Les actes des rencontres d'Evreux.pdf - Irma
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ment de l'ensemble <strong>des</strong> pratiques qui ont la capacité à<br />
t ransformer l'espace social et les individus. Mais il est<br />
nécessaire de ne pas avoir une vision de l'État qui soit<br />
l'État assistant, l'État à tout faire, l'État qui va pro d u i-<br />
re. L’État l'a joué parfois de manière “vitrine", pour ne<br />
pas dire propagandiste. <strong>Les</strong> effets ne sont pas là, les<br />
s u i v i s n'existent pas, on se rend bien compte que tout<br />
cela, c'est de l'esbroufe. <strong>Les</strong> re t a rds de financement, la<br />
valeur et les symboles qui sont mis derrière le fin a n c e-<br />
ment, c'est autant de subtils contrôles d'un pouvoir en<br />
place sur ceux qui n'ont pas ce pouvoir et qui pourtant<br />
ont la sensation d'avoir voté pour qu'on les re p r é s e n t e .<br />
Je me dis que placés là où nous sommes, il arrive un<br />
moment où il est fort utile de ne pas se placer vis-à-vis<br />
de l'État comme vis-à-vis d’une vache à lait. En tant<br />
qu'artiste représentant d'une compagnie, je n’ai pas un<br />
d i s c o u rs misérabiliste vis-à-vis <strong>des</strong> institutions. L'État<br />
n'a pas de parole ! <strong>Les</strong> collectivités n'ont pas de parole !<br />
N o t re représentation politique n'est pas en mesure<br />
d'avoir une parole aujourd'hui. Un individu, un politique,<br />
un élu, pris séparément en tant qu'individu<br />
- d'ailleurs la majorité d'entre eux, républicains, sont <strong>des</strong><br />
gens plutôt biens - est plutôt de parole mais en tant que<br />
représentant, non. Ils ne peuvent pas avoir de parole. Je<br />
p a rs du constat que l'État, tel qu'il se conçoit - capté par<br />
un certain nombre de gran<strong>des</strong> administrations qui re l è-<br />
vent d'une sorte de féodalité contemporaine faisant<br />
é c ran aux citoyens - n'a pas du tout le souci d'org a n i s e r<br />
ce qui va le re m e t t re en cause. Donc il ne faut pas focaliser<br />
notre discours sur l'État.<br />
Alain Leprest : Dans ma rue, les jeunes me lancent :<br />
“Salut chanteur !”. Je dis “Arrête ! Je ne suis pas chanteur,<br />
moi, je suis citoyen”. Un point c'est tout. On peut<br />
parfois aussi sortir, aérer les centres culturels, je ne nie pas<br />
leur nécessité mais je dis aussi qu'il faut que les chanteurs<br />
ne restent pas que dans les centres culturels mais qu'ils<br />
<strong>des</strong>cendent aussi sur le trottoir et qu'ils se mêlent à la<br />
foule et qu'elle se mêle à eux et que les artistes se mêlent<br />
aux gens et participent à la vie de la cité.<br />
Michel Frédéric, musicien et animateur MJC<br />
d ' Évreux : Je suis à la fois dans un monde artistique, je<br />
suis musicien d'un groupe qui tourne et qui enre g i s t re ,<br />
et, depuis 25 ans, je suis dans le monde associatif, je suis<br />
dans le monde <strong>des</strong> MJC ou <strong>des</strong> associations d'éducation<br />
p o p u l a i re. Je n'ai jamais vraiment voulu séparer les deux<br />
et la mission que j'ai au sein de la MJC d'Évreux est une<br />
mission de transmission d'enseignement, de pédagogie. Il<br />
existe plusieurs outils pour travailler sur la citoyenneté<br />
que les artistes, que tous les êtres humains, peuvent avoir<br />
en eux pour favoriser la liberté, la citoyenneté, le dro i t<br />
de parole. Ma situation d'artiste doit être sans cesse<br />
transmise. Je suis d'une culture musicale qui est issue de<br />
la musique traditionnelle, on l'appellera musique folklorique,<br />
et l'essence même de ces musiques de tradition, ces<br />
musiques populaires, était de tra nsmettre, d'échanger. Au<br />
fond, il n'y avait sans doute pas d'âme dans ce que pouvait<br />
réaliser le musicien s’il n'était pas question de tra nsmission<br />
et d'échange permanent. Au même titre qu'un<br />
enseignant dans une cité en difficulté va pre ndre du<br />
temps et s'arracher les cheveux pour arriver à appre ndre<br />
à lire à un enfant en ayant conscience que lui permettre<br />
de lire et d'écrire, c'est le re ndre libre ; en enseignant mon<br />
instrument auprès <strong>des</strong> jeunes enfants, je peux peut-être<br />
concourir à les re ndre libres, à les re ndre citoyens du<br />
monde. Ils vont peut-être s'emparer de merveilleux outils<br />
de communication que sont le chant ou l'instrument ou<br />
la musique en général et vont peut-être tra nsmettre à<br />
leur tour.<br />
L'idée est surtout de dire qu’une façon de faire que<br />
les hommes soient libres, c'est de leur redonner la capacité<br />
de se réaliser et de revendiquer sans cesse. Au fond, l'État<br />
c'est un peu nous, même si parfois le truchement <strong>des</strong><br />
élections dans les conseils régionaux font qu'on élit un<br />
socialiste et qu’on a un président du Front National.<br />
Puisque l'État donne de l'argent à <strong>des</strong> ministères pour<br />
qu'il y ait un enseignement de la lecture, c'est quelque<br />
part re c o n n a î t re que l'on peut donner de l'argent pour<br />
devenir <strong>des</strong> revendicatifs, <strong>des</strong> révolutionnaires puisqu'on<br />
a p p re n d ra à lire. L'État ne peut pas éviter de donner<br />
de l'argent aux gens pour qu’ils s'interrogent, et ensuite<br />
interrogent<br />
ceux qui<br />
ont donné l’argent.<br />
Cela fait<br />
partie d'une politique<br />
intelligente et globale. Je suis très fier d'appartenir<br />
aux MJC, je suis très fier de pouvoir continuer ma<br />
musique sur scène et d'enseigner dans les MJC et je suis<br />
d'autant plus fier aujourd'hui que les MJC, et d'autre s<br />
associations sûrement aussi, sont vigilantes pour se<br />
re n d re compte qu'il y a danger sur la liberté et la<br />
citoyenneté. Je me souviens, il y a quelques années, de<br />
musiciens qui pour se moquer disaient : “Ah ! U ntel<br />
fait encore sa énième tournée mondiale <strong>des</strong> MJC !". J e<br />
souhaite aujourd'hui qu'il y ait <strong>des</strong> artistes qui fra p p e n t<br />
aux portes pour dire : “Vivement que je fasse une tournée<br />
dans ces maisons-là !".<br />
L'État ne peut pas éviter de<br />
donner de l'argent aux gens pour<br />
qu’ils s'interro g e n t<br />
David Leyondre - Ultim Power : Nous sommes nés en<br />
1990, nous sommes une bande de copains d'une cité de<br />
Nantes et nous avons fait <strong>des</strong> petits concerts dans les<br />
Maisons de Quartiers, dans les MJC et ensuite, en 1993,