles : une gran<strong>de</strong> salle plongée dans l’obscurité. Au centre, une gran<strong>de</strong> boite noire avec une fenêtre fictive à travers laquelle<br />

il est possible d’observer une petite cellule. Dans cette cellule, une table, un pichet en métal, un verre d’eau et un petit moniteur<br />

qui diffuse <strong><strong>de</strong>s</strong> images en couleur, en plan fixe et en temps réel, d’un paysage paisible <strong>de</strong> montagne. On distingue à peine une<br />

voix qui récite en espagnol un cantique <strong>de</strong> saint Jean <strong>de</strong> la croix. Sur le mur <strong>de</strong> cette salle, la projection immense en noir et blanc<br />

<strong>de</strong> montagnes enneigées. Le mouvement d’une caméra à la main suggère un plan fixe perturbé avec rapidité par l’instabilité du<br />

geste. Un son grave et rugissant emplit la salle, la tempête fait rage. Le spectateur explore ainsi <strong>de</strong>ux espaces reliés par le son et les<br />

paysages <strong>de</strong> la Sierra Nevada, partagé entre ces <strong>de</strong>ux espaces, il ne peut percevoir la totalité <strong>de</strong> chacun sans être gêné par l’autre.<br />

Ce mon<strong>de</strong> invisible touché par saint Jean <strong>de</strong> la Croix et expérimenté par Bill Viola, hante aussi les tableaux du XVIIe siècle et<br />

particulièrement les portraits inspirés <strong><strong>de</strong>s</strong> recommandations <strong>de</strong> l’école <strong><strong>de</strong>s</strong> Jésuites. L’intrusion du sensible dans l’image, l’expérience<br />

même du sensible à travers la chair représentée, touchent l’invisible et transportent le spectateur vers le divin. Le saint Jérôme <strong>de</strong><br />

José <strong>de</strong> Ribera en est un exemple prégnant. Peintre espagnol fortement marqué par les enseignements <strong>de</strong> saint Ignace <strong>de</strong> Loyola,<br />

Ribera transmettra ses connaissances à Naples où il peignit la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> sa carrière. saint Jérôme, sujet <strong>de</strong> prédilection<br />

<strong>de</strong> Ribera et <strong>de</strong> la Contre-réforme espagnole, est représenté à <strong>de</strong>mi nu, en partie couvert d’un drap rouge, regardant un crâne qu’il<br />

tient entre les mains. Le cadrage resserré sur l’ermite en buste permet d’emblée une proximité à même <strong>de</strong> plonger le spectateur<br />

dans une intensité esthétique exaltante. Le fond sombre et le positionnement d’une source lumineuse à la manière du ténébrisme<br />

<strong>de</strong> Caravage nous concentrent sur l’essentiel du sujet : la méditation et l’interrogation sur la <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée humaine. Le caractère <strong>de</strong><br />

dépouillement lié à la mise en scène d’un corps dénudé aux chairs meurtries par le temps, rappelle le détachement et la pénitence<br />

du saint.<br />

La peinture a tout autant marqué Bill viola. Il se dit ému par l’image éternelle que constitue la forme fixe d’une peinture parce<br />

que les images obligent à se confronter au mon<strong>de</strong>, se confronter au mon<strong>de</strong> invisible à travers l’œuvre.<br />

—<br />

L’œuvre et l’expérience du spectateur<br />

"Le véritable lieu ou l’œuvre existe ne se trouve pas sur l’écran ou à l’intérieur <strong><strong>de</strong>s</strong> murs mais dans le cœur et dans l’esprit <strong>de</strong> la<br />

personne qui l’a vu". Bill Viola<br />

Le corps du spectateur qui abrite son esprit est au cœur du dispositif <strong>de</strong> Bill Viola. Il explore les espaces physiques que l’artiste<br />

conçoit <strong>de</strong> manière à opérer <strong><strong>de</strong>s</strong> déplacements, <strong><strong>de</strong>s</strong> allées et venues (se pencher sur la fenêtre du volume, tendre l’oreille pour<br />

essayer d’entendre la voix qui récite le poème. Relever la tête pour regar<strong>de</strong>r le grand écran, se déplacer pour le saisir davantage<br />

gêné que nous sommes par l’emplacement <strong>de</strong> la cellule...). Le corps du spectateur ne peut que s’immerger dans ces <strong>de</strong>ux espaces<br />

tant ils sont imbriqués. L’espace <strong>de</strong> la cellule le renvoie d’autre part à un autre corps, un autre regard, celui <strong>de</strong> saint Jean <strong>de</strong> la Croix.<br />

