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La musique at-elle besoin des festivals - Irma

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Édito<br />

Dix mois après le colloque tenu à Royaumont les 13 et 14 novembre 2003,<br />

France Festivals, Fédér<strong>at</strong>ion Française <strong>des</strong> Festivals Intern<strong>at</strong>ionaux de Musique,<br />

est heureuse de pouvoir publier les actes de cette manifest<strong>at</strong>ion au titre un rien<br />

provoc<strong>at</strong>eur : « <strong>La</strong> <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? ».<br />

Cette public<strong>at</strong>ion était <strong>at</strong>tendue et constitue l’un <strong>des</strong> premiers documents de<br />

référence regroupant de nombreuses inform<strong>at</strong>ions sur les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>.<br />

Elle est nourrie <strong>des</strong> contributions <strong>des</strong> différents intervenants et <strong>des</strong><br />

échanges avec les participants, au nombre de 200, professionnels et responsables<br />

de <strong>festivals</strong>. Elle doit permettre de pallier quelque peu le manque<br />

d’inform<strong>at</strong>ions st<strong>at</strong>istiques et analytiques sur la réalité et la diversité<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qu’a mis en évidence la prépar<strong>at</strong>ion du colloque.<br />

Plusieurs pistes de travail ont été évoquées et nourrissent le plan d’actions<br />

de France Festivals : cré<strong>at</strong>ion d’un observ<strong>at</strong>oire <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, conquête de<br />

nouveaux publics, place accordée dans les programm<strong>at</strong>ions aux nouveaux<br />

interprètes, à la <strong>musique</strong> d’aujourd’hui et à la cré<strong>at</strong>ion au sens large du<br />

terme, mise en place d’une concert<strong>at</strong>ion permanente avec le Ministère de<br />

la Culture et les collectivités locales… Ces travaux ne constituent pas une<br />

fi n en soi mais nous orientent vers de nouv<strong>elle</strong>s étapes dans le développement<br />

de notre fédér<strong>at</strong>ion.<br />

En outre, notre colloque, dont l’organis<strong>at</strong>ion était programmée depuis deux<br />

ans, s’est déroulé alors que l’actualité mettait sur le devant de la scène la<br />

question du régime d’assurance chômage <strong>des</strong> intermittents du spectacle. Le<br />

confl it a largement marqué la saison 2003 <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> et plusieurs d’entre<br />

eux ont été annulés ou perturbés. <strong>La</strong> saison 2004 a été plus sereine mais<br />

pour autant un certain nombre de questions restent posées sur l’emploi dans<br />

le spectacle vivant. <strong>La</strong> vie de nos structures dépend largement d’une solution<br />

pérenne pour le st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> artistes intermittents. Nous restons d’autant plus<br />

vigilants sur ce sujet que se pose la question de l’emploi permanent dans les<br />

<strong>festivals</strong> en raison de la fi n du dispositif <strong>des</strong> emplois jeunes.<br />

Je tiens à remercier l’ensemble <strong>des</strong> personnes qui ont contribué à cette réalis<strong>at</strong>ion,<br />

les intervenants, et partenaires pour leur particip<strong>at</strong>ion à la réussite de<br />

nos travaux. Enfi n, j’exprime ma gr<strong>at</strong>itude à la Fond<strong>at</strong>ion Royaumont pour<br />

son accueil particulièrement effi cace et chaleureux.<br />

Sommaire<br />

Philippe Toussaint<br />

Président de France Festivals<br />

Journée 1 Séance introductive à la journée du jeudi 13 novembre 4<br />

Atelier 1 Quel public pour les <strong>festivals</strong> ? 7<br />

Atelier 2 Quels interprètes pour les <strong>festivals</strong> ? 17<br />

Atelier 3<br />

Atelier 4<br />

Qu<strong>elle</strong> part les <strong>festivals</strong> prennent-ils dans le développement<br />

et l’anim<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> territoires ? 23<br />

Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dan la cré<strong>at</strong>ion<br />

et la diffusion musicale ? 31<br />

Journée 2 Séance introductive à la journée du vendredi 14 novembre 38<br />

Atelier 5 L’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> 43<br />

Atelier 6<br />

Qu<strong>elle</strong>s coopér<strong>at</strong>ions pour développer les projets<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au plan infra et supran<strong>at</strong>ional ? 55<br />

<strong>La</strong> <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ?<br />

Colloque organisé par France Festivals<br />

sous le p<strong>at</strong>ronage du Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion,<br />

a bénéfi cié du soutien fi nancier de :<br />

Il a été réalisé en partenari<strong>at</strong> avec :<br />

Et le soutien <strong>des</strong> médias :<br />

Les actes du colloque sont diffusés en partenari<strong>at</strong> avec <strong>La</strong> Scène.<br />

France Festivals fédère plus de 80 <strong>festivals</strong> intern<strong>at</strong>ionaux de <strong>musique</strong>.<br />

L’action de la fédér<strong>at</strong>ion est soutenue fi nancièrement par :<br />

France Festivals bénéfi cie du soutien <strong>des</strong> médias<br />

L’organis<strong>at</strong>ion a été pilotée par la commission colloque de la fédér<strong>at</strong>ion :<br />

Philippe Toussaint, Charlotte <strong>La</strong>tigr<strong>at</strong>, Hervé de Colombel, Pascal Escande,<br />

Bénédicte Dumeige et C<strong>at</strong>herine Jabaly.<br />

Les travaux du colloque ont été coordonnés par Jeanne Martine Vacher,<br />

productrice à France Culture.<br />

Les <strong>at</strong>eliers ont été modérés par<br />

Nicolas Marc – <strong>La</strong> Scène, Xavier Rey – Classica,<br />

Bénédicte Dumeige – France Festivals et Jeanne Martine Vacher.<br />

Organis<strong>at</strong>ion : C<strong>at</strong>herine Jabaly Communic<strong>at</strong>ion<br />

En étroite collabor<strong>at</strong>ion avec les services de la fédér<strong>at</strong>ion :<br />

Bénédicte Dumeige : Direction<br />

Yvette Cussey, Loïc Haye et Élise Pioger : chargés de mission<br />

Servane Garnier : secrétari<strong>at</strong><br />

Anakrusis : Rel<strong>at</strong>ions presse<br />

France Festivals remercie très chaleureusement toutes les personnes qui ont aidé<br />

à l’organis<strong>at</strong>ion et favorisé la réussite de cette initi<strong>at</strong>ive et tout particulièrement<br />

Francis Maréchal, directeur de Royaumont et son équipe ainsi que les étudiants<br />

du DESS de l’Université du Maine (Le Mans) qui ont assisté les rapporteurs.<br />

Merci à Pascale Grésus Vincent pour le décryptage <strong>des</strong> actes et à Bernard Flye-<br />

Sainte-Marie pour les photos.<br />

Édition <strong>des</strong> actes :<br />

Rewriting : Jeanne-Martine Vacher<br />

Révisions : les membres de la commission colloque<br />

Coordin<strong>at</strong>ion : Bénédicte Dumeige et C<strong>at</strong>herine Jabaly<br />

Réalis<strong>at</strong>ion : Perroquet Bleu<br />

Tirage 7500 exemplaires - Septembre 2004<br />

Prix de vente 10 €


J<br />

o u r n é e 1<br />

Séance introductive à la première journée<br />

de travaux jeudi 13 novembre 2003<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice sur France Culture,<br />

coordonn<strong>at</strong>rice <strong>des</strong> travaux <strong>des</strong> deux journées du colloque<br />

Intervention de Philippe TOUSSAINT - Président de France Festivals<br />

Intervention de Luc BENITO - Chercheur - Université d’Aix Marseille 1<br />

1 (NDL : Depuis lors, le Ministère a abandonné le projet<br />

visant à créer un « label n<strong>at</strong>ional »)<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Nous disposons de deux jours pour nous poser la question<br />

: la <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ?<br />

Ce m<strong>at</strong>in, nous nous intéresserons aux questions fondamentales<br />

suivantes : à quel public s’adressent les<br />

<strong>festivals</strong> ? ensuite quels interprètes pour les <strong>festivals</strong><br />

(sans eux, pas de <strong>festivals</strong>) ?<br />

Cet après-midi, le premier <strong>at</strong>elier sera consacré à la<br />

part que les <strong>festivals</strong> prennent dans le développement<br />

<strong>des</strong> lieux culturels qu’ils investissent, que ce soit <strong>des</strong><br />

lieux comme celui-ci, l’abbaye de Royaumont, lieux<br />

d’architecture ou de mémoire, ou que ce soit <strong>des</strong> espaces<br />

géographiques (départements par exemple) ou<br />

symboliques. Le deuxième <strong>at</strong>elier, lui, posera la question<br />

du rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans la cré<strong>at</strong>ion et la diffusion<br />

musicale.<br />

Demain m<strong>at</strong>in, le premier <strong>at</strong>elier portera sur le nerf de la<br />

guerre : la question de l’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, le deuxième<br />

sur la coopér<strong>at</strong>ion entre les <strong>festivals</strong> à l’échelon infra<br />

ou supran<strong>at</strong>ional et ses éventuels avantages.<br />

Chaque intervenant aura droit à une intervention<br />

d’une dizaine de minutes. Des interventions imaginées<br />

en complémentarité les unes avec les autres. Il<br />

serait bon qu’un échange se noue entre le public ici<br />

présent et les intervenants.<br />

Je vais donc passer la parole pour cette première séance<br />

plénière, d’abord à Philippe Toussaint, Président de<br />

France Festivals, et ensuite à Luc Bénito, chercheur,<br />

qui s’est intéressé à la politique économique et cultur<strong>elle</strong><br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

C’est la première fois que la fédér<strong>at</strong>ion organise un<br />

tel colloque, une première que nous préparons depuis<br />

maintenant deux ans. On est aujourd’hui récompensé<br />

en tant qu’organis<strong>at</strong>eur quand on vous voit tous rassemblés<br />

ici à Royaumont. Je rapp<strong>elle</strong> très rapidement<br />

que France Festivals rassemble 82 <strong>festivals</strong>, tournés<br />

principalement vers la <strong>musique</strong>, mais aussi vers la<br />

danse. Des <strong>festivals</strong> qui organisent 2 000 concerts par<br />

an, accueillent à peu près 20 000 interprètes et plus<br />

de 900 000 spect<strong>at</strong>eurs, autant que l’Opéra de Paris,<br />

me faisait-on observer, une masse signifi c<strong>at</strong>ive dans<br />

le monde musical. Mais nos <strong>festivals</strong> ne sont pas réductibles<br />

à <strong>des</strong> chiffres : ce sont <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions originales,<br />

toutes différentes les unes <strong>des</strong> autres, quant à leur<br />

taille, aux lieux qui les accueillent, à leur programm<strong>at</strong>ion.<br />

Ce sont toujours à l’origine <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>ions<br />

animées par un esprit de fête et de convivialité, ce qui<br />

favorise l’émergence de publics nouveaux que le formalisme,<br />

parfois, <strong>des</strong> saisons d’hiver rebute quelque<br />

peu. Dans les équipes se côtoient <strong>des</strong> professionnels et<br />

<strong>des</strong> bénévoles. Il n’y a pas de modèle unique de festival,<br />

mais je crois qu’on peut dire qu’il y a en France un<br />

« esprit festival » qui souffl e à travers toutes nos régions.<br />

Et bien que certains <strong>festivals</strong> aient une très forte<br />

image, bien que l’actualité ait mis en valeur certains<br />

d’entre eux qui s’en seraient bien passé, les <strong>festivals</strong><br />

de <strong>musique</strong> dans leur ensemble nous paraissent mal<br />

connus, voire peu considérés par leurs partenaires institutionnels<br />

notamment, donc fragiles dans leur existence<br />

et inquiets pour leur avenir. Je voudrais revenir<br />

sur ces différents points.<br />

• Mal connus : aucune étude de fond n’a été conduite<br />

sur la question <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> et tout particulièrement<br />

sur les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, par <strong>des</strong> équipes spécialisées<br />

ou par le Ministère de la Culture. Aujourd’hui,<br />

aucune donnée globale n’est disponible. C’est pourquoi<br />

nous avons cherché, avec l’aide de Luc Bénito, à<br />

améliorer cet ét<strong>at</strong> de nos connaissances et à fournir un<br />

certain nombre d’inform<strong>at</strong>ions très concrètes tout au<br />

long de ces deux journées.<br />

• Peu considérés : jusqu’à l’an dernier, il faut bien se<br />

rendre compte que les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, et France<br />

Festivals particulièrement, connaissaient <strong>des</strong> diffi cultés<br />

quasi-existenti<strong>elle</strong>s dans leurs contacts tant avec<br />

l’administr<strong>at</strong>ion centrale du Ministère de la Culture,<br />

qu’avec <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>ions comme le Syndéac. Et pourtant<br />

<strong>des</strong> décisions qui les concernent au premier chef<br />

ont été prises sans qu’ils aient eu un mot à dire, on l’a<br />

bien vu encore une fois cet été. Mais cette situ<strong>at</strong>ion a<br />

commencé à évoluer, dans le bon sens espérons-nous.<br />

L’absence de dialogue constitue une véritable faiblesse,<br />

à l’heure actu<strong>elle</strong>, pour nous collectivement.<br />

Inquiets pour leur avenir, fragiles dans leur existence<br />

: une chose dont chacun doit avoir conscience, c’est<br />

qu’après une forte croissance dans les années 80, les<br />

<strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> sont, depuis plusieurs années, les<br />

dernières en particulier, dans une situ<strong>at</strong>ion où ils ont<br />

connu, tout à la fois, une réduction de leurs ressources<br />

disponibles et un accroissement constant <strong>des</strong> contraintes<br />

d’organis<strong>at</strong>ion, tant sur le plan administr<strong>at</strong>if<br />

ou fi scal que du droit social. D’autre part, leur développement,<br />

leur implic<strong>at</strong>ion dans le tissu local, on le<br />

verra à diverses reprises tout au long du séminaire,<br />

entraînent une complexifi c<strong>at</strong>ion de leur organis<strong>at</strong>ion.<br />

Il a donc fallu nous professionnaliser, nous organiser,<br />

mieux nous structurer avec <strong>des</strong> moyens fi nanciers qui<br />

étaient eux plutôt plus diffi ciles à collecter. L’avenir<br />

est inquiétant donc. L’idée au cœur de ce colloque est<br />

de chercher ensemble à savoir quel est celui que nous<br />

voulons lui préparer.<br />

Il est clair que l’individualisme intégral garde encore<br />

ici et là quelques partisans. Mais les diffi cultés que je<br />

viens d’évoquer justifi ent de plus en plus la démarche<br />

de quelques précurseurs qui, il y a plus de 40 ans, ont<br />

construit cette fédér<strong>at</strong>ion. Et je crois qu’aujourd’hui,<br />

une grande majorité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> se rend compte que<br />

l’action collective vaut bien quelque effort. On ne peut<br />

tout laisser à la seule action individu<strong>elle</strong>. Ayons en<br />

tête qu’au cours <strong>des</strong> cinq dernières années, le nombre<br />

d’adhérents à notre fédér<strong>at</strong>ion s’est accru d’à peu près<br />

un tiers, que nos services se sont développés : form<strong>at</strong>ions,<br />

sites internet, label véritable <strong>des</strong>tiné à mieux<br />

communiquer, sans compter il y a quelques années<br />

une action lobbying très importante sur le plan fi scal,<br />

qui l’été dernier, a eu comme effet d’obtenir absolument<br />

in extremis, que les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> bénéfi -<br />

cient de la nouv<strong>elle</strong> loi sur le mécén<strong>at</strong>, dont au départ,<br />

en première lecture, le Parlement, nous avait exclus,<br />

ce qui en dit long… En abordant, au cours d’un vrai<br />

déb<strong>at</strong> contradictoire, dans nos six <strong>at</strong>eliers, les six thèmes<br />

suivants (les publics, les interprètes, les lieux, les<br />

répertoires, l’argent et les coopér<strong>at</strong>ions), nous voulons<br />

mettre en lumière nos forces, nos faiblesses et surtout<br />

les pistes d’actions pour l’avenir. Créer ainsi une dynamique,<br />

y associer tous nos partenaires institutionnels,<br />

professionnels, sans oublier le public, afi n de contribuer<br />

effi cacement au développement culturel de notre<br />

pays. Une démarche qui est à la fois un premier pas<br />

et l’aboutissement d’un long travail. Merci à tous ceux<br />

qui nous ont soutenus afi n de la mettre en place et à<br />

ceux qui vont la faire vivre.<br />

Luc BÉNITO<br />

Les colloques consacrés aux problém<strong>at</strong>iques que posent<br />

les <strong>festivals</strong> sont assez rares. Le dernier à ma connaissance<br />

remonte à une quinzaine d’années. C’est<br />

donc ici une bonne occasion d’en donner un aperçu<br />

global et de faire le point, surtout en la période<br />

cruciale que nous vivons. J’ai entamé, il y a une dizaine<br />

d’années, une thèse sur l’économie de la culture<br />

et plus précisément sur l’économie <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

car, comme Philippe Toussaint l’a rappelé, il s’agit là<br />

d’un secteur d’activité à part entière. Dans un premier<br />

temps, afi n de faciliter la réfl exion et le travail, il me<br />

Il n’y a pas de modèle<br />

unique de festival,<br />

mais il y a en France<br />

un « esprit festival »<br />

qui souffle.<br />

paraît essentiel de poser les idées reçues pour mieux<br />

dégager les problém<strong>at</strong>iques. Remontons à <strong>des</strong> sources<br />

que personne ne contestera : dans les dictionnaires,<br />

dans les encyclopédies, un festival est une manifest<strong>at</strong>ion<br />

musicale se déroulant sur quelques jours dans un<br />

lieu particulier. On const<strong>at</strong>e pourtant que depuis une<br />

vingtaine d’années environ, cette notion s’est considérablement<br />

élargie.<br />

D’une part, les <strong>festivals</strong> ne sont plus consacrés à la<br />

seule <strong>musique</strong>, mais à toutes sortes de disciplines, artistiques<br />

ou non : théâtre, cinéma, composition fl orale,<br />

ethnologie, folklore. On a même pu observer l’existence<br />

de <strong>festivals</strong> sur le jeu, la gastronomie, les arts<br />

culinaires. Est-ce une dérive ? <strong>La</strong> question n’est pas à<br />

l’ordre du jour de ce colloque.<br />

D’autre part, depuis bien longtemps, les <strong>festivals</strong> ne<br />

se déroulent plus sur quelques jours, la semaine étant<br />

la moyenne observée. Maintenant, il existe <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

express, sur deux jours, voire un seul, ou au contraire<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui se déroulent sur un mois, voire<br />

plusieurs, notamment les deux mois d’été (une façon<br />

pour les collectivités locales de manifester la volonté<br />

de proposer une mini-saison d’été en dehors de la<br />

saison cultur<strong>elle</strong>). Je peux même citer l’exemple d’un<br />

« festival » étendu sur six mois : un spectacle proposé<br />

chaque samedi soir durant ce laps de temps !<br />

On s’écarte là de la défi nition initiale, ce n’en est pas<br />

moins un const<strong>at</strong>.<br />

De plus, les <strong>festivals</strong> ne sont plus, loin de là, localisés<br />

dans un seul site d’accueil. Ils s’étendent non seulement<br />

à la ville entière, mais aussi aux alentours, là<br />

encore impulsés par <strong>des</strong> partenaires tels que les Communautés<br />

de Communes ou Conseils Généraux qui désirent<br />

à juste titre élargir ces manifest<strong>at</strong>ions à l’ensemble<br />

de leurs administrés ou de leur circonscription.<br />

Enfi n, les cré<strong>at</strong>eurs de <strong>festivals</strong> désormais hésitent à<br />

utiliser le terme de « <strong>festivals</strong> » justement, trop galvaudé<br />

pour beaucoup d’entre eux, sans doute aussi<br />

pour beaucoup d’entre vous. On lui préfère d’autres<br />

terminologies comme « semaine de » « rencontre<br />

de », « journée de », qui désignent <strong>des</strong> événements<br />

« mineurs », séries de petits concerts, qui ont connu<br />

un développement exponentiel dans les années 80,<br />

qu’on a malgré tout appelés « <strong>festivals</strong> », car l’appell<strong>at</strong>ion<br />

en garantit la qualité, ceci expliquant cela. Une<br />

t<strong>elle</strong> dérive est-<strong>elle</strong> étonnante ? Non, puisque jusquelà<br />

personne n’a revendiqué l’intégrité du terme « festival<br />

». Certes il existe <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions comme France<br />

Festivals, mais <strong>elle</strong>s restent centrées sur <strong>des</strong> enjeux<br />

sectoriels à l’image du titre du colloque : « <strong>La</strong> <strong>musique</strong><br />

a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? » D’autres regroupements<br />

s’effectuent, notamment dans le secteur du<br />

cinéma, mais ils restent enfermés dans leur propre<br />

discipline.<br />

Au niveau institutionnel, Philippe Toussaint l’a rappelé,<br />

il n’existe rien. Il y a quelques années, quinze à<br />

vingt ans, il y a bien eu une initi<strong>at</strong>ive : un bureau <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> a été créé au sein du Ministère de la Culture,<br />

mais cette expérience n’a duré que quelques mois.<br />

Dans le cadre de mes travaux, j’ai été conduit à interroger<br />

la puissance publique, et notamment l’Ét<strong>at</strong>. On<br />

m’a répondu très clairement que les <strong>festivals</strong> ne constituaient<br />

pas une priorité… J’imagine que beaucoup<br />

d’entre vous trouvent que c’est aussi bien comme cela.<br />

Pourtant, l’activité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est sans doute la plus<br />

décentralisée qui soit, avant l’heure. Les collectivités<br />

locales, dans les années 80, se sont très vite approprié<br />

cet outil, ce support (car c’est avant tout un support,<br />

on y reviendra). Or, aujourd’hui, on peut déceler de la<br />

part de l’Ét<strong>at</strong> un regain d’intérêt : on évoque même<br />

l’existence d’un label <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> pour 2004. Avec<br />

toutes les précautions qui s’imposent, si ce label pouvait<br />

permettre une meilleure reconnaissance <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />

les situer à leur juste place dans le paysage culturel<br />

français, ce serait parfait. Attendons… 1<br />

Vous espérez peut-être que mon intervention vous<br />

fournira au moins une comptabilité précise <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

en France. Je vous avoue que j’en suis bien incapable<br />

puisqu’il n’existe pas de structure qui la permette.<br />

Des comptabilis<strong>at</strong>ions se font au sein de secteurs<br />

particuliers, théâtre, <strong>musique</strong> ou cinéma, mais<br />

il y a assez peu de comptabilis<strong>at</strong>ions de l’ensemble<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, toutes disciplines confondues, et ce pour<br />

une raison bien simple, c’est que sa défi nition est encore<br />

extrêmement fl oue. Sa défi nition relève de deux<br />

dimensions. D’une part, une dimension objective : un<br />

festival, ce sont tous les événements qui sont limités<br />

dans le temps, qui reviennent chaque année, qui sont<br />

centrés sur un thème. Dans ce cas, comptabiliser, c’est<br />

très facile. Mais ça l’est beaucoup moins dans d’autres<br />

cas, par exemple <strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions où règne ce qu’on<br />

pourrait appeler un « esprit festival ». Dans ces cas-là,<br />

un festival (et c’est là une façon totalement subjective<br />

de l’appréhender), résulte d’une envie, une rencontre,<br />

une forme publique de célébr<strong>at</strong>ion d’un art ou d’une<br />

discipline artistique. Le public se déplace dans ce seul<br />

but et, très souvent, il revient chaque année. Une forme<br />

de quasi-pèlerinage, quelque chose de très fort.<br />

Il est alors très diffi cile d’effectuer une comptabilis<strong>at</strong>ion<br />

de ces phénomènes. C’est ce qui explique le manque<br />

de données sur ce point. Si vous voulez un ordre<br />

d’idées, les gui<strong>des</strong> culturels du Ministère de la Culture<br />

recensent 800 <strong>festivals</strong>, alors que la seule région Provence<br />

Alpes Côte d’Azur, que je connais bien, prétend<br />

qu’en été il s’en produit, en son sein, 2 500. Vous le<br />

voyez, il y a une certaine marge.<br />

Pourquoi aussi peu d’observ<strong>at</strong>ions et de recherches ?<br />

Est-ce que les <strong>festivals</strong> n’intéressent pas ? Ils fascinent,<br />

j’en suis sûr, mais ils font aussi peur, car le<br />

champ d’investig<strong>at</strong>ion est quasi vierge. Ils ne sont<br />

abordés et étudiés qu’à travers leur spécifi cité artistique,<br />

<strong>musique</strong>, cinéma, etc. Des travaux rares, parfois<br />

remarquables, sur un festival bien précis, comme<br />

4 5


celui effectué par Julien Besançon sur le festival de la<br />

Chaise-Dieu, existent : ils gagneraient à être centralisés<br />

et capitalisés.<br />

Peut-on proposer une typologie <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? C’est<br />

assez diffi cile. Voici une grille d’analyse, qui peut être<br />

intéressante. <strong>La</strong>issons de côté les données portant sur<br />

la répartition géographique, la durée et la saisonnalité.<br />

Soit donc une typologie qui inscrit les <strong>festivals</strong> dans<br />

un contexte historique particulier, générant <strong>des</strong> initi<strong>at</strong>ives<br />

et <strong>des</strong> missions spécifi ques : qu<strong>at</strong>re génér<strong>at</strong>ions<br />

de <strong>festivals</strong> qui ont perduré dans le temps, sans pour<br />

autant se fi ger.<br />

Première génér<strong>at</strong>ion : les premiers <strong>festivals</strong> pourraient<br />

