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Dimension 3 n° 2009/4 (septembre-octobre 2009)

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dimension<br />

Le journal de la coopération belge<br />

Dossier :<br />

Culture(s) et<br />

développement<br />

b i m e s t ri el s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> <strong>n°</strong>4<br />

P308613 Bu r e a u d e d é p ô t Bru x el l e s X<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

1


LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE<br />

BIMESTRIEL SEPTEMBRE-OCTOBRE <strong>2009</strong> ° 4<br />

P308613 B B X<br />

04<br />

10<br />

14<br />

Dossier :<br />

"La culture n’est pas un luxe..."<br />

Dossier :<br />

Sensibiliser au développement<br />

Dossier :<br />

L’hypothèse Africalia<br />

"L’association des termes culture et<br />

développement – utilisée à tout bout de<br />

champ – crée l’illusion qu’il s’agit de deux<br />

concepts distincts qui se rencontreraient<br />

aujourd’hui comme par hasard – surfant sur<br />

les vagues à la mode de l’endogénisation<br />

ou de la diversité. Comme si la liberté nous<br />

était donnée de faire s’unir ou non ces deux<br />

concepts, comme si le développement<br />

sans la culture était concevable."<br />

Joost Dessein,<br />

anthropologue<br />

Interview :<br />

Thierry Verhelst<br />

18<br />

Résidant en Belgique,<br />

le burundais Ntakiyica<br />

joue avec sa propre identité<br />

et fait un clin d'œil<br />

à René Magritte…<br />

DOSSIER :<br />

CULT URE(S) ET<br />

DÉVELOPPEMENT<br />

dimension<br />

Et aussi...<br />

"La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité" 04<br />

La culture doit devenir une priorité politique 08<br />

- <strong>2009</strong> dimension<br />

1<br />

Le développement ? C'est le buen vivir 09<br />

Le journal de la coopération belge<br />

Périodique bimestriel de la Direction Générale<br />

de la Coopération au Développement (DGCD)<br />

Rédaction : DGCD – Direction Programmes de Sensibilisation<br />

Rue des Petits Carmes 15 | B-1000 Bruxelles<br />

Tél : 0032 (0)2 501.48.81 – Fax: 0032 (0)2 501.45.44<br />

E-mail : info.dgcd@diplobel.fed.be<br />

www.diplomatie.be | www.dgcd.be<br />

Secrétariat de rédaction : Elise Pirsoul,<br />

Jean-Michel Corhay, Chris Simoens<br />

Création et production : www.propaganda.be<br />

Les articles publiés ne représentent pas nécessairement le point<br />

de vue officiel de la DGCD ou du gouvernement belge.<br />

La reproduction des articles est autorisée pour autant<br />

que la source soit mentionnée et qu’une copie de<br />

la publication soit envoyée à la rédaction.<br />

<strong>Dimension</strong> 3 paraît 5 fois par an tous les 2 mois sauf en été.<br />

Abonnement : Gratuit en Belgique et à l’étranger<br />

Imprimé sur papier blanchi sans chlore.<br />

Images et voix multiples du Sud au Nord 10<br />

L'hypothèse Africalia 14<br />

"Les Recluses", théâtre d'une transformation sociale 17<br />

"Le sous-développement ne se laisse ni chiffrer ni photographier" 18<br />

A secours, internet est lent ! 20<br />

"De Andere Kant van de Wereld" 21<br />

Petite <strong>Dimension</strong> 22<br />

L'Afrique se démasque à Tervuren 24<br />

2 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


Cultiver<br />

son bien-être<br />

Le célèbre économiste Joseph Stiglitz (prix Nobel d'économie en 2001) proposait<br />

récemment de remplacer le PNB (Produit National Brut) par le BNB (Bonheur National<br />

Brut). Une révolution dans le système de "calcul" du bien-être humain, substituant à<br />

un modèle essentiellement économique et occidental, d’autres valeurs, plus humaines :<br />

le développement socio-économique équitable et durable, la préservation et la<br />

promotion des valeurs culturelles, la défense de la nature, et la bonne gouvernance.<br />

Un concept qui réouvre le débat sur le sens du développement : la misère humaine<br />

se résume-t-elle à moins d’un dollar par jour ?<br />

Du développement, les peuples autochtones d’Amérique latine ont en effet une<br />

vision personnelle. Ils préfèrent parler de buen vivir : vivre en harmonie avec leurs<br />

semblables et la nature (lire en p. 9). De même, une étude de la Banque Mondiale<br />

indique que les communautés défavorisées aspirent moins à un moyen matériel qu’à<br />

une reconnaissance de dignité. Le dernier rapport du Fonds des Nations Unies pour<br />

la Population préconise des approches sensibles à la culture dans la coopération au<br />

développement car, selon Siri Tellier, directrice du bureau genevois du FNUAP,<br />

le "développement ne se limite pas à construire des ponts et des centrales électriques,<br />

mais il suppose aussi un changement des mentalités et des comportements".<br />

Un entretien avec l'antropologue culturel Thierry Verhelst ( voir p. 18) illustre<br />

l’importance de la dimension culturelle dans les projets de développement.<br />

Et puis, il y a LA "Culture", celle qui est un art, celle qui élève l’esprit et sublime le<br />

quotidien. Celle-là peut contribuer à la cohésion sociale, la démocratie, elle est créatrice<br />

d’emplois et de revenus nationaux. Celle-là peut être thérapeutique (voir p. 17).<br />

Longtemps ignorée par les politiques de développement, elle est devenue une priorité<br />

croissante pour l’Europe depuis l’Accord de Cotonou, placée à nouveau à l’agenda en<br />

mai dernier lors de la conférence "Culture et création, facteurs de développement"<br />

(voir p. 4) et au centre de nouveaux programmes dans le champ de la cinématographie<br />

internationale (Media et ACP film - voir p. 6). Le but est de permettre au Sud<br />

de produire ses propres images et d’être maître de son identité.<br />

© Couverture : Aimé Ntakiyica<br />

Identité. Dans le jargon de la coopération internationale, on parle d'ownership<br />

(autonomisation, appropriation du développement par les populations locales), mais<br />

comment y parvenir sans une conscience forte de soi ? "Culture is not for cows", disait<br />

Africalia (une association belge en charge de coopération culturelle en Afrique - voir p.<br />

14) : l'être humain n'est pas un animal pour qui il suffit manger et dormir pour ressentir<br />

du bien-être. A la recherche de cette logique implacable des "besoins essentiels",<br />

aurait-on oublié les "nourritures de l'esprit" ? Car la culture peut aussi véhiculer une<br />

connaissance de soi et des autres. C’est dans ce sens que la coopération belge subsidie<br />

des événements ou œuvres culturelles en Belgique et pour le public belge (voir p.10).<br />

C’est aussi la mission que s’est fixée l’exposition "Persona" au Musée de Tervuren,<br />

qui a voulu rendre leur identité et leur caractère sacré à des masques africains. Ces<br />

objets artistiques et hautement symboliques sont confrontés avec les œuvres de<br />

leurs contemporains : ceux qui ont connu l’exil, réfléchi au sort de leur ancêtres et se<br />

cherchent une identité hybride. Ils ont bien voulu nous prêter quelques œuvres superbes<br />

qui illustrent ce dossier.<br />

La rédaction<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

3


Dossier<br />

"La culture n’est pas un<br />

© Angèle Etoundi Essamba<br />

Parler de coopération culturelle<br />

avec les pays "pauvres" à l’heure de<br />

la crise économique, impertinent ?<br />

Si l’on considère la culture<br />

comme superflue, non rentable,<br />

réservée aux élites, oui. Mais pas<br />

si l’on considère que la musique<br />

participerait à 5% du PIB en<br />

Jamaïque, sans compter les 3% de<br />

la main d’œuvre nationale qu’elle<br />

représente. Pas si l’on considère<br />

ces pays "pauvres" avant tout de<br />

leur image ; pas si l’on considère<br />

la culture comme partie intégrante<br />

de la réussite des projets de<br />

coopération ; que la création<br />

culturelle contribue à la cohésion<br />

sociale, à la démocratie, à l’identité<br />

positive d’une communauté et à<br />

la croissance économique. Une<br />

vision que partageait la conférence<br />

européenne "Culture et création,<br />

facteurs de développement".<br />

Culture et Cultures<br />

D’abord, entendons-nous, il y a culture<br />

et cultures. Il y a "les cultures", dans un<br />

sens large et anthropologique qui sont<br />

propres à chaque groupe, chaque individu<br />

et qui sous-tendent tous les rapports<br />

humains. Il y a celle, la culture au<br />

sens plus strict, qui est du domaine de<br />

la création, qui appartient aux artistes.<br />

Et il y a un lien entre les deux, car la<br />

création culturelle exprime des valeurs<br />

et une identité, elle construit l’image<br />

qu’une société a d’elle-même et qu’elle<br />

va refléter.<br />

Crise identitaire et<br />

Déclaration de Paris<br />

"Il y a quelques années, lorsque j'interrogeais<br />

en Afrique un ambassadeur sur le<br />

rôle de la culture, il me répondait : "Il est<br />

des besoins plus essentiels de l'ordre de la<br />

survie". Logique implacable. Et pourtant, je<br />

voyais ce pays vert d'Afrique qui ressemblait<br />

à un jardin d'Eden, peuplé de gens en<br />

haillons, certes, mais qui avaient le sourire.<br />

Ils me demandaient conseil parce que j'étais<br />

blanche. Et je ne pouvais, moi, leur dire, à<br />

mille lieues de chez moi, comment mieux<br />

vivre sur une terre qui avait vu naître leurs<br />

ancêtres. C'est comme si les guerres et des<br />

décennies de supériorité économique leur<br />

avait enlevé la voix de leur ancêtres et la<br />

confiance en leur propre connaissance.",<br />

déplore E., une jeune coopérante. On parle<br />

aujourd’hui d'appropriation des partenaires<br />

en coopération, mais comment y parvenir<br />

sans une conscience forte de soi, et<br />

de son identité ?<br />

Dans les projets de développement, quel<br />

que soit le secteur, l’objectif est humain. La<br />

prise en compte ou pas des valeurs culturelles<br />

d’une communauté peut déterminer<br />

la réussite d’un projet. "Le développement<br />

est un chemin et chaque pays doit avoir le<br />

sien. La culture (…) en définit les contours",<br />

disait le Commissaire européen à la coopération<br />

au développement, Louis Michel 3 .<br />

A l’heure de la Déclaration de Paris où les<br />

pays "en développement" sont considérés<br />

comme des "partenaires" à part entière,<br />

ils ont besoin d’exprimer une identité propre<br />

forte, qui n’est plus celle d’un simple<br />

bénéficiaire passif. Or, le Sud souffre d’une<br />

crise identitaire, son image véhiculée par<br />

les médias occidentaux est "appauvrie",<br />

négative. Le sud manque de structures<br />

pour diffuser sa culture, d'une richesse et<br />

d'une diversité inouïe.<br />

Un marché rentable<br />

qui manque d’industrie<br />

et de volonté politique<br />

Dix ans bientôt après la Déclaration du<br />

Millénaire, les Objectifs du Millénaire semblent<br />

encore un peu plus compromis par la<br />

crise économique. Pour les atteindre, une<br />

croissance économique forte serait absolument<br />

nécessaire. Le secteur culturel, en tant<br />

que pourvoyeur d’emplois et de biens commerciaux,<br />

pourrait y contribuer en partie.<br />

Dans les pays industrialisés, la culture représente<br />

une part non négligeable des revenus<br />

1 Citation de Gao Xinjiang, prix Nobel de littérature 2 Les chiffres concernant la culture dans cet articles sont tirés du document "potentialité et enjeux de la création et la culture pour le<br />

développement" de Francisco Ayi J. d’Almeida que vous trouvez sur le site de la conférence. 3 Extrait de son discours lors de la conférence "Culture et création, facteurs de développement".<br />

