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La course technologique en matière d'armement : une ... - IHEDN

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CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

COMITÉ #7<br />

<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t :<br />

<strong>une</strong> nécessité qui peut être maîtrisée ou,<br />

au contraire, un risque <strong>technologique</strong> déconnecté<br />

de la réalité opérationnelle et géostratégique<br />

119


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

« L’un des pires démons de la civilisation <strong>technologique</strong> est la soif de croissance. »<br />

R<strong>en</strong>é Dubos<br />

INTRODUCTION<br />

Exposé de la problématique et compréh<strong>en</strong>sion du sujet<br />

Dans un monde <strong>en</strong> perpétuel changem<strong>en</strong>t, la technologie demeure un facteur<br />

de progrès évid<strong>en</strong>t. Elle innerve tous les secteurs économiques au plan national et<br />

international. Elle peut même se révéler décisive lorsqu’<strong>une</strong> logique de compétition<br />

s’instaure. Les affaires de déf<strong>en</strong>se ont, de ce fait, un rapport très fort avec la<br />

technologie, notamm<strong>en</strong>t dans le cas de conflits ouverts et de préservation des<br />

intérêts de la nation face à un ou plusieurs types de m<strong>en</strong>ace.<br />

Le paramètre temporel <strong>en</strong>tre évidemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ligne de compte. En matière de<br />

déf<strong>en</strong>se, l’avantage opérationnel s’évalue à un instant donné face aux adversaires.<br />

<strong>La</strong> situation peut différer selon le positionnem<strong>en</strong>t dans le continuum paix-criseguerre.<br />

Dans le cas extrême (celui de la guerre), l’issue victorieuse reste l’objectif<br />

à atteindre. Il se pose alors la question d’<strong>une</strong> transposition <strong>technologique</strong>. Dans la<br />

mesure où la technologie peut induire <strong>une</strong> supériorité opérationnelle, elle risque de<br />

se retrouver au cœur d’<strong>une</strong> véritable escalade dénommée couramm<strong>en</strong>t "<strong>course</strong> aux<br />

armem<strong>en</strong>ts". Le terme de <strong>course</strong> n’est pas innoc<strong>en</strong>t car il résume bi<strong>en</strong> l’émulation<br />

d’<strong>une</strong> compétition <strong>en</strong>tre prét<strong>en</strong>dants à la victoire ou, à tout le moins, à un objectif<br />

partagé.<br />

Une telle affirmation est à resituer dans le contexte actuel de déf<strong>en</strong>se et de<br />

sécurité. Les analyses prospectives sont nombreuses et converg<strong>en</strong>t sur un point : la<br />

complexification du paysage géostratégique <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre des situations de m<strong>en</strong>aces<br />

et de conflits nouvelles, difficiles à appréh<strong>en</strong>der. Par ailleurs, les priorités nationales<br />

évolu<strong>en</strong>t. D’<strong>une</strong> part, comme le Livre blanc le détaille, la déf<strong>en</strong>se et la sécurité<br />

intérieure trouv<strong>en</strong>t un terrain d’intérêt et de coopération commun. D’autre part les<br />

contraintes budgétaires, l’Europe, mais aussi les préoccupations de notre société<br />

occid<strong>en</strong>tale, r<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ligne de compte pour structurer la politique de déf<strong>en</strong>se.<br />

Enfin, les objectifs de développem<strong>en</strong>t durable et de préservation <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tale<br />

sont à intégrer à l’analyse.<br />

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CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Dès lors, la <strong>course</strong> à la technologie mérite d’être rep<strong>en</strong>sée : quelle technologie<br />

pour quel armem<strong>en</strong>t, quel li<strong>en</strong> nouveau <strong>en</strong>tre technologie et armem<strong>en</strong>t ? Il faut<br />

repr<strong>en</strong>dre totalem<strong>en</strong>t les modes de p<strong>en</strong>sée et d’analyse des situations <strong>en</strong> intégrant<br />

l’<strong>en</strong>semble des contraintes qui pès<strong>en</strong>t sur les choix <strong>en</strong> matière de déf<strong>en</strong>se.<br />

Le sujet traité par le comité n° 7 participe à <strong>une</strong> telle réflexion. En fait, il relève<br />

de plusieurs problématiques qu’il convi<strong>en</strong>t de distinguer :<br />

– la notion de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>, largem<strong>en</strong>t répandue dans tous les secteurs<br />

industriels et notamm<strong>en</strong>t dans l’industrie de l’armem<strong>en</strong>t, a-t-elle <strong>en</strong>core un s<strong>en</strong>s<br />

aujourd’hui ? Comm<strong>en</strong>t la <strong>course</strong> actuelle aux armem<strong>en</strong>ts se manifeste -t-elle alors<br />

que les problématiques de conflit ont fortem<strong>en</strong>t évolué, que le cadre géostratégique<br />

s’est compliqué et que les contraintes économiques remett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> question les<br />

priorités <strong>en</strong> matière de déf<strong>en</strong>se et de sécurité ?<br />

– sous réserve qu’un cons<strong>en</strong>sus puisse se dégager sur le caractère inéluctable<br />

de cette <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>, est-elle pour autant maîtrisée par les différ<strong>en</strong>ts<br />

participants? Y a-t-il un ou plusieurs leaders et quels sont leurs moy<strong>en</strong>s<br />

d’atteindre leurs objectifs de supériorité militaire, industrielle voire politique ?<br />

Les règles du jeu sont-elles partagées par tous les compétiteurs et respectées<br />

comme telles ou y a-t-il un risque de dérapage et d’escalade ?<br />

– <strong>en</strong> corollaire de la question précéd<strong>en</strong>te, comm<strong>en</strong>t se prémunir du risque de<br />

sur<strong>en</strong>chère <strong>technologique</strong> et de ses conséqu<strong>en</strong>ces sur le système de déf<strong>en</strong>se ?<br />

Le risque de déconnection avec la réalité opérationnelle doit être maîtrisé,<br />

ce qui implique <strong>une</strong> approche méthodologique. De quels outils dispose-t-on<br />

actuellem<strong>en</strong>t et à l’av<strong>en</strong>ir pour assurer le juste équilibre <strong>en</strong>tre besoin de<br />

déf<strong>en</strong>se et réponse <strong>technologique</strong> ? Cette question mérite d’être abordée de<br />

façon prospective et <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t géostratégique.<br />

Démarche ret<strong>en</strong>ue par le comité<br />

Dès le début des travaux, s’est imposée l’idée d’<strong>une</strong> réflexion tirant partie des<br />

<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts de l’Histoire. En effet, les exemples de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> sont<br />

nombreux et leurs conséqu<strong>en</strong>ces s’avèr<strong>en</strong>t emblématiques. Cela a logiquem<strong>en</strong>t<br />

abouti à un rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t qui, s’il ne prét<strong>en</strong>d pas être exhaustif, a le mérite d’être<br />

suffisamm<strong>en</strong>t diversifié pour permettre de dégager de réelles t<strong>en</strong>dances. Il fait<br />

l’objet du chapitre "<strong>La</strong> <strong>course</strong> à la technologie <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t : des réussites<br />

flagrantes et des échecs cuisants".<br />

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45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Ces t<strong>en</strong>dances permett<strong>en</strong>t d’id<strong>en</strong>tifier clairem<strong>en</strong>t les acteurs <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce et<br />

leurs motivations. Au-delà de ce constat, l’analyse doit être confrontée au contexte<br />

géostratégique actuel et futur. <strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion internationale, les contraintes<br />

<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales, l’émerg<strong>en</strong>ce de nouvelles m<strong>en</strong>aces mais aussi la prise <strong>en</strong><br />

compte de contraintes économiques et politiques impact<strong>en</strong>t significativem<strong>en</strong>t les<br />

caractéristiques de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t. Il s’avère donc<br />

indisp<strong>en</strong>sable de dégager les relations <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts paramètres de cette<br />

<strong>course</strong>. Cette phase, objet du chapitre "<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> aux armem<strong>en</strong>ts : des<br />

<strong>en</strong>jeux multiples", est le cœur de notre réflexion. Elle s’est <strong>en</strong>richie des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s<br />

m<strong>en</strong>és tout au long de l’année et qui ont concerné un év<strong>en</strong>tail très large de<br />

personnalités : dirigeants industriels, opérationnels, sci<strong>en</strong>tifiques, responsables<br />

stratégiques, académiques, internationaux…<br />

Les <strong>en</strong>jeux de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> actuelle et future ont pu être formalisés<br />

ainsi que leurs interactions. Un véritable <strong>en</strong>semble systémique focalisé sur la<br />

recherche <strong>technologique</strong> et ses applications militaires a pu être déterminé. C’est<br />

sur cette nouvelle base que le comité a axé ses travaux pour rechercher <strong>une</strong><br />

optimisation et établir des propositions concrètes. Dans la mesure où le secteur<br />

de la déf<strong>en</strong>se n’est pas le seul à conduire des travaux de recherche <strong>technologique</strong>,<br />

il s’est avéré égalem<strong>en</strong>t souhaitable de s’inspirer d’expéri<strong>en</strong>ces issues d’autres<br />

domaines industriels et d’effectuer <strong>une</strong> analyse comparative au plan international.<br />

Au terme de la démarche, des conclusions ont pu être tirées sous forme de<br />

constats et de recommandations pour garantir la maîtrise au juste nécessaire des<br />

développem<strong>en</strong>ts <strong>technologique</strong>s pour les systèmes d’armes. Le chapitre 4 prés<strong>en</strong>te<br />

ces recommandations et définit des perspectives pour un év<strong>en</strong>tuel approfondissem<strong>en</strong>t.<br />

Limitations de l’étude<br />

Les travaux devant s’inscrire dans un délai relativem<strong>en</strong>t court, il n’a pas été<br />

possible d’explorer <strong>en</strong> profondeur la totalité des facettes de la problématique. En<br />

particulier, le rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t des cas de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> à l’échelle mondiale<br />

a été réduit, le comité préférant se focaliser sur le contexte national et europé<strong>en</strong>.<br />

De même, il n’a pas été jugé nécessaire, ni même pertin<strong>en</strong>t, de balayer l’<strong>en</strong>semble<br />

des domaines <strong>technologique</strong>s de l’armem<strong>en</strong>t pour dégager <strong>une</strong> quelconque<br />

quantification. En conséqu<strong>en</strong>ce, les recommandations de l’étude rest<strong>en</strong>t relativem<strong>en</strong>t<br />

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CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

générales et focalisées sur <strong>une</strong> approche méthodologique. Toutefois, elles demeur<strong>en</strong>t<br />

suffisamm<strong>en</strong>t robustes pour s’appliquer à la quasi-totalité des secteurs de déf<strong>en</strong>se.<br />

Enfin, un léger regret pourrait être formulé quant à l’analyse comparative avec<br />

d’autres secteurs économiques. Il aurait été intéressant de poursuivre l’étude des<br />

outils et problématiques traités notamm<strong>en</strong>t par le ministère de la Recherche et<br />

creuser les pistes de synergie <strong>en</strong>tre domaines civil et militaire.<br />

Quelques définitions de base<br />

Course : "Épreuve de vitesse, compétition sur <strong>une</strong> distance, parcours donné". (1)<br />

Cette définition met le doigt sur le paramètre temporel inhér<strong>en</strong>t à l’épreuve ainsi<br />

que sur la notion de parcours. Il est important de déterminer la trajectoire visant à<br />

l’atteinte de l’objectif.<br />

Technologie : Théorie générale et études spécifiques des techniques (outils,<br />

procédés, machines) au s<strong>en</strong>s didactique. Ce terme désigne égalem<strong>en</strong>t, dans <strong>une</strong><br />

acception anglo-saxonne, <strong>une</strong> technique moderne et complexe. C’est donc bi<strong>en</strong> <strong>en</strong><br />

ce s<strong>en</strong>s que l’on peut parler de technologies de pointe, de nouvelles technologies<br />

de l’information et de la communication (NTIC), de biotechnologies… ou <strong>en</strong>core de<br />

transfert de technologie. C’est égalem<strong>en</strong>t d’après cette définition que se compr<strong>en</strong>d<br />

la notion de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>.<br />

<strong>La</strong> technologie est directem<strong>en</strong>t concernée par cette action d’investigation d’où<br />

la notion de recherche et technologie (R&T) qui <strong>en</strong>globe les travaux dédiés à<br />

l’exploration de nouvelles technologies pouvant avoir <strong>une</strong> application pratique.<br />

Technique : <strong>La</strong> technique relève de domaines particuliers de la connaissance<br />

ayant des applications, au delà de la théorie, dans le domaine de la production et de<br />

l’économie. Toujours selon <strong>une</strong> définition académique, la technique peut égalem<strong>en</strong>t<br />

désigner un <strong>en</strong>semble de procédés méthodiques fondés sur des connaissances<br />

sci<strong>en</strong>tifiques et employés <strong>en</strong> production. Les différ<strong>en</strong>tes techniques (de pointe,<br />

informatique, managériales, etc.) se conçoiv<strong>en</strong>t ainsi comme <strong>une</strong> déclinaison<br />

sci<strong>en</strong>tifique de domaines variés. Il est égalem<strong>en</strong>t intéressant de souligner que<br />

(1)<br />

Définition du dictionnaire Le Robert.<br />

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45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

dans un s<strong>en</strong>s très général, <strong>une</strong> technique est mise <strong>en</strong> œuvre dans le cadre d’actions<br />

d’investigation ou de transformation de la nature.<br />

Il existe donc un li<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre technique et technologie. Afin de le pr<strong>en</strong>dre<br />

<strong>en</strong> compte, c’est dans le s<strong>en</strong>s le plus large que le terme de technologie est employé<br />

par la suite dans ce rapport.<br />

« Il n’y a que deux puissances au monde, le sabre et l’esprit : à la longue, le sabre<br />

est toujours vaincu par l’esprit. »<br />

Napoléon<br />

LA COURSE À LA TECHNOLOGIE<br />

EN MATIÈRE D’ARMEMENT :<br />

DES RÉUSSITES FLAGRANTES ET DES ÉCHECS CUISANTS<br />

Un concept vieux comme le monde<br />

Depuis que l’homme a découvert la guerre, soit probablem<strong>en</strong>t dès l’aube de<br />

l’humanité, il s’est attaché à développer de nouvelles technologies pour ses<br />

armem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> vue d’obt<strong>en</strong>ir la supériorité sur l’adversaire. Sans remonter jusqu’à<br />

la préhistoire et les premiers silex taillés, l’histoire abonde d’exemples de ce type<br />

comme nous allons le voir.<br />

Un exemple intéressant est l’évolution du char de guerre, non pas le monstre<br />

d’acier de plusieurs dizaines de tonnes que nous connaissons aujourd’hui, mais<br />

celui de quelques dizaines de kilos, principalem<strong>en</strong>t fait de bois qui domine les<br />

champs de bataille proche-ori<strong>en</strong>taux <strong>en</strong>tre 3000 et 500 av. J.-C. Apparu dans les<br />

cités mésopotami<strong>en</strong>nes vers 2600 av. J.-C., tiré initialem<strong>en</strong>t par des onagres, il ne<br />

s’agit au début que d’<strong>une</strong> plateforme sommaire servant uniquem<strong>en</strong>t de véhicule<br />

d’apparat. Il devi<strong>en</strong>t petit à petit <strong>une</strong> arme de guerre, tout d’abord simple plateforme<br />

de tir (chars égypti<strong>en</strong>s du Nouveau Royaume par exemple), avant de s’alourdir et de<br />

dev<strong>en</strong>ir <strong>une</strong> arme de choc (chars assyri<strong>en</strong>s de la dynastie sargonide par exemple).<br />

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Symbole de puissance, arme de suprématie du champ de bataille (2) , le char de guerre<br />

fait durant ces siècles l’objet d’<strong>une</strong> recherche <strong>technologique</strong> poussée, afin de lui<br />

donner <strong>une</strong> robustesse maximale pour un poids minimum.<br />

L’évolution de l’artillerie à poudre est égalem<strong>en</strong>t instructive. Inv<strong>en</strong>tée <strong>en</strong> Chine au<br />

XII e siècle, elle est mise <strong>en</strong> œuvre pour la première fois <strong>en</strong> Europe lors de la bataille<br />

de Crécy <strong>en</strong> 1346, même si la victoire anglaise est davantage due à l’arc long des<br />

archers gallois et à l’impétuosité folle des chevaliers français qu’à la puissance<br />

de feu des 5 bombardes déployées ce jour là. Une vraie <strong>course</strong> à l’armem<strong>en</strong>t est<br />

néanmoins lancée à partir de cette date <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>tes grandes nations<br />

europé<strong>en</strong>nes pour se doter de l’artillerie la plus performante. Les princes d’Europe<br />

n’hésit<strong>en</strong>t pas à offrir de véritables ponts d’or pour pr<strong>en</strong>dre à leur service les<br />

maîtres canonniers les plus réputés. C’est le cas des frères Bureau sous le règne<br />

de Charles VII, dont les canons jou<strong>en</strong>t un rôle décisif à Castillon <strong>en</strong> 1453, puisque<br />

cette victoire française marque la fin de la guerre de 100 ans. Certains privilégi<strong>en</strong>t<br />

des canons de fort calibre, comme par exemple les Turcs, avec leurs monstrueux<br />

canons d’un calibre de 750 mm, construits au XVI e siècle pour détruire les murs<br />

de Constantinople ou déf<strong>en</strong>dre les Dardanelles (3) . D’autres nations privilégi<strong>en</strong>t des<br />

pièces de plus petit calibre mais plus mobiles, destinées à être <strong>en</strong>gagées <strong>en</strong> masse<br />

sur le champ de bataille. C’est par exemple le cas de l’armée bourguignonne de<br />

Charles le Téméraire qui dispose, <strong>en</strong> 1476 à Grandson, de 400 canons pour 18 000<br />

combattants. L’avènem<strong>en</strong>t de l’ère industrielle ne fera qu’accélérer le phénomène.<br />

Il y a naturellem<strong>en</strong>t des exceptions, des cas où des nations se sont abst<strong>en</strong>ues de<br />

développer des technologies liées à l’armem<strong>en</strong>t, pour des raisons philosophiques<br />

ou religieuses. L’exemple le plus significatif est celui de la Chine à partir de la<br />

dynastie Ming. Alors que l’Empire du Milieu s’était toujours trouvé à la pointe du<br />

développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière militaire (4) , un brutal coup d’arrêt est<br />

marqué à partir de la fin du XV e siècle sous l’influ<strong>en</strong>ce du confucianisme. <strong>La</strong> Chine<br />

n’est alors m<strong>en</strong>acée que par quelques tribus turco-mongoles, que les armes <strong>en</strong><br />

service suffis<strong>en</strong>t à cont<strong>en</strong>ir. Même <strong>en</strong> cas d’invasion réussie, la richesse de la culture<br />

et de la civilisation chinoise <strong>en</strong>traîne <strong>une</strong> assimilation rapide des vainqueurs. Le<br />

réveil sera brutal lorsqu’à partir du XIX e siècle, la Chine se trouve confrontée aux<br />

(2)<br />

Ainsi à Kadesh, <strong>en</strong> 1300 av. J.-C., s’affront<strong>en</strong>t pour la domination de la Syrie près de 6000 chars égypti<strong>en</strong>s et hittites.<br />

(3)<br />

http://<strong>en</strong>.wikipedia.org/wiki/Great_Turkish_Bombard.<br />

(4)<br />

Citons l’inv<strong>en</strong>tion de la poudre à canon, des fusées, de l’arbalète, des navires de guerre hauturiers.<br />

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45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

puissances europé<strong>en</strong>nes et au Japon, qui a rapidem<strong>en</strong>t rattrapé son retard à partir<br />

de l’ère Meïji. Un autre exemple moins connu touche à l’influ<strong>en</strong>ce de l’Église au<br />

Moy<strong>en</strong> Âge qui s’efforça, <strong>en</strong> vain, de freiner le développem<strong>en</strong>t de nouvelles armes,<br />

comme l’arbalète sous prétexte qu’elle permettait de tuer des adversaires sans les<br />

voir.<br />

Ces quelques exemples illustr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> le caractère perman<strong>en</strong>t de la <strong>course</strong><br />

<strong>technologique</strong> au fil de l’Histoire. <strong>La</strong> <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts a toujours été <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ue<br />

par la recherche <strong>technologique</strong>, <strong>une</strong> car<strong>en</strong>ce d’investissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> la matière se<br />

traduisant, tôt ou tard, <strong>en</strong> défaite militaire.<br />

Pour autant, la technologie a-t-elle toujours été synonyme de supériorité<br />

militaire ? Là <strong>en</strong>core quelques exemples mérit<strong>en</strong>t d’être étudiés.<br />

<strong>La</strong> <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts comme élém<strong>en</strong>t clé de la victoire<br />

Nous avons évoqué précédemm<strong>en</strong>t le cas de la Chine et du Japon. Le succès<br />

des puissances europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> Chine au XIX e siècle, et de manière plus générale<br />

dans leur expansion coloniale, a été directem<strong>en</strong>t lié à la supériorité <strong>technologique</strong><br />

des armem<strong>en</strong>ts des troupes europé<strong>en</strong>nes face aux armées indigènes. Le XIX e siècle<br />

regorge de succès de corps expéditionnaires europé<strong>en</strong>s, balayant des adversaires<br />

indigènes à la fois plus nombreux et ayant l’avantage du terrain. Les seuls échecs<br />

r<strong>en</strong>contrés par des corps europé<strong>en</strong>s sont dus à des circonstances particulières,<br />

liés notamm<strong>en</strong>t à l’exercice de commandants particulièrem<strong>en</strong>t incompét<strong>en</strong>ts<br />

(Islandwhana <strong>en</strong> 1879 pour les Britanniques face aux Zoulous, Adoua <strong>en</strong> 1896 pour<br />

les Itali<strong>en</strong>s face aux Éthiopi<strong>en</strong>s (5) ). À noter que les Boers d’Afrique du Sud fur<strong>en</strong>t<br />

parmi les adversaires les plus coriaces r<strong>en</strong>contrés dans ces guerres. Contrairem<strong>en</strong>t<br />

aux autres peuples indigènes, les Boers, d’origine europé<strong>en</strong>ne, s’étai<strong>en</strong>t dotés<br />

d’armem<strong>en</strong>t modernes (fusils Mauser et canons Krupp, Creusot et Schneider)<br />

supérieurs à ceux de leurs adversaires britanniques. Il fallut quatre années de durs<br />

combats, l’<strong>en</strong>voi de milliers de soldats (au summum du conflit, 250 000 hommes<br />

v<strong>en</strong>us de tout l’Empire britannique affrontai<strong>en</strong>t 30 000 Boers) et le recours à des<br />

méthodes radicales (notamm<strong>en</strong>t l’emploi de camps de conc<strong>en</strong>tration pour couper<br />

les Boers de la population locale), pour que les Britanniques finiss<strong>en</strong>t par s’imposer.<br />

(5)<br />

Mais ceux-ci pr<strong>en</strong>dront leur revanche <strong>en</strong> 1936, grâce à leur armem<strong>en</strong>t moderne comparé à celui des troupes du Négus<br />

(troupes motorisées, aviation, gaz de combat…).<br />

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CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Le cas du Japon est particulièrem<strong>en</strong>t intéressant. Plongé p<strong>en</strong>dant des siècles dans<br />

<strong>une</strong> léthargie profonde, il se lance à partir de l’ère Meïji dans la construction d’<strong>une</strong><br />

armée moderne, équipée à l’occid<strong>en</strong>tale. Si au début il se cont<strong>en</strong>te d’importer des<br />

matériels de guerre d’origine europé<strong>en</strong>ne, il bâtit <strong>en</strong> quelques années <strong>une</strong> industrie<br />

de déf<strong>en</strong>se capable de produire des armem<strong>en</strong>ts de qualité équival<strong>en</strong>te, voire même<br />

supérieure à ceux des autres nations. L’Empire du Soleil Levant ne tarde pas à tirer<br />

rapidem<strong>en</strong>t les bénéfices de cette politique <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t : victoire sur la<br />

Chine <strong>en</strong> 1895, victoire sur la Russie <strong>en</strong> 1905. Et p<strong>en</strong>dant les premiers mois de la<br />

campagne du Pacifique, les avions chasseurs Zéro et les torpilles "longue lance"<br />

permett<strong>en</strong>t à la marine japonaise de dominer le Pacifique face à l’US Navy et de<br />

conquérir l’ess<strong>en</strong>tiel de ses objectifs territoriaux. C’est pourtant la technologie qui<br />

va coûter la victoire au Japon car il ne dispose pas de la puissance industrielle<br />

et de la capacité de R&T des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale.<br />

Ces derniers parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t simultaném<strong>en</strong>t à développer et mettre <strong>en</strong> service des<br />

armem<strong>en</strong>ts supérieurs <strong>en</strong> quantité et <strong>en</strong> qualité à ceux des japonais (par exemple<br />

les chasseurs Hellcat et autres Corsair qui balai<strong>en</strong>t des cieux le Zéro). De plus, ils<br />

exploit<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t leur suprématie <strong>technologique</strong>. C’est le radar qui permet à la<br />

marine américaine de s’imposer lors des féroces combats de nuit dans les eaux de<br />

Guadalcanal, neutralisant l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t supérieur des marins japonais dans ce type<br />

de combat. Mais c’est surtout l’arme nucléaire qui donne la victoire aux États‐Unis<br />

<strong>en</strong> brisant l’esprit de résistance japonais, illustration parfaite de la technologie<br />

comme élém<strong>en</strong>t clé de la victoire.<br />

Plus près de nous, c’est la supériorité <strong>technologique</strong> avérée des États-Unis qui<br />

leur donne la victoire dans la guerre froide, l’URSS se révélant incapable de suivre<br />

la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> lancée par les États-Unis à l’occasion de leur Strategic<br />

Def<strong>en</strong>se Initiative (SDI).<br />

Il n’est pas surpr<strong>en</strong>ant que les États-Unis se livr<strong>en</strong>t aujourd’hui <strong>en</strong>core à <strong>une</strong><br />

<strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts même s’ils n’ont plus <strong>en</strong> face d’eux de chall<strong>en</strong>gers dignes<br />

de ce nom. En effet, les Américains ont toujours été fascinés par la technologie,<br />

que ce soit dans la vie courante ou <strong>en</strong> matière militaire. Ainsi les différ<strong>en</strong>ts conflits<br />

reflèt<strong>en</strong>t <strong>une</strong> véritable doctrine américaine fondée sur le principe que tout problème<br />

peut être traité par la technologie. Cette supériorité <strong>technologique</strong> dans le domaine<br />

de la déf<strong>en</strong>se permet aux États-Unis d’être la seule superpuissance militaire dans<br />

le monde.<br />

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45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Nous voyons donc que les exemples abond<strong>en</strong>t où <strong>une</strong> supériorité <strong>technologique</strong><br />

<strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t constitue un élém<strong>en</strong>t clé de la victoire. Dans le cadre des<br />