être constitués par les événements montés par les sociétés<br />

chorales alleman<strong>des</strong> à la fi n du XVIII e siècle -<br />

début du XIX e , qui, chaque année, se réunissaient pour<br />

célébrer un auteur ou un artiste célèbre, par exemple,<br />

le festival de Vienne en 1811, consacré à Haydn.<br />

Progressivement, ces événements se sont transformés,<br />

sont devenus <strong>des</strong> chants chorals, puis <strong>des</strong> concerts<br />

classiques. Pour beaucoup d’entre nous, le Bayreuth<br />

Festival, créé en 1876 par Louis II de Bavière, inaugure<br />

véritablement l’ère <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Cette première<br />

génér<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong> était montée à l’initi<strong>at</strong>ive <strong>des</strong><br />

gran<strong>des</strong> cours européennes et, très souvent, dans <strong>des</strong><br />

lieux de villégi<strong>at</strong>ure, sans pour ainsi dire aucune idée<br />

de compétition.<br />

Deuxième génér<strong>at</strong>ion : au début du XX e siècle, ce sont<br />

les artistes eux-mêmes qui prennent l’initi<strong>at</strong>ive de<br />

monter <strong>des</strong> événements pour promouvoir leur discipline.<br />

À cette époque, naissent de nouveaux mo<strong>des</strong><br />

et moyens techniques de diffusion cultur<strong>elle</strong> comme<br />

la radiophonie, le phonographe, la ciném<strong>at</strong>ographie<br />

ou la photographie, qui amorcent un phénomène de<br />

« massifi c<strong>at</strong>ion » de la culture, permettant peu à peu<br />

aux disciplines artistiques de pénétrer dans les foyers,<br />

créant chez les artistes le désir de présenter au plus<br />

grand nombre leur discipline. Du coup, apparaissent<br />

les premiers <strong>festivals</strong> de danse (années 30), le premier<br />

festival de cinéma, la Mostra, à Venise, puis en<br />

France, sous l’infl uence de Jacques Coppo, <strong>des</strong> événements<br />

comme les Nuits Saint-Georges ou le festival<br />

de Chartres (années 1920). Peut-être l’Ét<strong>at</strong> prend-il<br />

alors conscience (ou le lui fait-on comprendre) que ces<br />

outils peuvent être utilisés en terme d’intervention publique<br />

: ce fut le cas du festival de Cannes qui aurait<br />

dû être créé en 1939 comme une contre-manifest<strong>at</strong>ion<br />

à la Mostra de Venise, alors empreinte d’idéologie fasciste,<br />

mais qui, pour les raisons que l’on sait, n’a démarré<br />

qu’en 1947. C’est donc à la Libér<strong>at</strong>ion, après<br />

1946, que les <strong>festivals</strong>, considérés comme <strong>des</strong> outils,<br />

se sont inscrits dans les grands programmes de démocr<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion,<br />

et plus particulièrement dans le mouvement<br />

de décentralis<strong>at</strong>ion dram<strong>at</strong>ique : le festival<br />

d’Avignon, dans ce cadre, en est un grand symbole.<br />

Pour autant, ces génér<strong>at</strong>ions de <strong>festivals</strong> ne sont par<br />

hermétiques. En 1947, on voit apparaître le festival<br />

intern<strong>at</strong>ional d’art lyrique à Aix-en-Provence, qui,<br />

pour ceux qui en connaissent la genèse, s’est construit<br />

dans la pure tradition aristocr<strong>at</strong>ique qui caractérise la<br />

première génér<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong>. Actu<strong>elle</strong>ment encore,<br />

et il faut s’en réjouir, existent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> initiés par<br />

<strong>des</strong> artistes désireux de produire et de montrer leur<br />

œuvre, moyen évident pour eux d’obtenir la reconnaissance<br />

publique de leur discipline. Un acquis dans le<br />

domaine culturel.<br />

Troisième génér<strong>at</strong>ion de festival : dans les années 70,<br />

l’initi<strong>at</strong>ive n’est plus aux artistes, mais revient aux collectivités<br />

locales, aux pouvoirs publics. Ce fut l’Ét<strong>at</strong> qui<br />

lança, dans les années 60, sous l’ère Malraux, un dispositif<br />

qui permettait (qui l’a en tout cas induit) d’initier<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au sein de monuments historiques,<br />

largement inanimés, dans le but de leur donner une<br />

vie. Mais ce fut un épiphénomène. Ce sont en vérité<br />

les collectivités locales qui prirent conscience, dans<br />

les années 70, que ces événements pouvaient servir à<br />

promouvoir une ville, à l’image de ceux de Cannes ou<br />

d’Avignon. Ils ont prouvé leur effi cacité : on a vu arriver<br />

les fameux événements ou <strong>festivals</strong> clés en mains,<br />

dont l’exigence artistique n’était pas, pour autant absente<br />

car était espéré un retour d’image et de « retombées<br />

économiques ».<br />

<strong>La</strong> qu<strong>at</strong>rième et dernière génér<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong> s’inscrit<br />

davantage dans une volonté <strong>des</strong> collectivités locales<br />

d’animer un territoire. Dès 1982, on a vu fl eurir,<br />

éclore plutôt, une myriade de petits événements qui se<br />

sont très volontiers appelés <strong>festivals</strong>. Un véritable engouement.<br />

Il faut le rappeler, à cette époque-là, l’Ét<strong>at</strong><br />

promeut l’idée que le domaine culturel constitue une<br />

véritable activité, apte à pallier le déclin de certaines<br />

industries. Fleurissent les premières étu<strong>des</strong> d’impact<br />

économique, dont la plus connue, vraie référence, est<br />

c<strong>elle</strong> menée sur le festival d’Avignon en 1986.<br />

Quelques mots sur les étu<strong>des</strong> d’impact, parce que<br />

c’est très souvent pour cette raison que l’on me sollicite<br />

pour intervenir lors de différents colloques. A priori,<br />

je ne m’oppose pas au principe <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> d’impact,<br />

mais il est vrai qu’au sein <strong>des</strong> économistes dont je fais<br />

partie, leur validité scientifi que est sujette à caution.<br />

Aujourd’hui, il s’agit d’un outil de communic<strong>at</strong>ion avéré.<br />

S’il l’est en tant que tel et qu’il permet de légitimer<br />

la particip<strong>at</strong>ion annu<strong>elle</strong> de certains partenaires fi nanciers,<br />

tant mieux. Néanmoins, il cache et masque tout<br />

un pan d’une réalité ou <strong>des</strong> réalités <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. On a<br />

coutume d’affi rmer que les <strong>festivals</strong>, et c’est sans doute<br />

vrai, sont génér<strong>at</strong>eurs de retombées économiques. Ce<br />

qu’on oublie de préciser, c’est qu’ils sont, avant tout, de<br />

formidables outils de promotion artistique et de développement<br />

culturel, <strong>des</strong> lieux privilégiés de la rencontre<br />

entre l’artiste et le public, de parfaits lieux de médi<strong>at</strong>ion<br />

cultur<strong>elle</strong>. <strong>La</strong> principale raison en est leur exigence. En<br />

effet, à la notion de festival est affectée une connot<strong>at</strong>ion<br />

qualit<strong>at</strong>ive. Sinon, ce n’est plus un festival, c’est une<br />

manifest<strong>at</strong>ion quelconque. Et les <strong>festivals</strong>, de fait, proposent<br />

de l’exceptionnel. Le fait de concentrer une série<br />

de spectacles ou de concerts dans une même journée,<br />

est une chose qui leur est propre. Il s’y effectue un véritable<br />

travail de programm<strong>at</strong>eur, le directeur artistique<br />

ne se contente pas de remplir <strong>des</strong> grilles de programmes,<br />

mais propose <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions, <strong>des</strong> spectacles jamais<br />

vus ailleurs pour lesquels le public se déplace. De plus,<br />

<strong>des</strong> disciplines qualifi ées d’élitistes, comme la <strong>musique</strong><br />

classique ou l’art lyrique, y sont développées. On en facilite<br />

donc l’accès.<br />

Le fait qu’on se déplace décloisonne le rapport spectacle-lieu<br />

de représent<strong>at</strong>ion. Très souvent les <strong>festivals</strong> se<br />

situent en dehors <strong>des</strong> lieux traditionnels de diffusion,<br />

en dehors <strong>des</strong> théâtres et opéras, ce qui permet un<br />

certain niv<strong>elle</strong>ment, les barrières tant psychologiques<br />

que sociales tombent, c’est évident. Souvent, on me<br />

demande de le prouver, de fournir <strong>des</strong> chiffres puisque<br />

c’est en partie ma mission. Je suggère qu’on pose<br />

la question aux directeurs artistiques qui connaissent<br />

bien leur public ; en tout cas, pour avoir analysé un<br />

certain nombre d’étu<strong>des</strong> de publics, je peux vous dire<br />

que la part de ce qu’on app<strong>elle</strong> les primo-visiteurs,<br />

c’est-à-dire les gens qui n’ont pas l’habitude d’aller<br />

dans <strong>des</strong> lieux de diffusion cultur<strong>elle</strong> réguliers, est largement<br />

plus importante dans les <strong>festivals</strong> que dans les<br />

structures permanentes.<br />

Enfi n, les <strong>festivals</strong> sont apparus comme de très bons<br />

moyens de combler <strong>des</strong> déserts culturels. J’ai parfois<br />

entendu <strong>des</strong> mauvaises langues parler de cache-misère.<br />

Ils sont pourtant <strong>at</strong>tendus par <strong>des</strong> popul<strong>at</strong>ions<br />

isolées, rurales notamment. Ils pallient un défi cit évident<br />

de structures permanentes, vecteurs de sociabilité<br />

dont témoigne l’activité bénévole, à un moment<br />

où certaines fêtes traditionn<strong>elle</strong>s et notamment rurales<br />

disparaissent. Je pense qu’un colloque comme celui-ci<br />

a l’intérêt de remettre à leur place les <strong>festivals</strong> au sein<br />

du paysage culturel, considérés comme de véritables<br />

enjeux et fondements <strong>des</strong> politiques cultur<strong>elle</strong>s et non<br />

plus, simplement, comme <strong>des</strong> génér<strong>at</strong>eurs de retombées<br />

économiques.<br />

Quel public pour les <strong>festivals</strong> ?<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice à France Culture<br />

Participants<br />

René MARTIN - Directeur - <strong>La</strong> Folle Journée de Nantes, <strong>La</strong> Roque d’Anthéron,<br />

le CREA de Nantes (Centre de Réalis<strong>at</strong>ion et d’Étu<strong>des</strong> Artistiques)<br />

Jean-Dominique MARCO - Directeur Général - Musica, festival intern<strong>at</strong>ional<br />

<strong>des</strong> <strong>musique</strong>s d’aujourd’hui<br />

Jean-Michel VERNEIGES - Directeur - Festival Saint-Michel-en-Thiérache<br />

Hélène JARRY - Conseillère Musique - Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale,<br />

Centre n<strong>at</strong>ional de document<strong>at</strong>ion pédagogique<br />

a t e l i e r 1<br />

6<br />

7


a t e l i e r 1<br />

Quel public pour les <strong>festivals</strong> ?<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Nous avons essayé de rassembler <strong>des</strong> intervenants qui<br />

avaient <strong>des</strong> expériences diverses. Je vous les présente<br />

dans l’ordre de passage :<br />

René Martin qui représente le CREA, parlera de son expérience<br />

à travers « Les Folles journées de Nantes » et<br />

le festival de la Roque d’Anthéron.<br />

À ses côtés, Jean-Dominique Marco du festival MU-<br />

SICA de Strasbourg, festival de <strong>musique</strong> contemporaine,<br />

témoignera de la rel<strong>at</strong>ion avec le public, de la recherche<br />

du public et de la façon dont tout cela se construit<br />

au fil du temps.<br />

À mes côtés, Jean-Michel Verneiges, délégué départemental<br />

à la <strong>musique</strong> et directeur artistique du festival de<br />

l’Abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache, nous fera part<br />

de son expérience particulière qu’a générée un lieu.<br />

Enfin, nous ouvrirons <strong>des</strong> perspectives et nous poserons<br />

la question de savoir comment ce public peut se<br />

développer « à la source », c’est-à-dire auprès <strong>des</strong> génér<strong>at</strong>ions<br />

montantes. Hélène Jarry, conseillère pour la<br />

<strong>musique</strong> au département Art et Culture du CNDP, qui<br />

depuis de longues années observe, initie tout ce qui<br />

touche à la <strong>musique</strong> au sein de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale<br />

et en rel<strong>at</strong>ion avec la culture, tentera de répondre.<br />

Je passe la parole à René Martin qui ouvre cette table<br />

ronde. Lorsque chacun <strong>des</strong> intervenants aura parlé, on<br />

essaiera d’échanger ensemble.<br />

René MARTIN<br />

D’emblée, je vais donner une note très optimiste. Il existe,<br />

oui, un très large public. Aujourd’hui, c’est la dixième<br />

année <strong>des</strong> Folles Journées à Nantes. L’an passé, nous<br />

avons vendu 120 000 billets, pour une opér<strong>at</strong>ion axée<br />

sur la <strong>musique</strong> italienne, la <strong>musique</strong> de la Renaissance<br />

et la <strong>musique</strong> baroque, un projet élitiste et assez difficile.<br />

À <strong>La</strong> Roque d’Anthéron, cet été, nous avons organisé<br />

environ 100 concerts et nous avons accueilli 70 000<br />

personnes. Donc, en effet, il existe un public. Mais comment<br />

le trouver, comment l’informer ?<br />

<strong>La</strong> chose la plus importante, c’est le contenu. Personn<strong>elle</strong>ment,<br />

j’écoute de la <strong>musique</strong> classique mais aussi<br />

beaucoup de <strong>musique</strong> contemporaine, du rock, du<br />

jazz. Un jour, alors que j’assistais à un concert de U2<br />

à Nantes, dans un stade de <strong>La</strong> Beaujoire, avec 35 000<br />

jeunes, je me suis dit : « Mais comment se fait-il que<br />

ces jeunes ne viennent pas à nos <strong>festivals</strong> ? ». Et là,<br />

ce fut une véritable remise en question. Je me suis<br />

dit qu’il fallait absolument trouver <strong>des</strong> passer<strong>elle</strong>s<br />

parce que le public qui écoute la <strong>musique</strong> de U2 ou<br />

aujourd’hui Radiohead, est capable d’écouter Bartòk,<br />

Stravinsky ou Stockhausen. Encore faut-il que cette<br />

<strong>musique</strong>-là soit diffusée et qu’il ait la chance peutêtre<br />

de la rencontrer.<br />

Première étape : de par mes fonctions, je bénéficie de<br />

rel<strong>at</strong>ions privilégiées avec beaucoup d’artistes. À <strong>La</strong><br />

Roque d’Anthéron, j’ai pu bien connaître les pianistes,<br />

les chefs d’orchestre, les orchestres, à l’Abbaye de<br />

Fontevrault, les chœurs, au festival de la Grange de<br />

Meslay, les chambristes. Je me suis dit : « Pourquoi ne<br />

pas essayer d’aller beaucoup plus loin ? » Donc pendant<br />

deux ans, j’ai réfléchi. Il ne s’agissait pas, pour<br />

moi, d’observer seulement les <strong>festivals</strong> <strong>des</strong> autres, et<br />

d’essayer de détourner leur public vers la Folle Journée,<br />

mais d’aller beaucoup plus loin, de sentir. J’ai<br />

regardé, en fin de compte, tout ce qui vivait autour de<br />

moi, dans tous les domaines, théâtre, danse, cinéma.<br />

Là je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen d’accès,<br />

retrouver l’esprit du concert de rock, mais surtout pas<br />

le copier, comme, par exemple, louer le stade de <strong>La</strong><br />

Beaujoire, faire venir Barbara Hendricks, inviter Rostropovitch<br />

avec l’orchestre de Washington, toute chose<br />

qui aurait permis de vendre 15 000 ou 20 000 billets.<br />

Cependant, cela aurait été une pâle copie du concert<br />

de rock. Ce qui m’intéressait, c’était de garder vraiment<br />

l’esprit du concert classique, cette qualité de silence,<br />

cette rel<strong>at</strong>ion privilégiée qu’on a aussi avec l’interprète.<br />

Donc trouver un esprit, un esprit nouveau.<br />

Deuxième étape : à Nantes, le Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts,<br />

le dimanche, pendant l’hiver, accordait la gr<strong>at</strong>uité. Je<br />

me suis aperçu que beaucoup de gens venaient voir<br />

<strong>des</strong> expositions, déambulant dans toutes ces salles,<br />

dépassant en nombre le cercle <strong>des</strong> seuls am<strong>at</strong>eurs du<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts. Alors, je me suis dit : pourquoi<br />

ne pas trouver un lieu suffisamment important<br />

pour proposer un concert, un deuxième concert, un<br />

troisième concert, les gens passant la journée, en fin<br />

de compte, dans cet endroit, comme ils passeraient<br />

la journée dans un grand musée. Mais j’ai remarqué<br />

que, dans un musée, si on rentre dans une salle contemporaine,<br />

et qu’une install<strong>at</strong>ion ne nous plaît pas,<br />

on peut en ressortir cinq minutes après. Or moi, je ne<br />

voulais pas qu’on fasse du zapping, c’est-à-dire qu’on<br />

rentre ou sorte suivant l’humeur. Dans la Folle Journée,<br />

si on rentre dans une salle, c’est pour assister<br />

à un concert, on a un programme, avec l’analyse de<br />

l’œuvre, comme dans une vraie salle de concert. C’est<br />

seulement quand on sort de la salle, que tout d’un<br />

coup s’opère la magie : on circule, on déambule, on<br />

rencontre <strong>des</strong> artistes, le public ; en vérité ce n’est pas<br />

du tout le rythme du concert traditionnel qui est bousculé,<br />

c’est ce qu’il y a autour.<br />

Je me suis dit aussi que, pour toucher un plus large<br />

public, il ne fallait pas l’obliger à écouter deux heures<br />

de <strong>musique</strong> d’affilée ; imaginons quelqu’un qui vient<br />

pour la première fois de sa vie écouter les son<strong>at</strong>es de<br />

Beethoven, si on lui fait écouter les trois dernières d’un<br />

seul coup, il lui sera très difficile de se concentrer. Je<br />

me suis donc dit : « Organisons <strong>des</strong> concerts courts,<br />

<strong>des</strong> concerts de 45 à 50 minutes environ, mais présentons<br />

évidemment les œuvres dans leur intégralité<br />

». C’est pourquoi, quand je conçois les programmes<br />

et que je discute avec les artistes, il nous faut trouver<br />

une très grande cohérence, préserver l’équilibre entre<br />

<strong>des</strong> concerts courts et d’autres plus longs. Lors de la<br />

prochaine Folle Journée par exemple, on va présenter<br />

beaucoup d’œuvres de Mendelssohn : Elie ou Paulus<br />

durent deux heures, on va donc en présenter l’intégrale.<br />

Ma philosophie, c’est donc de proposer <strong>des</strong> concerts<br />

suffisamment courts pour permettre à <strong>des</strong> gens qui ne<br />

venaient jamais écouter de <strong>musique</strong> classique, de rentrer<br />

immédi<strong>at</strong>ement, je dirais, dans les œuvres.<br />

C’est seulement ces observ<strong>at</strong>ions une fois faites qu’on<br />

a lancé la Folle Journée, la première édition étant consacrée<br />

à Mozart. Ensuite, mon souci numéro 1 a été :<br />

« Comment vais-je, maintenant, communiquer ? » Je<br />

disposais <strong>des</strong> fichiers de nos associ<strong>at</strong>ions, de ceux de<br />

l’ONPL, je pouvais les compléter par ceux de l’Abbaye<br />

de Fontevrault, de Tours. Mais je voulais aussi toucher<br />

<strong>des</strong> gens qui habitaient dans <strong>des</strong> quartiers populaires.<br />

Là, je me suis dit : « Il faut absolument que je travaille<br />

avec les commerçants, tous les boulangers, les bouchers<br />

qui sont au pied <strong>des</strong> tours ». On a organisé deux<br />

rencontres avec toutes les associ<strong>at</strong>ions de commerçants<br />

de Nantes, je leur ai expliqué notre projet. J’ai<br />

obtenu une adhésion absolument étonnante, puisque,<br />

dès la première année, 200 commerçants ont accepté<br />

d’être nos relais, sur place, c’est-à-dire de décorer<br />

leurs vitrines, distribuer <strong>des</strong> tracts et <strong>des</strong> dépliants. On<br />

a également organisé beaucoup d’anim<strong>at</strong>ions au sein<br />

<strong>des</strong> milieux scolaires et de toutes les associ<strong>at</strong>ions musicales,<br />

avec le souci d’intégrer le plus possible la vie<br />

musicale am<strong>at</strong>eur : ainsi, dans la Folle Journée, toutes<br />

les harmonies se côtoient et se produisent. Rel<strong>at</strong>ions<br />

privilégiées aussi bien sûr avec les écoles n<strong>at</strong>ionales<br />

de <strong>musique</strong>, avec les conserv<strong>at</strong>oires n<strong>at</strong>ionaux de région.<br />

C’est sans doute l’addition, en fin de compte, de<br />

tous ces contacts privilégiés qu’on a eus dès la première<br />

année qui a lancé le phénomène.<br />

Dernière remarque concernant les tarifs. Je pense que<br />

le prix constitue une vraie barrière. Aujourd’hui encore,<br />

le prix moyen d’un concert à une Folle Journée<br />

est autour de 6 euros. Dès la première année, on<br />

a vendu 25 000 billets, on a organisé 60 concerts.<br />

Aujourd’hui, nous sommes à 250 concerts et on a accueilli<br />

120 000 personnes. Conclusion, je crois vraiment<br />

qu’il y a un public, que ce public, il faut aller<br />

le chercher peut-être d’une autre façon. Si on décide<br />

d’organiser une manifest<strong>at</strong>ion, il faut connaître le profil<br />

de public qu’on aimerait avoir, prendre <strong>des</strong> contacts,<br />

observer le terrain.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Continuons la discussion avec une deuxième expérience,<br />

longue, c<strong>elle</strong>-là, puisque cette année nous<br />

en étions à la 22 e édition, c<strong>elle</strong> de Jean-Dominique<br />

Marco, du Festival Musica. Autre terrain, autre territoire<br />

musical, autre histoire donc…<br />

Jean-Dominique MARCO<br />

En entendant René Martin, je me suis dit qu’il parlait<br />

de Musica. Tout ce qu’il vient de dire, j’aurais aimé<br />

vous le dire, et je vais peut-être vous le répéter, d’une<br />

autre manière.<br />

On affirme souvent que la <strong>musique</strong> connaît <strong>des</strong> problèmes<br />

aujourd’hui, que la <strong>musique</strong> dite classique<br />

ou institutionn<strong>elle</strong> est malade. Je crois effectivement<br />

qu’<strong>elle</strong> l’est un peu. Mais ses problèmes ne sont pas<br />

<strong>des</strong> problèmes de contenu, ce sont <strong>des</strong> problèmes de<br />

contenant. C’est la forme de la présent<strong>at</strong>ion du répertoire<br />

ou même de la cré<strong>at</strong>ion qui pose problème.<br />

Quand Maurice Fleurét, directeur de la <strong>musique</strong> et de<br />

la danse à l’époque, m’a engagé début 82 sur le poste<br />

de délégué régional à la <strong>musique</strong> en Alsace, il m’a<br />

dit qu’il voulait créer un nouveau festival de <strong>musique</strong><br />

contemporaine. Royan étant fini et Metz, un peu en<br />

fin de parcours, il y avait un vide à combler. Maurice<br />

Fleuret ne voulait pas d’un nouveau salon du prêt à<br />

entendre. Il était convaincu que la <strong>musique</strong> contemporaine<br />

avait un avenir à condition qu’<strong>elle</strong> arrive à<br />

trouver son public, un public le plus large possible.<br />

Nous pensions tous les deux que Strasbourg et l’Alsace<br />

étaient un bon endroit pour accueillir une t<strong>elle</strong><br />

manifest<strong>at</strong>ion. « Prenez contact avec les élus, voyez<br />

comment on peut faire, me dit-il, et si vous pensez<br />

que l’opér<strong>at</strong>ion est viable, je viendrai et rencontrerai<br />

tout le monde pour lancer le projet ». Par la suite, je<br />

me suis vite rendu compte que Fleuret avait été visionnaire.<br />

Il faut dire qu’Il connaissait bien l’Alsace<br />

et nous étions d’accord pour reconnaître à cette région<br />

certains <strong>at</strong>outs :<br />

D’abord, Strasbourg est en face de la région rhénane<br />

allemande, véritable épicentre de la cré<strong>at</strong>ion musicale<br />

de l’après-guerre où beaucoup de choses se sont<br />

passées, notamment à Donaueschingen. À Darmstadt<br />

aussi, c’est là que tous les grands compositeurs se sont<br />

rencontrés, ont confronté leurs idées et ont essayé de<br />

former <strong>des</strong> étudiants lors <strong>des</strong> Académies d’été.<br />

Deuxièmement, il y a une tradition musicale très<br />

importante dans cette région et il existe toujours à<br />

l’heure actu<strong>elle</strong> de nombreux outils consacrés à la<br />

<strong>musique</strong> et à la cré<strong>at</strong>ion musicale en particulier. Je<br />

pense aux orchestres de radio, Francfort, Karlsruhe,<br />

Stuttgart, Baden-Baden, et à beaucoup d’ensembles<br />

et de grands compositeurs également très actifs<br />

dans cet espace. L’Alsace est également une région<br />

où la pr<strong>at</strong>ique am<strong>at</strong>eur est extrêmement développée :<br />

43 000 choristes, beaucoup de sociétés de <strong>musique</strong>. Il<br />

y a forcément un public potentiel.<br />

Ce que je voudrais vous dire, c’est qu’un festival tel<br />

que Musica remplit avant tout une mission de service<br />

public. Une mission en faveur <strong>des</strong> artistes et une<br />

mission pédagogique en direction <strong>des</strong> publics. Tout ce<br />

que l’on peut observer de positif sur les <strong>festivals</strong> ne<br />

va pas à l’encontre bien sûr d’un travail à l’année,<br />

d’un travail en profondeur, d’un travail régulier. Mais<br />

je crois fondamentalement au rôle important du festival.<br />

Pourquoi ? Parce qu’une t<strong>elle</strong> manifest<strong>at</strong>ion, on<br />

l’a dit tout à l’heure, est avant tout un moment « extra-ordinaire<br />

». C’est l’occasion d’une rencontre forte<br />

et dense avec le public qui s’apparente un peu à un<br />

contr<strong>at</strong> de confiance. Quand le public se rend au festival<br />

Musica, il vient évidemment écouter de la <strong>musique</strong>.<br />

Mais il ne vient pas forcément écouter tel ou tel<br />

compositeur, t<strong>elle</strong> œuvre, tel ensemble. <strong>La</strong> plupart du<br />

temps, il ne connaît pas tous les compositeurs présentés<br />

ni les œuvres, beaucoup d’entre <strong>elle</strong>s étant <strong>des</strong><br />

cré<strong>at</strong>ions ; il ne connaît pas non plus forcément les<br />

interprètes. C’est donc un véritable contr<strong>at</strong> de confiance<br />

qui s’établit entre le public et le festival, avec <strong>des</strong><br />

hauts, <strong>des</strong> bas, <strong>des</strong> choses qui marchent, d’autres qui<br />

marchent moins bien. Mais voyez-vous, lorsque nous<br />

organisons le concert d’un ensemble très connu, par<br />

exemple l’Ensemble Intercontemporain ou les Percussions<br />

de Strasbourg, nous avons entre 500 et 800 personnes,<br />

voire 1 000. Si l’on organise le même concert<br />

pendant l’année, on se retrouve avec 300 personnes.<br />

Nous avons fait l’expérience cette année en organisant<br />

avec le Musée d’Art Moderne et Contemporain<br />

C’est donc<br />

un véritable contr<strong>at</strong><br />

de confiance qui<br />

s’établit entre<br />

le public et le festival,<br />

c’est aussi un moment<br />

de grande convivialité.<br />

de Strasbourg, une saison de 5 concerts, suivi chacun<br />

d’un pot avec les artistes. Nous avons presque rempli<br />

l’auditorium avec 150 personnes, mais jamais plus.<br />

Ceci pour vous dire qu’un festival est un événement<br />

« boîte de résonance », un amplific<strong>at</strong>eur, bref, un moment<br />

« extra-ordinaire ».<br />

C’est aussi un événement très concentré, un moment<br />

où il se passe beaucoup de choses. Les spect<strong>at</strong>eurs<br />

sont entraînés dans une espèce de tourbillon d’où ils<br />

sortent un peu étourdis, rassasiés et heureux. À Mu-<br />

sica, nous proposons à peu près 35 à 40 manifest<strong>at</strong>ions<br />

en quinze jours. Nous avons jusqu’à 3 concerts<br />

par jour et ils adorent ça. Pourquoi ? Parce c’est quelque<br />

chose d’inhabituel, c’est un univers dans lequel ils<br />

vont s’immerger. Quand ils en sortent, ils ont appris<br />

quelque chose en ayant vécu <strong>des</strong> moments intenses.<br />

Un festival, ce n’est pas simplement une succession<br />

de concerts, c’est aussi un moment de grande convivialité,<br />

un moment de contacts. Je crois que le public<br />

y tient énormément. Nous devons être avec les artistes<br />

à sa disposition. C’est un peu comme une grande<br />

famille qui aime se retrouver pour partager la <strong>musique</strong>,<br />

en discuter et confronter ses impressions. Cela se<br />

passe n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>ment lorsque l’ambiance du festival le<br />

permet. Et c’est très important.<br />

En 83, lors de la première édition du festival, conduite<br />

par son premier directeur, <strong>La</strong>urent Bayle, nous avons<br />

compris que pour pouvoir promouvoir cette <strong>musique</strong>, il<br />

fallait créer <strong>des</strong> conditions tout à fait exceptionn<strong>elle</strong>s.<br />

