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Revue-Ro-4

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manœuvres frauduleuses découvertes, Kausman se suicide. Face à son<br />

cadavre, un protagoniste souligne sa filiation au traître biblique.<br />

Cet homme fut un traître : ainsi meurent les traîtres. Pour trente pièces<br />

d’argent, ils crucifient leur patrie ; puis vient un temps où ils trahissent aussi<br />

leur nouveau maître. 59<br />

Si Doyen reprend l’image du traître avide, ce n’est plus dans un<br />

contexte « dévotionnel », mais politique. La citation de Pour la couronne de<br />

François Coppée qui ouvre la pièce introduit très clairement le motif<br />

patriotique de l’œuvre.<br />

Michel de Ghelderode (1898-1962) participe également à cette<br />

remise à l’honneur du théâtre religieux, mais avec des productions d’une<br />

grande qualité littéraire.<br />

Les convictions philosophiques de Ghelderode ne sont pas aisées à<br />

déterminer, en raison du goût avéré de l’auteur pour la mystification. Le<br />

dramaturge affirme avoir perdu la foi en 1915, lorsqu’il interrompt ses études<br />

secondaires au collège Saint-Louis de Bruxelles. Les recherches de <strong>Ro</strong>land<br />

Beyen 60 prouvent néanmoins que Ghelderode projette son anticléricalisme<br />

d’adulte sur ses souvenirs d’adolescent. Il abandonne, en effet, toute pratique<br />

religieuse peu après avoir quitté Saint-Louis et éprouve des difficultés à<br />

conserver la foi, telle qu’elle lui a été transmise, mais la crise semble plutôt<br />

dater de 1919. L’écrivain reproche à l’Eglise catholique son intolérance, son<br />

hypocrisie, son asservissement au capitalisme et sa morale religieuse<br />

étriquée. Ghelderode voit le clergé comme une force malfaisante, qui étouffe<br />

l’individu, et l’assimile à ses autres « bêtes noires », la Belgique officielle, les<br />

États-Unis et les Juifs.<br />

Il refuse d’ailleurs de se marier à l’église en 1924… mais collabore<br />

ensuite avec le Théâtre Populaire Flamand, catholique. L’analyse des<br />

documents d’époque, notamment de sa correspondance, démontre l’instabilité<br />

de sa foi, ballottée au gré de ses propres sentiments et de ceux de ses<br />

correspondants. Ceci donne l’impression d’une foi contradictoire, sans doute<br />

plus dans ses expressions que dans ses fondements. Reste que les motifs et<br />

thèmes chrétiens demeureront une source d’inspiration pour l’auteur, quel que<br />

59 Id., Le Judas Boer, drame en trois actes, en prose, Liège, Auguste Doyen, 1928, p. 63.<br />

60 <strong>Ro</strong>land Beyen, Michel de Ghelderode ou la hantise du masque, essai de biographie critique, Bruxelles,<br />

Palais des Académies, 1971, pp. 450-480.<br />

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