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Les actes des rencontres d'Evreux.pdf - Irma

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tous ici de construire : en quoi l’art, et, en ce qui nous concerne ici, les musiques actuelles<br />

j u stifient-elles une prise en compte par les collectivités publiques ? Après tout, voilà bien une<br />

particularité française qui est de porter au premier rang <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> apportées à l’art l’intervention<br />

publique. A un tel point d’ailleurs que la question que je viens de formuler pourrait para î t re<br />

p rovocatrice, voire inutile. Au nom de la tradition de ce pays, de son histoire, au nom de l’aide<br />

que l’État apporte de longue date pour la préservation de son patrimoine artistique, au nom de<br />

son souci d’offrir aux générations de demain un patrimoine sans cesse enrichi <strong>des</strong> apports de la<br />

création artistique ; il est devenu normal, incontournable même, de tenir ensemble les questions<br />

de l’art, <strong>des</strong> moyens publics et de la politique culturelle sans confondre les termes entre<br />

eux. Or, la question a tout son sens car si nous ne nous<br />

la posons pas, nous qui sentons bien, même par habitude,<br />

le bien-fondé du soutien public à l’art, nous risquons<br />

que d’autres se la posent avec l’arrière - p e n s é e<br />

d’intervenir tout autrement dans le champ de la culture<br />

que ne l’autorisent nos règles démocratiques. Je crois savoir qu’il y a ici un représentant du<br />

Sous-Marin de Vitrolles qui aurait beaucoup de choses à dire sur ce sujet.<br />

Revenons à la musique, aux musiques actuelles comme exemple concret <strong>des</strong>tiné à illustre r<br />

ma question et quelques-unes de ses difficultés. Peut-on aider à l’infini, je veux dire sans poser<br />

<strong>des</strong> re p è res techniques, esthétiques, éthiques peut-être, toutes les formes de créations musicales.<br />

<strong>Les</strong> moyens financiers, eux, ne sont pas infinis et cette limite-là nous oblige aujourd’hui, beaucoup<br />

plus qu’au début <strong>des</strong> années 80, à choisir et à savoir comment choisir. Par principe, l’arg e n t<br />

public ne peut supporter l’arbitra ire et son opposé, voire son coro llaire : le gaspillage. Il nous faut<br />

donc savoir, et dans le même temps nous montrer résolument disponibles, à la grande liberté d’invention,<br />

de renouvellement, de subversion inhérentes à la création. Voilà une pre m i è re diffic u l t é .<br />

Il est bien clair que si nous négligeons, ne serait-ce que d’y penser, notre politique culture l l e<br />

risque de ne plus être qu’un catalogue de bonnes intentions que les réalités viendront violemment<br />

c o n t re d i re. Depuis <strong>des</strong> années, on parle beaucoup de cette autre justification <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> publiques<br />

et notamment de celle de l’État qu’est l’éducation artistique de tous. Mais, si je considère l’histoire<br />

<strong>des</strong> musiques actuelles, j’observe une vraie constante historique de toutes ces musiques (depuis<br />

les débuts du jazz jusqu’au rap et à la techno, en passant bien sûr par toutes les formes de ro c k )<br />

qui veut que jamais la transmission, l’émergence <strong>des</strong> nouveaux styles, ne soit passée par une quelconque<br />

question d’éducation artistique publique. <strong>Les</strong> musiques actuelles, c’est un fait récurre n t ,<br />

naissent généralement contre les pouvoirs, contre la cohésion sociale et culturelle, contre les<br />

intentions politiques, fussent-elles les plus démocratiques qui soient. Alors, donner <strong>des</strong> moyens<br />

publics pour que ces musiques participent à l’effort éducatif, certes indispensable à la nation,<br />

c’est encore un vrai sujet de réflexion qui appelle au minimum un peu de discernement.<br />

Je pourrais vous décliner une autre facette de la même question, celle de la médiation culturelle<br />

comme une <strong>des</strong> réponses que nous sommes évidemment tentés d’apporter à tout ce qui s’offre<br />

de complexe, de contra dictoire, d’inabordable, parfois, dans le vis-à-vis frontal de l’art, <strong>des</strong> artistes<br />

et de la chose publique. Je ne ferai qu’ouvrir cette question, qui est du reste une <strong>des</strong> plus diffic iles<br />

et dont vous parlerez certainement au cours de ces Rencontres.<br />

Mon intention est tout simplement d’intro duire votre thématique “Musiques et Citoyenneté<br />

dans tous leurs États” par une invitation pressante à penser et repenser ce pourquoi nous<br />

a g i s s o n s ,“missionnés” les uns et les autres à titres divers par la collectivité tout entière. Nous<br />

avons à gérer un peu de ce bien commun aux citoyens de ce pays, un bien dont la nécessité n’a<br />

rien d’évident, comparé à la santé, aux voies de communication ou à l’enseignement du fra n ç a i s<br />

ou <strong>des</strong> mathématiques aux enfants par exemple, mais qui touche pourtant à quelque chose d’extrêmement<br />

important. Chaque aide que nous apportons à un créateur, quel que soit son mode<br />

Par principe, l’argent public ne peut<br />

supporter l’arbitra i re et son opposé,<br />

v o i re son coro l l a i re : le gaspillage<br />

d ’ e x p ression et son style, pour qu’il crée et pour qu'il transmette aux autres ce qu’il crée, est un<br />

rappel vivant du prix de la liberté, de l'imaginaire et du plaisir. ❙<br />

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