Il fallait la mettre en scène. Il ne suffisait pas de proposer<br />

<strong>des</strong> concerts en salle, mais imaginer encore toute<br />

une scénographie dans la ville. Nous voulions que<br />

cette <strong>musique</strong>, que personne ne recherchait a priori,<br />

ou pas grand monde, finisse par envahir la ville, une<br />

ville pas forcément moderne, pas forcément dynamique<br />

au niveau de la cré<strong>at</strong>ion musicale. Il s’agissait<br />

de faire en sorte que tout le monde sache qu’à un<br />

moment donné, il s’y passait quelque chose d’important<br />

autour de la cré<strong>at</strong>ion musicale, même ceux qui<br />

n’avaient pas l’intention a priori de fréquenter le festival.<br />

Créer un événement artistique médi<strong>at</strong>isé pour <strong>at</strong>tirer<br />

un public élargi. Le public de Musica ne devait<br />

pas se limiter à une assemblée de connaisseurs capables<br />

d’analyser et de comprendre la cré<strong>at</strong>ion musicale.<br />

L’histoire de Musica, c’est un peu l’histoire de la capt<strong>at</strong>ion<br />

d’un public beaucoup plus large, sur la base de<br />

la proposition suivante :<br />

« Venez, sentez-vous concernés, faites preuve de curiosité,<br />

et découvrez quelque chose que vous ne connaissez<br />

pas ».<br />

Tout au long de ces vingt années, c’est ce que nous<br />

avons essayé de faire. Pari plutôt gagné. Nous avons<br />

à peu près 20 000 entrées par an, ce qui est assez exceptionnel<br />

pour un festival consacré à la cré<strong>at</strong>ion musicale.<br />

Cela est peut-être dû en partie au clim<strong>at</strong> que<br />

nous avons créé et qui permet à <strong>des</strong> spect<strong>at</strong>eurs, a<br />

priori pas très motivés ni très au courant <strong>des</strong> différentes<br />

esthétiques, de venir sans complexe et de prendre<br />

du plaisir à écouter ces <strong>musique</strong>s-là.<br />

Pour pouvoir investir une ville, il faut envahir <strong>des</strong> lieux<br />

qui sont inhabituels, sortir <strong>des</strong> salles de concerts. Ce<br />

n’est pas évident, cela pose <strong>des</strong> problèmes techniques<br />

importants, notamment en ce qui concerne la sécurité,<br />

mais le public adore ça. Bien <strong>des</strong> spect<strong>at</strong>eurs se déplacent<br />

parce que la manifest<strong>at</strong>ion se déroule dans un<br />

endroit bizarre. Ainsi avons-nous fait <strong>des</strong> concerts dans<br />

<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers de répar<strong>at</strong>ion du TGV, dans <strong>des</strong> piscines.<br />

Je viens de faire un concert avec qu<strong>at</strong>re groupes d’orchestres<br />

et qu<strong>at</strong>re chœurs pour Carré, de Stockhausen<br />

à la p<strong>at</strong>inoire de Strasbourg, un lieu qui n’avait jamais<br />

a t e l i e r 1<br />

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a t e l i e r 1<br />

servi à autre chose qu’à p<strong>at</strong>iner. Nous avons installé ce<br />

lieu gigantesque avec l’aide d’un acousticien et nous<br />

avons obtenu une salle de concert qui avait une réverbér<strong>at</strong>ion<br />

de moins de deux secon<strong>des</strong>. Le concert a<br />

été exc<strong>elle</strong>nt. Tout au long de ces vingt années, nous<br />

n’avons cessé de fréquenter <strong>des</strong> lieux insolites.<br />

Nous avons fait ensuite <strong>des</strong> propositions musicales<br />

croisées pour souligner que nous n’étions pas une espèce<br />

d’élite complètement repliée sur <strong>elle</strong>-même mais<br />

au contraire que nous étions ouverts sur bien d’autres<br />

<strong>musique</strong>s. Nous avons croisé <strong>des</strong> thém<strong>at</strong>iques, nous<br />

sommes allés vers les autres institutions cultur<strong>elle</strong>s<br />

et vers les pr<strong>at</strong>iques musicales am<strong>at</strong>eurs. Nous avons<br />

réuni par exemple <strong>des</strong> centaines d’interprètes pour<br />

une œuvre de L. Bério, Accordo, Mille musiciens pour<br />

la paix et cent cinquante guitaristes de rock pour une<br />

pièce de Rhys Ch<strong>at</strong>ham.<br />

Il faut que la <strong>musique</strong> contemporaine marque sa volonté<br />

de s’insérer dans le paysage musical en général.<br />

Par exemple, cette année, nous avons fêté Stockhausen<br />

pour son 75 e anniversaire. Considéré comme l’un<br />

<strong>des</strong> pères fond<strong>at</strong>eurs de la <strong>musique</strong> électronique, de<br />

la <strong>musique</strong> électroacoustique, nous avons demandé à<br />

<strong>des</strong> DJs, dont certains ont été ses élèves, de venir et<br />

de participer à notre édition 2003. Nous nous sommes<br />

aussi associés à un festival de <strong>musique</strong>s électroniques<br />

qui s’app<strong>elle</strong> Les Nuits de l’Ososphère et qui dure deux<br />

jours en bouclant tout un quartier populaire de Strasbourg.<br />

On y entend de la <strong>musique</strong> non-stop, de 7-<br />

8 heures du soir jusqu’à 4 heures du m<strong>at</strong>in.<br />

Il s’est toujours agi pour Musica d’aller vers les publics<br />

et de pr<strong>at</strong>iquer l’insertion sociale de la <strong>musique</strong><br />

contemporaine. Il ne faut donc pas négliger la médi<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> manifest<strong>at</strong>ions. En médi<strong>at</strong>isant, vous<br />

permettez d’abord aux artistes d’avoir <strong>des</strong> tribunes<br />

importantes (les artistes, les compositeurs aspirent<br />

aujourd’hui plus que jamais à une fonction sociale et<br />

à une reconnaissance sociale), et au public d’être valorisé.<br />

On n’imagine pas l’impact que peut avoir une<br />

opér<strong>at</strong>ion médi<strong>at</strong>isée auprès <strong>des</strong> habitants d’une ville<br />

: ils sont heureux que leur ville, leur espace vital,<br />

fasse tout d’un coup la une <strong>des</strong> journaux d’une façon<br />

valorisante. On ne peut plus aujourd’hui se permettre<br />

de mépriser cela ou de l’ignorer. Bien sûr, la proposition<br />

artistique doit être originale et de qualité.<br />

Un festival, qu<strong>elle</strong> que soit son importance n<strong>at</strong>ionale<br />

et intern<strong>at</strong>ionale, n’est viable à long terme que s’il<br />

trouve un public local, un enracinement fort. Bien sûr,<br />

il y a <strong>des</strong> exceptions comme Avignon ou Aix, manifest<strong>at</strong>ions<br />

d’envergure qui sont <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> estivaux<br />

drainant tout un public de touristes. Musica a lieu au<br />

mois de septembre, début octobre, et n’est donc pas<br />

un festival estival.<br />

Signalons aussi que nous sommes aujourd’hui dans<br />

un espace européen. En tant que Strasbourgeois, je ne<br />

peux pas ignorer cette réalité, c’est même une dimension<br />

fondamentale. Nous avons créé il y a trois ans,<br />

un réseau européen, financé de manière très importante<br />

par l’Union européenne. Il s’app<strong>elle</strong> le Réseau<br />

Varèse et il regroupe à l’heure actu<strong>elle</strong> dix-huit opér<strong>at</strong>eurs<br />

culturels de douze pays d’Europe. Nous venons<br />

d’avoir une réunion ce week-end à Vienne. Notre objectif<br />

est d’ouvrir la <strong>musique</strong> contemporaine aux publics<br />

les plus divers en faisant circuler nos projets dans<br />

cet espace et en créant <strong>des</strong> connexions entre les <strong>festivals</strong><br />

poursuivant les mêmes buts.<br />

Une dernière chose, enfin, signific<strong>at</strong>ive : toute une<br />

part de notre activité d’enracinement passe aussi par<br />

<strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions que nous menons avec le Conserv<strong>at</strong>oire<br />

N<strong>at</strong>ional de Région de Strasbourg, par le biais de résidences<br />

de compositeurs. Il est indispensable d’aller<br />

vers de jeunes publics, vers <strong>des</strong> musiciens en devenir<br />

en leur donnant la possibilité de travailler sur un projet<br />

avec un compositeur. Il n’est pas inutile non plus<br />

que le compositeur soit confronté à <strong>des</strong> jeunes instrumentistes.<br />

Depuis que nous avons développé cette<br />

collabor<strong>at</strong>ion en 91, nous avons sensiblement rajeuni<br />

notre public. Ma préoccup<strong>at</strong>ion n’est pas d’augmenter<br />

le nombre de spect<strong>at</strong>eurs, de faire du prosélytisme<br />

mais de transmettre aux nouv<strong>elle</strong>s génér<strong>at</strong>ions l’expérience<br />

et le p<strong>at</strong>rimoine que représente le répertoire de<br />

Musica. C’est faire en sorte que cette <strong>musique</strong> puisse<br />

Un festival,<br />

qu<strong>elle</strong> que soit<br />

son importance<br />

n<strong>at</strong>ionale et intern<strong>at</strong>ionale,<br />

n’est viable<br />

à long terme<br />

que s’il trouve<br />

un public local,<br />

un enracinement fort.<br />

passer le relais d’une génér<strong>at</strong>ion à l’autre, entreprise<br />

d’autant plus difficile que nous avons à lutter contre<br />

<strong>des</strong> médias, comme la télévision, qui se moquent bien<br />

de ce que nous faisons.<br />

En ce qui concerne Musica, le budget de communic<strong>at</strong>ion<br />

représente 120 000 euros sur un budget de<br />

1 900 000 euros. Je peux vous dire qu’il y a vingt<br />

ans quand le festival a été lancé, le budget communic<strong>at</strong>ion<br />

était de l’ordre 210 000 euros sur un budget<br />

qui ne devait pas dépasser les 765 000 euros. C’était<br />

tout à fait nécessaire au début car il fallait donner à<br />

cette manifest<strong>at</strong>ion une ré<strong>elle</strong> existence médi<strong>at</strong>ique.<br />

Je vous signale aussi qu’à part un supplément de 8<br />

pages que je réalise avec le quotidien régional, les<br />

DNA, je n’achète pas d’espace presse. Je dois dire<br />

qu’aujourd’hui, la communic<strong>at</strong>ion de Musica est assurée<br />

principalement par les médias. Nous avons une<br />

revue de presse de plus de 300 articles. En ce qui concerne<br />

le budget artistique, il représente 60 % <strong>des</strong> dépenses.<br />

Les frais de fonctionnement 24 %. Les frais de<br />

communic<strong>at</strong>ion, moins de 10 %. Musica est financé<br />

à 70-75 % par les pouvoirs publics, l’Ét<strong>at</strong>, la Ville,<br />

le Département, la Région. L’essentiel du budget est<br />

donc consacré à l’artistique.<br />

S’agissant encore <strong>des</strong> médias, je reste persuadé qu’il<br />

faut être original pour les intéresser. Si vous avez une<br />

proposition qui ressemble à c<strong>elle</strong>s d’autres <strong>festivals</strong>,<br />

c’est sûr, vous aurez beaucoup de mal à les motiver.<br />

S’ils ne parlent pas de vous, vous allez être obligé de<br />

parler « vous-mêmes » de vous et donc d’acheter <strong>des</strong><br />

espaces. Or faire preuve d’originalité, vu le nombre<br />

de <strong>festivals</strong>, ce n’est pas évident, même pour un festival<br />

important. On a autant de mal que vous à faire<br />

venir les journalistes, surtout pour de la <strong>musique</strong> contemporaine.<br />

Voyez France Musiques qui n’a enregistré<br />

que deux concerts de Musica 2003 au lieu de 10-15<br />

habitu<strong>elle</strong>ment.<br />

Là où nous sommes tous égaux, c’est dans le domaine<br />

<strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions publiques. Les responsables de <strong>festivals</strong><br />

doivent être continu<strong>elle</strong>ment sur le terrain pour communiquer<br />

leur projet en créant <strong>des</strong> contacts aussi larges<br />

que possibles, notamment avec les élus qui prennent<br />

de plus en plus d’importance dans les régions du<br />

fait de la décentralis<strong>at</strong>ion.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Vous évoquez les jeunes génér<strong>at</strong>ions. Un mot qu’ils<br />

adorent est le mot « effervescence » que vous avez<br />

prononcé, qui est tout à fait lié aux <strong>musique</strong>s électroniques.<br />

Je me tourne vers notre prochain interlocuteur,<br />

Jean-Michel Verneiges. Comment justement fait-on<br />

pour créer l’effervescence d’un festival à Saint-Michelen-Thiérache,<br />

abbaye peu <strong>des</strong>tinée en principe à vivre<br />

ce type d’effervescence.<br />

Jean-Michel VERNEIGES<br />

Mon témoignage sera très différent. En effet, Saint-<br />

Michel-en-Thiérache n’est ni Strasbourg, ni Nantes ni<br />

la Roque d’Anthéron. Le festival est né de circonstances<br />

et de str<strong>at</strong>égies qui n’ont pas grand-chose à voir,<br />

finalement, avec c<strong>elle</strong>s qui nous ont été présentées à<br />

l’instant, str<strong>at</strong>égies un peu a priori, avec <strong>des</strong> concepts<br />

forts, qui peuvent même prendre la forme de comman<strong>des</strong><br />

comme ça a été le cas à Strasbourg. À Saint-<br />

Michel-en-Thiérache, en revanche, nous nous sommes<br />

retrouvés presque par hasard avec un festival sur les<br />

bras, une manifest<strong>at</strong>ion indissociable de l’action que<br />

je mène au niveau départemental avec le Conseil Général<br />

de l’Aisne. Je suis aussi directeur d’une ADDM,<br />

l’ADAMA en l’occurrence, Associ<strong>at</strong>ion Départementale<br />

de Développement Musical. Dans les années 87-<br />

88, nos préoccup<strong>at</strong>ions furent de trouver un concept<br />

d’utilis<strong>at</strong>ion d’un lieu, cette abbaye bénédictine précisément,<br />

en restaur<strong>at</strong>ion, Saint-Michel-en-Thiérache.<br />

Elle se situe dans une commune au nord-est du<br />

département de l’Aisne, tout près de la frontière belge,<br />

à 200 km d’ici, une commune d’à peine 4 000<br />

habitants, rien à voir donc avec les secteurs urbains,<br />

peuplés, voire touristiques que nous évoquions tout à<br />

l’heure.<br />

À l’époque, le département n’avait pas du tout l’intention<br />

de créer un festival dans cette abbaye, il s’agissait<br />

plutôt d’élaborer un projet susceptible de faire vivre un<br />

lieu au potentiel important, à l’occasion de la première<br />

restaur<strong>at</strong>ion d’un orgue historique qui compte parmi<br />

les plus importants, édifié en 1714, dont il fallait<br />

faire un usage, la conserv<strong>at</strong>ion n’étant pas l’objectif<br />

exclusif qui nous animait. Il se trouve que l’instrument<br />

est situé dans un lieu architectural très privilégié, qui<br />

a révélé également <strong>des</strong> capacités d’accueil de la <strong>musique</strong><br />

vocale, de par ses qualités acoustiques. On nous a<br />

demandé de proposer un certain nombre de manifest<strong>at</strong>ions<br />

<strong>des</strong>tinées à un public de passage, de hasard je<br />

dirais, qui, à la faveur de ses découvertes, de ses bala<strong>des</strong><br />

dans les chemins de randonnées, etc., pouvait se<br />

voir, là, offrir de la <strong>musique</strong>.<br />

Très rapidement, il nous est apparu que cette démarche<br />

serait insuffisante, d’abord parce que le public luimême,<br />

il fallait se rendre à l’évidence, était inexistant.<br />

Très vite, il nous apparut important de concevoir un<br />

projet qui mette en valeur le site et ses potentialités<br />

n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>s, en particulier baroques : l’orgue, je vous<br />

le rapp<strong>elle</strong>, d<strong>at</strong>e de 1714 et, quant à la nef de l’abb<strong>at</strong>iale,<br />

<strong>elle</strong> a été reconstruite par un abbé italien au<br />

XVII e , si bien que se dresse au cœur de la Thiérache, en<br />

pleine campagne, une façade qui ressemble à c<strong>elle</strong> du<br />

Jésus à Rome ou à c<strong>elle</strong> du Val de Grâce à Paris. Toute<br />

chose donc qui, tout n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>ment, nous orientait vers<br />

la <strong>musique</strong> ancienne et la <strong>musique</strong> baroque.<br />

Il a donc fallu faire au public <strong>des</strong> propositions en parfaite<br />

adéqu<strong>at</strong>ion avec les contraintes du site. Saint-<br />

Michel-en-Thiérache est à l’écart de toute zone véritablement<br />

touristique, à l’écart <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> voies de<br />

communic<strong>at</strong>ion et ne dispose pr<strong>at</strong>iquement pas d’hôt<strong>elle</strong>rie<br />

de proximité qui permette d’accueillir en nombre<br />

un public. Assez rapidement, on a décidé d’organiser<br />

<strong>des</strong> concerts uniquement le dimanche, mais en favorisant<br />

quand même un déplacement éventu<strong>elle</strong>ment<br />

lointain d’un public motivé par quelque chose d’ordre<br />

événementiel, en rupture aussi avec les habitu<strong>des</strong> normales<br />

du concert. D’où la naissance d’un concept qui<br />

prévaut toujours d’ailleurs, dans le festival : <strong>des</strong> journées<br />

complètes de <strong>musique</strong>, s’étalant sur les dimanches<br />

uniquement, selon un schéma mis en œuvre à la<br />

faveur d’une journée spéciale que nous avions montée<br />

avec Radio-France à la Pentecôte 87, qui fut l’acte<br />

fond<strong>at</strong>eur du festival.<br />

En fait nous avons proposé au public de venir passer<br />

une journée à la campagne afin d’y écouter de<br />

la <strong>musique</strong> de très haut niveau : à 11 h 30, il assiste<br />

d’abord à un concert d’une heure sans pause, puis<br />

il peut déjeuner sur le site abb<strong>at</strong>ial, rencontrer les<br />

artistes à 15 heures pour un déb<strong>at</strong> informel, puis il<br />

est convié à un deuxième concert à 16 h 30 en deux<br />

parties, jusque vers 19 heures ou 20 heures selon les<br />

programmes. Transformer ainsi un handicap, celui de<br />

l’éloignement ou de l’isolement, en un <strong>at</strong>out marketing<br />

: oui, c’est loin, oui, c’est perdu, oui, on ne peut<br />

pas se loger, mais on se déplace quand même pour<br />

passer un dimanche à la fois artistique et ludique.<br />

Une démarche qu’a permise notre collabor<strong>at</strong>ion avec<br />

Radio-France, véritable mission de service public. Démarche<br />

extrêmement constructive, toujours prégnante<br />

aujourd’hui d’ailleurs afin de continuer à faire exister<br />

le festival et le développer. Nous avons donc contacté<br />

à l’époque les responsables de France Musiques, et<br />

leur avons proposé le projet que nous avions mis sur<br />

pied et que nous produisions : acheminer un public<br />

de Paris, puis d’agglomér<strong>at</strong>ions situées sur le trajet,<br />

à bord d’un train spécialement affrété à la gare du<br />

Nord dans le seul but d’assister à un moment particulier<br />

événementiel. 500 personnes furent réunies dans<br />

cette abbaye. Conformément au contr<strong>at</strong> avec France<br />

Musiques, la promotion a été assurée par l’antenne,<br />

les deux concerts étant eux retransmis en direct. Ce fut<br />

véritablement le point de départ du festival jusqu’à<br />

encore aujourd’hui. <strong>La</strong> rel<strong>at</strong>ion avec Radio France que<br />

je qualifiais de si importante, ne s’est pas arrêtée là.<br />

Elle s’est également enrichie de réalis<strong>at</strong>ions discographiques.<br />

Dès la première année, nous avons coproduit<br />

un enregistrement de l’orgue historique avec<br />

André ISOIR afin de permettre au public de repartir<br />

tout de suite avec une carte postale sonore du lieu. Et<br />

chaque année, nous avons procédé à <strong>des</strong> enregistrements<br />

réguliers, non seulement de l’orgue mais bien<br />

entendu aussi d’autres programmes vocaux ou instrumentaux<br />

car, je le précise, Saint-Michel-en-Thiérache<br />

est loin d’être un festival d’orgue. L’orgue, même<br />

s’il reste un emblème du lieu et marque son identité,<br />

est finalement très minoritairement utilisé dans les<br />

programmes du festival. <strong>La</strong> collabor<strong>at</strong>ion avec Radio-<br />

France a culminé en 95 avec la cré<strong>at</strong>ion d’une collection<br />

discographique intitulée Tempérament, précisément<br />

consacrée aux orgues historiques, mais sous<br />

un angle que nous avons voulu très ouvert, non pas<br />

simplement <strong>des</strong> disques récitals, mais <strong>des</strong> programmes<br />

associant la <strong>musique</strong> vocale et instrumentale à<br />

un orgue historique (pas uniquement celui de l’Abbaye<br />

de Saint-Michel-en-Thiérache, ceux aussi de<br />

Toulouse, Saint-Maximin de Provence ou même de<br />

l’étranger), collection coéditée par le département de<br />

l’Aisne et Radio France.<br />

C’est donc grâce à l’action conjuguée de deux services<br />

publics, territorial (le département) et n<strong>at</strong>ional (Radio<br />

France) qu’un public a pu être capté.<br />

Il faut ajouter un dernier point très important qui a<br />

contribué à renforcer la présence du public sur le lieu.<br />

Ce festival, loin d’être un projet isolé, s’allie à d’autres<br />

manifest<strong>at</strong>ions festivalières du département, c<strong>elle</strong> par<br />

exemple qui se déroule en automne à <strong>La</strong>on, ville préfecture,<br />

où a été monté en 89, en complémentarité<br />

avec celui de Saint-Michel-en-Thiérache, un festival<br />

de <strong>musique</strong>, consacré plutôt au répertoire <strong>des</strong> XIX e et<br />

XX e siècles. C’est là une façon de dynamiser le public<br />

local et régional, d’un festival à l’autre, d’une période<br />

de l’année à l’autre.<br />

De plus, suite à notre collabor<strong>at</strong>ion avec Radio-France,<br />

nous accueillons à <strong>La</strong>on toutes les form<strong>at</strong>ions permanentes<br />

de Radio-France, du N<strong>at</strong>ional au Philharmonique<br />

en passant par le chœur, etc.<br />

Mon objectif, aujourd’hui, est de continuer à capitaliser<br />

ces dynamiques et faciliter la circul<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics.<br />

Nous ne sommes évidemment pas dans les mêmes<br />

grilles de chiffres évoquées tout à l’heure. Saint-Michelen-Thiérache,<br />

c’est 5 000 personnes sur 5 dimanches<br />

consécutifs, de la mi-juin à la mi-juillet : 5 journées,<br />

10 concerts pour ainsi dire, et un public qui provient<br />

majoritairement de la grande région, même si on compte<br />

à peu près 10 % de Franciliens, auxquels s’ajoutent<br />

bien sûr aussi quelques accros indéfectibles du baroque<br />

qui empruntent tous les circuits spécialisés et suivent<br />

les plus grands interprètes. Il n’en reste pas moins que<br />

60% du public est constitué par les gens du département<br />

de l’Aisne et <strong>des</strong> régions limitrophes (la Champagne-Ardenne,<br />

le reste de la Picardie et du Nord-Pas-de-<br />

Calais, le bassin lillois, la Belgique…) Depuis trois ans,<br />

nous avons développé une manifest<strong>at</strong>ion de l’autre côté<br />

de la frontière : un concours de chant baroque au château<br />

de Chimey, également lié aux manifest<strong>at</strong>ions de<br />

Saint-Michel-en-Thiérache, gage d’ouverture bien sûr<br />

vers d’autres publics qui circulent de part et d’autre de<br />

la frontière, ce qui nous permet en outre de bénéficier de<br />

financements interrégionaux, non négligeables comme<br />

vous le savez.<br />

Voilà comment, sur une terre complètement vierge,<br />

nous avons pu mobiliser un public en tenant compte<br />

d’abord de la spécificité du lieu et de ce que nous voulions<br />

apporter.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

On voit déjà se <strong>des</strong>siner un certain nombre de lignes<br />

de force, me semble-t-il. On a parlé de la forme du<br />

concert, de la médi<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion, du prix, toute chose importante<br />

pour <strong>at</strong>tirer <strong>des</strong> gens. Je retiens un mot employé<br />

par René Martin : faire que le public dépasse<br />

ses complexes. Nécessité donc d’une pédagogie, d’une<br />

ouverture. Nous avons demandé à Hélène Jarry de réfléchir<br />

à cette question.<br />

Hélène JARRY<br />

« <strong>La</strong> démarche pédagogique dans les <strong>festivals</strong> », tel<br />

