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JDT212-P38-PDVID BP1 OkTP:POINT de VUE IDEES 26/08/2010 18:04 Page 38<br />
Point de vue<br />
les gens & les chiffres<br />
International<br />
L’experience des opérateurs<br />
africains sur les segments « low income»<br />
Entre 2004 et 2010, les principaux<br />
opérateurs télécoms en Afrique<br />
(Maroc Télécom, MTN, Milicom,<br />
Orange, Orascom, Zain, …) ont su<br />
adapter les principes de la segmentation<br />
marketing d’une manière rarement<br />
vue. En mettant en œuvre<br />
une stratégie innovante de focalisation, ces opérateurs<br />
mobiles ont fait du segment « low income » [bas revenus,<br />
NDLR] le moteur d’une forte expansion et le<br />
socle d’une rentabilité solide. Mais faisons d’abord un<br />
rapide retour historique. Sur la période 1990 – 2004,<br />
deux phénomènes se sont produits. D’une part, les<br />
pays africains se sont équipés en réseau de téléphonie<br />
mobile. De 20 % en 1993, ils sont passés à 100 % en<br />
2001. D’autre part, ils se sont progressivement libéralisés,<br />
passant dans 80 % des pays d’une situation de<br />
monopole en 1998 à seulement 20 % dans le même<br />
cas en 2004. Durant cette période, les opérateurs télécoms<br />
présents se sont lancés en se focalisant sur le<br />
« haut de la pyramide des revenus» (« high-end segment<br />
») représentant les classes urbaines les plus aisées<br />
des pays concernées. <strong>Le</strong>s revenus par utilisateur<br />
étaient d’un niveau relativement bon. Très vite, l’acquisition<br />
de nouveaux clients s’est avérée plus compliquée<br />
et les taux de pénétration en 2004 se<br />
stabilisent autour de 7 % sur l’ensemble du continent.<br />
Bas prix, mais belle rentabilité<br />
<strong>Le</strong>s opérateurs ont engagé une nouvelle stratégie à<br />
partir de 2004/05. Ils commencent à toucher un plus<br />
large public, urbain et péri-urbain, disposant de revenus<br />
plus bas pour vivre - entre 4 et 40 dollars par<br />
jour. Pour rappel, à titre de comparaison, un français<br />
dispose en moyenne d’un revenu de 160 dollars par<br />
jour. Ces opérateurs télécoms ont opté, dans les pays<br />
émergents, pour une stratégie dominée par l’acquisition<br />
de clients, dont l’objectif principal consistait à<br />
maximiser leurs parts de marché. Ils ont connu alors<br />
en Afrique, entre 2005 à 2009, une période de forte<br />
croissance, de l’ordre de 40 % par an, faisant du marché<br />
mobile Africain le premier marché mobile dans le<br />
monde en termes de croissance sur cette période,<br />
avec le marché chinois. <strong>Le</strong> taux d’Ebitda compris entre<br />
45 % et 80 % se révèle très supérieur aux taux<br />
d’Ebitba des opérateurs mobiles en Europe continentale.<br />
Ils ont abandonné un positionnement de sociétés<br />
technologiques et ont développé un cœur de métier<br />
de « consumer good company » sur le segment low<br />
income. Trois grands axes d’innovation marketing et<br />
tarifaires ont permis de réussir cette stratégie volume<br />
sur le segment « low income » : la généralisation du<br />
mode de paiement « prépayé » ; la capacité à réaliser<br />
des économies d’échelle ; la simplicité des offres.<br />
L’analyse des usages a permis le développement de<br />
services parfaitement adaptés aux segments de marché<br />
cible. « MTN Zone » (réduction tarifaire selon le<br />
lieu et l’heure d’usage) ou « Tigo lends you » (avance<br />
sur consommation pré-payée) illustrent ces offres nouvelles.<br />
« De manière générale, l’acquisition du segment bas de<br />
marché nécessite une modification de l’écosystème<br />
(revenue sharing et cost sharing). La forte potentialité<br />
