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le passé recomposé<br />
> des cigognes "patriotes"<br />
à la Belle Époque<br />
Réunie autour du coq<br />
de l'église Saint-Luc,<br />
la petite troupe va repartir<br />
pour la dernière<br />
étape de la migration,<br />
laissant bientôt notre<br />
clocher aux escadrilles<br />
de pigeons bisets et de<br />
choucas des tours.<br />
Chaque année, au printemps, la chronique régionale nous signale<br />
le passage des cigognes de retour d'Afrique, rejoignant<br />
l'Europe et leurs sites de nidification, en France, traditionellement<br />
l'Alsace dont elles sont un des emblèmes. La photo cicontre<br />
que l'on doit à la clairvoyance de Jean Hirli nous montre<br />
en avril 2012 un petit arrêt vosgien. Mais il fut une époque où<br />
les cigognes se fixaient "pour la saison" (1) à <strong>Raon</strong> l'Étape. Cela<br />
se passait au début du XX e siècle, et par chance, un ornithologue<br />
de ce temps-là, s'était intéressé au phénomène (2) .<br />
Cigogne, cigogne,<br />
T'as de la chance,<br />
Tous les ans<br />
Tu passes en France,<br />
Cigogne, cigogne,<br />
Rapporte-nous<br />
Dans ton bec,<br />
Un p'tit piou-piou (3)<br />
à <strong>Raon</strong> l'Étape<br />
Faute d'observations antérieures, il faut<br />
bien s'en remettre aux affirmations de<br />
l'ornithologue E. Hecht lorsqu'il signale<br />
une première apparition de cigognes (4)<br />
à <strong>Raon</strong> en 1899, sans autres précisions.<br />
Il faut donc en conclure qu'il n'y eut<br />
pas d'installation cette année-là. L'année<br />
suivante, nouvelle apparition d'un<br />
couple qui va construire son nid sur la<br />
cheminée désaffectée de la faïencerie<br />
Müller (5) . Composé à la base d'un assemblage<br />
de branches entrecroisées,<br />
suffisamment grandes pour constituer<br />
le fond et assurer l'équilibre de<br />
l'ensemble, le nid va devenir à force<br />
d'ajouts une couronne aux rebords<br />
imposants. Il va ensuite être tapissé<br />
d'herbes, de foin, de crins, de plumes<br />
et de poils. En nichant sur une maison<br />
ou au voisinage d'un quartier, les<br />
cigognes s'attirent en retour la bienveillance<br />
et la protection des habitants<br />
car depuis l'Antiquité, elles sont considérées<br />
par les hommes comme des<br />
oiseaux porte-bonheur. Cependant,<br />
l'installation d'un couple sur la chemi-<br />
née de la faïencerie d'Adelphe Müller<br />
en 1900, alors qu'il était maire de <strong>Raon</strong><br />
l'Étape, n'eût apparemment pas l'effet<br />
bienfaiteur escompté puisqu'il mourut<br />
brutalement cette année-là le 10 mai<br />
à l'âge de 67 ans. De plus, ce premier<br />
nid de l'année 1900 ne donnera lieu à<br />
aucune naissance.<br />
1901, année faste<br />
L'année suivante, les cigognes revinrent<br />
occuper le nid de la faïencerie<br />
resté en place et réussirent une nichée<br />
de quatre jeunes. On trouva aussi, en<br />
aval de <strong>Raon</strong>, à Baccarat, le même<br />
schéma : première apparition en 1899,<br />
un nid en 1900 sur une des cheminées<br />
désaffectées de la cristallerie et quatre<br />
jeunes réussis en 1901. En amont, à<br />
Étival, il existait depuis 1895 un nid sur<br />
l'angle nord-ouest de la tour de l'église<br />
de l'abbaye. Après le décès de l'un des<br />
parents en 1899, retour d'un couple<br />
l'année suivante et quatre jeunes réussis<br />
en 1901. Même chose dans la vallée<br />
du Rabodeau à Moyenmoutier avec<br />
un nid sur la cheminée de la blanchisserie<br />
près de l'abbaye depuis 1896 et<br />
aussi quatre jeunes réussis en 1901.<br />
Ainsi, l'année 1901 paraît avoir été<br />
particulièrement favorable à la réussite<br />
des couvées. Dans les quatre localités<br />
occupées, les quatre jeunes ont vécu,<br />
c'est-à-dire la totalité de la ponte normale<br />
; les années précédentes, à Étival,<br />
deux jeunes seulement arrivaient à bien.<br />
les années suivantes<br />
En 1902, les cigognes ne se présentèrent<br />
à <strong>Raon</strong> que le 1 er juin, mais ne<br />
retrouvèrent pas le nid de la faïencerie<br />
que la tempête des 31 janvier et<br />
1 er février 1902 avait emporté (6) . Elles<br />
ont semble-t-il longtemps hésité entre<br />
leur ancien domicile de la faïencerie<br />
et une autre cheminée, celle de la<br />
(6)<br />
voir DBS n°161, janvier 2002, un article du "Passé<br />
Recomposé" intitulé : "Janvier 1902, quand la<br />
bise fut venue", expliquant cette surprenante<br />
tempête venue cette fois de l'Est et non de<br />
l'Ouest comme généralement.<br />
(1)<br />
en général, 6 mois de mars à août,<br />
(2)<br />
Réf. bibliographique : E. Hecht, Revue zoologique<br />
de France, années 1901, 1903, 1904 (en<br />
ligne sur gallica),<br />
(3)<br />
Comptine des enfants d'Alsace au temps de<br />
l'annexion (citée par Hansi dans son livre "Mon<br />
Village"). Le piou-piou espéré était un petit soldat<br />
de plomb français en uniforme d'époque :<br />
veste bleue et pantalon rouge,<br />
(4)<br />
son nom scientifique est Cigogne blanche (Ciconia<br />
ciconia), très caractéristique par son bec et<br />
ses pattes rouges et ses rémiges noires aux ailes,<br />
(5)<br />
la faïencerie Müller se trouvait à l'endroit où<br />
s'installa par la suite l'usine de confection Bauer.<br />
À Baccarat en 1900, le nid de cigognes sur la cheminée désaffectée de la cristallerie. Nous n'avons<br />
pas, malheureusement, de photo équivalente pour la faïencerie de <strong>Raon</strong>.<br />
coll. part.<br />
12 - De Bonne Source n°285 - mai <strong>2013</strong>