4 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


Culture(s) et développement<br />

luxe, c’est une nécessité" ¹<br />

nationaux : 3,2% du PIB en Norvège, 3% en<br />

Grande Bretagne. Dans les pays en développement,<br />

le marché de la culture est trop<br />

souvent informel car il ne dispose pas de<br />

structures permettant d’en faire une véritable<br />

industrie. A cet égard, l’attention politique<br />

est fondamentale, comme au Brésil où,<br />

grâce à une forte volonté du Ministère de<br />

la culture, les industries culturelles représentaient<br />

en 1998 quelques 6,7% du PIB, et<br />

5% de l’emploi national. Un chiffre supérieur<br />

aux résultats de l’industrie agroalimentaire<br />

dans de nombreux pays d’Europe.<br />

La prolifération des œuvres cinématographiques<br />

indienne et nigériane : Bollywood<br />

- qui emploie à elle-seule plus de 4 millions<br />

de personnes et représente environ 2,3<br />

milliards USD - et Nollywood, sa version<br />

nigériane, n'a rien a envier à Hollywood.<br />

En Afrique, les artistes ne manquent pas,<br />

mais peux parviennent à vivre de leur Art.<br />

Les plus débrouillards, les plus célèbres,<br />

obtiennent parfois des subventions - souvent<br />

occidentales et conditionnées. Même<br />

une fois produites et reconnues, les œuvres<br />

peinent à traverser les frontières à l’intérieur<br />

même du continent, car les systèmes<br />

de diffusion sont casi… inexistants.<br />

En Europe, qui doit se protéger elle-même<br />

de l’invasion des œuvres nord-américaines,<br />

les marchés leurs sont pratiquement<br />

inaccessibles. A cet égard, le rôle des festivals<br />

thématiques sur le continent comme<br />

le Fespaco (voir encadré), ou, en Europe,<br />

comme le festival Couleur Café (voir encadré),<br />

est fondamental.<br />

Un vecteur de messages au<br />

service du développement<br />

De tout temps, l’artiste détenait une fonction<br />

sociale incontestée. Le griot, le bouffon,<br />

le poète, le troubadour, véhiculaient<br />

l’histoire d’une communauté, des valeurs,<br />

quand il ne critiquait pas subtilement la<br />

société ou le pouvoir en place. "Les artistes<br />

ont souvent exprimé avant le peuple les<br />

révoltes, l’attente de celui-ci. Ils sont des faiseurs<br />

de démocratie", confirmait le commissaire<br />

Michel. Ousmane Sembene, le père<br />

sénégalais du cinéma africain, allait projeter<br />

ses films dans les villages. Pour lui, le<br />

cinéma est une "école", un art narratif qui<br />

permet ainsi de faire passer des thèmes,<br />

raconter des histoires qui seront comprises<br />

par tous, y compris les analphabètes. De<br />

même, dans un interview au Knack, le célèbre<br />

docteur Piot rapportait comment il pouvait<br />

sensibiliser les jeunes au sida à travers<br />

la musique, bien plus efficacement qu’avec<br />

une brochure.<br />

Conférence européenne :<br />

une meilleure place dans les<br />

politiques de développement ?<br />

Ces propos étaient au centre des débats la<br />

conférence "Culture et création, facteurs de<br />

développement" qui, les 2 et 3 avril <strong>2009</strong>,<br />

a réuni à Bruxelles les 150 experts professionnels<br />

des cultures européens et provenant<br />

des pays d’Afrique, des Caraïbes et du<br />

Pacifique (ACP) . L’objectif était de mettre la<br />

culture à l’agenda du développement dans<br />

le cadre de la coopération de la Commission<br />

européenne avec les pays ACP. La coopération<br />

belge a soutenu financièrement et<br />

logistiquement cette conférence et y était<br />

présente par l’intermédiaire de son Ministre<br />

de la Coopération au développement.<br />

Leurs travaux se sont conclus sur la Déclaration<br />

de Bruxelles des artistes, des professionnels<br />

et des entrepreneurs de la culture.<br />

Ils recommandent principalement aux autorités<br />

ACP locales d’inscrire la culture comme<br />

priorité dans leurs programmes indicatifs<br />

nationaux et régionaux ainsi que dans leurs<br />

stratégies de réduction de la pauvreté,<br />

afin de développer de véritables politiques<br />

publiques structurantes pour la culture.<br />

Quant à la Commission européenne, elle<br />

doit prendre en compte la dimension culturelle<br />

dans les approches de développement<br />

et reconnaître les artistes comme acteurs<br />

du développement.<br />

Un appel qui sera peut-être entendu car<br />

le Commissaire a promis la mise en place<br />

d’un Comité de suivi de cette Déclaration.<br />

De leur côté, quelques pays d’Afrique de<br />

l’Ouest comme le Burkina Faso et la Côte<br />

d’Ivoire sont en train d’introduire le secteur<br />

culturel dans leur programme indicatif<br />

régional. En attendant, la Commission<br />

européenne vient d’annoncer le renfor- ><br />

Quelques aides au secteur culturel du Sud<br />

en Belgique et en Europe<br />

Au niveau institutionnel belge, la culture<br />

est une compétence des communautés<br />

linguistiques. La Communauté française<br />

est compétente pour le soutien à des<br />

projets de coopération avec le Sud via<br />

le WBI (Wallonie Bruxelles International<br />

– ex CGRI). En Communauté flamande,<br />

c’est le VAIS - Vlaamse Agentschap voor<br />

Interntionale Samenwerking. Les deux<br />

ministères de la culture participent à<br />

des projets culturels à l’étranger quand<br />

il y a un lien ou des intérêts avec leur<br />

Communauté.<br />

La coopération belge (DGCD) finance des<br />

activités culturelles produites et réalisées<br />

en Belgique et uniquement dans un but de<br />

sensibilisation de l’opinion publique (voir<br />

article p.10). Sur le terrain d’Etats fragiles<br />

ou au sortir d’une guerre, elle peut également<br />

financer des projets qui participent<br />

de façon évidente à la consolidation de<br />

la paix et à la prévention des conflits.<br />

Africalia (voir p.14 ), créée comme outil<br />

culturel de la coopération belge et<br />

devenue association indépendante non<br />

communautaire, appuie des structures<br />

culturelles essentiellement sur le terrain<br />

de 6 pays sub-sahariens.<br />

Pour la Commission européenne, la coopération<br />

culturelle dispose d’un budget<br />

de l’Union européenne et du Fonds<br />

d’aide ACP (30 millions d’euros pour les<br />

activités culturelles) qui dépend du Fond<br />

européen de développement.<br />

Pour la francophonie, l’OIF (Organisation<br />

internationale de la Francophonie)<br />

dispose d’un important fonds d’aide,<br />

uniquement destiné aux Africains.<br />

(Ceci constitue une liste non exhaustive<br />

étant donnée la complexité des canaux<br />

et le nombre de petites structures.)<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

5


Dossier<br />

> cement des relations culturelles et commerciales<br />

entre la cinématographie européenne et les créateurs<br />

du monde entier. Le programme MEDIA disposera de<br />

40 millions d'euros pour financer 40 projets de formation,<br />

promotion distribution et projections de films et<br />

d’autres actions encourageant le public, en Europe et<br />

dans le monde, à découvrir des films étrangers. D’autre<br />

part, le programme ACP films financera dans le cadre<br />

de la lutte contre la pauvreté 24 projets cinématographiques<br />

et audiovisuels pour un total de 6,5 millions<br />

d’euros. Le but est de permettre aux pays ACP de créer<br />

et consomer leurs propres images. L’accent est mis sur<br />

la formation, les technologies numériques et dans un<br />

deuxième temps à l’ouverture des marchés. A suivre,<br />

donc.<br />

Orientations politiques<br />

culturelles européennes<br />

en matière de coopération :<br />

les textes<br />

Elise Pirsoul<br />

online<br />

Site de la Conférence européenne : www.culture-dev.eu<br />

Un projet du département<br />

flamand Culture, Jeunesse,<br />

Sports et Médias<br />

La conférence "Cultures et création, facteurs de développement" a rassemblé,<br />

en avril <strong>2009</strong> à Bruxelles, de nombreux professionnels et des personnalités de la culture.<br />

© D. Andelean / DGCD<br />

© M.Knol / Poppunt<br />

Batsha (= Jeunesse) est un projet de grande envergure<br />

(3 millions d’euros) qui a été lancé en Afrique<br />

du Sud et qui vise à organiser des activités très<br />

diverses au bénéfice des jeunes défavorisés des<br />

banlieues noires: contact actif avec la culture,<br />

l'art, le patrimoine, le sport… Poppunt, le point de<br />

contact flamand pour le secteur de la pop fait partie<br />

des organisations associées au projet Batsha.<br />

Poppunt organise des ateliers autour des thèmes<br />

de l’enregistrement et de la promotion de la musique<br />

pop, des droits d’auteur, des spectacles, etc.<br />

Des petits concerts vont également rassembler<br />

artistes flamands et sud-africains.<br />

CS<br />

online<br />

• l'Accord de Cotonou (2000 et révisé en 2005) inclus la culture comme<br />

un volet à part entière de la stratégie de coopération dans le partenariat<br />

entre les pays d'Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) et la Communauté européenne.<br />

Désormais la culture est considérée comme un catalyseur des<br />

processus de développement. Cela se traduit par l'émergence d'un nouveau<br />

cadre politique européen.<br />

• En 2005, la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de<br />

la diversité des expressions culturelles était adoptée. Elle réaffirme le droit<br />

