Les actes des rencontres d'Evreux.pdf - Irma

2 2
associations relativement récentes, qui restent méconnues
du grand public et ne sont pas encore suffisamment crédibles
au niveau institutionnel. La stratégie de la Mission
Rave est donc la suivante : nous ne comptons pas intervenir
sur la techno indéfiniment mais seulement sur une
période temporaire. Il s’agit de populariser ou plutôt crédibiliser
non seulement le contrôle rapide des produits
mais l’intervention sanitaire dans les fêtes techno. Nous
souhaitons en démontrer la
pertinence en termes de
réduction des risques pour
qu'ensuite, d'autres associations,
en particulier les associations techno, les associations
d'usagers, prennent le relais dans des conditions
favorables. Ainsi Médecins du Monde travaille de concert
avec plusieurs associations techno.
Cette incursion tempora ire de Médecins du Monde
dans le secteur artistique me décale des pro blématiques
abordées par cette table ronde. Mais je fais aussi de la
science politique, de la sociologie politique, et je tra vaille
sur la techno et le hip-hop depuis un peu plus de quatre
ans maintenant. Et je me posais donc un certain nombre de
questions par rapport à ce que vous disiez. C'est-à-dire que
j'entends parler d'éducation populaire et tout en vous
écoutant je me demande, par rapport au mouvement techno,
qui, finalement, a besoin d'être éduqué ? Est-ce que ce
sont les gens qui participent à ce mouvement ou les MJC
et autres structures d’accompagnement ? C'est une question
que je me pose. Egalement dans tous les discours que
j'ai entendus, il me semble que l’on cherche à intégrer par
la pratique musicale, à transformer les musiciens en
citoyens, on cherche à pro duire de la citoyenneté par la
médiation de l’art. Mais l’expression musicale n’est-elle pas
en elle-même une prise de position citoyenne ? La création
artistique exige un espace de liberté important. Les structures
institutionnelles peuvent-elles assurer cet espace dès
lors qu’elles sont soutenues par la sphère publique, encadrées
par un dispositif légal qu’on peut juger étroit et soucieuses
d’inculquer certaines normes (ici celles corre spondant
à ses pro pres représentations de la citoyenneté) ?
Qui, finalement, a besoin
d ' ê t re éduqué ?
Joël Le Crosnier, directeur CAC Georges Brassens -
Mantes-la-Jolie : Je me suis un peu retrouvé dans ce que
disait ma collègue de Marseille lorsqu'elle parlait de délégation
de service public. Je suis un directeur de MJC mis à
la disposition du service culturel de la ville de Mantes-la-
Jolie qui me met à disposition d'une association centre
d’action culturelle. Toutes les chaises, toutes les tables,
tous les stylos bille appartiennent à la ville. Elle intervient
à plus de 50 % du budget global de fonctionnement et
paie les fluides et mon salaire. Cette idée de la démocratie,
c'est un peu qui paie et qui commande, quel est son
projet ?… C'est un peu dans ce sens-là qu'est le débat.
C'est-à-dire que la ville de Mantes-la-Jolie paie pour un
projet qu’elle a envie de voir se réaliser. Là-dedans, la place
de la démocratie et de la vie associative et de sa responsabilité
trouvent à mon avis une part de ses limites.
A Mantes-la-Jolie, l'idée de la municipalité, c'était :
“Voilà, nous avons essayé pas mal de formes de médiation
: le sport, les stages, l'emploi… Tout cela ne marche
pas. C'est toujours une poudrière. Il y a toujours trois
quartiers qui sont en opposition : un centre-ville traditionnel,
traditionaliste et traditionnellement de droite,
un quartier, le “Val Fourré", plutôt ancré à gauche et
plutôt ancré sur les gens qui ne votent pas, c'est-à-dire
travailleurs immigrés, et entre les deux, le Front
National”. L'idée du maire de Mantes-la-Jolie, comme
celle du maire de Marseille, est donc de dire qu'il y aura un
lieu pour faire de la musique amplifiée, un lieu pour faire
du théâtre, un lieu pour faire de la danse, etc, et les cartes
sont distribuées de la sorte. Sur tout cela, je n'ai pas eu à
donner mon avis, je suis arrivé après. Nous sommes en
place avec mon équipe depuis un an et demi, donc nous
sommes arrivés pour répondre à une commande.
Je pense qu’il est intéressant de se demander pourquoi
est-ce que l'on prend des professionnels de l'éducation
populaire pour mener ce projet alors que nous serions
plutôt pour la défense d'une vraie vie démocratique asso -
ciative et du libre droit de parole, libre gestion, libre mise
en place des projets ? Peut-être pour, si l’on reprend ce
qu'a écrit Franck Lepage dans le petit document synthétique
sur la Fédération, avoir des “contradicteurs intelligents”.
Cela veut dire qu'ils ont mis au service culturel
quelqu'un qui est issu du ministère Jack Lang, quelqu'un
qui est issu des émeutes de Vaulx-en-Velin et ils ont mis à
l’action culturelle quelqu'un qui est issu des MJC, donc qui
appartient à une histoire associative. Avec cela, la municipalité
a réussi à rendre fonctionnelles des personnes,
pourtant issues de la volonté démocratique associative,
dans un système complètement municipalisant. De mon
point de vue, en ce qui concerne la démocratie, ce n'est
pas là qu'est l'enjeu. Tout cela, c'est l'enjeu gestionnaire de
la démocratie et pour moi, la démocratie, ce n'est pas de
la gestion. La démocratie, c'est la capacité d'ouvrir des
espaces de liberté, la capacité d'ouvrir des espaces de dialogue
et notre capacité à intervenir d'une manière intelligente
sur les différents maux de la société.
Nous avons des expériences sur des cultures qui
deviennent maintenant des cultures cultivées comme le
rap qui, après avoir eu des passages plus clandestins ou
plus violents est désormais institutionnalisé à un tel point
que nous accompagnons du “rap variété” et plein de
choses qui existent et qui sortent un petit peu de la marge.
Nous fédérons, au sein de notre centre culturel, 18 asso-