États-Unis, la politique très volontariste depuis de nombreuses années a conduit ce<br />

pays à acquérir <strong>une</strong> avance <strong>technologique</strong> décisive qui ne semble pas susceptible<br />

d’être remise <strong>en</strong> cause de manière globale.<br />

Une option qui ne garantit pas la victoire opérationnelle<br />

Quand tactique et effet de masse prim<strong>en</strong>t<br />

Cep<strong>en</strong>dant l’Histoire montre que la suprématie <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière<br />

d’armem<strong>en</strong>t peut aussi se révéler <strong>une</strong> option coûteuse non décisive pour la<br />

victoire finale. Par exemple, avant la Première Guerre mondiale, Grande-Bretagne<br />

et Allemagne se sont livrées à <strong>une</strong> int<strong>en</strong>se <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts dans le domaine<br />

naval, <strong>en</strong> construisant de nombreux bâtim<strong>en</strong>ts cuirassés. Les autres nations<br />

europé<strong>en</strong>nes ont suivi la logique participant de fait à la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />

(France, Italie, Autriche-Hongrie, etc.). Pourtant ces systèmes d’arme se sont révélés<br />

totalem<strong>en</strong>t inadaptés aux besoins opérationnels réels. Ils ont passé la majeure partie<br />

du conflit à l’ancre dans des ports, dev<strong>en</strong>ant même dans le cas de l’Allemagne des<br />

foyers d’insurrection. Nul n’avait perçu le pot<strong>en</strong>tiel d’un nouveau système d’armes,<br />

le sous-marin, arme peu coûteuse <strong>en</strong> comparaison des cuirassés et qui a failli donner<br />

la victoire à l’Allemagne.<br />

Toujours p<strong>en</strong>dant la Première Guerre Mondiale, sur le front terrestre, les<br />

puissances de l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>te cordiale et celle de l’Axe C<strong>en</strong>tral se sont livrées <strong>en</strong> vain à <strong>une</strong><br />

<strong>course</strong> effrénée aux armem<strong>en</strong>ts : canons de plus <strong>en</strong> plus gros, nouvelles armes (gaz<br />

de combat, mortiers de tranchée, pistolet mitrailleur, char, avion, etc.). <strong>La</strong> logique<br />

des tranchées résiste à toutes ces innovations, réseaux de barbelés et mitrailleuses<br />

brisant tous les assauts. <strong>La</strong> solution allait v<strong>en</strong>ir non pas de la technologie, mais<br />

d’un changem<strong>en</strong>t de tactique. Ce sont les Allemands, qui bi<strong>en</strong> qu’ils ai<strong>en</strong>t eu dans<br />

la plupart des domaines <strong>une</strong> suprématie <strong>technologique</strong> face aux alliés, développ<strong>en</strong>t<br />

des tactiques d’infiltrations, à l’opposé des assauts massifs des années précéd<strong>en</strong>tes.<br />

Ces nouvelles tactiques bris<strong>en</strong>t le statu quo des tranchées et relanc<strong>en</strong>t la guerre<br />

de mouvem<strong>en</strong>t. Mais il est trop tard, l’armée allemande est épuisée par quatre<br />

années de conflit et ses adversaires sont trop nombreux. L’off<strong>en</strong>sive allemande est<br />

un échec et les contre-off<strong>en</strong>sives de l’Ent<strong>en</strong>te qui lui succèd<strong>en</strong>t ne r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t que<br />

128


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

peu d’opposition ; les chars dont sont massivem<strong>en</strong>t dotées les armées de l’Ent<strong>en</strong>te<br />

jou<strong>en</strong>t certes un rôle important, mais c’est l’épuisem<strong>en</strong>t de l’armée allemande et<br />

l’avantage numérique des alliés qui leur donn<strong>en</strong>t la victoire.<br />

Un scénario similaire se produit durant la Deuxième Guerre mondiale.<br />

Globalem<strong>en</strong>t, quelle que soit la période du conflit, les armem<strong>en</strong>ts des deux camps<br />

sont s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t équival<strong>en</strong>ts. <strong>La</strong> différ<strong>en</strong>ce se fera tout d’abord sur la tactique (le<br />

Blitzkrieg des premières années de guerre) puis sur la quantité de matériels dont<br />

disposeront les Alliés <strong>en</strong> fin de conflit.<br />

L’inadéquation <strong>technologique</strong> dans les conflits asymétriques<br />

Même si la suprématie <strong>technologique</strong> n’est pas toujours l’élém<strong>en</strong>t déterminant<br />

de la victoire, elle reste un atout important dans le cadre d’un conflit conv<strong>en</strong>tionnel.<br />

Néanmoins, elle s’avère beaucoup moins pertin<strong>en</strong>te dans le cadre de confrontations<br />

asymétriques. L’adversaire, dans ce type de conflit, s’<strong>en</strong>gage sur des terrains ou<br />

choisit des modes d’actions où la technologie est inefficace. C’est notamm<strong>en</strong>t<br />

le cas des différ<strong>en</strong>ts conflits de guérilla ou de terrorisme qui ont marqué les 50<br />

dernières années.<br />

Ainsi, bi<strong>en</strong> que l’État d’Israël ait su militairem<strong>en</strong>t vaincre les nations arabes<br />

dans tous les conflits qui les ont opposés, <strong>en</strong> jouant habilem<strong>en</strong>t d’armem<strong>en</strong>ts, de<br />

technologies, et de tactiques supérieures, il s’est révélé incapable de briser la volonté<br />

et la capacité de résistance des Palestini<strong>en</strong>s. Que peut faire le char ou l’avion le<br />

plus sophistiqué contre un terroriste kamikaze ?<br />

<strong>La</strong> situation peut même être aggravée quand l’adversaire a recours à des<br />

technologies civiles facilem<strong>en</strong>t disponibles pour des applications militaires. C’est,<br />

par exemple, le recours à des téléphones mobiles pour décl<strong>en</strong>cher des Improvised<br />

Explosive Device IED <strong>en</strong> Irak et Afghanistan, ou l’emploi de fibres optiques pour les<br />

communications du Hezbollah au Sud Liban, lors du conflit de 2006.<br />

Ce dernier cas qui peut remettre <strong>en</strong> cause la pertin<strong>en</strong>ce du tout <strong>technologique</strong><br />

constitue un des paradigmes actuels qui mérite <strong>une</strong> analyse plus approfondie.<br />

129


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

<strong>La</strong> technologie à l’épreuve du temps<br />

Il apparaît qu’un élém<strong>en</strong>t fondam<strong>en</strong>tal du succès de la technologie est le<br />

paramètre temporel. En effet, l’effet de surprise lié à l’apparition d’<strong>une</strong> nouvelle<br />

arme est souv<strong>en</strong>t décisif pour son succès. Une fois celui-ci passé, l’adversaire ne<br />

tarde pas à développer des matériels ou des tactiques pour contrer cette arme, avant<br />

de la copier. Un bon exemple est le premier emploi des chars lors de la bataille<br />

de Cambrai <strong>en</strong> 1917. Lors de leur premier <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t initial dans cette bataille,<br />

ils obti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>une</strong> percée décisive mais totalem<strong>en</strong>t inespérée côté anglais. À tel<br />

point que les généraux n’ont pas prévu les troupes nécessaires pour l’exploiter. Les<br />

Allemands ne tard<strong>en</strong>t pas à ram<strong>en</strong>er leurs réserves pour colmater la brèche. Plus<br />

tard, ils développeront un panel d’armes antichars qui se révéleront relativem<strong>en</strong>t<br />

efficaces lors de la suite du conflit, et les chars n’obti<strong>en</strong>dront plus jamais de succès<br />

d’<strong>une</strong> telle ampleur.<br />

Plus près de nous, le conflit du Kippour est éloqu<strong>en</strong>t. Dans les premiers jours<br />

des combats, l’armée de l’Air israéli<strong>en</strong>ne est pratiquem<strong>en</strong>t neutralisée par les<br />

réseaux de déf<strong>en</strong>se sol-air des nations arabes, permettant à celles-ci d’obt<strong>en</strong>ir<br />

des gains territoriaux significatifs, <strong>en</strong> particulier dans le Sinaï. Ce n’est que grâce<br />

à la fourniture de systèmes de guerre électronique par les États-Unis et la mise au<br />

point de tactiques adaptées que les Israéli<strong>en</strong>s pourront repr<strong>en</strong>dre partiellem<strong>en</strong>t la<br />

supériorité aéri<strong>en</strong>ne, ce qui leur permettra de repr<strong>en</strong>dre l’initiative et de remporter<br />

au finish <strong>une</strong> courte victoire.<br />

Les conflits asymétriques sont égalem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tatifs de cette problématique.<br />

Au Liban, <strong>en</strong> 2006, même après plusieurs semaines de conflit, l’armée israéli<strong>en</strong>ne<br />

n’a pas su trouver les dispositifs aptes à contrer les tactiques et armem<strong>en</strong>ts du<br />

Hezbollah. En Irak, il a fallu plusieurs années aux États-Unis pour trouver les moy<strong>en</strong>s<br />

de réduire leurs pertes par IED.<br />

Avec le développem<strong>en</strong>t rapide des technologies civiles, dont un certain<br />

nombre peuv<strong>en</strong>t avoir des applications duales (systèmes de télécommunication,<br />

d’observation, etc.), l’aspect temporel de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> devi<strong>en</strong>dra de plus<br />

<strong>en</strong> plus important à traiter. En effet, les cycles de développem<strong>en</strong>t des programmes<br />

d’armem<strong>en</strong>t étant relativem<strong>en</strong>t longs, il faudra faire preuve de réactivité et d’agilité<br />

dans le futur pour faire face aux nouvelles formes de combat.<br />

130


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

<strong>La</strong> technologie à l’épreuve du moral<br />

Autre point souv<strong>en</strong>t négligé au niveau de la technologie, l’importance de l’effet<br />

du moral. Il est surpr<strong>en</strong>ant de constater le peu d’impact de la technologie militaire<br />

sur la volonté de résistance d’<strong>une</strong> nation ou d’un peuple. Que ce soit p<strong>en</strong>dant<br />

la Deuxième Guerre mondiale, au Viêt-Nam, <strong>en</strong> Cisjordanie, des campagnes de<br />

bombardem<strong>en</strong>t massives n’ont eu que peu d’effet sur la volonté de résistance des<br />

populations bombardées, quand elle ne la r<strong>en</strong>forçait pas. Plus près de nous, la petite<br />

Serbie a résisté 78 jours avant de céder aux bombardem<strong>en</strong>ts des avions de l’Otan.<br />

En fait, la résili<strong>en</strong>ce de l’être humain est beaucoup plus importante qu’il n’y<br />

parait, à moins d’un choc psychologique extrême. Ce fut notamm<strong>en</strong>t le cas avec les<br />

bombardem<strong>en</strong>ts d’Hiroshima et de Nagasaki, qui conduisir<strong>en</strong>t le Japon à capituler.<br />

En synthèse, il convi<strong>en</strong>t de noter que jusqu’à prés<strong>en</strong>t la technologie est clairem<strong>en</strong>t<br />

un atout dans la résolution des conflits, mais qu’elle ne garantit pas la victoire dans<br />

tous les cas. De multiples paramètres v<strong>en</strong>ant interagir, il est nécessaire de bi<strong>en</strong> les<br />

id<strong>en</strong>tifier.<br />

« <strong>La</strong> technologie n’est ni bonne ni mauvaise, elle est ce que l’on <strong>en</strong> fait. »<br />

Général d’armée aéri<strong>en</strong>ne Stéphane Abrial<br />

LA COURSE TECHNOLOGIQUE AUX ARMEMENTS<br />

DES ENJEUX MULTIPLES<br />

À ce stade de la réflexion, il importe de s’intéresser aux différ<strong>en</strong>ts facteurs <strong>en</strong>trant<br />

<strong>en</strong> ligne de compte et pouvant avoir un impact sur la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong><br />

matière d’armem<strong>en</strong>t. Si le besoin opérationnel reste le point de départ de l’analyse,<br />

il convi<strong>en</strong>t aussi de passer <strong>en</strong> revue les <strong>en</strong>jeux sci<strong>en</strong>tifiques, l’intérêt industriel et<br />

son incid<strong>en</strong>ce économique voire politique. Même les <strong>en</strong>jeux sociétaux, notamm<strong>en</strong>t<br />

ceux qui relèv<strong>en</strong>t du développem<strong>en</strong>t durable, doiv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t être confrontés<br />

aux impératifs de déf<strong>en</strong>se. L’<strong>en</strong>semble des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s a permis de dresser un bilan<br />

qui est prés<strong>en</strong>té dans le prés<strong>en</strong>t chapitre.<br />

131


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Point de vue opérationnel<br />

De tout temps, le besoin militaire a été de rechercher la prise de l’asc<strong>en</strong>dant<br />

sur l’<strong>en</strong>nemi si possible <strong>en</strong> profitant d’<strong>une</strong> supériorité <strong>technologique</strong>. Il fallait tirer<br />

plus loin, plus vite, plus juste, voler plus longtemps, naviguer par tous les temps,<br />

etc. De nos jours, avec la quasi disparition des m<strong>en</strong>aces symétriques au profit de<br />

la résurg<strong>en</strong>ce d’affrontem<strong>en</strong>ts asymétriques, la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> perd de son<br />

intérêt et peut dev<strong>en</strong>ir contre-productive.<br />

Cep<strong>en</strong>dant il convi<strong>en</strong>t de nuancer cette affirmation. <strong>La</strong> doctrine terrestre a mis<br />

<strong>en</strong> exergue l’exist<strong>en</strong>ce de trois phases dans le déroulem<strong>en</strong>t des conflits actuels :<br />

interv<strong>en</strong>tion, stabilisation et normalisation. Il est évid<strong>en</strong>t que cette dernière ne nécessite<br />

pas d’avantage <strong>technologique</strong> particulier. En revanche, la phase d’interv<strong>en</strong>tion impose<br />

d’avoir <strong>une</strong> forte supériorité tactique, donc des armem<strong>en</strong>ts dont le niveau <strong>technologique</strong><br />

doit permettre de pr<strong>en</strong>dre cet asc<strong>en</strong>dant le plus vite possible, avec le moins de pertes<br />

possibles, tout <strong>en</strong> minimisant les dommages collatéraux. Concernant la stabilisation, il<br />

faut pouvoir "transformer" les <strong>en</strong>gins et véhicules utilisés précédemm<strong>en</strong>t, mais avec <strong>une</strong><br />

empreinte moins agressive. Cela demande un changem<strong>en</strong>t fort dans la conception des<br />

matériels terrestres. D’un point de vue militaire, le concept de polyval<strong>en</strong>ce de systèmes<br />

d’armes pr<strong>en</strong>d <strong>une</strong> importance croissante.<br />

En raisonnant sur le besoin de chaque armée, il semble notable que la Marine<br />

et l’armée de l’Air ai<strong>en</strong>t besoin de technologies pouvant leur conférer un avantage<br />

capacitaire important. Mais si la technologie peut r<strong>en</strong>dre plus efficace et donner des<br />

élém<strong>en</strong>ts nécessaires pour gagner la guerre, il est illusoire de p<strong>en</strong>ser qu’elle est à<br />

même de r<strong>en</strong>dre plus fort et plus puissant. Ce constat est désormais reconnu depuis<br />

les années 2000 ; <strong>en</strong> effet, plus les équipem<strong>en</strong>ts seront chers, plus le format des<br />

armées diminuera. On peut donc très facilem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer dans <strong>une</strong> spirale d’évolution/<br />

dép<strong>en</strong>dance de la technologie <strong>en</strong> échange d’un format de plus <strong>en</strong> plus réduit. Or, ri<strong>en</strong><br />

ne garantie que la technologie soit suffisante à suppléer cette diminution des forces ;<br />

à titre d’exemple peut-on déduire des performances techniques qu’un hélicoptère<br />

Tigre équivaut opérationnellem<strong>en</strong>t à 5 à 10 Gazelles, ou qu’un système Felin peut<br />

remplacer quatre ou cinq fantassins ?<br />

Il est donc nécessaire de déterminer la zone d’efficacité <strong>en</strong>tre la technologie,<br />

son coût et le nombre d’unités disponibles comme le résume le graphique ci-après.<br />

132


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Zone d’efficacité<br />

Complexité <strong>technologique</strong><br />

Nombre<br />

d’unités<br />

<strong>La</strong> politique industrielle<br />

a t<strong>en</strong>dance à déplacer<br />

cette zone vers la droite<br />

Niveau <strong>technologique</strong><br />

À budget constant, plus la technologie est complexe et donc chère, moins les unités <strong>en</strong><br />

seront équipées, d’où un format réduit.<br />

On doit chercher la zone d’efficacité. Il y a forcem<strong>en</strong>t conflit <strong>en</strong>tre politique industrielle<br />

qui inclut plus de technologie et besoin militaire (armée efficace au juste format).<br />

Pour compléter cette analyse, il est apparu que la notion de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />

ne soulève pas un <strong>en</strong>thousiasme fort auprès des responsables opérationnels. Il<br />

n’y a pas de véritable besoin d’<strong>une</strong> <strong>course</strong> avec quiconque, stricto s<strong>en</strong>su. Le terme<br />

"coopération" ressort beaucoup plus souv<strong>en</strong>t que celui de <strong>course</strong> et dans un s<strong>en</strong>s<br />

le plus large possible. Compte t<strong>en</strong>u des budgets actuels, du moins <strong>en</strong> Europe de<br />

l’ouest, il serait quasim<strong>en</strong>t suicidaire de vouloir se livrer à <strong>une</strong> <strong>course</strong> <strong>en</strong> matière de<br />

technologie que ce soit au sein de l’Union europé<strong>en</strong>ne ou même vis-à-vis d’autres<br />

pays comme les États-Unis. Le besoin reste de conserver quelques pôles d’excell<strong>en</strong>ce<br />

permettant de pouvoir t<strong>en</strong>ir son rang ou sa place avec des équipem<strong>en</strong>ts fiables.<br />

Un autre volet possible est de raccourcir les délais <strong>en</strong>tre l’expression du besoin<br />

militaire et la livraison de la série. Il est aussi <strong>en</strong>visageable d’avoir des moy<strong>en</strong>s légèrem<strong>en</strong>t<br />

différ<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t et l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t opérationnel, pour limiter les coûts.<br />

Pour compr<strong>en</strong>dre cette mutation, on peut se référer à la transformation de l’armée<br />

de Terre 2009-2014 (6) . Selon cette référ<strong>en</strong>ce, l’armée de Terre devra avoir <strong>une</strong> aptitude<br />

(6)<br />

N° 500034/Def/Emat/PS du 01/10/08 p.14.<br />

133


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

à remonter <strong>en</strong> puissance, sur préavis de six mois, par l’acquisition d’équipem<strong>en</strong>ts ou<br />

de complém<strong>en</strong>ts opérationnels. C’est donc <strong>une</strong> nouvelle ori<strong>en</strong>tation de la "politique"<br />

d’équipem<strong>en</strong>t de l’armée de Terre (7) . Les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s m<strong>en</strong>és auprès des responsables<br />

opérationnels conduis<strong>en</strong>t à p<strong>en</strong>ser que les plates-formes futures pourrai<strong>en</strong>t ne remplir<br />

qu’un pourc<strong>en</strong>tage partiel de l’<strong>en</strong>semble du besoin total. L’écart correspondrait soit<br />

à des technologies non abouties, soit à un besoin opérationnel particulier <strong>en</strong> rapport<br />

avec un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t soudain de nos forces.<br />

Cette nouvelle approche va nécessiter un changem<strong>en</strong>t dans le dialogue au sein<br />

du trinôme État-major (des Armées ou d’Armées), DGA et industrie. Le besoin<br />

opérationnel devra vraisemblablem<strong>en</strong>t être l’objet de multiples déclinaisons, avec<br />

des priorités hiérarchisées.<br />

Enfin, parmi les <strong>en</strong>jeux de la compétition <strong>technologique</strong>, il demeure important<br />

de définir et de concevoir des systèmes suffisamm<strong>en</strong>t ouverts tout <strong>en</strong> ayant des<br />

avancées <strong>technologique</strong>s pertin<strong>en</strong>tes. En effet, il est primordial que les nouveaux<br />

systèmes destinés aux armées soi<strong>en</strong>t compétitifs sur le marché international<br />

permettant, grâce aux v<strong>en</strong>tes à l’export, des séries conséqu<strong>en</strong>tes et donc des coûts<br />

de développem<strong>en</strong>t et de fabrication plus largem<strong>en</strong>t répartis.<br />

Il apparaît donc qu’il n’y a pas de besoin opérationnel intrinsèque nécessitant de<br />

m<strong>en</strong>er <strong>une</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>. En revanche, il est important de pouvoir disposer<br />

du matériel suffisant au mom<strong>en</strong>t adéquat. Ceci requiert un changem<strong>en</strong>t dans le<br />

dialogue <strong>en</strong>tre État-major, DGA et Industrie.<br />

Enjeu sci<strong>en</strong>tifique<br />

Introduction<br />

<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> est intimem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dante de la recherche et<br />

technologie (R&T). <strong>La</strong> R&T reste ess<strong>en</strong>tielle pour développer les futurs systèmes<br />

d’armes, acquérir et maint<strong>en</strong>ir les compét<strong>en</strong>ces sci<strong>en</strong>tifiques requises pour explorer<br />

les pistes <strong>technologique</strong>s prometteuses, évaluer les m<strong>en</strong>aces…<br />

(7)<br />

Compte t<strong>en</strong>u de la composition du comité n° 7, ce paragraphe sera assez ori<strong>en</strong>té armem<strong>en</strong>t terrestre. Dans le Livre blanc,<br />

la période de la prochaine loi de programmation militaire (LPM) prévoit d’être c<strong>en</strong>trée sur la restauration des capacités<br />

terrestres. Il nous est donc apparu que cette ori<strong>en</strong>tation n’était pas un non-s<strong>en</strong>s.<br />

134


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

L’<strong>en</strong>jeu de la R&T est très fort pour ce qui touche aux bas niveaux de TRL<br />

(TRL1‐3 (8) ) ce qui a conduit certaines personnes interrogées à affirmer que le<br />

leadership de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> rev<strong>en</strong>ait aux laboratoires de recherche. Les<br />

avancées <strong>technologique</strong>s prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t effectivem<strong>en</strong>t <strong>une</strong> capacité de réactivité aux<br />

m<strong>en</strong>aces émerg<strong>en</strong>tes et d’anticipation des besoins opérationnels futurs. Ces deux<br />

paramètres sont d’ailleurs mis <strong>en</strong> valeur par le Livre blanc. (9)<br />

Pour mieux saisir cet <strong>en</strong>jeu, les critères suivants doiv<strong>en</strong>t être approfondis :<br />

– le choix des domaines <strong>technologique</strong>s à explorer ;<br />

– l’efficacité de l’effort de recherche Europé<strong>en</strong> au plan mondial ;<br />

– l’intérêt de la dualité civile - militaire ;<br />

– la mise <strong>en</strong> œuvre opérationnelle et la pér<strong>en</strong>nité d’<strong>une</strong> technologie.<br />

Le choix des domaines <strong>technologique</strong>s<br />

Les choix doiv<strong>en</strong>t anticiper les besoins de demain et ainsi préparer l’av<strong>en</strong>ir de<br />

nos forces. <strong>La</strong> difficulté reste que les besoins de demain ne sont pas toujours<br />

imaginables à partir des solutions d’aujourd’hui.<br />

<strong>La</strong> limitation des ressources financières reste le principal frein à <strong>une</strong> véritable <strong>course</strong><br />

<strong>technologique</strong> tous azimuts et impose de faire des choix ciblés. Cette situation n’est<br />

pas complètem<strong>en</strong>t négative car elle force à décider plus clairem<strong>en</strong>t quelles sont nos<br />

priorités. Si la contrainte financière exclut de fait tout risque de surarmem<strong>en</strong>t, elle<br />

ne doit pas non plus conduire à faire des impasses <strong>technologique</strong>s qui pourrai<strong>en</strong>t<br />

déboucher sur un retard ultérieur sur certaines capacités opérationnelles. Il faut donc<br />

disposer de puissants outils d’appréciation. <strong>La</strong> veille <strong>technologique</strong> constitue donc<br />

un <strong>en</strong>jeu majeur et doit faire l’objet d’<strong>une</strong> circulation à tous les niveaux (top-down<br />

depuis le besoin opérationnel au bottom-up à partir des perspectives <strong>technologique</strong>s).<br />

À titre de comparaison, les États-Unis (Darpa) ont depuis des années adopté <strong>une</strong><br />

stratégie systématique consistant à lancer plusieurs études <strong>en</strong> parallèle, chac<strong>une</strong><br />

par <strong>une</strong> piste différ<strong>en</strong>te, pour résoudre le défi <strong>technologique</strong>. Cette stratégie est<br />

bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du beaucoup plus coûteuse mais produit des résultats spectaculaires.<br />

(8)<br />

TRL – Technology Readiness Level. Une échelle qui compr<strong>en</strong>d 9 niveaux de maturité d’un système ou équipem<strong>en</strong>t. Les<br />

niveaux 1-3 correspond<strong>en</strong>t aux principes, conceptions ou développem<strong>en</strong>ts très basiques d’<strong>une</strong> technologie de faible maturité.<br />

(Référ<strong>en</strong>ce : Guide TRL-RCTI).<br />

(9)<br />

Chapitre 16 – L’industrie et la recherche.<br />

135


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

L’efficacité de l’effort <strong>en</strong> recherche et technologie (ERT) <strong>en</strong> Europe<br />

<strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion internationale est importante car elle conditionne la performance<br />

des c<strong>en</strong>tres de compét<strong>en</strong>ces sci<strong>en</strong>tifiques. Le bilan actuel que l’on peut établir<br />

montre que le budget Américain <strong>en</strong> R&T est six fois supérieur à celui des pays<br />

Europé<strong>en</strong>s. Un tel écart n’est pas acceptable et doit être réduit au travers d’<strong>une</strong><br />

véritable politique de R&T europé<strong>en</strong>ne. Celle-ci devrait s’attacher à réduire les<br />

doublons et privilégier les coopérations, dans la mesure où elles ne port<strong>en</strong>t pas<br />

atteinte aux souverainetés nationales. Actuellem<strong>en</strong>t 20 % seulem<strong>en</strong>t des études<br />

R&T des pays europé<strong>en</strong>s font l’objet de coopération.<br />

L’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se dont c’est l’<strong>une</strong> des principales missions, doit<br />

développer son action pour harmoniser les politiques de R&T et de coopération<br />

<strong>en</strong>tre les pays europé<strong>en</strong>s, <strong>en</strong> veillant à limiter les domaines de souveraineté.<br />

<strong>La</strong> dualité civile - militaire<br />

Suite à la fin de la guerre froide, les budgets militaires ont fortem<strong>en</strong>t diminué<br />

<strong>en</strong>traînant la fin du leadership de la recherche militaire sur la recherche civile.<br />

Néanmoins, sur les TRL bas niveau et à quelques domaines <strong>technologique</strong>s près, il<br />

est difficile de faire <strong>une</strong> distinction <strong>en</strong>tre recherche civile et militaire.<br />