souverain des États d’élaborer des politiques culturelles. Ratifiée par 56<br />

pays, elle renforce la coopération internationale en vue de favoriser les<br />

expressions culturelles de tous les pays. L’organisation des Nations Unies<br />

pour l’éducation, la science et la culture reçoit chaque année 1 million<br />

d’euros de la DGCD.(*)<br />

• Au même moment, le Consensus Européen pour le Développement identifiait<br />

la culture comme partie intégrante de la politique de développement<br />

de l’Union Européenne et entrant dans le cadre de la réalisation des<br />

Objectifs du Millénaire pour le Développement.<br />

• Prenant appui sur l'objectif de mise en œuvre du Consensus Européen<br />

et de la Convention de l'UNESCO, la Commission européenne a lancé en<br />

2007 un Agenda Européen pour la Culture. Celui-ci propose notamment<br />

l'intégration systématique de la dimension culturelle dans l’ensemble des<br />

politiques publiques, projets et programmes de relations extérieures et<br />

développement.<br />

www.cjsm.vlaanderen.be > cultuur > internationaal<br />

(*) Entre autres pour la préservation des réserves naturelles en RD Congo.<br />

6 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


Un festival qui vaut de l’or<br />

pour le Burkina Faso<br />

Culture(s) et développement<br />

internationales, retransmettent chaque jour des nouvelles. La<br />

capitale se fait belle, elle bitume ses routes, éclaire ses rues,<br />

tandis qu’accourent des cinéphiles et des marchands des quatre<br />

coins du pays. Les Burkinabés, pour qui l’hospitalité est une<br />

règle, sont fiers d’accueillir des milliers d’étrangers pour participer<br />

à leur fête.<br />

Des vocations et des projets naissent<br />

Mais au-delà de la fête, le festival génère un intérêt national<br />

pour les arts et fait naître des vocations : les cinéastes burkinabés<br />

sont reconnus dans le monde entier, une école de cinéma<br />

de haut niveau accueille aujourd’hui des étudiants de plus de 11<br />

nationalités. Pendant que les uns regardent des films, d’autres<br />

se rencontrent : producteurs, artistes, bailleurs s’engagent pour<br />

de nouveaux projets.<br />

© Elise Pirsoul / DGCD<br />

Une aura internationale positive<br />

L’événement attire au Burkina Faso une foule considérable de<br />

touristes, d’artistes, de professionnels du cinéma, de bailleurs<br />

de fonds, et des médias du monde entier. C’est ainsi que ce<br />

petit pays sans richesse ni attraction touristique particulière se<br />

fait un renom international et devient une destination touristique.<br />

Le Monument aux Cinéastes à Ouagadougou symbolise<br />

l'attachement des Burkinabés au 7 ième art.<br />

Si vous prenez l’avion vers le Burkina Faso, à la fin février d’une<br />

année impaire, vous serez surpris de<br />

constater qu’il est remplis de professionnels<br />

du cinéma et de la culture<br />

(acteurs, réalisateurs, producteurs,<br />

dirigeants politiques), de journalistes,<br />

et de touristes réjouis qui se rendent<br />

tous à cette même grande fête<br />

du cinéma panafricain : le Fespaco. En<br />

effet, depuis sa création il ya 40 ans,<br />

le Festival panafricain de cinéma et de<br />

télévision de Ouagadougou est, tous<br />

les deux ans, un rendez-vous incontournable.<br />

Et vous découvrirez que<br />

ce festival ne génère pas seulement<br />

un intérêt positif de cinéphile pour ce<br />

petit pays d’Afrique de l’Ouest. Il est<br />

une véritable mine d’or en raison de son impact économique et<br />

social sur la région.<br />

Un ciment social<br />

C’est d’abord une grande fête nationale et populaire. Durant<br />

une semaine, la vie quotidienne des Burkinabés se calque sur le<br />

rythme du festival : ils sont nombreux à assister à l’inauguration<br />

en grande pompe dans le stade de la capitale, les horaires de<br />

travails sont officiellement modifiés afin de leur permettre de<br />

suivre les spectacles, la TV nationale, mais aussi des télévisions<br />

"Penser uniquement en<br />

termes de besoins vitaux,<br />

c’est commettre une<br />

grande erreur. Traiter les<br />

gens comme s’ils n’avaient<br />

besoin que de nourriture<br />

et des soins revient à les<br />

traiter comme du bétail",<br />

Marie-Clémence Paes,<br />

réalisatrice malgache.<br />

Des retombées économiques<br />

Certes, une telle organisation demande un effort financier<br />

énorme de la part d’un pays économiquement pauvre (mais<br />

culturellement riche !) comme le Burkina Faso. C’est que le<br />

festival génère des revenus, "bien<br />

supérieurs à la dépense", affirme<br />

le Ministre de la Culture, à travers,<br />

notamment, les emplois crées pour<br />

l’organisation du festival, ainsi que<br />

des revenus liés au tourisme et à l’horeca<br />

: hôtels, restaurants, compagnies<br />

aériennes, pris d’assaut par les festivaliers.<br />

L’économie nationale bénéficie<br />

d’un véritable coup de tonus.<br />

Cinéastes, commerçants et hommes<br />

d’affaires multiplieraient également<br />

les contrats, selon une "Etude sur les<br />

retombées économiques du Fespaco"<br />

(commandée par les autorités burkinabés,<br />

avec le soutien de l’Union<br />

européenne en 1995). En marge des films, le Fespaco accueille<br />

également des événements secondaires comme un marché<br />

artisanal rassemblant des centaines d’artisans, qui sont autant<br />

d’occasions d’échanges commerciaux.<br />

EP<br />

online<br />

www.fespaco.bf<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

7


dossier<br />

La culture doit devenir<br />

une priorité politique<br />

Voix du Sud<br />

Homme politique, homme de cinéma ; plusieurs fois primé<br />

et reconnu, ancien Ministre de la culture, le malien Cheick<br />

Oumar Sissoko connaît et défend mieux que personne la<br />

problématique du cinéma africain. Il revendique un cinéma<br />

profondément africain, des réseaux Sud-Sud et, enfin, une<br />

vraie prise en compte politique de la culture, au nom de<br />

l’économie, de la paix et de la stabilité.<br />

© thisfabtrek<br />

Cheick Oumar Sissoko<br />

Après des études universitaires en<br />

Sciences sociales, Histoire et Sociologie<br />

africaine, à Paris, il suit des cours<br />

de cinéma à l'École nationale Louis<br />

Lumière. De retour au Mali, il commence<br />

sa carrière de réalisateur. En 1995,<br />

c’est la consécration : "Guimba" reçoit<br />

des prix importants à Locarno et au<br />

Fespaco (Festival panafricain du cinéma<br />

et de la télévision de Ouagadougou).<br />

Suit en 1999, "La Genèse", à nouveau<br />

primé au Fespaco. Il est nommé<br />

Ministre de la culture du Mali en 2002,<br />

poste qu’il quitte en 2007. Il est considéré<br />

aujourd’hui comme l’un des plus<br />

grands cinéastes africains.<br />

C’est d’abord en tant que créateur que<br />

Sissoko a narré les beautés de l’identité africaine.<br />

"Le continent africain n’étant visible<br />

que par les catastrophes, les jeunes immigrés<br />

en arrivent à avoir honte de leur continent,<br />

ignorant le riche héritage humain et<br />

spirituel qu’il possède". Pour lui, le cinéma<br />

est un moyen de consolider la conscience<br />

nationale et panafricaine. Présentant<br />

"Guimba" à des élèves de l’école de cinéma<br />

du Burkina Faso (ISIS), il leur enseigne :<br />

"Un film africain doit contribuer à la sauvegarde<br />

du patrimoine. J’ai situé Guimba à<br />

Djenné, une ville historique très importante<br />

- mais vous ne le savez pas, vous connaissez<br />

mieux l’Europe. J’ai donc utilisé le patrimoine<br />

matériel (Djenné est patrimoine<br />

de l’Unesco), le patrimoine immatériel (la<br />

chanson, la cavalerie), le patrimoine naturel<br />

(les falaises, le fleuve, la vallée des éléphants),<br />

le patrimoine spirituel (la confrérie<br />

des chasseurs, le rapport entre le visible et<br />

l’invisible)."<br />

Cependant, comme tous les artistes africains,<br />

il a été confronté aux problèmes de<br />

financement, de technologie, de diffusion.<br />

Le cinéma en particulier, par essence cher<br />

et dépendant des technologies, souffre<br />

souvent de la subordination aux exigences<br />

du Nord. "Pour moi, le développement de la<br />

culture est intimement lié à une coopération<br />

et à une solidarité internationale. Car<br />

aujourd’hui, c’est le Nord qui dispose des<br />

finances, des technologies et du savoirfaire.<br />

La coopération internationale dans ce<br />

cadre est importante mais avec la crise, les<br />

poches se referment, il faut trouver quelque<br />

chose d’autre. (…) Les pays du Sud doivent<br />

restructurer l’économie de la culture et<br />

créer une vraie industrie."<br />

Contre l’absence de moyens et la difficulté<br />

d’accès aux technologies, Sissoko préconise<br />

des réseaux Sud-Sud. "Pour mon film<br />

Guimba, j’ai trouvé au Niger des caméras<br />

qui n’étaient pas utilisées ; au Burkina, le<br />

studio de montage et de mixage ; les techniciens<br />

sont maliens et burkinabés. C’est<br />

ainsi que le Sud-Sud fonctionne. La question<br />

du matériel et de son coût élevé est<br />

importante. Si on avait des infrastructures<br />

partagées entre différents pays, on pourrait<br />

appliquer un tarif préférentiel." De même, "Il<br />

commence à y avoir une floraison d’écoles<br />

: une école au Niger, au Burkina, au Ghana.<br />

Avec la crise, pourquoi pas une grande<br />

école de la sous-région, et que les autres<br />

soient des écoles de recyclage pour suivre<br />

l’évolution de la technologie à l’échelle<br />

du continent ou des régions ?" C’est aussi<br />

dans le Sud-Sud qu’il voit l’avenir de la diffusion<br />

: "Chaque pays a des produits culturels.<br />

Si nous créons des réseaux, nous pouvons<br />

développer une plus grande capacité<br />

de diffusion de ces biens. Un film africain<br />

doit d’abord être montré en Afrique. Avec<br />

son milliard d’habitants, si ça marche, les<br />

producteurs vont se l’arracher. Il y a une<br />

voie : Nollywood. Le Nigeria a produit 1.700<br />

films en 2008, qui sont vendus à moins de<br />

1 euro le DVD."<br />

Et si on lui demande les grandes difficultés<br />

auxquelles il a été confronté en tant<br />

que Ministre de la culture, il répond : "Un<br />

budget trop modeste. La culture n’est pas<br />

une priorité des gouvernements africains,<br />

or elle peut être très rentable, en particulier<br />

la musique. Et le grand problème, c’est<br />

qu’il n’y a pas d’industrie de la culture travaillant<br />

à la production de biens et services<br />

professionnels permettant d’élargir le marché.<br />

Il faut comprendre que la culture est<br />

un important vecteur économique, donc un<br />

facteur de développement, et aujourd’hui<br />

dans l’Afrique déchirée, un facteur de stabilité<br />

et de paix."<br />

Texte et propos recueillis au Burkina Faso<br />

par Elise Pirsoul<br />

(le texte contient également de courts<br />

extraits d’une interview accordée à RFO)<br />

8 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


DOSSIER<br />

Le développement ?<br />

C’est le buen vivir<br />

Voix du Sud<br />

Les peuples autochtones d’Amérique latine<br />

ont leur vision personnelle du développement.<br />

Ils préfèrent parler de buen vivir : vivre en harmonie<br />

avec leurs semblables et la nature. Selon toute<br />

vraisemblance, la culture n’est pas seulement<br />

importante pour le développement, elle détermine<br />

également le choix du type de développement.<br />

© Valdi Fischer / DGCD<br />

Le rouleau compresseur de la colonisation<br />

européenne n’a pas épargné l’Amérique<br />

latine. Toujours est-il que dans leur majorité,<br />

les peuples autochtones originels ont<br />

continué d’exister. A l’heure actuelle, on<br />

compte encore 40 à 50 millions d’autochtones,<br />

soit quelque 8 à 10% de la population<br />

globale, dont 90% vivent dans les pays<br />

andins (Pérou, Bolivie, Équateur, Colombie)<br />

et en Amérique centrale (Guatemala et<br />

Mexique). En Bolivie et au Guatemala, les<br />

Amérindiens sont même majoritaires à 60%.<br />

Fondo Indigena<br />

Pendant des années, la culture latine<br />

dominante n’avait pas tenu compte des<br />

Amérindiens. Ce n’est que dans les années<br />

'80 que les choses ont commencé à changer<br />

peu à peu. En 1992, à l’occasion du 500e<br />

anniversaire de la découverte de l’Amérique<br />

par Colomb, le Fondo Indigena est créé : il<br />

s’agit d’un forum au sein duquel les peuples<br />

autochtones ont pu engager des consultations<br />

avec les autorités. Hormis l’Espagne<br />

et le Portugal, la Belgique est le seul membre<br />

extérieur (voir encadré).<br />

"Grâce au Fondo Indigena, l’action des<br />

Amérindiens est désormais plus efficace",<br />

déclare Valdi Fischer, représentant de la<br />

Belgique au sein du Fondo Indigena. "Les<br />

autorités reconnaissent tout au moins leur<br />

existence. La plupart des états ont adapté<br />

leur constitution et des progrès ont été<br />

enregistrés."<br />

Le fonds soutient également des programmes<br />

d’enseignement. Un bel exemple<br />

en est l’Université interculturelle indigène,<br />

un réseau de centres universitaires<br />

en Amérique latine et en Espagne qui dispensent<br />

des cours, notamment, sur la<br />

médecine traditionnelle et les droits des<br />

autochtones.<br />

"Le plus grand succès du fonds est peut-être<br />

la formation de leaders d’origine autochtone,<br />

souligne Fischer. Ces 'leaders' qui<br />

expriment l’opinion de leur peuple tant au<br />

niveau national que communal, sont essentiels<br />

pour sortir les autochtones de leur<br />

asservissement. Actuellement, en Bolivie, en<br />

Equateur et au Venezuela, il y a un ancien<br />

étudiant du fonds qui occupe un poste<br />

ministériel."<br />

Buen vivir<br />

À mesure que les Amérindiens prennent<br />

conscience de leurs droits, le concept de<br />

"développement avec identité" ou de "développement<br />

endogène" se généralise. Le<br />

L’aide de la Belgique<br />

En Amérique latine, la Coopération<br />

belge au développement s’adresse<br />

aux plus pauvres : les peuples autochtones.<br />

Cette conception a dès lors<br />

motivé l’adhésion de la Belgique au<br />

Fondo Indigena en 1993. Depuis lors,<br />

notre pays a fourni une contribution<br />

de 5 millions d’euros. Récemment, un<br />

engagement de 2 millions d’euros a<br />

permis notamment de soutenir des<br />

initiatives privées des autochtones<br />

(p. ex. la production de laine d’alpaga,<br />

de quinoa et de pommes de terre).<br />

De par son adhésion, la Belgique reste<br />

à l’écoute des réactions des peuples<br />

autochtones d’Amérique latine qu’elle<br />

peut répercuter dans sa politique de<br />

développement.<br />

concept se réfère à la possibilité pour un<br />

peuple autochtone d’améliorer sa qualité<br />

de vie sur son propre territoire et suivant<br />

sa culture et sa tradition. "En fait, les<br />

Amérindiens n’aiment pas le mot développement,<br />

explique Fischer. Cela sonne trop<br />

comme 'vouloir être meilleur que l’autre'.<br />

Ils préfèrent parler du 'buen vivir', du bien<br />

vivre."<br />

Les Amérindiens veulent vivre en harmonie<br />

avec leurs semblables et la nature, et utiliser<br />

les ressources naturelles d’une manière<br />

équilibrée. "C’est une vision plutôt inspirée,<br />

estime Fischer, et certainement en cette<br />

époque où les crises financières et écologiques<br />

dévoilent les défauts de notre modèle<br />

économique occidental. La Bolivie a déjà<br />

intégré la notion du 'buen vivir' dans son<br />

plan d'action national."<br />

Mais la coexistence harmonieuse entre<br />

le modèle de progrès économique et le<br />

modèle du buen vivir ne réussit pas toujours.<br />

Nous en voulons pour preuve les<br />

troubles récents au Pérou. Les autochtones<br />

y protestent contre l’exploitation des ressources<br />

naturelles sur leur territoire. Selon<br />

les autorités, l’exploitation contribuera au<br />

développement du pays, mais aux dépens<br />

de qui et de quoi ? Et quelle sorte de développement<br />

? Pour les leaders locaux, les<br />

plans d’exploitation ne cadrent pas avec le<br />

modèle de buen vivir de leurs communautés.<br />

Autant dire que le Fondo Indigena sera<br />

appelé à de nombreuses missions.<br />

Chris Simoens<br />

online<br />

www.fondoindigena.org<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

9


dossier<br />

Images et voix multiples du<br />

Sensibiliser au développement, ça passe par<br />

Micro-trottoir<br />

à Esperanzah !<br />

© Esperanzah !<br />

"Sensibiliser l’opinion publique belge", c’est par ces quelques mots<br />

que la Loi sur la Coopération Internationale de 1999, en son article 3,<br />

désigne la mission de la Direction des Programmes de sensibilisation,<br />

l’une des directions de la DGCD (*). Au sein de cette direction,<br />

qui comporte deux services, l’un d’eux s’acquitte de cette mission<br />

en mettant en oeuvre un programme d’expositions, d’événements,<br />

et de publications - parmi lesquelles notre périodique <strong>Dimension</strong> 3.<br />

L’autre service "Sensibilisation par des tiers", accomplit cette même<br />

mission de sensibilisation en appuyant financièrement des initiatives<br />

privées. <strong>Dimension</strong> 3 a rencontré Thérèse Loncke, à la tête de ce<br />

service pour lequel la vie culturelle revêt une importance cruciale.<br />

Trouvez-vous<br />

qu’Esperanzah ! contribue<br />

à la solidarité mondiale ?<br />

Isabelle (44 ans) : Oui, c’est même<br />

un des seuls festivals en Communauté<br />

française qui le fait, il a un caractère<br />

beaucoup moins commercial<br />

que d’autres, et développe chaque<br />

année un thématique "engagée"<br />

par l’organisation de conférences,<br />

de projections de films, etc.<br />

Au sein de la Direction des<br />

Programmes de sensibilisation,<br />

"culture" et "développement"<br />

sont deux termes assez coutumiers,<br />

et qui interagissent.<br />

Pourquoi ?<br />

D’une part, parce que bon nombre des projets<br />

qui nous sont soumis sont par nature<br />

des productions/créations culturelles –<br />

comme les festivals de musique ou de films,<br />

les expositions, les pièces de théâtre, les<br />

films-documentaires… On pourrait dès lors<br />

dire que la "culture" se met au service du<br />

développement. D’autre part, parce que<br />

beaucoup d’entre eux ont pour objectif<br />

partiel ou principal de mettre en avant les<br />

richesses culturelles des pays dits "en développement"<br />

et par ce biais, non seulement<br />

de véhiculer une image positive de ces pays,<br />

mais aussi d’aborder leurs réalités, et diverses<br />

problématiques relatives au développement<br />

et aux relations Nord-Sud.<br />

La création, les représentations<br />

culturelles en rapport<br />

avec le Sud, peuvent-elles<br />

vraiment contribuer à renforcer<br />

et consolider l’adhésion du<br />

public à la nécessité d’une<br />

solidarité Nord/Sud, traduite<br />

en une politique de coopération<br />

au développement ?<br />

Par le biais "culturel", notre opinion publique<br />

est mise en relation, et fait connaissance,<br />

avec d’autres peuples, d’autres cultures,<br />

d’autres réalités de manière douce,<br />

voire festive et conviviale dans le cadre<br />

de certaines activités. Ces "rencontres"<br />

aboutissent souvent à une meilleure compréhension<br />

des uns et des autres, elles<br />

démontent les clichés et les idées préconçues,<br />

forcent à ouvrir les esprits et les<br />

cœurs. La connaissance mutuelle s’améliore,<br />

le dialogue s’instaure, la reconnaissance,<br />

voire même l’appréciation des<br />

différences et des similitudes, prennent<br />

le pas sur les craintes… Autant d’étapes<br />

sur le chemin vers ou d’une plus grande<br />

solidarité.<br />

En outre, ces échanges interculturels, ainsi<br />

favorisés, permettent aux créateurs de<br />

ces pays de montrer qu’ils ont des choses<br />

à offrir sur bien des plans. Ils aident<br />

à comprendre que le monde dans lequel<br />

nous vivons actuellement est totalement<br />

interdépendant et qu’il y va de l’intérêt de<br />

tous de préserver et de renforcer la solidarité<br />

entre les peuples si l’on veut léguer à<br />

nos enfants un monde en équilibre, durable,<br />

où la dignité de chaque homme sera<br />

respectée.<br />

><br />

La musique mondiale<br />

peut-elle contribuer<br />

à la solidarité mondiale ?<br />

Cathy (45 ans) : Découvrir d’autres<br />

musiques du monde est "un plaisir,<br />

un bonheur", qui permet l’ouverture<br />

aux autres cultures, mais la musique<br />

n’est pas suffisante en soi, sortie<br />

de certains contextes (comme d’un<br />

festival thématique, par exemple).<br />

Elle est un outil mais doit être accompagnées<br />

d’autres types d’activités<br />

(conférences, débats, films) pour pouvoir<br />

contribuer à renforcer la solidarité.<br />

(*) Loi du 25 mai 1999 relative à la Coopération Internationale belge, article 3 (dernier paragraphe) : "(…) De manière à réaliser l’objectif de développement humain durable, la coopération internationale<br />

belge favorise le développement socio-économique et socio-culturel et le renforcement de l’assise sociétale des pays partenaires, de même qu’elle sensibilise l’opinion publique belge."<br />

