Revue-Ro-4
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Identité religieuse dans l’espace valaisan chez Corinna Bille Brînduşa-Petronela IONESCU 1 Abstract : This article 2 analyzes the role played by religious beliefs in the identity construction of different communities of peasants in the Valais region. In her first two volumes of short stories, Douleurs paysannes and L'Enfant aveugle, Corinna Bille depicts an old-fashioned but fascinating world, where moral rules are traced by the Church. Little inclined to modifications of any kind, the inhabitants of the village have a simple way of life, depending on seasonal work and religious feasts ; the ultimate aim of these people is to expiate their sins. Keywords: Identity, religion, space, peasant, sin, good, evil, death. La construction d’une identité par la religion Parmi les composants identitaires, à côté de la langue, du nom et de la filiation, l’espace originaire 3 et implicitement l’appartenance à une communauté sociale ou religieuse ont un rôle essentiel dans la définition intérieure d’un individu. En Europe, le contact avec l’autre a été depuis longtemps réglé par le christianisme. Il n’y a pas de sociétés ou de cultures entièrement athées ; la laïcité ne sort jamais du religieux sans en garder des traces bien ancrées dans la conscience ou le comportement des gens. La religion a toujours eu un rôle décisif, assurant à l’homme, telle que son étymologie 4 le suggère, le rapport à une transcendance et lui induisant le respect d’une sphère sacrée par l’exercice du culte. Elle a d’ailleurs influencé 1 Université « Alexandru Ioan Cuza », Iaşi, Roumanie. 2 L’article est réalisé dans le cadre du Projet « Idées » 2011/ n° 218, L’Espace identitaire dans la littérature francophone contemporaine, financé par CNCS-UEFISCDI. 3 Voir à propos de l’espace identitaire l’article de Brînduşa Ionescu et Liliana Foşalău, « Approches de l’espace dans la littérature francophone contemporaine », in Dynamique de l’identité dans la littérature francophone européenne, sous la direction de Liliana Foşalău (avec la contribution de Brînduşa Ionescu, Simona Modreanu, Dana Monah, Marina Mureşanu Ionescu), Iaşi, Junimea, 2011, pp. 391-406. 4 La religio provient de religare (relier, attacher), ce qui traduit la religion comme un lien entretenu avec la divinité, et de legere ou religere (recueillir, revenir sur ce que l’on a fait), qui fait plutôt allusion au culte proprement-dit. 240
la structure de la société, dans la construction de ses systèmes, de ses hiérarchies et institutions, de ses idéaux, privilèges et injustices. L’identité religieuse des Suisses est définie par les réalités du quotidien et surtout par les implications symboliques et l’empreinte que le catholicisme et le protestantisme ont laissées dans leur subconscient. La rigueur et la morale chrétiennes se sont constamment estompées jusqu’à l’époque contemporaine, mais dans certaines communautés montagnardes peu ouvertes au nouveau, bien attachées au passé médiéval, ils ont continué à persister, imposant toujours des limites et des préceptes. Les écrivains suisses, profondément attachés à leurs terres natales, se sont préoccupés de dévoiler aux lecteurs le charme de la Romandie, qu’il s’agisse du Vaud protestant, dans les œuvres de C.-F. Ramuz ou du Valais catholique, dans les écrits de Corinna Bille. Le respect de la religion explique en grandes lignes le caractère conservateur, traditionnel des Suisses romands. Ramuz, apprécié pour avoir illustré l’univers paysan du Vaud protestant, n’avait pas été vraiment attaché à l’Église en dépit de son entreprise religieuse 5 et avait préféré ne pas nommer Dieu, éviter de rendre présente dans ses récits la personne même du Seigneur. Pour lui, la religion se réduisait à « une attitude de l’esprit purement individuelle 6 » et ne signifiait pas une adhésion à ses dogmes. Le monde de Corinna Bille, et c’est en quoi il diffère de celui de C.