En revanche, la logique de marchés a imposé des règles distinctes : le marché<br />

civil exige des temps de développem<strong>en</strong>t très rapides comparés à ceux constatés pour<br />

les systèmes militaires. Les pressions commerciales donn<strong>en</strong>t lieu à un investissem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> R&T bi<strong>en</strong> supérieur à celui des budgets militaires. Il faut donc savoir profiter<br />

de technologies civiles, tout <strong>en</strong> intégrant leurs limites car les normes de sécurité,<br />

de conditions <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales, de robustesse ou de fiabilité diffèr<strong>en</strong>t parfois<br />

radicalem<strong>en</strong>t. <strong>La</strong> transposition à moindre coût reste donc exceptionnelle. <strong>La</strong> plupart<br />

du temps, il est impératif de requalifier <strong>une</strong> technologie dans son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

opérationnel, au risque d’échec douloureux.<br />

Au bilan, la recherche civile est bénéficiaire de l’effort de déf<strong>en</strong>se puisqu’il ressort<br />

que 60 % des technologies développées pour le secteur militaire sont transposables,<br />

contre 20 % seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> s<strong>en</strong>s inverse. De même, la synergie est croissante <strong>en</strong>tre<br />

les programmes de sécurité et de déf<strong>en</strong>se, et 15 % des programmes d’études amont<br />

intéress<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t la sécurité intérieure.<br />

136


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Mise <strong>en</strong> œuvre opérationnelle et pér<strong>en</strong>nité <strong>technologique</strong><br />

Une première étape importante consiste à transférer <strong>une</strong> technologie du domaine<br />

du chercheur à celui de l’ingénieur.<br />

Lors de la conception d’un programme, il peut s’avérer nécessaire de recourir<br />

aux démonstrateurs de technologie afin de mieux maîtriser les risques associés à la<br />

faible maturité d’<strong>une</strong> technologie. Ces démonstrateurs peuv<strong>en</strong>t aussi aider à affiner<br />

le besoin opérationnel et compr<strong>en</strong>dre les capacités émerg<strong>en</strong>tes d’<strong>une</strong> nouvelle<br />

technologie. Le processus conduit à définir, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> avance, la technologie choisie<br />

alors que cette technologie ne sera mature qu’à la mise <strong>en</strong> service opérationnel.<br />

Dans cette démarche, il y a forcem<strong>en</strong>t un risque compte t<strong>en</strong>u de la durée de<br />

développem<strong>en</strong>t, que le système ne soit plus cohér<strong>en</strong>t à sa mise <strong>en</strong> service avec le<br />

besoin opérationnel du mom<strong>en</strong>t. Pour minimiser l’écart <strong>en</strong>tre le besoin press<strong>en</strong>ti<br />

et réel, il est donc nécessaire d’avoir un délai le plus faible possible <strong>en</strong>tre le choix<br />

d’<strong>une</strong> technologie et son application.<br />

Dans la mesure où ce choix <strong>technologique</strong> doit se faire assez tôt dans le<br />

déroulem<strong>en</strong>t d’un programme, la question se pose de garantir la pér<strong>en</strong>nité de<br />

la technologie jusqu’à la phase de mise <strong>en</strong> service. Dans les premiers temps<br />

d’utilisation, la performance <strong>technologique</strong> du système d’armes va dev<strong>en</strong>ir la<br />

référ<strong>en</strong>ce mais devi<strong>en</strong>dra rapidem<strong>en</strong>t obsolète, ce qui <strong>en</strong>traîne le plus souv<strong>en</strong>t <strong>une</strong><br />

nécessaire modernisation à mi-vie. Il est fort possible que la fréqu<strong>en</strong>ce de telles<br />

modernisations évolue selon le besoin opérationnel et l’émerg<strong>en</strong>ce de technologies<br />

de rupture. Pour permettre la réactivité et l’adaptabilité de nos matériels, il faut<br />

donc continuer à m<strong>en</strong>er des travaux de R&T tout au long de l’utilisation <strong>en</strong> veillant<br />

systématiquem<strong>en</strong>t à déterminer et piloter le point d’application opérationnelle.<br />

Nous voyons donc que l’<strong>en</strong>jeu sci<strong>en</strong>tifique est très fort et <strong>en</strong> interaction avec l’<strong>en</strong>jeu<br />

opérationnel <strong>en</strong> terme d’applicabilité à un horizon donné et à un coût acceptable.<br />

<strong>La</strong> R&T demeure stratégique pour les programmes d’armem<strong>en</strong>t et doit, malgré les<br />

contraintes financières, être préservée. L’ERT est donc à maint<strong>en</strong>ir à un niveau élevé<br />

même si toutes les pistes explorées ne trouveront pas d’applications opérationnelles.<br />

137


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Intérêt industriel<br />

Il a semblé évid<strong>en</strong>t, pour la plupart des personnes interrogées, que l’industrie<br />

a sa part de responsabilité dans la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>. Mais au-delà de cette<br />

évid<strong>en</strong>ce, il convi<strong>en</strong>t d’examiner quelles sont les raisons qui incit<strong>en</strong>t un industriel<br />

à rechercher toujours plus d’innovation. Nous verrons que ces raisons peuv<strong>en</strong>t<br />

être regroupées <strong>en</strong> trois catégories : la réponse à <strong>une</strong> demande très exigeante, la<br />

recherche de l’avantage concurr<strong>en</strong>tiel par rapport aux autres industriels du même<br />

secteur, et <strong>en</strong>fin, le mainti<strong>en</strong> des compét<strong>en</strong>ces.<br />

Ceci étant posé, nous regarderons quels sont les élém<strong>en</strong>ts modérateurs face à<br />

la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>. D’un point de vue industriel, il s’agit principalem<strong>en</strong>t des<br />

contraintes financières qui limit<strong>en</strong>t les investissem<strong>en</strong>ts dans la R&T, des modalités<br />

de prise <strong>en</strong> compte des risques et de l’aptitude à savoir innover de manière pér<strong>en</strong>ne.<br />

Ce qui pousse l’industrie à la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />

Le point de vue des industriels laisse à p<strong>en</strong>ser que le besoin opérationnel a t<strong>en</strong>dance<br />

à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir la <strong>course</strong> à la technologie par simple comparaison avec ce qui se fait de<br />

mieux au sein des armées pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nemies, ou plus souv<strong>en</strong>t même, alliées.<br />

Il est vrai que les armées françaises, très largem<strong>en</strong>t déployées et au contact d’autres<br />

armées, id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce des capacités nouvelles "intéressantes", parce<br />

qu’elles multipli<strong>en</strong>t l’efficacité des troupes déployées, ou parce qu’elles facilit<strong>en</strong>t<br />

l’interopérabilité ou <strong>en</strong>core parce qu’elles permett<strong>en</strong>t de nouveaux modes d’action.<br />

Ces nouvelles capacités id<strong>en</strong>tifiées seront demandées aux industriels. Or, pour<br />

que deux équipem<strong>en</strong>ts fabriqués par deux industriels différ<strong>en</strong>ts soi<strong>en</strong>t au même<br />

niveau <strong>technologique</strong>, à peu près au même mom<strong>en</strong>t, il faut que les industriels ai<strong>en</strong>t<br />

atteint le même niveau de développem<strong>en</strong>t dans les technologies considérées. Ainsi,<br />

le seul moy<strong>en</strong> de satisfaire sans délais excessifs <strong>une</strong> demande tirée par l’exemple<br />

de ce qui est disponible dans d’autres armées, ne peut se faire qu’au travers de<br />

programmes <strong>en</strong> coopération et/ou d’investissem<strong>en</strong>ts perman<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> R&T. Pour être<br />

<strong>en</strong> phase avec l’offre d’un fournisseur, <strong>une</strong> <strong>en</strong>treprise n’a d’autre possibilité que de<br />

coopérer avec celui-ci <strong>en</strong> matière de R&T ou d’innover de manière autonome, sans<br />

att<strong>en</strong>dre qu’<strong>une</strong> technologie intéressante à copier ou intégrer n’arrive sur le marché.<br />

C’est incontestablem<strong>en</strong>t <strong>une</strong> forte incitation à "courir" derrière la technologie.<br />

138


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Au-delà de la réponse aux att<strong>en</strong>tes d’un cli<strong>en</strong>t particulier, il est évid<strong>en</strong>t que la<br />

question de l’avantage concurr<strong>en</strong>tiel se pose pour toutes les campagnes export.<br />

Les facteurs différ<strong>en</strong>tiateurs, lors d’<strong>une</strong> mise <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ce, sont de quatre ordres :<br />

– financier (le prix ainsi que les modalités de paiem<strong>en</strong>t) ;<br />

– opérationnel (la réponse du produit aux demandes du cli<strong>en</strong>t) ;<br />

– industriel (l’importance des comp<strong>en</strong>sations ainsi que la nature des technologies<br />

qui seront transférées au pays cli<strong>en</strong>t) ;<br />

– politique (tout ce qui, <strong>en</strong> marge de l’acquisition proprem<strong>en</strong>t dite, peut inciter<br />

un pays à acheter son équipem<strong>en</strong>t à tel ou tel fournisseur).<br />

Parmi ces quatre facteurs, on note que trois d’<strong>en</strong>tre eux ont un rapport direct avec<br />

la technologie mise <strong>en</strong> œuvre au sein de l’équipem<strong>en</strong>t : le prix (l’introduction de<br />

nouveaux procédés de fabrication peut permettre de réduire les coûts de production<br />

d’un équipem<strong>en</strong>t donné), la réponse au besoin opérationnel (dont les conséqu<strong>en</strong>ces<br />

sur la <strong>course</strong> à la technologie ont été évoquées supra) et les transferts de technologie<br />

associés au contrat. Ces derniers ne sont possibles qu’à la condition que la technologie<br />

transférée soit suffisamm<strong>en</strong>t attractive pour constituer un apport pour le pays cli<strong>en</strong>t<br />

sans pour autant faire perdre tout avantage concurr<strong>en</strong>tiel à l’industriel qui exporte.<br />

Celui-ci doit donc avoir, <strong>en</strong> quelque sorte, "<strong>une</strong> longueur d’avance" dans son réservoir<br />

de technologies pour se permettre de transférer <strong>une</strong> technologie dont il sait qu’<strong>une</strong><br />

fois exportée, il ne sera plus <strong>en</strong> mesure d’<strong>en</strong> contrôler l’utilisation.<br />

En résumé, la recherche de l’avantage concurr<strong>en</strong>tiel est un moteur de la <strong>course</strong><br />

à la technologie pour :<br />

– réduire les coûts <strong>en</strong> agissant sur la composition de l’équipem<strong>en</strong>t et/ou sur les<br />

procédés de fabrication et/ou de souti<strong>en</strong> ;<br />

– offrir un produit plus performant ;<br />

– permettre au v<strong>en</strong>deur de transférer des technologies sans compromettre son<br />

av<strong>en</strong>ir ;<br />

– s’ouvrir vers de nouveaux "marchés" <strong>en</strong> proposant des fonctionnalités<br />

nouvelles.<br />

Ces aspects s’observ<strong>en</strong>t de manière similaire sur les marchés civils et militaires,<br />

chaque domaine faisant l’objet d’<strong>une</strong> veille <strong>technologique</strong> de plus <strong>en</strong> plus active ainsi<br />

que d’<strong>une</strong> réévaluation fréqu<strong>en</strong>te de la criticité des technologies employées vis-à-vis<br />

de la concurr<strong>en</strong>ce (la terminologie consacrée étant celle de core/non core).<br />

139


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Mais il convi<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t d’examiner les aspects de mainti<strong>en</strong> de compét<strong>en</strong>ces,<br />

qui recouvr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait deux notions différ<strong>en</strong>tes. Il s’agit d’<strong>une</strong> part de se donner<br />

les moy<strong>en</strong>s d’<strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir un réservoir d’ingénieurs aux connaissances critiques pour<br />

l’<strong>en</strong>treprise, d’autre part de faire <strong>en</strong> sorte qu’un équipem<strong>en</strong>t produit <strong>une</strong> année<br />

donnée puisse l’être <strong>en</strong>core, de manière parfaitem<strong>en</strong>t fonctionnelle, plusieurs<br />

années après.<br />

Pour <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir un réservoir d’ingénieurs, il faut que ceux-ci ai<strong>en</strong>t un plan<br />

de charge stable et des perspectives d’évolution valorisantes. Or, lorsque le<br />

développem<strong>en</strong>t d’un programme s’achève, il est fort probable que le programme<br />

suivant ne sera pas immédiatem<strong>en</strong>t lancé, de sorte que des effectifs importants<br />

du bureau d’études vont se retrouver sans études spécifiques. Cette situation a<br />

<strong>en</strong> général deux conséqu<strong>en</strong>ces : certains des ingénieurs désœuvrés se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

quête d’un emploi chez un autre employeur alors que ceux qui rest<strong>en</strong>t n’arriv<strong>en</strong>t<br />

pas à transmettre leur savoir, faute d’études capables de faire v<strong>en</strong>ir des plus<br />

je<strong>une</strong>s. Le risque de perdre des compét<strong>en</strong>ces est d’autant plus grand que le cycle<br />

des grands programmes d’armem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>d à espacer les différ<strong>en</strong>tes générations<br />

de matériel, de sorte que le temps qui passe <strong>en</strong>tre deux programmes majeurs<br />

successifs multiplie les départs, sans permettre le mainti<strong>en</strong> et la transmission<br />

du savoir <strong>en</strong> interne. <strong>La</strong> seule solution pour éviter cette fuite des cerveaux est<br />

de recourir aux études de R&T, pour maint<strong>en</strong>ir un niveau de charge minimal du<br />

bureau d’études <strong>en</strong>tre deux programmes.<br />

Conséqu<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre autres de la <strong>course</strong> à la technologie, mais égalem<strong>en</strong>t de<br />

l’introduction de nombreux règlem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> faveur du développem<strong>en</strong>t durable, le<br />

r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t des procédés de fabrication et des matériaux utilisés pour réaliser<br />

un composant donné est de plus <strong>en</strong> plus rapide. Cet aspect est perceptible <strong>en</strong><br />

partie au travers des nombreuses obsolesc<strong>en</strong>ces que connaît un matériel au cours<br />

de sa vie. Mais au-delà des obsolesc<strong>en</strong>ces et <strong>en</strong> supposant que celles-ci seront<br />

gérées conv<strong>en</strong>ablem<strong>en</strong>t, il est considéré comme fort probable que l’on ne saura<br />

pas produire dans vingt ans un produit rigoureusem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tique à celui que l’on<br />

produit aujourd’hui, du simple fait que la composition des matières premières<br />

aura évolué (les matériaux pourront être d’<strong>une</strong> pureté différ<strong>en</strong>te) et que le niveau<br />

de finition des sous-composants sera différ<strong>en</strong>t parce que les outils et procédés de<br />

fabrication le seront ou simplem<strong>en</strong>t parce que la formation des personnels mis à<br />

contribution sera différ<strong>en</strong>te. Aussi, fabriquer un armem<strong>en</strong>t à un mom<strong>en</strong>t donné<br />

140


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

n’implique pas toujours la capacité à le reproduire de nouveau plus tard. Selon ce<br />

principe, <strong>une</strong> technologie n’est jamais pér<strong>en</strong>ne. C’est <strong>en</strong> particulier vrai pour les<br />

armem<strong>en</strong>ts de la dissuasion, ce qui r<strong>en</strong>d nécessaire la prise <strong>en</strong> compte de marges<br />

dans la conception des armes actuelles et le développem<strong>en</strong>t de moy<strong>en</strong>s capables de<br />

vérifier que les armes produites ultérieurem<strong>en</strong>t seront fonctionnelles. Ainsi, même<br />

lorsqu’<strong>une</strong> technologie peut être considérée comme suffisante pour répondre à<br />

un besoin donné, il est vraisemblable que celle-ci ne puisse continuer à répondre<br />

à ce besoin, fut-il inchangé, sans un minimum d’études complém<strong>en</strong>taires afin de<br />

garantir sa durabilité.<br />

En comparant les domaines civil et militaire, il apparaît que la principale différ<strong>en</strong>ce<br />

réside dans l’origine du besoin. Dans le domaine militaire, ce sont principalem<strong>en</strong>t<br />

les utilisateurs finaux qui sont force de proposition et d’innovation au travers des<br />

besoins exprimés, alors que dans le domaine civil, c’est avant tout la concurr<strong>en</strong>ce<br />

qui tire l’innovation au niveau de l’offre. Il est d’ailleurs assez logique dans ces<br />

conditions que les modes de financem<strong>en</strong>ts de la R&T diffèr<strong>en</strong>t selon les domaines :<br />

la R&T destinée aux équipem<strong>en</strong>ts militaires est justifiée par la réponse à un besoin,<br />

au regard de son coût mais aussi et surtout au regard des performances souhaitées,<br />

alors que la R&T destinée aux équipem<strong>en</strong>ts civils est évaluée <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce sous<br />

le prisme du retour sur investissem<strong>en</strong>t.<br />

<strong>La</strong> durée des cycles, souv<strong>en</strong>t évoquée, n’est pas différ<strong>en</strong>te pour un secteur<br />

d’activité donné ; <strong>en</strong> revanche on observe <strong>en</strong> général <strong>une</strong> bonne complém<strong>en</strong>tarité<br />

des cycles civils et militaires, de sorte que l’activité moy<strong>en</strong>ne civile et militaire<br />

connaît <strong>une</strong> évolution plus mesurée que celle d’un seul des deux domaines, ce qui<br />

incite logiquem<strong>en</strong>t beaucoup d’industriels à équilibrer, lorsque c’est possible, leurs<br />

portefeuilles <strong>en</strong>tre ces deux domaines, avec des retombées évidemm<strong>en</strong>t favorables<br />

pour les technologies duales.<br />

Une autre différ<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong>fin, <strong>en</strong>tre le civil et le militaire, concerne les aspects<br />

de propriété intellectuelle, appréciée dans le civil sous l’angle des <strong>en</strong>jeux de<br />

concurr<strong>en</strong>ce et considérée dans le militaire comme constitutive d’un <strong>en</strong>jeu de<br />

souveraineté nationale. Ce dernier point est, nous le verrons dans le paragraphe<br />

"poids politique", <strong>une</strong> autre clé de la <strong>course</strong> à la technologie.<br />

141


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Les freins industriels à la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />

Les montants consacrés à la R&T, dans le domaine de la Déf<strong>en</strong>se, sont assez<br />

faibles, de l’ordre de quelques pourc<strong>en</strong>ts du chiffre d’affaires. Ils sont, <strong>en</strong> pratique, du<br />

même ordre de grandeur que les marges opérationnelles des industriels concernés,<br />

ce qui illustre bi<strong>en</strong> le choix cornéli<strong>en</strong> auquel ceux-ci sont confrontés chaque année,<br />

lorsqu’il faut choisir <strong>en</strong>tre le résultat immédiat, au bénéfice d’actionnaires pressés<br />

avec lesquels le marché est souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> phase, et la préparation de l’av<strong>en</strong>ir au<br />

détrim<strong>en</strong>t de la rémunération à court terme des actionnaires. D’<strong>une</strong> manière<br />

générale, c’est l’équilibre qui prévaut, ce qui donne de fait <strong>une</strong> limite aux montants<br />

investis dans la recherche.<br />

Au bilan, il est difficile pour un industriel de faire varier de façon franche et/<br />

ou irrégulière le volume de son activité de R&T. Aussi, la <strong>course</strong> aux technologies,<br />

lorsqu’elle est m<strong>en</strong>ée, aura t<strong>en</strong>dance à se faire à un rythme constant ou <strong>en</strong> faibles<br />

variations. C’est donc ici <strong>une</strong> limitation.<br />

Autre facteur limitant : le risque <strong>technologique</strong>. En effet, la complexité croissante<br />

des armem<strong>en</strong>ts r<strong>en</strong>d l’intégration d’<strong>une</strong> nouvelle technologie dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

existant de plus <strong>en</strong> plus délicate, alors qu’elle allonge les durées de développem<strong>en</strong>t<br />

de systèmes <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t nouveaux. Certes, les moy<strong>en</strong>s de CAO et de simulation,<br />

sans cesse plus performants, permett<strong>en</strong>t de réduire les incertitudes associées à<br />

<strong>une</strong> innovation donnée, mais ils ne les lèv<strong>en</strong>t pas complètem<strong>en</strong>t. À contrario, les<br />

incertitudes résiduelles sont d’autant plus difficiles à évaluer que l’homme a pris<br />

l’habitude de s’<strong>en</strong> remettre aux outils informatiques pour prévoir le comportem<strong>en</strong>t<br />

d’un système et a ainsi parfois perdu l’usage du bon s<strong>en</strong>s, du "flair" dans son analyse<br />

des dysfonctionnem<strong>en</strong>ts possibles. À cela s’ajoute la complexité des moy<strong>en</strong>s de<br />

simulation et de tests, dont les paramétrages sont dev<strong>en</strong>us tellem<strong>en</strong>t évolués, pour<br />

mieux pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les infimes variations des conditions <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales<br />

réelles, qu’ils génèr<strong>en</strong>t par eux-mêmes de nouvelles sources d’incertitude et d’erreurs.<br />

Or les risques sont difficilem<strong>en</strong>t partageables. <strong>La</strong> multiplication des exemples où des<br />

part<strong>en</strong>aires c<strong>en</strong>sés partager les risques (communém<strong>en</strong>t appelés risk sharing partners),<br />

se retrouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait dans <strong>une</strong> logique de rejet de la responsabilité sur l’autre dès<br />

qu’un problème survi<strong>en</strong>t, tant les <strong>en</strong>jeux financiers, voire légaux, sont importants. En<br />

matière de programmes d’armem<strong>en</strong>ts, il y a ces dernières années <strong>une</strong> t<strong>en</strong>dance de<br />

fond qui vise à transférer le plus possible de risques de l’État vers l’industrie, pour<br />

142


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

différ<strong>en</strong>tes raisons qui vont de la recherche de la moindre responsabilité personnelle<br />

(face au juridisme croissant de notre société) à la meilleure prédiction possible des<br />

flux financiers (à l’extrême, un programme où l’industriel maîtrise effectivem<strong>en</strong>t tous<br />

les risques ne devrait pas connaître la moindre dérive, ni cal<strong>en</strong>daire ni financière).<br />

Ainsi, les mécanismes mis <strong>en</strong> place par la Lolf ne laiss<strong>en</strong>t pas de place aux surcoûts<br />

inatt<strong>en</strong>dus et ne permett<strong>en</strong>t pas de dégager facilem<strong>en</strong>t les ressources requises face<br />

à un risque qui aurait été sous-évalué côté étatique. En résumé, la t<strong>en</strong>dance observée<br />

ces dernières années est celle d’<strong>une</strong> augm<strong>en</strong>tation des risques liés à l’introduction<br />

de nouvelles technologies, doublée d’<strong>une</strong> moindre répartition de ces risques <strong>en</strong>tre<br />

différ<strong>en</strong>ts part<strong>en</strong>aires. Les parades sont malheureusem<strong>en</strong>t peu nombreuses : soit<br />

les risques sont réduits par recours à des technologies davantage matures, soit des<br />

provisions cal<strong>en</strong>daires et financières pour risques sont prises, ce qui se répercute dans<br />

le coût du programme. Là <strong>en</strong>core, nous avons affaire à un facteur limitant la <strong>course</strong><br />

à la technologie.<br />

Dernier facteur limitant : la nature variable des innovations. Il est désormais<br />

acquis que l’innovation procède par <strong>une</strong> combinaison de petits sauts, souv<strong>en</strong>t<br />

appelés "évolutions", et par des grands bonds, communém<strong>en</strong>t qualifiés de "ruptures<br />

<strong>technologique</strong>s". Or il est très difficile de choisir <strong>en</strong>tre innovation incrém<strong>en</strong>tale et saut<br />

<strong>technologique</strong> comme il est rare de savoir distinguer dans les différ<strong>en</strong>tes trouvailles<br />

celle qui pourra décl<strong>en</strong>cher <strong>une</strong> rupture <strong>technologique</strong>, de sorte que l’innovation<br />

suit un rythme peu prédictif <strong>en</strong> dehors de quelques règles statistiques élaborées de<br />

manière empirique et jamais vraim<strong>en</strong>t prises <strong>en</strong> compte lors de la définition d’un<br />

produit futur, par crainte que la règle, non démontrée, ne devi<strong>en</strong>ne fausse. Or les<br />

matériels développés pour répondre aux besoins de la Déf<strong>en</strong>se ont t<strong>en</strong>dance à<br />

être de plus <strong>en</strong> plus complexes et interdép<strong>en</strong>dants. Ces deux aspects, complexité<br />

et interdép<strong>en</strong>dance, ont comme conséqu<strong>en</strong>ce que les cycles de développem<strong>en</strong>t des<br />

différ<strong>en</strong>ts systèmes doiv<strong>en</strong>t être régulièrem<strong>en</strong>t recalés. Il est peu vraisemblable qu’<strong>une</strong><br />

technologie de rupture puisse facilem<strong>en</strong>t être intégrée dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t dont la<br />

plupart des composants ne connaîtrai<strong>en</strong>t que de simples évolutions. Par exemple, <strong>en</strong><br />

matière de télécommunications, l’accroissem<strong>en</strong>t très significatif des débits de données<br />

transmissibles avec le passage de l’analogique au numérique n’a pu être pleinem<strong>en</strong>t<br />

pris <strong>en</strong> compte qu’à partir du mom<strong>en</strong>t où les élém<strong>en</strong>ts d’interface (écrans de contrôles,<br />

postes radio, outils de programmation de fréqu<strong>en</strong>ces, etc.) et le format des données ont<br />

été r<strong>en</strong>dus compatibles avec le numérique. Pour poursuivre l’exemple, la transmission<br />

d’images par voie radio est arrivée bi<strong>en</strong> après la capacité de transmettre des signaux<br />

143


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

numériques par cette voie ; elle a <strong>en</strong> effet dû att<strong>en</strong>dre l’introduction de capteurs<br />

d’images numériques. Une limitation similaire se retrouve pour des systèmes dont au<br />

moins un des composants ne peut évoluer p<strong>en</strong>dant plusieurs années, soit parce qu’il<br />

est difficile techniquem<strong>en</strong>t de le faire évoluer facilem<strong>en</strong>t (cas du moteur d’un avion<br />

de combat, par opposition à ses calculateurs) soit que cela ne soit pas acceptable<br />

économiquem<strong>en</strong>t (cas d’un satellite de communications dont il est impossible de faire<br />