était le sujet de mon intervention. Je me suis permis<br />

d’infléchir le propos, en raison <strong>des</strong> limites de mes<br />

compétences d’une part et d’autre part en raison de<br />

mon intuition. <strong>La</strong> question se nuance d’interrog<strong>at</strong>ion :<br />

les <strong>festivals</strong> ont-ils une démarche pédagogique ? Exercent-ils<br />

un impact sur les élèves du système scolaire ?<br />

a t e l i e r 1<br />

10 11


a t e l i e r 1<br />

Je suis conseillère pour la <strong>musique</strong> de ce qui s’est<br />

d’abord appelé la mission de l’éduc<strong>at</strong>ion artistique,<br />

mise en place au Ministère de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale<br />

en 2000, connue aujourd’hui sous le nom de département<br />

<strong>musique</strong> du Centre N<strong>at</strong>ional de Document<strong>at</strong>ion<br />

Pédagogique. C’est en tant que t<strong>elle</strong> que je m’exprime.<br />

Est-ce que le fait d’appartenir à une mission ou à<br />

un département change mes envies et mon énergie ?<br />

je ne le crois pas. Ce travail me permet d’envisager<br />

à un niveau n<strong>at</strong>ional ce qui m’a toujours intéressée<br />

quand j’étais professeur de <strong>musique</strong>, à savoir la richesse<br />

que peut constituer le contact avec la <strong>musique</strong><br />

vivante, en train de se faire, la richesse que représente<br />

la rencontre d’artistes en chair et en os pour <strong>des</strong><br />

enfants et <strong>des</strong> adolescents qui ne reçoivent pas une<br />

éduc<strong>at</strong>ion musicale spécialisée, mais seulement c<strong>elle</strong><br />

dispensée à l’école, au collège ou au lycée. C’est donc<br />

essenti<strong>elle</strong>ment sous cet angle que je vais aborder la<br />

question qui nous préoccupe. Je n’ignore pas qu’une<br />

<strong>des</strong> gran<strong>des</strong> dimensions <strong>des</strong> actions pédagogiques <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong>, ce sont les masterclasses qui constituent sans<br />

doute numériquement les événements les plus nombreux<br />

où peut-être les formes d’intervention sont les<br />

plus abouties, les plus poussées. Cependant, pour ce<br />

que j’ai observé, même dans ce cadre-là, j’hésite à<br />

parler de démarche pédagogique <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, tant<br />

<strong>elle</strong> dépend de l’artiste lui-même. En vérité, autant<br />

d’artistes, autant de démarches pédagogiques.<br />

Resituons très brièvement les choses dans un contexte<br />

un peu plus vaste. Les partenari<strong>at</strong>s entre le milieu<br />

enseignant et les institutions musicales ne d<strong>at</strong>ent pas<br />

d’hier. Il y a longtemps qu’autour de certains orchestres<br />

et de certaines maisons d’opéras se sont bâties<br />

<strong>des</strong> politiques pour le jeune public, reflet souvent de<br />

très fortes personnalités et reposant pour beaucoup sur<br />

de vrais militants de l’action pédagogique cultur<strong>elle</strong><br />

artistique. Ce qui me semble avoir changé, disons à<br />

partir du plan pour les arts à l’école, lancé en 2000,<br />

c’est le fait qu’on ait reconnu la légitimité de leurs<br />

actions. Trop souvent en effet, il a fallu que les enseignants<br />

se b<strong>at</strong>tent, au sein même de leur établissement,<br />

pour justifier le simple fait d’emmener les élèves<br />

au concert, les y préparer, etc. Il est très important<br />

de donner une légitimité, d’accorder <strong>des</strong> moyens financiers,<br />

ce qui a été fait, enfin de fixer un cadre, ce<br />

qui évite le gâchis ou la dispersion, tant sont riches les<br />

propositions artistiques, surgies <strong>des</strong> orchestres, maisons<br />

d’opéras, ensembles et <strong>festivals</strong>.<br />

Un dispositif a été mis en place qui s’app<strong>elle</strong> les classes<br />

à projets artistiques et culturels. Même si toutes les actions<br />

qu’on peut imaginer n’entrent pas forcément dans<br />

ce cadre, son mérite est d’avoir fixé une sorte d’idéal de<br />

ce qu’est un vrai contact artistique intégré à la vie de la<br />

classe, non pas la cerise sur le gâteau, non pas la sortie<br />

qui ne rime à rien, mais quelque chose qui a un avant,<br />

un pendant et un après. Ce dispositif est vraiment très<br />

intéressant parce qu’il envisage cette mise en contact<br />

<strong>des</strong> enfants avec les artistes et la <strong>musique</strong> vivante. Il<br />

vaut d’ailleurs pour toutes les disciplines artistiques, tant<br />

il a une vraie dimension, une véritable ambition. Une<br />

t<strong>elle</strong> ambition est-<strong>elle</strong> comp<strong>at</strong>ible avec le côté éphémère<br />

d’un festival ? On serait presque tenté de répondre<br />

par la nég<strong>at</strong>ive si <strong>des</strong> contre-exemples n’existaient pas,<br />

que je voudrais vous présenter car je crois énormément<br />

à l’effet de contagion.<br />

Par rapport à de tels projets, le handicap d’un festival<br />

tient d’une part à sa présence réduite dans le temps,<br />

d’autre part à son équipe de fonctionnement, <strong>elle</strong> aussi<br />

souvent réduite. De plus, certains <strong>festivals</strong> semblent<br />

d’emblée hors course parce qu’ils ont lieu l’été, hors de<br />

toute période scolaire. Pour d’autres, il est trop difficile<br />

de concevoir un dispositif qui fasse qu’une personne<br />

de l’équipe puisse assurer le dialogue essentiel avec<br />

les enseignants qui vont avoir envie de profiter de cette<br />

occasion. Alors, dans un premier temps, avec l’aide<br />

de France Festivals, j’ai cherché à obtenir <strong>des</strong> données<br />

numériques et donc consulté <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Pour 2002,<br />

sur 45 membres actifs, 15 ont mené <strong>des</strong> masterclasses,<br />

<strong>des</strong> académies, <strong>des</strong> stages pour adultes, ce qui fait une<br />

soixantaine de manifest<strong>at</strong>ions environ, 13 <strong>festivals</strong> ont<br />

eu <strong>des</strong> actions avec <strong>des</strong> classes. Mais il est assez difficile<br />

de connaître avec précision le contenu de ces actions.<br />

Pour les organis<strong>at</strong>ions abonnées, sur 36 <strong>festivals</strong>, 10 ont<br />

mené 15 masterclasses et 7 actions avec <strong>des</strong> classes. Les<br />

manifest<strong>at</strong>ions avec les classes se monteraient au nombre<br />

de 41, mais j’ai remarqué que le festival de Brault<br />

sous Valmy, à lui seul, en compte 20, ce qui brouille<br />

complètement mes st<strong>at</strong>istiques.<br />

Alors j’ai envoyé un questionnaire pour avoir un peu<br />

plus d’inform<strong>at</strong>ions sur les actions avec le milieu scolaire<br />

: le bide complet ! Peut-être est-ce là le signe de<br />

la difficulté dans laqu<strong>elle</strong> se trouvent les <strong>festivals</strong> d’assurer<br />

un suivi rel<strong>at</strong>ionnel au-delà de leur stricte période<br />

d’activité ? Donc pas de possibilité d’établir <strong>des</strong><br />

st<strong>at</strong>istiques signific<strong>at</strong>ives à partir <strong>des</strong> données chiffrées<br />

que j’ai obtenues, d’autant plus que même les <strong>festivals</strong><br />

qui ont une très importante action pédagogique<br />

ne la font pas forcément figurer dans leurs tablettes.<br />

Il n’est qu’à vous reporter à l’intervention de deux de<br />

nos interlocuteurs à cette table : l’un a évoqué le travail<br />

très important fait avec le conserv<strong>at</strong>oire de Strasbourg,<br />

et, quant aux Folles journées de Nantes, il va<br />

de soi que s’effectue un travail avec le milieu scolaire.<br />

Malgré le manque de chiffres, je vais évoquer quelques<br />

exemples signific<strong>at</strong>ifs.<br />

Prenons le cas du Festival d’Île de France qui me<br />

donne l’occasion de fournir un témoignage qualit<strong>at</strong>if,<br />

toujours utile pour alimenter et enrichir nos pr<strong>at</strong>iques.<br />

Le <strong>des</strong>criptif et le bilan de ce qui a été fait<br />

m’ont été donnés par un prof de <strong>musique</strong> de région<br />

parisienne, très investi. Raoul <strong>La</strong>y, chef d’orchestre<br />

de l’ensemble Télémaque de Marseille, est intervenu<br />

au collège Saint-Exupéry de Vincennes au mois<br />

d’octobre, dans le cadre de ce festival. Son travail<br />

avec les élèves de cinquième a consisté en une initi<strong>at</strong>ion<br />

à la direction d’orchestre, sur l’œuvre de Manuel<br />

de Falla, L’Amour sorcier. Pour donner à cette<br />

expérience toute sa valeur, <strong>elle</strong> a été inscrite dans le<br />

projet d’établissement. Un travail interdisciplinaire<br />

s’est rapidement mis en route avec d’autres professeurs<br />

du collège : le professeur d’espagnol a sensibilisé<br />

les élèves à la culture gitane et au flamenco et<br />

les élèves ont assisté à une projection du film Noces<br />

de sang. En géographie, le professeur a fait découvrir<br />

l’Andalousie, celui de français a travaillé sur <strong>des</strong><br />

extraits du Livret et, en <strong>at</strong>tendant la venue du chef,<br />

le professeur d’éduc<strong>at</strong>ion musicale a familiarisé les<br />

élèves avec la partition de l’Amour sorcier et sa <strong>musique</strong>.<br />

Ensuite Raoul <strong>La</strong>y a pris en charge les élèves,<br />

constitués de 2 groupes de 12, à raison de 4 heures<br />

par jour environ. Un concert a eu lieu, le 10 octobre<br />

en soirée, au Théâtre Daniel Sorano de Vincennes,<br />

au cours duquel les élèves ont, à tour de rôle, dirigé<br />

l’orchestre. Expérience extraordinaire et très riche<br />

selon les élèves, les professeurs et les musiciens.<br />

Enfin, les élèves ont participé le mercredi 8 octobre<br />

à l’émission « Un poco agit<strong>at</strong>o », diffusée depuis la<br />

Maison de Radio France. Vous voyez qu’il s’agit là<br />

d’une action extrêmement fouillée, très complexe,<br />

complète, qui a nécessité un réel investissement. On<br />

est à 1 000 lieues de l’image bébête de la simple<br />

sortie d’élèves.<br />

Un autre bilan très intéressant est venu d’enseignants<br />

qui ont travaillé dans le cadre du Festival d’Aix-en-<br />

Provence, qui, lui, a lieu au mois de juillet, donc hors<br />

temps scolaire… Mais il se trouve que pour préparer<br />

les spectacles, du fait aussi de l’existence de l’Académie<br />

européenne de <strong>musique</strong> qui travaille beaucoup en<br />

amont à Aix-en-Provence, l’équipe artistique est présente<br />

sur les lieux pendant la période scolaire. Donc,<br />

depuis 1998, un programme d’actions pédagogiques<br />

de sensibilis<strong>at</strong>ion à l’opéra est proposé par le Festival<br />

d’art lyrique aux collèges et lycées, véritable contr<strong>at</strong><br />

de confiance réciproque entre le festival d’une part,<br />

et les enseignants et les élèves d’autre part, qui s’engagent<br />

à travailler ensemble. Ainsi, entre janvier et<br />

juin, beaucoup d’événements : interventions de certains<br />

artistes auprès <strong>des</strong> classes, évoquant les œuvres<br />

de manière très complète, interventions qui donnent<br />

m<strong>at</strong>ière ensuite à une explor<strong>at</strong>ion et à <strong>des</strong> éclaircissements<br />

par l’enseignant. Une répartition <strong>des</strong> rôles<br />

ainsi bien comprise entre l’artiste et l’enseignant. Ou<br />

bien encore, visite par les élèves <strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers de Ven<strong>elle</strong>s,<br />

qui, plongeant les élèves au cœur du spectacle,<br />

provoque l’enthousiasme. Sans oublier le plaisir<br />

de la rencontre avec les jeunes artistes de l’Académie<br />

européenne de <strong>musique</strong>. Enfin proposition est faite par<br />

le festival d’un tarif scolaire préférentiel de 10 euros<br />

pour faciliter aux élèves l’accès aux spectacles. Ce qui<br />

me semble très intéressant dans ce cas-là, c’est qu’un<br />

gros travail prépar<strong>at</strong>oire s’opère dans le cadre scolaire,<br />

assumé par un large encadrement, mais qu’ensuite<br />

les élèves, individu<strong>elle</strong>ment, ont la possibilité de faire<br />

le choix d’aller ou non au spectacle, disposant ainsi<br />

d’une large autonomie vis-à-vis de la proposition<br />

qui leur a été faite, pas du tout contraints par un dispositif<br />

d’encadrement trop strict. On const<strong>at</strong>e que les<br />

élèves, après avoir découvert le travail <strong>des</strong> musiciens,<br />

sont présents en nombre au spectacle, malgré sa programm<strong>at</strong>ion<br />

en juillet.<br />

Il faut en particulier souligner, et les enseignants le<br />

font, le rôle majeur de la personne, issue de la structure<br />

festivalière, qui assure vraiment une continuité entre<br />

le projet et sa mise en œuvre complète. Les liens<br />

qui se créent sont essentiels.<br />

Je pourrais vous donner beaucoup d’autres exemples.<br />

Ici, à Royaumont, <strong>des</strong> actions pédagogiques ont été<br />

mises en place, liées à chaque saison. Même chose<br />

à <strong>La</strong> Villette, lors <strong>des</strong> manifest<strong>at</strong>ions de jazz. Je peux<br />

aussi évoquer une incroyable histoire, c<strong>elle</strong> d’un festival<br />

qui a sauvé un collège. À Marciac, dans le Sud-<br />

Ouest, un collège perdait beaucoup de ses élèves. Son<br />

proviseur, également président du festival de jazz de<br />

Marciac, a t<strong>elle</strong>ment nourri la vie de son collège de<br />

c<strong>elle</strong> du festival, que <strong>des</strong> classes musicales ont dû y<br />

être créées. Maintenant les élèves de la région se b<strong>at</strong>tent<br />

pour s’y faire inscrire.<br />

Alors qu<strong>elle</strong>s perspectives ? Évidemment très diverses<br />

en fonction <strong>des</strong> acquis. Des enseignants, très contents<br />

<strong>des</strong> bénéfices pédagogiques que leur procurent<br />

les <strong>festivals</strong>, pensent que ces derniers jouent un rôle<br />

tout aussi important que certains orchestres, opéras<br />

ou autres lieux de diffusion permanents. Dans d’autres<br />

endroits, les choses sont plus embryonnaires, voire<br />

inexistantes. En tout cas, si l’on veut élargir les publics,<br />

ne serait-ce que dans un esprit citoyen et pas<br />

seulement utilitariste ou mercantile, ces expériences<br />

sont riches d’enseignement.<br />

Inclure notamment les parents à la communauté éduc<strong>at</strong>ive,<br />

faire qu’ils se sentent concernés par les projets<br />

pédagogiques en place, est une démarche très<br />

forte. J’ai visité <strong>des</strong> classes ayant suivi <strong>des</strong> initi<strong>at</strong>ions<br />

à l’opéra, dont certains <strong>des</strong> enfants ne pouvaient partager<br />

avec leurs parents les émotions qu’ils avaient<br />

ressenties en allant à l’opéra, en écoutant un répertoire,<br />

très étranger à celui de leur tradition familiale et<br />

à leurs habitu<strong>des</strong> d’écoute. Or, outre les sensibiliser,<br />

faire aussi que les élèves puissent parler de ces choses-là<br />

chez eux, convier élèves et parents aux manifest<strong>at</strong>ions,<br />

c’est aussi extrêmement important. Une action<br />

éduc<strong>at</strong>ive réussie, c’est aussi élargir le public à partir<br />

de l’action éduc<strong>at</strong>ive <strong>elle</strong>-même.<br />

En conclusion, pas de généralis<strong>at</strong>ion : les <strong>festivals</strong> ne<br />

génèrent pas de fait une démarche pédagogique, mais<br />

je crois que certains <strong>festivals</strong> en adoptent une, souvent<br />

originale, qui me semble pouvoir servir de déclencheur,<br />

afin que plus nombreux soient les <strong>festivals</strong><br />

qui jouent un rôle dans l’éveil culturel et artistique <strong>des</strong><br />

enfants et <strong>des</strong> adolescents.<br />

Je voudrais finir avec quelques données pr<strong>at</strong>iques. Récemment<br />

est paru un livre blanc sur les actions pédagogiques<br />

<strong>des</strong> orchestres, édité par l’AFO (l’associ<strong>at</strong>ion<br />

française <strong>des</strong> orchestres), un livre très riche de témoignages<br />

sur <strong>des</strong> actions pédagogiques conduites par les<br />

ensembles instrumentaux et les orchestres. Au Ministère<br />

de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale, au CNDP qui en est l’organisme<br />

de document<strong>at</strong>ion, nous avons ouvert un site<br />

sur les arts et la culture, dont je vous donne l’adresse :<br />

www.artsculture.educ<strong>at</strong>ion.fr. Vous y trouverez tous<br />

les dispositifs récemment impulsés, depuis 2000, sur<br />

l’éduc<strong>at</strong>ion artistique à l’école, et, pour les gens particulièrement<br />

intéressés par les questions musicales,<br />

<strong>des</strong> dispositifs comme la mise en place de chartes de<br />

pr<strong>at</strong>iques vocales au niveau départemental. En tant<br />

que membres de cette grande communauté qui promeut<br />

la <strong>musique</strong>, c’est important que vous soyez au<br />

courant <strong>des</strong> outils mis en place. À votre disposition,<br />

existe aussi une liste de diffusion à laqu<strong>elle</strong> vous pouvez<br />

vous abonner, vous pourrez y lire <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions,<br />

essenti<strong>elle</strong>ment dans le domaine de la rel<strong>at</strong>ion Culture/Éduc<strong>at</strong>ion<br />

N<strong>at</strong>ionale. Cette liste de diffusion et ce<br />

site peuvent aussi faire circuler <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions venant<br />

de vous, concernant en priorité le public scolaire.<br />

Donc si vous avez <strong>des</strong> actions à faire connaître, à valoriser,<br />

si vous avez <strong>besoin</strong> de conseils, je vous engage<br />

fortement à entrer en contact avec ce département<br />

arts et culture.<br />

Les <strong>festivals</strong><br />

ne génèrent pas<br />

de fait une démarche<br />

pédagogique,<br />

mais certains <strong>festivals</strong><br />

en adoptent une,<br />

souvent originale.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Il nous reste un peu de temps pour discuter. Je vous<br />

propose de rebondir sur ce qui a été dit, de le compléter<br />

peut-être.<br />

Philippe ARNOLD<br />

Directeur - Dominicains<br />

de Haute-Alsace à Guebwiller<br />

Un sujet me semble n’avoir été qu’effleuré par les intervenants<br />

: celui <strong>des</strong> moyens qu’investissent aujourd’hui<br />

les <strong>festivals</strong> et d’autres organis<strong>at</strong>eurs dans la communic<strong>at</strong>ion,<br />

dans la publicité. Or ils prennent une part croissante,<br />

voire exponenti<strong>elle</strong>, au vu de la quantité incroyable<br />

de plaquettes, programmes de diffusion que nous recevons.<br />

Les frais occasionnés par les graphistes, les publicitaires,<br />

les frais d’envois, etc., prennent une proportion<br />

importante, qui va croissante, grignotant les budgets.<br />

Est-ce qu’ils contribuent à augmenter les publics, à<br />

les diversifier, à les toucher, à les informer ? Qu<strong>elle</strong> est la<br />

part consacrée aux artistes, aux budgets artistiques, ... ?<br />

Qu’en pense l’un ou l’autre <strong>des</strong> intervenants ?<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Qu<strong>elle</strong> est votre position à vous ?<br />

Philippe ARNOLD<br />

N’est-on pas en train d’assister à une fuite en avant où<br />

chacun est obligé de mettre plus pour pouvoir convaincre<br />

encore par rapport à d’autres organis<strong>at</strong>eurs, pour « rameuter<br />

» plus de public. On passe du programme aux affiches<br />

4 x 3, aux insertions publicitaires dans les journaux ;<br />

aujourd’hui un certain nombre de journaux de la presse<br />

quotidienne régionale disent très clairement : si vous voulez<br />

<strong>des</strong> couvertures d’annonces et même de critiques, il<br />

faut payer, ce qui est nouveau, c’est le cas en Alsace où se<br />

pr<strong>at</strong>ique une espèce de surenchère. Faut-il vraiment qu’on<br />

continue tous à consacrer autant d’argent et autant de<br />

moyens à la communic<strong>at</strong>ion pour convaincre <strong>des</strong> publics ?<br />

a t e l i e r 1<br />

12 13


a t e l i e r 1<br />

Jean-Dominique MARCO<br />

En ce qui concerne Musica, le budget de communic<strong>at</strong>ion<br />

qui comporte la conception de l’image, notre<br />

avant-programme, le livre-programme, les ach<strong>at</strong>s<br />

espace-presse, les cartons d’invit<strong>at</strong>ion, les cartons<br />

de vœux, les frais du photographe qui couvre le festival,<br />

bref, tout ce qui est communic<strong>at</strong>ion représente<br />

120 000 euros sur un budget d’1 900 000 euros. Je<br />

peux vous dire qu’il y a vingt ans lorsque le festival<br />

a été lancé, le budget communic<strong>at</strong>ion était de l’ordre<br />

10 000 euros sur un budget qui ne devait pas dépasser<br />

les 65 000 euros. C’était tout à fait nécessaire<br />

au début car il fallait donner à cette manifest<strong>at</strong>ion<br />

une existence médi<strong>at</strong>ique importante. Je vous signale<br />

aussi qu’à part un supplément de 8 pages que je<br />

réalise avec le quotidien régional, je n’achète pas<br />

un seul espace presse. Je dois dire qu’aujourd’hui,<br />

la communic<strong>at</strong>ion de Musica est assurée par les médias<br />

; nous avons une revue de presse qui représente<br />

plus de 300 articles. En ce qui concerne le budget<br />

artistique - et j’ai toujours tenu, ainsi que mes<br />

prédécesseurs, à ce que l’essentiel du budget aille<br />

dans l’artistique – il représente 60 %, les frais de<br />

fonctionnement 24 % et les frais de communic<strong>at</strong>ion<br />

moins de 10 %. Précisons que la plupart <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

comme Musica sont financés à 70-75 % par les<br />

pouvoirs publics, l’Ét<strong>at</strong>, la Ville, le Département, la<br />

Région, ce qui est normal, puisque nous remplissons<br />

une mission de service public, à savoir la mise en valeur<br />

du travail <strong>des</strong> artistes. L’essentiel du budget est<br />

donc consacré à l’artistique. Encore une fois, en ce<br />

qui concerne la communic<strong>at</strong>ion, ce sont davantage<br />

les médias qui viennent à moi plutôt que l’inverse.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Il faut tout de même préciser que tout le monde n’est<br />

pas égal face à la médi<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion. C’est plus facile<br />

quand on est Musica que quand on est une petite<br />

structure qui doit se faire connaître.<br />

René MARTIN<br />

Le budget est quasiment le même chez nous puisque<br />

la communic<strong>at</strong>ion représente 10 %, soit environ<br />

150 000 euros qui constituent notre budget. C’est<br />

vrai que, quand Diapason consacre 40 pages de rédactionnel<br />

à la Folle journée, il ne me demande rien.<br />

Et quand le Monde de la Musique fait un supplément<br />

spécial de 80 pages, même chose. Arte, au mois de<br />

janvier prochain, sera en direct, chose exceptionn<strong>elle</strong>,<br />

le samedi soir et le dimanche, pendant une heure<br />

et demie. Ce sera Arte qui paiera les droits aux<br />

artistes. Si France Musiques ou France-Culture sont<br />

là, ce sont ces radios qui les paient. Alors c’est vrai<br />

qu’on n’est pas tous égaux. Ce sont les contenus, les<br />

projets qui déclenchent les retombées médi<strong>at</strong>iques.<br />

<strong>La</strong> Roque d’Anthéron, aujourd’hui, a toujours de très<br />

bonnes retombées presse. Mais ça se travaille aussi,<br />

la communic<strong>at</strong>ion. Il faut innover, apporter sans cesse<br />

de nouv<strong>elle</strong>s choses. Quand j’entends dire « les<br />

journalistes sont incompétents », ce n’est pas vrai du<br />

tout. Il faut les respecter et leur donner <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions<br />

concrètes et précises, alors ils vont vous faire de<br />

très beaux articles. À Tours, dans la Grange de Meslay,<br />

depuis plusieurs années, on a <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s<br />

avec la Nouv<strong>elle</strong> République, jamais on ne nous a<br />

fait de chantage (sans partenari<strong>at</strong>, pas d’articles).<br />

J’en ai aussi avec Ouest-France et dans le Midi de la<br />

France avec d’autres journaux.<br />

Jean-Dominique MARCO<br />

Le problème, c’est que, dès qu’il s’agit <strong>des</strong> médias,<br />

il faut être original. Si vous avez une proposition<br />

qui ressemble fichtrement à c<strong>elle</strong>s d’autres <strong>festivals</strong>,<br />

c’est sûr, on aura beaucoup de mal à <strong>at</strong>tirer<br />

les médias. S’ils ne parlent pas de vous, vous allez<br />

être obligés de parler vous-mêmes de vous, donc<br />

d’acheter <strong>des</strong> espaces. Or faire preuve d’originalité,<br />

c’est vraiment difficile, même pour un festival<br />

connu.<br />

Une piste intéressante<br />

à explorer si on se<br />

soucie d’élargir <strong>des</strong><br />

publics, c’est donc<br />

de tisser <strong>des</strong> liens<br />

entre les structures<br />

permanentes<br />

et les lieux et<br />

les équipes qui<br />

s’occupent<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Pour clore la question <strong>des</strong> médias, je voudrais dire<br />

juste une chose, y travaillant moi-même. On ne peut<br />

pas nier de leur part <strong>des</strong> phénomènes d’emballement,<br />

de focalis<strong>at</strong>ion sur un certain nombre d’événements.<br />

Nous-mêmes à France-Culture, il faut parfois<br />

savoir résister pour pouvoir parler aussi d’autres choses.<br />

Il y a une dimension qu’il ne faut pas oublier :<br />

c’est son sujet qui valorise le journaliste. Donc si<br />

vous traitez <strong>des</strong> petites choses, vous ne vous valorisez<br />

pas du tout de la même façon. Je pense qu’on<br />

est tous pris dans ces contradictions-là. D’autres<br />

journalistes pourraient en témoigner.<br />

Isab<strong>elle</strong> du SAILLANT<br />

Présidente - Festival de la Vézère<br />

Je voudrais juste témoigner peut-être <strong>des</strong> petits <strong>festivals</strong>,<br />

pour lesquels les problèmes sont différents. Les<br />

petits <strong>festivals</strong> animent quantité de lieux : dans une<br />

zone rurale, il s’agit de petits villages, d’églises, nécessitant<br />

<strong>des</strong> programm<strong>at</strong>ions adaptées. Pourtant,<br />

avec <strong>des</strong> moyens moins grands, ils arrivent à séduire<br />

un public local très important, presque 70 % du public<br />

régional (ex : les <strong>festivals</strong> de la Tarentaise, de l’Orne<br />

ou du Comminges). Quand on a, comme moi, 12 lieux<br />

en charge, ça complique beaucoup la programm<strong>at</strong>ion<br />

et c’est un long travail que d’approcher ce public nouveau,<br />

quelque chose qui s’inscrit dans le temps. De<br />

plus, nos budgets, en comparaison <strong>des</strong> vôtres, sont assez<br />

faibles, mais même compar<strong>at</strong>ivement, la part de<br />

communic<strong>at</strong>ion paraît beaucoup plus lourde. Donc on<br />

est contraint à une communic<strong>at</strong>ion de type différent :<br />

énormément de bouche à oreille, de rapports locaux<br />

avec les élus (conseils municipaux). Une communic<strong>at</strong>ion,<br />

par la force <strong>des</strong> choses, pas très chère, mais<br />

très efficace. En revanche, au plan de la notoriété, <strong>elle</strong><br />

l’est moins. Et pourtant, en dépit de la mo<strong>des</strong>tie <strong>des</strong><br />

moyens ou <strong>des</strong> lieux, ces petits <strong>festivals</strong> sont d’une très<br />

grande qualité artistique.<br />

René MARTIN<br />

Je voudrais ajouter autre chose à propos de la communic<strong>at</strong>ion.<br />