10 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


Sud au Nord<br />

la culture !<br />

Sensibilisation<br />

Couleur Café<br />

Au nombre des festivals de musique devenus incontournables<br />

en Belgique figure en bonne place le très connu Couleur Café,<br />

caractérisé par son image colorée et métissée, et dont la réputation<br />

de qualité a largement débordé les frontières nationales.<br />

Son fondateur et toujours directeur, Patrick Wallens, nous<br />

en donne la recette, tandis que le responsable de la programmation<br />

des expositions, Herman Bertiau, nous explique le Cool<br />

Art Café…<br />

Que peut apporter un événement culturel et<br />

récréatif comme Couleur Café au public belge ?<br />

En quoi de telles manifestations culturelles vous<br />

paraissent-elles nécessaires ?<br />

Patrick Wallens : "Le festival Couleur Café<br />

est un énorme coup de projecteur sur les<br />

cultures du monde au travers des nombreux<br />

concerts bien sûr, mais également<br />

par le biais de la gastronomie, de l’artisanat,<br />

des arts plastiques et de la solidarité.<br />

C’est un événement culturel qui se veut<br />

festif et populaire, et il a pour objectif<br />

de faire évoluer les mentalités du grand<br />

public. Depuis 20 ans, Couleur Café participe<br />

à la lutte contre l’intolérance en favorisant<br />

la connaissance ; celle des autres,<br />

de leurs cultures, de leurs différences et<br />

de leurs richesses qui ne demandent qu’à<br />

être partagées. Couleur Café crée l’environnement<br />

propice à ces échanges multiculturels."<br />

Solidarity Village…<br />

Parmi d’autres acteurs institutionnels,<br />

la DGCD vous soutient dans<br />

la mise sur pied d’un tel événement. Ce soutien y<br />

appuie plus particulièrement le Solidarity Village. Par<br />

ses animations ludiques et instructives destinées<br />

aux enfants - et leurs parents -, par ses expositions,<br />

ses ateliers créatifs, ses débats, quelle est la plusvalue<br />

de cet espace au sein du Festival lui-même ?<br />

P. W. : "Le meilleur moyen d’apprendre se fait par le plaisir. Couleur<br />

Café est un événement festif et conscient. Le Solidarity Village<br />

est le lieu privilégié au sein du festival où l’on fait une pause :<br />

on observe, on découvre, on rencontre, on participe, on s’informe,<br />

on s’amuse en prenant conscience d’une thématique différente<br />

chaque année : les droits de la femme, les sans-papiers, l’exploitation<br />

des enfants, l’environnement, la valeur de l’eau. Les réactions<br />

sont très positives et partagées en famille. Ce village apporte<br />

une source d’informations précieuses au public qui manifeste des<br />

désirs de solidarité participative. Le Solidarity Village est un petit<br />

joyau au sein de Couleur Café qui donne du sens et du contenu<br />

supplémentaire en enrichissant le concept spécifique de l’événement."<br />

Et Cool Art Café<br />

Culture et développement, voyez-vous ces termes en<br />

interaction ?<br />

Herman Bertiau : "Culture et développement sont intimement<br />

liés ; ils sont l’un et l’autre les fondements des civilisations : l’un<br />

n’existe pas sans l’autre."<br />

Dans quelle mesure cette interaction<br />

axe-t-elle la programmation<br />

artistique mise en œuvre par le<br />

Cool Art Café ?<br />

H. B. : "Fidèle à sa démarche pluridisciplinaire,<br />

le festival Couleur Café réserve,<br />

depuis des années, une place de choix<br />

aux arts plastiques, sous l’intitulé Cool Art<br />

Café, avec pour ambition de faire cohabiter<br />

l’art contemporain et l’art populaire<br />

vernaculaire, les artistes du nord et<br />

du sud, des grands noms et des artistes<br />

moins connus, de créer des synergies,<br />

provoquer des rencontres fructueuses<br />

entre artistes, permettre la confrontation<br />

avec un vaste public…<br />

En proposant à ce public de découvrir<br />

des artistes qui abordent chacun à leur<br />

manière une thématique donnée, on sensibilise<br />

des milliers de personnes à des<br />

démarches artistiques variées, des points<br />

de vue et des regards pertinents sur l’évolution de nos sociétés.<br />

Proposée dans une ambiance festive, la culture ainsi partagée,<br />

agit comme une courroie de transmission permettant de mieux<br />

connaître l’autre. Et mieux connaître l’autre, c’est se rapprocher<br />

de lui, commencer à l’apprécier ; c’est tendre vers la solidarité."<br />

JMC<br />

online<br />

www.couleurcafe.be<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

11


dossier<br />

> En Belgique, au cœur de<br />

l’Europe, au confluent des<br />

communautés et des cultures,<br />

les productions intellectuelles<br />

et culturelles sont très<br />

nombreuses et variées.<br />

Ceci représente-t-il une<br />

opportunité supplémentaire<br />

dans notre mission de<br />

sensibilisation ?<br />

La Belgique est effectivement privilégiée<br />

sur le plan de la présence de différentes<br />

communautés et cultures, et cela ne va<br />

qu’en s’affirmant en raison de la présence<br />

des institutions européennes à Bruxelles<br />

et de l’élargissement de l’Union, mais également<br />

compte tenu de la présence des<br />

communautés d’origines africaine, turque,<br />

marocaine, etc. Cette proximité nous<br />

offre bien sûr des opportunités supplémentaires<br />

d’amener ces publics à se rencontrer,<br />

à s’apprécier, et à coexister avec<br />

d’autres cultures.<br />

Le champ intellectuel et<br />

culturel en rapport avec le<br />

Sud et le développement<br />

s’avère très vaste. Depuis les<br />

programmes de télévision<br />

et les films, en passant par<br />

les nombreux événements<br />

culturels et récréatifs tels<br />

les festivals de musique ou<br />

de films, les installations et<br />

La "citoyenneté mondiale",<br />

être "citoyen du monde",<br />

ça consiste en quoi ?<br />

Laetitia (39 ans) : Etre "citoyen du<br />

monde", c’est regarder les autres<br />

cultures avec respect, tenter de les<br />

comprendre et de jeter un regard<br />

"calme et comparatif".<br />

expositions du Musée Royal<br />

d’Afrique Centrale, ou les<br />

expositions plus éclectiques<br />

du Bozar, au caractère<br />

artistique plus affirmé.<br />

Votre service parvient-il à<br />

apporter un soutien à une<br />

telle variété de programmes et<br />

d’événements ?<br />

Nous avons en effet beaucoup de demandes<br />

portant sur des projets d’ampleurs<br />

variables, à contenus et publics cibles très<br />

diversifiés. La volonté de la DGCD est en<br />

effet de s’intéresser à ce champ dans son<br />

ensemble, et à y intervenir comme acteur<br />

ou comme partenaire institutionnel.<br />

Bien que nos budgets évoluent positivement,<br />

entre autres pour le soutien aux<br />

productions et à la diffusion audiovisuelles,<br />

pour lesquelles le budget a plus<br />

que doublé entre 2005 et <strong>2009</strong> et atteint<br />

cette année 1,5 millions d’euros, il s’agit<br />

de rationnaliser et d’opérer une sélection<br />

des projets qui offrent des perspectives<br />

d’impact importants et qui se révèlent au<br />

maximum en adéquation avec notre mission<br />

de sensibilisation à la coopération au<br />

développement.<br />

Pour ce faire, nous disposons de critères -<br />

ceux-ci sont publiés et détaillés sur notre<br />

site internet - qui portent principalement<br />

sur les aspects "contenus / thèmes / pays"<br />

et publics-cibles.<br />

Tout projet culturel qui évoquera les priorités<br />

thématiques (genre, droits de l’enfant,…),<br />

les priorités sectorielles et géographiques<br />

de la coopération belge ou<br />

encore les grandes questions mondiales<br />

actuelles (globalisation, réchauffement<br />

climatique, droits de l’homme, …), bénéficiera<br />

d’une priorité. De même pour les<br />

projets qui visent le "grand public" - au<br />

sens du terme qui est le nôtre : le public<br />

de tous horizons non initié à la problématique<br />

du développement - et les jeunes,<br />

en milieu scolaire ou non.<br />

Priorité aussi aux projets novateurs et<br />

multiplicateurs avec volet interactif et<br />

pédagogique, propres à éveiller la participation<br />

active du public.<br />

Propos recueillis par Jean-Michel Corhay<br />

Le Musée de Tervuren révèle les richesses d’Afrique<br />

pour un grand public<br />

On n’aime que ce qu’on connaît, dit-on. Mais, l'inverse est-il vrai ? En tout<br />

cas, celui qui apprend plus au sujet de 'l'autre' – d’une autre culture 'étrangère'<br />

– peut davantage faire preuve de compréhension et devenir plus tolérant.<br />

En effet, la connaissance de l’autre le/la rapproche de nous; il/elle est<br />

identifiable comme un être humain comme vous et moi, ayant comme nous<br />

des besoins et des préoccupations.<br />

Une des principales missions du Musée Royal de l'Afrique centrale (MRAC)<br />

de Tervuren est justement la diffusion des connaissances sur les sociétés<br />

africaines. L’objectif des expositions et ateliers destinés aux jeunes et aux<br />

adultes est de mieux faire connaître cet 'autre'. A cet effet, le musée reçoit<br />

des aides de la coopération belge au développement. Ainsi se tient pour le<br />

moment l’exposition Persona qui explore le thème de l’identité à travers les<br />

masques traditionnels et l’art contemporain (voir couverture).<br />

© MRAC / KMMA<br />

CS<br />

online<br />

www.africamuseum.be<br />

12 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


Sensibilisation<br />

BOZAR expose la culture<br />

de nos pays partenaires<br />

Le Palais des Beaux-Arts – BOZAR – est considéré aujourd'hui<br />

comme un temple avant-gardiste de la culture en Belgique. Situé<br />

au cœur de Bruxelles, ce lieu passionnant permet de découvrir<br />

notre pays dans toute sa diversité artistique.<br />

Mais l'établissement offre davantage. Grâce à la riche palette<br />

des événements qui y sont organisés, BOZAR invite le public<br />

belge et européen à s'ouvrir au monde extérieur. Les pays partenaires<br />

de la coopération belge au développement font également<br />

partie des invités. Régulièrement, le Palais des Beaux-<br />

Arts accueille et expose la culture et les artistes d'un pays<br />

partenaire : objets d'art, film, musique, théâtre, littérature,…<br />

Avec la volonté d'en donner une image positive. L'organisation<br />

d'un événement de cette nature est également une manière de<br />

stimuler la créativité artistique dans le pays mis à l'honneur.<br />

Depuis 2004, les pays partenaires ont été nombreux à faire<br />

l'affiche : le Mali, la RD Congo, la Palestine. En novembre <strong>2009</strong>,<br />

