PLAN 2009-5 - Ordre des ingénieurs du Québec

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DOSSIER SECURITE CIVILE ET SANTE ET SECURITE AU TRAVAIL Toutefois, un résultat ne varie pas d'un modèle à l'autre : tous indiquent une augmentation des événements extrêmes au Canada pour les années à venir. « Les scénarios les plus pessimistes prévoient que les périodes de retour d'événements extrêmes seraient réduites du tiers et même de la moitié», mentionne Alain Mailhot. Ainsi, un événement dont la probabilité serait en moyenne d'une fois tous les 100 ans pourrait plutôt nous frapper une fois tous les 75 ou 50 ans. David Lapp, P.Eng. «AINSI, UN EVENEMENT DONT LA PROBABILITÉ SERAIT EN MOYENNE D'UNE FOIS TOUS LES 100 ANS POURRAIT PLUTÔT NOUS FRAPPER UNE FOIS TOUS LES 75 OU 50 ANS.» La situation est d'autant plus complexe que les données varient également d'une province à l'autre en fonction des chiffres disponibles, comme le démontre la série d'études de cas qu'Ingénieurs Canada mène auprès de municipalités sous la responsabilité de David Lapp, P.Eng. « Les périodes de retour utilisées dans le passé pour prévoir des événements extrêmes sont de moins en moins valables», estime l'ingénieur canadien, qui souhaite ajouter bientôt des cas de municipalités québécoises. BÂTIR SUR L'INCERTITUDE Pour les ingénieurs, le défi est grand : apprendre à concevoir des structures en se basant sur des données qui peuvent fluctuer dans le temps. « La conception des infrastructures est basée sur l'hypothèse que les événements climatiques du passé sont représentatifs de l'avenir, rappelle l'aménagiste Caroline Larrivée. Or les changements climatiques viennent remettre en question ce fondement parce que les données évolueront dans le temps. » Coordonnatrice du programme d'étude de recherche sur les effets des changements climatiques, volet Transport, infrastructures et sécurité, au consortium Ouranos, Caroline Larrivée estime qu'il est très difficile de fournir des chiffres précis sur les tendances futures. « Les paramètres vont changer continuellement en lien avec les émissions des gaz à effet de serre et les interactions diverses dans l'atmosphère », prévientelle. Le climat n'est donc plus aussi stable dans le temps. « Les infrastructures ayant une durée de vie de plusieurs décennies, ajoute Caroline Larrivée, il est certain qu'elles subiront les effets des changements dans les précipitations et les températures. » David Lapp mentionne que les effets des changements climatiques ne prendront pas uniquement la forme d'événements catastrophiques comme le verglas de 1998 ou le déluge du Saguenay en 1996. Par exemple, plus de redoux hivernaux pourraient se traduire par plus de nids-de-poule et plus de dommages aux infrastructures de béton en raison des infiltrations d'eau en hiver. « L'augmentation de la température moyenne nous amènera possiblement à réévaluer les besoins en ventilation et en contrôle des températures intérieures », ajoute David Lapp. Pour mieux s'adapter, il faudra d'abord bien connaître nos infrastructures et les effets possibles des changements climatiques. « Dans la plupart des villes, déplore David Lapp, les autorités ne savent pas exactement l'état des réseaux d'aqueduc, par exemple. Certaines municipalités n'ont d'ailleurs pas les moyens de brosser un portrait de leurs infrastructures. » UNE APPROCHE GLOBALE Actuellement, l'approche en est une de gestion de risque. « Il faut cependant reconnaître que l'augmentation de la taille des ponceaux et des canalisations n'est pas la seule solution, avance Caroline Larrivée. Il ne faut pas seulement penser en termes de hautes technologies. » Un point de vue que partagent David Lapp et Alain Mailhot. « Les changements climatiques nous obligent à travailler de façon multidisciplinaire », croit David Lapp tandis qu'Alain Mailhot est d'avis que le bouleversement du climat constitue une occasion de se questionner sur nos façons de faire. Une vision d'ensemble s'impose. Au sein d'équipes multidisciplinaires, les ingénieurs ont et auront un rôle important à jouer, entre autres, pour