Sa présence est suggérée par les éléments qui composent le cachot, en même temps qu’elle renvoie à une extrême solitu<strong>de</strong>. Ce<br />

corps du saint, absent et présent à la fois, semble évoquer une icône du Moyen Âge.<br />

18 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


Le corps du spectateur est aussi pris en compte dans le saint<br />

Jérôme <strong>de</strong> José <strong>de</strong> Ribera. Le cadrage très resserré offre une<br />

proximité et une intimité au spectateur qui le renvoie à lui<br />

même, à sa propre présence physique. Le corps <strong>de</strong> saint Jérôme<br />

prend ici tout au contraire du saint Jean une existence physique,<br />

charnelle et réaliste. Le rendu <strong><strong>de</strong>s</strong> matières est abouti, le pelle<br />

<strong>de</strong> vero , c’est-à-dire cette façon unique <strong>de</strong> rendre la matière<br />

physique <strong><strong>de</strong>s</strong> choses et <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres, préoccupation majeure <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

peintres natifs d’Espagne. Le visage du saint, ru<strong>de</strong>, tanné et ridé,<br />

participe d’un vocabulaire ascétique propre à Ribera lorsqu’il<br />

représente les apôtres et qui tend à développer l’intensité du<br />

sentiment religieux. La touche picturale <strong>de</strong> Ribera, énergique,<br />

contribue au transport mystique <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong> corporelle.<br />

—<br />

"Dans l’obscurité qui reste est la foi, et on ne peut approcher<br />

Dieu que <strong>de</strong> l’intérieur (...)". Bill Viola<br />

La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> installations <strong>de</strong> Bill Viola se trouvent dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

salles obscures, la lumière seule <strong><strong>de</strong>s</strong> projections vidéos permet au<br />

spectateur <strong>de</strong> s’orienter. Le noir est la couleur <strong>de</strong> l’inconscient,<br />

celle que l’on a en soi. Le noir est aussi cette obscurité intérieure<br />

qu’expérimente saint Jean <strong>de</strong> la Croix et qui est nécessaire,<br />

selon les préceptes du nuage <strong>de</strong> l’inconnaissance à l’approche<br />

<strong>de</strong> Dieu. C’est ainsi que l’obscurité renvoie le spectateur à son<br />

propre espace mental .<br />

L’obscurité <strong><strong>de</strong>s</strong> toiles du XVIIe siècle ne se lit que dans le<br />

travail du clair-obscur.<br />

Le noir du fond <strong>de</strong> la toile du saint Jérôme <strong>de</strong> Ribera permet<br />

d’accentuer le rendu <strong><strong>de</strong>s</strong> matières et <strong>de</strong> la chair, d’opérer un<br />

effet dramatique qui sert la dimension ascétique du portrait à<br />

la manière du Caravage. Dans les portraits <strong>de</strong> Luca Giordano,<br />

peintre italien <strong>de</strong> l’école napolitaine du XVIIe siècle,<br />

l’obscurité fait surgir la lumière qui vient <strong>de</strong> l’intérieur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

personnages. Cette lumière émane et donne corps à la réflexion<br />

et la méditation. Ainsi, le fond sombre est indispensable au<br />

surgissement <strong>de</strong> la pensée chez le spectateur.<br />

"L’expérience, l’artiste en est convaincu, est une voie privilégiée<br />

vers la connaissance. Dans ces conditions extrêmes, elle<br />

est capable <strong>de</strong> révéler <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités inattendues, <strong>de</strong> stimuler<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> acuités inouïes. Il a appris cela dans le désert, dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

situations délibérées d’isolement ou <strong>de</strong> privation". Raymond<br />

Bellour, (à propos <strong>de</strong> Bill Viola), L’entre-images, Broché, Ed. <strong>de</strong><br />

la différence.<br />

Les lieux d’enfermement se prêtent à l’expérience <strong>de</strong> la<br />

solitu<strong>de</strong> qui elle même est propice à recevoir l’invisible. La<br />

solitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> saint Jean <strong>de</strong> la croix se traduit par la présence du<br />

cachot et <strong>de</strong> ses éléments mais aussi par le caractère lointain et<br />

peu audible <strong>de</strong> la voix récitant les poèmes. Ce dispositif renvoie<br />

