La course technologique en matière d'armement : une ... - IHEDN
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CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
COMITÉ #7<br />
<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t :<br />
<strong>une</strong> nécessité qui peut être maîtrisée ou,<br />
au contraire, un risque <strong>technologique</strong> déconnecté<br />
de la réalité opérationnelle et géostratégique<br />
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45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
« L’un des pires démons de la civilisation <strong>technologique</strong> est la soif de croissance. »<br />
R<strong>en</strong>é Dubos<br />
INTRODUCTION<br />
Exposé de la problématique et compréh<strong>en</strong>sion du sujet<br />
Dans un monde <strong>en</strong> perpétuel changem<strong>en</strong>t, la technologie demeure un facteur<br />
de progrès évid<strong>en</strong>t. Elle innerve tous les secteurs économiques au plan national et<br />
international. Elle peut même se révéler décisive lorsqu’<strong>une</strong> logique de compétition<br />
s’instaure. Les affaires de déf<strong>en</strong>se ont, de ce fait, un rapport très fort avec la<br />
technologie, notamm<strong>en</strong>t dans le cas de conflits ouverts et de préservation des<br />
intérêts de la nation face à un ou plusieurs types de m<strong>en</strong>ace.<br />
Le paramètre temporel <strong>en</strong>tre évidemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ligne de compte. En matière de<br />
déf<strong>en</strong>se, l’avantage opérationnel s’évalue à un instant donné face aux adversaires.<br />
<strong>La</strong> situation peut différer selon le positionnem<strong>en</strong>t dans le continuum paix-criseguerre.<br />
Dans le cas extrême (celui de la guerre), l’issue victorieuse reste l’objectif<br />
à atteindre. Il se pose alors la question d’<strong>une</strong> transposition <strong>technologique</strong>. Dans la<br />
mesure où la technologie peut induire <strong>une</strong> supériorité opérationnelle, elle risque de<br />
se retrouver au cœur d’<strong>une</strong> véritable escalade dénommée couramm<strong>en</strong>t "<strong>course</strong> aux<br />
armem<strong>en</strong>ts". Le terme de <strong>course</strong> n’est pas innoc<strong>en</strong>t car il résume bi<strong>en</strong> l’émulation<br />
d’<strong>une</strong> compétition <strong>en</strong>tre prét<strong>en</strong>dants à la victoire ou, à tout le moins, à un objectif<br />
partagé.<br />
Une telle affirmation est à resituer dans le contexte actuel de déf<strong>en</strong>se et de<br />
sécurité. Les analyses prospectives sont nombreuses et converg<strong>en</strong>t sur un point : la<br />
complexification du paysage géostratégique <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre des situations de m<strong>en</strong>aces<br />
et de conflits nouvelles, difficiles à appréh<strong>en</strong>der. Par ailleurs, les priorités nationales<br />
évolu<strong>en</strong>t. D’<strong>une</strong> part, comme le Livre blanc le détaille, la déf<strong>en</strong>se et la sécurité<br />
intérieure trouv<strong>en</strong>t un terrain d’intérêt et de coopération commun. D’autre part les<br />
contraintes budgétaires, l’Europe, mais aussi les préoccupations de notre société<br />
occid<strong>en</strong>tale, r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ligne de compte pour structurer la politique de déf<strong>en</strong>se.<br />
Enfin, les objectifs de développem<strong>en</strong>t durable et de préservation <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tale<br />
sont à intégrer à l’analyse.<br />
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Dès lors, la <strong>course</strong> à la technologie mérite d’être rep<strong>en</strong>sée : quelle technologie<br />
pour quel armem<strong>en</strong>t, quel li<strong>en</strong> nouveau <strong>en</strong>tre technologie et armem<strong>en</strong>t ? Il faut<br />
repr<strong>en</strong>dre totalem<strong>en</strong>t les modes de p<strong>en</strong>sée et d’analyse des situations <strong>en</strong> intégrant<br />
l’<strong>en</strong>semble des contraintes qui pès<strong>en</strong>t sur les choix <strong>en</strong> matière de déf<strong>en</strong>se.<br />
Le sujet traité par le comité n° 7 participe à <strong>une</strong> telle réflexion. En fait, il relève<br />
de plusieurs problématiques qu’il convi<strong>en</strong>t de distinguer :<br />
– la notion de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>, largem<strong>en</strong>t répandue dans tous les secteurs<br />
industriels et notamm<strong>en</strong>t dans l’industrie de l’armem<strong>en</strong>t, a-t-elle <strong>en</strong>core un s<strong>en</strong>s<br />
aujourd’hui ? Comm<strong>en</strong>t la <strong>course</strong> actuelle aux armem<strong>en</strong>ts se manifeste -t-elle alors<br />
que les problématiques de conflit ont fortem<strong>en</strong>t évolué, que le cadre géostratégique<br />
s’est compliqué et que les contraintes économiques remett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> question les<br />
priorités <strong>en</strong> matière de déf<strong>en</strong>se et de sécurité ?<br />
– sous réserve qu’un cons<strong>en</strong>sus puisse se dégager sur le caractère inéluctable<br />
de cette <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>, est-elle pour autant maîtrisée par les différ<strong>en</strong>ts<br />
participants? Y a-t-il un ou plusieurs leaders et quels sont leurs moy<strong>en</strong>s<br />
d’atteindre leurs objectifs de supériorité militaire, industrielle voire politique ?<br />
Les règles du jeu sont-elles partagées par tous les compétiteurs et respectées<br />
comme telles ou y a-t-il un risque de dérapage et d’escalade ?<br />
– <strong>en</strong> corollaire de la question précéd<strong>en</strong>te, comm<strong>en</strong>t se prémunir du risque de<br />
sur<strong>en</strong>chère <strong>technologique</strong> et de ses conséqu<strong>en</strong>ces sur le système de déf<strong>en</strong>se ?<br />
Le risque de déconnection avec la réalité opérationnelle doit être maîtrisé,<br />
ce qui implique <strong>une</strong> approche méthodologique. De quels outils dispose-t-on<br />
actuellem<strong>en</strong>t et à l’av<strong>en</strong>ir pour assurer le juste équilibre <strong>en</strong>tre besoin de<br />
déf<strong>en</strong>se et réponse <strong>technologique</strong> ? Cette question mérite d’être abordée de<br />
façon prospective et <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t géostratégique.<br />
Démarche ret<strong>en</strong>ue par le comité<br />
Dès le début des travaux, s’est imposée l’idée d’<strong>une</strong> réflexion tirant partie des<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts de l’Histoire. En effet, les exemples de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> sont<br />
nombreux et leurs conséqu<strong>en</strong>ces s’avèr<strong>en</strong>t emblématiques. Cela a logiquem<strong>en</strong>t<br />
abouti à un rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t qui, s’il ne prét<strong>en</strong>d pas être exhaustif, a le mérite d’être<br />
suffisamm<strong>en</strong>t diversifié pour permettre de dégager de réelles t<strong>en</strong>dances. Il fait<br />
l’objet du chapitre "<strong>La</strong> <strong>course</strong> à la technologie <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t : des réussites<br />
flagrantes et des échecs cuisants".<br />
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Ces t<strong>en</strong>dances permett<strong>en</strong>t d’id<strong>en</strong>tifier clairem<strong>en</strong>t les acteurs <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce et<br />
leurs motivations. Au-delà de ce constat, l’analyse doit être confrontée au contexte<br />
géostratégique actuel et futur. <strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion internationale, les contraintes<br />
<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales, l’émerg<strong>en</strong>ce de nouvelles m<strong>en</strong>aces mais aussi la prise <strong>en</strong><br />
compte de contraintes économiques et politiques impact<strong>en</strong>t significativem<strong>en</strong>t les<br />
caractéristiques de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t. Il s’avère donc<br />
indisp<strong>en</strong>sable de dégager les relations <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts paramètres de cette<br />
<strong>course</strong>. Cette phase, objet du chapitre "<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> aux armem<strong>en</strong>ts : des<br />
<strong>en</strong>jeux multiples", est le cœur de notre réflexion. Elle s’est <strong>en</strong>richie des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s<br />
m<strong>en</strong>és tout au long de l’année et qui ont concerné un év<strong>en</strong>tail très large de<br />
personnalités : dirigeants industriels, opérationnels, sci<strong>en</strong>tifiques, responsables<br />
stratégiques, académiques, internationaux…<br />
Les <strong>en</strong>jeux de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> actuelle et future ont pu être formalisés<br />
ainsi que leurs interactions. Un véritable <strong>en</strong>semble systémique focalisé sur la<br />
recherche <strong>technologique</strong> et ses applications militaires a pu être déterminé. C’est<br />
sur cette nouvelle base que le comité a axé ses travaux pour rechercher <strong>une</strong><br />
optimisation et établir des propositions concrètes. Dans la mesure où le secteur<br />
de la déf<strong>en</strong>se n’est pas le seul à conduire des travaux de recherche <strong>technologique</strong>,<br />
il s’est avéré égalem<strong>en</strong>t souhaitable de s’inspirer d’expéri<strong>en</strong>ces issues d’autres<br />
domaines industriels et d’effectuer <strong>une</strong> analyse comparative au plan international.<br />
Au terme de la démarche, des conclusions ont pu être tirées sous forme de<br />
constats et de recommandations pour garantir la maîtrise au juste nécessaire des<br />
développem<strong>en</strong>ts <strong>technologique</strong>s pour les systèmes d’armes. Le chapitre 4 prés<strong>en</strong>te<br />
ces recommandations et définit des perspectives pour un év<strong>en</strong>tuel approfondissem<strong>en</strong>t.<br />
Limitations de l’étude<br />
Les travaux devant s’inscrire dans un délai relativem<strong>en</strong>t court, il n’a pas été<br />
possible d’explorer <strong>en</strong> profondeur la totalité des facettes de la problématique. En<br />
particulier, le rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t des cas de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> à l’échelle mondiale<br />
a été réduit, le comité préférant se focaliser sur le contexte national et europé<strong>en</strong>.<br />
De même, il n’a pas été jugé nécessaire, ni même pertin<strong>en</strong>t, de balayer l’<strong>en</strong>semble<br />
des domaines <strong>technologique</strong>s de l’armem<strong>en</strong>t pour dégager <strong>une</strong> quelconque<br />
quantification. En conséqu<strong>en</strong>ce, les recommandations de l’étude rest<strong>en</strong>t relativem<strong>en</strong>t<br />
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générales et focalisées sur <strong>une</strong> approche méthodologique. Toutefois, elles demeur<strong>en</strong>t<br />
suffisamm<strong>en</strong>t robustes pour s’appliquer à la quasi-totalité des secteurs de déf<strong>en</strong>se.<br />
Enfin, un léger regret pourrait être formulé quant à l’analyse comparative avec<br />
d’autres secteurs économiques. Il aurait été intéressant de poursuivre l’étude des<br />
outils et problématiques traités notamm<strong>en</strong>t par le ministère de la Recherche et<br />
creuser les pistes de synergie <strong>en</strong>tre domaines civil et militaire.<br />
Quelques définitions de base<br />
Course : "Épreuve de vitesse, compétition sur <strong>une</strong> distance, parcours donné". (1)<br />
Cette définition met le doigt sur le paramètre temporel inhér<strong>en</strong>t à l’épreuve ainsi<br />
que sur la notion de parcours. Il est important de déterminer la trajectoire visant à<br />
l’atteinte de l’objectif.<br />
Technologie : Théorie générale et études spécifiques des techniques (outils,<br />
procédés, machines) au s<strong>en</strong>s didactique. Ce terme désigne égalem<strong>en</strong>t, dans <strong>une</strong><br />
acception anglo-saxonne, <strong>une</strong> technique moderne et complexe. C’est donc bi<strong>en</strong> <strong>en</strong><br />
ce s<strong>en</strong>s que l’on peut parler de technologies de pointe, de nouvelles technologies<br />
de l’information et de la communication (NTIC), de biotechnologies… ou <strong>en</strong>core de<br />
transfert de technologie. C’est égalem<strong>en</strong>t d’après cette définition que se compr<strong>en</strong>d<br />
la notion de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>.<br />
<strong>La</strong> technologie est directem<strong>en</strong>t concernée par cette action d’investigation d’où<br />
la notion de recherche et technologie (R&T) qui <strong>en</strong>globe les travaux dédiés à<br />
l’exploration de nouvelles technologies pouvant avoir <strong>une</strong> application pratique.<br />
Technique : <strong>La</strong> technique relève de domaines particuliers de la connaissance<br />
ayant des applications, au delà de la théorie, dans le domaine de la production et de<br />
l’économie. Toujours selon <strong>une</strong> définition académique, la technique peut égalem<strong>en</strong>t<br />
désigner un <strong>en</strong>semble de procédés méthodiques fondés sur des connaissances<br />
sci<strong>en</strong>tifiques et employés <strong>en</strong> production. Les différ<strong>en</strong>tes techniques (de pointe,<br />
informatique, managériales, etc.) se conçoiv<strong>en</strong>t ainsi comme <strong>une</strong> déclinaison<br />
sci<strong>en</strong>tifique de domaines variés. Il est égalem<strong>en</strong>t intéressant de souligner que<br />
(1)<br />
Définition du dictionnaire Le Robert.<br />
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dans un s<strong>en</strong>s très général, <strong>une</strong> technique est mise <strong>en</strong> œuvre dans le cadre d’actions<br />
d’investigation ou de transformation de la nature.<br />
Il existe donc un li<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre technique et technologie. Afin de le pr<strong>en</strong>dre<br />
<strong>en</strong> compte, c’est dans le s<strong>en</strong>s le plus large que le terme de technologie est employé<br />
par la suite dans ce rapport.<br />
« Il n’y a que deux puissances au monde, le sabre et l’esprit : à la longue, le sabre<br />
est toujours vaincu par l’esprit. »<br />
Napoléon<br />
LA COURSE À LA TECHNOLOGIE<br />
EN MATIÈRE D’ARMEMENT :<br />
DES RÉUSSITES FLAGRANTES ET DES ÉCHECS CUISANTS<br />
Un concept vieux comme le monde<br />
Depuis que l’homme a découvert la guerre, soit probablem<strong>en</strong>t dès l’aube de<br />
l’humanité, il s’est attaché à développer de nouvelles technologies pour ses<br />
armem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> vue d’obt<strong>en</strong>ir la supériorité sur l’adversaire. Sans remonter jusqu’à<br />
la préhistoire et les premiers silex taillés, l’histoire abonde d’exemples de ce type<br />
comme nous allons le voir.<br />
Un exemple intéressant est l’évolution du char de guerre, non pas le monstre<br />
d’acier de plusieurs dizaines de tonnes que nous connaissons aujourd’hui, mais<br />
celui de quelques dizaines de kilos, principalem<strong>en</strong>t fait de bois qui domine les<br />
champs de bataille proche-ori<strong>en</strong>taux <strong>en</strong>tre 3000 et 500 av. J.-C. Apparu dans les<br />
cités mésopotami<strong>en</strong>nes vers 2600 av. J.-C., tiré initialem<strong>en</strong>t par des onagres, il ne<br />
s’agit au début que d’<strong>une</strong> plateforme sommaire servant uniquem<strong>en</strong>t de véhicule<br />
d’apparat. Il devi<strong>en</strong>t petit à petit <strong>une</strong> arme de guerre, tout d’abord simple plateforme<br />
de tir (chars égypti<strong>en</strong>s du Nouveau Royaume par exemple), avant de s’alourdir et de<br />
dev<strong>en</strong>ir <strong>une</strong> arme de choc (chars assyri<strong>en</strong>s de la dynastie sargonide par exemple).<br />
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Symbole de puissance, arme de suprématie du champ de bataille (2) , le char de guerre<br />
fait durant ces siècles l’objet d’<strong>une</strong> recherche <strong>technologique</strong> poussée, afin de lui<br />
donner <strong>une</strong> robustesse maximale pour un poids minimum.<br />
L’évolution de l’artillerie à poudre est égalem<strong>en</strong>t instructive. Inv<strong>en</strong>tée <strong>en</strong> Chine au<br />
XII e siècle, elle est mise <strong>en</strong> œuvre pour la première fois <strong>en</strong> Europe lors de la bataille<br />
de Crécy <strong>en</strong> 1346, même si la victoire anglaise est davantage due à l’arc long des<br />
archers gallois et à l’impétuosité folle des chevaliers français qu’à la puissance<br />
de feu des 5 bombardes déployées ce jour là. Une vraie <strong>course</strong> à l’armem<strong>en</strong>t est<br />
néanmoins lancée à partir de cette date <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>tes grandes nations<br />
europé<strong>en</strong>nes pour se doter de l’artillerie la plus performante. Les princes d’Europe<br />
n’hésit<strong>en</strong>t pas à offrir de véritables ponts d’or pour pr<strong>en</strong>dre à leur service les<br />
maîtres canonniers les plus réputés. C’est le cas des frères Bureau sous le règne<br />
de Charles VII, dont les canons jou<strong>en</strong>t un rôle décisif à Castillon <strong>en</strong> 1453, puisque<br />
cette victoire française marque la fin de la guerre de 100 ans. Certains privilégi<strong>en</strong>t<br />
des canons de fort calibre, comme par exemple les Turcs, avec leurs monstrueux<br />
canons d’un calibre de 750 mm, construits au XVI e siècle pour détruire les murs<br />
de Constantinople ou déf<strong>en</strong>dre les Dardanelles (3) . D’autres nations privilégi<strong>en</strong>t des<br />
pièces de plus petit calibre mais plus mobiles, destinées à être <strong>en</strong>gagées <strong>en</strong> masse<br />
sur le champ de bataille. C’est par exemple le cas de l’armée bourguignonne de<br />
Charles le Téméraire qui dispose, <strong>en</strong> 1476 à Grandson, de 400 canons pour 18 000<br />
combattants. L’avènem<strong>en</strong>t de l’ère industrielle ne fera qu’accélérer le phénomène.<br />
Il y a naturellem<strong>en</strong>t des exceptions, des cas où des nations se sont abst<strong>en</strong>ues de<br />
développer des technologies liées à l’armem<strong>en</strong>t, pour des raisons philosophiques<br />
ou religieuses. L’exemple le plus significatif est celui de la Chine à partir de la<br />
dynastie Ming. Alors que l’Empire du Milieu s’était toujours trouvé à la pointe du<br />
développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière militaire (4) , un brutal coup d’arrêt est<br />
marqué à partir de la fin du XV e siècle sous l’influ<strong>en</strong>ce du confucianisme. <strong>La</strong> Chine<br />
n’est alors m<strong>en</strong>acée que par quelques tribus turco-mongoles, que les armes <strong>en</strong><br />
service suffis<strong>en</strong>t à cont<strong>en</strong>ir. Même <strong>en</strong> cas d’invasion réussie, la richesse de la culture<br />
et de la civilisation chinoise <strong>en</strong>traîne <strong>une</strong> assimilation rapide des vainqueurs. Le<br />
réveil sera brutal lorsqu’à partir du XIX e siècle, la Chine se trouve confrontée aux<br />
(2)<br />
Ainsi à Kadesh, <strong>en</strong> 1300 av. J.-C., s’affront<strong>en</strong>t pour la domination de la Syrie près de 6000 chars égypti<strong>en</strong>s et hittites.<br />
(3)<br />
http://<strong>en</strong>.wikipedia.org/wiki/Great_Turkish_Bombard.<br />
(4)<br />
Citons l’inv<strong>en</strong>tion de la poudre à canon, des fusées, de l’arbalète, des navires de guerre hauturiers.<br />
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puissances europé<strong>en</strong>nes et au Japon, qui a rapidem<strong>en</strong>t rattrapé son retard à partir<br />
de l’ère Meïji. Un autre exemple moins connu touche à l’influ<strong>en</strong>ce de l’Église au<br />
Moy<strong>en</strong> Âge qui s’efforça, <strong>en</strong> vain, de freiner le développem<strong>en</strong>t de nouvelles armes,<br />
comme l’arbalète sous prétexte qu’elle permettait de tuer des adversaires sans les<br />
voir.<br />
Ces quelques exemples illustr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> le caractère perman<strong>en</strong>t de la <strong>course</strong><br />
<strong>technologique</strong> au fil de l’Histoire. <strong>La</strong> <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts a toujours été <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ue<br />
par la recherche <strong>technologique</strong>, <strong>une</strong> car<strong>en</strong>ce d’investissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> la matière se<br />
traduisant, tôt ou tard, <strong>en</strong> défaite militaire.<br />
Pour autant, la technologie a-t-elle toujours été synonyme de supériorité<br />
militaire ? Là <strong>en</strong>core quelques exemples mérit<strong>en</strong>t d’être étudiés.<br />
<strong>La</strong> <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts comme élém<strong>en</strong>t clé de la victoire<br />
Nous avons évoqué précédemm<strong>en</strong>t le cas de la Chine et du Japon. Le succès<br />
des puissances europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> Chine au XIX e siècle, et de manière plus générale<br />
dans leur expansion coloniale, a été directem<strong>en</strong>t lié à la supériorité <strong>technologique</strong><br />
des armem<strong>en</strong>ts des troupes europé<strong>en</strong>nes face aux armées indigènes. Le XIX e siècle<br />
regorge de succès de corps expéditionnaires europé<strong>en</strong>s, balayant des adversaires<br />
indigènes à la fois plus nombreux et ayant l’avantage du terrain. Les seuls échecs<br />
r<strong>en</strong>contrés par des corps europé<strong>en</strong>s sont dus à des circonstances particulières,<br />
liés notamm<strong>en</strong>t à l’exercice de commandants particulièrem<strong>en</strong>t incompét<strong>en</strong>ts<br />
(Islandwhana <strong>en</strong> 1879 pour les Britanniques face aux Zoulous, Adoua <strong>en</strong> 1896 pour<br />
les Itali<strong>en</strong>s face aux Éthiopi<strong>en</strong>s (5) ). À noter que les Boers d’Afrique du Sud fur<strong>en</strong>t<br />
parmi les adversaires les plus coriaces r<strong>en</strong>contrés dans ces guerres. Contrairem<strong>en</strong>t<br />
aux autres peuples indigènes, les Boers, d’origine europé<strong>en</strong>ne, s’étai<strong>en</strong>t dotés<br />
d’armem<strong>en</strong>t modernes (fusils Mauser et canons Krupp, Creusot et Schneider)<br />
supérieurs à ceux de leurs adversaires britanniques. Il fallut quatre années de durs<br />
combats, l’<strong>en</strong>voi de milliers de soldats (au summum du conflit, 250 000 hommes<br />
v<strong>en</strong>us de tout l’Empire britannique affrontai<strong>en</strong>t 30 000 Boers) et le recours à des<br />
méthodes radicales (notamm<strong>en</strong>t l’emploi de camps de conc<strong>en</strong>tration pour couper<br />
les Boers de la population locale), pour que les Britanniques finiss<strong>en</strong>t par s’imposer.<br />
(5)<br />
Mais ceux-ci pr<strong>en</strong>dront leur revanche <strong>en</strong> 1936, grâce à leur armem<strong>en</strong>t moderne comparé à celui des troupes du Négus<br />
(troupes motorisées, aviation, gaz de combat…).<br />
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Le cas du Japon est particulièrem<strong>en</strong>t intéressant. Plongé p<strong>en</strong>dant des siècles dans<br />
<strong>une</strong> léthargie profonde, il se lance à partir de l’ère Meïji dans la construction d’<strong>une</strong><br />
armée moderne, équipée à l’occid<strong>en</strong>tale. Si au début il se cont<strong>en</strong>te d’importer des<br />
matériels de guerre d’origine europé<strong>en</strong>ne, il bâtit <strong>en</strong> quelques années <strong>une</strong> industrie<br />
de déf<strong>en</strong>se capable de produire des armem<strong>en</strong>ts de qualité équival<strong>en</strong>te, voire même<br />
supérieure à ceux des autres nations. L’Empire du Soleil Levant ne tarde pas à tirer<br />
rapidem<strong>en</strong>t les bénéfices de cette politique <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t : victoire sur la<br />
Chine <strong>en</strong> 1895, victoire sur la Russie <strong>en</strong> 1905. Et p<strong>en</strong>dant les premiers mois de la<br />
campagne du Pacifique, les avions chasseurs Zéro et les torpilles "longue lance"<br />
permett<strong>en</strong>t à la marine japonaise de dominer le Pacifique face à l’US Navy et de<br />
conquérir l’ess<strong>en</strong>tiel de ses objectifs territoriaux. C’est pourtant la technologie qui<br />
va coûter la victoire au Japon car il ne dispose pas de la puissance industrielle<br />
et de la capacité de R&T des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale.<br />
Ces derniers parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t simultaném<strong>en</strong>t à développer et mettre <strong>en</strong> service des<br />
armem<strong>en</strong>ts supérieurs <strong>en</strong> quantité et <strong>en</strong> qualité à ceux des japonais (par exemple<br />
les chasseurs Hellcat et autres Corsair qui balai<strong>en</strong>t des cieux le Zéro). De plus, ils<br />
exploit<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t leur suprématie <strong>technologique</strong>. C’est le radar qui permet à la<br />
marine américaine de s’imposer lors des féroces combats de nuit dans les eaux de<br />
Guadalcanal, neutralisant l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t supérieur des marins japonais dans ce type<br />
de combat. Mais c’est surtout l’arme nucléaire qui donne la victoire aux États‐Unis<br />
<strong>en</strong> brisant l’esprit de résistance japonais, illustration parfaite de la technologie<br />
comme élém<strong>en</strong>t clé de la victoire.<br />
Plus près de nous, c’est la supériorité <strong>technologique</strong> avérée des États-Unis qui<br />
leur donne la victoire dans la guerre froide, l’URSS se révélant incapable de suivre<br />
la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> lancée par les États-Unis à l’occasion de leur Strategic<br />
Def<strong>en</strong>se Initiative (SDI).<br />
Il n’est pas surpr<strong>en</strong>ant que les États-Unis se livr<strong>en</strong>t aujourd’hui <strong>en</strong>core à <strong>une</strong><br />
<strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts même s’ils n’ont plus <strong>en</strong> face d’eux de chall<strong>en</strong>gers dignes<br />
de ce nom. En effet, les Américains ont toujours été fascinés par la technologie,<br />
que ce soit dans la vie courante ou <strong>en</strong> matière militaire. Ainsi les différ<strong>en</strong>ts conflits<br />
reflèt<strong>en</strong>t <strong>une</strong> véritable doctrine américaine fondée sur le principe que tout problème<br />
peut être traité par la technologie. Cette supériorité <strong>technologique</strong> dans le domaine<br />
de la déf<strong>en</strong>se permet aux États-Unis d’être la seule superpuissance militaire dans<br />