Au moment de la Folle Journée, le long<br />

du périphérique à Paris, s’affichent <strong>des</strong> 4 x 3 m. Ce<br />

n’est pas moi qui les finance, je n’ai jamais cherché<br />

à les avoir. Alors, c’est qui ? C’est la ville de Nantes,<br />

parce qu’<strong>elle</strong> estime qu’aujourd’hui, la Folle Journée,<br />

c’est une très, très b<strong>elle</strong> image pour <strong>elle</strong>. Et<br />

c’est son service de la Communic<strong>at</strong>ion qui dégage un<br />

budget, je n’en suis même pas informé. Il s’est seulement<br />

engagé à respecter l’esprit de la Folle Journée.<br />

Depuis l’année dernière, on a élargi la Folle<br />

Journée au niveau de la région <strong>des</strong> Pays de la Loire.<br />

Il est évident que la Région, aujourd’hui, se sert de<br />

l’image de la Folle Journée pour communiquer, mes<br />

budgets ne sont en rien concernés par la question.<br />

En vérité, ça fait plus de 20 ans que je m’occupe de<br />

<strong>festivals</strong>, j’ai commencé par de toutes petites opér<strong>at</strong>ions,<br />

qui ont pris ensuite de l’ampleur. Il n’y a pas<br />

de petits ou de grands <strong>festivals</strong>, il y a <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

de qualité. Un petit festival en milieu rural avec une<br />

très, très jolie programm<strong>at</strong>ion, dans de très beaux<br />

endroits, peut avoir de bonnes chances d’être médi<strong>at</strong>isé,<br />

susciter l’<strong>at</strong>tention d’un journaliste qui aura<br />

envie de traiter le sujet. Mais est-ce que son rédacteur<br />

en chef va accepter ce sujet ? On s’aperçoit que<br />

les journalistes sont présents sur le terrain, ont envie<br />

d’écrire <strong>des</strong> articles. Mais comme les sujets n’offrent<br />

pas un intérêt général, ils ne passent pas.<br />

Bé<strong>at</strong>rice de ROQUEMAUREL<br />

Itinéraire baroque<br />

Festival du Périgord Vert<br />

Nous sommes situés dans le Périgord Vert. Nous<br />

sommes un tout petit festival qui vient à peine d’être<br />

créé. Nous avons fait notre deuxième saison, au<br />

mois de juillet dernier. Notre directeur artistique est<br />

Tom Koopman, donc quelqu’un de qualité. Des artistes<br />

se produisent dans cinq petites églises romanes.<br />

Le public se déplace d’église en église, sur une journée,<br />

concert la veille, grand concert le lendemain.<br />

Un projet pédagogique a été mis sur pied grâce à<br />

l’initi<strong>at</strong>ive d’une institutrice, passionnée par la <strong>musique</strong><br />

baroque, et qui travaille avec nous dans l’associ<strong>at</strong>ion.<br />

Elle a contacté les instituteurs <strong>des</strong> villages<br />

environnants. 90 enfants du niveau primaire ont été<br />

ainsi concernés par l’opér<strong>at</strong>ion. Pendant un mois, les<br />

enfants ont travaillé sur la <strong>musique</strong> baroque, les instruments,<br />

les costumes de l’époque ; ils ont visité les<br />

églises, observé l’architecture (on a aussi un projet<br />

architectural). Ensuite, Tom Koopman a joué devant<br />

eux, leur a expliqué la composition d’une œuvre, ça<br />

a duré à peu près 3/4 d’heure (il ne faut pas que ce<br />

soit trop long pour les enfants), puis il a discuté avec<br />

eux, ils ont pu toucher l’instrument, jouer sur un clavecin,<br />

pr<strong>at</strong>iquement pendant toute une m<strong>at</strong>inée entière.<br />

Ils sont repartis émerveillés. On en a reparlé,<br />

ils lui ont envoyé <strong>des</strong> mails pour lui dire combien ils<br />

avaient été enthousiasmés par ce qui s’était passé.<br />

Et pendant le festival, <strong>des</strong> gens sont venus nous dire<br />

que ce sont leurs enfants, ceux-là mêmes qui avaient<br />

participé à l’<strong>at</strong>elier, qui leur ont donné envie de venir.<br />

Cette année, le projet prend de l’ampleur, puisqu’il<br />

touche non seulement <strong>des</strong> enfants du primaire<br />

d’autres communes, mais aussi deux classes de<br />

cinquième. Il y aura donc 2 concerts : une première<br />

partie pour les enfants du primaire, CE1 CE2, CM1,<br />

CM2, une seconde pour <strong>des</strong> enfants de collège qui<br />

ont déjà une petite pr<strong>at</strong>ique musicale.<br />

Benoît DEBUYST<br />

Responsable de la communic<strong>at</strong>ion<br />

Festival de Wallonie<br />

On a parlé de la nécessité de l’ancrage local. M. Martin,<br />

vous avez donné comme exemple celui <strong>des</strong> commerçants<br />

relais. Le milieu <strong>des</strong> commerçants, a priori, ne<br />

constitue pas, le meilleur <strong>des</strong> vecteurs culturels. <strong>La</strong> façon<br />

dont vous avez fait appel à eux m’a intrigué. Comment<br />

les avez-vous convaincus au tout début, avant<br />

que les Folles Journées ne soient connues ? Comment<br />

avez-vous réussi à les réunir, alors qu’ils comptent leur<br />

temps, qu’est-ce que vous leur avez dit pour les faire<br />

participer, qu’est-ce qu’ils y ont trouvé comme avantages,<br />

et puis, comment avez-vous pu les former pour<br />

qu’ils puissent diffuser l’inform<strong>at</strong>ion t<strong>elle</strong> que vous<br />

vouliez la faire diffuser ?<br />

René MARTIN<br />

Il existe <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions de commerçants qui se regroupent<br />

en fonction de leur spécificité (boulangerie,<br />

charcuterie, etc.). On les a invitées, l’une après l’autre,<br />

ce qui m’a demandé beaucoup de temps : il a fallu<br />

leur donner <strong>des</strong> explic<strong>at</strong>ions sur la programm<strong>at</strong>ion, sur<br />

les artistes. J’ai tenu aussi à faire passer ce message, à<br />

savoir que nos sociétés riches d’aujourd’hui ont <strong>besoin</strong><br />

de <strong>musique</strong>, de théâtre, de danse ; apparemment, ils<br />

l’ont entendu. D’ailleurs, si je voulais être efficace,<br />

c’était important qu’ils y croient, eux aussi. Mais j’ai<br />

fait le même travail avec tous les professeurs de <strong>musique</strong><br />

<strong>des</strong> collèges, qu’on a réunis par l’intermédiaire du<br />

rector<strong>at</strong>. J’ai été présent sur le terrain de tous les relais<br />

possibles qui me semblaient à moi importants.<br />

Lors de la Folle Journée consacrée à Bach, ce sont les<br />

associ<strong>at</strong>ions <strong>des</strong> commerçants <strong>elle</strong>s-mêmes qui ont<br />

pris l’initi<strong>at</strong>ive. Elles sont venues me voir et m’ont<br />

dit : « On a eu une idée : on va distribuer une pochette<br />

de disque vide dans les 160 000 boîtes aux lettres<br />

de Nantes, les gens viendront récupérer le disque<br />

dans nos boutiques ». Vous vous rendez compte ? Du<br />

Bach acheté au kilo ! Mais, pour moi, les versions de<br />

Bach proposées devaient être c<strong>elle</strong>s <strong>des</strong> artistes qui se<br />

produisaient à la Folle Journée, Philippe Herreweghe,<br />

Rias Kammerchor, il fallait donc négocier auprès d’eux<br />

la gr<strong>at</strong>uité <strong>des</strong> droits, ce qu’ils ont accepté, Rias m’a<br />

donné un motet. Cela a été une merveilleuse opér<strong>at</strong>ion<br />

! Cette année encore, les commerçants se sont<br />

chargés de distribuer, dès le 10 décembre dans leurs<br />

boutiques, un disque comportant <strong>des</strong> extraits <strong>des</strong> œuvres<br />

présentées à la Folle Journée. Toute l’opér<strong>at</strong>ion<br />

est financée par les commerçants. Aujourd’hui, surtout<br />

dans les magasins de disques ou dans les librairies, ils<br />

proposent à la vente <strong>des</strong> publicités sur le lieu de vente,<br />

de petites décor<strong>at</strong>ions, <strong>des</strong> kits, comme <strong>des</strong> notes de<br />

<strong>musique</strong> ou un violon par exemple, qui seront reproposées<br />

les années suivantes. Et quand un journaliste<br />

de FR3 se présente, je lui dis : « Allez donc chez ce<br />

fleuriste qui, pour décorer sa vitrine, s’est inspiré de<br />

la thém<strong>at</strong>ique de la Folle Journée. Elle est absolument<br />

extraordinaire ! ». Quand ce fleuriste se voit alors dans<br />

le journal de 20 heures sur FR3, je peux vous dire que<br />

tous les autres commerçants de Nantes n’en reviennent<br />

pas et sont contents.<br />

Au moment de la Folle Journée Brahms, un charcutier<br />

de Nantes me contacte et me dit : « Tous les<br />

jours, je dois proposer un nouveau pl<strong>at</strong>. Et si je proposais<br />

sur une journée les pl<strong>at</strong>s préférés de Brahms ? »<br />

Je trouve ça formidable. J’app<strong>elle</strong> les musicologues à<br />

Vienne, huit jours après j’ai la liste <strong>des</strong> pl<strong>at</strong>s préférés<br />

de Brahms. Le commerçant a eu un succès fou.<br />

Le lendemain, il m’a dit : « M. Martin, l’année prochaine,<br />

c’est le syndic<strong>at</strong> entier de la charcuterie qui va<br />

participer. ».<br />

Pour moi, c’est très important qu’une manifest<strong>at</strong>ion pénètre<br />

profondément dans la ville, et c’est vrai que les<br />

Nantais, aujourd’hui, sont très fiers de la Folle Journée.<br />

Les gens regardent les inform<strong>at</strong>ions, lisent dans les journaux<br />

locaux les papiers, et puis, pour certains, le déclic<br />

se produit. Ils viennent à la Folle Journée.<br />

L’intérêt porté aux scolaires doit rester fondamental.<br />

Quand j’ai créé la première Folle Journée, j’ai engagé<br />

deux mois avant la manifest<strong>at</strong>ion une opér<strong>at</strong>ion<br />

auprès de tous les collèges, j’ai fait écrire par un musicologue<br />

une petite pièce de théâtre sur Mozart, avec<br />

<strong>des</strong> musiciens, comportant <strong>des</strong> références sur l’histoire,<br />

la peinture, la <strong>musique</strong>. Elle voyage dans les classes.<br />

Aujourd’hui, cette initi<strong>at</strong>ive concerne environ 80<br />

établissements de la Loire Atlantique. Elle a été développée<br />

l’année dernière au niveau <strong>des</strong> Pays de la Loire,<br />

nous faisons travailler trois compagnies de théâtre<br />

professionn<strong>elle</strong>s de Nantes et de la région.<br />

Véronique CHAUVOIS<br />

Chargée du Spectacle Vivant<br />

Conseil Régional du Limousin<br />

L’élargissement <strong>des</strong> publics s’opère chez nous grâce<br />

à la diffusion essenti<strong>elle</strong>ment en territoire rural. Mais<br />

la difficulté est grande concernant les actions pédagogiques,<br />

car les <strong>festivals</strong> ont lieu plutôt l’été. De plus<br />

nos équipes sont souvent bénévoles. Mais on pr<strong>at</strong>ique<br />

<strong>des</strong> politiques tarifaires, on propose la gr<strong>at</strong>uité<br />

pour les jeunes qui accompagnent leurs parents. En<br />

ce qui concerne la communic<strong>at</strong>ion, depuis deux ans,<br />

la région Limousin édite une plaquette commune aux<br />

36 <strong>festivals</strong> d’été, toutes disciplines confondues, pas<br />

seulement <strong>musique</strong>, mais aussi théâtre, <strong>festivals</strong> pluridisciplinaires,<br />

contes, etc., qu’on diffuse dans les réseaux<br />

TER, ça permet de toucher un public plus large<br />

que celui qui se sent concerné par les questions artistiques,<br />

et on s’arrange pour que la plaquette sorte<br />

avant que ne ferment les lieux permanents de diffusion<br />

de spectacles.<br />

Une piste, je pense, intéressante à explorer si on se<br />

soucie d’élargir <strong>des</strong> publics, c’est donc de tisser <strong>des</strong><br />

liens entre les structures permanentes et les lieux et<br />

les équipes qui s’occupent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, les publics <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> et <strong>des</strong> lieux culturels étant différents.<br />

Jean-Michel MATHE<br />

Directeur - Festival de <strong>La</strong> Chaise-Dieu<br />

Je voulais revenir sur deux points déjà évoqués longuement<br />

ce m<strong>at</strong>in. D’abord les médias, qui indiscutablement<br />

font régner un système de staris<strong>at</strong>ion. On<br />

const<strong>at</strong>e que les <strong>festivals</strong> qui emploient les stars à la<br />

mode bénéficient plus facilement de la presse. Les<br />

lieux <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> exercent aussi plus ou moins d’<strong>at</strong>traction<br />

: si le festival se trouve sur la Côte d’Azur ou<br />

un lieu facile d’accès, le journaliste parisien se déplace<br />

dans un trou perdu, il y regardera à deux fois.<br />

a t e l i e r 1<br />

14 15


a t e l i e r ?<br />

Ne pas négliger aussi les diffi cultés accentuées par la<br />

place misérable de la <strong>musique</strong> classique à la télévision<br />

qui offre au grand public et aux jeunes en particulier,<br />

une connaissance de la <strong>musique</strong> classique très réduite,<br />

voire quasi nulle. Les médias télévisuels ne se sentent<br />

qu’à peine concernés.<br />

Un autre point : le prix <strong>des</strong> places. Évidemment tout le<br />

souhait <strong>des</strong> directeurs de <strong>festivals</strong>, c’est d’avoir <strong>des</strong> places<br />

pas chères, voire d’organiser <strong>des</strong> concerts gr<strong>at</strong>uits si<br />

possible. Mais, une fois de plus, on en revient aux problèmes<br />

<strong>des</strong> moyens, certains <strong>festivals</strong>, comme le Festival<br />

Musica, ont été fi nancés à peu près à 70 %, je crois,<br />

par de l’argent public. Nous, en revanche, on est à 70 %<br />

d’auto fi nancement. Donc les places sont oblig<strong>at</strong>oirement<br />

chères, du coup seul le public qui en a les moyens<br />

se déplace… donc c’est un peu un cercle vicieux.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Si je puis me permettre, aller à un m<strong>at</strong>ch de football ou<br />

aller à un concert de Johnny Hallyday, ça coûte extrêmement<br />

cher, et pourtant les gens se déplacent. <strong>La</strong> question<br />

n’est peut-être pas seulement d’ordre économique.<br />

Jean-Michel MATHE<br />

À <strong>La</strong> Chaise-Dieu, c’est vrai qu’on est obligé de pr<strong>at</strong>iquer<br />

une politique de prix moins bon marché qu’aux<br />

Folles Journées par exemple. Mais, même en zone rurale<br />

et dans <strong>des</strong> lieux très mo<strong>des</strong>tes, la qualité <strong>des</strong><br />

concerts est t<strong>elle</strong> que les gens viennent, paient leurs<br />

places, y compris les maires <strong>des</strong> villages. On a aussi<br />

plein d’adhérents, les gens n’hésitent pas à apporter<br />

un soutien fi nancier parce qu’ils considèrent que le<br />

festival éclaire tout leur été. En plus, la <strong>musique</strong> et les<br />

artistes méritent qu’on achète une place, comme au<br />

restaurant, comme au cinéma : il n’y a pas de raison<br />

que ça soit gr<strong>at</strong>uit, ni qu’on brade les places. À la rigueur,<br />

si on en a les moyens, d’accord pour une politique<br />

de prix bas, mais nous, c’est notre seule ressource.<br />

On dit aux gens : « Vous payez assez cher, parce<br />

qu’il le faut bien, mais vous aurez un spectacle à la<br />

hauteur ».<br />

René MARTIN<br />

Chez nous, le prix moyen est de 7 euros environ…<br />

Mais on va donner Elias et Paulus de Mendelssohn<br />

avec le Rias Kammerchor, Vous connaissez les cachets<br />

de ces artistes-là ? Même s’ils jouent plusieurs<br />

fois, faisant ainsi baisser le cachet moyen, les places<br />

pour ces concerts sont de 12 ou 15 euros. Le prix, c’est<br />

quand même un vrai déclencheur. Une famille avec<br />

4-5 enfants, qui vient à la Folle Journée, va en parler<br />

d’abord chez <strong>elle</strong>, puis ailleurs, vous comprenez ?<br />

Je n’ai pas envie que tout d’un coup <strong>elle</strong> se sacrifi e,<br />

qu’il n’y ait que la maman qui vienne avec le petit qui<br />

fait du piano et que les autres restent à la maison. Par<br />

ailleurs, moi aussi je m’oppose aux concerts gr<strong>at</strong>uits.<br />

Un artiste qui a travaillé quinze ans pour <strong>at</strong>teindre un<br />

certain niveau, ça mérite un salaire. Même le système<br />

une place gr<strong>at</strong>uite/une place payante me paraît une<br />

dérive. Il faut innover. <strong>La</strong> Folle Journée a lieu à Nantes,<br />

mais le public vient aussi de toutes les petites villes<br />

alentour. Aujourd’hui, on a réussi à faire que <strong>des</strong><br />

habitants de petites communes, plutôt que visiter <strong>des</strong><br />

lieux où la Vierge est apparue, ou aller au Puy-du-<br />

Fou, préfèrent, avec l’aide d’un autocariste, se rendre<br />

à la Folle Journée. Le vrai vivier aujourd’hui, ce n’est<br />

plus le public de la capitale. <strong>La</strong> Folle Journée <strong>at</strong>tire<br />

30 % de Parisiens ou de gens qui viennent de l’étranger,<br />

mais 70 % qui viennent de province.<br />

Hedwige de LIMÉ<br />

Directrice artistique - Festival<br />

Nuits musicales en Vendée romane<br />

Je voudrais faire part de mon expérience. L’été dernier,<br />

j’ai eu en charge 6 concerts, <strong>musique</strong> baroque,<br />

<strong>musique</strong> classique et jazz, qui avaient lieu dans un<br />

tout petit village de 800 habitants, doté d’une ancienne<br />

mine de charbon qui d<strong>at</strong>e d’un siècle. Il y a<br />

deux ans, le Conseil Général et la Région <strong>des</strong> Pays de<br />

la Loire ont fi nancé un musée dédié aux mines, ils ont<br />

inauguré les nouveaux vitraux de la Chap<strong>elle</strong> <strong>des</strong> Mines,<br />

autrefois fréquentée par <strong>des</strong> miniers d’origine italienne<br />

et polonaise… J’ai saisi l’occasion et j’ai décidé<br />

d’insérer dans la programm<strong>at</strong>ion de mon festival<br />

une œuvre musicale originale qui prendrait pour thème<br />

ces vitraux faits par un plasticien et j’ai donc passé<br />

une commande auprès d’un compositeur, Franck<br />

Krawczyk. Le concert a eu un succès absolument extraordinaire.<br />

Tout le monde était là, le plasticien, le compositeur,<br />

et les têtes d’affi ches de mes autres concerts,<br />

Gérard Lesne, les frères Capuçon, Dee Dee Bridgew<strong>at</strong>er,<br />

Michel Portal, etc. J’ai alors pu const<strong>at</strong>er qu’au moins<br />

5 ou 6 journalistes étaient présents à ce concert d’exception,<br />

alors qu’un ou deux seulement se déplacent<br />

pour les concerts « habituels », et ils ont écrit <strong>des</strong> papiers<br />

absolument enthousiastes.<br />

Jean-Dominique MARCO<br />

On a autant de mal que vous à faire venir les journalistes,<br />

surtout dans le domaine de la <strong>musique</strong> contemporaine.<br />

Je ne parle même pas de la radio ou de France<br />

Musiques qui, cette année, n’a enregistré que deux<br />

concerts au lieu de 10-15. Là où nous sommes tous<br />

égaux, c’est dans le domaine <strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions publiques.<br />

Nous, responsables de <strong>festivals</strong>, nous devons être sans<br />

arrêt sur le terrain pour communiquer, faire comprendre<br />

ce que nous faisons, essayer de créer <strong>des</strong> contacts<br />

avec un maximum de gens, notamment les politiques,<br />

qui prennent de plus en plus d’importance dans les régions,<br />

les collectivités locales. Il faut sans cesse aller<br />

vers les autres, structures, associ<strong>at</strong>ions, am<strong>at</strong>eurs, professionnels,<br />

un travail de communic<strong>at</strong>ion permanent<br />

en amont comme en aval.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Je voudrais rappeler que notre fédér<strong>at</strong>ion avait proposé<br />

trois thèmes, jeune public, jeunes cré<strong>at</strong>eurs et<br />

jeunes artistes. Nous avons demandé à tous nos <strong>festivals</strong><br />

de bien vouloir consacrer un temps dans leur<br />

programm<strong>at</strong>ion à au moins un de ces thèmes. C’est<br />

vraiment indispensable dans l’alchimie à bâtir. Une<br />

anecdote simplement. J’ai rencontré une organis<strong>at</strong>rice<br />

parisienne de concerts, bien connue, qui me dit, au vu<br />

de ma programm<strong>at</strong>ion : « Tu as du courage d’annoncer<br />

dans ton programme <strong>des</strong> compositeurs contemporains.<br />

Si je fais ça, à coup sûr, j’ai 30 % de public en<br />

moins. Quand je m’y hasarde, je le fais en douce ».<br />

Pourtant la rencontre avec les compositeurs, nous la<br />

vivons presque chaque année maintenant, c’est devenu<br />

incontournable. <strong>La</strong> <strong>musique</strong> classique, ce n’est pas<br />

une langue morte, comme le l<strong>at</strong>in, c’est quelque chose<br />

d’absolument vivant.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Pour conclure, mais y a-t-il une conclusion possible,<br />

juste une chose à propos du lien <strong>musique</strong> classique/<br />

élitisme. J’ai fait un jour un reportage dans un conserv<strong>at</strong>oire<br />

à Paris, dans un arrondissement extrêmement<br />

diffi cile, avec dealers postés à l’entrée, etc. Suzanne<br />

GIROUD, directrice de ce conserv<strong>at</strong>oire, me racontait<br />

que les familles qui venaient y conduire leurs<br />

enfants, lui disaient : « Ce que nous, on veut qu’ils<br />

apprennent, c’est le classique, parce que c’est là qu’ils<br />

apprennent aussi leur dignité de citoyens dans notre<br />

monde ». Quel que soit l’amour que je peux éprouver<br />

pour d’autres types de <strong>musique</strong>s, c’est là, à mon avis,<br />

une idée absolument fondamentale.<br />

Quels interprètes pour les <strong>festivals</strong> ?<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice à France Culture<br />

Moment musical avec l’Ensemble De Caelis, direction <strong>La</strong>urence Brisset, en résidence à la Fond<strong>at</strong>ion Royaumont (<strong>musique</strong> vocale du XIV e siècle)<br />

Participants<br />

Vincent DUMESTRE - Directeur artistique - Le Poème Harmonique<br />

Xavier FOURNEYRON - Fédér<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés (FEVIS)<br />

Philippe FANJAS - Directeur - Associ<strong>at</strong>ion Française <strong>des</strong> Orchestres (AFO)<br />

Cécile GRASSI - Musicienne - Qu<strong>at</strong>uor Psophos<br />

a t e l i e r 2<br />

16<br />

17


a t e l i e r 2<br />

Quels interprètes pour les <strong>festivals</strong> ?<br />

Vincent DUMESTRE<br />

J’ai créé le Poème Harmonique en 97. Auparavant, j’ai<br />

été musicien d’ensemble. Au fur et à mesure <strong>des</strong> productions,<br />

je me suis aperçu que j’avais <strong>besoin</strong> d’autres nourritures,<br />

notamment de découvrir <strong>des</strong> partitions de <strong>musique</strong>s<br />

moins connues ; donc, pendant huit ou dix ans, j’ai fait<br />

<strong>des</strong> recherches et, en 97, j’ai eu l’occasion de créer cet ensemble.<br />

Je me suis intéressé principalement à la période<br />

de transition, disons, entre la Renaissance et ce qu’on app<strong>elle</strong><br />

le premier baroque, c’est-à-dire le baroque du XVII e<br />

siècle. Un travail sur <strong>des</strong> compositeurs peu connus, comme<br />

Bellafonte Castaldi ou Domenico Belli, contemporains de<br />

Monteverdi par exemple, qui n’ont pas eu la chance de<br />

traverser les siècles. Ce sont <strong>des</strong> musiciens qui ont fait une<br />

très b<strong>elle</strong> carrière à leur époque, mais qui sont restés dans<br />

les bibliothèques.<br />

Un autre aspect de notre travail porte sur l’ornement<strong>at</strong>ion<br />

et l’improvis<strong>at</strong>ion vocale à cette période (début<br />

XVII e ). Prenant comme sujet d’étude Les <strong>La</strong>ment<strong>at</strong>ions<br />

de Cavalieri, j’ai fait un travail de recherches sur<br />

les faux-bourdons, ce qu’on app<strong>elle</strong> les faux-bourdons<br />

italiens, et l’utilité de l’ornement<strong>at</strong>ion dans ces fauxbourdons.<br />

