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scierie Messine en apportant des matériaux<br />
aux deux endroits et finissant<br />
par abandonner le second. Elles restèrent<br />
là tout l'été, mais il n'y eut pas de<br />
ponte et elles partirent vers le 15 août.<br />
En 1903, deux cigognes sont arrivées<br />
mi-avril, ont apporté de nouveaux matériaux<br />
sur la cheminée Müller, sont<br />
demeurées un mois environ, puis sont<br />
reparties, effrayées, dira-t-on, par un<br />
coup de feu. En 1904, il y eut quelques<br />
passages en mai, mais sans arrêts. Du<br />
11 au 21 juin, une cigogne a séjourné<br />
de façon intermittente sur la cheminée<br />
de la faïencerie. Malgré quelques<br />
tentatives de réparations, le nid s'est<br />
dégradé, paraissant s'enfoncer dans la<br />
cheminée. L'absence de partenaire a<br />
définitivement découragé la cigogne<br />
qui a quitté <strong>Raon</strong> dès le 21 juin pour<br />
ne plus reparaître. Dans les trois autres<br />
cités, on assistera aussi de 1902 à<br />
1904 à des occupations moins régulières<br />
et à des couvées peu prospères<br />
(par exemple 3 jeunes réussis en 1903<br />
contre 16 en 1901 sur les quatre nids).<br />
des cigognes optantes ?<br />
Pourquoi quelques cigognes sontelles<br />
venues nicher pendant près de<br />
dix ans (1895-1904) dans cette partie<br />
de la vallée de la Meurthe, délaissant<br />
l'Alsace annexée ? Certes la Meurthe,<br />
de Saint-Dié à Lunéville, parcourt une<br />
1952 : un cigogne naufragée<br />
"Liberté de l'Est" du vendredi 4 avril...<br />
M. Séraphin Doumerc, ouvrier aux Papeteries<br />
de Clairefontaine, et qui habite<br />
aux Baraques, écart de Moyenmoutier, a<br />
trouvé une cigogne sur son chemin, en<br />
venant prendre son travail mardi matin<br />
vers 6h. La pauvre bête, engourdie par<br />
le froid et la neige était incapable de reprendre<br />
son vol. M. Doumerc la ramena<br />
aux papeteries et elle a élu domicile<br />
dans une baraque bien chauffée. Toute<br />
la journée, ce bel oiseau migrateur a été<br />
l'objet de plusieurs visites, beaucoup<br />
de gens n'ayant pas eu l'occasion d'en<br />
admirer d'aussi près. Elle est soignée et<br />
nourrie par M. Doumerc et aussitôt que<br />
le temps sera propice, il essaiera de la<br />
faire partir pour qu'elle puisse rejoindre<br />
ses sœurs sous le ciel d'Alsace.<br />
... et du lundi 7 avril, La cigogne a retrouvé<br />
sa liberté : ...la bête bien chauffée<br />
et nourrie, avait retrouvé ses forces<br />
à tel point que ceux qui l'approchait<br />
étaient sûrs d'être gratifiés d'un coup de<br />
bec. Relâchée jeudi à 12h, son envol fut<br />
des plus spectaculaires. Après quelques<br />
hésitations, elle gagna de la hauteur et<br />
après avoir tourné sur le parc de l'usine,<br />
effectua deux grands circuits sur Étival<br />
et finalement sans doute orientée, prit<br />
la direction de l'Alsace.<br />
À Étival, le soldat Bretzner, pendant les manœuvres de l'été 1904, signale à ses parents la présence du<br />
nid de cigognes au sommet du clocher couronné de balustres.<br />
collection D. Thiery<br />
vallée large, couverte de prairies naturelles<br />
humides et propres à fournir leur<br />
alimentation. Dans trois des localités,<br />
elles se sont installées sur des cheminées<br />
désaffectées de moyenne hauteur,<br />
avec la bienveillance des habitants : "la<br />
construction des nids a été facilitée à<br />
l'aide de vieilles roues de chariots, capitonnées<br />
de pailles et disposées horizontalement<br />
sur les cheminées choisies"<br />
note E. Hecht. Celui-ci explique<br />
cette migration de ce côté des Vosges,<br />
en supposant une dégradation du biotope<br />
de la plaine alsacienne, obligeant<br />
les cigognes à remonter les vallées alsaciennes<br />
(notamment jusqu'à Schirmeck<br />
et Rothau dans la vallée de la Bruche),<br />
quelques-unes se risquant à passer les<br />
cols. S'il avait été un peu facétieux, il<br />
aurait pu avancer l'hypothèse, plus<br />
dans l'air du temps, plus patriotique,<br />
que ces cigognes, comme beaucoup<br />
d'Alsaciens, avaient préféré la France<br />
à l'Allemagne. "La Gazette Vosgienne"<br />
extrait de "L'Estafette" du 8 avril 1909<br />
du 17 juin 1900, semble plaisamment<br />
l'insinuer : "...les hôtes ailés de la vieille<br />
Alsace peuvent émigrer en toute sécurité<br />
vers la vallée de la Meurthe".<br />
À l'issue de ses observations, l'ornithologue<br />
conclut en 1905 à la fin de la<br />
présence des cigognes chez nous. En<br />
même temps, il se demande pourquoi,<br />
il n'y a pas eu d'installation à Saint-Dié<br />
et en amont (vallées de la Fave et de la<br />
haute Meurthe) et avance l'hypothèse<br />
de "l'altitude un peu trop élevée... et<br />
l'existence de courants d'air violents".<br />
Ces étonnants oiseaux vont lui apporter<br />
un cinglant démenti quelques années<br />
plus tard, puisqu'ils réapparurent en<br />
1909 et 1910 à Saint-Dié précisément,<br />
sur la cheminée de l'imprimerie du<br />
journal "L'Estafette", quai Pastourelle.<br />
Jean-Pierre Kruch<br />
©Cercle d'Histoire Louis Sadoul<br />
remerciements à S. Bonhomme, D. Thiery et JC<br />
Fombaron.<br />
Les cigognes à Saint-Dié, quai Pastourelle (1910)<br />
détail d'une carte postale coll. JC Fombaron<br />
De Bonne Source n°285 - mai <strong>2013</strong> - 13