Institut Béarnais Institut Béarnais - Institut Béarnais Gascon
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6<br />
Drin de tout…<br />
Roger Lapassade<br />
poète béarnais<br />
Par Marilis Orionaa<br />
J’ai rencontré Roger Lapassade en 1989.<br />
J’étais professeur de lettres et je voulais devenir<br />
chanteuse béarnaise. Il avait publié un<br />
seul recueil de poésie presque vingt ans auparavant,<br />
et j’avais appris par cœur, à l’âge de quinze<br />
ans, un de ses poèmes les plus émouvants, Lo<br />
crit. Je me suis occupée des trois recueils qui ont<br />
suivi, choisissant les textes, leur agencement,<br />
et jusqu’au titre des ouvrages,<br />
puisqu’il me faisait confiance.<br />
Une œuvre mince, donc, mais intense.<br />
Roger Lapassade était la bonté même,<br />
la bonté faite homme, une bonté lucide.<br />
Nous nous épaulions, moi la chanteuse<br />
professionnelle débutante, lui le vieux<br />
poète fragile. Je me souviens surtout de<br />
sa fantaisie incroyable, de son humour<br />
extravagant.<br />
Roger Lapassade était charmeur et drôle.<br />
J’ai beaucoup ri avec lui. Je l’ai entendu à plusieurs<br />
reprises faire la cour en béarnais, les jours<br />
de marché à Orthez, à de vieilles dames de sa<br />
connaissance rencontrées au coin de la rue, et<br />
qui lui récitaient la litanie de leurs douleurs. Il les<br />
réconfortait d’un compliment : « Mais Germaine<br />
[ou Antoinette, ou Augustine…], que me ditesvous<br />
là ? Pour moi, vous êtes toujours la même,<br />
aussi fraîche et vermeille que le bouton de la rose<br />
musquée ». Elles éclataient de rire et retournaient<br />
à leur train-train, requinquées.<br />
Jusqu’à sa mort — ne serait-ce que par admiration<br />
pour lui et parce qu’il était un rempart — je<br />
me suis efforcée de croire à l’occitanisme tel qu’il<br />
le concevait, une sorte d’humanisme du Sud, un<br />
Sud aux frontières indifférentes, du reste. Mais<br />
dix ans plus tard, sa disparition ayant laissé le<br />
champ libre à tous les appétits, l’occitanisme<br />
subventionné s’est tellement déconsidéré<br />
que le mot occitan lui-même est<br />
devenu détestable : nationalisme infect,<br />
endoctrinement des enfants, embrigadement<br />
des jeunes gens, dénigrement de la<br />
langue française, sectarisme, éviction (ou<br />
récupération pour recyclage) de tous les<br />
poètes, écrivains, chercheurs, chanteurs,<br />
conteurs de Béarn et Gascogne qui refusent<br />
de se prosterner devant la croix occitane,<br />
au pied de laquelle se bousculent<br />
désormais cuistrerie, pédanterie, goinfrerie, opportunisme,<br />
carriérisme, cynisme, et autres malfaisances<br />
totalement étrangères à la personnalité<br />
de Roger Lapassade, toute de simplicité et de<br />
grandeur d’âme. Tant et si bien qu’aujourd’hui,<br />
paradoxalement, la seule manière d’être fidèle à<br />
la mémoire du poète occitan Roger Lapassade,<br />
et à son œuvre, c’est de s’opposer à l’avancée<br />
de l’Église d’Occitanologie en refusant catégoriquement<br />
d’employer le mot occitan pour désigner<br />
le béarnais et le gascon.