évoluer la gamme de fréqu<strong>en</strong>ces sans changer le satellite lui-même). Il apparaît donc<br />

que l’interdép<strong>en</strong>dance des différ<strong>en</strong>ts composants d’un système d’armes introduit des<br />

limites importantes à l’introduction de nouvelles technologies dans <strong>une</strong> partie de ce<br />

système et, de fait, freine la <strong>course</strong> à la technologie.<br />

Notons <strong>en</strong>fin, pour ajouter un peu à la complexité de l’<strong>en</strong>semble, que<br />

l’augm<strong>en</strong>tation de l’écart <strong>en</strong>tre deux générations consécutives d’un système d’armes<br />

devrait inciter les concepteurs à rechercher des technologies de rupture, plus à<br />

même de donner un écart significatif de performances <strong>en</strong>tre les deux générations,<br />

alors même que la maîtrise des risques associée à cet écart important <strong>en</strong>tre deux<br />

programmes incite, au contraire, à se cont<strong>en</strong>ter d’innovations limitées.<br />

En synthèse, il apparaît un intérêt fort pour l’industrie à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir la <strong>course</strong><br />

<strong>technologique</strong> <strong>en</strong> réponse au besoin opérationnel exprimé ou press<strong>en</strong>ti, tout <strong>en</strong><br />

gardant <strong>en</strong> mémoire les facteurs limitants que sont la capacité des bureaux d’étude,<br />

la maîtrise du risque <strong>technologique</strong> et les investissem<strong>en</strong>ts requis.<br />

Incid<strong>en</strong>ce économique<br />

L’armem<strong>en</strong>t au cœur du développem<strong>en</strong>t économique de la nation<br />

De tous temps, l’armem<strong>en</strong>t a permis de développer <strong>une</strong> industrie de pointe au<br />

service d’un projet politique, celui d’affirmer la puissance d’<strong>une</strong> nation.<br />

Le XX e siècle est très révélateur de cette <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts ayant eu <strong>une</strong><br />

incid<strong>en</strong>ce économique : reconstruction de l’Allemagne après la défaite de 1918,<br />

<strong>course</strong> à l’arme nucléaire, bouclier antimissiles… Très logiquem<strong>en</strong>t, les avancées<br />

<strong>technologique</strong>s réclam<strong>en</strong>t des investissem<strong>en</strong>ts majeurs que seuls les pays riches<br />

peuv<strong>en</strong>t s’offrir. Elles peuv<strong>en</strong>t servir un véritable projet de société comme ce fut<br />

144


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

le cas pour la conquête spatiale aux États-Unis. Une telle volonté suppose la<br />

hiérarchisation des priorités de la Nation. Ainsi, <strong>une</strong> grande cause nationale est<br />

facilem<strong>en</strong>t évoquée pour accéder à <strong>une</strong> nouvelle capacité de déf<strong>en</strong>se et allouer<br />

des budgets massifs à la Déf<strong>en</strong>se dans la mesure où le pays demeure sous le coup<br />

d’<strong>une</strong> m<strong>en</strong>ace d’agression connue ou press<strong>en</strong>tie.<br />

L’exemple français mérite d’être souligné. À l’issue de la Seconde Guerre<br />

mondiale et dans le contexte de la guerre froide <strong>en</strong>tre les États-Unis et les pays<br />

du Pacte de Varsovie, l’indép<strong>en</strong>dance stratégique, dont la Nation française avait<br />

fait sa priorité, s’est traduite par l’acquisition d’un outil de déf<strong>en</strong>se de premier<br />

rang mondial. <strong>La</strong> DGA a été constituée pour répondre à cet objectif politique<br />

basé principalem<strong>en</strong>t sur la dissuasion nucléaire. L’outil industriel a largem<strong>en</strong>t<br />

bénéficié des finances publiques jusqu’à la fin des années 1980. Un tel cycle a pu<br />

s’accomplir <strong>en</strong> bénéficiant du développem<strong>en</strong>t économique de l’après guerre (les<br />

Tr<strong>en</strong>te Glorieuses) et a résisté aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979.<br />

Avec l’effondrem<strong>en</strong>t du Mur de Berlin <strong>en</strong> 1989 et la constitution progressive de<br />

l’Europe de la Déf<strong>en</strong>se, la situation a changé radicalem<strong>en</strong>t. Même si des risques de<br />

conflits intra-europé<strong>en</strong>s peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core être id<strong>en</strong>tifiés, la plupart des pays occid<strong>en</strong>taux<br />

ne viv<strong>en</strong>t plus sous <strong>une</strong> m<strong>en</strong>ace adverse. De façon naturelle, les priorités économiques<br />

ont été revues depuis le début des années 1990. Confortée par la maturité de son<br />

industrie de Déf<strong>en</strong>se et son niveau <strong>technologique</strong>, la France a pu revoir sa politique de<br />

la déf<strong>en</strong>se <strong>en</strong> adaptant l’effort financier au juste nécessaire. Une logique d’acquisition<br />

de capacités militaires a laissé place à <strong>une</strong> logique de gestion financière, avec le risque<br />

de voir la déf<strong>en</strong>se être régulièrem<strong>en</strong>t la variable d’ajustem<strong>en</strong>t d’un budget contraint.<br />

Selon les données actuellem<strong>en</strong>t rec<strong>en</strong>sées, il est difficile d’évaluer précisém<strong>en</strong>t le<br />

nombre d’emplois concernés par les programmes de R&T de déf<strong>en</strong>se mais on peut<br />

raisonnablem<strong>en</strong>t l’estimer à 30 000 emplois directs <strong>en</strong> France.<br />

Aspects budgétaires<br />

Au plan national<br />

Pour mesurer l’effort cons<strong>en</strong>ti par la nation dans le domaine des technologies<br />

de sécurité et de déf<strong>en</strong>se, il convi<strong>en</strong>t d’extraire la part budgétaire relevant de<br />

l’effort de recherche <strong>technologique</strong> (ERT) <strong>en</strong> amont des programmes d’armem<strong>en</strong>t<br />

145


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

et permettant d'acquérir l'expertise, les connaissances et capacités sci<strong>en</strong>tifiques,<br />

et techniques nécessaires à la définition et au lancem<strong>en</strong>t des futurs équipem<strong>en</strong>ts.<br />

Celle-ci relève principalem<strong>en</strong>t des crédits d’études amont regroupés pour la majeure<br />

partie dans l'action 4 "Mainti<strong>en</strong> des capacités <strong>technologique</strong>s et industrielles" du<br />

programme 144 "Environnem<strong>en</strong>t et prospective de la politique de déf<strong>en</strong>se" et aux<br />

subv<strong>en</strong>tions versées aux organismes de recherche sous tutelle du ministère (Onera,<br />

ISL). L’ERT a représ<strong>en</strong>té 850 M€ <strong>en</strong> 2008.<br />

En élargissant aux programmes de recherche duale de la MIRES (P191), aux<br />

études de déf<strong>en</strong>se et à la part R&D des développem<strong>en</strong>ts de systèmes d’armes,<br />

on constate que l’agrégat de la R&D de déf<strong>en</strong>se atteint 3,62 G€ <strong>en</strong> 2008 contre<br />

3,46€ <strong>en</strong> 2007 soit <strong>une</strong> progression de 4,6 %. (10)<br />

Toutefois, on peut constater que la part déf<strong>en</strong>se dans la dép<strong>en</strong>se nationale R&D<br />

totale est <strong>en</strong> baisse depuis 1998 : elle était de 9,5 % <strong>en</strong> 1998 alors qu’elle ne<br />

représ<strong>en</strong>te plus que 7,4 % <strong>en</strong> 2008. (11)<br />

Au plan international<br />

Selon les données rec<strong>en</strong>sées par l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se (12) , la France<br />

et le Royaume-Uni représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à eux seuls les deux tiers de l'effort de recherche<br />

et technologie de déf<strong>en</strong>se europé<strong>en</strong> (2,5 G€) et de R&D (9,5 G€ <strong>en</strong> 2007) ce qui<br />

atteste du rôle majeur que jou<strong>en</strong>t ces deux nations dans la construction de l’Europe<br />

de la déf<strong>en</strong>se. Les autres grands contributeurs sont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et<br />

la Suède, tous signataires de la LOI. L’<strong>en</strong>semble des dép<strong>en</strong>ses europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> matière<br />

de déf<strong>en</strong>se représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t 41,8 G€ <strong>en</strong> 2007 d’où un ratio R&T/total de 6 %.<br />

Concernant plus particulièrem<strong>en</strong>t la France, la contribution à l’effort europé<strong>en</strong><br />

de R&T est croissant depuis 2003 : l’effort de recherche <strong>technologique</strong> est ainsi<br />

passé de 497,7 M€ <strong>en</strong> 2003 à 850 M€ <strong>en</strong> 2008. Il est significatif car il intervi<strong>en</strong>t<br />

dans <strong>une</strong> loi de programmation caractérisée principalem<strong>en</strong>t par l’équipem<strong>en</strong>t des<br />

forces (13) et le souti<strong>en</strong> opérationnel. Il demeure néanmoins modeste au regard des<br />

dép<strong>en</strong>ses consacrées par les États-Unis estimées à 13,3 milliards d'euros <strong>en</strong> 2008.<br />

(10)<br />

Source : "Projet de Loi de Finances", 2008.<br />

(11)<br />

Source : Annuaire statistique de la Déf<strong>en</strong>se, 2007-2008, publié le 26 juin 2008.<br />

(12)<br />

Source : "National Def<strong>en</strong>ce Exp<strong>en</strong>diture 2006-2007".<br />

(13)<br />

Notamm<strong>en</strong>t Rafale, Tigre, Felin, VBCI, Fremm, Barracuda, A400M.<br />

146


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

L'écart avec les États-Unis est <strong>en</strong>core plus marqué si l'on se réfère à l'agrégat R&D :<br />

l'effort français ne représ<strong>en</strong>te alors qu’à peine 5 % de l'effort américain (3,6 G€<br />

contre 77,3 G€) !<br />

Face aux contraintes économiques qui pès<strong>en</strong>t sur l’<strong>en</strong>semble des pays<br />

occid<strong>en</strong>taux, il devi<strong>en</strong>t indisp<strong>en</strong>sable de privilégier la mutualisation des budgets<br />

dédiés à la préparation de l’av<strong>en</strong>ir. C’est bi<strong>en</strong> dans cette perspective que s’inscrit la<br />

France qui consacre <strong>une</strong> part importante de sa R&T à des coopérations europé<strong>en</strong>nes<br />

confiées à l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se (AED). Outre sa participation au budget<br />

opérationnel commun qui s'élève depuis 2005 à <strong>en</strong>viron 5 millions par an pour des<br />

études de recherche et technologie, la France est prés<strong>en</strong>te dans tous les grands<br />

projets de l'AED financés sur budget dédié : Musis, programme de protection<br />

des forces (Force Protection), radio-logicielle (Essor) ou programme de concepts<br />

innovants et technologies émerg<strong>en</strong>tes (ICET)…<br />

Nécessité d’<strong>une</strong> BITD<br />

L’investissem<strong>en</strong>t de R&T cons<strong>en</strong>ti par la déf<strong>en</strong>se bénéficie principalem<strong>en</strong>t<br />

à l’industrie de déf<strong>en</strong>se et aux PME du secteur. L’objectif principal est bi<strong>en</strong> de<br />

constituer et <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir <strong>une</strong> industrie de déf<strong>en</strong>se et de sécurité compétitive au plan<br />

mondial.<br />

<strong>La</strong> constitution d’<strong>une</strong> véritable base industrielle et <strong>technologique</strong> de déf<strong>en</strong>se<br />

(BITD) innovante et à la pointe des technologies de déf<strong>en</strong>se restera principalem<strong>en</strong>t<br />

alim<strong>en</strong>tée par les contrats étatiques. Les contrats de R&T représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t ainsi,<br />

<strong>en</strong> 2005, à 1,79 milliard d’euros, soit les deux tiers du financem<strong>en</strong>t public de la<br />

R&D des <strong>en</strong>treprises (2,56 G€). Ils concernai<strong>en</strong>t près d’<strong>une</strong> c<strong>en</strong>taine d’<strong>en</strong>treprises,<br />

dont <strong>en</strong>viron 60 PME (moins de 500 salariés). Il faut noter que le nombre de PME<br />

bénéficiaires de contrats de R&D pour la déf<strong>en</strong>se s’est s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t accru après<br />

1996, tout <strong>en</strong> connaissant des évolutions fluctuantes. Leur part du montant total<br />

des contrats reste cep<strong>en</strong>dant très faible.<br />

Ce constat, regretté par les PME, paraît difficile à faire évoluer car les grands<br />

industriels systémiers souhait<strong>en</strong>t légitimem<strong>en</strong>t maîtriser le risque de transposition<br />

<strong>technologique</strong> à leurs produits.<br />

147


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

L’<strong>en</strong>jeu économique des exportations d’armem<strong>en</strong>t<br />

L’<strong>en</strong>jeu économique des exportations d’armem<strong>en</strong>t est double. D’<strong>une</strong> part, elles<br />

allèg<strong>en</strong>t l’effort financier de l’État que ce soit sur les matériels actuels (effet de<br />

volume des commandes) ou les programmes futurs (participation au développem<strong>en</strong>t<br />

de nouveaux systèmes d’armes dont la France pourrait être cli<strong>en</strong>te). D’autre part,<br />

elles confort<strong>en</strong>t l’implantation de l’industrie française à l’étranger et accroiss<strong>en</strong>t le<br />

chiffre d’affaires total.<br />

Le marché des exportations d’armem<strong>en</strong>t reflète la performance de notre outil<br />

industriel et l’effort d’innovation <strong>technologique</strong> qui est indisp<strong>en</strong>sable pour maint<strong>en</strong>ir<br />

la place de la France sur l’échiquier mondial. Or, la place de la France est m<strong>en</strong>acée.<br />

L’étude des exportations françaises d’armem<strong>en</strong>t (14) montre que les commandes<br />

ont régressé <strong>en</strong> volume <strong>en</strong>tre 1998 (8,64 G€) et 2004 (3,49 G€) avant d’amorcer<br />

<strong>une</strong> remontée. L’objectif est désormais d’atteindre 7G€ d’ici 2010 soit 13 % du<br />

marché mondial. Cet objectif reste ambitieux au regard des difficultés r<strong>en</strong>contrées<br />

précédemm<strong>en</strong>t : certains programmes emblématiques n’ont pas <strong>en</strong>core trouvé de<br />

débouchés à l’export (exemple typique du Rafale), d’autres ne convainqu<strong>en</strong>t pas<br />

dans la mesure où ils ne sont pas acquis par la France. De façon générale, la part<br />

française des exportations d’armem<strong>en</strong>t est <strong>en</strong> réduction sous l’effet de lobbying des<br />

grandes Nations exportatrices et l’émerg<strong>en</strong>ce de nouveaux acteurs sur ce marché<br />

stratégique.<br />

Même si le niveau des exportations demeure somme toute modeste au regard<br />

d’un budget national, la branche armem<strong>en</strong>t se caractérise par un taux d’exportation<br />

important, de l’ordre de 60%, largem<strong>en</strong>t imputable à l’innovation <strong>technologique</strong><br />

de l’industrie de déf<strong>en</strong>se (15) .<br />

<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> participe donc au développem<strong>en</strong>t économique de la nation<br />

mais induit un effort budgétaire conséqu<strong>en</strong>t, qui peut partiellem<strong>en</strong>t être allégé<br />

par les exportations d’armem<strong>en</strong>t et les perspectives de coopération <strong>en</strong>tre pays<br />

europé<strong>en</strong>s.<br />

(14)<br />

Source DGA/DDI.<br />

(15)<br />

Source : comptes nationaux, branche armem<strong>en</strong>t base 2000 et Insee.<br />

148


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Poids politique<br />

Le Livre blanc (16) précise que les « compét<strong>en</strong>ces sci<strong>en</strong>tifiques, <strong>technologique</strong>s<br />

et industrielles de la France conditionn<strong>en</strong>t sa capacité à satisfaire les besoins des<br />

armées, ceux de nos part<strong>en</strong>aires europé<strong>en</strong>s, et de plus <strong>en</strong> plus ceux des forces<br />

de sécurité intérieure et de sécurité civile. Elles doiv<strong>en</strong>t permettre à la France<br />

de conserver son autonomie stratégique et contribu<strong>en</strong>t à promouvoir l’Europe<br />

comme pôle d’excell<strong>en</strong>ce industriel et <strong>technologique</strong>. » <strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion politique<br />

de la technologie employée dans les outils de déf<strong>en</strong>se est ainsi clairem<strong>en</strong>t posée.<br />

Après avoir prés<strong>en</strong>té la compétitivité de l’industrie française, le Livre blanc<br />

constate la fragm<strong>en</strong>tation de l’industrie de déf<strong>en</strong>se europé<strong>en</strong>ne, précisant que seuls<br />

« certains secteurs, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t l’aéronautique et l’électronique de déf<strong>en</strong>se, ont<br />

vu l’émerg<strong>en</strong>ce de grands groupes europé<strong>en</strong>s. » Et <strong>en</strong>core, ceux-ci sont le fruit de<br />

rapprochem<strong>en</strong>ts guidés par « la volonté des États de conserver sur leur territoire des<br />

capacités de R&D de production et de maint<strong>en</strong>ance jugées stratégiques, » de sorte<br />

que les capacités <strong>technologique</strong>s et industrielles n’ont pas été réparties dans un but<br />

de performance économique. Or il est précisé plus loin qu’il « existe, <strong>en</strong>tre tous les<br />

acteurs de la sécurité nationale, des problématiques <strong>technologique</strong>s partagées, pour<br />

lesquelles seule <strong>une</strong> approche d’<strong>en</strong>semble est de nature à dégager des synergies.<br />

Des approches séparées pourrai<strong>en</strong>t créer des duplications et nuire à l’interopérabilité<br />

des équipem<strong>en</strong>ts. »<br />

C’est là tout le paradoxe lié à l’innovation et aux technologies mises <strong>en</strong> œuvre<br />

dans les équipem<strong>en</strong>ts de déf<strong>en</strong>se, considérées par les uns comme instrum<strong>en</strong>t de<br />

coopération et, par les autres, comme parties intégrantes de la souveraineté.<br />

D’ailleurs, les préconisations du Livre blanc <strong>en</strong> matière de mutualisation des<br />

démarches de recherche abord<strong>en</strong>t le problème sous l’angle strictem<strong>en</strong>t national<br />

(avec la recherche d’effici<strong>en</strong>ce au travers du r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t des synergies des<br />

programmes de R&T de sécurité et de déf<strong>en</strong>se, dans le cadre d’<strong>une</strong> coordination<br />

interministérielle) mais égalem<strong>en</strong>t dans le cadre europé<strong>en</strong>, qui constitue « <strong>une</strong><br />

opportunité pour fédérer les efforts <strong>en</strong> matière de R&T » et « pour jeter les bases<br />

de coopérations futures. »<br />

(16)<br />

Préambule du chapitre 16 : "l’industrie et la recherche".<br />

149


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

<strong>La</strong> technologie au service de la coopération<br />

Si les <strong>en</strong>jeux de souveraineté associés à certaines technologies sont évid<strong>en</strong>ts,<br />

il est <strong>en</strong> revanche beaucoup moins simple, aujourd’hui, de définir le contour des<br />

technologies susceptibles d’être partagées, ainsi que les raisons de ce partage. Ce<br />

point est sans doute le premier à examiner et peut se résumer à <strong>une</strong> question :<br />

pourquoi coopérer ? Un bref retour sur les coopérations lancées ces cinquante<br />

dernières années permet de mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce trois catégories de motivation :<br />

– la recherche d’un partage des coûts et des risques ;<br />

– l’acquisition des compét<strong>en</strong>ces et/ou l’accession à un marché export, dans le<br />

cadre d’<strong>une</strong> politique industrielle ;<br />

– <strong>une</strong> volonté de coopération inter-étatique à travers des industriels, dans le<br />

cadre d’<strong>une</strong> politique étrangère.<br />

Or, <strong>en</strong> examinant chac<strong>une</strong> de ces trois catégories, les résultats sont pour le moins<br />

mitigés. En effet :<br />

• En matière de partage des coûts et des risques dans le domaine des<br />

technologies, il apparaît que la coopération permet des investissem<strong>en</strong>ts qui<br />

n’aurai<strong>en</strong>t été tout simplem<strong>en</strong>t pas possibles <strong>en</strong> national mais a égalem<strong>en</strong>t<br />

t<strong>en</strong>dance à r<strong>en</strong>chérir le coût des programmes et à compliquer la résolution des<br />

problèmes techniques par <strong>une</strong> inévitable dilution des responsabilités.<br />

• Dans le cadre d’<strong>une</strong> politique industrielle, l’Eurofighter est un exemple de<br />

véritable réussite au s<strong>en</strong>s de l’acquisition de compét<strong>en</strong>ces et de la mise<br />

<strong>en</strong> œuvre d’<strong>une</strong> politique de développem<strong>en</strong>t d’<strong>une</strong> industrie nationale, <strong>en</strong><br />

particulier dans le cas de l’Espagne. En revanche, les limites de cette politique<br />

industrielle peuv<strong>en</strong>t se trouver confrontées aux intérêts des industriels<br />

concernés. En matière d’accès à un marché, le Scalp/Storm Shadow est souv<strong>en</strong>t<br />

cité comme l’exemple d’un programme <strong>en</strong> coopération réussie, dans l’intérêt<br />

commun des industriels et des armées acheteuses. En revanche, il existe des cas<br />

où la volonté politique d’avoir un programme commun n’a pas été couronnée<br />

de succès. Ainsi, le lancem<strong>en</strong>t dans les années 1950 d’un projet de char de<br />

combat commun à l’Allemagne, la France et l’Italie a débouché sur l’acquisition<br />

de trois chars différ<strong>en</strong>ts.<br />

150


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Les politiques volontaristes de coopération ont connu de francs succès, avec, par<br />

exemple, le Transall, fruit d’<strong>une</strong> coopération politique <strong>en</strong>tre l’Allemagne et la France,<br />

et les achats croisés d’hélicoptères Gazelle, Puma et Lynx, qui sont le reflet d’<strong>une</strong><br />

volonté politique de coopération <strong>en</strong>tre la France et le Royaume Uni. En revanche,<br />

la volonté politique ne suffit pas toujours, <strong>en</strong> particulier si elle ne s’accompagne<br />

pas d’<strong>une</strong> converg<strong>en</strong>ce des besoins tant cal<strong>en</strong>daires que capacitaires. Le VBCI et le<br />

missile anti-char AC3G sont ainsi de bons exemples d’<strong>une</strong> coopération voulue au<br />

niveau politique, mais insuffisamm<strong>en</strong>t déclinée sur les plans cal<strong>en</strong>daire, capacitaire,<br />

voire industriel.<br />

Il ressort des exemples précéd<strong>en</strong>ts que la technologie ne peut être considérée<br />

comme un instrum<strong>en</strong>t efficace de coopération que dans certaines conditions, la<br />

principale d’<strong>en</strong>tre elles étant l’exist<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> volonté politique forte et pér<strong>en</strong>ne<br />

de coopération. Il faut, <strong>en</strong> outre, que les industriels concernés par cette coopération<br />

y trouv<strong>en</strong>t un intérêt et ne soi<strong>en</strong>t pas contraints de procéder par des alliances de<br />

circonstance lorsqu’il est prévu de faire travailler <strong>en</strong>semble sur un programme<br />

conjoint des <strong>en</strong>treprises concurr<strong>en</strong>tes sur d’autres. Enfin si la converg<strong>en</strong>ce des<br />

cal<strong>en</strong>driers et des besoins capacitaires n’est pas satisfaite, la technologie devi<strong>en</strong>t<br />

le plus petit dénominateur commun.<br />

Les réflexions m<strong>en</strong>ées dans le cadre de la préparation du Livre blanc ont abouti<br />

à la conclusion que la France considère qu’<strong>en</strong> dehors du domaine de souveraineté,<br />

conc<strong>en</strong>tré sur les capacités nécessaires au mainti<strong>en</strong> de l‘autonomie stratégique<br />

et politique de la nation, c’est le cadre europé<strong>en</strong> qui doit être privilégié pour<br />

l’<strong>en</strong>semble des technologies et capacités qu’elle souhaite acquérir. Ce cadre<br />

europé<strong>en</strong> n’exclut pas, bi<strong>en</strong> au contraire, l’exist<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> politique industrielle<br />

nationale, même s’il est par ailleurs admis que l’industrie d’armem<strong>en</strong>t ne peut plus<br />

s’<strong>en</strong> remettre aux seules dép<strong>en</strong>ses militaires des États pour assurer l’intégralité<br />

de ses plans de charge.<br />

<strong>La</strong> technologie joue ici un rôle tout particulier puisque le gouvernem<strong>en</strong>t considère<br />

que l’industrie de déf<strong>en</strong>se peut <strong>en</strong> revanche att<strong>en</strong>dre des États qu’ils lui assur<strong>en</strong>t<br />

les conditions de son développem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> lui donnant les moy<strong>en</strong>s de se maint<strong>en</strong>ir<br />

au plus haut niveau de la technologie, <strong>en</strong> favorisant ses exportations (elles-mêmes<br />

bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t conditionnées par le cont<strong>en</strong>u <strong>technologique</strong> des équipem<strong>en</strong>ts), et <strong>en</strong><br />

la protégeant contre des concurr<strong>en</strong>ces déloyales.<br />

151


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

<strong>La</strong> première priorité : se maint<strong>en</strong>ir aux frontières de la technologie<br />

Dans son discours du 10 octobre 2008 devant la conv<strong>en</strong>tion de l’Association<br />

europé<strong>en</strong>ne des industries de l’aéronautique, de l’espace et de la déf<strong>en</strong>se, M. Fillon,<br />

Premier ministre, a ainsi déclaré, que « la première priorité pour cette industrie, c’est de<br />

se maint<strong>en</strong>ir aux frontières de la technologie. C’est vrai pour l’<strong>en</strong>semble de la filière :<br />

naturellem<strong>en</strong>t pour les grands <strong>en</strong>sembliers qui ne peuv<strong>en</strong>t exister qu’au niveau mondial,<br />

mais aussi pour les équipem<strong>en</strong>tiers, pour les sous-traitants qui ont leurs assises au<br />

niveau national et europé<strong>en</strong>, un niveau pour lequel l’implication des pouvoirs publics est<br />

déterminante. C'est la raison pour laquelle notre effort de recherche et de développem<strong>en</strong>t<br />

ne peut pas se limiter aux grands <strong>en</strong>sembliers. » <strong>La</strong> conclusion du discours fait la part<br />

belle à la technologie, indiquant que « dans l’instabilité actuelle, les pouvoirs publics ont<br />

plus que jamais le devoir d'investir dans la sécurité naturellem<strong>en</strong>t, mais aussi d'investir<br />

dans la technologie, parce que la recherche et la technologie constitu<strong>en</strong>t […] la meilleure<br />

réponse à la crise que nous r<strong>en</strong>controns. »<br />

<strong>La</strong> France place donc, résolum<strong>en</strong>t, la technologie au c<strong>en</strong>tre du débat sur l’av<strong>en</strong>ir de<br />

l’industrie nationale et europé<strong>en</strong>ne d’armem<strong>en</strong>t. Ce qui ne constitue pas pour autant<br />

un chèque <strong>en</strong> blanc fait à l’industrie. Ainsi, le gouvernem<strong>en</strong>t est pleinem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>t<br />

des résultats publiés dans un réc<strong>en</strong>t rapport du G<strong>en</strong>eral Accounting Office américain,<br />

selon lequel 70 % des 96 principaux programmes d’armem<strong>en</strong>t américains accus<strong>en</strong>t<br />

de sérieux retards et dépassem<strong>en</strong>ts de coûts, pour l’ess<strong>en</strong>tiel dus à l’utilisation de<br />

technologies insuffisamm<strong>en</strong>t matures (ce qui découle notamm<strong>en</strong>t de prototypes<br />

dont la faisabilité opérationnelle n’était pas pleinem<strong>en</strong>t démontrée), ainsi qu’à des<br />

modifications de spécifications au cours du développem<strong>en</strong>t des systèmes. En France,<br />

le constat de dérives similaires a incité les auteurs du Livre blanc à préconiser le<br />

r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de la maîtrise technique, économique et financière des programmes<br />

d’armem<strong>en</strong>t, notamm<strong>en</strong>t à travers le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t des capacités d’analyse<br />