le monde.<br />
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Nous voyons donc que les exemples abond<strong>en</strong>t où <strong>une</strong> supériorité <strong>technologique</strong><br />
<strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t constitue un élém<strong>en</strong>t clé de la victoire. Dans le cadre des<br />
États-Unis, la politique très volontariste depuis de nombreuses années a conduit ce<br />
pays à acquérir <strong>une</strong> avance <strong>technologique</strong> décisive qui ne semble pas susceptible<br />
d’être remise <strong>en</strong> cause de manière globale.<br />
Une option qui ne garantit pas la victoire opérationnelle<br />
Quand tactique et effet de masse prim<strong>en</strong>t<br />
Cep<strong>en</strong>dant l’Histoire montre que la suprématie <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière<br />
d’armem<strong>en</strong>t peut aussi se révéler <strong>une</strong> option coûteuse non décisive pour la<br />
victoire finale. Par exemple, avant la Première Guerre mondiale, Grande-Bretagne<br />
et Allemagne se sont livrées à <strong>une</strong> int<strong>en</strong>se <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts dans le domaine<br />
naval, <strong>en</strong> construisant de nombreux bâtim<strong>en</strong>ts cuirassés. Les autres nations<br />
europé<strong>en</strong>nes ont suivi la logique participant de fait à la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />
(France, Italie, Autriche-Hongrie, etc.). Pourtant ces systèmes d’arme se sont révélés<br />
totalem<strong>en</strong>t inadaptés aux besoins opérationnels réels. Ils ont passé la majeure partie<br />
du conflit à l’ancre dans des ports, dev<strong>en</strong>ant même dans le cas de l’Allemagne des<br />
foyers d’insurrection. Nul n’avait perçu le pot<strong>en</strong>tiel d’un nouveau système d’armes,<br />
le sous-marin, arme peu coûteuse <strong>en</strong> comparaison des cuirassés et qui a failli donner<br />
la victoire à l’Allemagne.<br />
Toujours p<strong>en</strong>dant la Première Guerre Mondiale, sur le front terrestre, les<br />
puissances de l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>te cordiale et celle de l’Axe C<strong>en</strong>tral se sont livrées <strong>en</strong> vain à <strong>une</strong><br />
<strong>course</strong> effrénée aux armem<strong>en</strong>ts : canons de plus <strong>en</strong> plus gros, nouvelles armes (gaz<br />
de combat, mortiers de tranchée, pistolet mitrailleur, char, avion, etc.). <strong>La</strong> logique<br />
des tranchées résiste à toutes ces innovations, réseaux de barbelés et mitrailleuses<br />
brisant tous les assauts. <strong>La</strong> solution allait v<strong>en</strong>ir non pas de la technologie, mais<br />
d’un changem<strong>en</strong>t de tactique. Ce sont les Allemands, qui bi<strong>en</strong> qu’ils ai<strong>en</strong>t eu dans<br />
la plupart des domaines <strong>une</strong> suprématie <strong>technologique</strong> face aux alliés, développ<strong>en</strong>t<br />
des tactiques d’infiltrations, à l’opposé des assauts massifs des années précéd<strong>en</strong>tes.<br />
Ces nouvelles tactiques bris<strong>en</strong>t le statu quo des tranchées et relanc<strong>en</strong>t la guerre<br />
de mouvem<strong>en</strong>t. Mais il est trop tard, l’armée allemande est épuisée par quatre<br />
années de conflit et ses adversaires sont trop nombreux. L’off<strong>en</strong>sive allemande est<br />
un échec et les contre-off<strong>en</strong>sives de l’Ent<strong>en</strong>te qui lui succèd<strong>en</strong>t ne r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t que<br />
128
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
peu d’opposition ; les chars dont sont massivem<strong>en</strong>t dotées les armées de l’Ent<strong>en</strong>te<br />
jou<strong>en</strong>t certes un rôle important, mais c’est l’épuisem<strong>en</strong>t de l’armée allemande et<br />
l’avantage numérique des alliés qui leur donn<strong>en</strong>t la victoire.<br />
Un scénario similaire se produit durant la Deuxième Guerre mondiale.<br />
Globalem<strong>en</strong>t, quelle que soit la période du conflit, les armem<strong>en</strong>ts des deux camps<br />
sont s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t équival<strong>en</strong>ts. <strong>La</strong> différ<strong>en</strong>ce se fera tout d’abord sur la tactique (le<br />
Blitzkrieg des premières années de guerre) puis sur la quantité de matériels dont<br />
disposeront les Alliés <strong>en</strong> fin de conflit.<br />
L’inadéquation <strong>technologique</strong> dans les conflits asymétriques<br />
Même si la suprématie <strong>technologique</strong> n’est pas toujours l’élém<strong>en</strong>t déterminant<br />
de la victoire, elle reste un atout important dans le cadre d’un conflit conv<strong>en</strong>tionnel.<br />
Néanmoins, elle s’avère beaucoup moins pertin<strong>en</strong>te dans le cadre de confrontations<br />
asymétriques. L’adversaire, dans ce type de conflit, s’<strong>en</strong>gage sur des terrains ou<br />
choisit des modes d’actions où la technologie est inefficace. C’est notamm<strong>en</strong>t<br />
le cas des différ<strong>en</strong>ts conflits de guérilla ou de terrorisme qui ont marqué les 50<br />
dernières années.<br />
Ainsi, bi<strong>en</strong> que l’État d’Israël ait su militairem<strong>en</strong>t vaincre les nations arabes<br />
dans tous les conflits qui les ont opposés, <strong>en</strong> jouant habilem<strong>en</strong>t d’armem<strong>en</strong>ts, de<br />
technologies, et de tactiques supérieures, il s’est révélé incapable de briser la volonté<br />
et la capacité de résistance des Palestini<strong>en</strong>s. Que peut faire le char ou l’avion le<br />
plus sophistiqué contre un terroriste kamikaze ?<br />
<strong>La</strong> situation peut même être aggravée quand l’adversaire a recours à des<br />
technologies civiles facilem<strong>en</strong>t disponibles pour des applications militaires. C’est,<br />
par exemple, le recours à des téléphones mobiles pour décl<strong>en</strong>cher des Improvised<br />
Explosive Device IED <strong>en</strong> Irak et Afghanistan, ou l’emploi de fibres optiques pour les<br />
communications du Hezbollah au Sud Liban, lors du conflit de 2006.<br />
Ce dernier cas qui peut remettre <strong>en</strong> cause la pertin<strong>en</strong>ce du tout <strong>technologique</strong><br />
constitue un des paradigmes actuels qui mérite <strong>une</strong> analyse plus approfondie.<br />
129
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
<strong>La</strong> technologie à l’épreuve du temps<br />
Il apparaît qu’un élém<strong>en</strong>t fondam<strong>en</strong>tal du succès de la technologie est le<br />
paramètre temporel. En effet, l’effet de surprise lié à l’apparition d’<strong>une</strong> nouvelle<br />
arme est souv<strong>en</strong>t décisif pour son succès. Une fois celui-ci passé, l’adversaire ne<br />
tarde pas à développer des matériels ou des tactiques pour contrer cette arme, avant<br />
de la copier. Un bon exemple est le premier emploi des chars lors de la bataille<br />
de Cambrai <strong>en</strong> 1917. Lors de leur premier <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t initial dans cette bataille,<br />
ils obti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>une</strong> percée décisive mais totalem<strong>en</strong>t inespérée côté anglais. À tel<br />
point que les généraux n’ont pas prévu les troupes nécessaires pour l’exploiter. Les<br />
Allemands ne tard<strong>en</strong>t pas à ram<strong>en</strong>er leurs réserves pour colmater la brèche. Plus<br />
tard, ils développeront un panel d’armes antichars qui se révéleront relativem<strong>en</strong>t<br />
efficaces lors de la suite du conflit, et les chars n’obti<strong>en</strong>dront plus jamais de succès<br />
d’<strong>une</strong> telle ampleur.<br />
Plus près de nous, le conflit du Kippour est éloqu<strong>en</strong>t. Dans les premiers jours<br />
des combats, l’armée de l’Air israéli<strong>en</strong>ne est pratiquem<strong>en</strong>t neutralisée par les<br />
réseaux de déf<strong>en</strong>se sol-air des nations arabes, permettant à celles-ci d’obt<strong>en</strong>ir<br />
des gains territoriaux significatifs, <strong>en</strong> particulier dans le Sinaï. Ce n’est que grâce<br />
à la fourniture de systèmes de guerre électronique par les États-Unis et la mise au<br />
point de tactiques adaptées que les Israéli<strong>en</strong>s pourront repr<strong>en</strong>dre partiellem<strong>en</strong>t la<br />
supériorité aéri<strong>en</strong>ne, ce qui leur permettra de repr<strong>en</strong>dre l’initiative et de remporter<br />
au finish <strong>une</strong> courte victoire.<br />
Les conflits asymétriques sont égalem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tatifs de cette problématique.<br />
Au Liban, <strong>en</strong> 2006, même après plusieurs semaines de conflit, l’armée israéli<strong>en</strong>ne<br />
n’a pas su trouver les dispositifs aptes à contrer les tactiques et armem<strong>en</strong>ts du<br />
Hezbollah. En Irak, il a fallu plusieurs années aux États-Unis pour trouver les moy<strong>en</strong>s<br />
de réduire leurs pertes par IED.<br />
Avec le développem<strong>en</strong>t rapide des technologies civiles, dont un certain<br />
nombre peuv<strong>en</strong>t avoir des applications duales (systèmes de télécommunication,<br />
d’observation, etc.), l’aspect temporel de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> devi<strong>en</strong>dra de plus<br />
<strong>en</strong> plus important à traiter. En effet, les cycles de développem<strong>en</strong>t des programmes<br />
d’armem<strong>en</strong>t étant relativem<strong>en</strong>t longs, il faudra faire preuve de réactivité et d’agilité<br />
dans le futur pour faire face aux nouvelles formes de combat.<br />
130
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
<strong>La</strong> technologie à l’épreuve du moral<br />
Autre point souv<strong>en</strong>t négligé au niveau de la technologie, l’importance de l’effet<br />
du moral. Il est surpr<strong>en</strong>ant de constater le peu d’impact de la technologie militaire<br />
sur la volonté de résistance d’<strong>une</strong> nation ou d’un peuple. Que ce soit p<strong>en</strong>dant<br />
la Deuxième Guerre mondiale, au Viêt-Nam, <strong>en</strong> Cisjordanie, des campagnes de<br />
bombardem<strong>en</strong>t massives n’ont eu que peu d’effet sur la volonté de résistance des<br />
populations bombardées, quand elle ne la r<strong>en</strong>forçait pas. Plus près de nous, la petite<br />
Serbie a résisté 78 jours avant de céder aux bombardem<strong>en</strong>ts des avions de l’Otan.<br />
En fait, la résili<strong>en</strong>ce de l’être humain est beaucoup plus importante qu’il n’y<br />
parait, à moins d’un choc psychologique extrême. Ce fut notamm<strong>en</strong>t le cas avec les<br />
bombardem<strong>en</strong>ts d’Hiroshima et de Nagasaki, qui conduisir<strong>en</strong>t le Japon à capituler.<br />
En synthèse, il convi<strong>en</strong>t de noter que jusqu’à prés<strong>en</strong>t la technologie est clairem<strong>en</strong>t<br />
un atout dans la résolution des conflits, mais qu’elle ne garantit pas la victoire dans<br />
tous les cas. De multiples paramètres v<strong>en</strong>ant interagir, il est nécessaire de bi<strong>en</strong> les<br />
id<strong>en</strong>tifier.<br />
« <strong>La</strong> technologie n’est ni bonne ni mauvaise, elle est ce que l’on <strong>en</strong> fait. »<br />
Général d’armée aéri<strong>en</strong>ne Stéphane Abrial<br />
LA COURSE TECHNOLOGIQUE AUX ARMEMENTS<br />
DES ENJEUX MULTIPLES<br />
À ce stade de la réflexion, il importe de s’intéresser aux différ<strong>en</strong>ts facteurs <strong>en</strong>trant<br />
<strong>en</strong> ligne de compte et pouvant avoir un impact sur la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong><br />
matière d’armem<strong>en</strong>t. Si le besoin opérationnel reste le point de départ de l’analyse,<br />
il convi<strong>en</strong>t aussi de passer <strong>en</strong> revue les <strong>en</strong>jeux sci<strong>en</strong>tifiques, l’intérêt industriel et<br />
son incid<strong>en</strong>ce économique voire politique. Même les <strong>en</strong>jeux sociétaux, notamm<strong>en</strong>t<br />
ceux qui relèv<strong>en</strong>t du développem<strong>en</strong>t durable, doiv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t être confrontés<br />
aux impératifs de déf<strong>en</strong>se. L’<strong>en</strong>semble des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s a permis de dresser un bilan<br />
qui est prés<strong>en</strong>té dans le prés<strong>en</strong>t chapitre.<br />
131
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Point de vue opérationnel<br />
De tout temps, le besoin militaire a été de rechercher la prise de l’asc<strong>en</strong>dant<br />
sur l’<strong>en</strong>nemi si possible <strong>en</strong> profitant d’<strong>une</strong> supériorité <strong>technologique</strong>. Il fallait tirer<br />
plus loin, plus vite, plus juste, voler plus longtemps, naviguer par tous les temps,<br />
etc. De nos jours, avec la quasi disparition des m<strong>en</strong>aces symétriques au profit de<br />
la résurg<strong>en</strong>ce d’affrontem<strong>en</strong>ts asymétriques, la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> perd de son<br />
intérêt et peut dev<strong>en</strong>ir contre-productive.<br />
Cep<strong>en</strong>dant il convi<strong>en</strong>t de nuancer cette affirmation. <strong>La</strong> doctrine terrestre a mis<br />
<strong>en</strong> exergue l’exist<strong>en</strong>ce de trois phases dans le déroulem<strong>en</strong>t des conflits actuels :<br />
interv<strong>en</strong>tion, stabilisation et normalisation. Il est évid<strong>en</strong>t que cette dernière ne nécessite<br />
pas d’avantage <strong>technologique</strong> particulier. En revanche, la phase d’interv<strong>en</strong>tion impose<br />
d’avoir <strong>une</strong> forte supériorité tactique, donc des armem<strong>en</strong>ts dont le niveau <strong>technologique</strong><br />
doit permettre de pr<strong>en</strong>dre cet asc<strong>en</strong>dant le plus vite possible, avec le moins de pertes<br />
possibles, tout <strong>en</strong> minimisant les dommages collatéraux. Concernant la stabilisation, il<br />
faut pouvoir "transformer" les <strong>en</strong>gins et véhicules utilisés précédemm<strong>en</strong>t, mais avec <strong>une</strong><br />
empreinte moins agressive. Cela demande un changem<strong>en</strong>t fort dans la conception des<br />
matériels terrestres. D’un point de vue militaire, le concept de polyval<strong>en</strong>ce de systèmes<br />
d’armes pr<strong>en</strong>d <strong>une</strong> importance croissante.<br />
En raisonnant sur le besoin de chaque armée, il semble notable que la Marine<br />
et l’armée de l’Air ai<strong>en</strong>t besoin de technologies pouvant leur conférer un avantage<br />
capacitaire important. Mais si la technologie peut r<strong>en</strong>dre plus efficace et donner des<br />
élém<strong>en</strong>ts nécessaires pour gagner la guerre, il est illusoire de p<strong>en</strong>ser qu’elle est à<br />
même de r<strong>en</strong>dre plus fort et plus puissant. Ce constat est désormais reconnu depuis<br />
les années 2000 ; <strong>en</strong> effet, plus les équipem<strong>en</strong>ts seront chers, plus le format des<br />
armées diminuera. On peut donc très facilem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer dans <strong>une</strong> spirale d’évolution/<br />
dép<strong>en</strong>dance de la technologie <strong>en</strong> échange d’un format de plus <strong>en</strong> plus réduit. Or, ri<strong>en</strong><br />
ne garantie que la technologie soit suffisante à suppléer cette diminution des forces ;<br />
à titre d’exemple peut-on déduire des performances techniques qu’un hélicoptère<br />
Tigre équivaut opérationnellem<strong>en</strong>t à 5 à 10 Gazelles, ou qu’un système Felin peut<br />
remplacer quatre ou cinq fantassins ?<br />
Il est donc nécessaire de déterminer la zone d’efficacité <strong>en</strong>tre la technologie,<br />
son coût et le nombre d’unités disponibles comme le résume le graphique ci-après.<br />
132
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Zone d’efficacité<br />
Complexité <strong>technologique</strong><br />
Nombre<br />
d’unités<br />
<strong>La</strong> politique industrielle<br />
a t<strong>en</strong>dance à déplacer<br />
cette zone vers la droite<br />
Niveau <strong>technologique</strong><br />
À budget constant, plus la technologie est complexe et donc chère, moins les unités <strong>en</strong><br />
seront équipées, d’où un format réduit.<br />
On doit chercher la zone d’efficacité. Il y a forcem<strong>en</strong>t conflit <strong>en</strong>tre politique industrielle<br />
qui inclut plus de technologie et besoin militaire (armée efficace au juste format).<br />
Pour compléter cette analyse, il est apparu que la notion de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />
ne soulève pas un <strong>en</strong>thousiasme fort auprès des responsables opérationnels. Il<br />
n’y a pas de véritable besoin d’<strong>une</strong> <strong>course</strong> avec quiconque, stricto s<strong>en</strong>su. Le terme<br />
"coopération" ressort beaucoup plus souv<strong>en</strong>t que celui de <strong>course</strong> et dans un s<strong>en</strong>s<br />
le plus large possible. Compte t<strong>en</strong>u des budgets actuels, du moins <strong>en</strong> Europe de<br />
l’ouest, il serait quasim<strong>en</strong>t suicidaire de vouloir se livrer à <strong>une</strong> <strong>course</strong> <strong>en</strong> matière de<br />
technologie que ce soit au sein de l’Union europé<strong>en</strong>ne ou même vis-à-vis d’autres<br />
pays comme les États-Unis. Le besoin reste de conserver quelques pôles d’excell<strong>en</strong>ce<br />
permettant de pouvoir t<strong>en</strong>ir son rang ou sa place avec des équipem<strong>en</strong>ts fiables.<br />
Un autre volet possible est de raccourcir les délais <strong>en</strong>tre l’expression du besoin<br />
militaire et la livraison de la série. Il est aussi <strong>en</strong>visageable d’avoir des moy<strong>en</strong>s légèrem<strong>en</strong>t<br />
différ<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t et l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t opérationnel, pour limiter les coûts.<br />
Pour compr<strong>en</strong>dre cette mutation, on peut se référer à la transformation de l’armée<br />
de Terre 2009-2014 (6) . Selon cette référ<strong>en</strong>ce, l’armée de Terre devra avoir <strong>une</strong> aptitude<br />
(6)<br />
N° 500034/Def/Emat/PS du 01/10/08 p.14.<br />
133
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
à remonter <strong>en</strong> puissance, sur préavis de six mois, par l’acquisition d’équipem<strong>en</strong>ts ou<br />
de complém<strong>en</strong>ts opérationnels. C’est donc <strong>une</strong> nouvelle ori<strong>en</strong>tation de la "politique"<br />
d’équipem<strong>en</strong>t de l’armée de Terre (7) . Les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s m<strong>en</strong>és auprès des responsables<br />
opérationnels conduis<strong>en</strong>t à p<strong>en</strong>ser que les plates-formes futures pourrai<strong>en</strong>t ne remplir<br />
qu’un pourc<strong>en</strong>tage partiel de l’<strong>en</strong>semble du besoin total. L’écart correspondrait soit<br />
à des technologies non abouties, soit à un besoin opérationnel particulier <strong>en</strong> rapport<br />
avec un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t soudain de nos forces.<br />
Cette nouvelle approche va nécessiter un changem<strong>en</strong>t dans le dialogue au sein<br />
du trinôme État-major (des Armées ou d’Armées), DGA et industrie. Le besoin<br />
opérationnel devra vraisemblablem<strong>en</strong>t être l’objet de multiples déclinaisons, avec<br />
des priorités hiérarchisées.<br />
Enfin, parmi les <strong>en</strong>jeux de la compétition <strong>technologique</strong>, il demeure important<br />
de définir et de concevoir des systèmes suffisamm<strong>en</strong>t ouverts tout <strong>en</strong> ayant des<br />
avancées <strong>technologique</strong>s pertin<strong>en</strong>tes. En effet, il est primordial que les nouveaux<br />
systèmes destinés aux armées soi<strong>en</strong>t compétitifs sur le marché international<br />
permettant, grâce aux v<strong>en</strong>tes à l’export, des séries conséqu<strong>en</strong>tes et donc des coûts<br />
de développem<strong>en</strong>t et de fabrication plus largem<strong>en</strong>t répartis.<br />
Il apparaît donc qu’il n’y a pas de besoin opérationnel intrinsèque nécessitant de<br />
m<strong>en</strong>er <strong>une</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>. En revanche, il est important de pouvoir disposer<br />
du matériel suffisant au mom<strong>en</strong>t adéquat. Ceci requiert un changem<strong>en</strong>t dans le<br />
dialogue <strong>en</strong>tre État-major, DGA et Industrie.<br />
Enjeu sci<strong>en</strong>tifique<br />
Introduction<br />
<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> est intimem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dante de la recherche et<br />
technologie (R&T). <strong>La</strong> R&T reste ess<strong>en</strong>tielle pour développer les futurs systèmes<br />
d’armes, acquérir et maint<strong>en</strong>ir les compét<strong>en</strong>ces sci<strong>en</strong>tifiques requises pour explorer<br />
les pistes <strong>technologique</strong>s prometteuses, évaluer les m<strong>en</strong>aces…<br />
(7)<br />
Compte t<strong>en</strong>u de la composition du comité n° 7, ce paragraphe sera assez ori<strong>en</strong>té armem<strong>en</strong>t terrestre. Dans le Livre blanc,<br />
la période de la prochaine loi de programmation militaire (LPM) prévoit d’être c<strong>en</strong>trée sur la restauration des capacités<br />
terrestres. Il nous est donc apparu que cette ori<strong>en</strong>tation n’était pas un non-s<strong>en</strong>s.<br />
134
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
L’<strong>en</strong>jeu de la R&T est très fort pour ce qui touche aux bas niveaux de TRL<br />
(TRL1‐3 (8) ) ce qui a conduit certaines personnes interrogées à affirmer que le<br />
leadership de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> rev<strong>en</strong>ait aux laboratoires de recherche. Les<br />
avancées <strong>technologique</strong>s prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t effectivem<strong>en</strong>t <strong>une</strong> capacité de réactivité aux<br />
m<strong>en</strong>aces émerg<strong>en</strong>tes et d’anticipation des besoins opérationnels futurs. Ces deux<br />
paramètres sont d’ailleurs mis <strong>en</strong> valeur par le Livre blanc. (9)<br />
Pour mieux saisir cet <strong>en</strong>jeu, les critères suivants doiv<strong>en</strong>t être approfondis :<br />
– le choix des domaines <strong>technologique</strong>s à explorer ;<br />
– l’efficacité de l’effort de recherche Europé<strong>en</strong> au plan mondial ;<br />
– l’intérêt de la dualité civile - militaire ;<br />
– la mise <strong>en</strong> œuvre opérationnelle et la pér<strong>en</strong>nité d’<strong>une</strong> technologie.<br />
Le choix des domaines <strong>technologique</strong>s<br />
Les choix doiv<strong>en</strong>t anticiper les besoins de demain et ainsi préparer l’av<strong>en</strong>ir de<br />
nos forces. <strong>La</strong> difficulté reste que les besoins de demain ne sont pas toujours<br />
imaginables à partir des solutions d’aujourd’hui.<br />
<strong>La</strong> limitation des ressources financières reste le principal frein à <strong>une</strong> véritable <strong>course</strong><br />
<strong>technologique</strong> tous azimuts et impose de faire des choix ciblés. Cette situation n’est<br />
pas complètem<strong>en</strong>t négative car elle force à décider plus clairem<strong>en</strong>t quelles sont nos<br />
priorités. Si la contrainte financière exclut de fait tout risque de surarmem<strong>en</strong>t, elle<br />
ne doit pas non plus conduire à faire des impasses <strong>technologique</strong>s qui pourrai<strong>en</strong>t<br />
déboucher sur un retard ultérieur sur certaines capacités opérationnelles. Il faut donc<br />
disposer de puissants outils d’appréciation. <strong>La</strong> veille <strong>technologique</strong> constitue donc<br />
un <strong>en</strong>jeu majeur et doit faire l’objet d’<strong>une</strong> circulation à tous les niveaux (top-down<br />
depuis le besoin opérationnel au bottom-up à partir des perspectives <strong>technologique</strong>s).<br />
À titre de comparaison, les États-Unis (Darpa) ont depuis des années adopté <strong>une</strong><br />
stratégie systématique consistant à lancer plusieurs études <strong>en</strong> parallèle, chac<strong>une</strong><br />
par <strong>une</strong> piste différ<strong>en</strong>te, pour résoudre le défi <strong>technologique</strong>. Cette stratégie est<br />
bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du beaucoup plus coûteuse mais produit des résultats spectaculaires.<br />
(8)<br />
TRL – Technology Readiness Level. Une échelle qui compr<strong>en</strong>d 9 niveaux de maturité d’un système ou équipem<strong>en</strong>t. Les<br />
niveaux 1-3 correspond<strong>en</strong>t aux principes, conceptions ou développem<strong>en</strong>ts très basiques d’<strong>une</strong> technologie de faible maturité.<br />
(Référ<strong>en</strong>ce : Guide TRL-RCTI).<br />
(9)<br />
Chapitre 16 – L’industrie et la recherche.<br />
135
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
L’efficacité de l’effort <strong>en</strong> recherche et technologie (ERT) <strong>en</strong> Europe<br />
<strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion internationale est importante car elle conditionne la performance<br />
des c<strong>en</strong>tres de compét<strong>en</strong>ces sci<strong>en</strong>tifiques. Le bilan actuel que l’on peut établir<br />
montre que le budget Américain <strong>en</strong> R&T est six fois supérieur à celui des pays<br />
Europé<strong>en</strong>s. Un tel écart n’est pas acceptable et doit être réduit au travers d’<strong>une</strong><br />
véritable politique de R&T europé<strong>en</strong>ne. Celle-ci devrait s’attacher à réduire les<br />
doublons et privilégier les coopérations, dans la mesure où elles ne port<strong>en</strong>t pas<br />
atteinte aux souverainetés nationales. Actuellem<strong>en</strong>t 20 % seulem<strong>en</strong>t des études<br />
R&T des pays europé<strong>en</strong>s font l’objet de coopération.<br />
L’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se dont c’est l’<strong>une</strong> des principales missions, doit<br />
développer son action pour harmoniser les politiques de R&T et de coopération<br />
<strong>en</strong>tre les pays europé<strong>en</strong>s, <strong>en</strong> veillant à limiter les domaines de souveraineté.<br />
<strong>La</strong> dualité civile - militaire<br />
Suite à la fin de la guerre froide, les budgets militaires ont fortem<strong>en</strong>t diminué<br />
<strong>en</strong>traînant la fin du leadership de la recherche militaire sur la recherche civile.<br />
Néanmoins, sur les TRL bas niveau et à quelques domaines <strong>technologique</strong>s près, il<br />
est difficile de faire <strong>une</strong> distinction <strong>en</strong>tre recherche civile et militaire.<br />
En revanche, la logique de marchés a imposé des règles distinctes : le marché<br />