Le projet vient de se concrétiser cette année<br />

avec un disque, qui s’app<strong>elle</strong> Nova Metamorphosi.<br />

Une véritable explor<strong>at</strong>ion de la rel<strong>at</strong>ion entre l’écrit, la<br />

<strong>musique</strong> inscrite sur le papier et la réalité musicale vécue<br />

dans les chap<strong>elle</strong>s ou dans les cours, une <strong>musique</strong><br />

qui, ornée, improvisée, sonne complètement différemment<br />

de ce qui est noté sur la partition.<br />

Un autre aspect, encore, de mon travail porte sur la<br />

part de la <strong>musique</strong> française qui correspond à la <strong>musique</strong><br />

madrigalesque en Italie, et qui est absolument<br />

inconnue. Les Français ne se soucient pas de leur p<strong>at</strong>rimoine,<br />

il n’existe pas vraiment ici l’équivalent d’un<br />

Monteverdi, en tout cas connu au moins du public mélomane.<br />

Bref, on a fait tout un travail sur les compositeurs<br />

d’airs de cour (polyphoniques), comme Estienne<br />

Moulinié ou Pierre Guédron. Plus récemment,<br />

nous avons créé, dans ces murs à Royaumont, un programme<br />

autour d’Antoine Boesset. Voilà trois compositeurs<br />

majeurs, appartenant à une époque capitale<br />

dans l’histoire de la <strong>musique</strong>, qui, pour <strong>des</strong> raisons<br />

de techniques ou de partitions, n’ont pas été encore<br />

proposés au public d’aujourd’hui. Cette recherche<br />

a même nécessité un travail sur la déclam<strong>at</strong>ion. Donc<br />

on a travaillé avec Eugène Green. Il a fallu réfléchir sur<br />

la gestu<strong>elle</strong>, le travail scénique, la danse, parce que<br />

le véritable <strong>at</strong>trait de cette <strong>musique</strong> tient à son interprét<strong>at</strong>ion.<br />

Donc travail sur l’ornement<strong>at</strong>ion, mais aussi<br />

travail sur la présence de l’artiste sur scène, sur la prononci<strong>at</strong>ion<br />

du vieux français qui insuffle une énergie<br />

très forte aux mots, bref, un travail autour de la <strong>musique</strong><br />

qui, à mon avis, rend l’œuvre passionnante.<br />

Enfin, un dernier aspect de notre travail s’<strong>at</strong>tache à la<br />

rel<strong>at</strong>ion entre la <strong>musique</strong> savante et la <strong>musique</strong> populaire,<br />

au XVI e et au XVII e siècles. À cette époque, la<br />

<strong>musique</strong> populaire est très présente dans la <strong>musique</strong><br />

savante. À la cour d’Henri IV, lors <strong>des</strong> bals, on danse<br />

les mêmes danses que dans les villages. Et ce n’est<br />

qu’au XVII e et au XVIII e siècles, avec la bourgeoisie notamment,<br />

que les chemins se séparent complètement.<br />

Plus tard, un Bartok par exemple se passionnera pour<br />

la <strong>musique</strong> populaire, mais d’une manière complètement<br />

différente d’alors. Notre travail a abouti à plusieurs<br />

projets que voici :<br />

- Nous avons produit un Stab<strong>at</strong> M<strong>at</strong>er avec le Centre<br />

de Musique Baroque, <strong>La</strong> Maîtrise de Versailles, dans<br />

lequel on a intégré <strong>des</strong> plain-chants populaires, chantés<br />

dans les chap<strong>elle</strong>s autour de Naples, au XVII e et au<br />

XVIII e siècles. Une façon de replacer une œuvre très<br />

connue dans son contexte napolitain du XVIII e siècle.<br />

- Un autre projet autour du compositeur Fasolo, pseudonyme<br />

de Francesco Manelli, cré<strong>at</strong>eur de l’Opéra vénitien,<br />

compositeur de <strong>musique</strong>s, je dirais, d’origine<br />

populaire.<br />

- Une recherche sur les chansons françaises, d<strong>at</strong>ant<br />

du XV e , XVI e , parfois XVII e ou XVIII e siècles, devenues<br />

<strong>des</strong> chansons pour enfants. Nous avons essayé d’en<br />

retrouver les sources. À l’origine, c’était <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s<br />

savantes.<br />

Pour résumer, l’aspect principal de notre travail est un<br />

travail de défrichage de partitions, qui implique <strong>des</strong><br />

recherches en bibliothèques, d’être aidé par <strong>des</strong> musicologues<br />

(cf. le Centre de Musique Baroque de Versailles).<br />

Puis vient le travail de cré<strong>at</strong>ion.<br />

Ce colloque m’a fait réfléchir sur notre histoire. Si<br />

on a pu faire tout ce travail, c’est grâce, d’une part,<br />

à notre label de disque et, d’autre part, à l’intérêt<br />

que les <strong>festivals</strong> ont montré pour notre ensemble.<br />

Concernant le premier point, j’insiste sur le rôle de<br />

Jean-Paul Combet qui dirige le label Alpha Production,<br />

né au même moment que notre ensemble, et<br />

qui a produit son premier disque, Alpha, avec le nôtre<br />

(Castaldi). Nous avons suivi un chemin parallèle,<br />

regardant vers l’inconnu (nous, <strong>musique</strong>s absolument<br />

inconnues avec <strong>des</strong> interprètes quasi inconnus<br />

et Alpha, un petit label de rien du tout, p<strong>at</strong>ronnant<br />

<strong>des</strong> artistes peu connus). Travailler ensemble a fait<br />

qu’on s’est donné de la force, mutu<strong>elle</strong>ment. S’en<br />

sont suivies toutes les réalis<strong>at</strong>ions discographiques<br />

du Poème Harmonique, concernant les travaux évoqués<br />

tout à l’heure. Depuis six ans, nous avons produit<br />

douze enregistrements, ce qui est assez important.<br />

Il faut dire que la presse nous a vraiment soutenus,<br />

et l’un et l’autre.<br />

Notre deuxième chance, c’est le rapport avec les <strong>festivals</strong>.<br />

Il suffit d’énumérer les projets que nous avons<br />

mis en place pour se rendre compte que c’est quasiment<br />

toujours grâce aux <strong>festivals</strong> qu’ils ont vu le jour.<br />

Belli s’est fait avec le festival d’Arques la B<strong>at</strong>aille, près<br />

de Dieppe, en Haute-Normandie. Tonos humanos a<br />

pu être créé grâce à Jean-Michel Verneiges, au festival<br />

Saint-Michel-en-Thiérache, Estienne Moulinié a eu<br />

la chance de revenir au festival d’Arques-la-B<strong>at</strong>aille,<br />

avec lequel on collabore depuis maintenant cinq ans,<br />

Cavalieri est né au festival de Sablé, Pergolèse grâce<br />

à Philippe Maillard et sa saison, Nuit et Chansons<br />

à Arques, etc. Guedron encore à Sablé avec qui nous<br />

travaillons régulièrement. Auprès <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, nous<br />

avons trouvé un véritable appui, une vraie fidélité,<br />

alors que choisir ce type d’œuvres constitue pour eux<br />

<strong>des</strong> risques. Grâce à eux, non seulement nous avons<br />

pu nous structurer et créer, mais aussi vivre tout simplement,<br />

car nos ressources viennent pour la plupart<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Quelques chiffres : en 99, après la production<br />

du premier disque, nous avons donné 7 concerts,<br />

tous dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. En 2000, on est passé<br />

à 22 concerts. Sur les 22, 19 ont eu lieu au sein de<br />

<strong>festivals</strong>, un sur une scène n<strong>at</strong>ionale et deux, achetés<br />

par une ville (filière privée). En 2001, 42 concerts :<br />

36 dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, 4 dans <strong>des</strong> scènes n<strong>at</strong>ionales<br />

ou théâtres et 2 achetés par <strong>des</strong> villes. En 2002, 49<br />

concerts : 42 dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, 3 dans <strong>des</strong> théâtres et<br />

autres scènes, 4 dans d’autres lieux. En 2003, nous<br />

aurons donné 48 concerts : 36 dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, 6<br />

dans <strong>des</strong> théâtres et scènes et 6 demandés par <strong>des</strong> villes.<br />

L’importance <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est d’évidence, même<br />

si, depuis quelques années, j’observe une très légère<br />

inflexion dans le sens inverse, ce qui est nécessaire si<br />

l’on ne veut pas dépendre toujours <strong>des</strong> mêmes lieux<br />

d’accueil.<br />

Pour conclure, je dirais que la place que notre ensemble<br />

a prise dans le paysage musical en France,<br />

assez importante en tout cas dans la <strong>musique</strong><br />

ancienne, a été bâtie grâce aux <strong>festivals</strong>, facilitée<br />

par la qualité <strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions que leurs directeurs artistiques<br />

entretiennent avec les musiciens ; j’<strong>at</strong>tache<br />

beaucoup d’importance à la dimension humaine.<br />

Eux savent pr<strong>at</strong>iquer confiance, ouverture d’esprit,<br />

prise de risques, fidélité. Contrairement à nous, le<br />

musicien du XVII e siècle a toutes sortes de possibilités,<br />

un luthiste, par exemple, peut être compositeur<br />

pour son propre instrument, ou composer pour<br />

la voix, ce n’est pas rare qu’il soit lui-même chanteur,<br />

il peut aussi faire de la <strong>musique</strong> de chambre<br />

et se produire dans le cercle de la cour, au sein <strong>des</strong><br />

premiers orchestres comme les vingt-qu<strong>at</strong>re violons<br />

du roi, ou participer à <strong>des</strong> opéras ; bref, sa vie est<br />

riche de perspectives. Mais un musicien comme moi,<br />

aujourd’hui, ne peut vraiment s’exprimer que grâce<br />

aux <strong>festivals</strong> qui, seuls, offrent cette même variété<br />

de lieux, font preuve de la même curiosité.<br />

Xavier FOURNEYRON<br />

J’interviens au nom de la FEVIS. Cette fédér<strong>at</strong>ion regroupe<br />

tous les ensembles professionnels ayant une<br />

spécialis<strong>at</strong>ion artistique et employant majoritairement<br />

<strong>des</strong> artistes intermittents du spectacle, actu<strong>elle</strong>ment<br />

au nombre de 72, sans aucune distinction de répertoire.<br />

On peut citer le Chœur Accentus, les Arts Florissants,<br />

un ensemble comme le Poème Harmonique,<br />

l’Orchestre <strong>des</strong> Champs Élysées, l’Ensemble baroque<br />

de Limoges, <strong>des</strong> ensembles comme la Fenice, le Café<br />

Zimmerman ou Diabolus in Musica.<br />

Deux const<strong>at</strong>s concernant les rapports entre les <strong>festivals</strong><br />

et ces ensembles.<br />

Les <strong>festivals</strong> sont en effet <strong>des</strong> partenaires très privilégiés<br />

pour la diffusion de nos concerts puisqu’ils en<br />

assurent la majeure partie, pour exemple 35 % en<br />

2002, ce qui représente 2 200 concerts, donnés par<br />

72 ensembles. À titre de comparaison, le deuxième<br />

lieu d’accueil pour nos ensembles ne représente que<br />

10 %. Parallèlement à notre production discographique,<br />

les <strong>festivals</strong> constituent donc, pour nos ensembles,<br />

notre meilleur vecteur pour fidéliser un public,<br />

pour proposer <strong>des</strong> nouveautés, <strong>des</strong> interprét<strong>at</strong>ions différentes.<br />

Autre const<strong>at</strong> : d’un point de vue économique, on le<br />

sait, les <strong>festivals</strong> assurent une majeure partie du budget<br />

<strong>des</strong> ensembles de la FEVIS qui leur vendent concerts<br />

et spectacles. Le fait que cette vente représente<br />

environ 65 % <strong>des</strong> recettes propres <strong>des</strong> ensembles,<br />

qui, <strong>elle</strong>s, sont le plus gros de leur budget (70 %),<br />

souligne, une fois encore, le rôle essentiel <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

auprès d’eux, d’autant que grande est la difficulté<br />

à jouer et à être diffusés dans d’autres structures, en<br />

général si peu ouvertes à la <strong>musique</strong>, peu curieuses<br />

d’autres styles de répertoire, n’aimant pas les risques.<br />

De plus, les <strong>festivals</strong> se tenant principalement entre<br />

mai et octobre, cela offre une bonne complémentarité<br />

avec la saison <strong>des</strong> salles permanentes, permettant aux<br />

ensembles d’élargir leur diffusion.<br />

En outre, le fait que les <strong>festivals</strong>, pour la plupart, se<br />

spécialisent sur un thème ou sur une forme musicale<br />

(<strong>musique</strong> sacrée, <strong>musique</strong> profane, etc.), a conduit nos<br />

ensembles à la diversité et à la spécialis<strong>at</strong>ion. Les ensembles<br />

de la FEVIS, très souples, s’adaptent aux désirs<br />

<strong>des</strong> directeurs artistiques de festival, pour la plupart<br />

désireux souvent d’une thém<strong>at</strong>ique particulière ou<br />

d’un programme précis et ils se montrent capables de<br />

proposer <strong>des</strong> programmes avec 3 interprètes ou une<br />

centaine ! <strong>La</strong> difficulté, en revanche, de se plier ainsi à<br />

la demande, c’est qu’il est parfois ardu de tourner un<br />

programme et de le diffuser plusieurs fois.<br />

Les <strong>festivals</strong> sont d’exc<strong>elle</strong>nts partenaires sur tous les<br />

plans (administr<strong>at</strong>if, logistique, économique) alors<br />

qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir le maximum<br />

de confort quant à la diffusion et à la cré<strong>at</strong>ion de<br />

nos programmes. Trois cas de figure peuvent se présenter<br />

:<br />

- Une diffusion simple : le festival achète un concert ou<br />

un spectacle, l’inclut dans sa programm<strong>at</strong>ion dans le cadre<br />

soit d’une tournée soit d’une simple diffusion.<br />

- Le festival accorde une aide à la cré<strong>at</strong>ion, programme<br />

commandé ou non d’ailleurs. Sous forme soit de<br />

moyens spécifiques (mise à disposition de lieux, d’hébergement<br />

ou de répétition), soit d’aide financière<br />

(paiement <strong>des</strong> répétitions pendant la durée du festival<br />

ou en amont, cachets, paiement éventu<strong>elle</strong>ment<br />

de décors ou de costumes, éventuels partenari<strong>at</strong>s discographiques).<br />

Un cas de figure pas toujours réalisable<br />

car les <strong>festivals</strong> sont, par essence, éphémères et,<br />

souvent, n’ont pas de lieux propres.<br />

- Le festival est producteur du programme d’un ensemble<br />

et le diffuse auprès d’autres <strong>festivals</strong> ou<br />

d’autres structures.<br />

Pour finir, j’aurais voulu évoquer la question de l’exclusivité,<br />

soit tempor<strong>elle</strong>, soit géographique. Elle peut<br />

apparaître légitime aux <strong>festivals</strong>, désireux d’une reconnaissance<br />

à la fois du public et de ses partenaires ;<br />

mais <strong>elle</strong> est très lourde à porter pour les ensembles<br />

car pour nous c’est un frein à la fois économique et<br />

artistique.<br />

Enfin, je souhaitais poser la question de savoir si la<br />

Fédér<strong>at</strong>ion France Festivals décerne <strong>des</strong> labels aux <strong>festivals</strong><br />

qui respectent <strong>des</strong> règles de bonne conduite lorsqu’ils<br />

accueillent <strong>des</strong> ensembles de <strong>musique</strong> ?<br />

Les <strong>festivals</strong> sont<br />

<strong>des</strong> partenaires très<br />

privilégiés pour la<br />

diffusion <strong>des</strong> concerts<br />

<strong>des</strong> membres de<br />

la FEVIS, puisqu’ils<br />

en assurent la majeure<br />

partie.<br />

Philippe FANJAS<br />

Sous le terme générique de « festival », on désigne<br />

une réalité extrêmement diverse sur tous les plans<br />

(objectifs, projet artistique, taille, moyens). Les orchestres,<br />

c’est la même chose. Entre un orchestre investi<br />

d’une mission de diffusion régionale sur un territoire<br />

géographique déterminé, sans ville siège, sans<br />

beaucoup d’abonnés et tournant d’églises en salles<br />

<strong>des</strong> fêtes plutôt qu’en théâtres et scènes n<strong>at</strong>ionales, et<br />

un orchestre symphonique à grand effectif, basé dans<br />

une métropole régionale, à voc<strong>at</strong>ion strictement symphonique<br />

ou pouvant partager son activité entre le lyrique<br />

et le symphonique, il n’y a pas grand-chose de<br />

commun.<br />

Même chose quand il s’agit d’ensembles à voc<strong>at</strong>ion<br />

pluridisciplinaire ou aux répertoires polyvalents et<br />

d’ensembles très spécialisés comme l’Ensemble Intercontemporain.<br />

En plus, les mo<strong>des</strong> de financement <strong>des</strong> orchestres de<br />

l’AFO, sont très diversifiés, même s’ils bénéficient tous<br />

en commun de fonds publics. Il n’y a rien de commun<br />

entre un financement public qui provient majoritairement<br />

de l’Ét<strong>at</strong>, un financement public majoritairement<br />

accordé par une ville ou une région ou <strong>des</strong> financements<br />

croisés dans <strong>des</strong> proportions très variables.<br />

Nous ne disposons pas, au sein de l’Associ<strong>at</strong>ion Française<br />

<strong>des</strong> Orchestres, d’éléments st<strong>at</strong>istiques avérés,<br />

nous permettant de déterminer quel est le poids <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> dans l’activité <strong>des</strong> orchestres.<br />

Si je me fie à mon expérience de la gestion <strong>des</strong> orchestres<br />

et à quelques infos glanées ici et là, je vais énumérer<br />

quelques points signific<strong>at</strong>ifs :<br />

- Les diffusions <strong>des</strong> orchestres au sein <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> restent<br />

concentrées sur les mois d’été : 5 % à 8-10 %<br />

maximum du nombre de concerts et programmes présentés<br />

par les orchestres membres de l’AFO sur l’ensemble<br />

d’une année, un pourcentage bien inférieur à<br />

ce qui était évoqué tout à l’heure par Vincent Dumestre<br />

ou Xavier Fourneyron.<br />

- Les rel<strong>at</strong>ions entre les orchestres et les <strong>festivals</strong> sont<br />

extrêmement variables. Les orchestres de l’AFO sont<br />

accusés d’être souvent de « grosses machines, riches,<br />

lour<strong>des</strong> à mettre en œuvre et très rai<strong>des</strong> sur leurs projets<br />

artistiques ». <strong>La</strong> réalité n’est pas tout à fait c<strong>elle</strong>là.<br />

Ceux que je représente ont une première mission,<br />

c<strong>elle</strong> d’assurer une saison de concerts, sur un territoire<br />

déterminé (une ville ou une région) et, pour certains<br />

d’entre eux, une voc<strong>at</strong>ion intern<strong>at</strong>ionale. Cela signifie<br />

une moyenne d’environ 70 à 80 concerts dans la<br />

ville ou la région-siège pour chaque saison, ce qui est<br />

important, d’autant qu’il faut y ajouter les déplacements,<br />

les temps de trajets (pour un orchestre, implanté<br />

à Rennes, qui va jouer à Brest : 3 heures aller,<br />

3 heures retour, plus le temps du concert). Quand<br />

ces déplacements se répètent et s’intègrent à une activité<br />

saisonnière qui suppose 80 à 100 concerts par<br />

saison, c’est sans doute un vrai enjeu, un vrai pari,<br />

un vrai enthousiasme, mais c’est une vraie difficulté.<br />

C’est aux mois d’été que les <strong>festivals</strong> jouent leur<br />

rôle dans l’activité <strong>des</strong> orchestres, un rôle vital pour<br />

le moins : sans ça, les orchestres auraient <strong>des</strong> saisons<br />

marquées par trois, voire qu<strong>at</strong>re mois de ralentissement<br />

de leur activité. Les saisons se resserrent de plus<br />

en plus. On sait qu’aujourd’hui on peut programmer<br />

entre octobre et mai, pas au-delà car, à partir de juin<br />

et jusqu’à septembre inclus, l’orchestre est indisponible,<br />

étant en tournée de <strong>festivals</strong> généralement. Le paradoxe,<br />

c’est que le nombre de <strong>festivals</strong> susceptibles<br />

d’accueillir les orchestres membres de l’AFO, donc <strong>des</strong><br />

form<strong>at</strong>ions d’un effectif assez important, sont rares. Il<br />

faut <strong>des</strong> moyens logistiques importants, <strong>des</strong> conditions<br />

acoustiques qui portent la <strong>musique</strong> : alors qu’on serait<br />

a t e l i e r 2<br />

18<br />

19


a t e l i e r 2<br />

ravi de jouer plutôt dans un festival d’été, plutôt dans<br />

le Sud parce qu’il fait bon et que le public est sympa,<br />

justement les conditions acoustiques de plein air excluent<br />

les concerts de <strong>musique</strong> dite savante.<br />

L’autre difficulté, c’est la charge logistique que suppose<br />

l’accueil, 100-120 personnes dans un lieu.<br />

Si l’on considère la question de la programm<strong>at</strong>ion, les<br />

<strong>festivals</strong> permettent à certains orchestres (Orchestre<br />

n<strong>at</strong>ional de France ou Orchestre de Paris), de déroger<br />

au principe de l’essentiel affecté au symphonique,<br />

d’où la possibilité pour eux de s’impliquer dans <strong>des</strong><br />

opér<strong>at</strong>ions lyriques (c’est beaucoup moins fréquent<br />

pour les autres orchestres). Les directeurs musicaux ou<br />

chefs permanents de ce type d’orchestres sont très rarement<br />

présents à la tête de leur orchestre dans le cadre<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. C’est exactement l’inverse pour les<br />

orchestres régionaux dont la personnalité en général<br />

est très liée à c<strong>elle</strong> de leur chef, d’ailleurs le nom du<br />

directeur musical figure généralement en sous-titre<br />

sous celui de l’orchestre.<br />

Une autre remarque, plutôt intéressante, les orchestres<br />

présentent en général moins d’œuvres avec solistes<br />

dans le cadre <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> que dans le cadre de<br />

leur saison. Cela peut s’expliquer : la première raison,<br />

triviale, est c<strong>elle</strong> du coût (plus cher d’avoir un orchestre<br />

avec un soliste dans une œuvre concertante qu’une<br />

œuvre symphonique). <strong>La</strong> deuxième raison, c’est que<br />

nombre d’orchestres ont le souci de présenter de gran<strong>des</strong><br />

pages symphoniques comme exemplaires de leur<br />

répertoire, de leur qualité propre (bon pour leur image)<br />

plutôt que d’être en accompagnement de soliste et<br />

si, en plus, le soliste est fameux, il y a risque d’écrasement<br />

d’une personnalité par rapport à l’autre.<br />

Les œuvres que les orchestres symphoniques présentent<br />

dans les <strong>festivals</strong> correspondent en général à leur<br />

répertoire : peu de dérog<strong>at</strong>ions au répertoire habituel.<br />

Il arrive cependant, même si c’est rare, que <strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions<br />

de partenari<strong>at</strong> artistique bien compris entre un<br />

festival et un orchestre permettent de déboucher sur<br />

une cré<strong>at</strong>ion, et, objectif conjoint, <strong>des</strong> moyens sont mis<br />

en commun. Grâce à l’appui d’un festival, le montage<br />

de t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> œuvre du répertoire, non inscrite<br />

dans les habitu<strong>des</strong> de programm<strong>at</strong>ion de l’orchestre,<br />

est rendu possible. C’est notamment le cas pour <strong>des</strong><br />

œuvres faisant appel à un effectif instrumental doublé<br />

d’un effectif choral avec un pl<strong>at</strong>eau de chanteurs<br />

important.<br />

<strong>La</strong> question de la localis<strong>at</strong>ion géographique : là encore,<br />

pas de moyenne, pas de règle générale, mais un<br />

partage en deux tendances.<br />

Première tendance, les orchestres sortent de leur ville<br />

ou de leur région siège pour aller dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

éloignés dans lesquels ils sont invités.<br />

Deuxième tendance très intéressante. Les orchestres se<br />

produisent dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de leur région siège : on<br />

ne joue pas sur l’événementiel, il y a mise en rel<strong>at</strong>ion<br />

entre l’activité de saison qui a lieu dans la ville x et<br />

l’activité d’été qui, <strong>elle</strong>, se développe dans <strong>des</strong> lieux<br />

appartenant à un même territoire géographique. Cela<br />

n’empêche pas qu’on puisse aussi jouer sur l’événementiel<br />

pendant le temps <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au profit d’une<br />

programm<strong>at</strong>ion plus régulière pendant le reste de la<br />

saison.<br />

Je reviens sur les notions d’événementiel ou de non<br />

événementiel : il est dans la logique d’un festival de<br />

jouer le coup de projecteur, c’est d’ailleurs sa définition<br />

même. Et c’est la concentr<strong>at</strong>ion sur un lieu précis<br />

pendant un moment déterminé d’un certain nombre<br />

de facteurs, qui va <strong>at</strong>tirer un public qui, la plupart<br />

du temps, ne sera pas un public captif. L’orchestre<br />

est dans une logique complètement différente : ses<br />

60 à 80 concerts réalisés dans le cadre de sa ville<br />

ou de sa région-siège, c’est de la <strong>musique</strong> au quotidien<br />

ou presque. Sa préoccup<strong>at</strong>ion majeure, c’est de<br />

faire que sa programm<strong>at</strong>ion reste <strong>at</strong>trayante, musicalement<br />

passionnante, efficace sur le long terme, sans<br />

oublier les actions éduc<strong>at</strong>ives de plus en plus développées.<br />

Alors, comment orchestres et <strong>festivals</strong> peuventils<br />

trouver <strong>des</strong> objectifs communs au moment où ils<br />

conduisent une programm<strong>at</strong>ion conjointe ? Sur quels<br />

objectifs peuvent-ils véritablement s’entendre ? Y a-til<br />

cohabit<strong>at</strong>ion pacifique mais obligée, ou de vrais partenari<strong>at</strong>s<br />

bien compris, reposant sur une vraie compréhension<br />

réciproque <strong>des</strong> enjeux <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres ?<br />