économique et financière du ministère de la Déf<strong>en</strong>se, la mise <strong>en</strong> place d’un comité<br />

ministériel des investissem<strong>en</strong>ts de déf<strong>en</strong>se et la consolidation progressive des devis<br />

des programmes, au fur et à mesure de l’avancem<strong>en</strong>t des travaux de préparation.<br />

L’importance de la volonté politique est donc bi<strong>en</strong> démontrée, elle est <strong>une</strong> des raisons<br />

de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> et s’appuie sur des outils décrits dans l’annexe 1.<br />

Le cas du Royaume Uni est décrit <strong>en</strong> annexe 3.<br />

152


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Développem<strong>en</strong>t durable et <strong>course</strong> à la technologie<br />

Le métier des armes et l’utilisation de l’armem<strong>en</strong>t ne peuv<strong>en</strong>t plus se concevoir<br />

sans pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les règles posées par la protection de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<br />

que ce soit <strong>en</strong> conflit armé ou dans le cadre de l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t de nos forces.<br />

L’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t doit faire partie des missions de la déf<strong>en</strong>se à tous les stades :<br />

– éco-conception des systèmes d’armes ;<br />

– utilisation des armes à travers le droit des conflits (interdiction des armes<br />

chimiques) ;<br />

– fin de vie des équipem<strong>en</strong>ts à travers le démantèlem<strong>en</strong>t des matériels.<br />

Nous avons donc choisi d’illustrer l’impact des nouvelles réglem<strong>en</strong>tations, Reach<br />

<strong>en</strong> particulier (détaillé <strong>en</strong> annexe 2), sur la recherche et les progrès <strong>technologique</strong>s.<br />

Ces réglem<strong>en</strong>tations et leurs objectifs, dont chacun reconnaît la nécessité, sont<br />

malgré tout souv<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>tis comme un mal nécessaire, impliquant des surcoûts qui<br />

par nature ne sont pas, ou rarem<strong>en</strong>t, financés, puisqu’il ne s’agit que d’appliquer la<br />

loi. Elles sont cep<strong>en</strong>dant à l’origine de nouveaux champs de recherche <strong>technologique</strong>,<br />

qui ont d’ores et déjà abouti à des résultats et des applications <strong>en</strong> rapport avec le<br />

domaine de l’armem<strong>en</strong>t.<br />

Il faut noter que Reach prône l’innovation <strong>en</strong> réponse aux nouvelles contraintes et<br />

prévoit à cet effet des dérogations pour les activités de recherche et développem<strong>en</strong>t<br />

sur les substances.<br />

Les progrès <strong>technologique</strong>s associés au développem<strong>en</strong>t durable<br />

Les substances objet de la directive Rohs et du règlem<strong>en</strong>t Reach sont <strong>en</strong> général<br />

toxiques, cancérigènes ou mutagènes. Elles représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t un danger pour<br />

l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t de par leur très longue durée de vie. Une de leurs particularités<br />

est la résistance aux "agressions" extérieures (exemple du Chrome 6 utilisé pour<br />

ses propriétés anticorrosives). L’abandon de telles substances constitue donc un<br />

défi <strong>technologique</strong>, dans la mesure ou il faudra essayer de développer des solutions<br />

alternatives prés<strong>en</strong>tant les mêmes avantages ou performances que les substances<br />

interdites, mais n’<strong>en</strong> ayant pas les inconvéni<strong>en</strong>ts.<br />

153


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Un facteur indéniable de progrès sera la <strong>course</strong> que ne manqueront pas de faire<br />

les industriels, afin de pénétrer le marché des substances conformes aux nouvelles<br />

réglem<strong>en</strong>tations et y gagner des parts significatives.<br />

Les nombreux développem<strong>en</strong>ts m<strong>en</strong>és dans des domaines diversifiés reflèt<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong> cette évolution. À titre d’exemple, citons :<br />

Les biocarburants : produits à partir de matériaux organiques non fossiles, ils<br />

ont atteint des degrés de maturité divers. Ceux de première génération (filière<br />

huile et alcool), du type bio-éthanol, sont déjà utilisés dans de nombreux cas. Les<br />

biocarburants dits de deuxième génération sont développés pour se substituer, au<br />

moins partiellem<strong>en</strong>t, au kérosène. Deux vols d'essais ont eu lieu fin 2008 et début<br />

2009 sur un Boeing 747, puis un 737, dont un des réacteurs a été alim<strong>en</strong>té avec 50<br />

% de biocarburant et 50 % de kérosène traditionnel. Les mélanges se sont comportés<br />

sans altérer le fonctionnem<strong>en</strong>t des moteurs, sinon <strong>une</strong> baisse de consommation<br />

inférieure à 2 %. Les biocarburants à partir de micro-algues sont appelés de "troisième<br />

génération". D’un point de vue théorique 30 à 100 fois plus efficaces que les<br />

oléagineux terrestres, les agro-carburants pourront être produits avec les meilleurs<br />

r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>ts, r<strong>en</strong>dant ainsi <strong>en</strong>visageable <strong>une</strong> production de masse (par exemple pour<br />

l'aviation), sans déforestation massive ni concurr<strong>en</strong>ce avec les cultures alim<strong>en</strong>taires. <strong>La</strong><br />

Darpa américaine a décidé de financer à hauteur de 25 M$ des projets de recherche<br />

sur la production de biocarburant pour l’aviation militaire.<br />

Toujours dans le domaine des énergies propres, les piles à combustible sont des<br />

convertisseurs d’énergie <strong>en</strong> progrès perman<strong>en</strong>t, dont les applications se développ<strong>en</strong>t<br />

dans différ<strong>en</strong>ts domaines, et comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à intéresser la déf<strong>en</strong>se, <strong>en</strong> particulier aux<br />

États-Unis et au Canada.<br />

Le MIT a développé <strong>une</strong> membrane semblable à du papier buvard, constituée<br />

de nano-fibres. Totalem<strong>en</strong>t imperméable à l’eau, elle peut absorber jusqu’à 20 fois<br />

son poids d’huile. L’Army Environm<strong>en</strong>tal Policy Institute a relevé les implications<br />

militaires de ce nouveau matériel et le MoD américain est intéressé par cette<br />

technologie pour ses capacités d’absorption de solvants.<br />

De manière plus générale, les textiles techniques offr<strong>en</strong>t <strong>une</strong> perspective<br />

d’utilisation écologique pour la déf<strong>en</strong>se : structures gonflables pour créer des<br />

hôpitaux mobiles, stores économiseurs d’énergie, etc.<br />

154


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Il apparaît donc que ceux qui auront maîtrisé, voire anticipé, les contraintes<br />

imposées par le domaine du développem<strong>en</strong>t durable, auront un avantage certain.<br />

Synthèse :<br />

<strong>La</strong> <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> dép<strong>en</strong>d de plusieurs paramètres qui interagiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre<br />

eux. En se basant sur le cas très concret d’un programme d’armem<strong>en</strong>t, on peut<br />

illustrer la plupart de ces interactions par le schéma suivant :<br />

États-majors<br />

opérationnels<br />

Études technicoopérationnelles,<br />

Retex<br />

Pression du<br />

politique et de<br />

la compétitivité<br />

Besoin<br />

opérationnel,<br />

flexibilité<br />

adaptabilité<br />

Contraintes<br />

économiques<br />

et réglem<strong>en</strong>taires<br />

Coordination<br />

ASF, DP/OP<br />

Industriel<br />

<strong>La</strong>boratoires<br />

R&T<br />

Contrat<br />

DGA<br />

Le trinôme des relations dans un programme d’armem<strong>en</strong>t.<br />

155


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

« Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les<br />

problèmes qu'il <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre ne saurai<strong>en</strong>t être résolus à ce même niveau. »<br />

Albert Einstein<br />

COMMENT RENDRE LE SYSTÈME PLUS EFFICACE ?<br />

Les <strong>en</strong>jeux et interactions <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts acteurs de la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong><br />

étant déterminés, il incombait au comité de réfléchir à l’évolution d’un tel système<br />

au regard de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t actuel et futur de notre outil de déf<strong>en</strong>se.<br />

Cette étude prospective s’est basée sur les ori<strong>en</strong>tations suivantes :<br />

– maîtriser le coût <strong>technologique</strong> des systèmes d’armes ;<br />

– maîtriser l’intégration de la technologie dans les systèmes de déf<strong>en</strong>se ;<br />

– concilier évolution <strong>technologique</strong>, <strong>en</strong>jeux politiques et sociétaux et impératifs<br />

opérationnels ;<br />

– cibler les domaines <strong>technologique</strong>s prioritaires pour notre outil de déf<strong>en</strong>se.<br />

Maîtriser le coût <strong>technologique</strong> des systèmes d’armes<br />

<strong>La</strong> plupart des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s effectués par notre comité a mis <strong>en</strong> lumière le<br />

caractère primordial du paramètre coût. Il semble que, tant pour les responsables<br />

opérationnels que pour les industriels de l’armem<strong>en</strong>t, la limite financière demeure<br />

le principal frein à la recherche de solutions <strong>technologique</strong>s pouvant garantir<br />

la supériorité opérationnelle. Il est donc à la fois nécessaire de r<strong>en</strong>tabiliser au<br />

mieux les investissem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> matière de R&T et de les maint<strong>en</strong>ir à un niveau<br />

nécessaire et suffisant <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce avec les objectifs capacitaires de la Nation.<br />

Une telle maîtrise suppose <strong>une</strong> stratégie visant à optimiser l’effort financier <strong>en</strong><br />

amont des programmes d’armem<strong>en</strong>t, mais égalem<strong>en</strong>t tout au long du cycle de<br />

vie des systèmes d’armes.<br />

L’optimisation n’est pas un objectif irréaliste : pour s’<strong>en</strong> convaincre, il suffit de<br />

constater que, malgré des investissem<strong>en</strong>ts de R&T dix fois supérieurs, l’avancée<br />

<strong>technologique</strong> des États-Unis par rapport aux Nations europé<strong>en</strong>nes ne se traduit<br />

pas par un écart capacitaire et qualitatif équival<strong>en</strong>t. Toutefois, il est raisonnable de<br />

p<strong>en</strong>ser que les marges de progrès sont réduites.<br />

156


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

En amont des programmes d’armem<strong>en</strong>t, la recherche <strong>technologique</strong> demeure<br />

stratégique pour la Nation. Dans la mesure où elle conditionne la majorité du coût<br />

des systèmes futurs, elle doit rester à un niveau d’investissem<strong>en</strong>t important. Il est<br />

donc indisp<strong>en</strong>sable de piloter l’ERT non pas comme un pourc<strong>en</strong>tage du budget<br />

global de Déf<strong>en</strong>se, mais comme <strong>une</strong> valeur absolue. Cet ERT doit être conçu <strong>en</strong><br />

t<strong>en</strong>ant compte des capacités que la France veut préserver afin de maint<strong>en</strong>ir son<br />

rang. En effet, réduire les financem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> deçà d’un certain seuil revi<strong>en</strong>drait à<br />

r<strong>en</strong>oncer à un secteur <strong>technologique</strong> et à dev<strong>en</strong>ir dép<strong>en</strong>dant d’autres Nations. <strong>La</strong><br />

cartographie <strong>technologique</strong> doit être mise à jour régulièrem<strong>en</strong>t afin de mieux cerner<br />

les priorités de dép<strong>en</strong>ses R&T et alerter sur la criticité de leur évolution. À l’inverse,<br />

les investissem<strong>en</strong>ts doiv<strong>en</strong>t être p<strong>en</strong>sés beaucoup plus <strong>en</strong> termes de r<strong>en</strong>tabilité sur<br />

la durée. Le rôle de la DGA/D4S est, sur ce point, déterminant.<br />

Recommandation n° 1<br />

Maint<strong>en</strong>ir l’ERT et veiller à la r<strong>en</strong>tabilité sur le long terme des investissem<strong>en</strong>ts par<br />

grands secteurs <strong>technologique</strong>s.<br />

Une piste d’allègem<strong>en</strong>t de l’effort cons<strong>en</strong>ti par l’État pourrait consister à<br />

formaliser un retour sur investissem<strong>en</strong>t : à l’instar de ce qui se pratique dans le<br />

domaine de l’aviation civile, il convi<strong>en</strong>drait de recourir à des avances remboursables<br />

selon des critères préétablis et basés sur le nombre de matériels v<strong>en</strong>dus, notamm<strong>en</strong>t<br />

à l’export, intégrant la technologie concernée. Le financem<strong>en</strong>t des développem<strong>en</strong>ts<br />

militaires s’<strong>en</strong> trouverait ainsi réduit a posteriori.<br />

Face aux impératifs budgétaires qui peuv<strong>en</strong>t se traduire par des réductions<br />

importantes pour les budgets de Déf<strong>en</strong>se, la préservation d’un budget R&T passera<br />

égalem<strong>en</strong>t par la mutualisation des efforts de recherche avec d’autres part<strong>en</strong>aires.<br />

Deux composantes doiv<strong>en</strong>t ainsi être exploitées :<br />

<strong>La</strong> dualité des technologies civiles et militaires : les avis ont pu être partagés<br />

sur les perspectives et limites d’<strong>une</strong> telle dualité. S’il est vrai que les technologies<br />

de pointe ont souv<strong>en</strong>t été développées initialem<strong>en</strong>t pour des applications militaires,<br />

le secteur civil est aujourd’hui leader sur de nombreux secteurs <strong>technologique</strong>s<br />

intéressant le monde militaire. On peut citer toutes les NTIC, les systèmes embarqués<br />

de détection, reconnaissance, navigation, les systèmes énergétiques et propulsifs,<br />

les nanotechnologies, etc. De telles technologies seront développées, pour <strong>une</strong><br />

157


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

grande partie, dans un contexte d’applications civiles pour lesquelles les volumes<br />

seront importants (cf. annexe 4 pour la vision du ministère de l’Industrie sur le<br />

sujet et l’annexe 5 pour l’application à un cas concret, celui de l’automobile). Leur<br />

transposition au monde militaire devrait donc se faire à coût raisonnable.<br />

<strong>La</strong> mutualisation des coûts de développem<strong>en</strong>t est déjà <strong>une</strong> réalité et la bonne<br />

collaboration <strong>en</strong>tre le ministère de la Déf<strong>en</strong>se et le ministère de la Recherche a pu<br />

être constatée. De même le partage de responsabilité <strong>en</strong>tre DGA et DGAC pour ce<br />

qui touche au domaine aéronautique apparaît globalem<strong>en</strong>t satisfaisant. <strong>La</strong> R&T doit<br />

rester l’un des principaux domaines de coopération interministérielle ce qui peut<br />

nécessiter le r<strong>en</strong>fort des structures actuelles. En revanche la dualité ne peut être<br />

considérée comme la solution miracle aux questions de déf<strong>en</strong>se.<br />

<strong>La</strong> dissymétrie des transferts <strong>technologique</strong>s <strong>en</strong>tre les mondes civil et militaire<br />

est déjà un signal instructif, car il montre que le militaire continue globalem<strong>en</strong>t à<br />

irriguer le monde civil. Par ailleurs, les cycles de développem<strong>en</strong>t industriel sont le<br />

plus souv<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ts. L’exemple de l’automobile est instructif : alors que des fortes<br />

similitudes, possibilités de transferts de technologies ou d’utilisation d’items duaux<br />

pourrai<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>visagées, la réalité montre qu’il n’<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong>. Les modèles de la<br />

gamme civile évolu<strong>en</strong>t tous les trois à cinq ans alors que les véhicules militaires<br />

similaires rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong> service de 20 à 25 ans. Cela induit deux problèmes, la maîtrise<br />

des évolutions et le suivi des obsolesc<strong>en</strong>ces. Actuellem<strong>en</strong>t la durée de vie et de<br />

souti<strong>en</strong> des équipem<strong>en</strong>ts de l’industrie automobile est de dix ans. Il faut donc que<br />

le cycle de rénovation des véhicules militaires soit inférieur à cette limite malgré un<br />

taux d’emploi et d’usure faible comparativem<strong>en</strong>t au civil (par exemple le moteur<br />

du VBL est un moteur PSA, prévu pour parcourir 250 000 km <strong>en</strong> dix ans, alors que<br />

le VBL a été conçu pour un emploi de 2 500 km/an soit 25 000 km <strong>en</strong> dix ans …).<br />

Le MRTT, dont la plate-forme est dérivée de plates-formes civiles (qu’il s’agisse<br />

de l’A330 ou du B767) est <strong>une</strong> bonne illustration des technologies civiles réutilisées<br />

pour des applications militaires ; il aurait été illusoire aujourd’hui de développer <strong>une</strong><br />

plate-forme militaire spécifique à cette fin, ce qui avait pourtant été le cas dans les<br />

années 1950, avec le KC135 dont a été dérivé le Boeing 707.<br />

Une t<strong>en</strong>dance générale peut être dégagée sous forme de recommandation.<br />

158


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Recommandation n° 2<br />

Dans le cas de transposition de technologies civiles, piloter systématiquem<strong>en</strong>t le<br />

coût financier et cal<strong>en</strong>daire d’adaptation aux contraintes opérationnelles les plus<br />

dim<strong>en</strong>sionnantes (disponibilité, maint<strong>en</strong>abilité et obsolesc<strong>en</strong>ce des composants<br />

notamm<strong>en</strong>t).<br />

<strong>La</strong> dualité devi<strong>en</strong>dra stratégique notamm<strong>en</strong>t pour les programmes de sécurité. Le<br />

Livre blanc insiste sur le li<strong>en</strong> étroit <strong>en</strong>tre sécurité et déf<strong>en</strong>se et les armées assur<strong>en</strong>t<br />

déjà de nombreuses missions à vocation sécuritaire : sûreté aéri<strong>en</strong>ne, sauvegarde<br />

maritime, assistance à la sécurité civile, sécurité des forces et des populations <strong>en</strong><br />

opérations. De fait, beaucoup de technologies intéress<strong>en</strong>t la Déf<strong>en</strong>se et la Sécurité :<br />

r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, drone, système de communication et de gestion de crise, surveillance<br />

des frontières, détection, protection, NRBC… Leur mutualisation doit passer par<br />

<strong>une</strong> forte coopération avec les ministères civils (Intérieur, Transports, SGDN) comme<br />

c’est déjà le cas mais aussi par <strong>une</strong> plus grande implication dans les programmes<br />

sécurité sous l’égide de l’Ag<strong>en</strong>ce nationale pour la recherche (programme Sécurité)<br />

ou des projets sécurité des pôles de compétitivité.<br />

Recommandation n° 3<br />

R<strong>en</strong>forcer l’implication du ministère de la Déf<strong>en</strong>se dans les instances de gouvernance<br />

des pôles de compétitivité, afin de garantir la prise <strong>en</strong> compte des applications<br />

militaires dans les projets R&T de sécurité.<br />

<strong>La</strong> coopération internationale : Souv<strong>en</strong>t promue, parfois décriée, la coopération<br />

demeure un moy<strong>en</strong> efficace de partager les coûts de développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong><br />

<strong>en</strong>tre les pays. Se pose régulièrem<strong>en</strong>t la question de l’équité du partage de<br />

responsabilité et du retour sur investissem<strong>en</strong>t. Le débat dépasse largem<strong>en</strong>t le strict<br />

cadre de cette étude et ne sera donc pas approfondi ici. Cep<strong>en</strong>dant de grandes<br />

lignes peuv<strong>en</strong>t être dégagées. D’<strong>une</strong> part, le Livre blanc confirme très clairem<strong>en</strong>t la<br />

volonté d'acc<strong>en</strong>tuer la part des recherches réalisées <strong>en</strong> coopération europé<strong>en</strong>ne,<br />

ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t au travers de l'Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se à laquelle la France<br />

proposera des "projets mobilisateurs" et dont elle souhaite voir le budget propre<br />

s'accroître significativem<strong>en</strong>t. Il est <strong>en</strong> effet indisp<strong>en</strong>sable de mettre <strong>en</strong> commun<br />

les réflexions et de recouper les résultats, d'éviter la dispersion des ressources<br />

europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> la matière, déjà très inférieures à celles dégagées par les États-Unis<br />

et de favoriser l'émerg<strong>en</strong>ce de programmes communs sur les équipem<strong>en</strong>ts futurs.<br />

159


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Par ailleurs, le projet de loi de programmation militaire m<strong>en</strong>tionne des « projets<br />

ambitieux <strong>en</strong> coopération europé<strong>en</strong>ne de recherche et acquisition de technologies<br />

visant à :<br />

– augm<strong>en</strong>ter l'effort d'innovation très <strong>en</strong> amont pour détecter et sout<strong>en</strong>ir les<br />

technologies émerg<strong>en</strong>tes et de rupture, dans les laboratoires de recherche et<br />

les PME innovantes, au travers de la coopération avec l'Ag<strong>en</strong>ce nationale de<br />

la recherche et les pôles de compétitivité ;<br />

– consolider le socle <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> portant à maturité les technologies pour les<br />

drones, les robots, les radars passifs, la communication numérique, les systèmes<br />

de systèmes et la protection de l'homme et des sites et les technologies<br />

spatiales des futurs programmes de télécommunications, d'observation et de<br />

surveillance, à la base de la supériorité de l'information ;<br />

– développer l'approche des démonstrateurs <strong>technologique</strong>s qui serv<strong>en</strong>t à<br />

maîtriser les risques <strong>technologique</strong>s des programmes, à s'assurer très tôt<br />

de l'adéquation des solutions <strong>technologique</strong>s à un emploi militaire et qui<br />

fourniss<strong>en</strong>t un cadre structurant pour l'industrie europé<strong>en</strong>ne. »<br />

Face aux investissem<strong>en</strong>ts américains et à la montée du pot<strong>en</strong>tiel sci<strong>en</strong>tifique<br />

asiatique, <strong>une</strong> politique sci<strong>en</strong>tifique à l’échelle europé<strong>en</strong>ne demeure nécessaire.<br />

Dans cette optique, la participation de la déf<strong>en</strong>se aux réseaux de la recherche<br />

civile europé<strong>en</strong>ne (PERS, PCRD…) continue à se développer. Dans le domaine<br />

de la déf<strong>en</strong>se, l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se devrait non seulem<strong>en</strong>t avoir<br />

l’ambition de piloter des démonstrateurs <strong>technologique</strong>s d’<strong>en</strong>vergure, mais aussi<br />

des programmes de R&T de base. Même si ceux-ci n’ont pas la visibilité politique<br />

de démonstrateurs <strong>technologique</strong>s, ils n’<strong>en</strong> sont pas moins utiles pour consolider les<br />

capacités sci<strong>en</strong>tifiques indisp<strong>en</strong>sables au mainti<strong>en</strong> à long terme de l’indép<strong>en</strong>dance<br />

<strong>technologique</strong> europé<strong>en</strong>ne dans certains secteurs stratégiques pour la déf<strong>en</strong>se.<br />

<strong>La</strong> recherche systématique de coopérations R&T <strong>en</strong> amont des programmes<br />

d’armem<strong>en</strong>t doit permettre de partager les coûts et d’aider à la rationalisation<br />

des capacités opérationnelles <strong>en</strong> Europe. Cette construction pr<strong>en</strong>dra du temps et<br />

implique <strong>une</strong> forte volonté politique de tous les États membres. Compte t<strong>en</strong>u de<br />

la forte disparité économique et industrielle des pays de l’Union, il est plus réaliste<br />

de rechercher des coopérations <strong>en</strong>tre pays signataires de la Letter of Int<strong>en</strong>t (Loi). Si<br />

des choix devai<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>ir au niveau europé<strong>en</strong>, il est probable que ces pays se<br />

verrai<strong>en</strong>t confortés dans leur leadership tout <strong>en</strong> veillant à offrir des comp<strong>en</strong>sations<br />

160


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

aux petits pays n’ayant pas de réelle industrie de déf<strong>en</strong>se. L’approche pragmatique,<br />

signalée par plusieurs personnalités interrogées, consiste à initier des coopérations<br />

bilatérales équilibrées puis à étudier leur possible élargissem<strong>en</strong>t à d’autres<br />

part<strong>en</strong>aires europé<strong>en</strong>s. <strong>La</strong> fin de la règle du juste retour par pays coopérant et la<br />

montée <strong>en</strong> puissance d’ag<strong>en</strong>ce internationale ayant mandat des nations (telles que<br />

l’AED et l’Occar) devrait r<strong>en</strong>dre l’approche plus objective et limiter les coûts par<br />

programme. Enfin, la constitution de véritables programmes d’armem<strong>en</strong>t europé<strong>en</strong>s<br />

devrait être bénéfique pour les exportations intra et extracommunautaires.<br />

Recommandation n° 4<br />

Privilégier les coopérations bilatérales sur des technologies innovantes dont<br />

l’applicabilité opérationnelle justifie d’aller jusqu’au niveau démonstrateur. Ces<br />

coopérations doiv<strong>en</strong>t permettre de légitimer le rôle majeur de l’AED.<br />

Maîtriser l’intégration de la technologie dans les futurs systèmes d’armes<br />

Si nous avons pu voir tout l’<strong>en</strong>jeu du paramètre coût, il convi<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t de mieux<br />

appréh<strong>en</strong>der la déclinaison de nouvelles technologies dans les futurs systèmes d’armes.<br />

Cela suppose d’avoir <strong>une</strong> parfaite maîtrise des <strong>en</strong>jeux sci<strong>en</strong>tifiques (maturité de la<br />

technologie), mais égalem<strong>en</strong>t industriels (faisabilité industrielle, maîtrise <strong>en</strong> production)<br />

et opérationnels (capacité sur le terrain, souti<strong>en</strong> et formation) donc de maîtriser la prise<br />

<strong>en</strong> compte de la technologie à tous les stades du cycle décrit ci-après :<br />

<strong>La</strong> doctrine<br />

<strong>La</strong> formation<br />

Le Retex<br />

<strong>La</strong> R&T<br />

<strong>La</strong> mise<br />

<strong>en</strong> œuvre<br />

opérationnelle<br />

161


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Formalisation du besoin opérationnel et mise <strong>en</strong> œuvre opérationnelle<br />

