Revue-Ro-4
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sur ce qu'il ignore. Notre première remarque concerne Tirésias: C'est lui qui est le vrai sujet qui agit contre Dieu et qui forme l'antagoniste crucial de Dieu au sein de la structure de l'équilibre. En inventant le mensonge du double crime (l’inceste et le parricide), en croyant ainsi réaliser ses ambitions politiques, et éloigner Œdipe du trône, Tirésias se prend pour Dieu. 63 Ses agissements s'opposent, en effet, à la volonté divine qui vise à fixer Laïos et ses descendants sur le trône de Thèbes. Alors, pour prendre sa revanche, Dieu, à l'insu de Tirésias, fait tout d'abord revenir Œdipe sur le trône, et procède ensuite à dévoiler le mensonge transformé en réalité. Tirésias se rend compte que l'idée (Œdipe épousera sa mère) s’est révélée une réalité concrète. Ainsi, Dieu ridiculise Tirésias et le contraint à reconnaître qu'il n'est qu'un être humain, qui dépend de la volonté divine. 64 La seconde remarque concerne Œdipe: la sanction qui le frappe, lui qui refuse la vérité oraculaire et ne croit qu'à la vérité rationnelle, comme le souligne l'auteur dans son introduction, se révèle dans la pièce la manifestation de la volonté de Dieu face à la relativité de la volonté de Tirésias. En effet, si Œdipe subit les conséquences de l'inceste et du parricide, c'est que Dieu l'a choisi pour être l'objet de la démonstration de son pouvoir absolu face à Tirésias. 65 La troisième remarque concerne le châtiment d'Œdipe après qu'il a reconnu l'oracle. Dans son introduction, Tawfiq al-Hakîm écrit: J'ai vu dans l'histoire d'Œdipe un défi lancé à Dieu... j’ai clairement illustré ce défi, mais en même temps j'ai bien montré les résultats néfastes de cette impertinence. 66 Ne croyant qu'à la raison, Œdipe refuse de croire à l'oracle qui l'accuse d'avoir tué Laïos et choisit pour l'enquête sur le meurtre le chemin de la raison. Dans sa démarche, on distingue une certaine logique basée sur une analyse rationnelle des données et une articulation des causes et des conséquences. Mais à un certain moment, Œdipe aboutit dans son enquête à une vérité qui n'est autre que la vérité énoncée par l'oracle. Il découvre que la 63 Cela est bien illustré dans la partie (programme de Tirésias). 64 Tawfîq al-Hakîm, al-Malik Üdîbe, op.cit, p.234. 65 Id. 66 Ibid., 48. 170
aison et l'oracle ne mènent qu'à une seule vérité. Ainsi Œdipe prend conscience qu'il n'est pas seul dans ce monde et que Dieu existe à travers sa parole oraculaire. Or, pourquoi punir Œdipe, après qu'il a reconnu Dieu ? Dans la logique de la pièce, on ne voit qu'une raison qui explique la position Œdipe: c'est qu'il est l'outil dont Tirésias se sert contre Dieu. La sanction prévue par Tawfîq al-Hakîm, pour essayer de rétablir l'équilibre entre Dieu et l'homme (en l'occurrence, Tirésias), et qui frappe Œdipe et non Tirésias, constitue aussi un facteur de déséquilibre. Elle aboutit à l'effondrement total d'Œdipe, c'est-à-dire à la destruction de l'homme qui aboutit à la reconnaissance de l'oracle par la voie de la raison. La quatrième remarque concerne le refus de l'idée d'un Dieu qui s'acharnerait sur les hommes sans motif préalable. On voit aisément que la sanction d'Œdipe, dont nous venons de parler, est en contradiction avec ce refus. L'injustice divine est également illustrée par le fait suivant: en conservant les raisons qui provoquent, dans la pièce de Sophocle, la sanction d'Œdipe, à savoir l'assassinat de Laïos, Tawfiq al-Hakîm, procède en effet à un changement dans la rencontre entre Œdipe et Laïos. Si l'Œdipe de Sophocle tue Laïos avec préméditation 67 , l'Œdipe de Tawfîq al-Hakîm tue Laïos involontairement, d'un coup imprévu de sa massue. 68 Le fait qu'Œdipe n'a pas voulu tuer Laïos et que son geste n'entraîne pas moins le meurtre, nous conduit à affirmer que l'Œdipe de Tawfîq al-Hakîm n'est pas libre de son acte, qu'il était prédestiné à tuer Laïos, qu'il est donc l'objet d'une contrainte divine. Par conséquent, il ne peut pas être responsable de son acte, ce qui fait que la sanction qui punit cet acte accompli sous la contrainte est en contradiction avec la notion de justice divine. Cette justice qu'évoque l'auteur, en affirmant qu' Allah n'impose pas aux humains un fardeau plus lourd que n'en peuvent porter leurs épaules, ne les juge pas sur ce qu’ils ignorent et ne leur demande des comptes que sur ce qu'ils savent et commettent en connaissance de cause. 69 En l'occurrence, cette sanction injuste concorde, de manière 67 Sophocle, Œdipe roi, op.cit, p.72. 68 Tawfîq al-Hakîm al-Malik Ûdibe, op.cit, p.163. 69 Nicolas Saada, Tawfîq al-Hakîm, op.cit, p. 132. 171
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Œdipe du trône, Tirésias se prend pour Dieu. 63 Ses agissements s'opposent,<br />
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La seconde remarque concerne Œdipe: la sanction qui le frappe, lui<br />
qui refuse la vérité oraculaire et ne croit qu'à la vérité rationnelle, comme le<br />
souligne l'auteur dans son introduction, se révèle dans la pièce la<br />
manifestation de la volonté de Dieu face à la relativité de la volonté de<br />
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c'est que Dieu l'a choisi pour être l'objet de la démonstration de son pouvoir<br />
absolu face à Tirésias. 65 La troisième remarque concerne le châtiment<br />
d'Œdipe après qu'il a reconnu l'oracle. Dans son introduction, Tawfiq al-Hakîm<br />
écrit:<br />
J'ai vu dans l'histoire d'Œdipe un défi lancé à Dieu... j’ai clairement illustré ce<br />
défi, mais en même temps j'ai bien montré les résultats néfastes de cette<br />
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Ne croyant qu'à la raison, Œdipe refuse de croire à l'oracle qui<br />
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la raison. Dans sa démarche, on distingue une certaine logique basée sur une<br />
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64 Tawfîq al-Hakîm, al-Malik Üdîbe, op.cit, p.234.<br />
65 Id.<br />
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