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Revue-Ro-4

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I. Les écrivains de l’athéisme<br />

A. Deux visages de l’athéisme : l’absurde et le surréalisme<br />

Un mot résume une grande partie de la pensée, de l’art et de la<br />

littérature du XX e siècle : l’absurde. Bouleversé par les deux guerres<br />

mondiales, écrasé par la terrible réalité historique du Mal, l’homme remet en<br />

cause l’existence d’un Dieu bon et tout-puissant.<br />

Plusieurs écrivains français sont représentatifs de ce courant. Le<br />

philosophe et écrivain Jean-Paul Sartre, fondateur de l’existentialisme, refuse<br />

la présence d’un Dieu créateur : « Il n’y a pas de signe dans le Ciel » (Le<br />

Diable et le Bon Dieu, 1951). Le héros sartrien <strong>Ro</strong>quentin découvre avec<br />

dégoût qu’il est de trop dans l’existence : « De trop, c’était le seul rapport que<br />

je pusse établir entre ces arbres, ces grilles, ces cailloux… De trop, le<br />

marronnier… Et moi aussi, j’étais de trop. » (La Nausée, 1938). Désormais le<br />

héros se sent libre – « seul et libre, mais cette liberté ressemble un peu à la<br />

mort. » (La Nausée). « L’homme est condamné à être libre » (L’existentialisme<br />

est un humanisme, 1945), à inventer ses propres valeurs, qui ne sont pas<br />

transcendantes, à choisir le Bien ou le Mal, comme Goetz, le héros du Diable<br />

et le Bon Dieu. Il faut aussi échapper au regard d’autrui qui fige notre<br />

existence : « L’enfer c’est les autres » (Huis clos, 1944).<br />

Albert Camus fait aussi à sa manière cette expérience de l’absurdité<br />

de la vie, marquée par la limite inexorable d’une mort qui n’ouvre sur aucun<br />

au-delà. Dans Le Mythe de Sisyphe (1942), il refuse le suicide et veut vivre<br />

avec la conscience de cette destinée. Le héros de L’Étranger vit le quotidien<br />

de son existence, ses joies et ses peines comme un étranger indifférent et<br />

solitaire. Entraîné, malgré lui, à tuer un homme, il est condamné à mort. Ses<br />

derniers moments, il veut les consacrer à profiter des dernières sensations de<br />

cette vie terrestre : « Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi. Les<br />

odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse<br />

paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée…comme si cette<br />

grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée<br />

de signes et d’étoiles. Je m’ouvrais, pour la première fois à la tendre<br />

indifférence du monde ». Il a, en effet, repoussé l’aumônier qui voulait lui<br />

parler de Dieu : « Il voulait encore me parler de Dieu, mais je me suis avancé<br />

vers lui et j’ai tenté de lui expliquer, une dernière fois, qu’il me restait un peu<br />

de temps. Je ne voulais pas le perdre avec Dieu. » (L’Étranger, 1942).<br />

Beckett nous présente un univers et des personnages désespérés<br />

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