Il n’est pas souhaitable de spécifier <strong>une</strong> solution <strong>technologique</strong>, néanmoins<br />

l’impact <strong>technologique</strong> est sous-jac<strong>en</strong>t et ne peut être traité de façon indép<strong>en</strong>dante.<br />

Il est donc nécessaire d’avoir dès cette étape <strong>une</strong> idée des technologies qui seront<br />

appliquées et leur coût respectif. Cela suppose <strong>une</strong> parfaite communication <strong>en</strong>tre les<br />

acteurs de la conduite des programmes d’armem<strong>en</strong>t. Comme évoqué par certains<br />

industriels, il n’y a donc pas opposition <strong>en</strong>tre technologie et besoin, l’ess<strong>en</strong>tiel étant<br />

d’avoir <strong>une</strong> analyse fonctionnelle rigoureuse, véritable outil de dialogue <strong>en</strong>tre maître<br />

d’ouvrage étatique et maîtres d’œuvre industriels.<br />

Recommandation n° 5<br />

Disposer dans la phase d’expression du besoin d’<strong>une</strong> analyse fonctionnelle et de la<br />

valeur ori<strong>en</strong>tée "technologie" qui mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce la maturité des technologies<br />

concernées ainsi que les risques, coût d’acquisition et coût de souti<strong>en</strong>.<br />

De plus, de nombreux outils sont déjà mis <strong>en</strong> place par les industriels <strong>en</strong> phase<br />

de conception et mérit<strong>en</strong>t d’être cités : ingénierie concourante pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte<br />

les problématiques de souti<strong>en</strong>, conception à coût objectif, Lean Engineering et Lean<br />

Manufacturing (17) , développem<strong>en</strong>ts incrém<strong>en</strong>taux, tableau de bord <strong>technologique</strong><br />

s’appuyant sur les TRL, etc.<br />

Il n’<strong>en</strong> demeure pas moins que la conception d’un système hautem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong><br />

implique <strong>une</strong> prise de risque qui ne peut être portée uniquem<strong>en</strong>t par le maître d’œuvre.<br />

À ce sujet, plusieurs idées émises lors des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s sont à signaler :<br />

– r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de l’implication du cli<strong>en</strong>t étatique dans le processus de<br />

conception, notamm<strong>en</strong>t au travers de tableaux de bord <strong>technologique</strong>s partagés<br />

<strong>en</strong>tre la DGA et les industriels. De tels outils de pilotage doiv<strong>en</strong>t permettre de<br />

suivre, tout au long de la conception, l’applicabilité des technologies <strong>en</strong> termes<br />

de cal<strong>en</strong>drier et de coût ;<br />

– recherche d’architectures de systèmes ouvertes, autorisant la prise <strong>en</strong> compte<br />

ultérieure de nouvelles capacités <strong>technologique</strong>s. Cela doit passer par <strong>une</strong><br />

gestion de configuration rigoureuse, <strong>en</strong> particulier au niveau des interfaces <strong>en</strong>tre<br />

sous-<strong>en</strong>sembles, l’idée étant de concevoir <strong>une</strong> capacité technico-opérationnelle<br />

comme un équipem<strong>en</strong>t plug-and-play sur <strong>une</strong> plate-forme modulaire ;<br />

(17)<br />

Le Lean Engineering est <strong>une</strong> optimisation de l'organisation R&D qui permet de diminuer les gaspillages dans les phases<br />

de recherche et de développem<strong>en</strong>t. Le Lean Manufacturing est, lui, dédié au processus de production.<br />

162


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

– afin de limiter le risque <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> cours de développem<strong>en</strong>t, recours à des<br />

audits réguliers jugeant de la cohér<strong>en</strong>ce système et focalisée sur la compatibilité<br />

intersystème ou sous-systèmes. En effet les problèmes apparaiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />

aux interfaces et la technologie doit être évaluée dans son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

opérationnel.<br />

Recommandation n° 6<br />

Privilégier les architectures ouvertes et la notion de plug-and-play sur des<br />

plateformes modulaires, systématiser les tableaux de bord visant à piloter<br />

l’application de nouvelles capacités <strong>technologique</strong>s dans les systèmes futurs.<br />

<strong>La</strong> validation d’<strong>une</strong> capacité <strong>technologique</strong> passe souv<strong>en</strong>t par la réalisation d’un<br />

démonstrateur <strong>technologique</strong>. Si certains industriels mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur souhait<br />

de voir de grands démonstrateurs, il n’est <strong>en</strong> revanche pas évid<strong>en</strong>t qu’il faille y<br />

recourir systématiquem<strong>en</strong>t. Il est illusoire de s’<strong>en</strong> remettre au "tout démonstrateur"<br />

pour juger de la pertin<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> technologie <strong>en</strong> réponse à un besoin. D’<strong>une</strong><br />

part, le démonstrateur est rarem<strong>en</strong>t un démonstrateur opérationnel et ne peut<br />

prét<strong>en</strong>dre valider un concept d’emploi. D’autre part, le démonstrateur <strong>technologique</strong><br />

est insuffisant pour lever tous les risques et juger du coût complet de prise <strong>en</strong><br />

compte d’<strong>une</strong> technologie dans un système d’armes opérationnel (cf. les déboires<br />

r<strong>en</strong>contrés par les États-Unis dans leurs programmes d’avions de combat qui ont<br />

eu systématiquem<strong>en</strong>t recours aux démonstrateurs <strong>technologique</strong>s avant le choix du<br />

maître d’œuvre). Il faut notamm<strong>en</strong>t intégrer la mise au point de l’outil industriel de<br />

production et de souti<strong>en</strong>, les conséqu<strong>en</strong>ces de formation du personnel nécessaire<br />

pour opérer et assurer le mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong> condition opérationnelle.<br />

Il est donc hautem<strong>en</strong>t souhaitable de traiter ce point au cas par cas selon le<br />

niveau de complexité de la technologie et les <strong>en</strong>jeux opérationnels et industriels<br />

concernés.<br />

Retex<br />

Indisp<strong>en</strong>sable pour valider un concept opérationnel et adapter la doctrine<br />

d’emploi, le retour d’expéri<strong>en</strong>ce (Retex) contribue égalem<strong>en</strong>t à la validation<br />

<strong>technologique</strong>. Il est le juge de paix et se traduit souv<strong>en</strong>t par <strong>une</strong> évolution, parfois<br />

<strong>en</strong> profondeur, du besoin. Il serait intéressant de mutualiser ce Retex avec d’autres<br />

nations, europé<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> particulier, impliquées dans des opérations conjointes.<br />

163


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Doctrine<br />

Les opérationnels interrogés ont été clairs : la technologie doit rester au service<br />

du besoin opérationnel <strong>en</strong> tant que solution et non pas comme but <strong>en</strong> soi. <strong>La</strong><br />

doctrine pourra cep<strong>en</strong>dant tirer les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts de l’emploi d’<strong>une</strong> capacité<br />

<strong>technologique</strong> pour faire évoluer le concept d’emploi. Ainsi, elle contribue à modifier<br />

le besoin opérationnel. L’<strong>en</strong>jeu de ce décalage progressif <strong>en</strong>tre besoin initial et<br />

besoin instantané est traité au § "Concilier impératifs opérationnels et cycle de<br />

développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong>".<br />

Formation<br />

L’impact <strong>technologique</strong> est souv<strong>en</strong>t sous-estimé. En particulier la technicité<br />

nécessaire pour l’emploi de fonctions complexes (interconnectivité, reconfigurabilité<br />

des systèmes, sophistication de l’interface homme-machine) doit être mieux intégrée<br />

au dim<strong>en</strong>sionnem<strong>en</strong>t des futurs systèmes. <strong>La</strong> technologie doit être facilitatrice et<br />

garantir l’adaptation des armes aux hommes (18) .<br />

<strong>La</strong> formation à la technologie sera un des <strong>en</strong>jeux ess<strong>en</strong>tiels de systèmes futurs.<br />

L’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t des forces mais égalem<strong>en</strong>t le mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong> condition opérationnelle<br />

des systèmes d’armes vont fortem<strong>en</strong>t impacter les choix <strong>technologique</strong>s à v<strong>en</strong>ir. Il<br />

faut donc s’assurer que la R&T intègre bi<strong>en</strong> cette dim<strong>en</strong>sion dès les premiers travaux<br />

de recherche jusqu’au niveau ultime de démonstration opérationnelle.<br />

Recommandation n° 7<br />

Au-delà des aspects techniques purs liés aux progrès <strong>technologique</strong>s des systèmes<br />

d’armes, il faut pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte, le plus <strong>en</strong> amont possible, les impacts sur la<br />

doctrine, la formation et le souti<strong>en</strong> de ces nouveaux systèmes.<br />

Concilier impératifs opérationnels<br />

et cycle de développem<strong>en</strong>t <strong>technologique</strong><br />

Le paramètre temporel reste <strong>une</strong> clé ess<strong>en</strong>tielle de la réalisation de système de<br />

déf<strong>en</strong>se adapté à la m<strong>en</strong>ace. Tous les opérationnels et industriels interrogés ont<br />

souligné la difficulté à anticiper le besoin futur. Cela conduit souv<strong>en</strong>t à sur-spécifier<br />

le besoin initial ou à faire des évolutions coûteuses <strong>en</strong> cours de développem<strong>en</strong>t<br />

(18)<br />

Voir les travaux du comité n° 5.<br />

164


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

et à gérer les obsolesc<strong>en</strong>ces. Le bilan des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s réalisés nous a égalem<strong>en</strong>t<br />

confortés dans l’idée qu’<strong>une</strong> des plus grandes difficultés auxquelles le monde<br />

militaro-industriel (19) est confronté de nos jours est celle de l’allongem<strong>en</strong>t des délais<br />

de réalisation. Il faut absolum<strong>en</strong>t que le processus soit revu et que les délais soi<strong>en</strong>t<br />

raccourcis. Dans <strong>une</strong> période où les budgets sont de plus <strong>en</strong> plus contraints, les<br />

délais sont <strong>une</strong> source de surcoût exorbitant.<br />

En priorité, le cycle prés<strong>en</strong>té au paragraphe précéd<strong>en</strong>t doit être raccourci pour<br />

<strong>en</strong> garantir toute son efficacité. Il faut se rapprocher des temps de développem<strong>en</strong>t<br />

et de fabrication actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vigueur dans l’industrie civile. Cela justifie<br />

<strong>une</strong> augm<strong>en</strong>tation des budgets de recherche et technologie (R&T) et de<br />

recherche et développem<strong>en</strong>t (R&D) pour m<strong>en</strong>er <strong>en</strong> parallèle les différ<strong>en</strong>tes pistes<br />

<strong>technologique</strong>s prometteuses. Par ailleurs et comme déjà évoqué précédemm<strong>en</strong>t,<br />

la nécessité d’aller jusqu’au niveau du démonstrateur poussé est jugée ni<br />

nécessaire ni suffisante dans la plupart des cas. En effet, seul le passage <strong>en</strong><br />

production permet de valider un prototype et d’assurer la réalisation d’un système<br />

répondant vraim<strong>en</strong>t au besoin.<br />

Recommandation n° 8<br />

Raccourcir les cycles de développem<strong>en</strong>t, et ne pas se cont<strong>en</strong>ter uniquem<strong>en</strong>t de<br />

prototypes pour valider des choix <strong>technologique</strong>s.<br />

L’approche incrém<strong>en</strong>tale (20) des nouveaux systèmes implique la meilleure<br />

compréh<strong>en</strong>sion possible des att<strong>en</strong>dus instantanés et futurs. <strong>La</strong> DGA est naturellem<strong>en</strong>t<br />

l’acteur majeur du côté étatique, mais il doit être possible de gagner <strong>en</strong>core plus<br />

<strong>en</strong> efficacité <strong>en</strong> faisant interv<strong>en</strong>ir les opérationnels dans la validation des solutions<br />

<strong>technologique</strong>s. Il nous est ainsi apparu que l’immersion (21) d’un opérationnel au<br />

sein de l’équipe chargée du développem<strong>en</strong>t industriel permettrait d’optimiser le<br />

processus. Cette implication suppose <strong>une</strong> stabilité dans la durée, au-delà des trois<br />

ans classiquem<strong>en</strong>t ret<strong>en</strong>us pour un poste opérationnel.<br />

(19)<br />

Ce terme est utilisé ici pour définir l’<strong>en</strong>semble des interv<strong>en</strong>ant, dans un programme d’armem<strong>en</strong>t ou dans <strong>une</strong> opération<br />

d’achat, soit l’état-major qui exprime le besoin opérationnel, la DGA qui lance la consultation et procède à l’acquisition et<br />

l’industriel qui réalise le système d’armes (au s<strong>en</strong>s le plus large du terme).<br />

(20)<br />

Principe de développem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> intégrant de nouvelles capacités par versions successives.<br />

(21)<br />

Il faut que les états-majors accept<strong>en</strong>t de détacher un officier pour <strong>une</strong> durée longue (supérieure à 3 ans) comme cela se<br />

fait au profit des certains ministères.<br />

165


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

<strong>La</strong> diversité des théâtres d’opérations et des phases d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts (Interv<strong>en</strong>tion,<br />

Stabilisation ou Normalisation) oblige à rédiger <strong>une</strong> expression de besoin de plus<br />

<strong>en</strong> plus large et globale. L’idée serait de réaliser un système ne répondant qu’à<br />

<strong>une</strong> partie "c<strong>en</strong>trale" des capacités totales demandées, le reste correspondant des<br />

évolutions ou ajouts et serait alors réalisé sous forme d’urg<strong>en</strong>ce opérationnelle ou<br />

d’adaptation réactive.<br />

Dans le prolongem<strong>en</strong>t de la recommandation R6, l’application d’<strong>une</strong> sorte de<br />

règle de partage sur l’insertion de technologies est apparue comme <strong>une</strong> bonne<br />

idée. Ainsi, X % du besoin par rapport à l’expression initiale (FCM & STB) lors de<br />

l’adoption d’un système (plate-forme) serait acceptable pour toute la durée de vie,<br />

alors que les Y % restant (correspondant à des sous-parties) serai<strong>en</strong>t réalisés dans<br />

<strong>une</strong> sorte d’urg<strong>en</strong>ce opérationnelle <strong>en</strong> fonction du type d’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t du mom<strong>en</strong>t.<br />

Ces Y % peuv<strong>en</strong>t alors représ<strong>en</strong>ter les équipem<strong>en</strong>ts très s<strong>en</strong>sibles au développem<strong>en</strong>t<br />

ou demandant <strong>une</strong> avance <strong>technologique</strong> (système d’armes). Cela débouche sur<br />

<strong>une</strong> notion de "plate-forme adaptative". Cette proposition demande toutefois <strong>une</strong><br />

étude approfondie des aspects relatifs à la formation, l’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t et au mainti<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong> condition opérationnelle.<br />

Recommandation n° 9<br />

Impliquer plus fortem<strong>en</strong>t les opérationnels dans le développem<strong>en</strong>t industriel<br />

et concevoir des plates-formes modulaires compatibles avec <strong>une</strong> approche<br />

incrém<strong>en</strong>tale du besoin.<br />

<strong>La</strong> dichotomie <strong>en</strong>tre programmes de R&T et programmes d’armem<strong>en</strong>t demeure.<br />

Les acteurs ne sont pas exactem<strong>en</strong>t les mêmes. Il n’y a pas non plus de véritable vase<br />

communicant au niveau budgétaire, la R&T ne tirant pas de bénéfice d’év<strong>en</strong>tuels<br />

reports de programmes d’armem<strong>en</strong>t. Il faut donc revoir cette cohér<strong>en</strong>ce d’<strong>en</strong>semble.<br />

Cela ne passe pas forcém<strong>en</strong>t par la création de nouveaux outils de planification, ces<br />

derniers étant déjà suffisamm<strong>en</strong>t développés : plan pluriannuel à tr<strong>en</strong>te ans (PP30),<br />

plan stratégique des ressources techniques (PSRT), politique et objectifs sci<strong>en</strong>tifiques<br />

(Pos), etc. En revanche, l’articulation n’est pas évid<strong>en</strong>te et sa déclinaison jusqu’au<br />

programme d’armem<strong>en</strong>t n’est pas garantie. Cette déclinaison doit se traduire par<br />

un véritable plan d’actions <strong>technologique</strong>s. Ce plan, dont l’horizon type serait de<br />

15 ans, serait positionné <strong>en</strong>tre le PP30 et le Pos et définissant la feuille de route<br />

<strong>technologique</strong> avec les objectifs visés et la politique de coopération associée.<br />

166


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Recommandation n° 10<br />

Disposer d’un véritable plan d’actions <strong>technologique</strong>s couvrant du grand programme<br />

d’armem<strong>en</strong>t jusqu’à l’achat sur étagère.<br />

En accord avec le Livre blanc, la réflexion doit s’appuyer sur les trois "cercles"<br />

de la politique industrielle :<br />

– le premier concerne les domaines pour lesquels la France veut et doit garder <strong>une</strong><br />

autonomie complète (nucléaire, système de communication et d’information,<br />

spatial…). Ce premier cercle nécessite de maîtriser la chaîne complète depuis<br />

la R&T jusqu’à la fabrication ;<br />

– le second serait "europé<strong>en</strong>" avec <strong>une</strong> sorte de partage des technologies et des<br />

capacités de production au sein de l’Union europé<strong>en</strong>ne sous-pilotage de l’AED ;<br />

– le troisième ne serait pas du même ordre et concernerait les systèmes achetés<br />

clés <strong>en</strong> main sur le marché mondial.<br />

Cette classification apporte égalem<strong>en</strong>t <strong>une</strong> certaine souplesse dans la gestion<br />

des achats. À ce sujet, il a semblé à certains opérationnels et industriels que l’achat<br />

dit "sur étagère" demeurait très perfectible. <strong>La</strong> mise <strong>en</strong> place de structure de type<br />

"achat urg<strong>en</strong>t opérations" est donc <strong>une</strong> bonne chose si elle prévoit des circuits<br />

de décision courts. De façon générale, il faut continuer à lutter contre l’idée que<br />

les règles contractuelles <strong>en</strong>trav<strong>en</strong>t l’acquisition de matériels id<strong>en</strong>tifiés comme<br />

répondant parfaitem<strong>en</strong>t au besoin opérationnel (22) .<br />

Enfin, la place grandissante des normes <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales et des préoccupations de<br />

développem<strong>en</strong>t durable justifie leur prise <strong>en</strong> compte à tous les niveaux de l’expression<br />

du besoin au démantèlem<strong>en</strong>t des armem<strong>en</strong>ts. Cette t<strong>en</strong>dance est <strong>en</strong>core très limitée<br />

et le secteur de la Déf<strong>en</strong>se n’est pas le premier concerné. Néanmoins, comme précisé<br />

au § "Développem<strong>en</strong>t durable et <strong>course</strong> à la technologie", le développem<strong>en</strong>t durable<br />

est perçu comme un facteur concurr<strong>en</strong>tiel et l’innovation <strong>technologique</strong> intégrant cette<br />

problématique sera donc de plus <strong>en</strong> plus forte dans les systèmes d’armes futurs. Pour s’y<br />

préparer, le comité a ret<strong>en</strong>u le principe de réserver un paragraphe spécifique à ces normes<br />

<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales dans les STB des contrats d’armem<strong>en</strong>t et demander aux industriels de<br />

chiffrer le coût (et économies att<strong>en</strong>dues) de leur prise <strong>en</strong> compte. Cela doit contribuer à<br />

affiner progressivem<strong>en</strong>t le poids <strong>technologique</strong> et financier de ces spécifications.<br />

(22)<br />

Procès souv<strong>en</strong>t fait à la DGA par les états-majors : ne pas être capable d’acheter à un industriel donné son matériel,<br />

souv<strong>en</strong>t par ignorance des règles de mise <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne.<br />

167


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Recommandation n° 11<br />

Dédier un paragraphe dans les STB des contrats aux exig<strong>en</strong>ces de développem<strong>en</strong>t<br />

durable et demander le chiffrage de leur prise <strong>en</strong> compte.<br />

Cibler les domaines <strong>technologique</strong>s à privilégier<br />

L’<strong>en</strong>semble de la démarche prospective (PP30, Pos) doit s’inscrire dans le<br />

cadre des objectifs stratégiques nationaux. Le Livre blanc a détaillé les priorités<br />

<strong>technologique</strong>s et industrielles à l'horizon 2025. En matière de R&T, un effort<br />

important sera consacré aux technologies spatiales, afin de préparer les futurs<br />

programmes de télécommunications, d'observation et de surveillance. Par ailleurs,<br />

alors que la phase de développem<strong>en</strong>t de nombreux grands programmes s'achève,<br />

<strong>une</strong> politique de mainti<strong>en</strong> des compét<strong>en</strong>ces industrielles et <strong>technologique</strong>s<br />

critiques sera mise <strong>en</strong> œuvre, notamm<strong>en</strong>t avec la réalisation de démonstrateurs<br />

<strong>technologique</strong>s.<br />

Le projet de loi de programmation militaire précise clairem<strong>en</strong>t les priorités par<br />

grandes fonctions stratégiques :<br />

– mainti<strong>en</strong> de la crédibilité de la dissuasion avec démarrage des études du futur<br />

moy<strong>en</strong> océanique de dissuasion et adaptation des vecteurs balistiques et<br />

aérobies à l'évolution de la m<strong>en</strong>ace ;<br />

– maîtrise des technologies pour la connaissance et l'anticipation : r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />

spatial, surveillance, exploitation du r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, charges utiles pour le<br />

r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t spatial et tactique, opérations <strong>en</strong> réseaux, lutte informatique,<br />

technologies militaires de surveillance de l'espace et de radio logicielle ;<br />

– poursuite de l'effort <strong>technologique</strong> pour la protection : surveillance des espaces<br />

nationaux, interception de cibles furtives, déf<strong>en</strong>se NRBC, souti<strong>en</strong> santé et<br />

protection des systèmes informatiques ;<br />

– mainti<strong>en</strong> de l'effort pour l'interv<strong>en</strong>tion : protection des forces, adaptation des<br />

systèmes d'armes aux m<strong>en</strong>aces asymétriques, mainti<strong>en</strong> de la capacité à frapper<br />

dans la profondeur, aviation de combat, technologies des missiles complexes<br />

et des munitions de précision ;<br />

– prév<strong>en</strong>tion : maîtrise de l'énergie, impact des systèmes sur l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.<br />

168


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Les axes d’effort sont donc bi<strong>en</strong> formalisés et doiv<strong>en</strong>t être désormais pilotés au<br />

travers de projets structurants. Le rôle des ASF est sur ce point déterminant et doit<br />

être réaffirmé. <strong>La</strong> politique nationale et europé<strong>en</strong>ne du transfert de technologie est<br />

à concevoir <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce.<br />

« Dans la <strong>course</strong> à la [technologie], il n’y a pas de ligne d’arrivée. »<br />

David Kearns<br />

Cette étude a montré que la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t<br />

est <strong>une</strong> constante de l’histoire. Elle découle d’<strong>une</strong> multiplicité de facteurs :<br />

opérationnels, <strong>technologique</strong>s, économiques, politiques, industriels dont<br />

aucun ne peut être considéré comme prédominant. <strong>La</strong> conjonction de ces facteurs<br />

crée la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong>, celle-ci n’étant pas directem<strong>en</strong>t corrélée avec le strict<br />

besoin opérationnel. Disponible au bon mom<strong>en</strong>t, la technologie s’est avérée être un<br />

élém<strong>en</strong>t clé dans la victoire dans certains conflits ; dans d’autres, elle n’a été qu’un<br />

leurre.<br />

Les réc<strong>en</strong>ts conflits asymétriques ont démontré que la technologie et la<br />

sophistication n’apport<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t pas la réponse att<strong>en</strong>due. Cep<strong>en</strong>dant, les étatsmajors<br />

exprim<strong>en</strong>t toujours plus de besoins <strong>en</strong> termes de performances, modularité,<br />

interopérabilité, maint<strong>en</strong>abilité et pér<strong>en</strong>nité. Ces besoins conduis<strong>en</strong>t à développer<br />

de nouvelles capacités <strong>technologique</strong>s.<br />

De plus, les principaux pays développés se doiv<strong>en</strong>t de rester dans le peloton de<br />

tête, donc être compétitifs <strong>en</strong> matière de technologie. Il <strong>en</strong> est de même des grands<br />

industriels qui doiv<strong>en</strong>t, a minima, se maint<strong>en</strong>ir au niveau de leurs homologues<br />

étrangers afin de rester concurr<strong>en</strong>tiels à l’export. À défaut, l’Histoire est là pour<br />

rappeler les conséqu<strong>en</strong>ces désastreuses sur le long terme d’un arrêt unilatéral de<br />

<strong>course</strong> à la technologie.<br />

Pour toutes ces raisons, la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> perdurera, mais il est dev<strong>en</strong>u<br />

nécessaire de mieux la maîtriser dans un contexte budgétaire de plus <strong>en</strong> plus<br />

contraint. Pour limiter les coûts, deux axes se dégag<strong>en</strong>t :<br />

169


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

– le partage :<br />

• BITD europé<strong>en</strong>ne et programmes <strong>en</strong> coopération : cette ori<strong>en</strong>tation<br />

doit <strong>en</strong>core faire ses preuves. L’Europe de la déf<strong>en</strong>se se cherche <strong>en</strong>core,<br />

les retombées de l’AED sont faibles et les membres de l’UE dép<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t<br />

la majeure partie de leur énergie à régler des problèmes internes aux<br />

27 pays. Les programmes <strong>en</strong> coopération n’arriv<strong>en</strong>t à montrer leur<br />

efficacité que lorsqu’ils se limit<strong>en</strong>t à 2 ou 3 part<strong>en</strong>aires.<br />

• Dualité civil/militaire : la R&T peut souv<strong>en</strong>t être partagée, <strong>en</strong> revanche,<br />

on constate que c’est <strong>en</strong> général le civil qui profite des retombées des<br />

développem<strong>en</strong>ts militaires et non l’inverse.<br />

• Dualité déf<strong>en</strong>se/sécurité, conformém<strong>en</strong>t aux ori<strong>en</strong>tations du Livre blanc,<br />

qui implique <strong>une</strong> plus grande coopération avec les ministères civils.<br />

– le contrôle, la maîtrise, voire la réduction des coûts des programmes, à tous les<br />

stades : préparation, conception, réalisation, utilisation. Les recommandations<br />

formulées par le comité vis<strong>en</strong>t à améliorer l’efficacité des dép<strong>en</strong>ses, la maîtrise/<br />

réduction des coûts des systèmes d’armes ainsi que l’optimisation des délais,<br />

tant <strong>en</strong> matière de processus d’acquisition que de réalisation. Ces efforts ciblés<br />

doiv<strong>en</strong>t nous prémunir d’être "<strong>en</strong> retard d’<strong>une</strong> guerre" malgré un contexte<br />

budgétaire très contraint.<br />

Les axes viables à court ou moy<strong>en</strong> terme concern<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t ce dernier<br />

point. À plus long terme, la coopération europé<strong>en</strong>ne demeure <strong>une</strong> nécessité pour<br />

la déf<strong>en</strong>se. Les recommandations formulées dans ce rapport constitu<strong>en</strong>t le point de<br />

départ de plans d’actions à élaborer plus finem<strong>en</strong>t. <strong>La</strong> priorité devrait être accordée<br />