civil exige des temps de développem<strong>en</strong>t très rapides comparés à ceux constatés pour<br />
les systèmes militaires. Les pressions commerciales donn<strong>en</strong>t lieu à un investissem<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> R&T bi<strong>en</strong> supérieur à celui des budgets militaires. Il faut donc savoir profiter<br />
de technologies civiles, tout <strong>en</strong> intégrant leurs limites car les normes de sécurité,<br />
de conditions <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales, de robustesse ou de fiabilité diffèr<strong>en</strong>t parfois<br />
radicalem<strong>en</strong>t. <strong>La</strong> transposition à moindre coût reste donc exceptionnelle. <strong>La</strong> plupart<br />
du temps, il est impératif de requalifier <strong>une</strong> technologie dans son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
opérationnel, au risque d’échec douloureux.<br />
Au bilan, la recherche civile est bénéficiaire de l’effort de déf<strong>en</strong>se puisqu’il ressort<br />
que 60 % des technologies développées pour le secteur militaire sont transposables,<br />
contre 20 % seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> s<strong>en</strong>s inverse. De même, la synergie est croissante <strong>en</strong>tre<br />
les programmes de sécurité et de déf<strong>en</strong>se, et 15 % des programmes d’études amont<br />
intéress<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t la sécurité intérieure.<br />
136
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Mise <strong>en</strong> œuvre opérationnelle et pér<strong>en</strong>nité <strong>technologique</strong><br />
Une première étape importante consiste à transférer <strong>une</strong> technologie du domaine<br />
du chercheur à celui de l’ingénieur.<br />
Lors de la conception d’un programme, il peut s’avérer nécessaire de recourir<br />
aux démonstrateurs de technologie afin de mieux maîtriser les risques associés à la<br />
faible maturité d’<strong>une</strong> technologie. Ces démonstrateurs peuv<strong>en</strong>t aussi aider à affiner<br />
le besoin opérationnel et compr<strong>en</strong>dre les capacités émerg<strong>en</strong>tes d’<strong>une</strong> nouvelle<br />
technologie. Le processus conduit à définir, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> avance, la technologie choisie<br />
alors que cette technologie ne sera mature qu’à la mise <strong>en</strong> service opérationnel.<br />
Dans cette démarche, il y a forcem<strong>en</strong>t un risque compte t<strong>en</strong>u de la durée de<br />
développem<strong>en</strong>t, que le système ne soit plus cohér<strong>en</strong>t à sa mise <strong>en</strong> service avec le<br />
besoin opérationnel du mom<strong>en</strong>t. Pour minimiser l’écart <strong>en</strong>tre le besoin press<strong>en</strong>ti<br />
et réel, il est donc nécessaire d’avoir un délai le plus faible possible <strong>en</strong>tre le choix<br />
d’<strong>une</strong> technologie et son application.<br />
Dans la mesure où ce choix <strong>technologique</strong> doit se faire assez tôt dans le<br />
déroulem<strong>en</strong>t d’un programme, la question se pose de garantir la pér<strong>en</strong>nité de<br />
la technologie jusqu’à la phase de mise <strong>en</strong> service. Dans les premiers temps<br />
d’utilisation, la performance <strong>technologique</strong> du système d’armes va dev<strong>en</strong>ir la<br />
référ<strong>en</strong>ce mais devi<strong>en</strong>dra rapidem<strong>en</strong>t obsolète, ce qui <strong>en</strong>traîne le plus souv<strong>en</strong>t <strong>une</strong><br />
nécessaire modernisation à mi-vie. Il est fort possible que la fréqu<strong>en</strong>ce de telles<br />
modernisations évolue selon le besoin opérationnel et l’émerg<strong>en</strong>ce de technologies<br />
de rupture. Pour permettre la réactivité et l’adaptabilité de nos matériels, il faut<br />
donc continuer à m<strong>en</strong>er des travaux de R&T tout au long de l’utilisation <strong>en</strong> veillant<br />
systématiquem<strong>en</strong>t à déterminer et piloter le point d’application opérationnelle.<br />
Nous voyons donc que l’<strong>en</strong>jeu sci<strong>en</strong>tifique est très fort et <strong>en</strong> interaction avec l’<strong>en</strong>jeu<br />
opérationnel <strong>en</strong> terme d’applicabilité à un horizon donné et à un coût acceptable.<br />
<strong>La</strong> R&T demeure stratégique pour les programmes d’armem<strong>en</strong>t et doit, malgré les<br />
contraintes financières, être préservée. L’ERT est donc à maint<strong>en</strong>ir à un niveau élevé<br />
même si toutes les pistes explorées ne trouveront pas d’applications opérationnelles.<br />
137
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Intérêt industriel<br />
Il a semblé évid<strong>en</strong>t, pour la plupart des personnes interrogées, que l’industrie<br />
a sa part de responsabilité dans la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>. Mais au-delà de cette<br />
évid<strong>en</strong>ce, il convi<strong>en</strong>t d’examiner quelles sont les raisons qui incit<strong>en</strong>t un industriel<br />
à rechercher toujours plus d’innovation. Nous verrons que ces raisons peuv<strong>en</strong>t<br />
être regroupées <strong>en</strong> trois catégories : la réponse à <strong>une</strong> demande très exigeante, la<br />
recherche de l’avantage concurr<strong>en</strong>tiel par rapport aux autres industriels du même<br />
secteur, et <strong>en</strong>fin, le mainti<strong>en</strong> des compét<strong>en</strong>ces.<br />
Ceci étant posé, nous regarderons quels sont les élém<strong>en</strong>ts modérateurs face à<br />
la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>. D’un point de vue industriel, il s’agit principalem<strong>en</strong>t des<br />
contraintes financières qui limit<strong>en</strong>t les investissem<strong>en</strong>ts dans la R&T, des modalités<br />
de prise <strong>en</strong> compte des risques et de l’aptitude à savoir innover de manière pér<strong>en</strong>ne.<br />
Ce qui pousse l’industrie à la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />
Le point de vue des industriels laisse à p<strong>en</strong>ser que le besoin opérationnel a t<strong>en</strong>dance<br />
à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir la <strong>course</strong> à la technologie par simple comparaison avec ce qui se fait de<br />
mieux au sein des armées pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nemies, ou plus souv<strong>en</strong>t même, alliées.<br />
Il est vrai que les armées françaises, très largem<strong>en</strong>t déployées et au contact d’autres<br />
armées, id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce des capacités nouvelles "intéressantes", parce<br />
qu’elles multipli<strong>en</strong>t l’efficacité des troupes déployées, ou parce qu’elles facilit<strong>en</strong>t<br />
l’interopérabilité ou <strong>en</strong>core parce qu’elles permett<strong>en</strong>t de nouveaux modes d’action.<br />
Ces nouvelles capacités id<strong>en</strong>tifiées seront demandées aux industriels. Or, pour<br />
que deux équipem<strong>en</strong>ts fabriqués par deux industriels différ<strong>en</strong>ts soi<strong>en</strong>t au même<br />
niveau <strong>technologique</strong>, à peu près au même mom<strong>en</strong>t, il faut que les industriels ai<strong>en</strong>t<br />
atteint le même niveau de développem<strong>en</strong>t dans les technologies considérées. Ainsi,<br />
le seul moy<strong>en</strong> de satisfaire sans délais excessifs <strong>une</strong> demande tirée par l’exemple<br />
de ce qui est disponible dans d’autres armées, ne peut se faire qu’au travers de<br />
programmes <strong>en</strong> coopération et/ou d’investissem<strong>en</strong>ts perman<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> R&T. Pour être<br />
<strong>en</strong> phase avec l’offre d’un fournisseur, <strong>une</strong> <strong>en</strong>treprise n’a d’autre possibilité que de<br />
coopérer avec celui-ci <strong>en</strong> matière de R&T ou d’innover de manière autonome, sans<br />
att<strong>en</strong>dre qu’<strong>une</strong> technologie intéressante à copier ou intégrer n’arrive sur le marché.<br />
C’est incontestablem<strong>en</strong>t <strong>une</strong> forte incitation à "courir" derrière la technologie.<br />
138
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Au-delà de la réponse aux att<strong>en</strong>tes d’un cli<strong>en</strong>t particulier, il est évid<strong>en</strong>t que la<br />
question de l’avantage concurr<strong>en</strong>tiel se pose pour toutes les campagnes export.<br />
Les facteurs différ<strong>en</strong>tiateurs, lors d’<strong>une</strong> mise <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ce, sont de quatre ordres :<br />
– financier (le prix ainsi que les modalités de paiem<strong>en</strong>t) ;<br />
– opérationnel (la réponse du produit aux demandes du cli<strong>en</strong>t) ;<br />
– industriel (l’importance des comp<strong>en</strong>sations ainsi que la nature des technologies<br />
qui seront transférées au pays cli<strong>en</strong>t) ;<br />
– politique (tout ce qui, <strong>en</strong> marge de l’acquisition proprem<strong>en</strong>t dite, peut inciter<br />
un pays à acheter son équipem<strong>en</strong>t à tel ou tel fournisseur).<br />
Parmi ces quatre facteurs, on note que trois d’<strong>en</strong>tre eux ont un rapport direct avec<br />
la technologie mise <strong>en</strong> œuvre au sein de l’équipem<strong>en</strong>t : le prix (l’introduction de<br />
nouveaux procédés de fabrication peut permettre de réduire les coûts de production<br />
d’un équipem<strong>en</strong>t donné), la réponse au besoin opérationnel (dont les conséqu<strong>en</strong>ces<br />
sur la <strong>course</strong> à la technologie ont été évoquées supra) et les transferts de technologie<br />
associés au contrat. Ces derniers ne sont possibles qu’à la condition que la technologie<br />
transférée soit suffisamm<strong>en</strong>t attractive pour constituer un apport pour le pays cli<strong>en</strong>t<br />
sans pour autant faire perdre tout avantage concurr<strong>en</strong>tiel à l’industriel qui exporte.<br />
Celui-ci doit donc avoir, <strong>en</strong> quelque sorte, "<strong>une</strong> longueur d’avance" dans son réservoir<br />
de technologies pour se permettre de transférer <strong>une</strong> technologie dont il sait qu’<strong>une</strong><br />
fois exportée, il ne sera plus <strong>en</strong> mesure d’<strong>en</strong> contrôler l’utilisation.<br />
En résumé, la recherche de l’avantage concurr<strong>en</strong>tiel est un moteur de la <strong>course</strong><br />
à la technologie pour :<br />
– réduire les coûts <strong>en</strong> agissant sur la composition de l’équipem<strong>en</strong>t et/ou sur les<br />
procédés de fabrication et/ou de souti<strong>en</strong> ;<br />
– offrir un produit plus performant ;<br />
– permettre au v<strong>en</strong>deur de transférer des technologies sans compromettre son<br />
av<strong>en</strong>ir ;<br />
– s’ouvrir vers de nouveaux "marchés" <strong>en</strong> proposant des fonctionnalités<br />
nouvelles.<br />
Ces aspects s’observ<strong>en</strong>t de manière similaire sur les marchés civils et militaires,<br />
chaque domaine faisant l’objet d’<strong>une</strong> veille <strong>technologique</strong> de plus <strong>en</strong> plus active ainsi<br />
que d’<strong>une</strong> réévaluation fréqu<strong>en</strong>te de la criticité des technologies employées vis-à-vis<br />
de la concurr<strong>en</strong>ce (la terminologie consacrée étant celle de core/non core).<br />
139
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Mais il convi<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t d’examiner les aspects de mainti<strong>en</strong> de compét<strong>en</strong>ces,<br />
qui recouvr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait deux notions différ<strong>en</strong>tes. Il s’agit d’<strong>une</strong> part de se donner<br />
les moy<strong>en</strong>s d’<strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir un réservoir d’ingénieurs aux connaissances critiques pour<br />
l’<strong>en</strong>treprise, d’autre part de faire <strong>en</strong> sorte qu’un équipem<strong>en</strong>t produit <strong>une</strong> année<br />
donnée puisse l’être <strong>en</strong>core, de manière parfaitem<strong>en</strong>t fonctionnelle, plusieurs<br />
années après.<br />
Pour <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir un réservoir d’ingénieurs, il faut que ceux-ci ai<strong>en</strong>t un plan<br />
de charge stable et des perspectives d’évolution valorisantes. Or, lorsque le<br />
développem<strong>en</strong>t d’un programme s’achève, il est fort probable que le programme<br />
suivant ne sera pas immédiatem<strong>en</strong>t lancé, de sorte que des effectifs importants<br />
du bureau d’études vont se retrouver sans études spécifiques. Cette situation a<br />
<strong>en</strong> général deux conséqu<strong>en</strong>ces : certains des ingénieurs désœuvrés se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
quête d’un emploi chez un autre employeur alors que ceux qui rest<strong>en</strong>t n’arriv<strong>en</strong>t<br />
pas à transmettre leur savoir, faute d’études capables de faire v<strong>en</strong>ir des plus<br />
je<strong>une</strong>s. Le risque de perdre des compét<strong>en</strong>ces est d’autant plus grand que le cycle<br />
des grands programmes d’armem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>d à espacer les différ<strong>en</strong>tes générations<br />
de matériel, de sorte que le temps qui passe <strong>en</strong>tre deux programmes majeurs<br />
successifs multiplie les départs, sans permettre le mainti<strong>en</strong> et la transmission<br />
du savoir <strong>en</strong> interne. <strong>La</strong> seule solution pour éviter cette fuite des cerveaux est<br />
de recourir aux études de R&T, pour maint<strong>en</strong>ir un niveau de charge minimal du<br />
bureau d’études <strong>en</strong>tre deux programmes.<br />
Conséqu<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre autres de la <strong>course</strong> à la technologie, mais égalem<strong>en</strong>t de<br />
l’introduction de nombreux règlem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> faveur du développem<strong>en</strong>t durable, le<br />
r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t des procédés de fabrication et des matériaux utilisés pour réaliser<br />
un composant donné est de plus <strong>en</strong> plus rapide. Cet aspect est perceptible <strong>en</strong><br />
partie au travers des nombreuses obsolesc<strong>en</strong>ces que connaît un matériel au cours<br />
de sa vie. Mais au-delà des obsolesc<strong>en</strong>ces et <strong>en</strong> supposant que celles-ci seront<br />
gérées conv<strong>en</strong>ablem<strong>en</strong>t, il est considéré comme fort probable que l’on ne saura<br />
pas produire dans vingt ans un produit rigoureusem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tique à celui que l’on<br />
produit aujourd’hui, du simple fait que la composition des matières premières<br />
aura évolué (les matériaux pourront être d’<strong>une</strong> pureté différ<strong>en</strong>te) et que le niveau<br />
de finition des sous-composants sera différ<strong>en</strong>t parce que les outils et procédés de<br />
fabrication le seront ou simplem<strong>en</strong>t parce que la formation des personnels mis à<br />
contribution sera différ<strong>en</strong>te. Aussi, fabriquer un armem<strong>en</strong>t à un mom<strong>en</strong>t donné<br />
140
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
n’implique pas toujours la capacité à le reproduire de nouveau plus tard. Selon ce<br />
principe, <strong>une</strong> technologie n’est jamais pér<strong>en</strong>ne. C’est <strong>en</strong> particulier vrai pour les<br />
armem<strong>en</strong>ts de la dissuasion, ce qui r<strong>en</strong>d nécessaire la prise <strong>en</strong> compte de marges<br />
dans la conception des armes actuelles et le développem<strong>en</strong>t de moy<strong>en</strong>s capables de<br />
vérifier que les armes produites ultérieurem<strong>en</strong>t seront fonctionnelles. Ainsi, même<br />
lorsqu’<strong>une</strong> technologie peut être considérée comme suffisante pour répondre à<br />
un besoin donné, il est vraisemblable que celle-ci ne puisse continuer à répondre<br />
à ce besoin, fut-il inchangé, sans un minimum d’études complém<strong>en</strong>taires afin de<br />
garantir sa durabilité.<br />
En comparant les domaines civil et militaire, il apparaît que la principale différ<strong>en</strong>ce<br />
réside dans l’origine du besoin. Dans le domaine militaire, ce sont principalem<strong>en</strong>t<br />
les utilisateurs finaux qui sont force de proposition et d’innovation au travers des<br />
besoins exprimés, alors que dans le domaine civil, c’est avant tout la concurr<strong>en</strong>ce<br />
qui tire l’innovation au niveau de l’offre. Il est d’ailleurs assez logique dans ces<br />
conditions que les modes de financem<strong>en</strong>ts de la R&T diffèr<strong>en</strong>t selon les domaines :<br />
la R&T destinée aux équipem<strong>en</strong>ts militaires est justifiée par la réponse à un besoin,<br />
au regard de son coût mais aussi et surtout au regard des performances souhaitées,<br />
alors que la R&T destinée aux équipem<strong>en</strong>ts civils est évaluée <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce sous<br />
le prisme du retour sur investissem<strong>en</strong>t.<br />
<strong>La</strong> durée des cycles, souv<strong>en</strong>t évoquée, n’est pas différ<strong>en</strong>te pour un secteur<br />
d’activité donné ; <strong>en</strong> revanche on observe <strong>en</strong> général <strong>une</strong> bonne complém<strong>en</strong>tarité<br />
des cycles civils et militaires, de sorte que l’activité moy<strong>en</strong>ne civile et militaire<br />
connaît <strong>une</strong> évolution plus mesurée que celle d’un seul des deux domaines, ce qui<br />
incite logiquem<strong>en</strong>t beaucoup d’industriels à équilibrer, lorsque c’est possible, leurs<br />
portefeuilles <strong>en</strong>tre ces deux domaines, avec des retombées évidemm<strong>en</strong>t favorables<br />
pour les technologies duales.<br />
Une autre différ<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong>fin, <strong>en</strong>tre le civil et le militaire, concerne les aspects<br />
de propriété intellectuelle, appréciée dans le civil sous l’angle des <strong>en</strong>jeux de<br />
concurr<strong>en</strong>ce et considérée dans le militaire comme constitutive d’un <strong>en</strong>jeu de<br />
souveraineté nationale. Ce dernier point est, nous le verrons dans le paragraphe<br />
"poids politique", <strong>une</strong> autre clé de la <strong>course</strong> à la technologie.<br />
141
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Les freins industriels à la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />
Les montants consacrés à la R&T, dans le domaine de la Déf<strong>en</strong>se, sont assez<br />
faibles, de l’ordre de quelques pourc<strong>en</strong>ts du chiffre d’affaires. Ils sont, <strong>en</strong> pratique, du<br />
même ordre de grandeur que les marges opérationnelles des industriels concernés,<br />
ce qui illustre bi<strong>en</strong> le choix cornéli<strong>en</strong> auquel ceux-ci sont confrontés chaque année,<br />
lorsqu’il faut choisir <strong>en</strong>tre le résultat immédiat, au bénéfice d’actionnaires pressés<br />
avec lesquels le marché est souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> phase, et la préparation de l’av<strong>en</strong>ir au<br />
détrim<strong>en</strong>t de la rémunération à court terme des actionnaires. D’<strong>une</strong> manière<br />
générale, c’est l’équilibre qui prévaut, ce qui donne de fait <strong>une</strong> limite aux montants<br />
investis dans la recherche.<br />
Au bilan, il est difficile pour un industriel de faire varier de façon franche et/<br />
ou irrégulière le volume de son activité de R&T. Aussi, la <strong>course</strong> aux technologies,<br />
lorsqu’elle est m<strong>en</strong>ée, aura t<strong>en</strong>dance à se faire à un rythme constant ou <strong>en</strong> faibles<br />
variations. C’est donc ici <strong>une</strong> limitation.<br />
Autre facteur limitant : le risque <strong>technologique</strong>. En effet, la complexité croissante<br />
des armem<strong>en</strong>ts r<strong>en</strong>d l’intégration d’<strong>une</strong> nouvelle technologie dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
existant de plus <strong>en</strong> plus délicate, alors qu’elle allonge les durées de développem<strong>en</strong>t<br />
de systèmes <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t nouveaux. Certes, les moy<strong>en</strong>s de CAO et de simulation,<br />
sans cesse plus performants, permett<strong>en</strong>t de réduire les incertitudes associées à<br />
<strong>une</strong> innovation donnée, mais ils ne les lèv<strong>en</strong>t pas complètem<strong>en</strong>t. À contrario, les<br />
incertitudes résiduelles sont d’autant plus difficiles à évaluer que l’homme a pris<br />
l’habitude de s’<strong>en</strong> remettre aux outils informatiques pour prévoir le comportem<strong>en</strong>t<br />
d’un système et a ainsi parfois perdu l’usage du bon s<strong>en</strong>s, du "flair" dans son analyse<br />
des dysfonctionnem<strong>en</strong>ts possibles. À cela s’ajoute la complexité des moy<strong>en</strong>s de<br />
simulation et de tests, dont les paramétrages sont dev<strong>en</strong>us tellem<strong>en</strong>t évolués, pour<br />
mieux pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les infimes variations des conditions <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales<br />
réelles, qu’ils génèr<strong>en</strong>t par eux-mêmes de nouvelles sources d’incertitude et d’erreurs.<br />
Or les risques sont difficilem<strong>en</strong>t partageables. <strong>La</strong> multiplication des exemples où des<br />
part<strong>en</strong>aires c<strong>en</strong>sés partager les risques (communém<strong>en</strong>t appelés risk sharing partners),<br />
se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait dans <strong>une</strong> logique de rejet de la responsabilité sur l’autre dès<br />
qu’un problème survi<strong>en</strong>t, tant les <strong>en</strong>jeux financiers, voire légaux, sont importants. En<br />
matière de programmes d’armem<strong>en</strong>ts, il y a ces dernières années <strong>une</strong> t<strong>en</strong>dance de<br />
fond qui vise à transférer le plus possible de risques de l’État vers l’industrie, pour<br />
142
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
différ<strong>en</strong>tes raisons qui vont de la recherche de la moindre responsabilité personnelle<br />
(face au juridisme croissant de notre société) à la meilleure prédiction possible des<br />
flux financiers (à l’extrême, un programme où l’industriel maîtrise effectivem<strong>en</strong>t tous<br />
les risques ne devrait pas connaître la moindre dérive, ni cal<strong>en</strong>daire ni financière).<br />
Ainsi, les mécanismes mis <strong>en</strong> place par la Lolf ne laiss<strong>en</strong>t pas de place aux surcoûts<br />
inatt<strong>en</strong>dus et ne permett<strong>en</strong>t pas de dégager facilem<strong>en</strong>t les ressources requises face<br />
à un risque qui aurait été sous-évalué côté étatique. En résumé, la t<strong>en</strong>dance observée<br />
ces dernières années est celle d’<strong>une</strong> augm<strong>en</strong>tation des risques liés à l’introduction<br />
de nouvelles technologies, doublée d’<strong>une</strong> moindre répartition de ces risques <strong>en</strong>tre<br />
différ<strong>en</strong>ts part<strong>en</strong>aires. Les parades sont malheureusem<strong>en</strong>t peu nombreuses : soit<br />
les risques sont réduits par recours à des technologies davantage matures, soit des<br />
provisions cal<strong>en</strong>daires et financières pour risques sont prises, ce qui se répercute dans<br />
le coût du programme. Là <strong>en</strong>core, nous avons affaire à un facteur limitant la <strong>course</strong><br />
à la technologie.<br />
Dernier facteur limitant : la nature variable des innovations. Il est désormais<br />
acquis que l’innovation procède par <strong>une</strong> combinaison de petits sauts, souv<strong>en</strong>t<br />
appelés "évolutions", et par des grands bonds, communém<strong>en</strong>t qualifiés de "ruptures<br />
<strong>technologique</strong>s". Or il est très difficile de choisir <strong>en</strong>tre innovation incrém<strong>en</strong>tale et saut<br />
<strong>technologique</strong> comme il est rare de savoir distinguer dans les différ<strong>en</strong>tes trouvailles<br />
celle qui pourra décl<strong>en</strong>cher <strong>une</strong> rupture <strong>technologique</strong>, de sorte que l’innovation<br />
suit un rythme peu prédictif <strong>en</strong> dehors de quelques règles statistiques élaborées de<br />
manière empirique et jamais vraim<strong>en</strong>t prises <strong>en</strong> compte lors de la définition d’un<br />
produit futur, par crainte que la règle, non démontrée, ne devi<strong>en</strong>ne fausse. Or les<br />
matériels développés pour répondre aux besoins de la Déf<strong>en</strong>se ont t<strong>en</strong>dance à<br />
être de plus <strong>en</strong> plus complexes et interdép<strong>en</strong>dants. Ces deux aspects, complexité<br />
et interdép<strong>en</strong>dance, ont comme conséqu<strong>en</strong>ce que les cycles de développem<strong>en</strong>t des<br />
différ<strong>en</strong>ts systèmes doiv<strong>en</strong>t être régulièrem<strong>en</strong>t recalés. Il est peu vraisemblable qu’<strong>une</strong><br />
technologie de rupture puisse facilem<strong>en</strong>t être intégrée dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t dont la<br />
plupart des composants ne connaîtrai<strong>en</strong>t que de simples évolutions. Par exemple, <strong>en</strong><br />
matière de télécommunications, l’accroissem<strong>en</strong>t très significatif des débits de données<br />
transmissibles avec le passage de l’analogique au numérique n’a pu être pleinem<strong>en</strong>t<br />
pris <strong>en</strong> compte qu’à partir du mom<strong>en</strong>t où les élém<strong>en</strong>ts d’interface (écrans de contrôles,<br />
postes radio, outils de programmation de fréqu<strong>en</strong>ces, etc.) et le format des données ont<br />
été r<strong>en</strong>dus compatibles avec le numérique. Pour poursuivre l’exemple, la transmission<br />
d’images par voie radio est arrivée bi<strong>en</strong> après la capacité de transmettre des signaux<br />
143
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
numériques par cette voie ; elle a <strong>en</strong> effet dû att<strong>en</strong>dre l’introduction de capteurs<br />
d’images numériques. Une limitation similaire se retrouve pour des systèmes dont au<br />
moins un des composants ne peut évoluer p<strong>en</strong>dant plusieurs années, soit parce qu’il<br />
est difficile techniquem<strong>en</strong>t de le faire évoluer facilem<strong>en</strong>t (cas du moteur d’un avion<br />
de combat, par opposition à ses calculateurs) soit que cela ne soit pas acceptable<br />
économiquem<strong>en</strong>t (cas d’un satellite de communications dont il est impossible de faire<br />
évoluer la gamme de fréqu<strong>en</strong>ces sans changer le satellite lui-même). Il apparaît donc<br />