effectuer l'évaluation des risques. «L'évaluation des risques devra aussi inclure les coûts liés au fait de ne rien faire », ajoute Alain Mailhot. « Il y a en fait un ensemble de mesures, parfois relativement simples, qui permettront de gérer les effets des changements climatiques», avance Caroline Larrivée. Des initiatives comme le débranchement des gouttières du réseau d'égouts et l'intégration en bordure des rues de zones de végétation qui absorbent l'eau de pluie s'ajouteront aux techniques plus lourdes comme la construction de bassins de rétention. « Il y a de plus en plus de municipalités qui prennent diverses mesures de cet ordre pour mieux gérer les précipitations plus fréquentes », assure Caroline Larrivée. Si la mauvaise nouvelle est que les ingénieurs auront à composer plus que jamais avec l'incertitude, la bonne nouvelle est que de plus en plus de décideurs en sont conscients. David Lapp sent une préoccupation grandissante au Canada à propos des effets des changements climatiques et des émissions de gaz à effet de serre. « Le renouvellement de nos infrastructures vieillissantes est une très belle occasion pour amorcer un virage », estime David Lapp. « Toutefois, prévient Caroline Larrivée, il n'y a pas une recette unique. On ne demande pas à l'ingénieur de faire autre chose que son travail, mais de travailler en multidisciplinarité et de comprendre que les solutions ne sont pas uniquement techniques. » • 16 PLAN : JUIN-JUILLET 2009
DOSSIER SÉCURITÉ CIVILE ET SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL Par leur expertise, les ingénieurs doivent être au cœur de la sécurité civile. Par Gilles Drouin __ . J Nous devons développer l'expertise nécessaire pour éviter le cygne noir», lance Jean-Paul Lacoursière, ingénieur chimiste, consultant et chargé de cours à l'Université de Sherbrooke. Le cygne noir symbolise cet accident que l'on croit impossible ou si peu probable que personne ne s'en soucie. Comme en 1984, quand un nuage toxique a tué 8 000 personnes en une seule nuit à Bhopal. Comme en 1996, alors qu'un déluge a balayé des quartiers entiers du Jean-Paul Lacoursière. ing. Saguenay. Comme en 1998, lorsqu'une tempête de verglas a paralysé les activités à Montréal et en Montérégie. Le cygne noir peut surgir partout. Jean-Paul Lacoursière se préoccupe particulièrement des sites contenant des réservoirs de propane. Il y en a 400 au Québec, dont 40 sont près de zones résidentielles, parfois à quelques dizaines de mètres des habitations. « La loi actuelle sur la sécurité civile stipule qu'il faut repérer les risques potentiels, en faire part aux autorités concernées et établir des normes en conséquence», indique cet ingénieur fort de 40 ans d'expérience dans le domaine industriel. « En l'absence de réglementation, seules des normes de l'Association canadienne de normalisation (CSA) s'appliquent et elles ne concernent que Pierre Frattolillo, ing. Déluge dans le quartier du Bassin à Chicoutimi la tuyauterie et les réservoirs. Elles ne | disent rien au sujet du périmètre de sécu- | rité qui devrait mettre hors de portée les 1 résidents en cas d'explosion. » ï UNE RÉFORME SOUHAITÉE g L'absence de réglementation, voilà ce qui s préoccupe plus d'un acteur québécois en | matière de sécurité civile. Adoptée en -g décembre 2001, la Loi sur la sécurité civile | se voulait une réponse à deux commissions | 5 d'enquête présidées par l'ingénieur Roger Nicolet, à la suite des inondations au Saguenay et du verglas. «Nous sommes restés sur notre faim. Nous nous attendions à une réglementation, il n'y a eu que quelques lignes directrices », déplore l'ingénieur Pierre Frattolillo, conseiller au président de l'Association industrielle de l'est de Montréal (AIEM). Même préoccupation du côté du Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM) : « En raison de l'absence de règles claires, il règne une grande confusion au sein des industries et des donneurs d'ouvrage, constate Yves Dubeau, ingénieur chimiste et vice-président de l'organisme. PLAN : JUIN-JUILLET 2009 : : 17
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