ce sera le tour du Maroc pour un festival qui mettra à l'honneur<br />

un riche mélange d'art et de culture issus des civilisations<br />

marocaine, arabe et berbère. La coopération belge au développement<br />

apporte son soutien à cette manifestation.<br />

CS<br />

online<br />

www.bozar.be<br />

FESTIVAL CINéMA<br />

MéDITERRANéEN DE<br />

BRUXELLES<br />

"Promouvoir auprès d’un large public la diffusion d’un cinéma<br />

peu ou pas exploité en Belgique et convaincre les spectateurs<br />

que ces films procurent bien souvent plus<br />

de plaisir, d’émotion et de joie que certains<br />

films à gros budget", tel est le premier credo<br />

du Méditerranéen. Comme d’autres festivals<br />

de films dans le pays qui sont soutenus<br />

financièrement par la DGCD, il souhaite contribuer au développement<br />

des rencontres et des échanges Nord-Sud, et favoriser<br />

les contacts professionnels ainsi que le dialogue entre le public<br />

et les personnalités invitées. Patrick<br />

Mathijs, son coordinateur général,<br />

nous en parle.<br />

En tant qu’acteur de diffusion<br />

avec le Festival Cinéma<br />

Méditerranéen au Botanique<br />

à Bruxelles, vous êtes depuis<br />

de nombreuses années<br />

confronté à la grande difficulté<br />

à montrer chez nous<br />

les œuvres des réalisateurs<br />

du Sud. "Histoire de sous"...<br />

Pourquoi les partenaires<br />

institutionnels qui soutiennent<br />

financièrement les<br />

festivals de films comme le<br />

Méditerranéen s’avèrent-ils<br />

indispensables afin de permettre<br />

la diffusion de ces<br />

œuvres ?<br />

Patrick Mathijs : "La production mondiale<br />

est plus riche et diverse que<br />

jamais, avec comme constat que les<br />

écrans commerciaux sont de plus en<br />

plus monopolisés par un certain type<br />

"Sortir de l’ombre<br />

le cinéma du soleil"<br />

de cinéma. Jusqu’il y a peu, les distributeurs internationaux<br />

envoyaient leurs films gratuitement, aujourd’hui, bon nombre<br />

d’entre eux ont fait des festivals une économie dérivée produite<br />

par le circuit de films plus éclectiques. S’ajoute à cela la diminution<br />

d’aide de la part de partenaires privés soutenant financièrement<br />

les festivals de cinéma, ceux-ci préfèrent offrir des<br />

services (prêt de véhicules, boissons pour<br />

cocktails, espaces publicitaires, etc.) mais<br />

ne donnent peu ou pas d’argent.<br />

Or un festival existe avant tout pour la diffusion<br />

et la promotion de films, diffusion qui a un coût important,<br />

tel que l’acheminement de toutes les copies en provenance<br />

d’une quinzaine de pays, la venue et le séjour des réalisateurs,<br />

des comédiens ou des producteurs<br />

afin de leur donner la possibilité de<br />

rencontrer aussi bien le public que<br />

les professionnels belges de l’audiovisuel,<br />

l’organisation de débats avec des<br />

spécialistes, mais aussi des moments<br />

plus festifs destinés à faire (re)découvrir<br />

la culture musicale des pays méditerranéens,<br />

en favorisant les artistes<br />

locaux.<br />

C’est pourquoi, les partenaires institutionnels<br />

sont très importants pour<br />

que le festival puisse exister et présenter<br />

un cinéma dans toute sa diversité<br />

tant comme miroir de la richesse<br />

culturelle du sud que dans ses expressions<br />

cinématographiques souvent<br />

éloignées des œuvres uniformisées<br />

du commerce mondial."<br />

JMC<br />

online<br />

www.cinemamed.be<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

13


dossier<br />

L’hypothèse Africalia<br />

"Là où art et culture foisonnent,<br />

l’homme peut dépasser le simple<br />

stade de la survie. Car l’art et la<br />

culture renferment des notions<br />

de normes et de valeurs, du dialogue<br />

avec autrui, du passé et de l’avenir,<br />

de la manière de s’envisager soi-même<br />

et le monde qui nous entoure.<br />

L’art et la culture mènent à la<br />

conscientisation, au développement<br />

durable et à la stabilisation des<br />

sociétés" : telle est l’hypothèse<br />

qui oriente les actions d’Africalia.<br />

© Slum TV<br />

Fascination pour ces images d'ailleurs projetées<br />

aux enfants dans les campagnes.<br />

Créée en 2001 à l’initiative du Secrétaire<br />

d’Etat à la Coopération au développement,<br />

Africalia est une association sans but lucratif<br />

gérée par une dizaine de permanents<br />

basés en Belgique. Bicommunautaire et<br />

active principalement sur le continent africain,<br />

Africalia défend l’action culturelle en<br />

tant qu’élément stratégique de toute politique<br />

de développement économique et<br />

social durable. Depuis 2006, elle a recentré<br />

de manière drastique ses objectifs qui,<br />

aujourd’hui, se réfèrent notamment à la<br />

Déclaration de Paris et aux Objectifs du<br />

Millénaire.<br />

L’action d’Africalia s’appuie sur une approche<br />

contemporaine de la culture et se focalise<br />

principalement sur 6 pays (RD Congo,<br />

Kenya, Zimbabwe, Burkina Faso, Afrique du<br />

Sud, Sénégal). La stratégie de l’association<br />

est simple : par une approche structurante,<br />

formative, émancipatrice, aider les opérateurs<br />

culturels professionnels africains à<br />

valoriser les identités culturelles, à développer<br />

des lieux de créativité et de diffusion,<br />

à gérer l’économie de la culture, et à<br />

assumer la médiation entre l’action culturelle<br />

de terrain, les enjeux sociétaux et les<br />

défis mondiaux.<br />

L’association a vu son programme (<strong>2009</strong>-<br />

2011) approuvé par la DGCD et sollicite<br />

ponctuellement des aides auprès de diverses<br />

institutions, dont l’Union Européenne.<br />

En Belgique, elle initie ou collabore occasionnellement<br />

à des actions de valorisation<br />

des cultures africaines (coédition de livres,<br />

installation d’œuvres sur l’espace public,<br />

coproductions de documentaires, séminaires..).<br />

Décliner culture et pauvreté<br />

La raison d’être d’Africalia est à la fois d’ordre<br />

existentiel (l’identité et la place de<br />

l’homme dans la société) et politique (l’accès<br />

du plus grand nombre aux richesses<br />

du patrimoine et aux créations contemporaines).<br />

La première question qui se<br />

pose, pour Africalia et ses partenaires africains,<br />

est de décliner la relation CULTURE<br />

– PAUVRETE, et d’essayer de mesurer les<br />

effets possibles du premier terme sur le<br />

second. La musique, le théâtre, le cinéma,<br />

les arts en général, ne peuvent agir immédiatement<br />

sur cette pauvreté. Mais ils peuvent<br />

influencer les consciences, induire<br />

des comportements, favoriser le dialogue<br />

et l’écoute. L’action culturelle peut agir là<br />

où les repères sociétaux sont menacés,<br />

là où on ne se parle plus, là où la cohabitation<br />

dégénère à cause de la peur et de<br />

l'ignorance, là où la confrontation avec la<br />

modernité est difficile, là où les religions et<br />

les idéologies limitent le champ de la pensée,<br />

où le sens de la vie pose question, là<br />

où des minorités se sentent exclues.<br />

La pauvreté bloque l’accès aux cultures du<br />

monde et maintient les plus démunis en<br />

situation de précarité intellectuelle. L’action<br />

culturelle va de pair avec l’éducation, dont<br />

elle prolonge les effets sur un plan émotif,<br />

créatif, relationnel, social.<br />

Pour Africalia, les actions menées par les<br />

opérateurs culturels doivent contribuer à<br />

lutter contre le non-accès des populations<br />

aux expressions culturelles émancipatrices<br />

et doit favoriser la rencontre avec l’autre,<br />

les autres.<br />

L’économie culturelle peut<br />

contribuer au développement<br />

humain durable<br />

La culture est un vecteur économique puissant<br />

et porteur d’avenir, le marché africain<br />

de la culture, quant à lui, n’en est qu’à ses<br />

balbutiements. Sortir, en tout ou en partie,<br />

la production culturelle africaine du cul<br />

de sac de l’économie informelle est un pari<br />

qui rejoint celui des Objectifs du Millénaire.<br />

Les productions culturelles africaines<br />

sont majoritairement créées et exploitées<br />

dans l’anonymat, en dehors de tout<br />

mécanisme de régulation et de protection<br />

des travailleurs. Les droits d’auteurs sont<br />

bafoués, et la précarité des professionnels<br />

de la culture est un drame permanent.<br />

Malgré cela, des milliers de projets sont<br />

réalisés chaque jour, de la production d’ar-<br />

14 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


Partenaire<br />

Fait divers à Bruxelles<br />

tisanat local aux événements nationaux, en<br />

passant par les enregistrements à compte<br />

d’auteurs, les vidéos locales, les publications<br />

à tirages limités. Ces réalisations,<br />

présentes dans toutes les métropoles, font<br />

vivoter, au jour le jour, des milliers de gens.<br />

Un des paris d’Africalia est de contribuer à<br />

stabiliser les structures professionnelles<br />

porteuses de projets de qualité, économiquement<br />

en phase avec leurs objectifs, et à<br />

soutenir des réseaux qui œuvrent à la circulation<br />

des œuvres et des artistes dans leurs<br />

pays, dans la sous-région et sur le continent.<br />

© Mirko Popovitch<br />

à long terme de ces démarches induites<br />

artificiellement, elles font vivre quelques<br />

artistes et opérateurs locaux, mais elles<br />

briment la créativité des véritables artistes<br />

africains, obligés de s’exiler pour exprimer<br />

de manière indépendante la puissance<br />

culturelle qui les habite. C’est d’autant plus<br />

navrant qu’en Afrique n’existent pas ce qui<br />

"Chaque œuvre, chaque intervention<br />

d’un artiste africain, est une interpellation<br />

derrière laquelle se cache le silence des anonymes<br />

qu’il côtoie, avec qui il partage les privations,<br />

les persécutions, les injustices."<br />

fait foison chez les Occidentaux, à savoir<br />

des artistes qui ne se préoccupent pas du<br />

rôle social de l’Art. Les artistes et opérateurs<br />

culturels africains sont à 99% des<br />

gens engagés sur des réalités de terrain<br />

qui, en retour les confondent. Ils ne s’assoient<br />

pas sur les problèmes, ils les vivent<br />

et les portent comme s’ils étaient les chantres<br />

d’un changement possible. Et lorsqu’au<br />

mépris de son ego, il décide de rester sur<br />

ses terres, l’artiste africain devient un<br />

redoutable rhéteur. Dans des sociétés<br />

encore trop analphabètes, voire très traditionnalistes,<br />

il incarne souvent auprès des<br />

jeunes la pensée nouvelle, l’éveil, la prise<br />

de conscience.<br />

© Mirko Popovitch<br />

En mai dernier, des commerçants et<br />

habitants du quartier "Matongé" de<br />

Bruxelles (Ixelles) sont venus réclamer<br />

la statue "volée", signée Freddy Tsimba,<br />

à la commune d’Ixelles. Elle avait seulement<br />

été déplacée pour réparation.<br />

Mais c’est dire l’attachement que portent<br />

les habitants, pour une grande<br />

majorité d’origine congolaise, à cette<br />

statue intitulée "Au delà de l'espoir",<br />

et réalisée à partir de centaines de<br />

douilles récupérées sur les champs de<br />

bataille congolais. Cette statue a été<br />

inaugurée à Ixelles à l’initiative d’Africalia<br />

et de la commune d'Ixelles, jumelée<br />

avec la commune de Kalamu (RD<br />

Congo).<br />

Chaque intervention d’un artiste africain<br />

est une interpellation derrière laquelle se<br />

cache le silence des anonymes qu’il côtoie,<br />

avec qui il partage les privations, les persécutions,<br />

les injustices. Les rares artistes<br />

africains qui arrivent à franchir les frontières<br />

du village global tentent d’informer<br />

le Nord, mais sont rarement entendus. La<br />

barrière des langues ne permet pas de saisir<br />

le rôle qu’ils jouent, mais ceux qui s’expriment<br />

en français ou en anglais nous<br />

aident à comprendre la fonction impertinente<br />

du rap, de l’afro-reggae, de la<br />

rumba. Quelques écrivains du Sud nous<br />

ont initié, par des mises en perspective ><br />

Freddy Tsimba, la "solitude de l'artiste de fond".<br />

La tentation<br />

d’instrumentaliser la culture<br />

Dans le but de faciliter l’acceptation des<br />

programmes de développement dits prioritaires<br />

(santé, justice, enseignement, travaux<br />

publics, etc.), l’action culturelle peut<br />

devenir un outil de communication, voire<br />

de médiation au service des techniciens du<br />

développement. Un certain théâtre de sensibilisation,<br />

les expositions à thématiques<br />

imposées, les films de commande, la BD<br />

démonstrative, font partie de ces approches,<br />

et induisent les résultats que les rapports<br />

et statistiques se plairont à interpréter.<br />

Africalia ne croit pas à l’efficacité<br />

Kuruka Maisha : à Nairobi, réinsertion<br />

par l’art des jeunes défavorisés<br />

Ce projet géré par une association composée<br />

d’enseignants et d’artistes, favorise<br />

la réinsertion de jeunes défavorisés<br />

qui vivent dans les "slums" de Nairobi.<br />

Après deux années de cours dans différentes<br />

disciplines artistiques (cirque,<br />

danse traditionnelle, percussions, sculpture,<br />

peinture), tous ces jeunes acquièrent<br />

suffisamment de confiance en<br />

eux pour assumer leur retour à une vie<br />

sociale et créative. Les spectacles qu’ils<br />

produisent sont autant d’occasions de<br />

valoriser, aux yeux de ceux restés dans<br />

les ghettos, l’idée qu’il y a moyen de s’en<br />

sortir et de vivre de son talent. Le festival<br />

Couleur Café lui a également apporté<br />

sa contribution.<br />

online<br />

www.africalia.be<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

15


DOSSIER<br />

Partenaire<br />

> littéraire, aux déviances des pouvoirs<br />

brutaux. Les cinéastes, eux, ont caricaturés<br />

la corruption quotidienne, les abus des<br />

sociétés trop traditionnelles, les égoïsmes<br />

et ou la mauvaise foi des messieurs tout<br />

le monde. Les plasticiens et photographes<br />

rendent compte des situations inacceptables,<br />

ils les subliment, les révèlent, et le<br />

bourgeois du Nord ou du Sud est interpellé<br />

par les propos esthétiques de ces dérangeurs<br />

de conscience. Nombreux sont les<br />

artistes africains qui ont payés chèrement<br />

ces délits de citoyenneté.<br />

La spécificité de la culture<br />

dans la coopération au<br />

développement<br />

Le domaine culturel relève de l’informel,<br />

tout particulièrement en Afrique où, d’une<br />

part, l’approche des politiques culturelles,<br />

lorsqu’elles existent et, d’autre part,<br />

le foisonnement d’initiatives associatives<br />

contemporaines, ne bénéficient que d’une<br />

trentaine d’années d’expérience. En France<br />

et en Belgique, les politiques culturelles,<br />

identifiées, planifiées, ne datent quant<br />

à elles que des années cinquante : c’est<br />

dire si le terrain de l’action culturelle reste<br />

expérimental au Sud comme au Nord.<br />

Il faudra donc du temps pour réussir le pari<br />

de la bonne gestion culturelle en Afrique,<br />

d’autant plus que peu de pays disposent de<br />

véritables lois dans ce domaine. Les repères<br />

administratifs s’avèrent flous, les formations<br />

en gestion demeurent peu adaptées<br />

et les budgets culturels sont dérisoires<br />

ou inexistants, sans parler de la faiblesse<br />

inhérente à toute initiative des pouvoirs<br />

publics dans le monde : la culture reste<br />

l’apanage du Prince.<br />

La définition de véritables politiques culturelles,<br />

l’organisation de formations en management<br />

culturel, et le maintien d’actions existantes<br />

sur le terrain, doivent évoluer de pair<br />

et amener au final à plus d’émancipation et<br />

d’autonomie des opérateurs culturels.<br />

Peut-on mesurer l’impact de la<br />

culture sur le développement ?<br />

Au niveau de l’action culturelle, les effets<br />

sont peu visibles, ils sont mentaux, comportementaux,<br />

la culture agit comme l’homéopathie<br />

: elle peut générer quelques<br />

effets sur l’économie locale, elle peut favoriser<br />

des rencontres et des échanges, susciter<br />

la tolérance, éveiller le sens critique,<br />

développer l’esprit de créativité et le sens<br />

de la collectivité.<br />

La volonté et la capacité des opérateurs<br />

culturels africains d’atteindre les publics<br />

défavorisés constituent des repères importants<br />

dans l’attribution des aides au développement.<br />

Mais on ne peut se contenter<br />

de mesurer l’impact d’une action culturelle<br />

sur des publics, ce ne serait qu’un alignement<br />

de chiffres. Une évaluation digne<br />

de ce nom demande une analyse profonde<br />

axée sur le long terme : quelle est<br />

l’incidence réelle d’un programme sur un<br />

groupe social et comment le mesurer ?<br />

Depuis 2001, Africalia a soutenu plus de 700<br />

projets en Afrique et en Belgique. Aujourd’hui,<br />

dans ses 6 pays partenaires, elle soutient :<br />

© Mirko Popovitch<br />

En vrac :<br />

• Au Burkina Faso, la décentralisation<br />

culturelle dans les provinces afin de freiner<br />

l’exode des jeunes attirés par les<br />

nombreux festivals de la capitale.<br />

• Au Sénégal, au côté de la Province de<br />

Namur, partenariat avec la Province de<br />

Louga (Tourisme solidaire et culture).<br />

• Au Zimbabwe, Dance Trust permet à 10<br />

danseurs contemporains de suivre une<br />

formation de deux ans dans une optique<br />

d’élargissement des publics et d’ouverture<br />

sur le monde.<br />

• En Afrique du Sud, le Cultural<br />

Development Trust, un programme de<br />

renforcement des capacités<br />

artistiques de plus<br />

de 300 jeunes issus des<br />

townships, et le développement<br />

de 25 organisations<br />

culturelles réparties<br />

sur 9 provinces.<br />

En République démocratique<br />

du Congo,<br />

Africalia soutient :<br />

• Le collectif BD Kin Label,<br />

une vingtaine d’auteurs,<br />

produisent de manière<br />

régulière une revue BD dans une vision<br />

artistique, éducative et économique<br />

ambitieuse.<br />

• Le groupe Taccems de Kisangani, programme<br />

géré en concertation avec<br />

le Théâtre de Poche et la Délégation<br />

Wallonie-Bruxelles.<br />

• L’UNAREP, une association composée<br />

de plus de cinquante photographes, professionnalise<br />

cette profession porteuse<br />

d’un projet artistique et économique.<br />

• Dans le Sankuru, une caravane de<br />

cinéma mobile diffuse dans les villages<br />

les plus reculés des fictions africaines<br />

porteuses de sens et de valeurs.<br />

On peut aligner des chiffres de fréquentation,<br />

des statistiques de participation aux<br />

formations et ateliers, des cm² de présence<br />

médiatique de la culture. Nous pouvons<br />

afficher des pages de félicitations,<br />

des photos de foules lors d’activités, mais<br />

nous ne pouvons pas jauger de manière<br />

qualitative l’effet d’une représentation<br />

théâtrale sur un public. Dans le domaine de<br />

la culture, l’analyse des effets d’une action<br />

nécessite du temps, des moyens et cela<br />

reste toujours une interprétation.<br />

L’institution qui réussit un projet d’adduction<br />

qui fournit 5.000 hectolitres d’eau,<br />

déversés sur 50 hectares devenus cultivables,<br />

produit des Indicateurs de développement<br />

Spécifiques, Mesurables, Accessibles,<br />

Réalistes, Temporels (SMART). L’action<br />

culturelle professionnelle et planifiée<br />

demande de la part de ses promoteurs une<br />

réelle conviction et un engagement sur le<br />

très long terme. Les débats initiés voici plusieurs<br />

siècles sur l’abolition de la torture<br />

et de la peine de mort, options avant tout<br />

défendues par des écrivains, ont mis des<br />

siècles pour convaincre une majorité d’Européens<br />

: la mesure de l’incidence est aussi<br />

une question de patience et de ténacité.<br />

Mirko Popovitch<br />

Directeur de Africalia<br />

16 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


DOSSIER<br />

Théâtre<br />

"Les Recluses",<br />

théâtre d’une transformation sociale<br />

Sud du Burundi. Conséquence encore palpable de la guerre civile passée :<br />

des viols. Les tabous empêchent les victimes de s’exprimer, mais aussi de vivre,<br />