que l’interdép<strong>en</strong>dance des différ<strong>en</strong>ts composants d’un système d’armes introduit des<br />
limites importantes à l’introduction de nouvelles technologies dans <strong>une</strong> partie de ce<br />
système et, de fait, freine la <strong>course</strong> à la technologie.<br />
Notons <strong>en</strong>fin, pour ajouter un peu à la complexité de l’<strong>en</strong>semble, que<br />
l’augm<strong>en</strong>tation de l’écart <strong>en</strong>tre deux générations consécutives d’un système d’armes<br />
devrait inciter les concepteurs à rechercher des technologies de rupture, plus à<br />
même de donner un écart significatif de performances <strong>en</strong>tre les deux générations,<br />
alors même que la maîtrise des risques associée à cet écart important <strong>en</strong>tre deux<br />
programmes incite, au contraire, à se cont<strong>en</strong>ter d’innovations limitées.<br />
En synthèse, il apparaît un intérêt fort pour l’industrie à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir la <strong>course</strong><br />
<strong>technologique</strong> <strong>en</strong> réponse au besoin opérationnel exprimé ou press<strong>en</strong>ti, tout <strong>en</strong><br />
gardant <strong>en</strong> mémoire les facteurs limitants que sont la capacité des bureaux d’étude,<br />
la maîtrise du risque <strong>technologique</strong> et les investissem<strong>en</strong>ts requis.<br />
Incid<strong>en</strong>ce économique<br />
L’armem<strong>en</strong>t au cœur du développem<strong>en</strong>t économique de la nation<br />
De tous temps, l’armem<strong>en</strong>t a permis de développer <strong>une</strong> industrie de pointe au<br />
service d’un projet politique, celui d’affirmer la puissance d’<strong>une</strong> nation.<br />
Le XX e siècle est très révélateur de cette <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts ayant eu <strong>une</strong><br />
incid<strong>en</strong>ce économique : reconstruction de l’Allemagne après la défaite de 1918,<br />
<strong>course</strong> à l’arme nucléaire, bouclier antimissiles… Très logiquem<strong>en</strong>t, les avancées<br />
<strong>technologique</strong>s réclam<strong>en</strong>t des investissem<strong>en</strong>ts majeurs que seuls les pays riches<br />
peuv<strong>en</strong>t s’offrir. Elles peuv<strong>en</strong>t servir un véritable projet de société comme ce fut<br />
144
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
le cas pour la conquête spatiale aux États-Unis. Une telle volonté suppose la<br />
hiérarchisation des priorités de la Nation. Ainsi, <strong>une</strong> grande cause nationale est<br />
facilem<strong>en</strong>t évoquée pour accéder à <strong>une</strong> nouvelle capacité de déf<strong>en</strong>se et allouer<br />
des budgets massifs à la Déf<strong>en</strong>se dans la mesure où le pays demeure sous le coup<br />
d’<strong>une</strong> m<strong>en</strong>ace d’agression connue ou press<strong>en</strong>tie.<br />
L’exemple français mérite d’être souligné. À l’issue de la Seconde Guerre<br />
mondiale et dans le contexte de la guerre froide <strong>en</strong>tre les États-Unis et les pays<br />
du Pacte de Varsovie, l’indép<strong>en</strong>dance stratégique, dont la Nation française avait<br />
fait sa priorité, s’est traduite par l’acquisition d’un outil de déf<strong>en</strong>se de premier<br />
rang mondial. <strong>La</strong> DGA a été constituée pour répondre à cet objectif politique<br />
basé principalem<strong>en</strong>t sur la dissuasion nucléaire. L’outil industriel a largem<strong>en</strong>t<br />
bénéficié des finances publiques jusqu’à la fin des années 1980. Un tel cycle a pu<br />
s’accomplir <strong>en</strong> bénéficiant du développem<strong>en</strong>t économique de l’après guerre (les<br />
Tr<strong>en</strong>te Glorieuses) et a résisté aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979.<br />
Avec l’effondrem<strong>en</strong>t du Mur de Berlin <strong>en</strong> 1989 et la constitution progressive de<br />
l’Europe de la Déf<strong>en</strong>se, la situation a changé radicalem<strong>en</strong>t. Même si des risques de<br />
conflits intra-europé<strong>en</strong>s peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core être id<strong>en</strong>tifiés, la plupart des pays occid<strong>en</strong>taux<br />
ne viv<strong>en</strong>t plus sous <strong>une</strong> m<strong>en</strong>ace adverse. De façon naturelle, les priorités économiques<br />
ont été revues depuis le début des années 1990. Confortée par la maturité de son<br />
industrie de Déf<strong>en</strong>se et son niveau <strong>technologique</strong>, la France a pu revoir sa politique de<br />
la déf<strong>en</strong>se <strong>en</strong> adaptant l’effort financier au juste nécessaire. Une logique d’acquisition<br />
de capacités militaires a laissé place à <strong>une</strong> logique de gestion financière, avec le risque<br />
de voir la déf<strong>en</strong>se être régulièrem<strong>en</strong>t la variable d’ajustem<strong>en</strong>t d’un budget contraint.<br />
Selon les données actuellem<strong>en</strong>t rec<strong>en</strong>sées, il est difficile d’évaluer précisém<strong>en</strong>t le<br />
nombre d’emplois concernés par les programmes de R&T de déf<strong>en</strong>se mais on peut<br />
raisonnablem<strong>en</strong>t l’estimer à 30 000 emplois directs <strong>en</strong> France.<br />
Aspects budgétaires<br />
Au plan national<br />
Pour mesurer l’effort cons<strong>en</strong>ti par la nation dans le domaine des technologies<br />
de sécurité et de déf<strong>en</strong>se, il convi<strong>en</strong>t d’extraire la part budgétaire relevant de<br />
l’effort de recherche <strong>technologique</strong> (ERT) <strong>en</strong> amont des programmes d’armem<strong>en</strong>t<br />
145
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
et permettant d'acquérir l'expertise, les connaissances et capacités sci<strong>en</strong>tifiques,<br />
et techniques nécessaires à la définition et au lancem<strong>en</strong>t des futurs équipem<strong>en</strong>ts.<br />
Celle-ci relève principalem<strong>en</strong>t des crédits d’études amont regroupés pour la majeure<br />
partie dans l'action 4 "Mainti<strong>en</strong> des capacités <strong>technologique</strong>s et industrielles" du<br />
programme 144 "Environnem<strong>en</strong>t et prospective de la politique de déf<strong>en</strong>se" et aux<br />
subv<strong>en</strong>tions versées aux organismes de recherche sous tutelle du ministère (Onera,<br />
ISL). L’ERT a représ<strong>en</strong>té 850 M€ <strong>en</strong> 2008.<br />
En élargissant aux programmes de recherche duale de la MIRES (P191), aux<br />
études de déf<strong>en</strong>se et à la part R&D des développem<strong>en</strong>ts de systèmes d’armes,<br />
on constate que l’agrégat de la R&D de déf<strong>en</strong>se atteint 3,62 G€ <strong>en</strong> 2008 contre<br />
3,46€ <strong>en</strong> 2007 soit <strong>une</strong> progression de 4,6 %. (10)<br />
Toutefois, on peut constater que la part déf<strong>en</strong>se dans la dép<strong>en</strong>se nationale R&D<br />
totale est <strong>en</strong> baisse depuis 1998 : elle était de 9,5 % <strong>en</strong> 1998 alors qu’elle ne<br />
représ<strong>en</strong>te plus que 7,4 % <strong>en</strong> 2008. (11)<br />
Au plan international<br />
Selon les données rec<strong>en</strong>sées par l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se (12) , la France<br />
et le Royaume-Uni représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à eux seuls les deux tiers de l'effort de recherche<br />
et technologie de déf<strong>en</strong>se europé<strong>en</strong> (2,5 G€) et de R&D (9,5 G€ <strong>en</strong> 2007) ce qui<br />
atteste du rôle majeur que jou<strong>en</strong>t ces deux nations dans la construction de l’Europe<br />
de la déf<strong>en</strong>se. Les autres grands contributeurs sont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et<br />
la Suède, tous signataires de la LOI. L’<strong>en</strong>semble des dép<strong>en</strong>ses europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> matière<br />
de déf<strong>en</strong>se représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t 41,8 G€ <strong>en</strong> 2007 d’où un ratio R&T/total de 6 %.<br />
Concernant plus particulièrem<strong>en</strong>t la France, la contribution à l’effort europé<strong>en</strong><br />
de R&T est croissant depuis 2003 : l’effort de recherche <strong>technologique</strong> est ainsi<br />
passé de 497,7 M€ <strong>en</strong> 2003 à 850 M€ <strong>en</strong> 2008. Il est significatif car il intervi<strong>en</strong>t<br />
dans <strong>une</strong> loi de programmation caractérisée principalem<strong>en</strong>t par l’équipem<strong>en</strong>t des<br />
forces (13) et le souti<strong>en</strong> opérationnel. Il demeure néanmoins modeste au regard des<br />
dép<strong>en</strong>ses consacrées par les États-Unis estimées à 13,3 milliards d'euros <strong>en</strong> 2008.<br />
(10)<br />
Source : "Projet de Loi de Finances", 2008.<br />
(11)<br />
Source : Annuaire statistique de la Déf<strong>en</strong>se, 2007-2008, publié le 26 juin 2008.<br />
(12)<br />
Source : "National Def<strong>en</strong>ce Exp<strong>en</strong>diture 2006-2007".<br />
(13)<br />
Notamm<strong>en</strong>t Rafale, Tigre, Felin, VBCI, Fremm, Barracuda, A400M.<br />
146
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
L'écart avec les États-Unis est <strong>en</strong>core plus marqué si l'on se réfère à l'agrégat R&D :<br />
l'effort français ne représ<strong>en</strong>te alors qu’à peine 5 % de l'effort américain (3,6 G€<br />
contre 77,3 G€) !<br />
Face aux contraintes économiques qui pès<strong>en</strong>t sur l’<strong>en</strong>semble des pays<br />
occid<strong>en</strong>taux, il devi<strong>en</strong>t indisp<strong>en</strong>sable de privilégier la mutualisation des budgets<br />
dédiés à la préparation de l’av<strong>en</strong>ir. C’est bi<strong>en</strong> dans cette perspective que s’inscrit la<br />
France qui consacre <strong>une</strong> part importante de sa R&T à des coopérations europé<strong>en</strong>nes<br />
confiées à l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se (AED). Outre sa participation au budget<br />
opérationnel commun qui s'élève depuis 2005 à <strong>en</strong>viron 5 millions par an pour des<br />
études de recherche et technologie, la France est prés<strong>en</strong>te dans tous les grands<br />
projets de l'AED financés sur budget dédié : Musis, programme de protection<br />
des forces (Force Protection), radio-logicielle (Essor) ou programme de concepts<br />
innovants et technologies émerg<strong>en</strong>tes (ICET)…<br />
Nécessité d’<strong>une</strong> BITD<br />
L’investissem<strong>en</strong>t de R&T cons<strong>en</strong>ti par la déf<strong>en</strong>se bénéficie principalem<strong>en</strong>t<br />
à l’industrie de déf<strong>en</strong>se et aux PME du secteur. L’objectif principal est bi<strong>en</strong> de<br />
constituer et <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir <strong>une</strong> industrie de déf<strong>en</strong>se et de sécurité compétitive au plan<br />
mondial.<br />
<strong>La</strong> constitution d’<strong>une</strong> véritable base industrielle et <strong>technologique</strong> de déf<strong>en</strong>se<br />
(BITD) innovante et à la pointe des technologies de déf<strong>en</strong>se restera principalem<strong>en</strong>t<br />
alim<strong>en</strong>tée par les contrats étatiques. Les contrats de R&T représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t ainsi,<br />
<strong>en</strong> 2005, à 1,79 milliard d’euros, soit les deux tiers du financem<strong>en</strong>t public de la<br />
R&D des <strong>en</strong>treprises (2,56 G€). Ils concernai<strong>en</strong>t près d’<strong>une</strong> c<strong>en</strong>taine d’<strong>en</strong>treprises,<br />
dont <strong>en</strong>viron 60 PME (moins de 500 salariés). Il faut noter que le nombre de PME<br />
bénéficiaires de contrats de R&D pour la déf<strong>en</strong>se s’est s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t accru après<br />
1996, tout <strong>en</strong> connaissant des évolutions fluctuantes. Leur part du montant total<br />
des contrats reste cep<strong>en</strong>dant très faible.<br />
Ce constat, regretté par les PME, paraît difficile à faire évoluer car les grands<br />
industriels systémiers souhait<strong>en</strong>t légitimem<strong>en</strong>t maîtriser le risque de transposition<br />
<strong>technologique</strong> à leurs produits.<br />
147
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
L’<strong>en</strong>jeu économique des exportations d’armem<strong>en</strong>t<br />
L’<strong>en</strong>jeu économique des exportations d’armem<strong>en</strong>t est double. D’<strong>une</strong> part, elles<br />
allèg<strong>en</strong>t l’effort financier de l’État que ce soit sur les matériels actuels (effet de<br />
volume des commandes) ou les programmes futurs (participation au développem<strong>en</strong>t<br />
de nouveaux systèmes d’armes dont la France pourrait être cli<strong>en</strong>te). D’autre part,<br />
elles confort<strong>en</strong>t l’implantation de l’industrie française à l’étranger et accroiss<strong>en</strong>t le<br />
chiffre d’affaires total.<br />
Le marché des exportations d’armem<strong>en</strong>t reflète la performance de notre outil<br />
industriel et l’effort d’innovation <strong>technologique</strong> qui est indisp<strong>en</strong>sable pour maint<strong>en</strong>ir<br />
la place de la France sur l’échiquier mondial. Or, la place de la France est m<strong>en</strong>acée.<br />
L’étude des exportations françaises d’armem<strong>en</strong>t (14) montre que les commandes<br />
ont régressé <strong>en</strong> volume <strong>en</strong>tre 1998 (8,64 G€) et 2004 (3,49 G€) avant d’amorcer<br />
<strong>une</strong> remontée. L’objectif est désormais d’atteindre 7G€ d’ici 2010 soit 13 % du<br />
marché mondial. Cet objectif reste ambitieux au regard des difficultés r<strong>en</strong>contrées<br />
précédemm<strong>en</strong>t : certains programmes emblématiques n’ont pas <strong>en</strong>core trouvé de<br />
débouchés à l’export (exemple typique du Rafale), d’autres ne convainqu<strong>en</strong>t pas<br />
dans la mesure où ils ne sont pas acquis par la France. De façon générale, la part<br />
française des exportations d’armem<strong>en</strong>t est <strong>en</strong> réduction sous l’effet de lobbying des<br />
grandes Nations exportatrices et l’émerg<strong>en</strong>ce de nouveaux acteurs sur ce marché<br />
stratégique.<br />
Même si le niveau des exportations demeure somme toute modeste au regard<br />
d’un budget national, la branche armem<strong>en</strong>t se caractérise par un taux d’exportation<br />
important, de l’ordre de 60%, largem<strong>en</strong>t imputable à l’innovation <strong>technologique</strong><br />
de l’industrie de déf<strong>en</strong>se (15) .<br />
<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> participe donc au développem<strong>en</strong>t économique de la nation<br />
mais induit un effort budgétaire conséqu<strong>en</strong>t, qui peut partiellem<strong>en</strong>t être allégé<br />
par les exportations d’armem<strong>en</strong>t et les perspectives de coopération <strong>en</strong>tre pays<br />
europé<strong>en</strong>s.<br />
(14)<br />
Source DGA/DDI.<br />
(15)<br />
Source : comptes nationaux, branche armem<strong>en</strong>t base 2000 et Insee.<br />
148
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Poids politique<br />
Le Livre blanc (16) précise que les « compét<strong>en</strong>ces sci<strong>en</strong>tifiques, <strong>technologique</strong>s<br />
et industrielles de la France conditionn<strong>en</strong>t sa capacité à satisfaire les besoins des<br />
armées, ceux de nos part<strong>en</strong>aires europé<strong>en</strong>s, et de plus <strong>en</strong> plus ceux des forces<br />
de sécurité intérieure et de sécurité civile. Elles doiv<strong>en</strong>t permettre à la France<br />
de conserver son autonomie stratégique et contribu<strong>en</strong>t à promouvoir l’Europe<br />
comme pôle d’excell<strong>en</strong>ce industriel et <strong>technologique</strong>. » <strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion politique<br />
de la technologie employée dans les outils de déf<strong>en</strong>se est ainsi clairem<strong>en</strong>t posée.<br />
Après avoir prés<strong>en</strong>té la compétitivité de l’industrie française, le Livre blanc<br />
constate la fragm<strong>en</strong>tation de l’industrie de déf<strong>en</strong>se europé<strong>en</strong>ne, précisant que seuls<br />
« certains secteurs, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t l’aéronautique et l’électronique de déf<strong>en</strong>se, ont<br />
vu l’émerg<strong>en</strong>ce de grands groupes europé<strong>en</strong>s. » Et <strong>en</strong>core, ceux-ci sont le fruit de<br />
rapprochem<strong>en</strong>ts guidés par « la volonté des États de conserver sur leur territoire des<br />
capacités de R&D de production et de maint<strong>en</strong>ance jugées stratégiques, » de sorte<br />
que les capacités <strong>technologique</strong>s et industrielles n’ont pas été réparties dans un but<br />
de performance économique. Or il est précisé plus loin qu’il « existe, <strong>en</strong>tre tous les<br />
acteurs de la sécurité nationale, des problématiques <strong>technologique</strong>s partagées, pour<br />
lesquelles seule <strong>une</strong> approche d’<strong>en</strong>semble est de nature à dégager des synergies.<br />
Des approches séparées pourrai<strong>en</strong>t créer des duplications et nuire à l’interopérabilité<br />
des équipem<strong>en</strong>ts. »<br />
C’est là tout le paradoxe lié à l’innovation et aux technologies mises <strong>en</strong> œuvre<br />
dans les équipem<strong>en</strong>ts de déf<strong>en</strong>se, considérées par les uns comme instrum<strong>en</strong>t de<br />
coopération et, par les autres, comme parties intégrantes de la souveraineté.<br />
D’ailleurs, les préconisations du Livre blanc <strong>en</strong> matière de mutualisation des<br />
démarches de recherche abord<strong>en</strong>t le problème sous l’angle strictem<strong>en</strong>t national<br />
(avec la recherche d’effici<strong>en</strong>ce au travers du r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t des synergies des<br />
programmes de R&T de sécurité et de déf<strong>en</strong>se, dans le cadre d’<strong>une</strong> coordination<br />
interministérielle) mais égalem<strong>en</strong>t dans le cadre europé<strong>en</strong>, qui constitue « <strong>une</strong><br />
opportunité pour fédérer les efforts <strong>en</strong> matière de R&T » et « pour jeter les bases<br />
de coopérations futures. »<br />
(16)<br />
Préambule du chapitre 16 : "l’industrie et la recherche".<br />
149
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
<strong>La</strong> technologie au service de la coopération<br />
Si les <strong>en</strong>jeux de souveraineté associés à certaines technologies sont évid<strong>en</strong>ts,<br />
il est <strong>en</strong> revanche beaucoup moins simple, aujourd’hui, de définir le contour des<br />
technologies susceptibles d’être partagées, ainsi que les raisons de ce partage. Ce<br />
point est sans doute le premier à examiner et peut se résumer à <strong>une</strong> question :<br />
pourquoi coopérer ? Un bref retour sur les coopérations lancées ces cinquante<br />
dernières années permet de mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce trois catégories de motivation :<br />
– la recherche d’un partage des coûts et des risques ;<br />
– l’acquisition des compét<strong>en</strong>ces et/ou l’accession à un marché export, dans le<br />
cadre d’<strong>une</strong> politique industrielle ;<br />
– <strong>une</strong> volonté de coopération inter-étatique à travers des industriels, dans le<br />
cadre d’<strong>une</strong> politique étrangère.<br />
Or, <strong>en</strong> examinant chac<strong>une</strong> de ces trois catégories, les résultats sont pour le moins<br />
mitigés. En effet :<br />
• En matière de partage des coûts et des risques dans le domaine des<br />
technologies, il apparaît que la coopération permet des investissem<strong>en</strong>ts qui<br />
n’aurai<strong>en</strong>t été tout simplem<strong>en</strong>t pas possibles <strong>en</strong> national mais a égalem<strong>en</strong>t<br />
t<strong>en</strong>dance à r<strong>en</strong>chérir le coût des programmes et à compliquer la résolution des<br />
problèmes techniques par <strong>une</strong> inévitable dilution des responsabilités.<br />
• Dans le cadre d’<strong>une</strong> politique industrielle, l’Eurofighter est un exemple de<br />
véritable réussite au s<strong>en</strong>s de l’acquisition de compét<strong>en</strong>ces et de la mise<br />
<strong>en</strong> œuvre d’<strong>une</strong> politique de développem<strong>en</strong>t d’<strong>une</strong> industrie nationale, <strong>en</strong><br />
particulier dans le cas de l’Espagne. En revanche, les limites de cette politique<br />
industrielle peuv<strong>en</strong>t se trouver confrontées aux intérêts des industriels<br />
concernés. En matière d’accès à un marché, le Scalp/Storm Shadow est souv<strong>en</strong>t<br />
cité comme l’exemple d’un programme <strong>en</strong> coopération réussie, dans l’intérêt<br />
commun des industriels et des armées acheteuses. En revanche, il existe des cas<br />
où la volonté politique d’avoir un programme commun n’a pas été couronnée<br />
de succès. Ainsi, le lancem<strong>en</strong>t dans les années 1950 d’un projet de char de<br />
combat commun à l’Allemagne, la France et l’Italie a débouché sur l’acquisition<br />
de trois chars différ<strong>en</strong>ts.<br />
150
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Les politiques volontaristes de coopération ont connu de francs succès, avec, par<br />
exemple, le Transall, fruit d’<strong>une</strong> coopération politique <strong>en</strong>tre l’Allemagne et la France,<br />
et les achats croisés d’hélicoptères Gazelle, Puma et Lynx, qui sont le reflet d’<strong>une</strong><br />
volonté politique de coopération <strong>en</strong>tre la France et le Royaume Uni. En revanche,<br />
la volonté politique ne suffit pas toujours, <strong>en</strong> particulier si elle ne s’accompagne<br />
pas d’<strong>une</strong> converg<strong>en</strong>ce des besoins tant cal<strong>en</strong>daires que capacitaires. Le VBCI et le<br />
missile anti-char AC3G sont ainsi de bons exemples d’<strong>une</strong> coopération voulue au<br />
niveau politique, mais insuffisamm<strong>en</strong>t déclinée sur les plans cal<strong>en</strong>daire, capacitaire,<br />
voire industriel.<br />
Il ressort des exemples précéd<strong>en</strong>ts que la technologie ne peut être considérée<br />
comme un instrum<strong>en</strong>t efficace de coopération que dans certaines conditions, la<br />
principale d’<strong>en</strong>tre elles étant l’exist<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> volonté politique forte et pér<strong>en</strong>ne<br />
de coopération. Il faut, <strong>en</strong> outre, que les industriels concernés par cette coopération<br />
y trouv<strong>en</strong>t un intérêt et ne soi<strong>en</strong>t pas contraints de procéder par des alliances de<br />
circonstance lorsqu’il est prévu de faire travailler <strong>en</strong>semble sur un programme<br />
conjoint des <strong>en</strong>treprises concurr<strong>en</strong>tes sur d’autres. Enfin si la converg<strong>en</strong>ce des<br />
cal<strong>en</strong>driers et des besoins capacitaires n’est pas satisfaite, la technologie devi<strong>en</strong>t<br />
le plus petit dénominateur commun.<br />
Les réflexions m<strong>en</strong>ées dans le cadre de la préparation du Livre blanc ont abouti<br />
à la conclusion que la France considère qu’<strong>en</strong> dehors du domaine de souveraineté,<br />
conc<strong>en</strong>tré sur les capacités nécessaires au mainti<strong>en</strong> de l‘autonomie stratégique<br />
et politique de la nation, c’est le cadre europé<strong>en</strong> qui doit être privilégié pour<br />
l’<strong>en</strong>semble des technologies et capacités qu’elle souhaite acquérir. Ce cadre<br />
europé<strong>en</strong> n’exclut pas, bi<strong>en</strong> au contraire, l’exist<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> politique industrielle<br />
nationale, même s’il est par ailleurs admis que l’industrie d’armem<strong>en</strong>t ne peut plus<br />
s’<strong>en</strong> remettre aux seules dép<strong>en</strong>ses militaires des États pour assurer l’intégralité<br />
de ses plans de charge.<br />
<strong>La</strong> technologie joue ici un rôle tout particulier puisque le gouvernem<strong>en</strong>t considère<br />
que l’industrie de déf<strong>en</strong>se peut <strong>en</strong> revanche att<strong>en</strong>dre des États qu’ils lui assur<strong>en</strong>t<br />
les conditions de son développem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> lui donnant les moy<strong>en</strong>s de se maint<strong>en</strong>ir<br />
au plus haut niveau de la technologie, <strong>en</strong> favorisant ses exportations (elles-mêmes<br />
bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t conditionnées par le cont<strong>en</strong>u <strong>technologique</strong> des équipem<strong>en</strong>ts), et <strong>en</strong><br />
la protégeant contre des concurr<strong>en</strong>ces déloyales.<br />
151
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
<strong>La</strong> première priorité : se maint<strong>en</strong>ir aux frontières de la technologie<br />
Dans son discours du 10 octobre 2008 devant la conv<strong>en</strong>tion de l’Association<br />
europé<strong>en</strong>ne des industries de l’aéronautique, de l’espace et de la déf<strong>en</strong>se, M. Fillon,<br />
Premier ministre, a ainsi déclaré, que « la première priorité pour cette industrie, c’est de<br />
se maint<strong>en</strong>ir aux frontières de la technologie. C’est vrai pour l’<strong>en</strong>semble de la filière :<br />
naturellem<strong>en</strong>t pour les grands <strong>en</strong>sembliers qui ne peuv<strong>en</strong>t exister qu’au niveau mondial,<br />
mais aussi pour les équipem<strong>en</strong>tiers, pour les sous-traitants qui ont leurs assises au<br />
niveau national et europé<strong>en</strong>, un niveau pour lequel l’implication des pouvoirs publics est<br />
déterminante. C'est la raison pour laquelle notre effort de recherche et de développem<strong>en</strong>t<br />
ne peut pas se limiter aux grands <strong>en</strong>sembliers. » <strong>La</strong> conclusion du discours fait la part<br />
belle à la technologie, indiquant que « dans l’instabilité actuelle, les pouvoirs publics ont<br />
plus que jamais le devoir d'investir dans la sécurité naturellem<strong>en</strong>t, mais aussi d'investir<br />
dans la technologie, parce que la recherche et la technologie constitu<strong>en</strong>t […] la meilleure<br />
réponse à la crise que nous r<strong>en</strong>controns. »<br />
<strong>La</strong> France place donc, résolum<strong>en</strong>t, la technologie au c<strong>en</strong>tre du débat sur l’av<strong>en</strong>ir de<br />
l’industrie nationale et europé<strong>en</strong>ne d’armem<strong>en</strong>t. Ce qui ne constitue pas pour autant<br />
un chèque <strong>en</strong> blanc fait à l’industrie. Ainsi, le gouvernem<strong>en</strong>t est pleinem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>t<br />
