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Les actes des rencontres d'Evreux.pdf - Irma

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L ' a u t re paradoxe concerne la demande de re c o n-<br />

naissance. Est-ce que cette demande de re c o n n a i s s a n c e<br />

n'est pas la porte d'entrée magnifiquement ouverte à<br />

l'instrumentalisation ou à ce qu'on appelle l'institutionnalisation<br />

ou encore à la marchandisation ? Ceci est<br />

p a radoxal, vu qu’une <strong>des</strong> revendications fortes <strong>des</strong> mouvements<br />

musicaux est la remise en cause de l'ord re établi.<br />

C'est dans ce sens-là que nous sommes <strong>des</strong> lieux<br />

extrêmement importants entre <strong>des</strong> pratiquants et <strong>des</strong><br />

p o u v o i rs publics, pour pouvoir laisser, non pas le droit à<br />

l ' e x p ression - droit qui existe de façon constitutionnelle<br />

- mais <strong>des</strong> lieux d'expression qui permettent que ces<br />

p a radoxes se vivent. En même temps, il est vrai qu'un<br />

certain nombre de pratiquants intègrent de plus en plus<br />

<strong>des</strong> comportements de consommateurs. Il faut avoir les<br />

d e r n i è res marques de ceci, de fringues, d'instruments et,<br />

donc, il existe un débat intéressant entre la remise en<br />

cause de l'ord re établi et le fait de dire que telle marq u e<br />

Est-ce que cette demande de reconnaissance n'est<br />

pas la porte d'entrée magnifiquement ouverte à<br />

l'instrumentalisation ou encore à la marchandisation ?<br />

est celle qu'il faut porter. N o t re travail consiste à mettre<br />

à jour ces tensions par rapport aux individus, au collectif,<br />

sur un environnement géographique, entre ce qui<br />

p o u r rait être <strong>des</strong> lieux culturels de la centralité urbaine<br />

et <strong>des</strong> lieux d'expressions jeunes qui se situeraient aux<br />

f ro n t i è res de la cité, dans les quartiers. Il nous faut donc<br />

e n t retenir une certaine tension entre ces différe n t s<br />

a c t e u rs, groupes sociaux. La question n'est pas de savoir<br />

s’ils ont tous le même discours, mais bien de mettre à<br />

jour ces différentes tensions.<br />

Edgar Garcia, chargé de mission rock auprès du Conseil<br />

Général de la Seine-Saint-Denis : Je ne suis pas sûr que<br />

ce soit seulement la question du pré-acquis qui conduit à<br />

ce que les musiques amplifiées aient une plus grande<br />

notoriété chez les jeunes. J'ai le sentiment que ce sont <strong>des</strong><br />

champs de pratiques qui échappaient, sur les trente dernières<br />

années, à la conception de beaux-arts dominante<br />

dans la vie culturelle du pays. Je ne suis pas sûr que cette<br />

remarque vaille plus pour les musiques amplifiées que<br />

pour la peinture par exemple. En revanche, je pense que<br />

pour les musiques amplifiées, pour le rock, etc, ce qui a pu<br />

jouer, c'est, premièrement, qu'elles échappent à cette<br />

conception normative de la vie culturelle, et deuxièmement,<br />

le fait que les modèles sur lesquels les adolescents<br />

pouvaient se construire étaient <strong>des</strong> modèles qui<br />

avaient en gros leur âge et en gros l'allure qu'eux avaient<br />

envie d'avoir. Cela offrait immédiatement un champ de<br />

réalisation de soi. Encore une fois, la même chose aurait<br />

pu prévaloir pour la peinture. A d'autres époques, d'autres<br />

formes d'expressions artistiques ont joué un peu ce rôle.<br />

En ce qui concerne la citoyenneté, j'ai également<br />

tendance à pre n d re le mot avec <strong>des</strong> pincettes parc e<br />

qu'au bout d'un certain moment, il est chargé de tas de<br />

choses contra d i c t o i res. Y a-t-il de la citoyenneté dans la<br />

musique ? J'ai tendance à me dire que : non. Dans la<br />

musique, on prend un instrument, on joue, on chante, il y<br />

a là, simplement, un moment donné de réalisation, de<br />

plaisir, d'expression de soi, quelque chose de profondément<br />

individuel. Je ne suis pas sûr qu'à ce moment-là, il<br />

faille parler de citoyenneté. Y a-t-il de la citoyenneté dans<br />

la pratique musicale ? Sans doute, mais à faible dose. En<br />

revanche, faut-il regarder les pratiques musicales avec une<br />

conception citoyenne ? Là, oui. J'ai tendance à penser que<br />

ce n'est pas dans le comportement individuel de tel ou tel<br />

pratiquant que la citoyenneté se joue, mais elle se joue<br />

d'une manière transversale. Nous retrouvons les questions<br />

éducatives… et il faudrait bien se garder de considérer<br />

que les pratiques musicales doivent les porter<br />

à elles seules. Sinon, il risque d'y avoir un danger qui<br />

est celui que nous avions dénoncé à plusieurs<br />

reprises, il y a quelques années, qui est en gros :<br />

“Messieurs, mesdames, vous qui vous occupez <strong>des</strong><br />

musiques amplifiées, réglez le problème de la jeunesse…”.<br />

Non, nous avons à peu près gagné sur cette légitimité<br />

de pratiques culturelles (et non plus de pansements<br />

ou de baume sur les plaies de la société), nous avons intérêt<br />

à ne pas en revendiquer une autre. Evitons de mal nous<br />

faire comprendre sur cette idée d'une citoyenneté qui<br />

trouverait particulièrement à s'exprimer dans le champ<br />

<strong>des</strong> musiques amplifiées du point de vue du pratiquant.<br />

En revanche, il y a une vraie question de société<br />

autour de ces pratiques culturelles, un peu comme toutes<br />

d'ailleurs, qui ont besoin d'acquérir une véritable place qui<br />

justement les sorte de ces pré-carrés et de ces précarités<br />

dans lesquelles on les a installées au fil <strong>des</strong> années de différentes<br />

manières, de plan ceci en projet “café-musique",<br />

etc. Peu importe ce qu'ils sont devenus, les uns et les<br />

autres. Par certains acteurs, cela a été vécu comme <strong>des</strong><br />

incitations à porter la soutane du missionnaire dans tel ou<br />

tel quartier, et un renoncement à ce qui fait l'essentiel de<br />

la question, c'est-à-dire les pratiques culturelles. Il en va<br />

de même pour les bibliothèques en certains endroits. C'est<br />

plus difficile à mettre en cause, c'est plus sournois mais il<br />

y a <strong>des</strong> tas d'endroits, aujourd'hui, où on interdit les livres<br />

de façon plus ou moins feutrée…<br />

Ensuite, je crois qu'il faut faire attention à l'opposition<br />

entre les gens et le politique. Je connais <strong>des</strong> politiques<br />

qui ne sont pas uniquement hostiles... La question de<br />

citoyenneté se pose aujourd'hui dans toute la société.<br />

C'est un déficit social extraordinaire ! Il n'y a même pas un

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