PLAN 2009-5 - Ordre des ingénieurs du Québec

DOSSIER SÉCURITÉ CIVILE ET SANTÉ ET SÉCURITÉ AU
L'équipe du ministère doit travailler avec ces données, car le
contexte financier n'est pas propice à une vaste enquête sur chacun
des 10 000 ouvrages d'art du Québec. «On ne peut pas se
permettre d'utiliser des données qui ne sont pas déjà dans notre
système », explique Johanne Bédard, qui est aussi responsable de
l'inventaire des structures. «Ces données essentielles sont pour
ainsi dire les seules sur lesquelles nous pouvons compter, car il
est impensable d'aller récolter une multitude de données pour
chaque pont avant de procéder à l'étude des risques. Ce serait trop
long et trop coûteux. »
«Dans certains cas, des données seraient intéressantes,
poursuit-elle, mais comme il n'en existe pas pour tous les
ouvrages, il faut les oublier et se limiter aux données que nous
avons pour tous les ponts. » Par exemple, pour le risque associé
aux crues, le ministère détient des données significatives
sur les fondations, la nature du sol ou le comportement du
cours d'eau pour l'ensemble des ouvrages d'art, mais il ne dispose
pas de données concernant le débit et la pente du cours
d'eau pour l'ensemble des structures.
DES DONNÉES À INTERPRÉTER
«Notre principal objectif est de repérer les structures à risque,
rappelle Johanne Bédard. En ratissant large à partir des données
que nous avons, il est possible que certaines structures soient
considérées comme vulnérables alors qu'elles ne le sont pas, mais
nous préférons cela à la situation inverse. »
D'ailleurs, l'accumulation de données est une chose ; leur pertinence
en est une autre. «Le plus difficile est de décoder les
données, mentionne Johanne Bédard. Il faut être en mesure de
les interpréter correctement pour percevoir la réalité, c'est-àdire
repérer les structures qui présentent vraiment des risques. »
Il y a donc eu un sérieux travail de calibration, qui n'est d'ailleurs
pas terminé pour tous les facteurs impondérables, afin de déterminer
les données les plus révélatrices de l'état d'une structure
et des risques auxquels elle est exposée. C'est ici que le
comité d'experts joue pleinement son rôle en passant au crible
chaque facteur de risque, avant d'accorder une note à chaque
élément. « En comité, poursuit Johanne Bédard, nous précisons
les principaux critères pour ensuite pondérer leur valeur comme
élément indicateur de la vulnérabilité de la structure. » À la fin
de cet exercice, le ministère obtient une note exprimée en pourcentage
qui indique la vulnérabilité d'un ouvrage à chacun des
facteurs.
L'IMPORTANCE D'UN OUVRAGE
À la vulnérabilité d'une structure s'ajoute son importance au sein
de la société, une dimension qui permet de raffiner davantage
la gestion des risques. Le ministère utilise la notion d'indice socioéconomique
(ISE) afin de déterminer les conséquences qu'aurait
la destruction d'un ouvrage d'art pour ce qui est des pertes de
vie, des entraves à la mobilité ou encore des répercussions économiques.
Par exemple, la perte d'un pont constituant l'unique
lien entre deux rives sur des dizaines de kilomètres, que de nombreux
camions et automobiles empruntent chaque jour et qui,
en plus, servirait de support à des services publics (un câble de
communication par exemple) a un ISE plus élevé que celle d'un
ouvrage d'art où ne passent que des automobiles, et situé à
quelques kilomètres d'un autre pont.
L'ISE tient compte de plusieurs facteurs : les valeurs financière
et patrimoniale de la structure, la longueur du détour à faire
en cas de perte, le nombre de déplacements par jour, y compris
le pourcentage de camions, la présence de services publics, ainsi
que des notions comme le réseau dans lequel s'insère l'ouvrage
(routes locales, autoroutes, etc.) et le réseau dont fait partie
l'obstacle à franchir. Un comité d'experts effectue une pondération
de chaque critère et en arrive à une cote. Pour chaque ouvrage
d'art, on transpose la cote de vulnérabilité et l'ISE sur un
graphique pour établir une sorte de cartographie de la gestion
des risques. La carte se divise en quatre portions, la zone rouge
signifiant qu'un ouvrage est à la fois plus vulnérable et particulièrement
important pour la communauté.
Lorsque tous les travaux de calibration et d'intégration au
système de gestion des risques seront terminés, le ministère aura
en main un outil complémentaire aux données d'inspection et
d'évaluation de la capacité portante qui l'aidera à prendre des
décisions éclairées sur les travaux à effectuer. Il pourra ainsi
faire une analyse plus fine des coûts et avantages liés à l'entretien
d'un ouvrage d'art.
« Si un pont s'avère vulnérable à plusieurs aléas et que l'inspection
nous révèle qu'il faut le réparer, nous déciderons plutôt
de le remplacer», rapporte Laurence Lemay. Au contraire, si une
simple réparation permet de régler le problème de vulnérabilité,
le ministère optera alors pour cette solution moins coûteuse.
Chaque année, le ministère pourra également planifier ses interventions
en tenant compte de l'indice de vulnérabilité et l'ISE,
l'objectif premier étant de réduire progressivement le nombre
d'ouvrages d'art apparaissant dans le quadrant rouge.
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14 PLAN : JUIN-JUILLET 2009