des résultats publiés dans un réc<strong>en</strong>t rapport du G<strong>en</strong>eral Accounting Office américain,<br />
selon lequel 70 % des 96 principaux programmes d’armem<strong>en</strong>t américains accus<strong>en</strong>t<br />
de sérieux retards et dépassem<strong>en</strong>ts de coûts, pour l’ess<strong>en</strong>tiel dus à l’utilisation de<br />
technologies insuffisamm<strong>en</strong>t matures (ce qui découle notamm<strong>en</strong>t de prototypes<br />
dont la faisabilité opérationnelle n’était pas pleinem<strong>en</strong>t démontrée), ainsi qu’à des<br />
modifications de spécifications au cours du développem<strong>en</strong>t des systèmes. En France,<br />
le constat de dérives similaires a incité les auteurs du Livre blanc à préconiser le<br />
r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de la maîtrise technique, économique et financière des programmes<br />
d’armem<strong>en</strong>t, notamm<strong>en</strong>t à travers le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t des capacités d’analyse<br />
économique et financière du ministère de la Déf<strong>en</strong>se, la mise <strong>en</strong> place d’un comité<br />
ministériel des investissem<strong>en</strong>ts de déf<strong>en</strong>se et la consolidation progressive des devis<br />
des programmes, au fur et à mesure de l’avancem<strong>en</strong>t des travaux de préparation.<br />
L’importance de la volonté politique est donc bi<strong>en</strong> démontrée, elle est <strong>une</strong> des raisons<br />
de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> et s’appuie sur des outils décrits dans l’annexe 1.<br />
Le cas du Royaume Uni est décrit <strong>en</strong> annexe 3.<br />
152
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Développem<strong>en</strong>t durable et <strong>course</strong> à la technologie<br />
Le métier des armes et l’utilisation de l’armem<strong>en</strong>t ne peuv<strong>en</strong>t plus se concevoir<br />
sans pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les règles posées par la protection de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<br />
que ce soit <strong>en</strong> conflit armé ou dans le cadre de l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t de nos forces.<br />
L’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t doit faire partie des missions de la déf<strong>en</strong>se à tous les stades :<br />
– éco-conception des systèmes d’armes ;<br />
– utilisation des armes à travers le droit des conflits (interdiction des armes<br />
chimiques) ;<br />
– fin de vie des équipem<strong>en</strong>ts à travers le démantèlem<strong>en</strong>t des matériels.<br />
Nous avons donc choisi d’illustrer l’impact des nouvelles réglem<strong>en</strong>tations, Reach<br />
<strong>en</strong> particulier (détaillé <strong>en</strong> annexe 2), sur la recherche et les progrès <strong>technologique</strong>s.<br />
Ces réglem<strong>en</strong>tations et leurs objectifs, dont chacun reconnaît la nécessité, sont<br />
malgré tout souv<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>tis comme un mal nécessaire, impliquant des surcoûts qui<br />
par nature ne sont pas, ou rarem<strong>en</strong>t, financés, puisqu’il ne s’agit que d’appliquer la<br />
loi. Elles sont cep<strong>en</strong>dant à l’origine de nouveaux champs de recherche <strong>technologique</strong>,<br />
qui ont d’ores et déjà abouti à des résultats et des applications <strong>en</strong> rapport avec le<br />
domaine de l’armem<strong>en</strong>t.<br />
Il faut noter que Reach prône l’innovation <strong>en</strong> réponse aux nouvelles contraintes et<br />
prévoit à cet effet des dérogations pour les activités de recherche et développem<strong>en</strong>t<br />
sur les substances.<br />
Les progrès <strong>technologique</strong>s associés au développem<strong>en</strong>t durable<br />
Les substances objet de la directive Rohs et du règlem<strong>en</strong>t Reach sont <strong>en</strong> général<br />
toxiques, cancérigènes ou mutagènes. Elles représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t un danger pour<br />
l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t de par leur très longue durée de vie. Une de leurs particularités<br />
est la résistance aux "agressions" extérieures (exemple du Chrome 6 utilisé pour<br />
ses propriétés anticorrosives). L’abandon de telles substances constitue donc un<br />
défi <strong>technologique</strong>, dans la mesure ou il faudra essayer de développer des solutions<br />
alternatives prés<strong>en</strong>tant les mêmes avantages ou performances que les substances<br />
interdites, mais n’<strong>en</strong> ayant pas les inconvéni<strong>en</strong>ts.<br />
153
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Un facteur indéniable de progrès sera la <strong>course</strong> que ne manqueront pas de faire<br />
les industriels, afin de pénétrer le marché des substances conformes aux nouvelles<br />
réglem<strong>en</strong>tations et y gagner des parts significatives.<br />
Les nombreux développem<strong>en</strong>ts m<strong>en</strong>és dans des domaines diversifiés reflèt<strong>en</strong>t<br />
bi<strong>en</strong> cette évolution. À titre d’exemple, citons :<br />
Les biocarburants : produits à partir de matériaux organiques non fossiles, ils<br />
ont atteint des degrés de maturité divers. Ceux de première génération (filière<br />
huile et alcool), du type bio-éthanol, sont déjà utilisés dans de nombreux cas. Les<br />
biocarburants dits de deuxième génération sont développés pour se substituer, au<br />
moins partiellem<strong>en</strong>t, au kérosène. Deux vols d'essais ont eu lieu fin 2008 et début<br />
2009 sur un Boeing 747, puis un 737, dont un des réacteurs a été alim<strong>en</strong>té avec 50<br />
% de biocarburant et 50 % de kérosène traditionnel. Les mélanges se sont comportés<br />
sans altérer le fonctionnem<strong>en</strong>t des moteurs, sinon <strong>une</strong> baisse de consommation<br />
inférieure à 2 %. Les biocarburants à partir de micro-algues sont appelés de "troisième<br />
génération". D’un point de vue théorique 30 à 100 fois plus efficaces que les<br />
oléagineux terrestres, les agro-carburants pourront être produits avec les meilleurs<br />
r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>ts, r<strong>en</strong>dant ainsi <strong>en</strong>visageable <strong>une</strong> production de masse (par exemple pour<br />
l'aviation), sans déforestation massive ni concurr<strong>en</strong>ce avec les cultures alim<strong>en</strong>taires. <strong>La</strong><br />
Darpa américaine a décidé de financer à hauteur de 25 M$ des projets de recherche<br />
sur la production de biocarburant pour l’aviation militaire.<br />
Toujours dans le domaine des énergies propres, les piles à combustible sont des<br />
convertisseurs d’énergie <strong>en</strong> progrès perman<strong>en</strong>t, dont les applications se développ<strong>en</strong>t<br />
dans différ<strong>en</strong>ts domaines, et comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à intéresser la déf<strong>en</strong>se, <strong>en</strong> particulier aux<br />
États-Unis et au Canada.<br />
Le MIT a développé <strong>une</strong> membrane semblable à du papier buvard, constituée<br />
de nano-fibres. Totalem<strong>en</strong>t imperméable à l’eau, elle peut absorber jusqu’à 20 fois<br />
son poids d’huile. L’Army Environm<strong>en</strong>tal Policy Institute a relevé les implications<br />
militaires de ce nouveau matériel et le MoD américain est intéressé par cette<br />
technologie pour ses capacités d’absorption de solvants.<br />
De manière plus générale, les textiles techniques offr<strong>en</strong>t <strong>une</strong> perspective<br />
d’utilisation écologique pour la déf<strong>en</strong>se : structures gonflables pour créer des<br />
hôpitaux mobiles, stores économiseurs d’énergie, etc.<br />
154
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Il apparaît donc que ceux qui auront maîtrisé, voire anticipé, les contraintes<br />
imposées par le domaine du développem<strong>en</strong>t durable, auront un avantage certain.<br />
Synthèse :<br />
<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> dép<strong>en</strong>d de plusieurs paramètres qui interagiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre<br />
eux. En se basant sur le cas très concret d’un programme d’armem<strong>en</strong>t, on peut<br />
illustrer la plupart de ces interactions par le schéma suivant :<br />
États-majors<br />
opérationnels<br />
Études technicoopérationnelles,<br />
Retex<br />
Pression du<br />
politique et de<br />
la compétitivité<br />
Besoin<br />
opérationnel,<br />
flexibilité<br />
adaptabilité<br />
Contraintes<br />
économiques<br />
et réglem<strong>en</strong>taires<br />
Coordination<br />
ASF, DP/OP<br />
Industriel<br />
<strong>La</strong>boratoires<br />
R&T<br />
Contrat<br />
DGA<br />
Le trinôme des relations dans un programme d’armem<strong>en</strong>t.<br />
155
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
« Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les<br />
problèmes qu'il <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre ne saurai<strong>en</strong>t être résolus à ce même niveau. »<br />
Albert Einstein<br />
COMMENT RENDRE LE SYSTÈME PLUS EFFICACE ?<br />
Les <strong>en</strong>jeux et interactions <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts acteurs de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />
étant déterminés, il incombait au comité de réfléchir à l’évolution d’un tel système<br />
au regard de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t actuel et futur de notre outil de déf<strong>en</strong>se.<br />
Cette étude prospective s’est basée sur les ori<strong>en</strong>tations suivantes :<br />
– maîtriser le coût <strong>technologique</strong> des systèmes d’armes ;<br />
– maîtriser l’intégration de la technologie dans les systèmes de déf<strong>en</strong>se ;<br />
– concilier évolution <strong>technologique</strong>, <strong>en</strong>jeux politiques et sociétaux et impératifs<br />
opérationnels ;<br />
– cibler les domaines <strong>technologique</strong>s prioritaires pour notre outil de déf<strong>en</strong>se.<br />
Maîtriser le coût <strong>technologique</strong> des systèmes d’armes<br />
<strong>La</strong> plupart des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s effectués par notre comité a mis <strong>en</strong> lumière le<br />
caractère primordial du paramètre coût. Il semble que, tant pour les responsables<br />
opérationnels que pour les industriels de l’armem<strong>en</strong>t, la limite financière demeure<br />
le principal frein à la recherche de solutions <strong>technologique</strong>s pouvant garantir<br />
la supériorité opérationnelle. Il est donc à la fois nécessaire de r<strong>en</strong>tabiliser au<br />
mieux les investissem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> matière de R&T et de les maint<strong>en</strong>ir à un niveau<br />
nécessaire et suffisant <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce avec les objectifs capacitaires de la Nation.<br />
Une telle maîtrise suppose <strong>une</strong> stratégie visant à optimiser l’effort financier <strong>en</strong><br />
amont des programmes d’armem<strong>en</strong>t, mais égalem<strong>en</strong>t tout au long du cycle de<br />
vie des systèmes d’armes.<br />
L’optimisation n’est pas un objectif irréaliste : pour s’<strong>en</strong> convaincre, il suffit de<br />
constater que, malgré des investissem<strong>en</strong>ts de R&T dix fois supérieurs, l’avancée<br />
<strong>technologique</strong> des États-Unis par rapport aux Nations europé<strong>en</strong>nes ne se traduit<br />
pas par un écart capacitaire et qualitatif équival<strong>en</strong>t. Toutefois, il est raisonnable de<br />
p<strong>en</strong>ser que les marges de progrès sont réduites.<br />
156
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
En amont des programmes d’armem<strong>en</strong>t, la recherche <strong>technologique</strong> demeure<br />
stratégique pour la Nation. Dans la mesure où elle conditionne la majorité du coût<br />
des systèmes futurs, elle doit rester à un niveau d’investissem<strong>en</strong>t important. Il est<br />
donc indisp<strong>en</strong>sable de piloter l’ERT non pas comme un pourc<strong>en</strong>tage du budget<br />
global de Déf<strong>en</strong>se, mais comme <strong>une</strong> valeur absolue. Cet ERT doit être conçu <strong>en</strong><br />
t<strong>en</strong>ant compte des capacités que la France veut préserver afin de maint<strong>en</strong>ir son<br />
rang. En effet, réduire les financem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> deçà d’un certain seuil revi<strong>en</strong>drait à<br />
r<strong>en</strong>oncer à un secteur <strong>technologique</strong> et à dev<strong>en</strong>ir dép<strong>en</strong>dant d’autres Nations. <strong>La</strong><br />
cartographie <strong>technologique</strong> doit être mise à jour régulièrem<strong>en</strong>t afin de mieux cerner<br />
les priorités de dép<strong>en</strong>ses R&T et alerter sur la criticité de leur évolution. À l’inverse,<br />
les investissem<strong>en</strong>ts doiv<strong>en</strong>t être p<strong>en</strong>sés beaucoup plus <strong>en</strong> termes de r<strong>en</strong>tabilité sur<br />
la durée. Le rôle de la DGA/D4S est, sur ce point, déterminant.<br />
Recommandation n° 1<br />
Maint<strong>en</strong>ir l’ERT et veiller à la r<strong>en</strong>tabilité sur le long terme des investissem<strong>en</strong>ts par<br />
grands secteurs <strong>technologique</strong>s.<br />
Une piste d’allègem<strong>en</strong>t de l’effort cons<strong>en</strong>ti par l’État pourrait consister à<br />
formaliser un retour sur investissem<strong>en</strong>t : à l’instar de ce qui se pratique dans le<br />
domaine de l’aviation civile, il convi<strong>en</strong>drait de recourir à des avances remboursables<br />
selon des critères préétablis et basés sur le nombre de matériels v<strong>en</strong>dus, notamm<strong>en</strong>t<br />
à l’export, intégrant la technologie concernée. Le financem<strong>en</strong>t des développem<strong>en</strong>ts<br />
militaires s’<strong>en</strong> trouverait ainsi réduit a posteriori.<br />
Face aux impératifs budgétaires qui peuv<strong>en</strong>t se traduire par des réductions<br />
importantes pour les budgets de Déf<strong>en</strong>se, la préservation d’un budget R&T passera<br />
égalem<strong>en</strong>t par la mutualisation des efforts de recherche avec d’autres part<strong>en</strong>aires.<br />
Deux composantes doiv<strong>en</strong>t ainsi être exploitées :<br />
<strong>La</strong> dualité des technologies civiles et militaires : les avis ont pu être partagés<br />
sur les perspectives et limites d’<strong>une</strong> telle dualité. S’il est vrai que les technologies<br />
de pointe ont souv<strong>en</strong>t été développées initialem<strong>en</strong>t pour des applications militaires,<br />
le secteur civil est aujourd’hui leader sur de nombreux secteurs <strong>technologique</strong>s<br />
intéressant le monde militaire. On peut citer toutes les NTIC, les systèmes embarqués<br />
de détection, reconnaissance, navigation, les systèmes énergétiques et propulsifs,<br />
les nanotechnologies, etc. De telles technologies seront développées, pour <strong>une</strong><br />
157
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
grande partie, dans un contexte d’applications civiles pour lesquelles les volumes<br />
seront importants (cf. annexe 4 pour la vision du ministère de l’Industrie sur le<br />
sujet et l’annexe 5 pour l’application à un cas concret, celui de l’automobile). Leur<br />
transposition au monde militaire devrait donc se faire à coût raisonnable.<br />
<strong>La</strong> mutualisation des coûts de développem<strong>en</strong>t est déjà <strong>une</strong> réalité et la bonne<br />
collaboration <strong>en</strong>tre le ministère de la Déf<strong>en</strong>se et le ministère de la Recherche a pu<br />
être constatée. De même le partage de responsabilité <strong>en</strong>tre DGA et DGAC pour ce<br />
qui touche au domaine aéronautique apparaît globalem<strong>en</strong>t satisfaisant. <strong>La</strong> R&T doit<br />
rester l’un des principaux domaines de coopération interministérielle ce qui peut<br />
nécessiter le r<strong>en</strong>fort des structures actuelles. En revanche la dualité ne peut être<br />
considérée comme la solution miracle aux questions de déf<strong>en</strong>se.<br />
<strong>La</strong> dissymétrie des transferts <strong>technologique</strong>s <strong>en</strong>tre les mondes civil et militaire<br />
est déjà un signal instructif, car il montre que le militaire continue globalem<strong>en</strong>t à<br />
irriguer le monde civil. Par ailleurs, les cycles de développem<strong>en</strong>t industriel sont le<br />
plus souv<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ts. L’exemple de l’automobile est instructif : alors que des fortes<br />
similitudes, possibilités de transferts de technologies ou d’utilisation d’items duaux<br />
pourrai<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>visagées, la réalité montre qu’il n’<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>. Les modèles de la<br />
gamme civile évolu<strong>en</strong>t tous les trois à cinq ans alors que les véhicules militaires<br />
similaires rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong> service de 20 à 25 ans. Cela induit deux problèmes, la maîtrise<br />
des évolutions et le suivi des obsolesc<strong>en</strong>ces. Actuellem<strong>en</strong>t la durée de vie et de<br />
souti<strong>en</strong> des équipem<strong>en</strong>ts de l’industrie automobile est de dix ans. Il faut donc que<br />
le cycle de rénovation des véhicules militaires soit inférieur à cette limite malgré un<br />
taux d’emploi et d’usure faible comparativem<strong>en</strong>t au civil (par exemple le moteur<br />
du VBL est un moteur PSA, prévu pour parcourir 250 000 km <strong>en</strong> dix ans, alors que<br />
le VBL a été conçu pour un emploi de 2 500 km/an soit 25 000 km <strong>en</strong> dix ans …).<br />
Le MRTT, dont la plate-forme est dérivée de plates-formes civiles (qu’il s’agisse<br />
de l’A330 ou du B767) est <strong>une</strong> bonne illustration des technologies civiles réutilisées<br />
pour des applications militaires ; il aurait été illusoire aujourd’hui de développer <strong>une</strong><br />
plate-forme militaire spécifique à cette fin, ce qui avait pourtant été le cas dans les<br />
années 1950, avec le KC135 dont a été dérivé le Boeing 707.<br />
Une t<strong>en</strong>dance générale peut être dégagée sous forme de recommandation.<br />
158
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Recommandation n° 2<br />
Dans le cas de transposition de technologies civiles, piloter systématiquem<strong>en</strong>t le<br />
coût financier et cal<strong>en</strong>daire d’adaptation aux contraintes opérationnelles les plus<br />
dim<strong>en</strong>sionnantes (disponibilité, maint<strong>en</strong>abilité et obsolesc<strong>en</strong>ce des composants<br />
notamm<strong>en</strong>t).<br />
<strong>La</strong> dualité devi<strong>en</strong>dra stratégique notamm<strong>en</strong>t pour les programmes de sécurité. Le<br />
Livre blanc insiste sur le li<strong>en</strong> étroit <strong>en</strong>tre sécurité et déf<strong>en</strong>se et les armées assur<strong>en</strong>t<br />
déjà de nombreuses missions à vocation sécuritaire : sûreté aéri<strong>en</strong>ne, sauvegarde<br />
maritime, assistance à la sécurité civile, sécurité des forces et des populations <strong>en</strong><br />
opérations. De fait, beaucoup de technologies intéress<strong>en</strong>t la Déf<strong>en</strong>se et la Sécurité :<br />
r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, drone, système de communication et de gestion de crise, surveillance<br />
des frontières, détection, protection, NRBC… Leur mutualisation doit passer par<br />
<strong>une</strong> forte coopération avec les ministères civils (Intérieur, Transports, SGDN) comme<br />
c’est déjà le cas mais aussi par <strong>une</strong> plus grande implication dans les programmes<br />
sécurité sous l’égide de l’Ag<strong>en</strong>ce nationale pour la recherche (programme Sécurité)<br />
ou des projets sécurité des pôles de compétitivité.<br />
Recommandation n° 3<br />
R<strong>en</strong>forcer l’implication du ministère de la Déf<strong>en</strong>se dans les instances de gouvernance<br />
des pôles de compétitivité, afin de garantir la prise <strong>en</strong> compte des applications<br />
militaires dans les projets R&T de sécurité.<br />
<strong>La</strong> coopération internationale : Souv<strong>en</strong>t promue, parfois décriée, la coopération<br />
demeure un moy<strong>en</strong> efficace de partager les coûts de développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong><br />
<strong>en</strong>tre les pays. Se pose régulièrem<strong>en</strong>t la question de l’équité du partage de<br />
responsabilité et du retour sur investissem<strong>en</strong>t. Le débat dépasse largem<strong>en</strong>t le strict<br />
cadre de cette étude et ne sera donc pas approfondi ici. Cep<strong>en</strong>dant de grandes<br />
lignes peuv<strong>en</strong>t être dégagées. D’<strong>une</strong> part, le Livre blanc confirme très clairem<strong>en</strong>t la<br />
volonté d'acc<strong>en</strong>tuer la part des recherches réalisées <strong>en</strong> coopération europé<strong>en</strong>ne,<br />
ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t au travers de l'Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se à laquelle la France<br />
proposera des "projets mobilisateurs" et dont elle souhaite voir le budget propre<br />
s'accroître significativem<strong>en</strong>t. Il est <strong>en</strong> effet indisp<strong>en</strong>sable de mettre <strong>en</strong> commun<br />
les réflexions et de recouper les résultats, d'éviter la dispersion des ressources<br />
europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> la matière, déjà très inférieures à celles dégagées par les États-Unis<br />
et de favoriser l'émerg<strong>en</strong>ce de programmes communs sur les équipem<strong>en</strong>ts futurs.<br />
159
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Par ailleurs, le projet de loi de programmation militaire m<strong>en</strong>tionne des « projets<br />
ambitieux <strong>en</strong> coopération europé<strong>en</strong>ne de recherche et acquisition de technologies<br />
visant à :<br />
– augm<strong>en</strong>ter l'effort d'innovation très <strong>en</strong> amont pour détecter et sout<strong>en</strong>ir les<br />
technologies émerg<strong>en</strong>tes et de rupture, dans les laboratoires de recherche et<br />
les PME innovantes, au travers de la coopération avec l'Ag<strong>en</strong>ce nationale de<br />
la recherche et les pôles de compétitivité ;<br />
– consolider le socle <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> portant à maturité les technologies pour les<br />
drones, les robots, les radars passifs, la communication numérique, les systèmes<br />
de systèmes et la protection de l'homme et des sites et les technologies<br />
spatiales des futurs programmes de télécommunications, d'observation et de<br />
surveillance, à la base de la supériorité de l'information ;<br />
– développer l'approche des démonstrateurs <strong>technologique</strong>s qui serv<strong>en</strong>t à<br />
maîtriser les risques <strong>technologique</strong>s des programmes, à s'assurer très tôt<br />
de l'adéquation des solutions <strong>technologique</strong>s à un emploi militaire et qui<br />
fourniss<strong>en</strong>t un cadre structurant pour l'industrie europé<strong>en</strong>ne. »<br />
Face aux investissem<strong>en</strong>ts américains et à la montée du pot<strong>en</strong>tiel sci<strong>en</strong>tifique<br />
asiatique, <strong>une</strong> politique sci<strong>en</strong>tifique à l’échelle europé<strong>en</strong>ne demeure nécessaire.<br />
Dans cette optique, la participation de la déf<strong>en</strong>se aux réseaux de la recherche<br />
civile europé<strong>en</strong>ne (PERS, PCRD…) continue à se développer. Dans le domaine<br />
de la déf<strong>en</strong>se, l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se devrait non seulem<strong>en</strong>t avoir<br />
l’ambition de piloter des démonstrateurs <strong>technologique</strong>s d’<strong>en</strong>vergure, mais aussi<br />
des programmes de R&T de base. Même si ceux-ci n’ont pas la visibilité politique<br />
de démonstrateurs <strong>technologique</strong>s, ils n’<strong>en</strong> sont pas moins utiles pour consolider les<br />
capacités sci<strong>en</strong>tifiques indisp<strong>en</strong>sables au mainti<strong>en</strong> à long terme de l’indép<strong>en</strong>dance<br />
<strong>technologique</strong> europé<strong>en</strong>ne dans certains secteurs stratégiques pour la déf<strong>en</strong>se.<br />
<strong>La</strong> recherche systématique de coopérations R&T <strong>en</strong> amont des programmes<br />
d’armem<strong>en</strong>t doit permettre de partager les coûts et d’aider à la rationalisation<br />
des capacités opérationnelles <strong>en</strong> Europe. Cette construction pr<strong>en</strong>dra du temps et<br />
implique <strong>une</strong> forte volonté politique de tous les États membres. Compte t<strong>en</strong>u de<br />
la forte disparité économique et industrielle des pays de l’Union, il est plus réaliste<br />
de rechercher des coopérations <strong>en</strong>tre pays signataires de la Letter of Int<strong>en</strong>t (Loi). Si<br />
des choix devai<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>ir au niveau europé<strong>en</strong>, il est probable que ces pays se<br />
verrai<strong>en</strong>t confortés dans leur leadership tout <strong>en</strong> veillant à offrir des comp<strong>en</strong>sations<br />
160
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
aux petits pays n’ayant pas de réelle industrie de déf<strong>en</strong>se. L’approche pragmatique,<br />
signalée par plusieurs personnalités interrogées, consiste à initier des coopérations<br />
bilatérales équilibrées puis à étudier leur possible élargissem<strong>en</strong>t à d’autres<br />
part<strong>en</strong>aires europé<strong>en</strong>s. <strong>La</strong> fin de la règle du juste retour par pays coopérant et la<br />
montée <strong>en</strong> puissance d’ag<strong>en</strong>ce internationale ayant mandat des nations (telles que<br />
l’AED et l’Occar) devrait r<strong>en</strong>dre l’approche plus objective et limiter les coûts par<br />
programme. Enfin, la constitution de véritables programmes d’armem<strong>en</strong>t europé<strong>en</strong>s<br />
devrait être bénéfique pour les exportations intra et extracommunautaires.<br />
Recommandation n° 4<br />
Privilégier les coopérations bilatérales sur des technologies innovantes dont<br />
l’applicabilité opérationnelle justifie d’aller jusqu’au niveau démonstrateur. Ces<br />
coopérations doiv<strong>en</strong>t permettre de légitimer le rôle majeur de l’AED.<br />
Maîtriser l’intégration de la technologie dans les futurs systèmes d’armes<br />
Si nous avons pu voir tout l’<strong>en</strong>jeu du paramètre coût, il convi<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t de mieux<br />
appréh<strong>en</strong>der la déclinaison de nouvelles technologies dans les futurs systèmes d’armes.<br />
Cela suppose d’avoir <strong>une</strong> parfaite maîtrise des <strong>en</strong>jeux sci<strong>en</strong>tifiques (maturité de la<br />