à une extrême solitu<strong>de</strong> que ressent le spectateur lui même<br />

dans sa condition d’observateur unique <strong>de</strong>vant l’étroitesse <strong>de</strong><br />

la fenêtre. Cette solitu<strong>de</strong> éveille les sens, l’acuité visuelle et<br />

auditive du spectateur, tout comme elle a pu éveiller le saint à<br />

l’image-mémoire, l’image imaginée, d’un paysage coloré bercé<br />

par la douceur du vent. Et <strong>de</strong> voir pour le spectateur cette<br />

projection géante d’images non embellies, non sublimées,<br />

matériau brut <strong>de</strong> la mémoire bousculée par la tempête, par<br />

les turpitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> la vie, qui l’incite à replonger dans la solitu<strong>de</strong><br />

transcendée <strong>de</strong> saint Jean <strong>de</strong> la Croix.<br />

L’ascèse du saint Jérôme <strong>de</strong> Ribera passe immanquablement par<br />

ce moment <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> intense, resserré dans cet espace clos,<br />

dans cette "mise en boite", et dans lequel les objets signifient<br />

aussi le dénuement, l’absence. De même le spectateur, dans sa<br />

proximité et grâce aussi aux dimensions <strong>de</strong> la toile se trouve<br />

subjugué et isolé dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la pensée. Son regard<br />

le renvoie indiscutablement à lui même dans un transport<br />

spirituel intime et solitaire.<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 19


—<br />

Procédés artistiques et imaginaire,<br />

intériorité, méditation<br />

"Quand il met le petit moniteur dans la cellule et la cellule<br />

dans une immense boite noire, Viola construit une machinerie<br />

qui cherche à représenter le fonctionnement <strong>de</strong> l’imagination, et<br />

<strong>de</strong> l’inspiration, comme celui <strong>de</strong> l’outil-vidéo qui les simulent et<br />

les effectuent. Viola nous rappelle ainsi que la vidéo est en elle<br />

même un double permanent du paysage, <strong>de</strong> tout ce que regar<strong>de</strong><br />

en temps réel la caméra <strong>de</strong>venue l’œil possible du mystique(...)".<br />

Raymond Bellour, l’entre images, Broché, Ed. <strong>de</strong> la différence.<br />

L’imaginaire <strong>de</strong> saint Jean <strong>de</strong> la croix passe par le paysage.<br />

La montagne <strong>de</strong>meure le symbole traditionnel du temps, <strong>de</strong><br />

l’éternité, <strong>de</strong> l’immuable. Saint Jean <strong>de</strong> la croix le reconnaît<br />

dans toute sa magnificence au plus profond <strong><strong>de</strong>s</strong> ténèbres<br />

que sont ses conditions <strong>de</strong> détention. A travers ce symbole,<br />

le corps, l’esprit du spectateur et son propre imaginaire, sont<br />

sollicités. La vidéo permet <strong>de</strong> montrer simultanément le lieu<br />

et sa temporalité, pour exprimer une mémoire géographique<br />

et temporelle. L’expérience physique du paysage passe par sa<br />

reconnaissance formelle et sensorielle et l’expérience mentale<br />

se produit dans ce que la montagne évoque par la pensée, le<br />

symbole. Le crâne, dans le tableau <strong>de</strong> Ribera porte le symbole<br />

<strong>de</strong> vanité, le symbole <strong>de</strong> l’éphémère, <strong>de</strong> la pensée, et <strong>de</strong> l’ascèse.<br />

Il suscite la réflexion et l’imaginaire du spectateur au même<br />

titre qu’il motive l’attitu<strong>de</strong> du saint Jérôme. La représentation<br />

<strong>de</strong> du crâne est en avant <strong>de</strong> la scène, au bord <strong>de</strong> la toile, dans<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> dimensions proches du réel. Nous semblons en disposer<br />

comme en dispose l’ascète.<br />

"Nous vivons en lui, avec lui. Il n’est rien que l’on désire autant<br />

que la vie. Qu’est-ce que ma vie ? Ce qui <strong>de</strong> l’intérieur est mu<br />

par soi même. Ce qui est mû <strong>de</strong> l’extérieur ne vit pas. Si donc<br />

nous vivons avec lui, nous <strong>de</strong>vons coopérer en lui <strong>de</strong> l’intérieur et<br />

non pas opérer <strong><strong>de</strong>s</strong> mus <strong>de</strong> l’extérieur; (…) Or nous pouvons et<br />

