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Revue-Ro-4

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On revient ainsi, bien évidemment, à la querelle morale entre le Bien<br />

et le Mal, question qu’on rencontre au début du chant II, qui nous présente la<br />

plainte de l’« âme de la terre » opprimée par la cruauté. [1] L’âme de la terre<br />

pleure / et se lamente auprès de Toi : / « Pourquoi m’as-Tu créée ? / Qui m’a<br />

façonnée de cette manière ? / Je suis opprimée par la colère / la cruauté et<br />

l’agression. / Nul autre que Toi ne peut me protéger. / Guide-moi vers le vrai<br />

bonheur ! » [2] Ahura / demande conseil à la Justesse : / « Connais-tu un<br />

sauveur / capable de mener la terre opprimée / vers le bonheur ? / Et si cette<br />

personne existe, / qui est-elle ? / Pour que nous puissions / la soutenir et lui<br />

donner la force / de briser le mensonge […]. » 20<br />

Le dieu Ahura Mazda interroge alors l’un de ces aspects, la<br />

Justesse, qui lui répond qu’il faut qu’il envoie un « Instructeur », afin de<br />

réparer les erreurs de la création. C’est Zarathoustra, qui à son tour lui pose<br />

une série de questions sur le Bien et le Mal. Cela nous révèle comment la<br />

mort de Dieu chez Nietzsche pourrait finalement correspondre à la mort des<br />

dieux invoquée pour sauver l’« âme de la terre » des dévas, devenus, chez<br />

Zarathoustra, des démons qui se fondent dans un dieu symbole de la<br />

gangrène, de la dégénération occidentale. On est alors face à la morale que<br />

Nietzsche attribue à Zarathoustra même, tout en affirmant une non-morale<br />

dans laquelle aucune explication n’est donnée sur le destin du diable,<br />

dichotomie qui dans les Gathas n’est pas cosmique mais humaine, résolue<br />

par une tendance vers le Bien. 21<br />

Le péché est alors défini par la « volonté de puissance » de l’homme,<br />

prise au sens ascétique de Khashatra, « Maîtrise de soi » 22 ; les deux pôles<br />

représentent deux façons de vivre, un choix radical et nécessaire, le même<br />

auquel le Christ appelait les hommes : choix fondamental qui constitue l’objet<br />

du chant de Zarathoustra, qui réalise des poèmes sur l’identification au divin,<br />

et une morale. On peut ainsi aboutir à un « au-delà du bien et du mal »,<br />

de contrôle des puissances de la nature, et d’intervention non pas intérieure mais extérieure, ce qui<br />

constitue, même d’après la pensée religieuse orientale, une forme de dégénérescence au regard d’une<br />

conscience véritablement éveillée, une déviation dangereuse qui opère toujours le mal. Cf. Bede Griffith,<br />

Expérience chrétienne et mystique hindoue, Paris, Albin Michel, 1995, pp. 117-118 ; Bhagavadgītā, VII,<br />

14-15 ; Actes des Apôtres : 9,1-9 ; 22,6-16 ; 26,12-19.<br />

20 Cf. Saint Paul aux <strong>Ro</strong>mains : 8,20-23.<br />

21 « Ô Madza, / Tu évalues les deux groupes, / celui des disciples de la Justesse / et celui des adeptes du<br />

mensonge, / par l’épreuve du feu ardent / et Tu récompenses chacun de ces groupes / selon leurs actions. »<br />

(chant XVI, 9)<br />

22 Khosro Khazai Pardis, Etude historique, op. cit., p. 100.<br />

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