de travailler. Le théâtre Varia, à travers la pièce de théâtre "Les Recluses",<br />

a recueilli leurs témoignages et les a mis en scène. En jouant leur propre rôle,<br />

les femmes ont libéré la parole et elles-mêmes, trouvé un revenu et sensibilisent<br />

les autres. Le metteur en scène, Denis Mpunga, nous raconte le projet.<br />

© Frank Uger<br />

Quel était l’objectif principal<br />

de la création théâtrale "Les<br />

Recluses"? La sensibilisation ?<br />

Au départ, il ne s’agissait pas de prévention<br />

mais d’un travail de transformation<br />

qui permettait par ailleurs à des femmes<br />

qui ont été détruites de trouver un emploi.<br />

C’est leur premier contrat de travail obtenu<br />

par habilité personnelle. Il était plus important<br />

que ces femmes suivent ce processus,<br />

avant de sensibiliser les autres. Mais<br />

la pièce "Les Recluses" est aussi une vitrine<br />

pour un travail beaucoup plus large, un travail<br />

de terrain.<br />

Comment travaille-t-on<br />

avec des femmes qui ont subi<br />

des agressions malgré les<br />

tabous et la honte ?<br />

A tâtons… Les femmes devaient accepter<br />

de parler dans un groupe de parole. Pas<br />

facile. Elles avaient peur. On les a rassurées<br />

et on a transformé leur échec en victoire.<br />

Des témoignages du groupe de parole, Koffi<br />

Kwahulé a fait une pièce en jouant sur deux<br />

paramètres : faire une pièce intéressante et<br />

la formation des acteurs. Il y avait aussi une<br />

dimension sociale à prendre en compte : ces<br />

femmes ont dû transformer leurs structures<br />

familiales, car leurs maris n’étaient pas souvent<br />

d’accord qu’elles racontent leur expérience<br />

en public. Quelques unes ont abandonné.<br />

On a dû prendre en compte leurs<br />

maris et régulièrement discuter avec eux.<br />

A-t-on noté une transformation<br />

chez ces femmes ?<br />

La plupart des gens ont été impressionnés.<br />

Les époux avaient peur pour leur réputation<br />

jusqu’à ce qu’ils voient comment la parole<br />

de leur femme se libérait, insufflait une<br />

dynamique particulière dans la structure<br />

familiale, notamment par le fait de ramener<br />

de l’argent à la maison ! Pas mal de femmes<br />

se sont ainsi guéries : quand l’entourage est<br />

venu me remercier de les avoir "soignées",<br />

nous avons pris conscience de l’aspect thérapeutique<br />

du théâtre.<br />

Où et pour qui la pièce a-telle<br />

déjà été jouée ? N’est-il<br />

pas difficile d’atteindre les<br />

populations rurales en Afrique ?<br />

On a joué à Bujumbura, Butare, Kigali et<br />

"Les Recluses" :<br />

genèse d’un projet<br />

Le projet théâtral "Jaz" a été créé suite<br />

à un appel à projet de "sensibilisation<br />

par le théâtre aux violences sexuelles<br />

faites aux femmes" découlant de<br />

la commission mixte entre le Burundi<br />

et Wallonie-Bruxelles International. Il<br />

s’agissait de récolter les témoignages<br />

des victimes de violences sexuelles, de<br />

les confier à l’auteur dramatique Koffi<br />

Kwahulé, et de permettre aux femmes<br />

de porter leur parole sur scène dans la<br />

pièce "Les Recluses". C’est à la Maison<br />

des femmes à Bujumbura qu’a commencé<br />

le travail avec 20 femmes en<br />

<strong>septembre</strong> 2007.<br />

Bukavu. Suivaient des débats assez intéressants<br />

après la pièce. A Bukavu, des rencontres<br />

étaient organisées tous les jours avec<br />

les acteurs de la société civile et la Monuc<br />

(Mission de l'Organisation des Nations Unies<br />

en RD Congo), qui travaillaient sur les violences<br />

sexuelles et l’impunité. Pour la population<br />

rurale, il y a effectivement un problème<br />

de salles au Burundi, la seule étant celle du<br />

Centre culturel français. D’où l’idée de faire<br />

des petites formes ("Udukino") qui pourront<br />

être jouées à l’avenir dans les villages.<br />

Alors, la création culturelle<br />

peut-elle contribuer à un<br />

changement social ?<br />

Oui, j’ai appris que l’outil théâtre peut servir<br />

à transformer les choses. Si on n’a pas éradiqué<br />

le viol, on a changé la vie de 20 personnes.<br />

Que la culture soit un vecteur de<br />

développement ne fait pour moi plus aucun<br />

doute, mais peu de décideurs en Afrique en<br />

sont convaincus… Mais je vais vous raconter<br />

une anecdote : du temps où je vivais<br />

encore dans mon village kasaï du Congo,<br />

est arrivé un jour une mission protestante.<br />

Le premier jour, un monsieur blanc est<br />

arrivé à vélo avec une un disque de James<br />

Brown, un NOIR qui vit aux Etats-Unis ! Du<br />

coup, les Etats-Unis représentaient le pays<br />

des rêves. La semaine d’après, il revint avec<br />

une bouteille de coca-cola, et celle d’encore<br />

après avec un jeans, car la culture est<br />

d’abord commerciale. Ensuite, il introduisit<br />

la Bible, puis l’école, puis l’Eglise. D’abord la<br />

culture puis l’Eglise…<br />

Elise Pirsoul<br />

online<br />

www.varia.be<br />

Le projet du théâtre Varia a bénéficié entre autre<br />

d’un micro financement de l’Ambassade de Belgique<br />

pour sa participation au festival Inabuntu.<br />

"Les Recluses" (kirundi, sous-titres FR et NL) sera joué<br />

au mois de novembre à Bruxelles, Anvers et Liège.<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