nous <strong>de</strong>vons agir en opérant <strong>de</strong> l’intérieur à partir <strong>de</strong> ce qui nous<br />

est propre.(...)". Raymond Bellour, l’entre images, Broché,<br />

Ed. <strong>de</strong> la différence.<br />

Le véritable lieu d’installation dans l’œuvre <strong>de</strong> Bill Viola est<br />

l’esprit. Il est à l’image <strong>de</strong> la caméra branchée sur le moniteur<br />

extérieur, toujours en éveil, toujours en surgissement. En noir<br />

et blanc, la projection suggère une mémoire méditative. Le<br />

dispositif s’apparente à l’expérience même <strong>de</strong> saint Jean <strong>de</strong> la<br />

Croix que nous revivons ici : la turbulence intérieure qui s’est<br />

résolu jadis par l’écriture <strong>de</strong> poèmes d’amour. Nous en faisons<br />

l’expérience dans ce va et vient entre l’écran géant et l’écran du<br />

cachot. La perception première violente et haletante <strong>de</strong> cette<br />

gran<strong>de</strong> salle nous accompagne par le son à l’intérieur <strong>de</strong> la<br />

cellule. Et <strong>de</strong>vant l’image rêvée du paysage en couleur persiste<br />

le souvenir <strong><strong>de</strong>s</strong> tourments. Nous pouvons ensuite chercher à<br />

entendre la voix du poème. Tout se vit à travers l’expérience<br />

intérieure, ainsi, le dispositif agit dans l’esprit.<br />

Bill Viola a toujours revendiqué et témoigné d’un héritage<br />

artistique et culturel. Sa démarche spirituelle l’amène à croire<br />

au pouvoir transformateur <strong>de</strong> l’art qui suscite la contemplation,<br />

la découverte <strong>de</strong> soi par une expérience métaphysique. Si le<br />

médium vidéo marque une rupture <strong>de</strong> pratique par rapport<br />

aux anciens, il n’est pas choisi par hasard. Bill Viola lui assigne<br />

le rôle du regard. La vidéo induit les images mentales sublimées<br />

ou non dans leur continuité, le direct du tournage. Quant à<br />

l’installation, elle établit un lien entre le réel et le symbolique.<br />

L’expérience du tableau <strong>de</strong> José <strong>de</strong> Ribera pourrait mener à<br />

cette même problématique du réel et du symbolique : la réalité<br />

physique, forte et intense du tableau dont le spectateur jouit<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> sensations et la symbolique méditative du contenu.<br />

—<br />

PISTES <strong>PEDAGOGIQUE</strong>S<br />

—<br />

ENTREES EN HISTOIRE DES ARTS<br />

Collège<br />

<strong>Arts</strong>, ruptures, continuités<br />

L’œuvre d’art et la tradition, ruptures, continuités / l’œuvre d’art et<br />

sa composition / l’œuvre d’art et le dialogue <strong><strong>de</strong>s</strong> arts.<br />

<strong>Arts</strong>, créations, cultures<br />

L’œuvre d’art et la genèse <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures.<br />

<strong>Arts</strong>, mythes, religions<br />

L’œuvre d’art et le sacré, les sources religieuses <strong>de</strong> l’inspiration<br />

artistique, le sentiment religieux et sa transmission.<br />

<strong>Arts</strong>, techniques, expressions<br />

L’œuvre d’art et l’influence <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques / l’œuvre d’art et la<br />

technique source d’inspiration.<br />

Lycée :<br />

<strong>Arts</strong> et sacré<br />

L’art et les grands récits / l’art et le divin, sa manifestation,<br />

l’expression du sentiment religieux.<br />

<strong>Arts</strong>, réalités, imaginaires<br />

Inventions artistiques, transpositions et récit.<br />

<strong>Arts</strong>, sociétés, cultures<br />

Art et appartenance, langages et expressions symboliques.<br />

<strong>Arts</strong>, corps, expressions<br />

Le corps, présentation et représentation / le corps et l’expression<br />

créatrice / le corps, l’âme et la vie.<br />

Le saint Jérôme <strong>de</strong> Ribera mène lui aussi <strong>de</strong> l’expérience<br />

physique <strong><strong>de</strong>s</strong> sens à la réflexion, la méditation, l’intériorité.<br />

