Les actes des rencontres d'Evreux.pdf - Irma
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ne sont plus conformes, selon les critères de la commission<br />
de sécurité. Toujours selon ces critères, nous devrions être<br />
fermés depuis quatre ans mais cela ne gêne personne, si ce<br />
n'est le conseil d'administration de la MJC. Depuis deux<br />
ans, on nous a donné une délégation de service public<br />
pour fonctionner dans <strong>des</strong> locaux non conformes ! La<br />
municipalité nous a demandé combien d'enfants et combien<br />
de “vieux" nous touchions. Nous leur avons répondu :<br />
“Mais vous savez, nous avons tant de cours de danse et<br />
tant de gens qui font…” Ils nous ont reposé leur question<br />
à laquelle nous avons rétorqué : “Mais vous savez, nous<br />
faisons du théâtre, <strong>des</strong> arts plastiques…”. Ils ont reposé<br />
leur question ! Nous n'avons donc plus le droit de faire de<br />
la culture et surtout pas de la musique, et encore moins du<br />
rock ! Cela n'intéresse personne parce que la ville de<br />
Marseille a attribué, sur la carte, <strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> secteurs<br />
à <strong>des</strong> activités. Donc, on nous dit : “Vous MJC Corderie,<br />
vous êtes en centre-ville, il n'y a pas besoin que vous<br />
fassiez ni du rock, ni de la danse, ni du théâtre<br />
parce que dans le centre-ville, il y a l'Espace<br />
Julien, eux, ils font du rock et ils ont <strong>des</strong> sous<br />
pour le faire”. Idem pour la danse puisqu'on m'a<br />
répondu que les gens n'avaient qu’à aller faire de<br />
la danse là où il y avait déjà de la danse. La municipalité<br />
nous demande de nous occuper <strong>des</strong> “vieux” et <strong>des</strong><br />
“jeunes”, de ne pas faire de culture mais du social.<br />
Toutes les associations marseillaises, quelles qu'elles<br />
soient, MJC ou Espace Julien, ont été soumises à un appel<br />
d'offres et ont hérité d'une délégation de service public.<br />
Nous sommes 26 Maisons pour Tous sur Marseille et nous<br />
avons tous le même cahier <strong>des</strong> charges au mot près. Tous<br />
les six mois, nous passons un oral et un écrit pour savoir si<br />
c’est bon pour les six mois suivants !<br />
Si dans les années 80, nous avons milité pour avoir<br />
une délégation de service public, nos re v e n d i c a t i o n s<br />
étaient autres que ce que l’on nous impose aujourd ’ h u i .<br />
Exemple : un jour, on m'a annoncé que notre salle de<br />
spectacles n'était plus une salle de spectacles, qu'elle<br />
pouvait servir à tout sauf à montrer <strong>des</strong> spectacles ou<br />
offrir <strong>des</strong> activités. J'ai donc demandé que l'on me tro u-<br />
ve <strong>des</strong> locaux ailleurs pour accueillir le public. On m'a<br />
répondu que, puisque j'avais une délégation de service<br />
public, je devais les trouver seule. Idem pour la re s t a u ration<br />
<strong>des</strong> locaux. À partir du moment où on a signé un<br />
cahier <strong>des</strong> charges, où on a répondu à un marché national,<br />
on a le fameux label “délégation service public"<br />
dont il est question ici, on est mis en situation d'être un<br />
m o rceau du service public. Ce qui veut dire que l'on ne<br />
peut plus rien réclamer en tant qu'association. Nous<br />
sommes devenus l'institution officielle et moi, dire c t r i c e ,<br />
je suis traitée comme un cadre municipal. On me<br />
convoque à <strong>des</strong> réunions, on me donne <strong>des</strong> ord res. J'ai<br />
Si dans les années 80, nous avons milité pour avoir une<br />
délégation de service public, nos revendications étaient<br />
autres que ce que l’on nous impose aujourd’hui<br />
beau leur rappeler l'existence de notre conseil d'administ<br />
ration, rien n’y fait, on me dit “vous êtes la directrice<br />
donc vous devez”…<br />
Pour les juristes qui travaillent sur la question, il<br />
s'agit d'un détournement de la Loi Sapin. Un certain<br />
n o m b re d'élus politiques, de tous bords, n'hésitent pas à<br />
f a i re <strong>des</strong> délégations de service public, ce qui permet de<br />
d i re : “Vous voyez, il y avait un marché, on a fait un<br />
choix, ce n'est pas un choix politique, c'est le choix<br />
au mieux-disant”. À partir du moment où nous nous<br />
re t rouvons en délégation de service public, je vous assure<br />
que nous ne sommes plus nous-mêmes. Nous n'avons<br />
plus le droit d'expression, plus le droit du citoyen de base<br />
a d h é rent à une association. Lorsque les adhérents de la<br />
MJC se sont constitués en délégation pour demander <strong>des</strong><br />
locaux décents pour les enfants, c'est tout juste si les<br />
f o rces de l'ord re ne sont pas intervenues ! Depuis tro i s<br />
mois, tout ce que réclament les citoyens marseillais, résidant<br />
dans le centre-ville, ce sont <strong>des</strong> lieux pour s'exprimer<br />
parce qu'ils estiment qu'il n'y a pas assez d'activités<br />
dans le centre phocéen ! C'est tout ce que demandent les<br />
a d h é rents, rien de plus. Qu'on leur refuse, sous prétexte<br />
de délégation de service public, c'est tout simplement<br />
insupportable ! Il n'y a plus de vie associative et donc,<br />
pour moi, il n'y a plus de citoyenneté.<br />
Franck Lepage : Ce qui est intéressant, c'est que nous<br />
sommes en train d'accumuler quelques belles contradictions<br />
depuis le début de cette assemblée. Dans le cas présent,<br />
la délégation de service public renforce le cloisonnement<br />
<strong>des</strong> agents. Quelqu'un disait tout à l'heure :<br />
“Essayer la transversalité, c'est dangereux sur une<br />
ville”. J'ai noté cette phrase parce que c'est fondamentalement<br />
subversif. En fait, transgresser cette séparation <strong>des</strong><br />
fonctions, alors que chacun a une tâche spécifiée - par<br />
ailleurs dans une organisation de l'action publique tout à<br />
fait légitime au plan local - c'est subversif. Ceci me donne<br />
à penser qu'il y a effectivement une autre manière, un<br />
autre versant du fascisme, qui n'est pas seulement d'interdire<br />
mais aussi de spécifier.<br />
Jacques Subileau, président de Générations Sonores -<br />
St Denis : Je suis président d'une association assez<br />
récente qui essaie de vivre une aventure particulière avec<br />
l'art et principalement les pratiques musicales à Saint-<br />
Denis, entre la Basilique et le Grand Stade. Tout ce qui<br />
vient d'être dit est assez amusant, puisqu'à Saint-Denis,