technologie), mais égalem<strong>en</strong>t industriels (faisabilité industrielle, maîtrise <strong>en</strong> production)<br />
et opérationnels (capacité sur le terrain, souti<strong>en</strong> et formation) donc de maîtriser la prise<br />
<strong>en</strong> compte de la technologie à tous les stades du cycle décrit ci-après :<br />
<strong>La</strong> doctrine<br />
<strong>La</strong> formation<br />
Le Retex<br />
<strong>La</strong> R&T<br />
<strong>La</strong> mise<br />
<strong>en</strong> œuvre<br />
opérationnelle<br />
161
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Formalisation du besoin opérationnel et mise <strong>en</strong> œuvre opérationnelle<br />
Il n’est pas souhaitable de spécifier <strong>une</strong> solution <strong>technologique</strong>, néanmoins<br />
l’impact <strong>technologique</strong> est sous-jac<strong>en</strong>t et ne peut être traité de façon indép<strong>en</strong>dante.<br />
Il est donc nécessaire d’avoir dès cette étape <strong>une</strong> idée des technologies qui seront<br />
appliquées et leur coût respectif. Cela suppose <strong>une</strong> parfaite communication <strong>en</strong>tre les<br />
acteurs de la conduite des programmes d’armem<strong>en</strong>t. Comme évoqué par certains<br />
industriels, il n’y a donc pas opposition <strong>en</strong>tre technologie et besoin, l’ess<strong>en</strong>tiel étant<br />
d’avoir <strong>une</strong> analyse fonctionnelle rigoureuse, véritable outil de dialogue <strong>en</strong>tre maître<br />
d’ouvrage étatique et maîtres d’œuvre industriels.<br />
Recommandation n° 5<br />
Disposer dans la phase d’expression du besoin d’<strong>une</strong> analyse fonctionnelle et de la<br />
valeur ori<strong>en</strong>tée "technologie" qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce la maturité des technologies<br />
concernées ainsi que les risques, coût d’acquisition et coût de souti<strong>en</strong>.<br />
De plus, de nombreux outils sont déjà mis <strong>en</strong> place par les industriels <strong>en</strong> phase<br />
de conception et mérit<strong>en</strong>t d’être cités : ingénierie concourante pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte<br />
les problématiques de souti<strong>en</strong>, conception à coût objectif, Lean Engineering et Lean<br />
Manufacturing (17) , développem<strong>en</strong>ts incrém<strong>en</strong>taux, tableau de bord <strong>technologique</strong><br />
s’appuyant sur les TRL, etc.<br />
Il n’<strong>en</strong> demeure pas moins que la conception d’un système hautem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong><br />
implique <strong>une</strong> prise de risque qui ne peut être portée uniquem<strong>en</strong>t par le maître d’œuvre.<br />
À ce sujet, plusieurs idées émises lors des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s sont à signaler :<br />
– r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de l’implication du cli<strong>en</strong>t étatique dans le processus de<br />
conception, notamm<strong>en</strong>t au travers de tableaux de bord <strong>technologique</strong>s partagés<br />
<strong>en</strong>tre la DGA et les industriels. De tels outils de pilotage doiv<strong>en</strong>t permettre de<br />
suivre, tout au long de la conception, l’applicabilité des technologies <strong>en</strong> termes<br />
de cal<strong>en</strong>drier et de coût ;<br />
– recherche d’architectures de systèmes ouvertes, autorisant la prise <strong>en</strong> compte<br />
ultérieure de nouvelles capacités <strong>technologique</strong>s. Cela doit passer par <strong>une</strong><br />
gestion de configuration rigoureuse, <strong>en</strong> particulier au niveau des interfaces <strong>en</strong>tre<br />
sous-<strong>en</strong>sembles, l’idée étant de concevoir <strong>une</strong> capacité technico-opérationnelle<br />
comme un équipem<strong>en</strong>t plug-and-play sur <strong>une</strong> plate-forme modulaire ;<br />
(17)<br />
Le Lean Engineering est <strong>une</strong> optimisation de l'organisation R&D qui permet de diminuer les gaspillages dans les phases<br />
de recherche et de développem<strong>en</strong>t. Le Lean Manufacturing est, lui, dédié au processus de production.<br />
162
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
– afin de limiter le risque <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> cours de développem<strong>en</strong>t, recours à des<br />
audits réguliers jugeant de la cohér<strong>en</strong>ce système et focalisée sur la compatibilité<br />
intersystème ou sous-systèmes. En effet les problèmes apparaiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />
aux interfaces et la technologie doit être évaluée dans son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
opérationnel.<br />
Recommandation n° 6<br />
Privilégier les architectures ouvertes et la notion de plug-and-play sur des<br />
plateformes modulaires, systématiser les tableaux de bord visant à piloter<br />
l’application de nouvelles capacités <strong>technologique</strong>s dans les systèmes futurs.<br />
<strong>La</strong> validation d’<strong>une</strong> capacité <strong>technologique</strong> passe souv<strong>en</strong>t par la réalisation d’un<br />
démonstrateur <strong>technologique</strong>. Si certains industriels mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur souhait<br />
de voir de grands démonstrateurs, il n’est <strong>en</strong> revanche pas évid<strong>en</strong>t qu’il faille y<br />
recourir systématiquem<strong>en</strong>t. Il est illusoire de s’<strong>en</strong> remettre au "tout démonstrateur"<br />
pour juger de la pertin<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> technologie <strong>en</strong> réponse à un besoin. D’<strong>une</strong><br />
part, le démonstrateur est rarem<strong>en</strong>t un démonstrateur opérationnel et ne peut<br />
prét<strong>en</strong>dre valider un concept d’emploi. D’autre part, le démonstrateur <strong>technologique</strong><br />
est insuffisant pour lever tous les risques et juger du coût complet de prise <strong>en</strong><br />
compte d’<strong>une</strong> technologie dans un système d’armes opérationnel (cf. les déboires<br />
r<strong>en</strong>contrés par les États-Unis dans leurs programmes d’avions de combat qui ont<br />
eu systématiquem<strong>en</strong>t recours aux démonstrateurs <strong>technologique</strong>s avant le choix du<br />
maître d’œuvre). Il faut notamm<strong>en</strong>t intégrer la mise au point de l’outil industriel de<br />
production et de souti<strong>en</strong>, les conséqu<strong>en</strong>ces de formation du personnel nécessaire<br />
pour opérer et assurer le mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong> condition opérationnelle.<br />
Il est donc hautem<strong>en</strong>t souhaitable de traiter ce point au cas par cas selon le<br />
niveau de complexité de la technologie et les <strong>en</strong>jeux opérationnels et industriels<br />
concernés.<br />
Retex<br />
Indisp<strong>en</strong>sable pour valider un concept opérationnel et adapter la doctrine<br />
d’emploi, le retour d’expéri<strong>en</strong>ce (Retex) contribue égalem<strong>en</strong>t à la validation<br />
<strong>technologique</strong>. Il est le juge de paix et se traduit souv<strong>en</strong>t par <strong>une</strong> évolution, parfois<br />
<strong>en</strong> profondeur, du besoin. Il serait intéressant de mutualiser ce Retex avec d’autres<br />
nations, europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> particulier, impliquées dans des opérations conjointes.<br />
163
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Doctrine<br />
Les opérationnels interrogés ont été clairs : la technologie doit rester au service<br />
du besoin opérationnel <strong>en</strong> tant que solution et non pas comme but <strong>en</strong> soi. <strong>La</strong><br />
doctrine pourra cep<strong>en</strong>dant tirer les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts de l’emploi d’<strong>une</strong> capacité<br />
<strong>technologique</strong> pour faire évoluer le concept d’emploi. Ainsi, elle contribue à modifier<br />
le besoin opérationnel. L’<strong>en</strong>jeu de ce décalage progressif <strong>en</strong>tre besoin initial et<br />
besoin instantané est traité au § "Concilier impératifs opérationnels et cycle de<br />
développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong>".<br />
Formation<br />
L’impact <strong>technologique</strong> est souv<strong>en</strong>t sous-estimé. En particulier la technicité<br />
nécessaire pour l’emploi de fonctions complexes (interconnectivité, reconfigurabilité<br />
des systèmes, sophistication de l’interface homme-machine) doit être mieux intégrée<br />
au dim<strong>en</strong>sionnem<strong>en</strong>t des futurs systèmes. <strong>La</strong> technologie doit être facilitatrice et<br />
garantir l’adaptation des armes aux hommes (18) .<br />
<strong>La</strong> formation à la technologie sera un des <strong>en</strong>jeux ess<strong>en</strong>tiels de systèmes futurs.<br />
L’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t des forces mais égalem<strong>en</strong>t le mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong> condition opérationnelle<br />
des systèmes d’armes vont fortem<strong>en</strong>t impacter les choix <strong>technologique</strong>s à v<strong>en</strong>ir. Il<br />
faut donc s’assurer que la R&T intègre bi<strong>en</strong> cette dim<strong>en</strong>sion dès les premiers travaux<br />
de recherche jusqu’au niveau ultime de démonstration opérationnelle.<br />
Recommandation n° 7<br />
Au-delà des aspects techniques purs liés aux progrès <strong>technologique</strong>s des systèmes<br />
d’armes, il faut pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte, le plus <strong>en</strong> amont possible, les impacts sur la<br />
doctrine, la formation et le souti<strong>en</strong> de ces nouveaux systèmes.<br />
Concilier impératifs opérationnels<br />
et cycle de développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong><br />
Le paramètre temporel reste <strong>une</strong> clé ess<strong>en</strong>tielle de la réalisation de système de<br />
déf<strong>en</strong>se adapté à la m<strong>en</strong>ace. Tous les opérationnels et industriels interrogés ont<br />
souligné la difficulté à anticiper le besoin futur. Cela conduit souv<strong>en</strong>t à sur-spécifier<br />
le besoin initial ou à faire des évolutions coûteuses <strong>en</strong> cours de développem<strong>en</strong>t<br />
(18)<br />
Voir les travaux du comité n° 5.<br />
164
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
et à gérer les obsolesc<strong>en</strong>ces. Le bilan des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s réalisés nous a égalem<strong>en</strong>t<br />
confortés dans l’idée qu’<strong>une</strong> des plus grandes difficultés auxquelles le monde<br />
militaro-industriel (19) est confronté de nos jours est celle de l’allongem<strong>en</strong>t des délais<br />
de réalisation. Il faut absolum<strong>en</strong>t que le processus soit revu et que les délais soi<strong>en</strong>t<br />
raccourcis. Dans <strong>une</strong> période où les budgets sont de plus <strong>en</strong> plus contraints, les<br />
délais sont <strong>une</strong> source de surcoût exorbitant.<br />
En priorité, le cycle prés<strong>en</strong>té au paragraphe précéd<strong>en</strong>t doit être raccourci pour<br />
<strong>en</strong> garantir toute son efficacité. Il faut se rapprocher des temps de développem<strong>en</strong>t<br />
et de fabrication actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vigueur dans l’industrie civile. Cela justifie<br />
<strong>une</strong> augm<strong>en</strong>tation des budgets de recherche et technologie (R&T) et de<br />
recherche et développem<strong>en</strong>t (R&D) pour m<strong>en</strong>er <strong>en</strong> parallèle les différ<strong>en</strong>tes pistes<br />
<strong>technologique</strong>s prometteuses. Par ailleurs et comme déjà évoqué précédemm<strong>en</strong>t,<br />
la nécessité d’aller jusqu’au niveau du démonstrateur poussé est jugée ni<br />
nécessaire ni suffisante dans la plupart des cas. En effet, seul le passage <strong>en</strong><br />
production permet de valider un prototype et d’assurer la réalisation d’un système<br />
répondant vraim<strong>en</strong>t au besoin.<br />
Recommandation n° 8<br />
Raccourcir les cycles de développem<strong>en</strong>t, et ne pas se cont<strong>en</strong>ter uniquem<strong>en</strong>t de<br />
prototypes pour valider des choix <strong>technologique</strong>s.<br />
L’approche incrém<strong>en</strong>tale (20) des nouveaux systèmes implique la meilleure<br />
compréh<strong>en</strong>sion possible des att<strong>en</strong>dus instantanés et futurs. <strong>La</strong> DGA est naturellem<strong>en</strong>t<br />
l’acteur majeur du côté étatique, mais il doit être possible de gagner <strong>en</strong>core plus<br />
<strong>en</strong> efficacité <strong>en</strong> faisant interv<strong>en</strong>ir les opérationnels dans la validation des solutions<br />
<strong>technologique</strong>s. Il nous est ainsi apparu que l’immersion (21) d’un opérationnel au<br />
sein de l’équipe chargée du développem<strong>en</strong>t industriel permettrait d’optimiser le<br />
processus. Cette implication suppose <strong>une</strong> stabilité dans la durée, au-delà des trois<br />
ans classiquem<strong>en</strong>t ret<strong>en</strong>us pour un poste opérationnel.<br />
(19)<br />
Ce terme est utilisé ici pour définir l’<strong>en</strong>semble des interv<strong>en</strong>ant, dans un programme d’armem<strong>en</strong>t ou dans <strong>une</strong> opération<br />
d’achat, soit l’état-major qui exprime le besoin opérationnel, la DGA qui lance la consultation et procède à l’acquisition et<br />
l’industriel qui réalise le système d’armes (au s<strong>en</strong>s le plus large du terme).<br />
(20)<br />
Principe de développem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> intégrant de nouvelles capacités par versions successives.<br />
(21)<br />
Il faut que les états-majors accept<strong>en</strong>t de détacher un officier pour <strong>une</strong> durée longue (supérieure à 3 ans) comme cela se<br />
fait au profit des certains ministères.<br />
165
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
<strong>La</strong> diversité des théâtres d’opérations et des phases d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts (Interv<strong>en</strong>tion,<br />
Stabilisation ou Normalisation) oblige à rédiger <strong>une</strong> expression de besoin de plus<br />
<strong>en</strong> plus large et globale. L’idée serait de réaliser un système ne répondant qu’à<br />
<strong>une</strong> partie "c<strong>en</strong>trale" des capacités totales demandées, le reste correspondant des<br />
évolutions ou ajouts et serait alors réalisé sous forme d’urg<strong>en</strong>ce opérationnelle ou<br />
d’adaptation réactive.<br />
Dans le prolongem<strong>en</strong>t de la recommandation R6, l’application d’<strong>une</strong> sorte de<br />
règle de partage sur l’insertion de technologies est apparue comme <strong>une</strong> bonne<br />
idée. Ainsi, X % du besoin par rapport à l’expression initiale (FCM & STB) lors de<br />
l’adoption d’un système (plate-forme) serait acceptable pour toute la durée de vie,<br />
alors que les Y % restant (correspondant à des sous-parties) serai<strong>en</strong>t réalisés dans<br />
<strong>une</strong> sorte d’urg<strong>en</strong>ce opérationnelle <strong>en</strong> fonction du type d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t du mom<strong>en</strong>t.<br />
Ces Y % peuv<strong>en</strong>t alors représ<strong>en</strong>ter les équipem<strong>en</strong>ts très s<strong>en</strong>sibles au développem<strong>en</strong>t<br />
ou demandant <strong>une</strong> avance <strong>technologique</strong> (système d’armes). Cela débouche sur<br />
<strong>une</strong> notion de "plate-forme adaptative". Cette proposition demande toutefois <strong>une</strong><br />
étude approfondie des aspects relatifs à la formation, l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t et au mainti<strong>en</strong><br />
<strong>en</strong> condition opérationnelle.<br />
Recommandation n° 9<br />
Impliquer plus fortem<strong>en</strong>t les opérationnels dans le développem<strong>en</strong>t industriel<br />
et concevoir des plates-formes modulaires compatibles avec <strong>une</strong> approche<br />
incrém<strong>en</strong>tale du besoin.<br />
<strong>La</strong> dichotomie <strong>en</strong>tre programmes de R&T et programmes d’armem<strong>en</strong>t demeure.<br />
Les acteurs ne sont pas exactem<strong>en</strong>t les mêmes. Il n’y a pas non plus de véritable vase<br />
communicant au niveau budgétaire, la R&T ne tirant pas de bénéfice d’év<strong>en</strong>tuels<br />
reports de programmes d’armem<strong>en</strong>t. Il faut donc revoir cette cohér<strong>en</strong>ce d’<strong>en</strong>semble.<br />
Cela ne passe pas forcém<strong>en</strong>t par la création de nouveaux outils de planification, ces<br />
derniers étant déjà suffisamm<strong>en</strong>t développés : plan pluriannuel à tr<strong>en</strong>te ans (PP30),<br />
plan stratégique des ressources techniques (PSRT), politique et objectifs sci<strong>en</strong>tifiques<br />
(Pos), etc. En revanche, l’articulation n’est pas évid<strong>en</strong>te et sa déclinaison jusqu’au<br />
programme d’armem<strong>en</strong>t n’est pas garantie. Cette déclinaison doit se traduire par<br />
un véritable plan d’actions <strong>technologique</strong>s. Ce plan, dont l’horizon type serait de<br />
15 ans, serait positionné <strong>en</strong>tre le PP30 et le Pos et définissant la feuille de route<br />
<strong>technologique</strong> avec les objectifs visés et la politique de coopération associée.<br />
166
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Recommandation n° 10<br />
Disposer d’un véritable plan d’actions <strong>technologique</strong>s couvrant du grand programme<br />
d’armem<strong>en</strong>t jusqu’à l’achat sur étagère.<br />
En accord avec le Livre blanc, la réflexion doit s’appuyer sur les trois "cercles"<br />
de la politique industrielle :<br />
– le premier concerne les domaines pour lesquels la France veut et doit garder <strong>une</strong><br />
autonomie complète (nucléaire, système de communication et d’information,<br />
spatial…). Ce premier cercle nécessite de maîtriser la chaîne complète depuis<br />
la R&T jusqu’à la fabrication ;<br />
– le second serait "europé<strong>en</strong>" avec <strong>une</strong> sorte de partage des technologies et des<br />
capacités de production au sein de l’Union europé<strong>en</strong>ne sous-pilotage de l’AED ;<br />
– le troisième ne serait pas du même ordre et concernerait les systèmes achetés<br />
clés <strong>en</strong> main sur le marché mondial.<br />
Cette classification apporte égalem<strong>en</strong>t <strong>une</strong> certaine souplesse dans la gestion<br />
des achats. À ce sujet, il a semblé à certains opérationnels et industriels que l’achat<br />
dit "sur étagère" demeurait très perfectible. <strong>La</strong> mise <strong>en</strong> place de structure de type<br />
"achat urg<strong>en</strong>t opérations" est donc <strong>une</strong> bonne chose si elle prévoit des circuits<br />
de décision courts. De façon générale, il faut continuer à lutter contre l’idée que<br />
les règles contractuelles <strong>en</strong>trav<strong>en</strong>t l’acquisition de matériels id<strong>en</strong>tifiés comme<br />
répondant parfaitem<strong>en</strong>t au besoin opérationnel (22) .<br />
Enfin, la place grandissante des normes <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales et des préoccupations de<br />
développem<strong>en</strong>t durable justifie leur prise <strong>en</strong> compte à tous les niveaux de l’expression<br />
du besoin au démantèlem<strong>en</strong>t des armem<strong>en</strong>ts. Cette t<strong>en</strong>dance est <strong>en</strong>core très limitée<br />
et le secteur de la Déf<strong>en</strong>se n’est pas le premier concerné. Néanmoins, comme précisé<br />
au § "Développem<strong>en</strong>t durable et <strong>course</strong> à la technologie", le développem<strong>en</strong>t durable<br />
est perçu comme un facteur concurr<strong>en</strong>tiel et l’innovation <strong>technologique</strong> intégrant cette<br />
problématique sera donc de plus <strong>en</strong> plus forte dans les systèmes d’armes futurs. Pour s’y<br />
préparer, le comité a ret<strong>en</strong>u le principe de réserver un paragraphe spécifique à ces normes<br />
<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales dans les STB des contrats d’armem<strong>en</strong>t et demander aux industriels de<br />
chiffrer le coût (et économies att<strong>en</strong>dues) de leur prise <strong>en</strong> compte. Cela doit contribuer à<br />
affiner progressivem<strong>en</strong>t le poids <strong>technologique</strong> et financier de ces spécifications.<br />
(22)<br />
Procès souv<strong>en</strong>t fait à la DGA par les états-majors : ne pas être capable d’acheter à un industriel donné son matériel,<br />
souv<strong>en</strong>t par ignorance des règles de mise <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne.<br />
167
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Recommandation n° 11<br />
Dédier un paragraphe dans les STB des contrats aux exig<strong>en</strong>ces de développem<strong>en</strong>t<br />
durable et demander le chiffrage de leur prise <strong>en</strong> compte.<br />
Cibler les domaines <strong>technologique</strong>s à privilégier<br />
L’<strong>en</strong>semble de la démarche prospective (PP30, Pos) doit s’inscrire dans le<br />
cadre des objectifs stratégiques nationaux. Le Livre blanc a détaillé les priorités<br />
<strong>technologique</strong>s et industrielles à l'horizon 2025. En matière de R&T, un effort<br />
important sera consacré aux technologies spatiales, afin de préparer les futurs<br />
programmes de télécommunications, d'observation et de surveillance. Par ailleurs,<br />
alors que la phase de développem<strong>en</strong>t de nombreux grands programmes s'achève,<br />
<strong>une</strong> politique de mainti<strong>en</strong> des compét<strong>en</strong>ces industrielles et <strong>technologique</strong>s<br />
critiques sera mise <strong>en</strong> œuvre, notamm<strong>en</strong>t avec la réalisation de démonstrateurs<br />
<strong>technologique</strong>s.<br />
Le projet de loi de programmation militaire précise clairem<strong>en</strong>t les priorités par<br />
grandes fonctions stratégiques :<br />
– mainti<strong>en</strong> de la crédibilité de la dissuasion avec démarrage des études du futur<br />
moy<strong>en</strong> océanique de dissuasion et adaptation des vecteurs balistiques et<br />
aérobies à l'évolution de la m<strong>en</strong>ace ;<br />
– maîtrise des technologies pour la connaissance et l'anticipation : r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
spatial, surveillance, exploitation du r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, charges utiles pour le<br />
r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spatial et tactique, opérations <strong>en</strong> réseaux, lutte informatique,<br />
technologies militaires de surveillance de l'espace et de radio logicielle ;<br />
– poursuite de l'effort <strong>technologique</strong> pour la protection : surveillance des espaces<br />
nationaux, interception de cibles furtives, déf<strong>en</strong>se NRBC, souti<strong>en</strong> santé et<br />
protection des systèmes informatiques ;<br />
– mainti<strong>en</strong> de l'effort pour l'interv<strong>en</strong>tion : protection des forces, adaptation des<br />
systèmes d'armes aux m<strong>en</strong>aces asymétriques, mainti<strong>en</strong> de la capacité à frapper<br />
dans la profondeur, aviation de combat, technologies des missiles complexes<br />
et des munitions de précision ;<br />
– prév<strong>en</strong>tion : maîtrise de l'énergie, impact des systèmes sur l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.<br />
168
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Les axes d’effort sont donc bi<strong>en</strong> formalisés et doiv<strong>en</strong>t être désormais pilotés au<br />
travers de projets structurants. Le rôle des ASF est sur ce point déterminant et doit<br />
être réaffirmé. <strong>La</strong> politique nationale et europé<strong>en</strong>ne du transfert de technologie est<br />
à concevoir <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce.<br />
« Dans la <strong>course</strong> à la [technologie], il n’y a pas de ligne d’arrivée. »<br />
David Kearns<br />
Cette étude a montré que la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t<br />
est <strong>une</strong> constante de l’histoire. Elle découle d’<strong>une</strong> multiplicité de facteurs :<br />
opérationnels, <strong>technologique</strong>s, économiques, politiques, industriels dont<br />
aucun ne peut être considéré comme prédominant. <strong>La</strong> conjonction de ces facteurs<br />
crée la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>, celle-ci n’étant pas directem<strong>en</strong>t corrélée avec le strict<br />
besoin opérationnel. Disponible au bon mom<strong>en</strong>t, la technologie s’est avérée être un<br />
élém<strong>en</strong>t clé dans la victoire dans certains conflits ; dans d’autres, elle n’a été qu’un<br />
leurre.<br />
Les réc<strong>en</strong>ts conflits asymétriques ont démontré que la technologie et la<br />
sophistication n’apport<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t pas la réponse att<strong>en</strong>due. Cep<strong>en</strong>dant, les étatsmajors<br />
exprim<strong>en</strong>t toujours plus de besoins <strong>en</strong> termes de performances, modularité,<br />
interopérabilité, maint<strong>en</strong>abilité et pér<strong>en</strong>nité. Ces besoins conduis<strong>en</strong>t à développer<br />
de nouvelles capacités <strong>technologique</strong>s.<br />
De plus, les principaux pays développés se doiv<strong>en</strong>t de rester dans le peloton de<br />
tête, donc être compétitifs <strong>en</strong> matière de technologie. Il <strong>en</strong> est de même des grands<br />
industriels qui doiv<strong>en</strong>t, a minima, se maint<strong>en</strong>ir au niveau de leurs homologues<br />
étrangers afin de rester concurr<strong>en</strong>tiels à l’export. À défaut, l’Histoire est là pour<br />
rappeler les conséqu<strong>en</strong>ces désastreuses sur le long terme d’un arrêt unilatéral de<br />
<strong>course</strong> à la technologie.<br />
Pour toutes ces raisons, la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> perdurera, mais il est dev<strong>en</strong>u<br />
nécessaire de mieux la maîtriser dans un contexte budgétaire de plus <strong>en</strong> plus<br />
contraint. Pour limiter les coûts, deux axes se dégag<strong>en</strong>t :<br />
169
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
– le partage :<br />
• BITD europé<strong>en</strong>ne et programmes <strong>en</strong> coopération : cette ori<strong>en</strong>tation<br />
doit <strong>en</strong>core faire ses preuves. L’Europe de la déf<strong>en</strong>se se cherche <strong>en</strong>core,<br />
les retombées de l’AED sont faibles et les membres de l’UE dép<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t<br />
la majeure partie de leur énergie à régler des problèmes internes aux<br />
27 pays. Les programmes <strong>en</strong> coopération n’arriv<strong>en</strong>t à montrer leur<br />
efficacité que lorsqu’ils se limit<strong>en</strong>t à 2 ou 3 part<strong>en</strong>aires.<br />