17


dossier<br />

"LE DéVELOPPEMENT NE SE LAISSE NI<br />

© D. Andelean / DGCD<br />

Dans quelle mesure les cultures locales influencentelles<br />

les chances de réussite des projets de<br />

développement ? <strong>Dimension</strong> 3 a posé la question<br />

à l'anthropologue culturel Thierry Verhelst. Après<br />

avoir mené pendant des années des recherches sur<br />

les cultures locales, Thierry Verhelst est aujourd'hui<br />

chargé de cours en relations interculturelles en<br />

Afrique et en Europe. Il est le co-fondateur du<br />

Réseau Sud-Nord Cultures et Développement ainsi<br />

que du Centre de gestion interculturelle et de<br />

communication internationale. En 1987 est paru<br />

son livre "Des racines pour vivre. Sud-Nord :<br />

identités culturelles et développement".<br />

Les vues d'anthropologie culturelle qu'il y a<br />

développé ont ouvert la voie à la discussion sur<br />

l’influence qu’ont les cultures sur les chances de<br />

réussite des projets de développement.<br />

"La coopération au développement n'est pas une donnée universelle,<br />

elle est un projet occidental. Cela ne signifie pas que nous devons<br />

y renoncer, mais il faut faire preuve d'une grande prudence."<br />

Vous êtes juriste de formation<br />

et spécialisé dans le droit<br />

coutumier africain, pourtant<br />

vous êtes surtout connu<br />

en matière de cultures et<br />

développement. Comment<br />

expliquez-vous cela ?<br />

Lorsque j'ai travaillé dans les années ’70<br />

pour Broederlijk Delen, j'ai tout de suite<br />

été frappé par le fait que bien des projets<br />

de multiples organisations gouvernementales<br />

n'étaient pas adaptés à la<br />

culture locale. Ils étaient voués à l'échec,<br />

car ils ignoraient complètement la dimension<br />

culturelle. Quelle est la mentalité<br />

des personnes concernées par le projet ?<br />

Quelles sont leurs valeurs, leurs espérances,<br />

leurs aspirations, leurs compétences<br />

et quels sont leurs modèles d'organisation<br />

sociale ? Comment règlent-ils les conflits<br />

et comment prennent-ils des décisions ?<br />

Ces questions ont été et sont toujours<br />

trop souvent négligées : tant au stade de<br />

conception et d’exécution du projet, que<br />

lors de son évaluation et de l’analyse des<br />

raisons de l'échec.<br />

Cette préoccupation, que je partageais avec<br />

d'autres, a abouti à la création du Réseau<br />

Sud-Nord Cultures et Développement.<br />

Pendant 15 ans, nous avons travaillé sur le<br />

terrain avec l'appui de la Commission européenne<br />

: recherche-action participative sur<br />

le lien entre les cultures locales et l'économie,<br />

la situation de la femme, l'environnement,<br />

la technologie, etc. Nous ne parlons<br />

ici donc pas de la culture au sens restreint<br />

– la culture comme art – mais de son sens<br />

large et anthropologique. Elle compte alors<br />

trois dimensions indissociables. En premier<br />

lieu, la dimension symbolique qui<br />

comprend les valeurs, la foi, l'éthique, les<br />

archétypes, le sens du temps et de l'espace…<br />

La seconde dimension est la dimension<br />

sociale, c'est-à-dire les modèles d'organisation,<br />

tels que la structure familiale,<br />

les castes, le rôle du chef… La troisième est<br />

la dimension technologique. Nous considérons<br />

la culture dans son sens le plus large<br />

possible pour sensibiliser les organisations<br />

de développement à son existence et à son<br />

importance.<br />

L’idée que la culture est un<br />

besoin élémentaire, commence<br />

à faire son chemin dans le<br />

monde du développement.<br />

Tout à fait, et c'est une bonne chose !<br />

Nous avons trop tendance à résumer l'être<br />

humain à ses besoins corporels. Or, c'est<br />

faire abstraction de sa résistance morale,<br />

de sa créativité, de sa confiance et de son<br />

respect de soi. Si on a une image négative<br />

de soi, et que les autres répètent sans<br />

cesse qu'on est ignorant, pauvre et sousdéveloppé,<br />

on commence à intérioriser<br />

ce discours et à y croire soi-même. C'est<br />

là que commence le vrai sous-développement.<br />

Mais tant que le feu de la confiance<br />

en soi couve, il reste de l'espoir. Et c'est aux<br />

coopérants, entre autres, qu'il revient d'alimenter<br />

ce feu.<br />

Le sous-développement n'est donc pas une<br />

simple question matérielle. Il ne se laisse ni<br />

chiffrer ni photographier ; il est ancré dans<br />

l'esprit et dans le coeur. Il est déterminé par<br />

le degré de confiance qu'on a en sa propre<br />

créativité et par l’aptitude qu’on a à mobiliser<br />

sa culture au profit de son projet de<br />

vie, que ce soit comme individu ou comme<br />

groupe.<br />

Le développement est pensé<br />

selon le modèle occidental…<br />

Exactement ! Il existe un parallélisme<br />

frappant entre le colonialisme, la coopération<br />

au développement et la mondialisation.<br />

Ces périodes sont toutes trois centrées<br />

sur l'homme blanc comme modèle<br />

18 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


CHIFFRER NI PHOTOGRAPHIER"<br />

Cultures : Interview<br />

pour les autres. La vision de Culture et<br />

Développement s'érige contre cet ethnocentrisme<br />

arrogant. Plutôt que de définir<br />

les problèmes, il nous incombe d'écouter ce<br />

que les principaux concernés ont à dire sur<br />

leurs problèmes. Nous disons encore trop<br />

souvent : "Vous avez des problèmes, nous<br />

avons la solution".<br />

C'est justement là l'ambiguïté fondamentale<br />

de la coopération au développement<br />

actuelle, qui s'accompagne d'un sentiment<br />

de supériorité et d'un ethnocentrisme fortement<br />

enraciné. Nous évaluons tout à<br />

l'aune de nos propres normes occidentales.<br />

Or, il ne faut pas concevoir un projet<br />

pour les autres. Et cela vaut aussi pour les<br />

évaluations. Celles-ci s'opèrent sur la base<br />

des questions que nous posons et selon<br />

les critères que nous définissons. Pourquoi<br />

ne pas évaluer les projets ensemble !?<br />

Le cliché selon lequel les<br />

habitants du Sud seraient naïfs,<br />

ou peu inventifs, a la peau dure.<br />

Mais vous affirmez que c'est le<br />

contraire qui est vrai.<br />

Dans le Sud, on parle souvent de notre<br />

richesse technologique, mais aussi de la<br />

pauvreté qui caractérise notre esprit et nos<br />

relations humaines. "Les Européens ont une<br />

montre, les Africains ont le temps", voilà ce<br />

que disent les Africains pour exprimer leur<br />

incompréhension face au mode de vie qui<br />

est le nôtre et à notre foi aveugle dans la<br />

croissance économique.<br />

L'économie est pour moi un axiome ethnocentrique<br />

par excellence. Bien que l'homo<br />

economicus d'Adam Smith n'existe pas partout<br />

en Asie, en Afrique et chez les indiens<br />

d’Amérique du Sud, nous exportons ce<br />

modèle humain comme s'il s’agissait d’un<br />

concept universel. Comment peut-on fonder<br />

une civilisation entière sur une thèse<br />

aussi insensée? Récemment encore, j'ai<br />

rencontré à la Banque mondiale tant d'économes<br />

obnubilés par leur propre professionnalisme<br />

et leurs propres vérités, que je<br />

me demande si nous sommes encore capables<br />

d'écouter les autres.<br />

Cela me fait penser à cet aphorisme génial<br />

des indigènes sud-américains : "Look at<br />

the tears of the people and listen to their<br />

dreams". Quelles sont les souffrances des<br />

gens et quelles sont leurs aspirations?<br />

Plutôt que de parachuter nos propres idées,<br />

c'est sur ces questions et sur leurs réponses<br />

que doit se baser la coopération au<br />

développement pour mettre en place des<br />

projets originaux.<br />

Comment échapper à cette<br />

vision ethnocentrique du<br />

développement ?<br />

Le tableau n'est pas entièrement noir.<br />

Je vois aussi des signaux positifs. Ainsi,<br />

de nombreux jeunes coopérants se rendent<br />

aujourd'hui dans le Sud pour apprendre<br />

eux-mêmes, et pour y partager leurs<br />

connaissances et leurs compétences. Ils se<br />

montrent plus disposés à écouter que leurs<br />

aînés, dont la principale motivation était<br />

de transférer leurs propres connaissances.<br />

Cette arrogance post-coloniale est définitivement<br />

reléguée au passé. Les jeunes<br />

réalisent aujourd'hui que nul n'est le seul<br />

© J-M. Corhay / DGCD<br />

dépositaire de la vérité. Si nous voulons<br />

surmonter les crises actuelles, nous devons<br />

renouer avec les sagesses traditionnelles<br />

et inscrire notre action dans les nouvelles<br />

structures culturelles mixtes.<br />

Devant les jeunes coopérants, j'aime évoquer<br />

la métaphore suivante : "Ne partez<br />

pas comme coopérant, mais comme sagefemme<br />

!" Quel est en effet le rôle d'une<br />

sage-femme ? Elle ne détermine pas ce<br />

que deviendra le bébé, mais encadre l'événement<br />

qui se produit. Au besoin, elle fait<br />

appel à son savoir pour en favoriser le bon<br />

déroulement. C'est là l'attitude que doit<br />

adopter un coopérant.<br />

Un puits a été foré dans un<br />

village - afin que les porteuses<br />

d'eau n'aient plus à marcher<br />

pendant des heures – mais il<br />

est systématiquement saboté.<br />

Or, il apparaît que les porteuses<br />

d'eau sont elles-mêmes les<br />

coupables. Leur motif ?<br />

Depuis l'installation du puits,<br />

elles n'ont plus l’occasion de<br />

passer du temps entre elles,<br />

pour discuter de choses et<br />

d'autres en l'absence des<br />

hommes. Comment anticiper<br />

de telles situations ?<br />

Un exemple très parlant ! Il n'y a qu'une<br />

seule solution : passer plus de temps dans<br />

le village, écouter ce que les gens ont à dire<br />

et gagner leur confiance. Mais voilà le hic: le<br />

développeur est toujours pressé ! Or, qui est<br />

pressé, court à l'échec. L'"observation participative"<br />

– l'étude de la communauté locale<br />

par un séjour prolongé - est indispensable à<br />

la mise en place d'un projet sur mesure avec<br />

de bonnes chances de réussite.<br />

Comment évaluer la mesure<br />

dans laquelle un projet de<br />

développement tient compte de<br />

la dimension culturelle ? Existet-il<br />

des indicateurs à cet effet ?<br />

Hélas non, et ce n'est pas faute d'avoir<br />

cherché. Mais la culture est une réalité<br />

holistique, alors que l'utilisation d'indicateurs<br />

relève d'une approche mécanique. Or,<br />

on ne peut évaluer une réalité holistique à<br />

l'aide d'une approche mécanique. Cela ne<br />

signifie bien entendu pas pour autant qu'on<br />

ne puisse pas poser des questions ciblées<br />

au moment de la conception d'un projet.<br />

Dans mon livre vous trouverez un aperçu de<br />

questions semblables.<br />

Thomas Hiergens<br />

Pour en savoir plus<br />

• Thierry Verhelst, Des racines pour vivre. Sud-Nord :<br />

identités culturelles et développement, Duculot, 1987.<br />

• Thierry Verhelst, Des racines pour l’avenir. Cultures et<br />

spiritualités dans un monde en feu, L’Harmattan, 2008.<br />

• Pour la vision de l'anthropologue, Joost Dessein,<br />

sur la culture, voir : www.dgcd.be/fr/actualite<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

19


internet<br />

Technologies de l'information et de la communication<br />

Au secours, internet est lent !<br />

Beaucoup en ont déjà fait l'expérience : la communication électronique avec les pays en développement est souvent<br />

très pénible. Quels sont les problèmes que rencontre internet dans ces pays, et comment y remédier à moindre frais ?<br />

Rudy Gevaert explique la situation sur le terrain en Ethiopie où il participe à deux projets TIC, sous la coordination du VLIR-IUS.<br />

Plus lent que le modem<br />

Nombreux sont les visiteurs des pays en<br />

développement qui y découvrent la lenteur<br />

de l'internet. Télécharger une simple page<br />

web peut durer plusieurs minutes. Ou plus<br />

grave encore : vous consacrez une demiheure<br />

à la rédaction d'un courriel pour<br />

ensuite vous rendre compte que la liaison<br />

est coupée et que votre travail est perdu.<br />

Ce problème existe entre autres dans les<br />

universités de Jimma et Mekelle. Et c'est là<br />

que la coopération au développement en<br />

matière de technologie de l'information et<br />

de la communication (TIC) montre toute son<br />

utilité.<br />

"Logiciel libre" : les quatre<br />

libertés de l’utilisateur :<br />

• Liberté 0 : la liberté d'exécuter le programme,<br />

pour tous les usages.<br />

• Liberté 1: la liberté d'étudier le fonctionnement<br />

du programme, et de<br />

l'adapter à vos besoins. L'accès au<br />

code source en est la condition.<br />

• Liberté 2: la liberté de redistribuer des<br />

copies, donc d'aider votre voisin.<br />

• Liberté 3 : la liberté d'améliorer le programme<br />

et de publier vos améliorations,<br />

pour en faire profiter toute la<br />

communauté. L'accès au code source<br />

est requis ici aussi.<br />

Un programme peut être qualifié de "logiciel<br />

libre" lorsque l'utilisateur dispose de<br />

ces quatre libertés. Il doit donc pouvoir<br />

le copier, avec ou sans modifications, et<br />

le distribuer à tout le monde, gratuitement<br />

ou contre paiement. Cela signifie<br />

également qu'il n'est pas nécessaire de<br />

demander une autorisation pour effectuer<br />

ces opérations.<br />

online<br />

www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html<br />

L'université de Jimma, qui possède 1.500<br />

ordinateurs, utilise une connexion internet<br />

(uplink) de 8 Mbit/s. Un abonnement internet<br />

standard en Belgique fournit au particulier<br />

15 Mbit/s. A l'université de Jimma, un<br />

simple internaute surfe plus lentement que<br />

nous lorsque nous avions une connexion<br />

modem. L'université de Mekelle quant à elle<br />

doit se contenter d'un uplink de 4 Mbit/s. A<br />

Gand, l'université dispose d'un uplink collectif<br />

de 2 GBit/s (= 2000 MBit/s).<br />

Uplink plus rapide ?<br />

Ces chiffres montrent une seule chose: un<br />

uplink de 8 Mbit/s est insuffisant. Il existe<br />

heureusement de nombreuses solutions.<br />

Certaines plus réalisables que d’autres.<br />

La solution la plus simple mais la plus onéreuse<br />

consiste à installer un uplink plus<br />

rapide. Ce qui n'est malheureusement pas<br />

possible en Ethiopie. Il n'existe qu'une seule<br />

société de télécommunication dans le pays<br />

et cette absence de concurrence maintient<br />

les prix à la hausse. Outre cet aspect, la<br />

situation géographique de l'Ethiopie – éloignée<br />

des côtes – ne lui permet pas de tirer<br />

directement des câbles et l'oblige donc à<br />

dépendre continuellement des services de<br />

télécommunication d'un pays voisin. De<br />

ce fait, le uplink vers l'internet à partir de<br />

l'Ethiopie est limité et déjà saturé. L'internet<br />

via satellite serait également possible, mais<br />

pas à l'échelle requise ici. Cette formule a en<br />

outre le désavantage de coûter fort cher.<br />

Mieux exploiter<br />

la largeur de bande<br />

La meilleure solution consiste à mieux<br />

exploiter la largeur de bande disponible.<br />

Ou, pour utiliser la terminologie informatique<br />

anglaise : Bandwidth management and<br />

optimization (BMO). Quelques pistes suivies :<br />

• L'installation d'un logiciel qui permet la<br />

mise à jour sur place des sites web populaires<br />

(caching) et la mise à disposition<br />

d'un serveur de téléchargement local<br />

(mirror).<br />

• La mise en place d'un serveur de messagerie<br />

local. 95 pour cent du trafic électronique<br />

reste donc à l'intérieur du réseau<br />

universitaire. Si tout le monde se met<br />

à utiliser Yahoo! ou Hotmail il y aura en<br />

effet un gros gaspillage de largeur de<br />

bande.<br />

• Le contrôle en temps réel des pages web<br />

visitées pour éviter les virus et les contenus<br />

illégaux.<br />

• Interdire l'accès à certains sites, ou du<br />

moins uniquement durant les heures de<br />

bureau. Des sites comme Facebook et<br />

YouTube gaspillent en effet beaucoup la<br />

largeur de bande.<br />

"Si tu lui apprends…"<br />

Par ailleurs, d'autres difficultés se présentent<br />

au cours de chaque projet de coopération<br />

: la rotation de personnel, l'absence<br />

de formations adaptées, l'alimentation en<br />

électricité insuffisante, etc.<br />

Nous n'avons que peu ou aucune influence<br />

sur ces facteurs externes. La seule chose<br />

que nous puissions faire est d'exploiter<br />

au maximum la largeur de bande disponible,<br />

aussi limitée soit-elle. Ce qui en soi<br />

n'est pas difficile. Le problème est qu'étant<br />

donné que nous recherchons des solutions<br />

durables, leur mise en œuvre prend davantage<br />

de temps. Ce critère de durabilité nous<br />

pousse tout logiquement à jouer la carte du<br />

"logiciel libre" (voir encadré). Nous investissons<br />

également beaucoup de notre temps<br />

dans la formation de personnels sur place,<br />

de manière à ce qu'ils parviennent à résoudre<br />

eux-mêmes les problèmes informatiques.<br />

C'est une des clefs de leur ouverture<br />

vers le monde extérieur.<br />

Rudy Gevaert<br />

Direction Technologie de l'information et de<br />

la Communication (TIC) Université de Gand.<br />

online<br />

www.iuc.vliruos.be<br />

20 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong><br />

1 Coopération des universités flamandes avec les universités du sud


Interview<br />

"De Andere Kant van de Wereld"<br />

Télévision<br />

Ses yeux brillants révèlent une ardeur peu commune.<br />

Elle est chanteuse, Video Jockey, présentatrice,<br />

d’origine belgo-congolaise…, et elle revient d’Ouganda.<br />

Leki – Karoline Kamosi pour l’état civil – vient de boucler<br />

le programme TV "2015 - De Andere Kant van de Wereld",<br />

à découvrir dès <strong>septembre</strong> sur JIMtv, la chaîne flamande pour<br />

les jeunes. Il suit trois VJ qui sillonnent l’Ouganda, le Vietnam<br />

et l’Equateur, à la recherche de jeunes qui contribuent chacun<br />

à leur manière à rendre plus tangibles les Objectifs du Millénaire.<br />

© J-M. Corhay / DGCD<br />

Dans le programme, on te<br />

voit régulièrement mettre la<br />

main à la pâte : tu participes<br />

au nettoyage des égouts à<br />

Kampala, tu transportes<br />

des briques, tu charges des<br />

jerrycans d’eau sur un vélo.<br />

Tout ça te correspond ?<br />

En effet, je ne veux pas rester à l’écart,<br />

être spectatrice. C’est chouette de pouvoir<br />

apporter sur place sa petite pierre à l’édifice.<br />

Lorsque nous avons quitté l’Ouganda<br />

avec l’équipe TV, nous avons laissé là-bas<br />

une partie de nous-mêmes. Surtout à Lira,<br />

dans le nord du pays, les traces laissées<br />

par le conflit m’ont fortement marquée.<br />

L’alcoolisme chez les plus âgés, les enfants<br />

souffrant de traumatismes et d’angoisses,<br />

la résignation. Mais l’espoir était aussi présent<br />

: je pense par exemple à deux garçons<br />

qui élevaient des sangliers pour nourrir<br />

leurs dix jeunes frères et sœurs et leur<br />

permettre d’aller à l’école. De retour à la<br />

maison, nous avons tout de suite cherché<br />

le moyen d’aider ces enfants. Ce n’est pas<br />

vraiment d’argent dont ils ont besoin, c’est<br />

plutôt de pouvoir vivre leur enfance. Peu de<br />

temps après, lorsque l’ONG Vredeseilanden<br />

m’a demandé de parrainer un nouveau<br />

projet de fermes d’enfants dans le nord de<br />

l’Ouganda, j’étais donc vraiment motivée.<br />

Mais j’ai posé une condition : je ne voulais<br />

pas simplement être un visage dans une<br />

campagne de posters, mais m’impliquer<br />

activement. Entretemps, nous nous sommes<br />

déjà rendus sur place pour lancer le<br />

projet.<br />

As-tu le sentiment que ce<br />

programme TV peut sensibiliser<br />

les jeunes à la coopération au<br />

développement ?<br />

Le programme n’a pas pour seule ambition<br />

de montrer de belles images, il veut<br />

provoquer une prise de conscience chez<br />

les téléspectateurs. Sans doute le but ne<br />

sera-t-il pas atteint à chaque fois, mais<br />

des jeunes auront envie d’en savoir plus<br />

sur la coopération au développement, j’en<br />

suis convaincue. Si on veut que les jeunes<br />

vivent de manière plus solidaire, il faut oser<br />

les aiguillonner un peu. Que certains ne<br />

soient pas tout de suite emballés, je trouve<br />

ça normal, mais ressentir en fin de compte<br />

une grande satisfaction lorsqu’on a permis<br />

d’une certaine manière que la vie de<br />

cette autre personne change, quoi de plus<br />

humain ?<br />

Je pense que les jeunes suivront le programme,<br />

et en tant que VJ et chanteuse,<br />

je peux me servir de ma popularité pour<br />

montrer l’exemple. Les jeunes nous regardent,<br />

et sont curieux des choses qui nous<br />

occupent. Lorsque j’étais en Ouganda, j’ai<br />

souvent posté des messages sur Facebook,<br />

dans lesquels je parlais de nos activités, et<br />

j’ai reçu une masse de réactions positives.<br />

Ta mère est belge, ton père<br />

congolais. Jusqu’à tes 6 ans, tu<br />

as habité en Afrique. Le Congo,<br />

ça te parle toujours ?<br />

Absolument. Il y a deux ans, dans le cadre<br />

d’un programme pour la VRT, je suis partie<br />

à la recherche de mes racines congolaises,<br />

et j’ai visité le village de naissance de<br />

mon père et de mon grand-père, Malambo.<br />

J’y ai vu les fondations et les murs, envahis<br />

d’herbes folles, de la clinique que mon<br />

père avait commencée à construire il y a<br />

des années, mais qu’il n’avait pas pu achever.<br />

Pendant toute la durée de mon séjour,<br />

je me suis demandée comment je pourrais<br />

mener à bien ce projet, qui permettrait à<br />

250.000 personnes des environs, proches<br />

ou lointains, de bénéficier de soins médicaux.<br />

Petit à petit, ce plan a commencé à<br />

prendre forme, et une première prospection<br />

est prévue pour l’année prochaine.<br />

Enfant, j’étais déjà idéaliste, mais maintenant,<br />

entre autres grâce à mes voyages au<br />

Congo et en Ouganda, je commence à me<br />

faire une meilleure idée de la manière d’y<br />

parvenir. Et surtout, je me rends compte du<br />

fait que construire un monde meilleur nous<br />

concerne tous : chacun peut y apporter sa<br />

contribution.<br />

Reinout Van Vaerenbergh<br />

online<br />

www.jim.be/blog/2015-de-andere-kantvan-de-wereld<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