économique de ce nouveau segment, notamment dans<br />
les zones rurales, offre une opportunité de croissance<br />
pour les opérateurs mobiles, mais aussi constitue une<br />
menace pour les grandes marques panafricaines telles<br />
que MTN, Vodacom, Zain ou Orange ».<br />
Marc Velten,<br />
Advisor BearingPoint<br />
Jean-Michel Huet,<br />
Directeur de BearingPoint Emerging Markets<br />
Emmanuel de Gastines,<br />
Associé BearingPoint<br />
<strong>Le</strong>s auteurs<br />
<strong>Le</strong>s très bas revenus en ligne de<br />
mire<br />
A l’horizon 2010, une grande partie des marchés télécoms<br />
dans les pays émergents arrive à un nouveau<br />
palier de « stagnation » de sa croissance. Sur la seule<br />
dimension technologique (couverture téléphonique),<br />
300 millions d’africains vivent hors d’une couverture<br />
mobile à fin 2009, soit le tiers du continent. La population<br />
des zones rurales constitue le segment « very<br />
low income », à moins de 4 dollars de revenus par<br />
jour. La nouvelle frontière est donc celle offrant l’accès<br />
à ce segment. Il permet de passer de 40 % à 80 % de<br />
pénétration ; encore faut-il garder un niveau de rentabilité<br />
acceptable. <strong>Le</strong>s opérateurs vont devoir adapter<br />
leurs services et s’engager à nouveau dans une démarche<br />
d’innovations marketing et tarifaires pour<br />
réussir pleinement sur le segment du « very low income<br />
». Citons 3 nouveaux services qui illustrent les<br />
tests en cours des opérateurs. L’offre de MTN « virtual<br />
SIM card » permet depuis un téléphone et une seule<br />
carte SIM de disposer de plusieurs numéros et donc<br />
de plusieurs comptes prepayés. <strong>Le</strong>s abonnés partagent<br />
donc un téléphone. <strong>Le</strong> prix de ce terminal, même<br />
faible, de l’ordre de 30$, constitue encore une des<br />
dernières barrières à l’entrée. Autre exemple, le service<br />
de « PCV» depuis un mobile et sans opératrice<br />
vient d’être lancé avec succès. Enfin le lancement par<br />
UTL en Uganda de terminal mobile à bas cout utilisant<br />
exclusivement l’énergie solaire pour se recharger.<br />
En Afrique, le taux de multi-sim est estimé à 40 % ;<br />
l’utilisation de plusieurs cartes « sim » par un même<br />
client est donc courante et rend difficile l’appréciation<br />
de la fidélisation. C’est pour cela que toute innovation<br />
marketing ou tarifaire doit être évalué à l’aune<br />
de la fidélité au réseau et à la marque. <strong>Le</strong>s offres<br />
« MTN zone », « Me to You » ou « friends and family<br />
» en sont de bons exemples. De manière générale,<br />
l’acquisition du segment bas de marché nécessite<br />
une modification de l’écosystème (revenue sharing et<br />
cost sharing). La forte potentialité économique de ce<br />
nouveau segment, notamment dans les zones rurales,<br />
offre une opportunité de croissance pour les opérateurs<br />
mobiles, mais aussi constitue une menace pour<br />
les grandes marques panafricaines telles que MTN,<br />
Vodacom, Zain ou Orange. Si ce marché est laissé vacant<br />
durablement, de nouveaux entrants peuvent s’y<br />
développer avec de nouvelles armes. L’impact économique<br />
du mobile peut amener les gouvernements et<br />
les autorités de régulation à négocier avec des opérateurs<br />
de niche tel que cela a été fait en Afrique du Sud<br />
après que Vodacom et MTN eurent indiqué qu’il ne<br />
souhaitaient pas s’y développer. ■<br />
Par Emmanuel de Gastines, Jean-Michel Huet et Marc Velten<br />
<strong>Le</strong> <strong>Journal</strong> des télécoms N° 212 Septembre 2010<br />
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