• Dualité civil/militaire : la R&T peut souv<strong>en</strong>t être partagée, <strong>en</strong> revanche,<br />
on constate que c’est <strong>en</strong> général le civil qui profite des retombées des<br />
développem<strong>en</strong>ts militaires et non l’inverse.<br />
• Dualité déf<strong>en</strong>se/sécurité, conformém<strong>en</strong>t aux ori<strong>en</strong>tations du Livre blanc,<br />
qui implique <strong>une</strong> plus grande coopération avec les ministères civils.<br />
– le contrôle, la maîtrise, voire la réduction des coûts des programmes, à tous les<br />
stades : préparation, conception, réalisation, utilisation. Les recommandations<br />
formulées par le comité vis<strong>en</strong>t à améliorer l’efficacité des dép<strong>en</strong>ses, la maîtrise/<br />
réduction des coûts des systèmes d’armes ainsi que l’optimisation des délais,<br />
tant <strong>en</strong> matière de processus d’acquisition que de réalisation. Ces efforts ciblés<br />
doiv<strong>en</strong>t nous prémunir d’être "<strong>en</strong> retard d’<strong>une</strong> guerre" malgré un contexte<br />
budgétaire très contraint.<br />
Les axes viables à court ou moy<strong>en</strong> terme concern<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t ce dernier<br />
point. À plus long terme, la coopération europé<strong>en</strong>ne demeure <strong>une</strong> nécessité pour<br />
la déf<strong>en</strong>se. Les recommandations formulées dans ce rapport constitu<strong>en</strong>t le point de<br />
départ de plans d’actions à élaborer plus finem<strong>en</strong>t. <strong>La</strong> priorité devrait être accordée<br />
à la réduction de la durée du cycle des programmes d’armem<strong>en</strong>t, gage de réactivité<br />
et d’efficacité opérationnelle accrue.<br />
170
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Ouvrages et publications officielles<br />
– Livre blanc sur la déf<strong>en</strong>se et la sécurité nationale, juin 2008.<br />
– <strong>La</strong> technologie militaire <strong>en</strong> question, le cas américain, par Joseph H<strong>en</strong>rotin.<br />
– Def<strong>en</strong>ce Industrial Strategy – Def<strong>en</strong>ce white paper. Cm 6697, MoD R.-U decembre<br />
2005.<br />
– Def<strong>en</strong>ce Innovation Strategy – Creating a new <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t for innovation within<br />
the def<strong>en</strong>ce supply chain. Rapport MoD de decembre 2007.<br />
– Maximising b<strong>en</strong>efit from def<strong>en</strong>ce research – A review of def<strong>en</strong>ce research and<br />
technology for alignm<strong>en</strong>t, quality and exploitation. Rapport MoD de septembre<br />
2006.<br />
– Def<strong>en</strong>ce Technology Strategy for the demands of the 21 st C<strong>en</strong>tury. Rapport MoD<br />
de 2006.<br />
– Maximising Def<strong>en</strong>ce Capability through R&D – A review of def<strong>en</strong>ce research and<br />
developm<strong>en</strong>t, rapport MoD d’octobre 2007.<br />
Articles divers<br />
– "Le champ de bataille du futur : le défi <strong>technologique</strong>" par Michel Asc<strong>en</strong>cio,<br />
octobre 2008.<br />
– "Technologies et innovations militaires" par Joseph H<strong>en</strong>rotin et Jean-Jacques<br />
Mercier, DSI Technologies, mars-avril 2009.<br />
– "L’innovation <strong>technologique</strong> dans les conflits irréguliers" Col. <strong>La</strong>ssalle – DGA,<br />
25 novembre 2008.<br />
– "Quelle articulation pour les dispositions technico-militaires dans la période à v<strong>en</strong>ir,<br />
réflexions pour des temps de crise" Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS.<br />
– "Striking the right balance" par Robert.M. Gates paru dans le National Def<strong>en</strong>ce<br />
Strategy de juin 2008.<br />
– Articles de Jean-Paul Hebert (EHESS)<br />
• <strong>La</strong> dérive des prix des programmes d’armem<strong>en</strong>t est un phénomène<br />
stratégique<br />
• Une nouvelle <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts ?<br />
• L’évolution des relations stratégiques transatlantiques vers <strong>une</strong> nouvelle<br />
<strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts<br />
171
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
– Extrait de Def<strong>en</strong>se news du 19 mars 2009 Elbit Touts Increm<strong>en</strong>tal Approach par<br />
Antonie Boess<strong>en</strong>kool .<br />
– "Le danger du fétichisme <strong>technologique</strong>" par Alain Bauer, paru dans TTU du<br />
27 mars 2009.<br />
– Interv<strong>en</strong>tion de Louis Gautier au colloque "Participation et Progrès" – ADEDS -<br />
École militaire, 15 octobre 2008.<br />
– Discours de François Fillon, Premier ministre à la Conv<strong>en</strong>tion de l’Association<br />
europé<strong>en</strong>ne des industries de l’aéronautique, de l’espace et de la déf<strong>en</strong>se - Paris,<br />
10 octobre 2008.<br />
Rapports CHEAr<br />
• SN 39 comité n° 4 "Conséqu<strong>en</strong>ces du développem<strong>en</strong>t des conflits asymétriques<br />
sur les systèmes de déf<strong>en</strong>se".<br />
• SN 39 comité n° 6 "Les armes modernes répond<strong>en</strong>t-elles aux évolutions des<br />
besoins pour faire face au nouvel <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t mondial".<br />
• SN 44 comité n° 7 "Comm<strong>en</strong>t susciter et favoriser l’innovation au profit de la<br />
déf<strong>en</strong>se et la sécurité ?".<br />
172
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
LISTE DES ACRONYMES<br />
AED<br />
ANR<br />
ASF<br />
BITD<br />
CAO<br />
Darpa<br />
DGA<br />
DGAC<br />
DP/OP<br />
ERT<br />
FCM<br />
Felin<br />
IED<br />
ISL<br />
LPM<br />
Loi<br />
Lolf<br />
Mires<br />
MoD<br />
MRIS<br />
MRTT<br />
MCO<br />
MSO<br />
NRBC<br />
NTIC<br />
Occar<br />
Oco<br />
Onera<br />
Otan<br />
PCRD<br />
PESD<br />
Pers<br />
PME<br />
PP30<br />
Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se<br />
Ag<strong>en</strong>ce nationale pour la recherche<br />
Architecte de systèmes de force<br />
Base industrielle <strong>technologique</strong> de déf<strong>en</strong>se<br />
Conception assistée par ordinateur<br />
Def<strong>en</strong>ce Applied Research Projects Ag<strong>en</strong>cy<br />
Délégation générale pour l’armem<strong>en</strong>t<br />
Délégation générale de l’aviation civile<br />
Directeur de programme/Officier de programme<br />
Effort de recherche <strong>technologique</strong><br />
Fiche de caractéristiques militaires<br />
Fantassin équipé de liaison intégrée<br />
Improvised Explosive Device (Engin explosif improvisé)<br />
Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis<br />
Loi de programmation militaire<br />
Letter of Int<strong>en</strong>t<br />
Loi organique des lois de finances<br />
Mission interministérielle pour la recherche et l’innovation sci<strong>en</strong>tifique<br />
Ministry of Def<strong>en</strong>ce<br />
Mission pour la recherche et l’innovation sci<strong>en</strong>tifique<br />
Multi-Role Transport Tanker<br />
Mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong> condition opérationnelle<br />
Mise <strong>en</strong> service opérationnelle<br />
Nucléaire, radiologique, biologique, chimique<br />
Nouvelles technologies de l’information et de la communication<br />
Organisation conjointe de coopération <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t<br />
Officiers de cohér<strong>en</strong>ce opérationnelle<br />
Organisation national d’études et de recherches aéronautiques<br />
Organisation du traité de l’Atlantique du Nord<br />
Programme cadre de recherche et développem<strong>en</strong>t<br />
Politique europé<strong>en</strong>ne de sécurité et de déf<strong>en</strong>se<br />
Politique europé<strong>en</strong>ne de recherche et de sci<strong>en</strong>ce<br />
Petite ou moy<strong>en</strong>ne <strong>en</strong>treprise<br />
Plan pluriannuel à tr<strong>en</strong>te ans<br />
173
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Pos<br />
PSRT<br />
REACH<br />
Retex<br />
ROHS<br />
R&D<br />
R&T<br />
SDI<br />
SGDN<br />
SSI<br />
STB<br />
TRL<br />
VBCI<br />
VBL<br />
Politique et objectifs sci<strong>en</strong>tifiques<br />
Plan stratégique des ressources techniques<br />
Registration, Evaluation, Autorisation of CHemicals<br />
Retour d’expéri<strong>en</strong>ce<br />
Restriction of the use of certain Hazardous Substances<br />
Recherche et développem<strong>en</strong>t<br />
Recherche et technologie<br />
Strategic Def<strong>en</strong>ce Initiative (aux États-Unis)<br />
Secrétariat général de la déf<strong>en</strong>se nationale<br />
Sécurité des systèmes d’information<br />
Spécification technique de besoin<br />
Technology Readiness Level (Mesure de maturité <strong>technologique</strong>)<br />
Véhicule blindé de combat d’infanterie<br />
Véhicule blindé léger<br />
174
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
ANNEXE 1<br />
Des outils pour <strong>une</strong> politique de l’innovation<br />
Prospective des systèmes de force<br />
L’id<strong>en</strong>tification des domaines <strong>technologique</strong>s clés s’inscrit dans la démarche<br />
plus globale de la prospective des systèmes de force. Celle-ci regroupe les activités<br />
destinées à id<strong>en</strong>tifier les besoins opérationnels, à ori<strong>en</strong>ter et à exploiter les études<br />
de déf<strong>en</strong>se <strong>en</strong> vue de les satisfaire. Ces activités sont conduites conjointem<strong>en</strong>t par<br />
les architectes de systèmes de forces (ASF), qui relèv<strong>en</strong>t de la DGA, et les officiers<br />
de cohér<strong>en</strong>ce opérationnelle (Oco), qui relèv<strong>en</strong>t de l'État-major des Armées. Il s’agit<br />
d’éclairer les choix nationaux qui vont permettre de définir l’outil de déf<strong>en</strong>se futur<br />
<strong>en</strong> contribuant à la construction europé<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> matière de sécurité et de déf<strong>en</strong>se.<br />
On peut noter qu’<strong>une</strong> telle démarche prospective n’est aujourd’hui développée que<br />
par quelques États de manière indép<strong>en</strong>dante.<br />
Les cinq systèmes de forces sur lesquels l’<strong>en</strong>semble de la démarche est décliné sont :<br />
– dissuasion ;<br />
– commandem<strong>en</strong>t et la maîtrise de l’information ;<br />
– projection, mobilité, souti<strong>en</strong> ;<br />
– <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t combat ;<br />
– protection sauvegarde.<br />
PP30<br />
L’élaboration du "PP30", plan prospectif à 30 ans, est égalem<strong>en</strong>t inscrite dans<br />
cette démarche prospective. Sous la responsabilité du collège ASF-Oco, le PP30<br />
est, au sein du ministère de la Déf<strong>en</strong>se, l’instrum<strong>en</strong>t principal d’id<strong>en</strong>tification des<br />
besoins <strong>en</strong> équipem<strong>en</strong>ts et d’ori<strong>en</strong>tation des études et des recherches de déf<strong>en</strong>se. Il<br />
fait partie du processus conduisant à leur planification et programmation. Actualisé<br />
chaque année, il matérialise l’avancem<strong>en</strong>t des travaux prospectifs et capacitaires. Il<br />
est égalem<strong>en</strong>t un instrum<strong>en</strong>t de dialogue privilégié avec les organismes du ministère<br />
impliqués dans la préparation du futur, les part<strong>en</strong>aires étatiques europé<strong>en</strong>s et les<br />
industriels europé<strong>en</strong>s des domaines de l’armem<strong>en</strong>t et de la sécurité. Il conti<strong>en</strong>t<br />
<strong>une</strong> partie consacrée à la prospective des systèmes de forces qui a vocation à<br />
175
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
évoluer chaque année au fur et à mesure des résultats des études m<strong>en</strong>ées et des<br />
déclinaisons des thèmes transverses, ainsi qu’un corpus docum<strong>en</strong>taire qui compr<strong>en</strong>d<br />
les élém<strong>en</strong>ts généraux de prospective et repr<strong>en</strong>d, <strong>en</strong> les mettant à jour, tous les<br />
acquis <strong>en</strong>core pertin<strong>en</strong>ts des thèmes transverses des éditions précéd<strong>en</strong>tes.<br />
MRIS et Pos<br />
<strong>La</strong> "Mission pour la recherche et l’innovation sci<strong>en</strong>tifique" (MRIS), créée <strong>en</strong><br />
2005, est dirigée par le conseiller sci<strong>en</strong>tifique du Délégué. Cette mission élabore<br />
le docum<strong>en</strong>t de "Politique et objectifs sci<strong>en</strong>tifiques" (Pos), assure la lisibilité et la<br />
cohér<strong>en</strong>ce des actions de la DGA vis-à-vis de la communauté sci<strong>en</strong>tifique et est<br />
chargée d’id<strong>en</strong>tifier, de développer et de capitaliser les actions de recherche et<br />
d’innovation dans le domaine des sci<strong>en</strong>ces et technologies de base. <strong>La</strong> MRIS assure<br />
<strong>une</strong> veille sci<strong>en</strong>tifique et technique, un souti<strong>en</strong> de la formation par la recherche, un<br />
financem<strong>en</strong>t réactif de travaux de recherche et d’innovation sci<strong>en</strong>tifique. Elle est<br />
organisée <strong>en</strong> 8 domaines sci<strong>en</strong>tifiques :<br />
– informatique, mathématiques, automatique ;<br />
– traitem<strong>en</strong>t de l’information ;<br />
– physique et mécanique des fluides et des solides ;<br />
– ondes et systèmes associés ;<br />
– électronique ;<br />
– optique et photonique ;<br />
– matériaux et chimie ;<br />
– biologie ;<br />
– facteurs humains.<br />
Le Pos a vocation à ori<strong>en</strong>ter l’effort d’investissem<strong>en</strong>t que représ<strong>en</strong>te le budget<br />
d’études amont consacré par la DGA à la R&T de base et à l’innovation. Il prés<strong>en</strong>te<br />
les grandes thématiques sci<strong>en</strong>tifiques d’intérêt pour la Déf<strong>en</strong>se et les différ<strong>en</strong>ts modes<br />
d’action permettant de sout<strong>en</strong>ir ces thématiques <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec la recherche civile.<br />
C’est un docum<strong>en</strong>t évolutif dont la réactualisation est prévue tous les deux ans. Les<br />
ori<strong>en</strong>tations sci<strong>en</strong>tifiques, proposées dans le Pos, se répartiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> deux catégories.<br />
D’un côté, on trouve les thématiques visant à lever des obstructions techniques majeures<br />
dans des domaines ess<strong>en</strong>tiels id<strong>en</strong>tifiés par la Déf<strong>en</strong>se. De l’autre, des thématiques<br />
réc<strong>en</strong>tes porteuses de ruptures <strong>technologique</strong>s pot<strong>en</strong>tielles, faisant souv<strong>en</strong>t l’objet d’un<br />
"bouillonnem<strong>en</strong>t" mais dont l’intérêt pour la Déf<strong>en</strong>se reste à confirmer.<br />
176
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Les principales données d’<strong>en</strong>trées du Pos sont le PP30, les plans stratégiques de la<br />
DGA, les docum<strong>en</strong>ts équival<strong>en</strong>ts établis par des part<strong>en</strong>aires <strong>en</strong> France ou à l’étranger,<br />
les feuilles de route des capacités <strong>technologique</strong>s de la Déf<strong>en</strong>se, des élém<strong>en</strong>ts de<br />
prospective et de veille sci<strong>en</strong>tifique et technique, les rapports sci<strong>en</strong>tifiques des<br />
laboratoires et des grands organismes de recherche et les ori<strong>en</strong>tations sci<strong>en</strong>tifiques<br />
et techniques des industriels.<br />
Synergie avec la recherche civile<br />
Recherche militaire et recherche civile évoluai<strong>en</strong>t jusque récemm<strong>en</strong>t dans des<br />
mondes distincts. Mais l’heure est désormais au rapprochem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre chercheurs<br />
civils et militaires. Mise <strong>en</strong> place <strong>en</strong> 2005 à la DGA, la Mission pour la recherche et<br />
l’innovation sci<strong>en</strong>tifique est aujourd’hui le point focal de la DGA pour l’<strong>en</strong>semble<br />
de la communauté sci<strong>en</strong>tifique. Élaboré par la MRIS, le Pos prés<strong>en</strong>te les grandes<br />
thématiques sci<strong>en</strong>tifiques d’intérêt pour la Déf<strong>en</strong>se et les différ<strong>en</strong>ts modes d’action<br />
permettant de sout<strong>en</strong>ir ces thématiques <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec la recherche civile.<br />
<strong>La</strong> DGA participe par ailleurs à de nombreux comités de pilotage de programmes<br />
de l’Ag<strong>en</strong>ce nationale pour la recherche (ANR) (par exemple dans les domaines<br />
sécurité globale, biotechnologies, piles à combustibles, matériaux et procédés,<br />
nanotechnologies…).<br />
De manière plus générale, la recherche de Déf<strong>en</strong>se occupe <strong>une</strong> place importante<br />
dans le dispositif de recherche français. Elle a été principalem<strong>en</strong>t tirée par le<br />
nucléaire et les grands programmes aéronautiques et a conduit à de prestigieuses<br />
réalisations. Aujourd'hui, l'effort national de 1,4 milliard d'euros représ<strong>en</strong>te près de<br />
15 % de l'effort national <strong>en</strong> matière de recherche. <strong>La</strong> France est au premier rang<br />
europé<strong>en</strong> à un niveau comparable au Royaume-Uni et devant l’Allemagne.<br />
Enfin, les pôles de compétitivité constitu<strong>en</strong>t des lieux privilégiés pour les<br />
programmes de recherche duale sout<strong>en</strong>us par le ministère de la Déf<strong>en</strong>se, ces pôles<br />
facilit<strong>en</strong>t la coopération autour de projets innovants sur un espace géographique<br />
donné, <strong>en</strong>tre des <strong>en</strong>treprises, des c<strong>en</strong>tres de formation et des unités de recherche<br />
publiques ou privées. Le ministère de la Déf<strong>en</strong>se contribue largem<strong>en</strong>t à la politique<br />
des pôles de compétitivité, puisque sur les 66 pôles de compétitivité labellisés, le<br />
ministère est correspondant chef de file de 7 pôles (2 pôles mondiaux (AESE et<br />
Systematic), 2 pôles à vocation mondiale (mer Bretagne et mer PACA) et 3 pôles<br />
177
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
nationaux (route des lasers, photonique et Elopsys)) et 2 e contributeur au fonds<br />
interministériel commun, qui constitue un guichet unique pour le financem<strong>en</strong>t des<br />
projets de R&D des pôles par l'État (45 millions d'euros sur 3 ans, pour un total<br />
de 300 millions de crédits ministériels, portés à 600 millions d'euros grâce à un<br />
abondem<strong>en</strong>t décidé par le Premier ministre).<br />
178
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
ANNEXE 2 : LE RÈGLEMENT REACH<br />
Entré <strong>en</strong> vigueur le 1 er juin 2007, cinq ans après la directive europé<strong>en</strong>ne ROHS<br />
qui visait à restreindre de l'utilisation de 6 substances dangereuses dans les<br />
équipem<strong>en</strong>ts électriques et électroniques, REACH permet l’application harmonisée<br />
dans toute l’Union europé<strong>en</strong>ne d’un système de contrôle et de mise sur le marché<br />
des produits chimiques géré intégralem<strong>en</strong>t par l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne des produits<br />
chimiques basée à Helsinki. Il a pour objectif de faire reposer sur les producteurs la<br />
responsabilité de l’évaluation des caractéristiques toxicologiques, écotoxicologiques<br />
de quelque 30 000 substances, ainsi que les mesures de réduction de risques liés<br />
à leurs usages afin qu’ils soi<strong>en</strong>t valablem<strong>en</strong>t maîtrisés et ceci tout au long du<br />
cycle de vie des substances. Toutes les substances chimiques <strong>en</strong> tant que telles,<br />
ou cont<strong>en</strong>ues dans les préparations ou dans les articles, sont visées, et toutes<br />
les matières premières, les composants, les alliages sont donc pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />
concernés.<br />
REACH appelle deux principes fondam<strong>en</strong>taux : le r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t de la charge de<br />
la preuve de l’innocuité des substances (vers les producteurs et les industriels et<br />
non plus les États), et la traçabilité totale et transpar<strong>en</strong>te ("no data, no market").<br />
Sont concernés les fabricants europé<strong>en</strong>s, les importateurs, les utilisateurs <strong>en</strong> aval<br />
et les distributeurs.<br />
L’objectif in fine est d’id<strong>en</strong>tifier les substances à interdire ou dont l’usage doit<br />
être restreint, afin de mieux protéger de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et la santé des personnes<br />
(fabricants, utilisateurs).<br />
Il faut noter que REACH prône l’innovation <strong>en</strong> réponse aux nouvelles<br />
contraintes, et prévoit à cet effet des dérogations pour les activités de recherche et<br />
développem<strong>en</strong>t sur les substances. Enfin, les intérêts de la Déf<strong>en</strong>se demeur<strong>en</strong>t un<br />
cas d’exemption à l’application du règlem<strong>en</strong>t :<br />
• Le prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t devrait assurer un niveau élevé de protection de la santé<br />
humaine et de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t ainsi que la libre circulation des substances,<br />
telles quelles ou cont<strong>en</strong>ues dans des préparations ou des articles, tout <strong>en</strong><br />
améliorant la compétitivité et l’innovation. Le prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t devrait aussi<br />
promouvoir le développem<strong>en</strong>t de méthodes alternatives pour l’évaluation des<br />
dangers liés aux substances (…)<br />
179
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
• (…) Toutefois, pour <strong>en</strong>courager l'innovation, les activités de recherche et de<br />
développem<strong>en</strong>t axées sur les produits et les processus devrai<strong>en</strong>t être exemptées<br />
de l'obligation d'<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant <strong>une</strong> certaine période, au cours de<br />
laquelle <strong>une</strong> substance n'est pas <strong>en</strong>core destinée à être mise sur le marché à<br />
l'int<strong>en</strong>tion d'un nombre indéfini de cli<strong>en</strong>ts, parce que son application dans des<br />
préparations ou des articles exige <strong>en</strong>core que des activités de recherche et de<br />
développem<strong>en</strong>t supplém<strong>en</strong>taires soi<strong>en</strong>t réalisées par le déclarant pot<strong>en</strong>tiel luimême<br />
ou <strong>en</strong> coopération avec un nombre limité de cli<strong>en</strong>ts connus. Il convi<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> outre, de prévoir <strong>une</strong> exemption analogue pour les utilisateurs <strong>en</strong> aval qui<br />
utilis<strong>en</strong>t la substance à des fins d'activités de recherche et de développem<strong>en</strong>t<br />
axées sur les produits et les processus, à condition que les risques pour la<br />
santé humaine et l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t soi<strong>en</strong>t valablem<strong>en</strong>t maîtrisés conformém<strong>en</strong>t<br />
aux prescriptions de la législation relative à la protection des travailleurs et à<br />
l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.<br />
• Les États membres peuv<strong>en</strong>t prévoir des exemptions du prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t dans<br />
des cas spécifiques pour certaines substances, telles quelles ou cont<strong>en</strong>ues dans<br />
<strong>une</strong> préparation ou un article, lorsque cela s'avère nécessaire aux intérêts de<br />
la déf<strong>en</strong>se.<br />
180
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
ANNEXE 3 :<br />
Cas du Royaume-Uni<br />
<strong>en</strong> matière de politique de R&T de déf<strong>en</strong>se<br />
Politique générale<br />
Suite aux publications par le ministère de la déf<strong>en</strong>se (MoD) britannique des<br />
Def<strong>en</strong>ce Industrial Strategy de 2002 et 2005, l’approche vis-à-vis de l’industrie<br />
britannique <strong>en</strong> matière de R&T a changé et <strong>une</strong> nouvelle stratégie a été définie. Il<br />
a été reconnu dans ces docum<strong>en</strong>ts le besoin de promouvoir <strong>une</strong> base industrielle et<br />
<strong>technologique</strong> de déf<strong>en</strong>se qui mainti<strong>en</strong>drait les capacités industrielles nécessaires<br />
pour garantir la sécurité nationale. Les principes et les processus qui doiv<strong>en</strong>t être<br />
appliqués lors des acquisitions ont été posés. Une analyse sur les lac<strong>une</strong>s <strong>en</strong> termes<br />
capacités industrielles et <strong>technologique</strong>s du Royaume-Uni a été faite, ainsi que sur<br />
la manière dont elles pourrai<strong>en</strong>t être comblées.<br />
Ces revues ont précisé que : Technology is a key driver in the modern world and is<br />
crucial to network <strong>en</strong>abled, adaptable and rapidly deployable forces (23) . Elles ont mis<br />
<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce que les grands programmes d’armem<strong>en</strong>t auront <strong>une</strong> durée de vie de<br />
plus <strong>en</strong> plus longue. Une réorganisation de la base industrielle et <strong>technologique</strong><br />
de déf<strong>en</strong>se sera nécessaire pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte l’importance croissante de<br />
sout<strong>en</strong>ir les équipem<strong>en</strong>ts ou systèmes déjà <strong>en</strong> service. L’importance du mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong><br />
condition opérationnelle (MCO) et l’insertion rapide de technologie pour répondre<br />
aux nouvelles m<strong>en</strong>aces et saisir les opportunités d’innovation seront accrues. Il ne<br />
s’agira plus, comme précédemm<strong>en</strong>t, de développer systématiquem<strong>en</strong>t de nouvelles<br />
générations d’équipem<strong>en</strong>ts ou de systèmes.<br />
Au Royaume-Uni, il faudra que :<br />
– la recherche soit cohér<strong>en</strong>te avec le besoin opérationnel ;<br />
– soit maint<strong>en</strong>ue <strong>une</strong> capacité world class dans les domaines critiques pour la<br />
souveraineté et la sécurité nationale (voir graphique ci-après) ;<br />
– soit préservée l’attractivité du Royaume-Uni pour les part<strong>en</strong>ariats ou la<br />
coopération avec d’autres nations ;<br />
(23)<br />
Dans le monde moderne, la technologie est un facteur clé et est fondam<strong>en</strong>tale pour le travail <strong>en</strong> réseau, l’adaptabilité<br />
et le déploiem<strong>en</strong>t rapide de forces.<br />
181
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
– le MoD agisse comme un acheteur "éclairé" de systèmes et technologies et<br />
se fournisse sur le marché mondial ;<br />
– puiss<strong>en</strong>t être adoptés et modifiés rapidem<strong>en</strong>t pour répondre aux besoins<br />
militaires les matériels civils adéquats ;<br />
– soi<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tifiés les domaines ess<strong>en</strong>tiels.<br />
Financem<strong>en</strong>t<br />
Suite à la fin de la guerre froide, le ministère de la Déf<strong>en</strong>se britannique a connu<br />