Je ne conclus pas, je pose simplement la question. Je<br />

souhaite qu’on puisse trouver les moyens, dans un<br />

avenir proche, d’une vraie réflexion sur les complémentarités<br />

d’objectifs et de missions entre <strong>festivals</strong> et<br />

orchestres.<br />

Cécile GRASSI<br />

En tant que représentante d’un qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong>,<br />

nous ne sommes r<strong>at</strong>tachés à aucune ville, nous<br />

n’avons pas non plus de structures, sauf à être en résidence,<br />

ce qui est quand même assez rare en France<br />

ou alors difficile à obtenir. Le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est<br />

donc primordial pour nous. D’eux dépendent à peu<br />

près 75 à 80 % de notre programm<strong>at</strong>ion. Plus de<br />

<strong>festivals</strong> = disparition de qu<strong>at</strong>uors à cor<strong>des</strong>, en tout<br />

cas pour nous, c’est certain.<br />

Nous sommes une jeune form<strong>at</strong>ion âgée de 6 ans.<br />

Il n’y a que quelques années que nous sommes professionnels<br />

; le déclic a eu lieu au moment <strong>des</strong> concours<br />

intern<strong>at</strong>ionaux, une démarche déterminante<br />

pour la scène et surtout pour <strong>des</strong> contacts avec <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong>. Puis, nous avons remporté le prix de Bordeaux.<br />

Et grâce à un accord entre le concours intern<strong>at</strong>ional<br />

et <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui s’engageaient à faire<br />

jouer les lauré<strong>at</strong>s, on a pu être rapidement diffusés<br />

dans l’année qui a suivi, aussi bien sur scène<br />

que dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. D’environ 20 concerts on est<br />

passé à 80, l’année qui a suivi le concours.<br />

Nous avons aussi eu l’aide de Pro Quartet et du Mécén<strong>at</strong><br />

Société Générale qui continue de nous aider.<br />

C’est important, on en a <strong>besoin</strong> en permanence (on<br />

est intermittents du spectacle).<br />

Les rapports avec les <strong>festivals</strong> sont les premiers<br />

contacts que nous avons eus avec <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>eurs<br />

de spectacles. On salue le travail de tous<br />

ces <strong>festivals</strong> qui ont un public et n’hésitent pas à<br />

leur présenter de nouveaux musiciens, alors que ce<br />

n’est pas toujours facile de faire venir une form<strong>at</strong>ion<br />

complètement inconnue. De jeunes ensembles<br />

sont ainsi propulsés sur les scènes et ça, c’est très<br />

important.<br />

Il existe quelques réserves à émettre par rapport aux<br />

<strong>festivals</strong>, on trouve dommage qu’il n’y ait pas plus<br />

de contacts avec l’étranger, par exemple. On comprend<br />

que les <strong>festivals</strong> qui créent l’événement et,<br />

pour ce faire, mettent en place toute une structure,<br />

demandent l’exclusivité, mais on aimerait pouvoir<br />

jouer à l’étranger. Peut-être <strong>des</strong> contacts pourraient-ils<br />

se nouer entre certains <strong>festivals</strong>, sinon au<br />

niveau régional, du moins au niveau n<strong>at</strong>ional et<br />

européen en vue de l’organis<strong>at</strong>ion de tournées ?<br />

Quant à la programm<strong>at</strong>ion, nous aimons faire découvrir<br />

de nouv<strong>elle</strong>s écritures, monter l’œuvre d’un<br />

compositeur contemporain, jamais jouée, mais<br />

qu’on apprécie. Les <strong>festivals</strong> sont <strong>des</strong> structures qui<br />

permettent ce genre de diffusions car ils mobilisent<br />

un public souvent beaucoup plus curieux qu’ils ne<br />

croient. On a connu ainsi quelques b<strong>elle</strong>s expériences<br />

que le public a appréciées.<br />

<strong>La</strong> prise de risques et<br />

la spécialis<strong>at</strong>ion de<br />

chaque ensemble de<br />

la FEVIS (en <strong>musique</strong><br />

ancienne ou en cré<strong>at</strong>ion<br />

contemporaine)<br />

sont bien reçues par<br />

les <strong>festivals</strong>.<br />

Je précise rapidement que nous sommes de simples<br />

intermittents du spectacle, qui avons privilégié le<br />

qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong>, discipline particulière qui exige<br />

un travail quotidien, d’où la nécessité de ce st<strong>at</strong>ut.<br />

Pour préparer un concert (non rediffusé le plus souvent),<br />

il nous faut d’innombrables répétitions (comme<br />

pour tous les musiciens). Le travail est encore<br />

plus important si les programm<strong>at</strong>ions diffèrent (en<br />

fonction <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>).<br />

Xavier REY<br />

Est-ce que c’est propre aux <strong>festivals</strong> ou à un<br />

public qui écoute de la <strong>musique</strong> dans ses salles<br />

habitu<strong>elle</strong>s?<br />

Cécile GRASSI<br />

C’est propre bien sûr au public aussi, mais les <strong>festivals</strong><br />

ont un rôle très important. C’est eux qui vont<br />

donner au public m<strong>at</strong>ière à penser, lui permettre<br />

d’évoluer. Le public, souvent, suit un festival quand<br />

il a confiance dans sa programm<strong>at</strong>ion, et il éprouve<br />

du plaisir aussi bien dans <strong>des</strong> retrouvailles avec <strong>des</strong><br />

musiciens qu’il connaît que dans les innov<strong>at</strong>ions.<br />

Xavier REY<br />

Vous êtes d’accord ?<br />

Xavier FOURNEYRON<br />

Oui, je précise simplement que la FEVIS ne regroupe<br />

pas que <strong>des</strong> ensembles de <strong>musique</strong> ancienne. J’ai<br />

cité tout à l’heure Accentus, Music<strong>at</strong>reize par exemple.<br />

Nos ensembles ont une grande souplesse artistique<br />

et économique (on emploie aussi <strong>des</strong> artistes<br />

intermittents du spectacle), puisqu’on est capable de<br />

proposer une nouveauté non seulement avec 4 ou 5<br />

interprètes, mais aussi avec 60 ou 70.<br />

<strong>La</strong> richesse <strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions humaines établies entre<br />

Directeur d’un ensemble et Directeur d’un festival<br />

conduit ce dernier au bout d’une discussion qui peut<br />

durer plusieurs années, à accepter de se laisser séduire<br />

par une idée dont il peut penser qu’<strong>elle</strong> plaira<br />

à son public.<br />

Philippe FANJAS<br />

Je voudrais juste rajouter quelque chose. Je crois<br />

qu’il faut qu’on se méfie d’une sens<strong>at</strong>ion qu’on<br />

peut avoir, il vaut mieux se reporter à <strong>des</strong> données<br />

avérées. Tout à l’heure, je n’ai pas opposé de<br />

manière aussi franche cré<strong>at</strong>ion-non cré<strong>at</strong>ion dans<br />

la rel<strong>at</strong>ion avec les <strong>festivals</strong>. Je pense simplement<br />

qu’il y a <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui effectivement ont la possibilité<br />

d’accueillir <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>ions difficiles<br />

et d’autres non. Il n’y a rien que de très banal<br />

là-dedans. C’est la même chose pour le théâtre,<br />

par exemple.<br />

Xavier REY<br />

Quelqu’un parlait de deman<strong>des</strong> très précises et<br />

diversifiées <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Est-il quand même<br />

possible d’aiguiller les « très précises » vers votre<br />

répertoire ?<br />

Xavier FOURNEYRON<br />

Une fédér<strong>at</strong>ion de 70 ensembles comporte évidemment<br />

aussi <strong>des</strong> diversités. Mais je pense que les <strong>festivals</strong>,<br />

selon leur thém<strong>at</strong>ique, leur lieu, la période historique<br />

qu’ils affectionnent, encouragent de fait la diversité<br />

d’un répertoire puisqu’ils peuvent effectivement<br />

faire appel à un ensemble qui va leur créer une œuvre<br />

contemporaine, à un autre qui va leur jouer Bach,<br />

à un troisième qui leur jouera une pièce médiévale.<br />

Cette diversité, portée par les ensembles de manière<br />

globale, assure aussi une diversité du répertoire et une<br />

diversité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Xavier REY<br />

Vous présentez tous la question de l’exclusivité comme<br />

un inconvénient, mais est-ce qu’il n’y a pas un avantage<br />

aussi pour l’interprète ? Est-ce que ce n’est pas<br />

un moyen de vous garantir un certain nombre d’auditeurs<br />

?<br />

Vincent DUMESTRE<br />

L’exclusivité d’une cré<strong>at</strong>ion est normale, nécessaire,<br />

n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong> même quand <strong>elle</strong> illustre un rapport entre<br />

un lieu et un ensemble. En vérité, c’est toujours<br />

l’objet d’une discussion, on se met d’accord avec les<br />

lieux concernés pour faire une cré<strong>at</strong>ion qui peut tourner<br />

dans une région. Chaque festival est maître de son<br />

public, il sait si avoir une cré<strong>at</strong>ion qui tourne à 60 km<br />

ou à 100 km est problém<strong>at</strong>ique ou non.<br />

Philippe FANJAS<br />

<strong>La</strong> question de l’exclusivité renvoie de fait à la question<br />

<strong>des</strong> réseaux. On a const<strong>at</strong>é, on est très nombreux<br />

à le faire, que les scènes n<strong>at</strong>ionales notamment, s’intéressent<br />

peu à la <strong>musique</strong>, leur priorité, c’est le théâtre,<br />

puis la danse contemporaine et, en troisième lieu<br />

seulement, les <strong>musique</strong>s. <strong>La</strong> part de la <strong>musique</strong> savante<br />

ici est très faible. Donc on est très nombreux évidemment<br />

à appeler à la constitution de réseaux d’ordre<br />

musical aidant à la diffusion de la <strong>musique</strong> savante<br />

dans les scènes n<strong>at</strong>ionales et les théâtres.<br />

Cécile GRASSI<br />

C’est ce que fait l’AFAA à l’étranger. Nous avons<br />

fait plusieurs tournées à l’étranger, en particulier<br />

en Afrique, pendant 1 mois. Or le financement<br />

de ces tournées, même quand il s’agit<br />

d’une petite structure, est très lourd. Mais on<br />

a pu les faire parce que l’AFAA avait contacté<br />

les centres culturels <strong>des</strong> pays concernés justement,<br />

nouant eux aussi <strong>des</strong> liens entre eux.<br />

On pourrait imaginer cela à l’échelon européen.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Ce serait bien de réfléchir ensemble, et, peut-être<br />

aboutir à une charte de qualité ou autre que nos adhérents<br />

s’engageraient à respecter.<br />

En ce qui concerne la programm<strong>at</strong>ion, je voudrais témoigner<br />

d’une difficulté : les agents sont assez rétifs à<br />

l’originalité. On a bien souvent intérêt à contacter directement<br />

les artistes si on veut bâtir un programme<br />

spécifique.<br />

Quelques mots à M. FANJAS : les rapports entre <strong>festivals</strong><br />

et orchestres, quoiqu’on en dise, existent, fort<br />

heureusement, mais il ne faut pas oublier que le cahier<br />

<strong>des</strong> charges de nombre d’orchestres en France,<br />

n<strong>at</strong>ionaux ou régionaux, fait que la période <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

n’est pas forcément la période où les orchestres<br />

sont le plus disponibles.<br />

Philippe FANJAS<br />

Pendant les mois d’été, les orchestres ont du temps,<br />

ils sont disponibles pour les <strong>festivals</strong>. Mais les directions<br />

d’orchestres et les directions de <strong>festivals</strong> n’ont<br />

que peu la possibilité de réfléchir ensemble à <strong>des</strong> programmes<br />

spécifiques (constitution d’un programme,<br />

construction) essenti<strong>elle</strong>ment pour <strong>des</strong> raisons financières,<br />

car qui dit programme symphonique nouveau<br />

dit répétitions, donc une semaine de travail au moins,<br />

donc de l’argent.<br />

Xavier REY<br />

Est-ce que vous ne croyez pas aussi qu’il y a une difficulté<br />

à réunir, sur les lieux de <strong>festivals</strong>, solistes et<br />

orchestres ?<br />

Philippe FANJAS<br />

Non, dans la pr<strong>at</strong>ique, le soliste se déplace au siège de<br />

l’orchestre. Ils répètent et partent ensemble. C’est une<br />

simple question de montage de la production.<br />

Odile PRADEM-FAURE<br />

Secrétaire Générale<br />

Abbaye aux Dames et Académies<br />

musicales de Sainte<br />

Il est indéniable que tous les concerts de <strong>musique</strong>s<br />

contemporaines sont systém<strong>at</strong>iquement boudés par le<br />

public, au sein <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. À Saintes, on a essayé<br />

d’inciter notre public à la curiosité : sur 2 000 personnes<br />

évaluées, il y en a environ 150 qui prennent le<br />

risque d’assister à un concert de <strong>musique</strong> contemporaine.<br />

<strong>La</strong> question de l’éduc<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics est donc<br />

urgente. Comment peut-on s’y prendre, sachant que<br />

le public <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est, par définition, parfaitement<br />

vol<strong>at</strong>ile ? Là, je me tourne vers l’AFO et vers la FEVIS.<br />

a t e l i e r 2<br />

20<br />

21


a t e l i e r ?<br />

Y a-t-il <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s à imaginer entre les ensembles<br />

en résidence dans t<strong>elle</strong> région ou t<strong>elle</strong> ville, qui<br />

aboutiraient à une prise en charge de cette form<strong>at</strong>ion,<br />

à faire que le public dispose de quelques clés<br />

de compréhension pour aborder sans trop de préjugés<br />

les concerts de <strong>musique</strong> contemporaine ?<br />

Philippe FANJAS<br />

Personne n’a la capacité de se substituer au service<br />

public de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale. Voilà, ça c’est la règle<br />

fondamentale. Les seules actions intéressantes<br />

sont c<strong>elle</strong>s qui s’inscrivent évidemment sur la durée.<br />

Travailler en amont et en partenari<strong>at</strong> avec le festival,<br />

les artistes, l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale, les médi<strong>at</strong>eurs<br />

quand ils existent, les rector<strong>at</strong>s, les DRAC…<br />

Recruter, au sein de ces institutions, le plus de personnes<br />

possibles susceptibles de donner envie de venir<br />

au concert. On sait par ailleurs que les publics<br />

jeunes sont beaucoup plus sensibles à <strong>des</strong> répertoires<br />

contemporains qui leur paraissent plus proches<br />

d’une expression spontanée, qui sont moins organisés<br />

sur le plan formel et qui leur laissent plus de<br />

liberté d’appréhension. Il faut plusieurs années pour<br />

que cette démarche porte ses fruits.<br />

Cécile GRASSI<br />

De simples conférences, organisées avant le concert,<br />

suffi sent parfois à susciter la curiosité, il nous est arrivé<br />

de le const<strong>at</strong>er. Il faut aussi savoir mélanger les époques<br />

pour que les gens surmontent <strong>des</strong> appréhensions.<br />

En Allemagne, on a participé à un festival autour de<br />

Schoenberg, qui a mobilisé du monde, précisément<br />

parce que l’offre était diversifi ée, et, du coup, les gens<br />

ont découvert toute une époque de Schoenberg.<br />

Odile PIERRE-CHRETIEN<br />

Présidente - Festival Intern<strong>at</strong>ional<br />

du Qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong> du Lubéro<br />

Pour notre part (c’est notre 29 e saison l’année prochaine),<br />

nous accueillons de jeunes qu<strong>at</strong>uors ou de plus connus.<br />

Notre public a accepté nos choix de programm<strong>at</strong>ion<br />

qui mêlent <strong>musique</strong> contemporaine et œuvres du répertoire.<br />

Nous laissons le choix <strong>des</strong> œuvres aux artistes et le<br />

public maintenant nous fait confi ance. C’est simplement<br />

la qualité de la programm<strong>at</strong>ion qui est déterminante.<br />

de rupture, d’autres programmes que ceux proposés<br />

en saison dans sa région et qui est migrant.<br />

Les <strong>festivals</strong> pallient certaines carences (non diffusion<br />

de la <strong>musique</strong> savante en général - <strong>musique</strong><br />

médiévale, contemporaine, jazz – au sein <strong>des</strong> lieux<br />

institutionnels), mais de façon très ponctu<strong>elle</strong>.<br />

Quand nous programmons nos saisons, il nous faut,<br />

de plus en plus, créer l’événement : doivent exister<br />

<strong>des</strong> temps forts (<strong>des</strong> sortes de <strong>festivals</strong> ?). Ce serait<br />

bien d’instituer un certain nombre de passer<strong>elle</strong>s entre<br />

une pr<strong>at</strong>ique cultur<strong>elle</strong> estivale, d’une part, et,<br />

d’autre part, une pr<strong>at</strong>ique cultur<strong>elle</strong> de saison.<br />

Jean-Marc BADOR<br />

Directeur - Orchestre de Bretagne<br />

Depuis maintenant deux ans, l’orchestre accueille en<br />

résidence le compositeur Éric Tanguy, occasion de rencontres<br />

quasiment quotidiennes entre un compositeur<br />

et un public, qui trouve son achèvement dans le temps<br />

du festival.<br />

Qu<strong>elle</strong> part les <strong>festivals</strong> prennent-ils<br />

dans le développement et l’anim<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> territoires ?<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice à France Culture<br />

Participants<br />

a t e l i e r 3<br />

Jean-Bernard MEUNIER<br />

Directeur - Festival de Sablé<br />

Diffi cile de mobiliser un public pour un événement<br />

très bref (un festival), à cheval entre opér<strong>at</strong>ion cultur<strong>elle</strong>,<br />

action de communic<strong>at</strong>ion de la collectivité<br />

territoriale et fait touristique. Un public qui a envie<br />

Odile PRADEM-FAURE - Secrétaire Générale - Abbaye aux Dames<br />

et Académies Musicales de Saintes<br />

Philippe DANEL - Directeur - Festival Octobre en Normandie<br />

Charlotte LATIGRAT - Directrice - Festival d’Île de France<br />

Guy DUMELIE - Vice-Président - Fédér<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale <strong>des</strong> Collectivités pour la Culture (FNCC)<br />

Hervé de COLOMBEL - Représentant Didier MONTAGNÉ - ex-Festival du Pays de Racan<br />

22<br />

23


a t e l i e r 3<br />

Qu<strong>elle</strong> part les <strong>festivals</strong> prennent-ils<br />

dans le développement et l’anim<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> territoires ?<br />

Odile PRADEM-FAURE<br />

Le Festival de Saintes se situe dans un lieu unique, le<br />

site de l’Abbaye aux Dames, 10 jours dans l’année, et se<br />

donne pour but la défense du répertoire sur instruments<br />

d’époque, quels que soient les répertoires et les époques.<br />

Qui dit lien entre festival et site p<strong>at</strong>rimonial, dit confront<strong>at</strong>ion<br />

de deux identités cultur<strong>elle</strong>s très fortes. <strong>La</strong> coopér<strong>at</strong>ion,<br />

si <strong>elle</strong> peut être particulièrement féconde, ne va pas<br />

de soi, <strong>elle</strong> comporte ses risques et ses limites.<br />

Le site de Saintes a ses particularités, un bâtiment qui a<br />

commencé à être rénové dès les années 80. L’Abbaye est<br />

devenue depuis 1992, comme ici Royaumont, Centre Culturel<br />

de Rencontres.<br />

Entre 1971 et 1988, c’est l’époque d’un lien très fort entre<br />

les deux entités. <strong>La</strong> cré<strong>at</strong>ion du festival et la réhabilit<strong>at</strong>ion<br />

de l’Abbaye aux Dames émanent <strong>des</strong> mêmes responsables<br />

politiques et procèdent d’un même esprit : d’une part un<br />

festival porteur d’un projet musical « baroque, contest<strong>at</strong>aire<br />

» (il faut se rappeler ce qu’était le mouvement baroque<br />

dans les années 70) et, d’autre part, l’ambition de faire<br />

revivre, autour d’un projet culturel, un lieu socialement assez<br />

défavorisé. C’est le festival qui <strong>at</strong>tire l’<strong>at</strong>tention <strong>des</strong><br />

pouvoirs publics sur l’Abbaye. Les travaux de réhabilit<strong>at</strong>ion<br />

qui s’ensuivent sauvent le bâtiment de la ruine. Par<br />

l’acoustique de son abb<strong>at</strong>iale et sa capacité d’hébergement,<br />

l’Abbaye devient l’épicentre du festival. Tous ceux<br />

qui connaissent l’architecture simple et majestueuse de<br />

l’Abbaye aux Dames savent à quel point <strong>elle</strong> se prête à la<br />

densité spiritu<strong>elle</strong> <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s qui y sont interprétées. Et<br />

l’image de l’Abbaye et c<strong>elle</strong> du festival semblent en parfaite<br />

adéqu<strong>at</strong>ion, signe manifeste de l’harmonie <strong>des</strong> liens<br />

entre un lieu et un événement. Mais, entre un site p<strong>at</strong>rimonial<br />

« intemporel » et un festival, la temporalité ne se<br />

vit pas de la même façon. À partir de 1988, pour <strong>des</strong> problèmes<br />

d’appropri<strong>at</strong>ion du lieu tout au long de l’année,<br />

pour <strong>des</strong> raisons politiques, naît la volonté de créer une<br />

autre associ<strong>at</strong>ion à côté de l’associ<strong>at</strong>ion du festival, qui<br />

portera le nom d’Associ<strong>at</strong>ion d’Abbaye aux Dames. Créée<br />

en 1988, <strong>elle</strong> a pour mission de gérer et d’animer tout au<br />

long de l’année le site entièrement rénové. L’associ<strong>at</strong>ion<br />

aligne rapidement son action sur le modèle <strong>des</strong> Centres<br />

culturels de rencontres (l’Abbaye aux Dames rentre dans<br />

le cercle <strong>des</strong> Centres culturels de rencontres en 1991) et<br />

cherche à intégrer un projet artistique pluridisciplinaire au<br />

sein du site : si la primauté de la <strong>musique</strong> est affirmée,<br />

la place qui lui est accordée n’est pourtant pas exclusive<br />

dans la mission de diffusion du spectacle vivant dévolue<br />

à l’associ<strong>at</strong>ion.<br />

L’action artistique de l’Abbaye dépasse bientôt c<strong>elle</strong> du<br />

festival, le site prend son indépendance vis-à-vis de la<br />

manifest<strong>at</strong>ion qui l’a tiré de l’ombre. <strong>La</strong> coopér<strong>at</strong>ion entre<br />

les deux structures, à ce moment-là, se fait a minima.<br />

L’Associ<strong>at</strong>ion de l’Abbaye aux Dames devient prest<strong>at</strong>aire<br />

de services à l’égard du festival. Il va de soi que<br />

l’Abbaye bénéficie toujours <strong>des</strong> retombées positives du<br />

festival : image, visites, fréquent<strong>at</strong>ion du site, fréquent<strong>at</strong>ion<br />

touristique ; de son côté, le festival bénéficie de la<br />

structure professionn<strong>elle</strong> et du soutien logistique de l’Associ<strong>at</strong>ion<br />

Abbaye. <strong>La</strong> rel<strong>at</strong>ion est cependant déséquilibrée.<br />

Le festival, porté par le renom de son directeur artistique,<br />

Philippe Herreweghe, jouit d’un prestige intern<strong>at</strong>ional. En<br />

revanche, bien qu’associée au réseau <strong>des</strong> Centres culturels<br />

de rencontres, l’Associ<strong>at</strong>ion de l’Abbaye ne parvient pas<br />

à faire émerger un projet clairement reconnu, cohérent,<br />

suffisamment fort. L’image de l’Abbaye aux Dames reste<br />

brouillée, souvent confondue avec c<strong>elle</strong> du festival et le<br />

Centre culturel de rencontres, ne parvenant pas à se démarquer,<br />

pâtit de cette rel<strong>at</strong>ion déséquilibrée.<br />

À partir de 1998, le const<strong>at</strong> <strong>des</strong> difficultés de l’Abbaye à<br />

faire vivre un projet culturel d’envergure entraîne la révision<br />

<strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions entre le site et le festival. À la faveur de<br />

la rénov<strong>at</strong>ion du Théâtre municipal de Saintes qui prend<br />

alors en charge les missions du spectacle vivant, le CCR<br />

recentre tout son projet autour de Philippe Herreweghe et<br />

de la <strong>musique</strong>, se limitant à une « niche » : l’Abbaye aux<br />

Dames travaille maintenant autour de la <strong>musique</strong> classique<br />

et romantique sur instruments d’époque. Le rapprochement<br />

opéré avec le festival débouche, du coup, sur la<br />

fusion <strong>des</strong> deux associ<strong>at</strong>ions et, depuis 2003, une seule<br />

équipe, c<strong>elle</strong> qui s’occupait auparavant du seul festival,<br />

est en charge de la gestion du site et de l’organis<strong>at</strong>ion<br />

du festival. De part et d’autre, cette fusion ouvre de nouveaux<br />

horizons. L’Abbaye se voit investie d’un projet musical<br />

ambitieux, le festival en s’intégrant complètement à<br />

un site p<strong>at</strong>rimonial est amené à dépasser sa dimension<br />

purement saisonnière. Les activités développées autour de<br />

la form<strong>at</strong>ion professionn<strong>elle</strong>, de la form<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics,<br />

de l’accueil <strong>des</strong> entreprises, sont appelées à prendre de<br />

l’ampleur. Au-delà d’un simple événement localisé parmi<br />

d’autres à l’Abbaye, le festival devient la vitrine de tout ce<br />

qui se fait tout au long de l’année dans le cadre de l’Abbaye<br />

aux Dames.<br />

L’inscription du festival au sein d’un lieu porteur d’un héritage<br />

culturel a donc été particulièrement féconde, en dépit<br />

de rel<strong>at</strong>ions tumultueuses. Occuper un même lieu suppose,<br />

c’est préférable, la mise en place d’un projet se déroulant<br />

tout au long de l’année.<br />

Philippe DANEL<br />

C’est fin 98 que j’ai été appelé à la direction d’Octobre<br />

en Normandie. Une responsabilité qui exige <strong>des</strong> objectifs<br />

devant être en permanence réévalués, et les moyens de<br />

même, sinon, nous sommes condamnés à disparaître. Il y<br />

a cinq ans, j’ai trouvé un festival prestigieux, chargé d’histoire,<br />

faisant lui-même suite à un festival créé en 1974,<br />

alors <strong>des</strong>tiné à animer les lieux de p<strong>at</strong>rimoine de la Seine-<br />

