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afin de retrouver la divinité. Si, à la fin du roman, le Jonas de Chessex se déclare convaincu qu’il n’y aura pas de Résurrection pour lui, c’est peut-être aussi parce qu’il sait déjà que dans la Bible, Yahvé avait fait pousser un ricin au-dessus de la tête de Jonas, en le faisant mourir. Le Jonas de Chessex n’est pas un rédempteur, tel que l’était autrefois le Jonas de la Bible pour les habitants de Ninive. C’est en damné qu’il se montre à Anne-Marie, c’est la résignation qu’il prophétise tout le long du journal qu’il tient : « Malgré mon amour de Dieu, malgré le Fils, malgré notre fils, Anne-Marie, la grâce est morte et j’ai l’âme desséchée. Et je le sais aussi de source sure : il n’y aura pas de Résurrection. » 12 . Deuxième mythe biblique transformé par Chessex : il n’y a pas de Rédemption pour son Jonas. Finalement, c’est le mythe de Jéricho que l’écrivain utilise dans le dernier chapitre de Carabas, intitulé précisément « La septième trompette de Jéricho ». Cette fois-ci il transforme un mythe biblique en allégorie, établissant une correspondance entre le pouvoir de la foi qui a fait tomber les murs de la cité biblique et le pouvoir de l’écriture et des livres qui dresseront un édifice contre l’oubli : Le septième jour on l’encercle sept fois, au septième tour Jéricho s’écroule […]. Et qui a vaincu ? C’est le souffle. La corne embouchée par le rugueux prêtre, la musique criarde et guerrière qui retentit contre le mur sous la lippe du barbu qui marche devant Israël. 13 Pour Chessex, la prise de Jéricho n’est donc pas la récompense de la foi et de l’obéissance de Josué ; elle n’est non plus le mérite de ces sept prêtres qui ont sonné des trompettes. La chute de la citadelle est due au tout dernier prêtre qui, lorsque le mur tenait encore, n’a cessé de souffler dans sa trompette : « La septième trompette de Jéricho. Qui était l’homme qui lançait sa poitrine dans son cuivre chaud ? Je dédie mon livre à cet homme. Je voudrais qu’à travers les siècles il écoute ma musiquette, qu’elle lui rappelle un écho de quelque chose, oui, que dans mes petites pages il entende sonner le cuivre ancestral et la colère pour finir dans ma sonnerie contre l’arrogance et la puissance et la méchanceté des citadelles imprenables. » 14 Pareil à ce septième prêtre, l’écrivain souffle dans sa trompette dérisoire, dans l’espoir qu’il réussira, lui aussi, à faire écrouler les murs de l’oubli. 12 Jacques Chessex, op. cit, 1987, p. 188. 13 Jacques Chessex, Carabas, Lausanne, Cahiers de la Rennaissance Vaudoise, 1971, p. 249. 14 Jacques Chessex, op. cit, 1971, pp. 249-250. 260

On conclut en affirmant que la plupart des œuvres chessexiennes reposent sur l’intertexte biblique. Qu’il s’agisse de mythes bibliques réinterprétés ou de simples allusions à la terminologie des Saintes Ecritures, l’écrivain construit dans ses livres un monde qui constitue un prolongement de l’univers biblique. Certes, il le fait à sa façon, en illustrant l’influence calviniste auprès de ses personnages, en se révoltant contre une religion qui se fonde plutôt sur la tradition que sur la foi et en osant interroger Dieu sur les injustices auxquelles est soumise toute existence humaine. Cependant, il ne nie à aucun instant, son ascendance : Je suis un écrivain qui appartient profondément à une ascendance protestante et calviniste et qui, grâce à la reconnaissance en lui de cette ascendance, a pu à la fois la faire fructifier en lui et se libérer de ses contraintes. 15 Bibliographie Œuvres de Jacques Chessex La Confession du Pasteur Burg (1974), Lausanne, L’Age d’Homme, 1991. Monsieur, Paris, Grasset & Fasquelle, 2001, pp. 219-222. L’Ogre, Paris, Bernard Grasset, 1973. Jonas, Paris, Grasset & Fasquelle, 1987. Carabas, Lausanne, Cahiers de la Renaissance Vaudoise, 1971, pp. 249-253. Le désir de Dieu, Paris, Grasset &Fasquelle, 2005. L’Imparfait, Yvonnand, Bernard Campiche Editeur, 1996. Œuvres critiques et dictionnaires Bond, J. David, Jacques Chessex. Calvinism and the text, Toronto, University of Toronto Press, 1994. 15 C’est une affirmation de Jacques Chessex in LittéraTour de Suisse : Jacques Chessex, émission réalisée par Marcel Schüpbach et diffusée à la Télévision suisse romande, le 23 Mars 1998, document consulté en ligne le 5 avril 2012, http://www.rts.ch/archives/tv/divers/3461794-jacques-chessex.html.html 261

On conclut en affirmant que la plupart des œuvres chessexiennes<br />

reposent sur l’intertexte biblique. Qu’il s’agisse de mythes bibliques<br />

réinterprétés ou de simples allusions à la terminologie des Saintes Ecritures,<br />

l’écrivain construit dans ses livres un monde qui constitue un prolongement de<br />

l’univers biblique. Certes, il le fait à sa façon, en illustrant l’influence calviniste<br />

auprès de ses personnages, en se révoltant contre une religion qui se fonde<br />

plutôt sur la tradition que sur la foi et en osant interroger Dieu sur les injustices<br />

auxquelles est soumise toute existence humaine. Cependant, il ne nie à<br />

aucun instant, son ascendance :<br />

Je suis un écrivain qui appartient profondément à une ascendance<br />

protestante et calviniste et qui, grâce à la reconnaissance en lui de cette<br />

ascendance, a pu à la fois la faire fructifier en lui et se libérer de ses<br />

contraintes. 15<br />

Bibliographie<br />

Œuvres de Jacques Chessex<br />

La Confession du Pasteur Burg (1974), Lausanne, L’Age d’Homme, 1991.<br />

Monsieur, Paris, Grasset & Fasquelle, 2001, pp. 219-222.<br />

L’Ogre, Paris, Bernard Grasset, 1973.<br />

Jonas, Paris, Grasset & Fasquelle, 1987.<br />

Carabas, Lausanne, Cahiers de la Renaissance Vaudoise, 1971, pp. 249-253.<br />

Le désir de Dieu, Paris, Grasset &Fasquelle, 2005.<br />

L’Imparfait, Yvonnand, Bernard Campiche Editeur, 1996.<br />

Œuvres critiques et dictionnaires<br />

Bond, J. David, Jacques Chessex. Calvinism and the text, Toronto, University<br />

of Toronto Press, 1994.<br />

15 C’est une affirmation de Jacques Chessex in LittéraTour de Suisse : Jacques Chessex, émission<br />

réalisée par Marcel Schüpbach et diffusée à la Télévision suisse romande, le 23 Mars 1998, document<br />

consulté en ligne le 5 avril 2012, http://www.rts.ch/archives/tv/divers/3461794-jacques-chessex.html.html<br />

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