à la réduction de la durée du cycle des programmes d’armem<strong>en</strong>t, gage de réactivité<br />

et d’efficacité opérationnelle accrue.<br />

170


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Ouvrages et publications officielles<br />

– Livre blanc sur la déf<strong>en</strong>se et la sécurité nationale, juin 2008.<br />

– <strong>La</strong> technologie militaire <strong>en</strong> question, le cas américain, par Joseph H<strong>en</strong>rotin.<br />

– Def<strong>en</strong>ce Industrial Strategy – Def<strong>en</strong>ce white paper. Cm 6697, MoD R.-U decembre<br />

2005.<br />

– Def<strong>en</strong>ce Innovation Strategy – Creating a new <strong>en</strong>vironm<strong>en</strong>t for innovation within<br />

the def<strong>en</strong>ce supply chain. Rapport MoD de decembre 2007.<br />

– Maximising b<strong>en</strong>efit from def<strong>en</strong>ce research – A review of def<strong>en</strong>ce research and<br />

technology for alignm<strong>en</strong>t, quality and exploitation. Rapport MoD de septembre<br />

2006.<br />

– Def<strong>en</strong>ce Technology Strategy for the demands of the 21 st C<strong>en</strong>tury. Rapport MoD<br />

de 2006.<br />

– Maximising Def<strong>en</strong>ce Capability through R&D – A review of def<strong>en</strong>ce research and<br />

developm<strong>en</strong>t, rapport MoD d’octobre 2007.<br />

Articles divers<br />

– "Le champ de bataille du futur : le défi <strong>technologique</strong>" par Michel Asc<strong>en</strong>cio,<br />

octobre 2008.<br />

– "Technologies et innovations militaires" par Joseph H<strong>en</strong>rotin et Jean-Jacques<br />

Mercier, DSI Technologies, mars-avril 2009.<br />

– "L’innovation <strong>technologique</strong> dans les conflits irréguliers" Col. <strong>La</strong>ssalle – DGA,<br />

25 novembre 2008.<br />

– "Quelle articulation pour les dispositions technico-militaires dans la période à v<strong>en</strong>ir,<br />

réflexions pour des temps de crise" Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS.<br />

– "Striking the right balance" par Robert.M. Gates paru dans le National Def<strong>en</strong>ce<br />

Strategy de juin 2008.<br />

– Articles de Jean-Paul Hebert (EHESS)<br />

• <strong>La</strong> dérive des prix des programmes d’armem<strong>en</strong>t est un phénomène<br />

stratégique<br />

• Une nouvelle <strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts ?<br />

• L’évolution des relations stratégiques transatlantiques vers <strong>une</strong> nouvelle<br />

<strong>course</strong> aux armem<strong>en</strong>ts<br />

171


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

– Extrait de Def<strong>en</strong>se news du 19 mars 2009 Elbit Touts Increm<strong>en</strong>tal Approach par<br />

Antonie Boess<strong>en</strong>kool .<br />

– "Le danger du fétichisme <strong>technologique</strong>" par Alain Bauer, paru dans TTU du<br />

27 mars 2009.<br />

– Interv<strong>en</strong>tion de Louis Gautier au colloque "Participation et Progrès" – ADEDS -<br />

École militaire, 15 octobre 2008.<br />

– Discours de François Fillon, Premier ministre à la Conv<strong>en</strong>tion de l’Association<br />

europé<strong>en</strong>ne des industries de l’aéronautique, de l’espace et de la déf<strong>en</strong>se - Paris,<br />

10 octobre 2008.<br />

Rapports CHEAr<br />

• SN 39 comité n° 4 "Conséqu<strong>en</strong>ces du développem<strong>en</strong>t des conflits asymétriques<br />

sur les systèmes de déf<strong>en</strong>se".<br />

• SN 39 comité n° 6 "Les armes modernes répond<strong>en</strong>t-elles aux évolutions des<br />

besoins pour faire face au nouvel <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t mondial".<br />

• SN 44 comité n° 7 "Comm<strong>en</strong>t susciter et favoriser l’innovation au profit de la<br />

déf<strong>en</strong>se et la sécurité ?".<br />

172


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

LISTE DES ACRONYMES<br />

AED<br />

ANR<br />

ASF<br />

BITD<br />

CAO<br />

Darpa<br />

DGA<br />

DGAC<br />

DP/OP<br />

ERT<br />

FCM<br />

Felin<br />

IED<br />

ISL<br />

LPM<br />

Loi<br />

Lolf<br />

Mires<br />

MoD<br />

MRIS<br />

MRTT<br />

MCO<br />

MSO<br />

NRBC<br />

NTIC<br />

Occar<br />

Oco<br />

Onera<br />

Otan<br />

PCRD<br />

PESD<br />

Pers<br />

PME<br />

PP30<br />

Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne de déf<strong>en</strong>se<br />

Ag<strong>en</strong>ce nationale pour la recherche<br />

Architecte de systèmes de force<br />

Base industrielle <strong>technologique</strong> de déf<strong>en</strong>se<br />

Conception assistée par ordinateur<br />

Def<strong>en</strong>ce Applied Research Projects Ag<strong>en</strong>cy<br />

Délégation générale pour l’armem<strong>en</strong>t<br />

Délégation générale de l’aviation civile<br />

Directeur de programme/Officier de programme<br />

Effort de recherche <strong>technologique</strong><br />

Fiche de caractéristiques militaires<br />

Fantassin équipé de liaison intégrée<br />

Improvised Explosive Device (Engin explosif improvisé)<br />

Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis<br />

Loi de programmation militaire<br />

Letter of Int<strong>en</strong>t<br />

Loi organique des lois de finances<br />

Mission interministérielle pour la recherche et l’innovation sci<strong>en</strong>tifique<br />

Ministry of Def<strong>en</strong>ce<br />

Mission pour la recherche et l’innovation sci<strong>en</strong>tifique<br />

Multi-Role Transport Tanker<br />

Mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong> condition opérationnelle<br />

Mise <strong>en</strong> service opérationnelle<br />

Nucléaire, radiologique, biologique, chimique<br />

Nouvelles technologies de l’information et de la communication<br />

Organisation conjointe de coopération <strong>en</strong> matière d’armem<strong>en</strong>t<br />

Officiers de cohér<strong>en</strong>ce opérationnelle<br />

Organisation national d’études et de recherches aéronautiques<br />

Organisation du traité de l’Atlantique du Nord<br />

Programme cadre de recherche et développem<strong>en</strong>t<br />

Politique europé<strong>en</strong>ne de sécurité et de déf<strong>en</strong>se<br />

Politique europé<strong>en</strong>ne de recherche et de sci<strong>en</strong>ce<br />

Petite ou moy<strong>en</strong>ne <strong>en</strong>treprise<br />

Plan pluriannuel à tr<strong>en</strong>te ans<br />

173


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Pos<br />

PSRT<br />

REACH<br />

Retex<br />

ROHS<br />

R&D<br />

R&T<br />

SDI<br />

SGDN<br />

SSI<br />

STB<br />

TRL<br />

VBCI<br />

VBL<br />

Politique et objectifs sci<strong>en</strong>tifiques<br />

Plan stratégique des ressources techniques<br />

Registration, Evaluation, Autorisation of CHemicals<br />

Retour d’expéri<strong>en</strong>ce<br />

Restriction of the use of certain Hazardous Substances<br />

Recherche et développem<strong>en</strong>t<br />

Recherche et technologie<br />

Strategic Def<strong>en</strong>ce Initiative (aux États-Unis)<br />

Secrétariat général de la déf<strong>en</strong>se nationale<br />

Sécurité des systèmes d’information<br />

Spécification technique de besoin<br />

Technology Readiness Level (Mesure de maturité <strong>technologique</strong>)<br />

Véhicule blindé de combat d’infanterie<br />

Véhicule blindé léger<br />

174


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

ANNEXE 1<br />

Des outils pour <strong>une</strong> politique de l’innovation<br />

Prospective des systèmes de force<br />

L’id<strong>en</strong>tification des domaines <strong>technologique</strong>s clés s’inscrit dans la démarche<br />

plus globale de la prospective des systèmes de force. Celle-ci regroupe les activités<br />

destinées à id<strong>en</strong>tifier les besoins opérationnels, à ori<strong>en</strong>ter et à exploiter les études<br />

de déf<strong>en</strong>se <strong>en</strong> vue de les satisfaire. Ces activités sont conduites conjointem<strong>en</strong>t par<br />

les architectes de systèmes de forces (ASF), qui relèv<strong>en</strong>t de la DGA, et les officiers<br />

de cohér<strong>en</strong>ce opérationnelle (Oco), qui relèv<strong>en</strong>t de l'État-major des Armées. Il s’agit<br />

d’éclairer les choix nationaux qui vont permettre de définir l’outil de déf<strong>en</strong>se futur<br />

<strong>en</strong> contribuant à la construction europé<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> matière de sécurité et de déf<strong>en</strong>se.<br />

On peut noter qu’<strong>une</strong> telle démarche prospective n’est aujourd’hui développée que<br />

par quelques États de manière indép<strong>en</strong>dante.<br />

Les cinq systèmes de forces sur lesquels l’<strong>en</strong>semble de la démarche est décliné sont :<br />

– dissuasion ;<br />

– commandem<strong>en</strong>t et la maîtrise de l’information ;<br />

– projection, mobilité, souti<strong>en</strong> ;<br />

– <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t combat ;<br />

– protection sauvegarde.<br />

PP30<br />

L’élaboration du "PP30", plan prospectif à 30 ans, est égalem<strong>en</strong>t inscrite dans<br />

cette démarche prospective. Sous la responsabilité du collège ASF-Oco, le PP30<br />

est, au sein du ministère de la Déf<strong>en</strong>se, l’instrum<strong>en</strong>t principal d’id<strong>en</strong>tification des<br />

besoins <strong>en</strong> équipem<strong>en</strong>ts et d’ori<strong>en</strong>tation des études et des recherches de déf<strong>en</strong>se. Il<br />

fait partie du processus conduisant à leur planification et programmation. Actualisé<br />

chaque année, il matérialise l’avancem<strong>en</strong>t des travaux prospectifs et capacitaires. Il<br />

est égalem<strong>en</strong>t un instrum<strong>en</strong>t de dialogue privilégié avec les organismes du ministère<br />

impliqués dans la préparation du futur, les part<strong>en</strong>aires étatiques europé<strong>en</strong>s et les<br />

industriels europé<strong>en</strong>s des domaines de l’armem<strong>en</strong>t et de la sécurité. Il conti<strong>en</strong>t<br />

<strong>une</strong> partie consacrée à la prospective des systèmes de forces qui a vocation à<br />

175


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

évoluer chaque année au fur et à mesure des résultats des études m<strong>en</strong>ées et des<br />

déclinaisons des thèmes transverses, ainsi qu’un corpus docum<strong>en</strong>taire qui compr<strong>en</strong>d<br />

les élém<strong>en</strong>ts généraux de prospective et repr<strong>en</strong>d, <strong>en</strong> les mettant à jour, tous les<br />

acquis <strong>en</strong>core pertin<strong>en</strong>ts des thèmes transverses des éditions précéd<strong>en</strong>tes.<br />

MRIS et Pos<br />

<strong>La</strong> "Mission pour la recherche et l’innovation sci<strong>en</strong>tifique" (MRIS), créée <strong>en</strong><br />

2005, est dirigée par le conseiller sci<strong>en</strong>tifique du Délégué. Cette mission élabore<br />

le docum<strong>en</strong>t de "Politique et objectifs sci<strong>en</strong>tifiques" (Pos), assure la lisibilité et la<br />

cohér<strong>en</strong>ce des actions de la DGA vis-à-vis de la communauté sci<strong>en</strong>tifique et est<br />

chargée d’id<strong>en</strong>tifier, de développer et de capitaliser les actions de recherche et<br />

d’innovation dans le domaine des sci<strong>en</strong>ces et technologies de base. <strong>La</strong> MRIS assure<br />

<strong>une</strong> veille sci<strong>en</strong>tifique et technique, un souti<strong>en</strong> de la formation par la recherche, un<br />

financem<strong>en</strong>t réactif de travaux de recherche et d’innovation sci<strong>en</strong>tifique. Elle est<br />

organisée <strong>en</strong> 8 domaines sci<strong>en</strong>tifiques :<br />

– informatique, mathématiques, automatique ;<br />

– traitem<strong>en</strong>t de l’information ;<br />

– physique et mécanique des fluides et des solides ;<br />

– ondes et systèmes associés ;<br />

– électronique ;<br />

– optique et photonique ;<br />

– matériaux et chimie ;<br />

– biologie ;<br />

– facteurs humains.<br />

Le Pos a vocation à ori<strong>en</strong>ter l’effort d’investissem<strong>en</strong>t que représ<strong>en</strong>te le budget<br />

d’études amont consacré par la DGA à la R&T de base et à l’innovation. Il prés<strong>en</strong>te<br />

les grandes thématiques sci<strong>en</strong>tifiques d’intérêt pour la Déf<strong>en</strong>se et les différ<strong>en</strong>ts modes<br />

d’action permettant de sout<strong>en</strong>ir ces thématiques <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec la recherche civile.<br />

C’est un docum<strong>en</strong>t évolutif dont la réactualisation est prévue tous les deux ans. Les<br />

ori<strong>en</strong>tations sci<strong>en</strong>tifiques, proposées dans le Pos, se répartiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> deux catégories.<br />

D’un côté, on trouve les thématiques visant à lever des obstructions techniques majeures<br />

dans des domaines ess<strong>en</strong>tiels id<strong>en</strong>tifiés par la Déf<strong>en</strong>se. De l’autre, des thématiques<br />

réc<strong>en</strong>tes porteuses de ruptures <strong>technologique</strong>s pot<strong>en</strong>tielles, faisant souv<strong>en</strong>t l’objet d’un<br />

"bouillonnem<strong>en</strong>t" mais dont l’intérêt pour la Déf<strong>en</strong>se reste à confirmer.<br />

176


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Les principales données d’<strong>en</strong>trées du Pos sont le PP30, les plans stratégiques de la<br />

DGA, les docum<strong>en</strong>ts équival<strong>en</strong>ts établis par des part<strong>en</strong>aires <strong>en</strong> France ou à l’étranger,<br />

les feuilles de route des capacités <strong>technologique</strong>s de la Déf<strong>en</strong>se, des élém<strong>en</strong>ts de<br />

prospective et de veille sci<strong>en</strong>tifique et technique, les rapports sci<strong>en</strong>tifiques des<br />

laboratoires et des grands organismes de recherche et les ori<strong>en</strong>tations sci<strong>en</strong>tifiques<br />

et techniques des industriels.<br />

Synergie avec la recherche civile<br />

Recherche militaire et recherche civile évoluai<strong>en</strong>t jusque récemm<strong>en</strong>t dans des<br />

mondes distincts. Mais l’heure est désormais au rapprochem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre chercheurs<br />

civils et militaires. Mise <strong>en</strong> place <strong>en</strong> 2005 à la DGA, la Mission pour la recherche et<br />

l’innovation sci<strong>en</strong>tifique est aujourd’hui le point focal de la DGA pour l’<strong>en</strong>semble<br />

de la communauté sci<strong>en</strong>tifique. Élaboré par la MRIS, le Pos prés<strong>en</strong>te les grandes<br />

thématiques sci<strong>en</strong>tifiques d’intérêt pour la Déf<strong>en</strong>se et les différ<strong>en</strong>ts modes d’action<br />

permettant de sout<strong>en</strong>ir ces thématiques <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec la recherche civile.<br />

<strong>La</strong> DGA participe par ailleurs à de nombreux comités de pilotage de programmes<br />

de l’Ag<strong>en</strong>ce nationale pour la recherche (ANR) (par exemple dans les domaines<br />

sécurité globale, biotechnologies, piles à combustibles, matériaux et procédés,<br />

nanotechnologies…).<br />

De manière plus générale, la recherche de Déf<strong>en</strong>se occupe <strong>une</strong> place importante<br />

dans le dispositif de recherche français. Elle a été principalem<strong>en</strong>t tirée par le<br />

nucléaire et les grands programmes aéronautiques et a conduit à de prestigieuses<br />

réalisations. Aujourd'hui, l'effort national de 1,4 milliard d'euros représ<strong>en</strong>te près de<br />

15 % de l'effort national <strong>en</strong> matière de recherche. <strong>La</strong> France est au premier rang<br />

europé<strong>en</strong> à un niveau comparable au Royaume-Uni et devant l’Allemagne.<br />

Enfin, les pôles de compétitivité constitu<strong>en</strong>t des lieux privilégiés pour les<br />

programmes de recherche duale sout<strong>en</strong>us par le ministère de la Déf<strong>en</strong>se, ces pôles<br />

facilit<strong>en</strong>t la coopération autour de projets innovants sur un espace géographique<br />

donné, <strong>en</strong>tre des <strong>en</strong>treprises, des c<strong>en</strong>tres de formation et des unités de recherche<br />

publiques ou privées. Le ministère de la Déf<strong>en</strong>se contribue largem<strong>en</strong>t à la politique<br />

des pôles de compétitivité, puisque sur les 66 pôles de compétitivité labellisés, le<br />

ministère est correspondant chef de file de 7 pôles (2 pôles mondiaux (AESE et<br />

Systematic), 2 pôles à vocation mondiale (mer Bretagne et mer PACA) et 3 pôles<br />

177


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

nationaux (route des lasers, photonique et Elopsys)) et 2 e contributeur au fonds<br />

interministériel commun, qui constitue un guichet unique pour le financem<strong>en</strong>t des<br />

projets de R&D des pôles par l'État (45 millions d'euros sur 3 ans, pour un total<br />

de 300 millions de crédits ministériels, portés à 600 millions d'euros grâce à un<br />

abondem<strong>en</strong>t décidé par le Premier ministre).<br />

178


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

ANNEXE 2 : LE RÈGLEMENT REACH<br />

Entré <strong>en</strong> vigueur le 1 er juin 2007, cinq ans après la directive europé<strong>en</strong>ne ROHS<br />

qui visait à restreindre de l'utilisation de 6 substances dangereuses dans les<br />

équipem<strong>en</strong>ts électriques et électroniques, REACH permet l’application harmonisée<br />

dans toute l’Union europé<strong>en</strong>ne d’un système de contrôle et de mise sur le marché<br />

des produits chimiques géré intégralem<strong>en</strong>t par l’Ag<strong>en</strong>ce europé<strong>en</strong>ne des produits<br />

chimiques basée à Helsinki. Il a pour objectif de faire reposer sur les producteurs la<br />

responsabilité de l’évaluation des caractéristiques toxicologiques, écotoxicologiques<br />

de quelque 30 000 substances, ainsi que les mesures de réduction de risques liés<br />

à leurs usages afin qu’ils soi<strong>en</strong>t valablem<strong>en</strong>t maîtrisés et ceci tout au long du<br />

cycle de vie des substances. Toutes les substances chimiques <strong>en</strong> tant que telles,<br />

ou cont<strong>en</strong>ues dans les préparations ou dans les articles, sont visées, et toutes<br />

les matières premières, les composants, les alliages sont donc pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

concernés.<br />

REACH appelle deux principes fondam<strong>en</strong>taux : le r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t de la charge de<br />

la preuve de l’innocuité des substances (vers les producteurs et les industriels et<br />

non plus les États), et la traçabilité totale et transpar<strong>en</strong>te ("no data, no market").<br />

Sont concernés les fabricants europé<strong>en</strong>s, les importateurs, les utilisateurs <strong>en</strong> aval<br />

et les distributeurs.<br />

L’objectif in fine est d’id<strong>en</strong>tifier les substances à interdire ou dont l’usage doit<br />

être restreint, afin de mieux protéger de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et la santé des personnes<br />

(fabricants, utilisateurs).<br />

Il faut noter que REACH prône l’innovation <strong>en</strong> réponse aux nouvelles<br />

contraintes, et prévoit à cet effet des dérogations pour les activités de recherche et<br />

développem<strong>en</strong>t sur les substances. Enfin, les intérêts de la Déf<strong>en</strong>se demeur<strong>en</strong>t un<br />

cas d’exemption à l’application du règlem<strong>en</strong>t :<br />

• Le prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t devrait assurer un niveau élevé de protection de la santé<br />

humaine et de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t ainsi que la libre circulation des substances,<br />

telles quelles ou cont<strong>en</strong>ues dans des préparations ou des articles, tout <strong>en</strong><br />

améliorant la compétitivité et l’innovation. Le prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t devrait aussi<br />

promouvoir le développem<strong>en</strong>t de méthodes alternatives pour l’évaluation des<br />

dangers liés aux substances (…)<br />

179


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

• (…) Toutefois, pour <strong>en</strong>courager l'innovation, les activités de recherche et de<br />

développem<strong>en</strong>t axées sur les produits et les processus devrai<strong>en</strong>t être exemptées<br />

de l'obligation d'<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant <strong>une</strong> certaine période, au cours de<br />

laquelle <strong>une</strong> substance n'est pas <strong>en</strong>core destinée à être mise sur le marché à<br />

l'int<strong>en</strong>tion d'un nombre indéfini de cli<strong>en</strong>ts, parce que son application dans des<br />

préparations ou des articles exige <strong>en</strong>core que des activités de recherche et de<br />

développem<strong>en</strong>t supplém<strong>en</strong>taires soi<strong>en</strong>t réalisées par le déclarant pot<strong>en</strong>tiel luimême<br />

ou <strong>en</strong> coopération avec un nombre limité de cli<strong>en</strong>ts connus. Il convi<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong> outre, de prévoir <strong>une</strong> exemption analogue pour les utilisateurs <strong>en</strong> aval qui<br />

utilis<strong>en</strong>t la substance à des fins d'activités de recherche et de développem<strong>en</strong>t<br />

axées sur les produits et les processus, à condition que les risques pour la<br />

santé humaine et l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t soi<strong>en</strong>t valablem<strong>en</strong>t maîtrisés conformém<strong>en</strong>t<br />

aux prescriptions de la législation relative à la protection des travailleurs et à<br />

l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.<br />

• Les États membres peuv<strong>en</strong>t prévoir des exemptions du prés<strong>en</strong>t règlem<strong>en</strong>t dans<br />

des cas spécifiques pour certaines substances, telles quelles ou cont<strong>en</strong>ues dans<br />

<strong>une</strong> préparation ou un article, lorsque cela s'avère nécessaire aux intérêts de<br />

la déf<strong>en</strong>se.<br />

180


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

ANNEXE 3 :<br />

Cas du Royaume-Uni<br />

<strong>en</strong> matière de politique de R&T de déf<strong>en</strong>se<br />

Politique générale<br />

Suite aux publications par le ministère de la déf<strong>en</strong>se (MoD) britannique des<br />

Def<strong>en</strong>ce Industrial Strategy de 2002 et 2005, l’approche vis-à-vis de l’industrie<br />

britannique <strong>en</strong> matière de R&T a changé et <strong>une</strong> nouvelle stratégie a été définie. Il<br />

a été reconnu dans ces docum<strong>en</strong>ts le besoin de promouvoir <strong>une</strong> base industrielle et<br />

<strong>technologique</strong> de déf<strong>en</strong>se qui mainti<strong>en</strong>drait les capacités industrielles nécessaires<br />

pour garantir la sécurité nationale. Les principes et les processus qui doiv<strong>en</strong>t être<br />

appliqués lors des acquisitions ont été posés. Une analyse sur les lac<strong>une</strong>s <strong>en</strong> termes<br />

capacités industrielles et <strong>technologique</strong>s du Royaume-Uni a été faite, ainsi que sur<br />

la manière dont elles pourrai<strong>en</strong>t être comblées.<br />

Ces revues ont précisé que : Technology is a key driver in the modern world and is<br />

crucial to network <strong>en</strong>abled, adaptable and rapidly deployable forces (23) . Elles ont mis<br />

<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce que les grands programmes d’armem<strong>en</strong>t auront <strong>une</strong> durée de vie de<br />

plus <strong>en</strong> plus longue. Une réorganisation de la base industrielle et <strong>technologique</strong><br />

de déf<strong>en</strong>se sera nécessaire pour pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte l’importance croissante de<br />

sout<strong>en</strong>ir les équipem<strong>en</strong>ts ou systèmes déjà <strong>en</strong> service. L’importance du mainti<strong>en</strong> <strong>en</strong><br />

condition opérationnelle (MCO) et l’insertion rapide de technologie pour répondre<br />

aux nouvelles m<strong>en</strong>aces et saisir les opportunités d’innovation seront accrues. Il ne<br />

s’agira plus, comme précédemm<strong>en</strong>t, de développer systématiquem<strong>en</strong>t de nouvelles<br />

générations d’équipem<strong>en</strong>ts ou de systèmes.<br />

Au Royaume-Uni, il faudra que :<br />

– la recherche soit cohér<strong>en</strong>te avec le besoin opérationnel ;<br />

– soit maint<strong>en</strong>ue <strong>une</strong> capacité world class dans les domaines critiques pour la<br />

souveraineté et la sécurité nationale (voir graphique ci-après) ;<br />

– soit préservée l’attractivité du Royaume-Uni pour les part<strong>en</strong>ariats ou la<br />

coopération avec d’autres nations ;<br />

(23)<br />

Dans le monde moderne, la technologie est un facteur clé et est fondam<strong>en</strong>tale pour le travail <strong>en</strong> réseau, l’adaptabilité<br />

et le déploiem<strong>en</strong>t rapide de forces.<br />

181


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

– le MoD agisse comme un acheteur "éclairé" de systèmes et technologies et<br />

se fournisse sur le marché mondial ;<br />

– puiss<strong>en</strong>t être adoptés et modifiés rapidem<strong>en</strong>t pour répondre aux besoins<br />

militaires les matériels civils adéquats ;<br />

– soi<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tifiés les domaines ess<strong>en</strong>tiels.<br />

Financem<strong>en</strong>t<br />

Suite à la fin de la guerre froide, le ministère de la Déf<strong>en</strong>se britannique a connu<br />

<strong>une</strong> réduction de la part de son budget consacré à la recherche de 30 % <strong>en</strong>tre<br />

1994 et 2004. Sur cette même période, le budget de déf<strong>en</strong>se n’a été diminué<br />

que de 4,5 %. Le budget de recherche annuel du MoD est de l’ordre de 500 M£<br />

(soit <strong>en</strong>viron 550 M€), mais chaque année 83 % de ce budget est consacré aux<br />

paiem<strong>en</strong>ts inéluctables. En 2005, les sommes allouées à la recherche au Royaume-<br />

Uni correspondai<strong>en</strong>t à 1,9 % du PIB (22 Md£), réparties <strong>en</strong>tre les investissem<strong>en</strong>ts<br />

de l’industrie (1,1 %) et du gouvernem<strong>en</strong>t (0,8 %). Le gouvernem<strong>en</strong>t britannique,<br />

