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Revue-Ro-4

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Au soir du Vendredi Saint, l’accoucheuse et la laveuse de morts<br />

trouvent refuge dans une pauvre maison vide. Rapidement, d’autres<br />

protagonistes les rejoignent : tout d’abord Madeleine ; ensuite Marthe et Marie<br />

de Béthanie ; puis Véronique; l’hémorroïsse ; la femme adultère ; l’épouse de<br />

Pilate; Jean et la Vierge ; enfin Yochabeth. Propriétaire de la maison, elle<br />

insulte les disciples, avant de quitter précipitamment la scène, pour réclamer<br />

le corps de son mari, dont elle apprend le suicide. Bientôt les autres femmes<br />

la suivent, afin de se rendre au sépulcre. Seuls Jean et la Vierge resteront en<br />

scène.<br />

Le contraste est flagrant entre la Vierge et Madeleine, réellement<br />

touchées par le message christique, et les saintes femmes. Mesquines, ces<br />

dernières revendiquent leurs droits sur le Christ : qui possède la Sainte Face,<br />

qui était la plus proche de la croix, qui a aidé à décrocher le cadavre, etc.<br />

Convaincues de leur supériorité, elles n’hésitent d’ailleurs pas à demander à<br />

la prostituée repentie de renouer avec son ancien métier, afin de détourner<br />

l’attention des soldats qui gardent le sépulcre. Le spectateur retrouve, dans ce<br />

panel de mégères, toute la misogynie de Ghelderode 81 , qui déborde<br />

largement du personnage de Yochabeth.<br />

Radicalement différent de ses prédécesseurs belges, Ghelderode<br />

amorce une réhabilitation originale de Judas, par la synthèse de différentes<br />

traditions. Il combine la prédestination – Judas trahit Jésus, guidé par une<br />

force obscure – à des légendes apocryphes, relatives à la mauvaise influence<br />

de son épouse, et dénoncent avec son célèbre humour caustique le<br />

matérialisme de ses contemporains.<br />

A la même époque, l’apôtre maudit retient également l’attention d’un<br />

autre grand dramaturge belge, de la génération précédente : Maurice<br />

Maeterlinck 82 (1862-1949). L’écrivain naît à Gand, dans une famille<br />

bourgeoise catholique. A l’époque, la pratique linguistique marque un clivage<br />

social : la bourgeoisie s’exprime en français, et réserve le flamand aux<br />

rapports avec les subalternes. Maeterlinck connaît le néerlandais, mais utilise<br />

exclusivement le français comme langue littéraire.<br />

Le Gantois ne fréquente donc que des institutions catholiques<br />

francophones. Il étudie les langues classiques au collège jésuite ; l’anglais et<br />

81 Anne-Marie Beckers, « La Misogynie », art. cit., pp. 28-29.<br />

82 Paul Gorceix, « Les Étapes d’un parcours », Maeterlinck, l’arpenteur de l’invisible, Bruxelles, Le Cri,<br />

2005, pp. 19-109.<br />

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