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Les actes des rencontres d'Evreux.pdf - Irma

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rions, à un moment donné, parler <strong>des</strong> mêmes choses et<br />

défendre <strong>des</strong> notions, <strong>des</strong> valeurs qui pourraient nous être<br />

communes avec un travail de fond que nous pourrions<br />

faire ensemble.<br />

Renaud Vischi : On parle de techno qui s'institutionnalise<br />

avec succès et efficacité. C'est vrai, certains pionniers<br />

<strong>des</strong> fêtes techno ont parfaitement su jouer avec les institutions<br />

publiques, mais je crois que cette institutionnalisation<br />

a également son pendant qui consiste en une<br />

radicalisation de toute une frange du mouvement. Cette<br />

réaction s’exprime au tra v e rs <strong>des</strong> fêtes clan<strong>des</strong>tines et<br />

g ratuites (technival free party). Ces événements re groupent<br />

<strong>des</strong> “teufers” qui refusent toute compro m i s s i o n<br />

avec le “Système”. Il faut expliquer qu'au départ, la techno<br />

(il y avait peut-être une ambiguïté) s'est aussi présentée<br />

comme une alternative au “Système”, comme une utopie<br />

tempora i re sur une nuit, une nuit qui n'a pas de fin<br />

et dans un endroit étrange. La rave s’apparentait au<br />

voyage, à l’expérience. À partir du moment où cette utopie<br />

a commencé à se formaliser, parce que pour s'institut<br />

i o n n a l i s e r, <strong>des</strong> concessions ont dû être faites, il a fallu<br />

terminer les party plus tôt, les faire dans <strong>des</strong> lieux, tels<br />

que Bercy, on l'a vu pour le Métropole techno, construire<br />

<strong>des</strong> plateaux alléchants, conclure <strong>des</strong> partenariats<br />

f i n a nc i e rs... Ces éléments et bien d’autres ont tra n s f o r m é<br />

la rave en soirée techno. La fête techno, en s'institutionnalisant,<br />

a perdu la part de rêve qu'elle suscitait chez les<br />

p e rsonnes et, à côté de cette institutionnalisation<br />

p e rceptible à tra v e rs les médias, il y a toute une fra n g e<br />

qui se développe et qui connaît un franc succès : ce sont<br />

les free party, les technival, qui sont plus radicales que ce<br />

qu'était la techno il y a cinq ou six ans.<br />

En ce qui concerne le rap, je trouve que ses acteurs<br />

gèrent beaucoup mieux son institutionnalisation parce<br />

que, le rap, c'est du dialogue permanent. C'est-à-dire que<br />

dans les textes rap, on discute business, on discute du fric<br />

et il n'y a pas d'ambiguïté. Le rapeur revendique le fait de<br />

faire du rap pour gagner de l’argent parce que, comme il<br />

le dit, il n'y a pas d'autres moyens pour lui. Il ne se compromet<br />

pas, il gagne de l'argent mais reste authentique.<br />

C'est une façon de gérer beaucoup plus explicite et, encore<br />

une fois, il n'y a pas d'ambiguïté. Dans le rap, il y a aussi<br />

tout un discours sur les “wack”. <strong>Les</strong> “wack MC”, ce sont<br />

les faux, c'est-à-dire les MC qui font <strong>des</strong> compromissions.<br />

Ils sortent un hit pour se faire de l'argent mais ne savent<br />

pas raper et acceptent de se formater aux normes <strong>des</strong> stations<br />

FM. Je crois que le rap est beaucoup plus clair làd<br />

e ssus même s’il met plus de temps à gagner de l'argent<br />

et à s'organiser. Il est vrai que cela concerne <strong>des</strong> classes<br />

sociales qui ont un parcours scolaire plus limité. Même si<br />

nous n'avons pas de données socio-démographiques sur la<br />

techno, a priori, et vu l'efficacité du système, nous pouvons<br />

dire que le raveur est plus facilement prêt à affronter<br />

la société que le rapeur.<br />

Franck Lepage : Sur cette séparation <strong>des</strong> genres musicaux,<br />

il me semble que l'on va un peu vite en souhaitant<br />

un décloisonnement que ne souhaitent pas forcément les<br />

pratiquants eux-mêmes…<br />

Philippe Berthelot : Cela dépend de quel côté on se place.<br />

Soit on est serviteur et on accompagne ces pratiques, soit<br />

on est pratiquant soi-même. Le pratiquant peut se reconnaître<br />

dans sa pratique. Le problème, c'est qu'à chaque<br />

fois, on essaie d'être tout en même temps. À chacun de<br />

savoir ce qu'il a à faire et où il doit se positionner. Je suis<br />

au service de ces pratiques avec en partie de l'argent<br />

public. Ma question est de savoir si je travaille pour un<br />

g roupe très particulier ou si je travaille pour le plus<br />

g rand nombre, l'intérêt général ?… Il faut arrêter de<br />

f l u ctuer quand cela<br />

nous intéresse. Un<br />

coup on est dans la<br />

d é m a rche de la reconnaissance<br />

esthétique,<br />

on s'enferme dedans et on sert <strong>des</strong> intérêts particuliers,<br />

un coup on est sur un champ plus large... C’est tout<br />

le débat de la spécialisation. A certaines pratiques correspondent<br />

<strong>des</strong> besoins spécifiques. Je suis étonné que l’on en<br />

soit encore à se poser ce style de question à l'heure actuelle.<br />

Il se trouve qu'il y a également <strong>des</strong> dénominateurs<br />

communs à l'ensemble de ces musiques qui vont notamment<br />

porter sur l'amplification. Nous commençons à<br />

savoir comment gérer les équipements et comment pouvoir<br />

les mettre à disposition, que ce soit en centre-ville ou<br />

dans les quartiers. Nous savons que c'est nécessaire parce<br />

que c'est aussi une manière d'identifier ces pratiques dans<br />

la ville. Mais nous n'avons toujours pas travaillé sur le<br />

fond, c'est-à-dire savoir comment on allait leur permettre<br />

de se développer. Je n'ai pas dit comment nous allions les<br />

gérer mais comment nous allions apporter les moyens de<br />

permettre leur développement.<br />

Il ne peut y avoir de politique qui s'adresse simplement<br />

à une esthétique musicale. Sinon on recommence<br />

l'atomisation, le système de “l'apartheid musical”. Si l'on<br />

regarde les étu<strong>des</strong> sociologiques, sur <strong>des</strong> lieux à tendance<br />

généraliste, le rap va constituer 10 ou 15 % selon l'agglomération,<br />

selon qu'il soit en milieu rural ou autre, mais les<br />

médias donnent le ton aux politiques. Nous sommes dans<br />

l'air de la techno et du hip-hop : les politiques se disent,<br />

par exemple, que les hard-rockers n'existent plus. Le problème,<br />

c'est qu'il en reste et en termes de pratique c'est<br />

toujours aussi dominant. La guitare électrique reste encore<br />

A certaines pra t i q u e s<br />

c o r respondent <strong>des</strong> besoins<br />

s p é c i f i q u e s

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