<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> compte la productivité et les succès économiques du Royaume-<br />

Uni, a défini <strong>une</strong> stratégie visant à porter <strong>en</strong>tre 2004 et 2014 à 2,5 % de PIB<br />

l’investissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> R&D par l’industrie et le gouvernem<strong>en</strong>t.<br />

Source: Def<strong>en</strong>ce Technology Strategy for the demands of the 21 st C<strong>en</strong>tury. Rapport MoD de 2006<br />

182


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Politique <strong>en</strong> matière de R&D de déf<strong>en</strong>se<br />

En 2007 la Def<strong>en</strong>ce Innovation Strategy (DIS) était publiée. Elle a précisé<br />

que l’innovation était fondam<strong>en</strong>tale, puisqu’elle m<strong>en</strong>ait à l’apparition et au<br />

développem<strong>en</strong>t d’opportunités et à l’amélioration de la r<strong>en</strong>tabilité des <strong>en</strong>treprises.<br />

Afin de développer <strong>une</strong> culture d’innovation, elle id<strong>en</strong>tifiait des points clés :<br />

– définir <strong>une</strong> vision des capacités partagée <strong>en</strong>tre le MoD et l’industrie ;<br />

– mettre <strong>en</strong> œuvre les principes de road-mapping de capacités et de technologies.<br />

Le principe est développé dans le Def<strong>en</strong>ce technology Plan et sera mis <strong>en</strong><br />

œuvre par le Future Business Group et les programmes d’armem<strong>en</strong>t ;<br />

–améliorer l’application de l’ingénierie de systèmes dans les domaines de la<br />

modularité et des architectures ouvertes ;<br />

– mettre à point des business models <strong>en</strong>tre le gouvernem<strong>en</strong>t et l’industrie pour<br />

partager <strong>une</strong> vision comm<strong>une</strong> ;<br />

– améliorer la réactivité, notamm<strong>en</strong>t au niveau du processus de contractualisation<br />

et de l’organisation de la recherche.<br />

Cette stratégie a précisé aussi les domaines d’intérêt stratégiques qui sont<br />

l’anticipation, la protection, l’id<strong>en</strong>tification rapide et la mise <strong>en</strong> réseau.<br />

Le docum<strong>en</strong>t Maximising B<strong>en</strong>efit from Def<strong>en</strong>ce Research, publié <strong>en</strong> 2006,<br />

était le premier rapport bisannuel, revue de la R&T de déf<strong>en</strong>se. Il établissait un<br />

processus qui avait pour but de mesurer la performance, la qualité et l’efficacité<br />

d’exploitation de la recherche et de la technologie. Il est désormais clair qu’un<br />

certain nombre de domaines, qui étai<strong>en</strong>t tirés par les grands programmes de<br />

recherche militaires p<strong>en</strong>dant la guerre froide, par exemple les communications et<br />

les systèmes d’information, sont désormais pilotés par le domaine civil. Le défi pour<br />

le MoD a été d’id<strong>en</strong>tifier les domaines clés (soit militaires, soit civils) qui doiv<strong>en</strong>t<br />

être maint<strong>en</strong>us pour des raisons de sécurité ou de souveraineté. Le Royaume-<br />

Uni doit maint<strong>en</strong>ir son effort d’investissem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> R&T <strong>en</strong> mettant l’acc<strong>en</strong>t sur les<br />

m<strong>en</strong>aces émerg<strong>en</strong>tes, sans négliger celles conv<strong>en</strong>tionnelles. <strong>La</strong> cohér<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre<br />

les programmes de recherche et les programmes d’armem<strong>en</strong>t doit être vérifiée<br />

et maint<strong>en</strong>ue. L’exploitation de la R&T doit être fondam<strong>en</strong>tale afin de faciliter<br />

l’insertion de technologie p<strong>en</strong>dant toute la durée de vie d’un système. Le docum<strong>en</strong>t<br />

conclut <strong>en</strong> évaluant la cohér<strong>en</strong>ce de la politique de R&T par rapport aux objectifs<br />

stratégiques définis (85 % des programmes de recherche ont eu un li<strong>en</strong> clair<br />

183


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

par rapport aux objectifs). Il recommande l’exploitation commerciale de l’effort<br />

de R&T dans le domaine de la déf<strong>en</strong>se, <strong>en</strong> proposant à des sociétés dites "Spin<br />

out", qui s’appuierai<strong>en</strong>t sur la dualité des marchés civils et militaires, d’exploiter<br />

pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t ces technologies. Le principe est décrit dans le graphique ci-dessous,<br />

où le gouvernem<strong>en</strong>t britannique veut transférer vers l’industrie le développem<strong>en</strong>t<br />

et l’exploitation de technologies.<br />

Source: Def<strong>en</strong>ce Technology Strategy for the demands of the 21 st C<strong>en</strong>tury. Rapport MoD de 2006.<br />

184


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

ANNEXE 4<br />

L’innovation <strong>technologique</strong> vue par le ministère de l’Industrie<br />

Id<strong>en</strong>tification des technologies clés <strong>en</strong> R&T<br />

Afin d’aider les chercheurs et industriels à trouver les compét<strong>en</strong>ces<br />

complém<strong>en</strong>taires requises pour m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> un projet de R&D ou de transfert<br />

<strong>technologique</strong>, le ministère de l’Industrie a conduit <strong>une</strong> étude "Technologies clés<br />

2010" publiée <strong>en</strong> décembre 2006 (24) . Cette étude répertorie les principaux c<strong>en</strong>tres<br />

de recherche privés et publics qui contribu<strong>en</strong>t au développem<strong>en</strong>t de 83 technologies<br />

clés classées selon 8 domaines <strong>technologique</strong>s :<br />

– technologies de l'information et de la communication ;<br />

– matériaux – chimie ;<br />

– bâtim<strong>en</strong>t ;<br />

– énergie – <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t ;<br />

– technologies du vivant-santé – agroalim<strong>en</strong>taire ;<br />

– transports ;<br />

– distribution – consommation ;<br />

– technologies et méthodes de production.<br />

Cette étude constitue ainsi un complém<strong>en</strong>t d’informations par rapport aux<br />

champs couverts par les pôles de compétitivité dont les thèmes de R&D ne couvr<strong>en</strong>t<br />

pas la totalité des 83 technologies clés.<br />

Le ministère de l’Industrie dispose donc d’outils organisationnels et opérationnels<br />

pour piloter <strong>une</strong> véritable stratégie <strong>technologique</strong>. Il privilégie la constitution de<br />

champions territoriaux incluant les c<strong>en</strong>tres de recherche et de formation et focalisés<br />

sur des projets innovants. Le développem<strong>en</strong>t international des pôles passe par la<br />

recherche de coopérations <strong>technologique</strong>s avec des clusters étrangers, afin d’y<br />

trouver des briques manquantes ou de nouveaux marchés. Les dispositifs financiers<br />

impliqu<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>treprises et les collectivités locales.<br />

(24)<br />

Voir détail sur le site internet www.industrie.gouv.fr/techno_cles_2010/.<br />

185


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Les pôles de compétitivité<br />

Les pôles de compétitivité rassembl<strong>en</strong>t, sur un territoire donné, des <strong>en</strong>treprises,<br />

des c<strong>en</strong>tres de recherche et des organismes de formation, afin de développer<br />

des synergies et des coopérations, notamm<strong>en</strong>t au travers de projets coopératifs<br />

innovants. Ils peuv<strong>en</strong>t s'inscrire dans <strong>une</strong> perspective internationale : l'<strong>en</strong>jeu est<br />

de permettre aux <strong>en</strong>treprises impliquées de pr<strong>en</strong>dre <strong>une</strong> position de premier plan<br />

dans leurs domaines, tant <strong>en</strong> France qu'à l'international. Créés <strong>en</strong> 2004, ils sont au<br />

nombre de 71 répartis sur tout le territoire français (25) . On peut les assimiler à des<br />

clusters thématiques ayant <strong>une</strong> forte visibilité internationale.<br />

Une politique stratégique a été mise <strong>en</strong> place pour cadrer les financem<strong>en</strong>ts<br />

alloués par l’État aux pôles de compétitivité. Elle a pour objectifs de développer<br />

la compétitivité de l’économie française <strong>en</strong> accroissant l’effort d’innovation et<br />

de conforter sur des territoires des activités, principalem<strong>en</strong>t industrielles, à fort<br />

cont<strong>en</strong>u <strong>technologique</strong> ou de création. Au sein du ministère de l’Économie, de<br />

l'Industrie et de l’Emploi, la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie<br />

et des services (DGCIS) assure, conjointem<strong>en</strong>t avec la Délégation interministérielle<br />

à l'Aménagem<strong>en</strong>t et à la Compétitivité des territoires (Diact), la mise <strong>en</strong> œuvre,<br />

l'animation et le suivi de la politique des pôles de compétitivité.<br />

<strong>La</strong> première phase (2006-2008) a porté sur un financem<strong>en</strong>t global de 1,5 G€<br />

répartis <strong>en</strong>tre l’État (830 M€), les ag<strong>en</strong>ces (520 M€ au titre de l’ANR, Oseo, AII et<br />

la CDC) et 160 M€ d’exonération fiscale. Les financem<strong>en</strong>ts principaux sont destinés<br />

à sout<strong>en</strong>ir les projets de R&D. Les exonérations fiscales et <strong>une</strong> partie des crédits<br />

d’interv<strong>en</strong>tion sont réservées aux <strong>en</strong>treprises implantées dans la zone de recherche<br />

et développem<strong>en</strong>t d’un pôle et qui particip<strong>en</strong>t à un projet de R&D.<br />

De nombreuses collectivités territoriales apport<strong>en</strong>t un souti<strong>en</strong> supplém<strong>en</strong>taire<br />

aux pôles implantés sur leur territoire. Les pôles peuv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t s’appuyer sur<br />

les réseaux de recherche mis <strong>en</strong> place par le ministère de la Recherche et sur les<br />

programmes europé<strong>en</strong>s (PCRD de la Commission europé<strong>en</strong>ne notamm<strong>en</strong>t).<br />

(25)<br />

Voir le détail sur le site internet www.competitivite.gouv.fr.<br />

186


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Le programme <strong>en</strong>tre dans sa seconde phase (2009-2011). Doté d’<strong>une</strong> <strong>en</strong>veloppe<br />

globale équival<strong>en</strong>te à la première phase, elle permettra l’accompagnem<strong>en</strong>t de la<br />

R&D civile selon trois axes :<br />

– le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de l’animation et du pilotage stratégique des pôles,<br />

notamm<strong>en</strong>t avec la création des "contrats de performance" et le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t<br />

des correspondants d’État : ces contrats <strong>en</strong> cours d’élaboration vis<strong>en</strong>t<br />

à responsabiliser plus fortem<strong>en</strong>t les acteurs industriels, étatiques et les<br />

collectivités locales. Ils se bas<strong>en</strong>t sur <strong>une</strong> feuille de route stratégique à 3-5<br />

ans à l’instar des stratégies d’<strong>en</strong>treprise. Celle-ci précisera les domaines et<br />

thématiques prioritaires, les objectifs <strong>technologique</strong>s et de marchés visés et<br />

les objectifs de développem<strong>en</strong>t du pôle ;<br />

– de nouvelles modalités de financem<strong>en</strong>ts notamm<strong>en</strong>t pour les plates-formes<br />

d’innovation. Ces plates-formes regrouperont des moy<strong>en</strong>s humains et matériels<br />

dédiés à des projets de R&D et d’innovation fortem<strong>en</strong>t concurr<strong>en</strong>tiels. Plus<br />

particulièrem<strong>en</strong>t attachées aux pôles mondiaux ou à vocation mondiale, elles<br />

seront le fer de lance de l’excell<strong>en</strong>ce sci<strong>en</strong>tifique nationale ;<br />

– le développem<strong>en</strong>t d’un écosystème d’innovation et de croissance, notamm<strong>en</strong>t<br />

le recours plus important aux financem<strong>en</strong>ts privés et la recherche de meilleures<br />

synergies territoriales. <strong>La</strong> notion d’écosystème est intéressante car elle traduit<br />

bi<strong>en</strong> l’interaction <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts acteurs et élém<strong>en</strong>ts contributeurs de la<br />

R&D comme l’illustre le schéma ci après.<br />

Le fonctionnem<strong>en</strong>t des pôles réside ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur les coopérations croisées<br />

<strong>en</strong>tre les acteurs. On peut id<strong>en</strong>tifier plusieurs types de coopération :<br />

• Le part<strong>en</strong>ariat <strong>en</strong>treprises-c<strong>en</strong>tres de formation : l'objectif est de définir des<br />

formations spécialisées, d'approfondir la gestion des compét<strong>en</strong>ces, etc.<br />

• Le part<strong>en</strong>ariat <strong>en</strong>treprises-organismes de recherche : création d'incubateurs<br />

<strong>technologique</strong>s, valorisation, recherche contractuelle, travaux de R&D<br />

collaboratifs, etc.<br />

• Le part<strong>en</strong>ariat c<strong>en</strong>tres de formation-organismes de recherche : ils couvr<strong>en</strong>t la<br />

recherche universitaire, l'attractivité vis-à-vis des <strong>en</strong>seignants chercheurs, etc.<br />

187


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Cœur du dispositif = acteurs économiques et académiques<br />

dans un espace géographique donné (<strong>en</strong>treprises,<br />

c<strong>en</strong>tres de recherche, organismes de formation).<br />

L’assise du dispositif (les racines) = Les compét<strong>en</strong>ces<br />

des hommes, notamm<strong>en</strong>t leurs idées et leurs tal<strong>en</strong>ts, ainsi<br />

que les moy<strong>en</strong>s financiers tels les financem<strong>en</strong>ts privés<br />

(investisseurs provid<strong>en</strong>tiels ou business angels, "capitaux<br />

risqueurs") et les aides publiques ciblées, sont la "sève"<br />

de ces pôles de compétitivité. Elles conditionn<strong>en</strong>t<br />

largem<strong>en</strong>t leur dynamisme et leur développem<strong>en</strong>t.<br />

L’ancrage territorial (le substrat) = L’ancrage du pôle<br />

dans son territoire est lié à la définition même d’un pôle<br />

de compétitivité.<br />

Le rôle des cli<strong>en</strong>ts et des fournisseurs spécialisés<br />

<strong>La</strong> prés<strong>en</strong>ce à proximité des pôles, de fournisseurs spécialisés,<br />

mais aussi de cli<strong>en</strong>ts susceptibles d’adopter de<br />

manière précoce des solutions innovantes, voire de les<br />

tester avant mise sur le marché et de contribuer à leur<br />

amélioration comme c’est le cas dans les laboratoires<br />

d’usage, constitue un atout ess<strong>en</strong>tiel.<br />

188


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

ANNEXE 5<br />

Un exemple dans le secteur de la grande distribution : l'automobile<br />

Un marché sous fortes contraintes<br />

Le marché automobile est l’un des tous premiers au plan mondial. En 2007,<br />

il a représ<strong>en</strong>té 70,46 millions de véhicules neufs v<strong>en</strong>dus dans le monde? dont<br />

23,8 millions <strong>en</strong> Europe. Il couvre 2,25 millions d’emplois dans l’Union europé<strong>en</strong>ne<br />

et a dégagé un chiffre d’affaires 2007 de 728 Ge (26) . Ayant fait l’objet de profondes<br />

restructurations depuis les années 1980, le secteur automobile demeure fortem<strong>en</strong>t<br />

concurr<strong>en</strong>tiel, les rares alliances <strong>en</strong>tre constructeurs se faisant sur des programmes<br />

spécifiques.<br />

Ce marché caractérisé par <strong>une</strong> forte valeur ajoutée <strong>technologique</strong> (VA/Production<br />

de l’ordre de 20 %) subit actuellem<strong>en</strong>t de plein fouet l’effet de la crise financière<br />

et économique. Les difficultés de financem<strong>en</strong>t des particuliers et des <strong>en</strong>treprises<br />

couplées à l’inflation des matières premières conduis<strong>en</strong>t le secteur à revoir<br />

drastiquem<strong>en</strong>t les coûts de structure et à demander l’aide des pouvoirs publics.<br />

Pour ces raisons, le secteur est au cœur des priorités gouvernem<strong>en</strong>tales du plan de<br />

relance économique.<br />

Sur le plan technique, la fin programmée des énergies fossiles et les impératifs<br />

de limitation de l’effet de serre vont conditionner fortem<strong>en</strong>t les développem<strong>en</strong>ts<br />

<strong>technologique</strong>s des voitures de demain (27) . <strong>La</strong> réduction des taux d’émission de CO 2<br />

devi<strong>en</strong>t obligatoire tandis que les consommateurs souhait<strong>en</strong>t voir développer de<br />

nouvelles solutions alternatives au pétrole et sont <strong>en</strong> train de rep<strong>en</strong>ser leur besoin<br />

de mobilité. <strong>La</strong> prise de consci<strong>en</strong>ce est réelle et les dispositions du Gr<strong>en</strong>elle de<br />

l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t (bonus/malus écologique, primes) contribu<strong>en</strong>t aussi à l’évolution du<br />

marché. Le véhicule propre fait partie des priorités liées au développem<strong>en</strong>t durable.<br />

L’<strong>en</strong>jeu <strong>technologique</strong> est de taille puisqu’il se double d’<strong>une</strong> recherche d’assistance<br />

à la conduite (gestion informatisée, reconnaissance, navigation…) et de sécurité.<br />

(26)<br />

Source : Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA).<br />

(27)<br />

Le domaine des transports consomme plus de la moitié de la production mondiale de pétrole et contribue à hauteur de<br />

13 % à l’effet de serre (référ<strong>en</strong>ce : Observatoire de l’automobile 2009).<br />

189


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

<strong>La</strong> stratégie technique des constructeurs automobiles<br />

Les constructeurs automobiles sont dans <strong>une</strong> situation fortem<strong>en</strong>t contrainte : ils<br />

doiv<strong>en</strong>t développer des solutions alternatives au moteur à combustion interne et<br />

améliorer la qualité <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tale de leurs produits tout <strong>en</strong> restant compétitifs.<br />

En réponse aux att<strong>en</strong>tes liées au développem<strong>en</strong>t durable, ils doiv<strong>en</strong>t mettre <strong>en</strong> place<br />

l’éco-conception de leurs futurs véhicules <strong>en</strong> optimisant son impact sur l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

tout au long du cycle de vie. Le recyclage fait partie inhér<strong>en</strong>te de cette conception : la<br />

réglem<strong>en</strong>tation europé<strong>en</strong>ne stipule que 8 à 9 millions de véhicules mis à la casse chaque<br />

année doiv<strong>en</strong>t être recyclés à 85 %. Ce niveau sera porté à 95 % à l’horizon 2015.<br />

Le virage <strong>technologique</strong> a été amorcé il y a trois ans par l’<strong>en</strong>semble des constructeurs.<br />

Pour t<strong>en</strong>ir dans des <strong>en</strong>veloppes budgétaires acceptables par les consommateurs, les<br />

futurs véhicules limiteront leur taille à l’inverse des modèles précéd<strong>en</strong>ts qui avai<strong>en</strong>t<br />

t<strong>en</strong>dance à pr<strong>en</strong>dre du poids et du volume sur le même segm<strong>en</strong>t. Du coup, tout est fait<br />

pour alléger les véhicules : nouveaux aciers et aluminium, développem<strong>en</strong>t de petites<br />

motorisations turbocompressées. Ce processus de downsizing permet de réduire la<br />

consommation tout <strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant le niveau de confort.<br />

<strong>La</strong> R&D <strong>en</strong> matière d’énergie devi<strong>en</strong>t stratégique et porte sur les modes de<br />

propulsion et les nouveaux carburants : pile à combustible, électricité, hydrogène,<br />

agro-carburants et carburants synthétiques, solutions de motorisation hybrides. Un<br />

véritable foisonnem<strong>en</strong>t d’innovations caractérisera donc la période 2010-2020,<br />

avec notamm<strong>en</strong>t des solutions hybrides. Une projection 2015 laisse p<strong>en</strong>ser que les<br />

énergies nouvelles ne concerneront toutefois que 20 % du parc.<br />

En parallèle, les recherches se poursuiv<strong>en</strong>t sur la voiture électrique considérée<br />

comme la meilleure solution accessible à moy<strong>en</strong> terme. L’objectif visé est de trouver<br />

le bon compromis <strong>en</strong>tre coût et autonomie : il est aujourd’hui possible de concevoir<br />

un véhicule de 300 km d’autonomie mais coûtant <strong>en</strong>core plus de 100 ke. Les<br />

futures technologies de batteries imposeront de construire de nouvelles usines et<br />

doiv<strong>en</strong>t donc être intégrées dans les investissem<strong>en</strong>ts futurs (exemple du programme<br />

R<strong>en</strong>ault-Nissan avec <strong>une</strong> usine de 74 Me). À plus long terme la maîtrise de la pile<br />

à combustible hydrogène suscite de nombreux espoirs mais les investissem<strong>en</strong>ts<br />

seront lourds L’<strong>en</strong>semble des énergies alternatives sont plutôt perçues comme des<br />

marchés de niche pour les dix ans à v<strong>en</strong>ir.<br />

190


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

Un bel exemple de <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> : la F1<br />

<strong>La</strong> Formule 1 concrétise la <strong>course</strong> <strong>technologique</strong> par excell<strong>en</strong>ce puisque les<br />

victoires se gagn<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur l’innovation des voitures et la préparation<br />

technique. Il est important que les innovations techniques soi<strong>en</strong>t valorisées au<br />

travers de tels évènem<strong>en</strong>ts à vocation sportive. En revanche, il serait illusoire de<br />

p<strong>en</strong>ser qu’elles sont définies <strong>en</strong> fonction de cette recherche de performances<br />

extrêmes.<br />

<strong>La</strong> Formule 1 représ<strong>en</strong>te un investissem<strong>en</strong>t important des constructeurs (3 G$<br />

<strong>en</strong> 2008 dont 445 M$ pour Toyota et 350 M$ pour BMW ), mais très faible au<br />

regard des profits att<strong>en</strong>dus sur le marché grand public. Car il s’agit bi<strong>en</strong>, avant tout,<br />

d’un vecteur de publicité à l’att<strong>en</strong>tion des consommateurs. Vitrine <strong>technologique</strong>,<br />

la Formule 1 vise surtout à r<strong>en</strong>forcer l’image d’excell<strong>en</strong>ce et à doper les v<strong>en</strong>tes de<br />

véhicules. Les constructeurs qui se sont retirés du monde de la <strong>course</strong> automobile<br />

l’ont tous fait pour des raisons commerciales plus que pour des raisons techniques.<br />

Malgré la fin programmée du pétrole et les aspirations des consommateurs,<br />

le marché de l’automobile ne connaîtra pas à moy<strong>en</strong> terme de rupture<br />

<strong>technologique</strong> brutale compte t<strong>en</strong>u des infrastructures existantes et<br />

des impératifs économiques. <strong>La</strong> question ess<strong>en</strong>tielle des constructeurs demeure de<br />

savoir si <strong>une</strong> technologie peut se développer rapidem<strong>en</strong>t pour arriver à être produite<br />

à moindre coût et <strong>en</strong> grande série. Cela les conduit à raisonner par continuité et à<br />

s’ori<strong>en</strong>ter naturellem<strong>en</strong>t sur les solutions hybrides sur le court - moy<strong>en</strong> terme tout<br />

<strong>en</strong> continuant à explorer les solutions plus innovantes sur le long terme.<br />

191


45 e session nationale 2009 I CHEAr<br />

Remerciem<strong>en</strong>ts :<br />

Ce rapport n’aurait pu être rédigé sans les informations, conseils et<br />

recommandations des différ<strong>en</strong>tes personnalités r<strong>en</strong>contrées à l’occasion des<br />

interviews m<strong>en</strong>ées p<strong>en</strong>dant la durée de la session.<br />

Les auditeurs du comité n° 7 leur adress<strong>en</strong>t donc leurs plus sincères<br />

remerciem<strong>en</strong>ts, ainsi qu’aux conseillers du comité pour leurs conseils avisés et leur<br />

souti<strong>en</strong> actif et sans faille tout au long de cette année.<br />

Conseillers<br />

Monsieur Patrick Michon,<br />

directeur adjoint export optronique Sagem Déf<strong>en</strong>se et Sécurité<br />

Monsieur Emmanuel Nommick, avocat à la Cour<br />

Commissaire Colonel Eric Rémy-Néris, chef du bureau finances de l’Ema/CPCO<br />

Personnalités r<strong>en</strong>contrées<br />

GCA Palomeros, Emaa/ MGAA<br />

GDI Desportes, directeur du collège interarmées de Déf<strong>en</strong>se<br />

GDI Helly Emat/Sous-chef plans programmes<br />

GBR Giaume, Ema/ESMG<br />

CA Brulez, Ema/Oco<br />

IGA Devaux DGA/D4S/SASF<br />

IGA Queffelec EMM/Sous-chef plans programmes<br />

IGA Berthet, DGA/DDI<br />

IGA Moraillon DGA/D4S/SRTS<br />

IGA Burg DGA/D4S/SIIE<br />

IGETA Marchis DGA/DSA/Dum Ter<br />

M. Cornut-G<strong>en</strong>tile, député-maire de St Dizier<br />

M. l’ambassadeur Guntmann, conseil sci<strong>en</strong>tifique de Déf<strong>en</strong>se<br />

Mme Grogran, attachée d’armem<strong>en</strong>t, ambassade britannique<br />

M. Veillard, directeur de la prospective stratégique, CEIS<br />

M. Battesti, directeur stratégie systèmes terre et interarmées, Thales<br />

M. Pujes, ministère de la recherche, chargé de l’espace<br />

192


CHEAr I 2009 45 e session nationale<br />

M. Sahut d’Izarn, responsable des programmes moteurs militaires Snecma<br />

M. Couillard, présid<strong>en</strong>t du conseil d’administration de l’Isae<br />

M. <strong>La</strong>houd, directeur général adjoint EADS<br />

M. R<strong>en</strong>ouil, directeur du développem<strong>en</strong>t commercial de Bertin<br />

M. de la Sayette, directeur technique adjoint Dassault Aviation<br />

MM. Stoufflet et Hermann, direction de la prospective Dassault Aviation<br />

MM. Hervé et Bouty, direction du marketing stratégique Nexter Systems<br />

COMPOSITION DU COMITE<br />

Présid<strong>en</strong>t :<br />

Secrétaire :<br />

Rapporteur :<br />

Autres auditeurs :<br />

Conseillers :<br />

Col. Jean-Baptiste de Font<strong>en</strong>illes<br />

ICA François Bouchet<br />

ICA Claude Ch<strong>en</strong>uil<br />

Mark Way<br />

Alexandre Dupuy<br />

Emmanuel Julli<strong>en</strong><br />

Patrick Michon<br />

Emmanuel Nommick<br />

Commissaire-colonel Éric Remy-Neris<br />

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