L’icône qu’évoque le tableau par la présence <strong>de</strong> l’invisible<br />

divin renvoie tel un miroir au spectateur sa propre foi, sa<br />

propre méditation. Car dans l’image jésuite, la représentation<br />

du mon<strong>de</strong> offre le miroir <strong>de</strong> Dieu, incarne la foi. De savantes<br />

suggestions physiques suscitent cette dévotion : composition<br />

resserrée, chairs, ri<strong><strong>de</strong>s</strong>, stigmates <strong>de</strong> la vie réalistes, matières<br />

épaisses, palpables, rouge flamboyant d’une tunique, fond<br />

sombre et éclairage qui témoignent <strong>de</strong> l’ascèse. Le spectateur<br />

est transporté vers un élan intérieur, un élan <strong>de</strong> foi.<br />

20 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


les ren<strong>de</strong>z-vous Autour <strong>de</strong> l’exposition<br />

—<br />

rencontres-débats<br />

> Jeudi 24 mars 2011 - 18 h 30 (rencontre précédée d’une visite <strong>de</strong> l’exposition, à 17 h 30) / / entrée libre<br />

Comment figurer la pensée ?<br />

Invité : Pascal Quignard<br />

Modérateur : Bernard Vouilloux<br />

Qu’est-ce que l’image montre <strong>de</strong> la pensée ? Qu’en fait-elle ? Et d’abord, l’image pense-t-elle ?<br />

Telles sont les questions autour <strong><strong>de</strong>s</strong>quelles se rencontrent Pascal Quignard, auteur du texte accompagnant l’exposition « Portraits <strong>de</strong> la pensée », et<br />

Bernard Vouilloux, qui vient <strong>de</strong> publier La Nuit et le Silence <strong><strong>de</strong>s</strong> images. Penser l’image avec Pascal Quignard (Hermann, 2010).<br />

> Jeudi 14 avril 2011 - 18 h 30 (rencontre précédée d’une visite <strong>de</strong> l’exposition, à 17 h 30) / / entrée libre<br />

La peinture pense-t-elle ? Du Siècle d’or à Goya<br />

Invité : Tzvetan Todorov<br />

Modérateur : Alain Tapié<br />

Tzvetan Todorov, auteur du texte Pensée et peinture du catalogue <strong>de</strong> l’exposition, observateur luci<strong>de</strong> et inquiet <strong><strong>de</strong>s</strong> nouveaux désordres du mon<strong>de</strong>,<br />

analyse les rapports complexes entre pensée et peinture, <strong>de</strong>puis les peintres du Siècle d’or espagnol jusqu’à Goya qui entreprend l’exploration <strong>de</strong><br />

tout ce que les Lumières ont laissé dans l’ombre.<br />

> Jeudi 28 avril 2011 - 17 h 30 18 h 30 (rencontre précédée d’une visite <strong>de</strong> l’exposition, à 17 h 30) / / entrée libre<br />

Esthétique et critique<br />

Invité : Jacinto Lageira<br />

Modérateur : Christian Ruby<br />

Quelle est la spécificité <strong>de</strong> l’esthétique par rapport à l’œuvre d’art ? Longtemps l’esthétique a investi l’art <strong>de</strong> l’ambitieuse fonction d’ultime<br />

révélateur ou <strong>de</strong> modèle <strong>de</strong> réconciliation universelle. Puis elle lui a confié la fonction <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>siner <strong><strong>de</strong>s</strong> alternatives utopiques à la société. Où en<br />

est-on aujourd’hui ? La publication récente <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres <strong>de</strong> Rainer Rochlitz réveille les polémiques. Le débat consistera à en saisir l’ampleur.<br />

Conférences<br />

Préambules à l’art contemporain<br />

Une invitation à découvrir l’art contemporain à travers les rapprochements entre l’art ancien et l’art d’aujourd’hui<br />

> Mercredi 09 Mars 2011, 18 h 30 / / entrée libre<br />

L’expression <strong>de</strong> la pensée dans l’art contemporain<br />

Invitation à l’art (par les Amis <strong><strong>de</strong>s</strong> Musées <strong>de</strong> <strong>Lille</strong>)<br />

> Dimanche 27 mars, 10 h 30 / / tarifs : 5 g - 3 g - 1 g<br />

La peinture espagnole au siècle <strong>de</strong> Vélasquez<br />

Midi-Poésie autour <strong>de</strong> l’exposition<br />

> Mercredi 13 avril 2011, 12 h 30 / / tarifs : 5,50 g - 3,80 g<br />

Avec Emmanuelle Pireyre, écrivain.<br />

Nocturnes<br />

De l’esprit et du vin (Visite-Dégustation)<br />

> Jeudi 31 Mars 2011, 19 h / / tarifs : 12 g - 7 g<br />

Promena<strong>de</strong> philosophique dans l’exposition, suivie d’une dégustation <strong>de</strong> vins italiens et espagnols, animée par Cédric Bachelot, caviste.<br />