<strong>une</strong> réduction de la part de son budget consacré à la recherche de 30 % <strong>en</strong>tre<br />
1994 et 2004. Sur cette même période, le budget de déf<strong>en</strong>se n’a été diminué<br />
que de 4,5 %. Le budget de recherche annuel du MoD est de l’ordre de 500 M£<br />
(soit <strong>en</strong>viron 550 M€), mais chaque année 83 % de ce budget est consacré aux<br />
paiem<strong>en</strong>ts inéluctables. En 2005, les sommes allouées à la recherche au Royaume-<br />
Uni correspondai<strong>en</strong>t à 1,9 % du PIB (22 Md£), réparties <strong>en</strong>tre les investissem<strong>en</strong>ts<br />
de l’industrie (1,1 %) et du gouvernem<strong>en</strong>t (0,8 %). Le gouvernem<strong>en</strong>t britannique,<br />
<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte la productivité et les succès économiques du Royaume-<br />
Uni, a défini <strong>une</strong> stratégie visant à porter <strong>en</strong>tre 2004 et 2014 à 2,5 % de PIB<br />
l’investissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> R&D par l’industrie et le gouvernem<strong>en</strong>t.<br />
Source: Def<strong>en</strong>ce Technology Strategy for the demands of the 21 st C<strong>en</strong>tury. Rapport MoD de 2006<br />
182
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Politique <strong>en</strong> matière de R&D de déf<strong>en</strong>se<br />
En 2007 la Def<strong>en</strong>ce Innovation Strategy (DIS) était publiée. Elle a précisé<br />
que l’innovation était fondam<strong>en</strong>tale, puisqu’elle m<strong>en</strong>ait à l’apparition et au<br />
développem<strong>en</strong>t d’opportunités et à l’amélioration de la r<strong>en</strong>tabilité des <strong>en</strong>treprises.<br />
Afin de développer <strong>une</strong> culture d’innovation, elle id<strong>en</strong>tifiait des points clés :<br />
– définir <strong>une</strong> vision des capacités partagée <strong>en</strong>tre le MoD et l’industrie ;<br />
– mettre <strong>en</strong> œuvre les principes de road-mapping de capacités et de technologies.<br />
Le principe est développé dans le Def<strong>en</strong>ce technology Plan et sera mis <strong>en</strong><br />
œuvre par le Future Business Group et les programmes d’armem<strong>en</strong>t ;<br />
–améliorer l’application de l’ingénierie de systèmes dans les domaines de la<br />
modularité et des architectures ouvertes ;<br />
– mettre à point des business models <strong>en</strong>tre le gouvernem<strong>en</strong>t et l’industrie pour<br />
partager <strong>une</strong> vision comm<strong>une</strong> ;<br />
– améliorer la réactivité, notamm<strong>en</strong>t au niveau du processus de contractualisation<br />
et de l’organisation de la recherche.<br />
Cette stratégie a précisé aussi les domaines d’intérêt stratégiques qui sont<br />
l’anticipation, la protection, l’id<strong>en</strong>tification rapide et la mise <strong>en</strong> réseau.<br />
Le docum<strong>en</strong>t Maximising B<strong>en</strong>efit from Def<strong>en</strong>ce Research, publié <strong>en</strong> 2006,<br />
était le premier rapport bisannuel, revue de la R&T de déf<strong>en</strong>se. Il établissait un<br />
processus qui avait pour but de mesurer la performance, la qualité et l’efficacité<br />
d’exploitation de la recherche et de la technologie. Il est désormais clair qu’un<br />
certain nombre de domaines, qui étai<strong>en</strong>t tirés par les grands programmes de<br />
recherche militaires p<strong>en</strong>dant la guerre froide, par exemple les communications et<br />
les systèmes d’information, sont désormais pilotés par le domaine civil. Le défi pour<br />
le MoD a été d’id<strong>en</strong>tifier les domaines clés (soit militaires, soit civils) qui doiv<strong>en</strong>t<br />
être maint<strong>en</strong>us pour des raisons de sécurité ou de souveraineté. Le Royaume-<br />
Uni doit maint<strong>en</strong>ir son effort d’investissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> R&T <strong>en</strong> mettant l’acc<strong>en</strong>t sur les<br />
m<strong>en</strong>aces émerg<strong>en</strong>tes, sans négliger celles conv<strong>en</strong>tionnelles. <strong>La</strong> cohér<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre<br />
les programmes de recherche et les programmes d’armem<strong>en</strong>t doit être vérifiée<br />
et maint<strong>en</strong>ue. L’exploitation de la R&T doit être fondam<strong>en</strong>tale afin de faciliter<br />
l’insertion de technologie p<strong>en</strong>dant toute la durée de vie d’un système. Le docum<strong>en</strong>t<br />
conclut <strong>en</strong> évaluant la cohér<strong>en</strong>ce de la politique de R&T par rapport aux objectifs<br />
stratégiques définis (85 % des programmes de recherche ont eu un li<strong>en</strong> clair<br />
183
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
par rapport aux objectifs). Il recommande l’exploitation commerciale de l’effort<br />
de R&T dans le domaine de la déf<strong>en</strong>se, <strong>en</strong> proposant à des sociétés dites "Spin<br />
out", qui s’appuierai<strong>en</strong>t sur la dualité des marchés civils et militaires, d’exploiter<br />
pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t ces technologies. Le principe est décrit dans le graphique ci-dessous,<br />
où le gouvernem<strong>en</strong>t britannique veut transférer vers l’industrie le développem<strong>en</strong>t<br />
et l’exploitation de technologies.<br />
Source: Def<strong>en</strong>ce Technology Strategy for the demands of the 21 st C<strong>en</strong>tury. Rapport MoD de 2006.<br />
184
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
ANNEXE 4<br />
L’innovation <strong>technologique</strong> vue par le ministère de l’Industrie<br />
Id<strong>en</strong>tification des technologies clés <strong>en</strong> R&T<br />
Afin d’aider les chercheurs et industriels à trouver les compét<strong>en</strong>ces<br />
complém<strong>en</strong>taires requises pour m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> un projet de R&D ou de transfert<br />
<strong>technologique</strong>, le ministère de l’Industrie a conduit <strong>une</strong> étude "Technologies clés<br />
2010" publiée <strong>en</strong> décembre 2006 (24) . Cette étude répertorie les principaux c<strong>en</strong>tres<br />
de recherche privés et publics qui contribu<strong>en</strong>t au développem<strong>en</strong>t de 83 technologies<br />
clés classées selon 8 domaines <strong>technologique</strong>s :<br />
– technologies de l'information et de la communication ;<br />
– matériaux – chimie ;<br />
– bâtim<strong>en</strong>t ;<br />
– énergie – <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t ;<br />
– technologies du vivant-santé – agroalim<strong>en</strong>taire ;<br />
– transports ;<br />
– distribution – consommation ;<br />
– technologies et méthodes de production.<br />
Cette étude constitue ainsi un complém<strong>en</strong>t d’informations par rapport aux<br />
champs couverts par les pôles de compétitivité dont les thèmes de R&D ne couvr<strong>en</strong>t<br />
pas la totalité des 83 technologies clés.<br />
Le ministère de l’Industrie dispose donc d’outils organisationnels et opérationnels<br />
pour piloter <strong>une</strong> véritable stratégie <strong>technologique</strong>. Il privilégie la constitution de<br />
champions territoriaux incluant les c<strong>en</strong>tres de recherche et de formation et focalisés<br />
sur des projets innovants. Le développem<strong>en</strong>t international des pôles passe par la<br />
recherche de coopérations <strong>technologique</strong>s avec des clusters étrangers, afin d’y<br />
trouver des briques manquantes ou de nouveaux marchés. Les dispositifs financiers<br />
impliqu<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>treprises et les collectivités locales.<br />
(24)<br />
Voir détail sur le site internet www.industrie.gouv.fr/techno_cles_2010/.<br />
185
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Les pôles de compétitivité<br />
Les pôles de compétitivité rassembl<strong>en</strong>t, sur un territoire donné, des <strong>en</strong>treprises,<br />
des c<strong>en</strong>tres de recherche et des organismes de formation, afin de développer<br />
des synergies et des coopérations, notamm<strong>en</strong>t au travers de projets coopératifs<br />
innovants. Ils peuv<strong>en</strong>t s'inscrire dans <strong>une</strong> perspective internationale : l'<strong>en</strong>jeu est<br />
de permettre aux <strong>en</strong>treprises impliquées de pr<strong>en</strong>dre <strong>une</strong> position de premier plan<br />
dans leurs domaines, tant <strong>en</strong> France qu'à l'international. Créés <strong>en</strong> 2004, ils sont au<br />
nombre de 71 répartis sur tout le territoire français (25) . On peut les assimiler à des<br />
clusters thématiques ayant <strong>une</strong> forte visibilité internationale.<br />
Une politique stratégique a été mise <strong>en</strong> place pour cadrer les financem<strong>en</strong>ts<br />
alloués par l’État aux pôles de compétitivité. Elle a pour objectifs de développer<br />
la compétitivité de l’économie française <strong>en</strong> accroissant l’effort d’innovation et<br />
de conforter sur des territoires des activités, principalem<strong>en</strong>t industrielles, à fort<br />
cont<strong>en</strong>u <strong>technologique</strong> ou de création. Au sein du ministère de l’Économie, de<br />
l'Industrie et de l’Emploi, la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie<br />
et des services (DGCIS) assure, conjointem<strong>en</strong>t avec la Délégation interministérielle<br />
à l'Aménagem<strong>en</strong>t et à la Compétitivité des territoires (Diact), la mise <strong>en</strong> œuvre,<br />
l'animation et le suivi de la politique des pôles de compétitivité.<br />
<strong>La</strong> première phase (2006-2008) a porté sur un financem<strong>en</strong>t global de 1,5 G€<br />
répartis <strong>en</strong>tre l’État (830 M€), les ag<strong>en</strong>ces (520 M€ au titre de l’ANR, Oseo, AII et<br />
la CDC) et 160 M€ d’exonération fiscale. Les financem<strong>en</strong>ts principaux sont destinés<br />
à sout<strong>en</strong>ir les projets de R&D. Les exonérations fiscales et <strong>une</strong> partie des crédits<br />
d’interv<strong>en</strong>tion sont réservées aux <strong>en</strong>treprises implantées dans la zone de recherche<br />
et développem<strong>en</strong>t d’un pôle et qui particip<strong>en</strong>t à un projet de R&D.<br />
De nombreuses collectivités territoriales apport<strong>en</strong>t un souti<strong>en</strong> supplém<strong>en</strong>taire<br />
aux pôles implantés sur leur territoire. Les pôles peuv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t s’appuyer sur<br />
les réseaux de recherche mis <strong>en</strong> place par le ministère de la Recherche et sur les<br />
programmes europé<strong>en</strong>s (PCRD de la Commission europé<strong>en</strong>ne notamm<strong>en</strong>t).<br />
(25)<br />
Voir le détail sur le site internet www.competitivite.gouv.fr.<br />
186
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Le programme <strong>en</strong>tre dans sa seconde phase (2009-2011). Doté d’<strong>une</strong> <strong>en</strong>veloppe<br />
globale équival<strong>en</strong>te à la première phase, elle permettra l’accompagnem<strong>en</strong>t de la<br />
R&D civile selon trois axes :<br />
– le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de l’animation et du pilotage stratégique des pôles,<br />
notamm<strong>en</strong>t avec la création des "contrats de performance" et le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t<br />
des correspondants d’État : ces contrats <strong>en</strong> cours d’élaboration vis<strong>en</strong>t<br />
à responsabiliser plus fortem<strong>en</strong>t les acteurs industriels, étatiques et les<br />
collectivités locales. Ils se bas<strong>en</strong>t sur <strong>une</strong> feuille de route stratégique à 3-5<br />
ans à l’instar des stratégies d’<strong>en</strong>treprise. Celle-ci précisera les domaines et<br />
thématiques prioritaires, les objectifs <strong>technologique</strong>s et de marchés visés et<br />
les objectifs de développem<strong>en</strong>t du pôle ;<br />
– de nouvelles modalités de financem<strong>en</strong>ts notamm<strong>en</strong>t pour les plates-formes<br />
d’innovation. Ces plates-formes regrouperont des moy<strong>en</strong>s humains et matériels<br />
dédiés à des projets de R&D et d’innovation fortem<strong>en</strong>t concurr<strong>en</strong>tiels. Plus<br />
particulièrem<strong>en</strong>t attachées aux pôles mondiaux ou à vocation mondiale, elles<br />
seront le fer de lance de l’excell<strong>en</strong>ce sci<strong>en</strong>tifique nationale ;<br />
– le développem<strong>en</strong>t d’un écosystème d’innovation et de croissance, notamm<strong>en</strong>t<br />
le recours plus important aux financem<strong>en</strong>ts privés et la recherche de meilleures<br />
synergies territoriales. <strong>La</strong> notion d’écosystème est intéressante car elle traduit<br />
bi<strong>en</strong> l’interaction <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts acteurs et élém<strong>en</strong>ts contributeurs de la<br />
R&D comme l’illustre le schéma ci après.<br />
Le fonctionnem<strong>en</strong>t des pôles réside ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur les coopérations croisées<br />
<strong>en</strong>tre les acteurs. On peut id<strong>en</strong>tifier plusieurs types de coopération :<br />
• Le part<strong>en</strong>ariat <strong>en</strong>treprises-c<strong>en</strong>tres de formation : l'objectif est de définir des<br />
formations spécialisées, d'approfondir la gestion des compét<strong>en</strong>ces, etc.<br />
• Le part<strong>en</strong>ariat <strong>en</strong>treprises-organismes de recherche : création d'incubateurs<br />
<strong>technologique</strong>s, valorisation, recherche contractuelle, travaux de R&D<br />
collaboratifs, etc.<br />
• Le part<strong>en</strong>ariat c<strong>en</strong>tres de formation-organismes de recherche : ils couvr<strong>en</strong>t la<br />
recherche universitaire, l'attractivité vis-à-vis des <strong>en</strong>seignants chercheurs, etc.<br />
187
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Cœur du dispositif = acteurs économiques et académiques<br />
dans un espace géographique donné (<strong>en</strong>treprises,<br />
c<strong>en</strong>tres de recherche, organismes de formation).<br />
L’assise du dispositif (les racines) = Les compét<strong>en</strong>ces<br />
des hommes, notamm<strong>en</strong>t leurs idées et leurs tal<strong>en</strong>ts, ainsi<br />
que les moy<strong>en</strong>s financiers tels les financem<strong>en</strong>ts privés<br />
(investisseurs provid<strong>en</strong>tiels ou business angels, "capitaux<br />
risqueurs") et les aides publiques ciblées, sont la "sève"<br />
de ces pôles de compétitivité. Elles conditionn<strong>en</strong>t<br />
largem<strong>en</strong>t leur dynamisme et leur développem<strong>en</strong>t.<br />
L’ancrage territorial (le substrat) = L’ancrage du pôle<br />
dans son territoire est lié à la définition même d’un pôle<br />
de compétitivité.<br />
Le rôle des cli<strong>en</strong>ts et des fournisseurs spécialisés<br />
<strong>La</strong> prés<strong>en</strong>ce à proximité des pôles, de fournisseurs spécialisés,<br />
mais aussi de cli<strong>en</strong>ts susceptibles d’adopter de<br />
manière précoce des solutions innovantes, voire de les<br />
tester avant mise sur le marché et de contribuer à leur<br />
amélioration comme c’est le cas dans les laboratoires<br />
d’usage, constitue un atout ess<strong>en</strong>tiel.<br />
188
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
ANNEXE 5<br />
Un exemple dans le secteur de la grande distribution : l'automobile<br />
Un marché sous fortes contraintes<br />
Le marché automobile est l’un des tous premiers au plan mondial. En 2007,<br />
il a représ<strong>en</strong>té 70,46 millions de véhicules neufs v<strong>en</strong>dus dans le monde? dont<br />
23,8 millions <strong>en</strong> Europe. Il couvre 2,25 millions d’emplois dans l’Union europé<strong>en</strong>ne<br />
et a dégagé un chiffre d’affaires 2007 de 728 Ge (26) . Ayant fait l’objet de profondes<br />
restructurations depuis les années 1980, le secteur automobile demeure fortem<strong>en</strong>t<br />
concurr<strong>en</strong>tiel, les rares alliances <strong>en</strong>tre constructeurs se faisant sur des programmes<br />
spécifiques.<br />
Ce marché caractérisé par <strong>une</strong> forte valeur ajoutée <strong>technologique</strong> (VA/Production<br />
de l’ordre de 20 %) subit actuellem<strong>en</strong>t de plein fouet l’effet de la crise financière<br />
et économique. Les difficultés de financem<strong>en</strong>t des particuliers et des <strong>en</strong>treprises<br />
couplées à l’inflation des matières premières conduis<strong>en</strong>t le secteur à revoir<br />
drastiquem<strong>en</strong>t les coûts de structure et à demander l’aide des pouvoirs publics.<br />
Pour ces raisons, le secteur est au cœur des priorités gouvernem<strong>en</strong>tales du plan de<br />
relance économique.<br />
Sur le plan technique, la fin programmée des énergies fossiles et les impératifs<br />
de limitation de l’effet de serre vont conditionner fortem<strong>en</strong>t les développem<strong>en</strong>ts<br />
<strong>technologique</strong>s des voitures de demain (27) . <strong>La</strong> réduction des taux d’émission de CO 2<br />
devi<strong>en</strong>t obligatoire tandis que les consommateurs souhait<strong>en</strong>t voir développer de<br />
nouvelles solutions alternatives au pétrole et sont <strong>en</strong> train de rep<strong>en</strong>ser leur besoin<br />
de mobilité. <strong>La</strong> prise de consci<strong>en</strong>ce est réelle et les dispositions du Gr<strong>en</strong>elle de<br />
l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t (bonus/malus écologique, primes) contribu<strong>en</strong>t aussi à l’évolution du<br />
marché. Le véhicule propre fait partie des priorités liées au développem<strong>en</strong>t durable.<br />
L’<strong>en</strong>jeu <strong>technologique</strong> est de taille puisqu’il se double d’<strong>une</strong> recherche d’assistance<br />
à la conduite (gestion informatisée, reconnaissance, navigation…) et de sécurité.<br />
(26)<br />
Source : Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA).<br />
(27)<br />
Le domaine des transports consomme plus de la moitié de la production mondiale de pétrole et contribue à hauteur de<br />
13 % à l’effet de serre (référ<strong>en</strong>ce : Observatoire de l’automobile 2009).<br />
189
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
<strong>La</strong> stratégie technique des constructeurs automobiles<br />
Les constructeurs automobiles sont dans <strong>une</strong> situation fortem<strong>en</strong>t contrainte : ils<br />
doiv<strong>en</strong>t développer des solutions alternatives au moteur à combustion interne et<br />
améliorer la qualité <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tale de leurs produits tout <strong>en</strong> restant compétitifs.<br />
En réponse aux att<strong>en</strong>tes liées au développem<strong>en</strong>t durable, ils doiv<strong>en</strong>t mettre <strong>en</strong> place<br />
l’éco-conception de leurs futurs véhicules <strong>en</strong> optimisant son impact sur l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
tout au long du cycle de vie. Le recyclage fait partie inhér<strong>en</strong>te de cette conception : la<br />
réglem<strong>en</strong>tation europé<strong>en</strong>ne stipule que 8 à 9 millions de véhicules mis à la casse chaque<br />
année doiv<strong>en</strong>t être recyclés à 85 %. Ce niveau sera porté à 95 % à l’horizon 2015.<br />
Le virage <strong>technologique</strong> a été amorcé il y a trois ans par l’<strong>en</strong>semble des constructeurs.<br />
Pour t<strong>en</strong>ir dans des <strong>en</strong>veloppes budgétaires acceptables par les consommateurs, les<br />
futurs véhicules limiteront leur taille à l’inverse des modèles précéd<strong>en</strong>ts qui avai<strong>en</strong>t<br />
t<strong>en</strong>dance à pr<strong>en</strong>dre du poids et du volume sur le même segm<strong>en</strong>t. Du coup, tout est fait<br />
pour alléger les véhicules : nouveaux aciers et aluminium, développem<strong>en</strong>t de petites<br />
motorisations turbocompressées. Ce processus de downsizing permet de réduire la<br />
consommation tout <strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant le niveau de confort.<br />
<strong>La</strong> R&D <strong>en</strong> matière d’énergie devi<strong>en</strong>t stratégique et porte sur les modes de<br />
propulsion et les nouveaux carburants : pile à combustible, électricité, hydrogène,<br />
agro-carburants et carburants synthétiques, solutions de motorisation hybrides. Un<br />
véritable foisonnem<strong>en</strong>t d’innovations caractérisera donc la période 2010-2020,<br />
avec notamm<strong>en</strong>t des solutions hybrides. Une projection 2015 laisse p<strong>en</strong>ser que les<br />
énergies nouvelles ne concerneront toutefois que 20 % du parc.<br />
En parallèle, les recherches se poursuiv<strong>en</strong>t sur la voiture électrique considérée<br />
comme la meilleure solution accessible à moy<strong>en</strong> terme. L’objectif visé est de trouver<br />
le bon compromis <strong>en</strong>tre coût et autonomie : il est aujourd’hui possible de concevoir<br />
un véhicule de 300 km d’autonomie mais coûtant <strong>en</strong>core plus de 100 ke. Les<br />
futures technologies de batteries imposeront de construire de nouvelles usines et<br />
doiv<strong>en</strong>t donc être intégrées dans les investissem<strong>en</strong>ts futurs (exemple du programme<br />
R<strong>en</strong>ault-Nissan avec <strong>une</strong> usine de 74 Me). À plus long terme la maîtrise de la pile<br />
à combustible hydrogène suscite de nombreux espoirs mais les investissem<strong>en</strong>ts<br />
seront lourds L’<strong>en</strong>semble des énergies alternatives sont plutôt perçues comme des<br />
marchés de niche pour les dix ans à v<strong>en</strong>ir.<br />
190
CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
Un bel exemple de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> : la F1<br />
<strong>La</strong> Formule 1 concrétise la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> par excell<strong>en</strong>ce puisque les<br />
victoires se gagn<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur l’innovation des voitures et la préparation<br />
technique. Il est important que les innovations techniques soi<strong>en</strong>t valorisées au<br />
travers de tels évènem<strong>en</strong>ts à vocation sportive. En revanche, il serait illusoire de<br />
p<strong>en</strong>ser qu’elles sont définies <strong>en</strong> fonction de cette recherche de performances<br />
extrêmes.<br />
<strong>La</strong> Formule 1 représ<strong>en</strong>te un investissem<strong>en</strong>t important des constructeurs (3 G$<br />
<strong>en</strong> 2008 dont 445 M$ pour Toyota et 350 M$ pour BMW ), mais très faible au<br />
regard des profits att<strong>en</strong>dus sur le marché grand public. Car il s’agit bi<strong>en</strong>, avant tout,<br />
d’un vecteur de publicité à l’att<strong>en</strong>tion des consommateurs. Vitrine <strong>technologique</strong>,<br />
la Formule 1 vise surtout à r<strong>en</strong>forcer l’image d’excell<strong>en</strong>ce et à doper les v<strong>en</strong>tes de<br />
véhicules. Les constructeurs qui se sont retirés du monde de la <strong>course</strong> automobile<br />
l’ont tous fait pour des raisons commerciales plus que pour des raisons techniques.<br />
Malgré la fin programmée du pétrole et les aspirations des consommateurs,<br />
le marché de l’automobile ne connaîtra pas à moy<strong>en</strong> terme de rupture<br />
<strong>technologique</strong> brutale compte t<strong>en</strong>u des infrastructures existantes et<br />
des impératifs économiques. <strong>La</strong> question ess<strong>en</strong>tielle des constructeurs demeure de<br />
savoir si <strong>une</strong> technologie peut se développer rapidem<strong>en</strong>t pour arriver à être produite<br />
à moindre coût et <strong>en</strong> grande série. Cela les conduit à raisonner par continuité et à<br />
s’ori<strong>en</strong>ter naturellem<strong>en</strong>t sur les solutions hybrides sur le court - moy<strong>en</strong> terme tout<br />
<strong>en</strong> continuant à explorer les solutions plus innovantes sur le long terme.<br />
191
45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />
Remerciem<strong>en</strong>ts :<br />
Ce rapport n’aurait pu être rédigé sans les informations, conseils et<br />
recommandations des différ<strong>en</strong>tes personnalités r<strong>en</strong>contrées à l’occasion des<br />
interviews m<strong>en</strong>ées p<strong>en</strong>dant la durée de la session.<br />
Les auditeurs du comité n° 7 leur adress<strong>en</strong>t donc leurs plus sincères<br />
remerciem<strong>en</strong>ts, ainsi qu’aux conseillers du comité pour leurs conseils avisés et leur<br />
souti<strong>en</strong> actif et sans faille tout au long de cette année.<br />
Conseillers<br />
Monsieur Patrick Michon,<br />
directeur adjoint export optronique Sagem Déf<strong>en</strong>se et Sécurité<br />
Monsieur Emmanuel Nommick, avocat à la Cour<br />
Commissaire Colonel Eric Rémy-Néris, chef du bureau finances de l’Ema/CPCO<br />
Personnalités r<strong>en</strong>contrées<br />
GCA Palomeros, Emaa/ MGAA<br />
GDI Desportes, directeur du collège interarmées de Déf<strong>en</strong>se<br />
GDI Helly Emat/Sous-chef plans programmes<br />
GBR Giaume, Ema/ESMG<br />
CA Brulez, Ema/Oco<br />
IGA Devaux DGA/D4S/SASF<br />
IGA Queffelec EMM/Sous-chef plans programmes<br />
IGA Berthet, DGA/DDI<br />
IGA Moraillon DGA/D4S/SRTS<br />
IGA Burg DGA/D4S/SIIE<br />
IGETA Marchis DGA/DSA/Dum Ter<br />
M. Cornut-G<strong>en</strong>tile, député-maire de St Dizier<br />
M. l’ambassadeur Guntmann, conseil sci<strong>en</strong>tifique de Déf<strong>en</strong>se<br />
Mme Grogran, attachée d’armem<strong>en</strong>t, ambassade britannique<br />
M. Veillard, directeur de la prospective stratégique, CEIS<br />
M. Battesti, directeur stratégie systèmes terre et interarmées, Thales<br />
M. Pujes, ministère de la recherche, chargé de l’espace<br />
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CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />
M. Sahut d’Izarn, responsable des programmes moteurs militaires Snecma<br />
M. Couillard, présid<strong>en</strong>t du conseil d’administration de l’Isae<br />
M. <strong>La</strong>houd, directeur général adjoint EADS<br />
M. R<strong>en</strong>ouil, directeur du développem<strong>en</strong>t commercial de Bertin<br />
M. de la Sayette, directeur technique adjoint Dassault Aviation<br />
MM. Stoufflet et Hermann, direction de la prospective Dassault Aviation<br />
MM. Hervé et Bouty, direction du marketing stratégique Nexter Systems<br />
COMPOSITION DU COMITE<br />
Présid<strong>en</strong>t :<br />
Secrétaire :<br />
Rapporteur :<br />
Autres auditeurs :<br />
Conseillers :<br />
Col. Jean-Baptiste de Font<strong>en</strong>illes<br />
ICA François Bouchet<br />
ICA Claude Ch<strong>en</strong>uil<br />
Mark Way<br />
Alexandre Dupuy<br />
Emmanuel Julli<strong>en</strong><br />
Patrick Michon<br />
Emmanuel Nommick<br />
Commissaire-colonel Éric Remy-Neris<br />
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