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son glorieux calvaire de prostituée au Monte Cassino : « Allah ce soir je vais encore me faire du mal. Je vais faire la pute. […] C’est peut-être haram. Mais au moins je ne Te culpabilise pas. Je prends mes responsabilités. J’en paierai le prix, si toutefois il y a un prix à payer. […] Je veux Te remercier, Allah, car Tu es le seul à ne jamais me contredire 19 ». Pourtant pour Jbara, Allah est plus qu’un confident, il est présence. En cela, il n’est pas question de confession mais bien de confidence, un synonyme vieilli de confiance. Si elle renonce à la récitation de la Chahada, Jbara est néanmoins une adoratrice d’Allah, qu’elle gratifie pour sa bonté et son amour. Tout porte donc à croire que la provocation à l’œuvre sert une satire qui n’est pas orientée contre la religion d’Allah, mais contre ses « fidèles » serviles et hypocrites. Jbara les tient responsables d’avoir dénaturé la parole d’Allah au profit de dogmes séculaires et patriarcaux, une autorité dont elle refuse l’imposition. Ainsi, Saphia Azzedine fait la critique des mœurs sociales et religieuses, et s’attaque à ceux dont l’âme corrompue dévoie les piliers de l’Islam – parmi lesquels le Salat, l’obligation de prière. Perçue uniquement dans sa théâtralité, la prière renvoie à l’orchestration mécanique des corps. J’entre dans la mosquée, une femme me saute dessus parce qu’une mèche de cheveux dépasse de mon foulard. Elle me dit que c’est haram et tire mon foulard sur mon front. Putain, on serait dehors je l’aurais défoncée. Mais on est chez Toi et ça se respecte. Je ne vais pas aller manger direct, je vais aller faire ma prière quand même. J’en profiterai pour faire mes ablutions comme il faut et me décrasser. J’ai un peu oublié mais je vais faire comme les autres. Je vais me plier et bouger les lèvres. […] Ça y est, j’y suis, je fais la prière au milieu de ces femmes pieuses et qui ne font pas tout ce que je fais. […] Peut-être même que toutes ont fait la pute un jour et qu’elles viennent Te demander pardon. Quelle garantie ce foulard ? Aucune. Pourquoi je serais la seule ? Je croyais que ce serait dur. En fait la mémoire de mon corps dirige ma prière. Mon corps a été souillé mais pas sa mémoire, c’est une bonne nouvelle. […] Tout revient naturellement, comme si c’était mon code génétique à moi, ces prières inlassablement récitées les seize premières années de ma vie. […] Je me prosterne en même temps que les autres, me relève, m’agenouille, récite dans les temps, personne ne pourrait croire que…. 20 19 Ibid., p.74. 20 Ibid., p.115-117. 182
De plus, si Jbara retourne à la mosquée, c’est uniquement pour profiter d’un autre précepte de l’Islam : l’obligation d’aumône au pauvre. L’imam commence son prêche, moi j’ai la dalle. Aujourd’hui, il parle des femmes et de leurs devoirs envers leurs maris, frères, fils, cousins, neveux, pères, grands-pères, arrière-grands-pères, petits-fils, arrière-petits-fils, beaux-frères, beaux-fils, cousins éloignés, cousins du troisième degré, etc. Mais quand même, il souligne que sans la bénédiction de la mère, les enfants, donc les hommes aussi, ne connaîtront jamais le bonheur sur terre ni le paradis céleste. Ouf, j’ai eu peur qu’on n’ait rien en retour 21 . Pour Jbara, égarée dans sa foi, la prière est réduite à un acte de parole désincarné : prier, c’est manifester sa foi au monde – ce qui de fait suffit à expier les péchés. D’autre part, la prière équivaut à une demande, voire une commande : « Je disais quoi ? Ah oui. Si j’avais su que Tu me prendrais autant au sérieux, Allah, je T’aurais aussi demandé d’avoir des cheveux lisses. Ou un passeport français. Non, plutôt des cheveux lisses. Quoiqu’en France je pourrais m’acheter des cheveux lisses. C’est sûr que ça s’achète là-bas 22 ». Second avatar d’un Islam dénaturé : les fidèles, fanatiques superstitieux qui remettent leur destin aux mains des imams. Leur piété aveugle fait allégeance à des doctrines archaïques, patriarcales et arbitraires. D’autant que ces illuminati diffusent une vision déformée du texte sacré par l’argument du tabou, du péché et de la peur de Satan. Le père de Jbara est à ce titre l’archétype du récitant velléitaire face au jugement d’Allah : « Parce qu’il faut toujours Le craindre. Mon père, dès qu’il m’en parle, c’est pour me dire qu’Il va me châtier si je fais encore des conneries. Un jour j’ai juste dit devant lui qu’il faisait trop chaud et que c’était pénible : eh bien, il m’a flanqué une baffe. Dans sa logique à ce con, comme c’est Allah qui fait le temps, j’avais blasphémé 23 ». Victime du fkih, un idiot du village autoproclamé imam – le père de Jbara perd tout discernement au point que l’une de ses filles perd la vue tandis qu’il se contente de prier pour elle, sur les conseils de l’imam. Pire, le 21 Ibid., p.117. 22 Ibid., p.51. 23 Ibid., p.11. 183
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mais bien de confidence, un synonyme vieilli de confiance. Si elle renonce à la<br />
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Tout porte donc à croire que la provocation à l’œuvre sert une satire<br />
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les autres. Je vais me plier et bouger les lèvres. […] Ça y est, j’y suis, je fais<br />
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viennent Te demander pardon. Quelle garantie ce foulard ? Aucune.<br />
Pourquoi je serais la seule ? Je croyais que ce serait dur. En fait la mémoire<br />
de mon corps dirige ma prière. Mon corps a été souillé mais pas sa<br />
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seize premières années de ma vie. […] Je me prosterne en même temps<br />
que les autres, me relève, m’agenouille, récite dans les temps, personne ne<br />
pourrait croire que…. 20<br />
19 Ibid., p.74.<br />
20 Ibid., p.115-117.<br />
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