-F. Ramuz, est un monde catholique pratiquant qui perçoit la religion dans sa nature primitive, originaire, comme facteur qui règle la vie des gens et assure leur équilibre spirituel. Le malheur apparaît alors comme un châtiment infligé en punition de leurs fautes ; la grâce manque aux hommes mécréants. « Dieu créa le monde et le monde est devenu Dieu » 7 , alors Il est présent partout, par l’Église, par la nature, par les gens eux-mêmes et la vie qu’ils mènent, car « Dieu est prisonnier dans chaque homme » 8 . On 5 Iso Camartin, Roger Francillon, Doris Jakubec-Vodoz, Rudolf Käser, Giovanni Orelli, Béatrice Stocker, Les Quatre littératures de la Suisse, Zürich, Pro Helvetia, 1995, p. 107. 6 Yves Paumen, La Nature et l’homme dans l’œuvre en prose de C.-F. Ramuz, Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres Philologie Romane, Directeur du mémoire M. le prof. Trousson, 1978-1979, p. 14. 7 S. Corinna Bille, « Est-ce vous la demoiselle sauvage ? », p. 17, in Descriptions des cahiers, agendas, calepins, etc. du Vrai conte de ma vie, Fond S. Corinna Bille, Archives Nationales de Berne (désormais cité VCdmV). 8 S. Corinna Bille, L’Aventure fantastique I (5 juillet-25 août 1060), cahier personnel classé in Œuvres posthumes, Fond S. Corinna Bille, Archives Nationales de Berne, p. 132. (Sous ce nom sont réunis trois cahiers, numérotés et datés I (5 juillet-25 août 1060), II (25 août-25 novembre 1960) et III (26 novembre 1960-12-30 avril 1961), désormais cités AF I, II ou III.) 241
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Identité religieuse dans l’espace valaisan<br />
chez Corinna Bille<br />
Brînduşa-Petronela IONESCU 1<br />
Abstract : This article 2 analyzes the role played by religious beliefs in the identity<br />
construction of different communities of peasants in the Valais region. In her first two<br />
volumes of short stories, Douleurs paysannes and L'Enfant aveugle, Corinna Bille<br />
depicts an old-fashioned but fascinating world, where moral rules are traced by the<br />
Church. Little inclined to modifications of any kind, the inhabitants of the village have a<br />
simple way of life, depending on seasonal work and religious feasts ; the ultimate aim<br />
of these people is to expiate their sins.<br />
Keywords: Identity, religion, space, peasant, sin, good, evil, death.<br />
La construction d’une identité par la religion<br />
Parmi les composants identitaires, à côté de la langue, du nom et de<br />
la filiation, l’espace originaire 3 et implicitement l’appartenance à une<br />
communauté sociale ou religieuse ont un rôle essentiel dans la définition<br />
intérieure d’un individu. En Europe, le contact avec l’autre a été depuis<br />
longtemps réglé par le christianisme. Il n’y a pas de sociétés ou de cultures<br />
entièrement athées ; la laïcité ne sort jamais du religieux sans en garder des<br />
traces bien ancrées dans la conscience ou le comportement des gens. La<br />
religion a toujours eu un rôle décisif, assurant à l’homme, telle que son<br />
étymologie 4 le suggère, le rapport à une transcendance et lui induisant le<br />
respect d’une sphère sacrée par l’exercice du culte. Elle a d’ailleurs influencé<br />
1 Université « Alexandru Ioan Cuza », Iaşi, <strong>Ro</strong>umanie.<br />
2 L’article est réalisé dans le cadre du Projet « Idées » 2011/ n° 218, L’Espace identitaire dans la<br />
littérature francophone contemporaine, financé par CNCS-UEFISCDI.<br />
3 Voir à propos de l’espace identitaire l’article de Brînduşa Ionescu et Liliana Foşalău, « Approches de<br />
l’espace dans la littérature francophone contemporaine », in Dynamique de l’identité dans la littérature<br />
francophone européenne, sous la direction de Liliana Foşalău (avec la contribution de Brînduşa Ionescu,<br />
Simona Modreanu, Dana Monah, Marina Mureşanu Ionescu), Iaşi, Junimea, 2011, pp. 391-406.<br />
4 La religio provient de religare (relier, attacher), ce qui traduit la religion comme un lien entretenu avec la<br />
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