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Revue-Ro-4

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où elle serait ». À la fin de son voyage, le narrateur comprend « qu’il n’y aurait<br />

pas de message. » (pp. 85-89).<br />

« La Marche blanche » est le récit le plus proche des faits. Le poète,<br />

60 ans, marche dans la foule de ce triste été 1996 mais son cœur est malade<br />

et une obsession le hante, il a écrit un « article enthousiaste pour l’Italie<br />

mussolinienne » dont il voudrait effacer toute trace. À côté de lui, des fillettes<br />

se racontent une histoire d’ogre, de princesse 133 et d’enfants délivrés. Une<br />

note d’espoir en conclusion :<br />

Il se replongea dans le cortège, dont la blancheur presque immobile<br />

scintillait doucement. Dans ce pays de distances courtes qui, hier encore,<br />

semblaient infinies, il n’y avait plus de place pour l’indifférence.<br />

Aucune nouvelle ne fait plus référence au métier du professeur<br />

Sempoux, ainsi qu’à la littérature, – sans tomber dans « les pièges de<br />

l’érudition mesquine » – que « Porte clouée » (pp. 99-101). En effet, le<br />

narrateur, professeur de littérature italienne, y donne un cours sur La Divine<br />

Comédie de Dante et étudie le chant 33 avec ses étudiants : le neuvième<br />

cercle de l’enfer est celui des traîtres où le comte Ugolin, qui est en train de se<br />

faire dévorer par l’archevêque <strong>Ro</strong>ger, raconte comment, accusé de trahison<br />

pour avoir vendu des biens aux factions adverses, il a été enfermé dans une<br />

tour dont la porte a été clouée sur ordre de l’archevêque. La faim le force à<br />

manger ses propres enfants. Modernité de Dante qui « ouvre l’âme » et<br />

permet aux étudiants de comprendre l’horreur de l’actualité : Julie et Mélissa<br />

sont mortes de faim, loin de leurs parents qui « n’avaient jamais suscité de<br />

haine », enfermées dans la cave de Dutroux. Une étudiante s’exclame :<br />

« “Malheur au pays qui ne protège pas ses enfants ! Les bourreaux se sont<br />

tus, et la Justice a cloué la porte” », en écho à François Mitterrand au<br />

lendemain du massacre de la place Tiananmen : « Un régime qui tire sur sa<br />

jeunesse n’a pas d’avenir. »<br />

Une autre façon d’« entrer » en littérature par quelques détours<br />

133 Le récit fait allusion aux discours prononcés lors de la marche blanche : Carine Russo, parlant à sa<br />

petite fille, Julie, a dit des ravisseurs : « Finalement, ils t’ont jetée comme un objet qui a trop servi. » La<br />

mère de Mélissa a parlé de sa « petite princesse » et revendiqué le droit « qu’aucun enfant ne vive l’enfer<br />

sur terre ». Le père de Julie a eu ce mot : « J’ai reçu d’elle un message. Elle est très fière de vous. »<br />

(Dans la nouvelle, c’est le poète qui reçoit un message des petites victimes et promet d’avouer « sa<br />

petite vérité honteuse ».) D’autres orateurs ont réclamé « un gouvernement d’incorruptibles, d’hommes et<br />

de femmes intègres. »<br />

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