21


petite dimension<br />

La CTB remplace son rapport<br />

annuel classique par un rapport<br />

sur le développement durable<br />

Réouverture de<br />

l'antenne de coopération<br />

au développement<br />

à Lubumbashi<br />

La CTB, l’agence belge de coopération au<br />

développement, publie son rapport annuel<br />

2008. Pour la première fois, celui-ci prend<br />

la forme d’un rapport sur le développement<br />

durable. Ce faisant, l’agence se rallie<br />

à la tendance internationale toujours plus<br />

répandue. Concrètement, cela signifie que<br />

le rapportage porte non seulement sur les<br />

activités et les finances de l’année écoulée,<br />

mais aussi sur les affaires administratives,<br />

les performances environnementales et les<br />

aspects sociaux.<br />

"Il s’agit là d’un choix stratégique délibéré",<br />

souligne son Directeur général, Carl<br />

Michiels. "Les projets belges mis en oeuvre dans le Sud doivent réaliser un<br />

développement humain durable. Si nous voulons être un tant soit peu crédibles,<br />

nous devons postuler ce développement durable dans notre propre<br />

fonctionnement et communiquer ouvertement en la matière."<br />

Chiffres clés<br />

La coopération bilatérale directe belge ne cesse de s’accroître au fil des<br />

années. Cela se traduit pour la CTB par une augmentation constante<br />

des montants alloués : 217 millions d’euros en 2008 (contre 213 en<br />

2007). L’Afrique demeure le centre de gravité des efforts déployés par<br />

la Belgique : pratiquement la moitié (48%) des dépenses bilatérales est<br />

affectée à l’Afrique centrale (RD Congo, Rwanda, Burundi et Ouganda),<br />

tandis que l’Afrique du Nord et de l’Ouest totalise pour sa part plus de<br />

20%. L’Amérique latine représente, quant à elle, 8% des dépenses, l’Afrique<br />

orientale et australe 7%, et l’Asie quelque 6%.<br />

online<br />

www.btcctb.be<br />

L'antenne de la Coopération belge au développement<br />

du Consulat général de Lubumbashi a rouvert ses portes<br />

le vendredi 21 août. La coopération au développement<br />

belge au Katanga – une région de la RD Congo particulièrement<br />

riche en matières premières – peut ainsi<br />

à nouveau s'investir à fond dans la lutte contre la pauvreté.<br />

La fonction d'Attaché de la coopération au développement<br />

à Lubumbashi a été confiée à Philip Heuts,<br />

qui assumera le suivi des projets mis en oeuvre au<br />

Katanga et continuera d’améliorer l'efficacité de l’aide<br />

belge, y compris pour les projets mis en oeuvre dans<br />

l’Est du Congo, où règne une violence permanente.<br />

Réouverture de l'antenne<br />

dans une région importante<br />

Le Consulat général de Belgique à Lubumbashi était<br />

fermé depuis juin 2008. Parallèlement à sa réouverture,<br />

l’antenne de la Coopération belge au développement<br />

a pu reprendre ses activités le 21 août dernier.<br />

Lubumbashi est la capitale de l'immense Katanga, cette<br />

région riche en matières premières du Sud-Est de la RD<br />

Congo qui compte 8,2 millions d'habitants et s'étend<br />

sur quelque 500.000 km². La Belgique y a des projets<br />

en cours dans les secteurs de l'infrastructure de base,<br />

de l'eau et l'assainissement, de l'éducation, de la santé<br />

publique et de l'agriculture. Le Katanga, mais aussi<br />

l’Est du Congo profiteront du portefeuille du bureau.<br />

Depuis plus d’une dizaine d’années, cette région est<br />

ruinée par les guerres et la violence. Notre pays y met<br />

entre autres en œuvre d’importants programmes de<br />

lutte contre l’impunité et les violences sexuelles. La<br />

direction et le suivi sur le terrain de toutes ces activités<br />

s’avèrent indispensables.<br />

Une nouvelle politique de financement belge<br />

pour une aide multilatérale plus efficace<br />

A la session d’été du Conseil Economique et<br />

Social des Nations Unies, la Belgique a présenté<br />

sa nouvelle politique de financement<br />

multilatérale. Le core funding, en d'autres<br />

termes le financement des ressources<br />

générales des organisations partenaires<br />

multilatérales, est désormais privilégié par<br />

rapport à l’earmarked funding, c’est-à-dire<br />

le financement de projets spécifiques. La<br />

nouvelle politique de financement profite à<br />

l'efficacité de la coopération multilatérale,<br />

renforce l'indépendance des organisations<br />

partenaires et confère à notre pays un plus<br />

grand poids au sein de ces institutions.<br />

Moins d'éparpillement et<br />

une plus grande orientation<br />

vers les résultats<br />

Le Ministre de la Coopération au développement<br />

Charles Michel a en effet décidé qu’à<br />

l’avenir notre pays contribuera essentiellement<br />

au budget général des organisations<br />

partenaires multilatérales (core funding),<br />

ce qui signifiera un renforcement de leurs<br />

budgets de base indépendants. Les projets<br />

spécifiques (earmarked funding) sont<br />

réduits au minimum. Le Ministre Michel<br />

entend accroître de cette manière l'efficacité<br />

de l'aide multilatérale. Les organisations<br />

de leur côté se voient garantir la prévisibilité<br />

de leurs moyens, et l'éparpillement<br />

dû à un nombre trop important de petits<br />

projets est limité. Dans le même temps, la<br />

Belgique renforce son poids à l'Assemblée<br />

générale des institutions concernées et<br />

peut ainsi influer davantage sur leurs politiques<br />

générales. La Coopération belge au<br />

développement souhaite avant tout veiller<br />

à ce que ces organisations deviennent plus<br />

indépendantes et s'orientent davantage<br />

vers les résultats.<br />

online<br />

www.un.org/french/ecosoc<br />

22 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>


"Un des donateurs<br />

les plus généreux"<br />

La Belgique injecte 6,6 millions de dollars dans l'aide<br />

d'urgence alimentaire et agricole par l'intermédiaire<br />

de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation<br />

et l'agriculture. Cet argent est destiné à<br />

des familles d'agriculteurs vivant au Burundi, au Niger,<br />

en Ethiopie et en RD Congo. La Belgique est pour la<br />

FAO "un des donateurs les plus généreux".<br />

Kidonaki<br />

Parallèlement aux sites d’enchères classiques, Kidonaki va organiser<br />

des transactions commerciales entre un vendeur et un acheteur,<br />

en y ajoutant un troisième opérateur : le bénéficiaire (une association,<br />

une ONG, une cause…). Autrement dit, le vendeur va renoncer<br />

au produit de sa vente en le cédant à une cause. L’acheteur reçoit<br />

donc l’objet qu’il paie, le vendeur fait un don sans débourser de<br />

"cash" et l’association bénéficiaire reçoit l’argent.<br />

• Cet espace permettra d’offrir des possibilités concrètes à tous ceux qui<br />

souhaitent "faire un don". Ils disposeront d’un large choix de projets à<br />

soutenir, classés parmi des thématiques telles que l’environnement,<br />

l’aide d’urgence, ou encore l’intégration des personnes handicapées…<br />

• Le site se veut également un portail d’information dédié aux différents<br />

projets des associations.<br />

• L’objectif est également de donner une deuxième vie aux objets devenus<br />

inutiles pour certains, mais utiles pour d’autres. Ce recyclage s’inscrit<br />

dans une philosophie de développement durable, avec une plusvalue<br />

: l’objet recyclé crée une richesse directement utilisée pour une<br />

cause ou un projet précis.<br />

• Pour les commerçants, un partenariat de "sponsoring indirect" est proposé<br />

au profit des associations membres de l’outil.<br />

"Kidonaki est le seul site Internet qui transforme<br />

l’ancien mix-soupe de Mamy en une valise de vaccins."<br />

E-mail : info@kidonaki.be • Téléphone : +32 474 34 20 20 et +32 474 99 54 51<br />

online<br />

Pour reprendre les propos de la FAO elle-même, "la<br />

Belgique est l'un des contributeurs les plus réguliers<br />

aux activités d'urgence de la FAO. Sa dernière démonstration<br />

de générosité porte le total de l'aide belge aux<br />

projets africains de la FAO à 80 millions de dollars au<br />

cours des 6 dernières années. Cette contribution permet<br />

d'améliorer les moyens d'existence et la sécurité<br />

alimentaire de dizaines de milliers d'agriculteurs pauvres."<br />

Comment seront affectés ces fonds ?<br />

Quelque 2,6 millions de dollars bénéficieront directement<br />

aux familles d'agriculteurs victimes de la violence<br />

politique en RD Congo. Un fonds de 2 millions<br />

de dollars est d'autre part prévu pour les anciens soldats<br />

et les familles d'agriculteurs qui ont souffert du<br />

fait des inondations et de la flambée des prix dans le<br />

Burundi voisin. Le reste du don belge ira à l'aide aux<br />

familles d'agriculteurs affectées par la sécheresse au<br />

Niger et en Ethiopie.<br />

online<br />

www.kidonaki.be<br />

www.fao.org<br />

La DGCD propose une nouvelle exposition sur le thème<br />

"Agriculture et sécurité alimentaire"<br />

Une nouvelle exposition sur le thème<br />

"Agriculture et sécurité alimentaire" est<br />

à votre disposition. Constituée de 9 panneaux<br />

sur pied avec enrouleur, cette exposition<br />

vous fera découvrir l'importance de<br />

l'agriculture et les dangers qui la menacent,<br />

ainsi que les solutions possibles.<br />

Trois projets belges mettent en lumière<br />

différentes manières d'aborder cette problématique.<br />

Chaque panneau propose<br />

des images éloquentes et vivantes.<br />

Cette nouvelle exposition est le reflet<br />

de l'intérêt croissant de la Coopération<br />

belge au développement – et de la communauté<br />

internationale – pour l'agriculture.<br />

L'exposition peut être empruntée<br />

gratuitement (transport et installation<br />

compris) par des associations, des écoles<br />

et des communes.<br />

online<br />

www.dgcd.be<br />

s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong> dimension<br />

23


Service Public Fédéral<br />

L'Afrique se démasque à Tervuren<br />

Jusqu’au 3 janvier 2010<br />

se tient au Musée Royal<br />

de l’Afrique Centrale une<br />

exposition passionnante.<br />

Persona explore le thème<br />

de l’identité par le biais<br />

du masque au sens propre<br />

et figuré.<br />

Editeur responsable: Dirk Achten, Président du comité de direction, rue des Petits Carmes 15 B- 1000 Bruxelles<br />

Persona situe 180 masques<br />

africains dans le contexte<br />

de leur utilisation et de leur<br />

signification. Ceux-ci ne sont<br />

d’ailleurs pas confectionnés<br />

uniquement pour leur beauté<br />

– comme le voient le plus souvent<br />

nos yeux occidentaux –<br />

mais sont en premier lieu des<br />

objets à usage rituel. Les masques<br />

représentent souvent un<br />

être immatériel, par exemple,<br />

une divinité ou un esprit de la<br />

nature. Le danseur qui porte le<br />

masque met sa propre personnalité<br />

à l’arrière-plan afin que<br />

le dieu ou l'esprit puisse s’incarner en lui.<br />

L’esprit évoqué peut combattre l'injustice,<br />

favoriser la fertilité ou accorder certaines<br />

faveurs. Les masques d'animaux font souvent<br />

office de critique à l'égard du comportement<br />

humain. Les masques sont également<br />

utilisés lors de cérémonies d’initiation des<br />

jeunes garçons pour devenir des hommes<br />

responsables. Les garçons subissent une<br />

mort symbolique et acquièrent une nouvelle<br />

identité. Pour tout dire, les masques sont<br />

une réponse à des phénomènes que nous<br />

connaissons tous: affronter des problèmes,<br />

la morale, accéder à l'âge adulte…<br />

La persona des migrants<br />

L'exposition veut toutefois se dégager<br />

des stéréotypes. L'Afrique évolue avec<br />

le temps, ses masques suivent le mouvement.<br />

De nombreux artistes contemporains<br />

ont trouvé un nouveau port d’attache en<br />

Europe. Mais dans quelle mesure y sont-ils<br />

vraiment chez eux ? Et dans quelle mesure<br />

doivent- ils adopter une autre persona<br />

(= masque, rôle, personnage) dans la<br />

société européenne ? Le MRAC a invité 14<br />

artistes immigrés à répondre à cette thématique<br />

dans la langue de leur art.<br />

Mpane s’est représenté lui-même comme<br />

un homme en allumettes, fragile, devant<br />

un bac de douche dans lequel il voit le nom<br />

de ses ancêtre fondre et disparaître vers<br />

les égouts. Mpane veut exprimer le déchirement<br />

vécu par un migrant congolais à<br />

Bruxelles. "D’un côté je dois respecter la<br />

tradition d'aider la famille<br />

demeurée au Congo. De<br />

l'autre, en Europe, je dois<br />

porter le masque de celui<br />

qui a réussi dans la vie…!"<br />

Mais l'identité n'est pas une<br />

donnée immuable. "L'altérité,<br />

être l'autre, c’est être<br />

multiple et sans limites."<br />

Résidant en Belgique, le burundais Ntakiyica<br />

joue avec sa propre identité en se pavanant<br />

en danseur écossais, toréro espagnol, promeneur<br />

tyrolien. Ou encore, comme un clin<br />

d’œil, rend hommage à René Magritte (voir<br />

couverture)… L’art fait connaître l’autre,<br />

dans son individualité et dans sa similitude.<br />

online<br />

www.africamuseum.be/persona<br />

© Aimé Ntakiyica<br />

24 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>

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