Un soir en Espagne, au siècle d’Or (Visite-Concert)<br />

> Jeudi 09 Juin 2011, 19 h / / tarifs : 12 g - 7 g<br />

Visite guidée <strong>de</strong> l’exposition, suivie d’un récital guitare-voix avec Brigitte Lafon, soprano, accompagnée <strong>de</strong> Philippe Villa, guitare romantique.<br />

—<br />

Pour vous accompagner et compléter votre découverte<br />

<strong>de</strong> l’exposition :<br />

> Parcours-jeu : pour les 6/12 ans : gratuit<br />

> Visiogui<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

En complément au gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> visite, le <strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> propose pour la première fois un visiogui<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’exposition présentant <strong><strong>de</strong>s</strong> commentaires<br />

d’oeuvres ainsi que <strong><strong>de</strong>s</strong> interviews vidéo <strong><strong>de</strong>s</strong> commissaires d’exposition, 1g. Une application <strong>de</strong> l’exposition est aussi téléchargeable sur<br />

smartphones et lecteurs mp3 à partir du site du musée www.pba-lille.fr.<br />

> Catalogue <strong>de</strong> l’exposition : en vente à la librairie, Ed. Nicolas Chaudun, 208 pages, 27 euros<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 21


Contacts<br />

—<br />

Service pédagogique<br />

> Fleur Morfoisse-Guénault<br />

Conservatrice Objets d’art et coordination pédagogique<br />

Enseignants détachés<br />

> 1er <strong>de</strong>gré<br />

Marie-José Parisseaux - Dominique Delmotte, conseillers pédagogiques en arts visuels<br />

tél. 03 20 06 78 09 - mjparisseaux@mairie-lille.fr<br />

> 2nd <strong>de</strong>gré<br />

Marie Barras, Philippe Lefèbvre, Véronique Mélikèche<br />

Action éducative / Relations enseignants<br />

> Céline Villiers<br />

tél.03 20 06 78 63 – cvilliers@mairie-lille.fr<br />

22 | portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique


Crédits photographique<br />

Couverture : Démocrite, le philosophe rieur, Johan Moreelse – Mauritshuis, La Haye<br />

Page 5 : Vieil alchimiste dans son laboratoire, Johan Moreelse – Robilant et Voena, Londres<br />

Page 7 : Platon, José <strong>de</strong> Ribéra – Musée <strong>de</strong> Picari<strong>de</strong>, Amiens<br />

Page 8 : Démocrite, Hendrick Ter Brugghen - Rijksmuseum, Amsterdam<br />

Page 9 : Diogène à la lanterne, Ecole espagnole – Musée Ingres, Montauban<br />

Page 9: Héraclite, Hendrick Ter Brugghen - Rijksmuseum, Amsterdam<br />

Page 11 : Saint Thomas, Diégo Vélasquez, Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux arts, Orléans<br />

Page 12 : Sibylle, José <strong>de</strong> Ribera, Madrid, musée du Prado<br />

Page 16 : Portrait d’un philosophe, <strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>, <strong>Lille</strong><br />

Page 18 : Saint Jérôme, José <strong>de</strong> Ribéra, <strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong>, <strong>Lille</strong><br />

Page 19 : Pièce pour saint Jean <strong>de</strong> la Croix, Bill Viola, Museum of contemporary Art, Los Angeles<br />

Page 22 : Les philosophes, Maître du Jugement <strong>de</strong> Salomon, Musée San<strong>de</strong>lin, Saint Omer<br />

conception graphique et mise en page : Claire Masset, PBA 2011<br />

portraits <strong>de</strong> la pensée, Vélasquez, Ribera, Giordano • cahier pédagogique | 23


<strong>Palais</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong><br />

Place <strong>de</strong> la République - 59000 <strong>Lille</strong><br />

T. +33 (0)3 20 06 78 00 - www.pba-lille.fr<br />

Johan Moreelse, Démocrite, le philosophe rieur © Musée Royal <strong><strong>de</strong>s</strong> Peintures Mauritshuis La Haye<br />

Conception : Claire Masset, PBA 2011 / impression Ville <strong>de</strong> <strong>Lille</strong>

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