Maritime, un festival d’été qui a pris de plus en plus d’importance<br />

et qui, en 1991, est devenu un festival d’automne,<br />

Festival d’Automne bis peut être, essenti<strong>elle</strong>ment concentré<br />

sur quelques pôles et en particulier sur Rouen.<br />

<strong>La</strong> première décision prise a été de redéployer ce festival<br />

sur l’ensemble du département : cette année nous étions<br />

présents dans 23 communes différentes pour une trentaine<br />

de lieux différents. Un objectif que nous ne dépasserons<br />

pas, en terme de logistique, on ne peut pas aller plus loin<br />

sans remettre en question la qualité et l’identité même<br />

du festival.<br />

Une évolution parallèle s’imposait, c<strong>elle</strong> de la programm<strong>at</strong>ion<br />

que nous avons essayé d’ouvrir, en y accueillant<br />

d’autres disciplines et <strong>des</strong> propositions de spectacles de<br />

niveau d’accessibilité différent. Notre festival s’est ouvert<br />

à la littér<strong>at</strong>ure, au théâtre, au cinéma, devenant très pluridisciplinaire,<br />

même si la danse et la <strong>musique</strong> y conservent<br />

évidemment une place très importante. Nous sommes<br />

convaincus, en effet, qu’on peut <strong>at</strong>tirer un public vers<br />

<strong>des</strong> choses plus rares, plus originales. Ce fut une évolution<br />

lente, progressive, fruit d’une conviction. Au départ, aucun<br />

cahier <strong>des</strong> charges, aucune feuille de route à respecter,<br />

aucun objectif. Simplement le sentiment qu’il fallait lutter<br />

contre l’image d’un festival élitiste, excluant beaucoup de<br />

gens. Un comb<strong>at</strong> difficile, pas encore couronné de succès.<br />

En investissant 30 lieux différents, il a été nécessaire de<br />

s’adapter à la spécificité de chacun. Notre politique tarifaire,<br />

par exemple, doit s’adapter aux petites communes dont<br />

les seules pr<strong>at</strong>iques cultur<strong>elle</strong>s sont les sorties annu<strong>elle</strong>s ou<br />

bi annu<strong>elle</strong>s généralement offertes, rien à voir avec c<strong>elle</strong>s<br />

de Rouen ou Le Havre. Une façon de pr<strong>at</strong>iquer la décentralis<strong>at</strong>ion<br />

très <strong>at</strong>tendue par nos partenaires du département,<br />

ainsi partie prenante d’une manifest<strong>at</strong>ion reconnue.<br />

Étant donné la réduction <strong>des</strong> coûts (20 à 30 % du coût du<br />

pl<strong>at</strong>eau) - et plus le spectacle est difficile, plus on le propose<br />

à un tarif intéressant - les artistes se produisent deux,<br />

trois, qu<strong>at</strong>re fois.<br />

L’un <strong>des</strong> autres avantages de cette décentralis<strong>at</strong>ion, c’est<br />

le parti qu’en tire le Conseil Général qui peut ainsi se prévaloir<br />

d’une politique cultur<strong>elle</strong> large et ambitieuse, puisque<br />

<strong>des</strong> spectacles de haute qualité sont proposés à la fois<br />

à de petites communes et dans de grands centres urbains.<br />

Le but du festival initial avait été, autrefois, de mettre en<br />

valeur le p<strong>at</strong>rimoine, but que le festival d’Octobre en Normandie,<br />

à partir de 1991, avait un peu oublié, mais avec<br />

lequel nous avons renoué. Il ne s’agit plus seulement de<br />

châteaux et d’églises, un peu froids et humi<strong>des</strong> à cette<br />

époque, mais aussi de lieux industriels. Cette année, par<br />

exemple, nous avons proposé une journée mar<strong>at</strong>hon, reliant<br />

Dieppe à Brighton, avec un certain nombre de manifest<strong>at</strong>ions<br />

sur le b<strong>at</strong>eau et aussi en Angleterre. Une proposition<br />

qui a fait le plein, les gens ayant été séduits au<br />

premier abord par la simple idée de la traversée de la<br />

Manche, sans se soucier du programme lui-même. En revanche,<br />

on a connu un rel<strong>at</strong>if échec avec l’investissement<br />

d’une usine Renault à Grand-Couronne, où le public nouveau<br />

que nous espérions, celui <strong>des</strong> travailleurs de la semaine,<br />

ne s’est pas déplacé.<br />

Tous ces projets supposent <strong>des</strong> contraintes financières, les<br />

lieux que nous visitons devant être réaménagés. D’autre<br />

part, la capacité d’accueil <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est limitée, pas forcément<br />

extensible. Dans les lieux que nous investissons, on<br />

ne pourra réunir que 50, 100 spect<strong>at</strong>eurs pour un concert<br />

de qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong>. En vérité, c’est une réussite, mais, si<br />

on se contente du chiffre, ça n’apparaît pas comme tel.<br />

Les artistes acceptent volontiers de se plier à toutes les<br />

contraintes que suppose notre démarche. <strong>La</strong> difficulté majeure<br />

est la dispersion. Il est très difficile de conserver l’esprit<br />

et la dynamique d’un festival quand on est réparti sur<br />

30 lieux différents. De plus, si l’on a le souci de se faire<br />

connaître, ce n’est déjà pas une mince affaire que de faire<br />

venir un journaliste de Paris à Rouen, alors à Doudeville<br />

ou à Gonfreville-l’Orcher, c’est encore pire.<br />

<strong>La</strong> métamorphose d’un festival très rouennais, très<br />

en pointe sur la <strong>musique</strong> contemporaine, en un festival<br />

pluridisciplinaire, plus ouvert en terme de programm<strong>at</strong>ion,<br />

et s’étendant sur l’ensemble d’un territoire,<br />

a entraîné <strong>des</strong> modific<strong>at</strong>ions d’équilibre, nous a coupé de<br />

spect<strong>at</strong>eurs, abonnés passe-partout (pour le plus grand<br />

profit du Théâtre <strong>des</strong> Arts - Léonard de Vinci Opéra de<br />

Rouen), la difficulté étant trop grande pour eux de changer<br />

de lieu tous les soirs, même si nous organisons <strong>des</strong><br />

navettes.<br />

Notre mission est à la fois de permettre à un public plus<br />

large d’accéder à une programm<strong>at</strong>ion aussi intéressante<br />

que possible et, c’est une question d’éthique et de conviction<br />

personn<strong>elle</strong>, de privilégier la part de la cré<strong>at</strong>ion, de<br />

maintenir une politique volontariste en faveur de jeunes<br />

compositeurs comme Frédéric Verrière, Franck Krawczyk,<br />

Bruno Mantovani, qui ont tous pu profiter du coup de projecteur<br />

d’Octobre en Normandie.<br />

<strong>La</strong> décentralis<strong>at</strong>ion n’est pas un gage de réussite, mais <strong>elle</strong><br />

peut permettre de toucher un nouveau public.<br />

Charlotte LATIGRAT<br />

Le festival d’Île de France, créé il y a 26 ans par le Conseil<br />

Régional d’Île de France, largement subventionné par<br />

cette Région (75 % de son budget général), a lieu pendant<br />

six semaines, à l’automne, entre septembre et mi-octobre<br />

: une quarantaine d’événements (concerts et manifest<strong>at</strong>ions<br />

périphériques) sont organisés sur une trentaine<br />

de lieux investis.<br />

Le développement d’un site ne peut se confondre avec celui<br />

d’un festival sur une région ou un département, même si<br />

<strong>des</strong> problém<strong>at</strong>iques se recoupent bien sûr. On ne peut pas<br />

effectivement mettre en parallèle une ville comme Saint-<br />

Denis et Saintes dont on a parlé, ou apparenter Noirlac à<br />

la région Île de France, où vit 1/5 e de la popul<strong>at</strong>ion française<br />

et compte 8 départements, dont la capitale.<br />

C’est d’abord leur nom qui signe les <strong>festivals</strong>, en général<br />

celui de la ville, de la commune, de la région dans lequel<br />

ils se trouvent, donc liés de fait au développement local.<br />

Pour les collectivités, c’est une marque d’appartenance,<br />

une sign<strong>at</strong>ure qui leur apportera <strong>des</strong> retombées médi<strong>at</strong>iques<br />

et une espèce de reconnaissance de la part de l’ensemble<br />

<strong>des</strong> concitoyens du territoire en question. Octobre<br />

en Normandie constitue le cas, rare, d’un festival, très largement<br />

soutenu par son département, qui ne porte pas le<br />

nom de son département, la Seine Maritime.<br />

Le festival d’Île de France couvre plusieurs zones comme<br />

<strong>des</strong> cercles autour de Paris. Paris donc, avec <strong>des</strong> publics<br />

très différenciés, puis la banlieue, nommée pudiquement<br />

la petite couronne, avec ses quartiers difficiles, ensuite la<br />

grande couronne, zone semi-urbaine avec <strong>des</strong> villes nouv<strong>elle</strong>s<br />

à l’identité pas toujours bien définie. Un troisième<br />

territoire ensuite, semi rural, un peu bâtard, où l’on rencontre<br />

de petites surprises architecturales tout à fait étonnantes,<br />

et enfin, ce qu’on oublie, un important territoire<br />

essenti<strong>elle</strong>ment rural. Il y a de ce fait une grande difficulté<br />

pour le festival d’Île de France et ses partenaires, à imaginer<br />

le développement de ces territoires. Il est certain qu’on<br />

ne peut pas l’appréhender de façon géographique. Il faut<br />

y penser différemment.<br />

Quels lieux sont investis tout au long de ces éditions ?<br />

D’abord <strong>des</strong> lieux du p<strong>at</strong>rimoine. C’est l’un <strong>des</strong> impér<strong>at</strong>ifs<br />

contenus dans la charte du festival. Or, la définition p<strong>at</strong>rimoniale<br />

est peu précise et les départements ne sont pas<br />

tous égaux en la m<strong>at</strong>ière. Certains départements comptent<br />

de prestigieux bâtiments, mais dont beaucoup sont privés.<br />

D’autres comme la Seine-Saint-Denis, par exemple,<br />

ou le Val-de-Marne et parti<strong>elle</strong>ment l’Essonne, sont jalonnés<br />

de bâtiments qui ne correspondent pas à une définition<br />

classique. Ce sont par exemple <strong>des</strong> friches industri<strong>elle</strong>s,<br />

<strong>des</strong> lieux de mémoire sociale, ou <strong>des</strong> lieux éphémères<br />

comme le Théâtre Zingaro à Aubervilliers. Mais à chacun<br />

de ces lieux doit correspondre un projet qui sera en adéqu<strong>at</strong>ion<br />

avec ce qu’il évoque pour l’ensemble du public.<br />

Nous pouvons aussi le surprendre avec une idée <strong>at</strong>ypique<br />

qui va réhabiliter un site abandonné. Nous choisissons un<br />

répertoire, une époque, un clim<strong>at</strong> particulier. Nous sommes<br />

vigilants à la magie du lieu, à son ambiance. C’est le<br />

Festival d’Île de France qui procède à ce choix, effectué en<br />

toute liberté. Cette nécessité nous a contraints à créer un<br />

poste permanent réservé aux repérages <strong>des</strong> lieux qui se renouv<strong>elle</strong>nt<br />

pour moitié tous les ans. Au bout de 26 années<br />

de fonctionnement du festival, un maillage régional très<br />

important a pu être ainsi établi.<br />

Le festival d’Île de<br />

France est donc un<br />

festival nomade qui<br />

chaque année défriche<br />

de nouveaux territoires<br />

et de nouveaux<br />

publics.<br />

Le festival d’Île de France est donc un festival nomade<br />

qui chaque année défriche de nouveaux territoires et de<br />

nouveaux publics. Le festival rencontre à cette occasion de<br />

nouveaux partenaires que nous devons sensibiliser chaque<br />

année, comme si nous devions renaître infiniment. Des<br />

partenaires auprès <strong>des</strong>quels nous devons présenter notre<br />

spécificité, l’intérêt qu’ils pourraient trouver dans une collabor<strong>at</strong>ion<br />

et que nous devons convaincre parfois de rentrer<br />

dans une co-production pour un projet original, ambitieux<br />

et qui peut rentrer dans leur propre saison. .<br />

Parfois la collabor<strong>at</strong>ion se réduit à une aide logistique,<br />

sous forme de prêt de m<strong>at</strong>ériel, ou à une aide en communic<strong>at</strong>ion.<br />

Plus abouties sont les opér<strong>at</strong>ions périphériques<br />

à un événement comme une résidence d’artistes avec la<br />

coopér<strong>at</strong>ion d’enfants ou de chœurs dans un spectacle. Je<br />

pense à la classe de qu<strong>at</strong>rième qui a « dirigé » l’ensemble<br />

Télémaque dans l’Amour sorcier de Manuel de Falla<br />

avec Raoul <strong>La</strong>y.<br />

Mais développer un territoire, c’est développer d’autres actions<br />

de type culturel. C’est pourquoi, avec le soutien de<br />

la région Île de France, nous avons mis en place depuis<br />

deux ans, une cellule de développement <strong>des</strong> publics. Une<br />

équipe, constituée de deux personnes, a été créée après le<br />

const<strong>at</strong> amer de nos difficultés de plus en plus fréquentes<br />

à toucher le public éloigné <strong>des</strong> zones urbaines ou habitant<br />

<strong>des</strong> quartiers difficiles. Je veux parler surtout <strong>des</strong> zones rurales<br />

lointaines où les habitu<strong>des</strong> cultur<strong>elle</strong>s sont limitées,<br />

soit du fait de l’éloignement d’un centre urbain équipé,<br />

soit parce que la popul<strong>at</strong>ion ne se sent pas concernée par<br />

la <strong>musique</strong> dite savante, mais surtout parce qu’il ne la<br />

connaît pas, qu’<strong>elle</strong> l’impressionne, qu’il n’en possède pas<br />

les clés d’accès. Cette équipe sillonne ainsi tous les départements,<br />

fait en sorte du porte-à-porte auprès <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions,<br />

dont les activités ne sont pas forcément musicales,<br />

met en place <strong>des</strong> masterclasses, <strong>des</strong> résidences d’artistes,<br />

fait rentrer <strong>des</strong> musiciens dans les classes, cherchent les<br />

acteurs locaux les plus mobilisés pour faire relais. Ce travail<br />

n’en est qu’à son début, mais nous pouvons dire qu’il<br />

a été pour beaucoup dans l’augment<strong>at</strong>ion de 10 % de<br />

notre public en 2003.<br />

Les <strong>festivals</strong> et le festival d’Île de France en particulier,<br />

pourraient développer de plus en plus cette qualité<br />

d’éveilleur. Encourager le public à venir écouter Schubert,<br />

Bach ou Stravinsky, c’est le respecter, remplir un devoir de<br />

service public, comme lui proposer d’écouter les meilleurs<br />

musiciens de jazz ou une cré<strong>at</strong>ion contemporaine. Je pense<br />

aussi que le caractère festif <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, nous rend plus<br />

facile la possibilité de faire participer le public à un moment<br />

rare pour tous.<br />

Guy DUMELIE<br />

Deux mots sur la Fédér<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale <strong>des</strong> Collectivités<br />

pour la Culture, fédér<strong>at</strong>ion pluraliste, qui, depuis quarante<br />

ans, reflétant l’ensemble <strong>des</strong> sensibilités politiques,<br />

regroupe un peu plus de 400 villes (gran<strong>des</strong> et<br />

moyennes), mais aussi <strong>des</strong> communes rurales qui ont<br />

choisi la culture comme vecteur de développement, ainsi<br />

que <strong>des</strong> départements et <strong>des</strong> régions. Un véritable lieu<br />

de form<strong>at</strong>ion (réflexion, échanges) pour les élus, mais<br />

aussi un partenaire pour le Ministère de la Culture.<br />

a t e l i e r 3<br />

24<br />

25


a t e l i e r 3<br />

Mon propos va s’articuler sur trois const<strong>at</strong>s et un souhait.<br />

Premier const<strong>at</strong>, les <strong>festivals</strong> sont devenus incontournables.<br />

À Aubervilliers ( je représente cette ville dans cette<br />

fédér<strong>at</strong>ion), se sont développés trois <strong>festivals</strong> de proximité,<br />

Banlieue Bleue, le Festival de Saint-Denis, un festival<br />

de Ville <strong>des</strong> Musiques du monde, sans compter le festival<br />

d’Île de France. C’est bien la preuve de la place de la <strong>musique</strong><br />

dans la société. Les <strong>festivals</strong>, composante signific<strong>at</strong>ive,<br />

pleine, de la vie cultur<strong>elle</strong>,<br />

Deuxième const<strong>at</strong> : les répertoires s’ouvrent, établissent<br />

<strong>des</strong> passer<strong>elle</strong>s. Après une période de spécialis<strong>at</strong>ion très<br />

étroite, les <strong>festivals</strong>, de plus en plus généralistes, couvrent<br />

un spectre plus large (Banlieue Bleue, festival de jazz, ou<br />

festival de Saint-Denis, axé sur la <strong>musique</strong> savante européenne,<br />

offrent parfois de la <strong>musique</strong> contemporaine).<br />

Troisième const<strong>at</strong> : pendant longtemps, les activités musicales<br />

se sont pensées de façon cloisonnée, séparant<br />

les questions de form<strong>at</strong>ion, de diffusion, de pr<strong>at</strong>iques en<br />

am<strong>at</strong>eur ou professionn<strong>elle</strong>s. Cette conception s’estompe.<br />

Les politiques cultur<strong>elle</strong>s publiques, centrées sur l’accès du<br />

plus grand nombre aux gran<strong>des</strong> œuvres de l’esprit, misent<br />

sur <strong>des</strong> structures comme les <strong>festivals</strong>, certes, mais aussi<br />

sur de nouveaux outils (actions de form<strong>at</strong>ion, éduc<strong>at</strong>ion,<br />

accompagnement <strong>des</strong> projets et <strong>des</strong> pr<strong>at</strong>iques, <strong>at</strong>eliers)<br />

qu’<strong>elle</strong>s s’efforcent de mettre en cohérence.<br />

Et puis, on ne se cultive plus pour accéder aux gran<strong>des</strong><br />

œuvres, mais pour son propre équilibre, pour développer<br />

ses propres capacités. Aussi, le festival comme moment<br />

d’exc<strong>elle</strong>nce, moment isolé, tend à s’estomper au profit<br />

d’un festival, toujours moment d’exc<strong>elle</strong>nce, mais moment<br />

fort d’une pr<strong>at</strong>ique pérenne (développement <strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers).<br />

Ainsi, le festival, d’abord simple moyen de mise en valeur,<br />

devient une composante essenti<strong>elle</strong> de la politique<br />

cultur<strong>elle</strong> locale. Depuis longtemps, les élus demandaient<br />

que le festival soit autre chose qu’un élément rapporté, le<br />

temps d’une brève période, mais les évolutions const<strong>at</strong>ées<br />

vont dans le sens qu’ils souhaitent, <strong>elle</strong>s assoient la légitimité<br />

de la dépense publique consacrée aux <strong>festivals</strong>.<br />

Mon souhait, c’est que les <strong>festivals</strong> soient encore plus inscrits<br />

dans la réalité <strong>des</strong> politiques cultur<strong>elle</strong>s locales. Cela<br />

suppose bien sûr <strong>des</strong> échanges entre les élus et les porteurs<br />

de projets, mais aussi entre les porteurs de projets et<br />

l’ensemble <strong>des</strong> acteurs musicaux sur un territoire. Asseoir,<br />

contribuer à développer cette légitimité m’apparaît très<br />

important. Jusqu’à maintenant, l’expertise était l’affaire<br />

de l’Ét<strong>at</strong>. Que les collectivités, les départements, les régions,<br />

les villes développent leur propre capacité d’expertise<br />

(assumées par les associ<strong>at</strong>ions départementales <strong>musique</strong>)<br />

afin que le désengagement progressif de l’Ét<strong>at</strong> ne<br />

soit pas vécu comme une remise en cause de projets qui<br />

ont toute leur valeur.<br />

C’est une bonne façon d’assurer la pérennité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Hervé de COLOMBEL<br />

Didier Montagné a titré son intervention « Attention, fragile<br />

». C’est l’exemple même <strong>des</strong> conséquences du malentendu<br />

qui peut exister entre <strong>des</strong> élus et <strong>des</strong> porteurs de<br />

projets, qui s’opposent ne partageant pas la même conception<br />

du développement local.<br />

Le festival <strong>des</strong> Bucoliques de Racan se situe au Nord<br />

de l’Indre-et-Loire, région très rurale regroupant<br />

10 000 habitants. Didier Montagné et une poignée<br />

d’autres, émettent, un jour, le désir de créer une académie<br />

de piano. L’associ<strong>at</strong>ion multi-partenariale regroupant<br />

les principaux acteurs du territoire a très vite validé<br />

ce projet et la première académie et quelques concerts<br />

organisés dans les églises environnantes ont pu voir le<br />

jour en août 1990. Une première édition qui a permis<br />

de mettre en valeur le nom que venait de se donner ce<br />

territoire, le Pays de Racan (Racan, poète contemporain<br />

de Ronsard), lui donner une chair.<br />

Mars 2001. L’assemblée générale de l’associ<strong>at</strong>ion<br />

de développement local qui produisait le festival, lors<br />

d’une réunion houleuse suivie par près de 200 personnes,<br />

décidait de suspendre ce festival. Quelques jours<br />

auparavant, les élus locaux avaient décidé de ne plus<br />

soutenir l’associ<strong>at</strong>ion qui, à leurs yeux, s’était rendue<br />

responsable d’avoir organisé, juste avant les élections<br />

municipales, une réunion publique <strong>des</strong>tinée à expliquer<br />

pourquoi les futurs élus devaient enfin mettre en chantier<br />

une structure intercommunale pour pérenniser l’action<br />

de développement en cours et bien sûr le festival<br />

qui la symbolisait. Une polémique violente s’en est alors<br />

ensuivie, relayée par la presse avec deux camps qui ont<br />

très vite émergé ; le Conseil Général à qui on avait demandé<br />

d’arbitrer un peu ce conflit naissant avait alors<br />

subordonné son soutien, ses subventions donc, au fait<br />

que le festival soit géré par une nouv<strong>elle</strong> structure, strictement<br />

cultur<strong>elle</strong> qui donc ne devrait plus s’occuper du<br />

développement local et du territoire, comme c’était le<br />

cas auparavant. L’associ<strong>at</strong>ion décida d’abandonner le<br />

festival.<br />

L’histoire <strong>des</strong> Bucoliques a mis à nu les limites que ne<br />

doit pas franchir un festival, s’il veut continuer à recevoir<br />

<strong>des</strong> subventions et l’accrédit<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> politiques. Il doit<br />

rester de l’art pour l’art, se cantonner au culturel, ne pas<br />

se référer à d’autres dimensions (économiques, sociales,<br />

civiques), qui pourtant le légitiment et marquent simplement<br />

son souci de s’enraciner et d’être en cohérence<br />

avec son milieu.<br />

Entre ces deux moments extrêmes, pourtant, onze éditions<br />

du festival. Les Bucoliques de Racan étaient devenues<br />

l’emblème du Pays de Racan, de son développement,<br />

de la reconnaissance dont il était l’objet. <strong>La</strong> notoriété<br />

du festival a permis que s’installent <strong>des</strong> entreprises<br />

cultur<strong>elle</strong>s, maisons d’édition, compagnies de théâtre,<br />

studios d’enregistrement, tant le projet artistique était<br />

fort et singulier. En 92, décision est prise d’abandonner<br />

l’académie de <strong>musique</strong>, trop contraignante, et de développer<br />

un véritable projet culturel autour du festival, que<br />

Didier Montagné définit comme un parcours esthétique :<br />

dix jours durant, une thém<strong>at</strong>ique est déclinée, chaque<br />

année différente (<strong>musique</strong> et plaisir, <strong>musique</strong> et silence,<br />

<strong>musique</strong> et nostalgie, <strong>musique</strong> et voyage). Cela permet<br />

un éclectisme raisonné dans la programm<strong>at</strong>ion, de choisir<br />

de manière plus ouverte dans le répertoire les genres<br />

et aussi d’élargir le public. L’interdisciplinarité <strong>des</strong><br />

genres artistiques a également été mise en avant très<br />

rapidement, littér<strong>at</strong>ure, arts plastiques, danse, cirque,<br />

gastronomie, cinéma. Suite de moments singuliers qui<br />

tranchent avec le déroulement habituel du seul concert,<br />

le spect<strong>at</strong>eur considéré comme auditeur-artiste (cf. : un<br />

voyage en train spécial, toute une journée, et arrêt dans<br />

six petites gares désaffectées pour l’intégrale <strong>des</strong> suites<br />

pour violonc<strong>elle</strong> de Bach qu’avait donnée Jean-Guihen<br />

Queyras ou pièces de violes de Sainte-Colombe à écouter<br />

en plein air, dans un parc à côté de performances<br />

réalisées par <strong>des</strong> plasticiens). Le budget s’est accru au<br />

fur et à mesure <strong>des</strong> années et il est passé de 50 000 à<br />

600 000 Francs avec contributions de trois Départements,<br />

deux Régions, la DRAC et, certaines années, <strong>des</strong><br />

fonds européens. Mais on sauvegardait un certain équilibre,<br />

à savoir un tiers de subventions publiques, un tiers<br />

de billetterie et un tiers de partenari<strong>at</strong>s privés.<br />

Pourtant les Bucoliques n’ont jamais trouvé de réel soutien<br />

financier, ou alors très tardivement, à la hauteur<br />

de leurs ambitions artistiques, seulement à l’aune de la<br />

taille géographique du territoire dans lequel <strong>elle</strong>s se développaient.<br />

Les élus locaux ont toujours mis en doute<br />

le bien-fondé <strong>des</strong> choix artistiques, réclamant sans cesse<br />

« <strong>des</strong> choses pour les gens d’ici », malgré le nombre de<br />

manifest<strong>at</strong>ions gr<strong>at</strong>uites et l’éclectisme <strong>des</strong> propositions.<br />

<strong>La</strong> petite jauge de certains lieux choisis pour <strong>des</strong> motifs<br />

esthétiques ou le numerus clausus imposé par la forme<br />

de certaines manifest<strong>at</strong>ions écornent un bilan dont<br />

beaucoup ne veulent voir tout à coup que l’aspect quantit<strong>at</strong>if.<br />

Ce qui faisait une spécificité reconnue peut devenir<br />

à tout moment une aberr<strong>at</strong>ion, au regard de critères<br />

aussi imparables que l’utilis<strong>at</strong>ion de l’argent public ou<br />

la nécessité de s’adresser au plus grand nombre.<br />

L’histoire <strong>des</strong> Bucoliques, comme c<strong>elle</strong> de nombreux <strong>festivals</strong>,<br />

est avant tout c<strong>elle</strong> d’une aventure humaine intense<br />

et parfois vers<strong>at</strong>ile, reposant sur une quarantaine<br />

de personnes bénévoles. 60 % du budget était consacré<br />

à l’artistique. Comment s’inscrire dans la durée sans<br />

une professionnalis<strong>at</strong>ion dont il faut trouver les financements<br />

? Comment résoudre la tension entre l’éphémère,<br />

le vivant et la nécessité ré<strong>elle</strong> de pérenniser ? Nous ne<br />

pouvons pas terminer sans citer René Char, « les plus<br />

pures récoltes naissent dans un sol qui n’existe pas, <strong>elle</strong>s<br />

éliminent la gr<strong>at</strong>itude et ne doivent qu’au printemps. »<br />

Jean-Marie PACQUETEAU<br />

Conseiller pour la <strong>musique</strong><br />

Conseil Général d’Indre-et-Loire<br />

Une précision : le Conseil Général n’a pas subordonné<br />

sa subvention à une condition, mais a demandé que<br />

l’activité « festival » soit indépendante de l’activité<br />

« développement global » de l’associ<strong>at</strong>ion.<br />

André NICOLAS<br />

Responsable de l’Observ<strong>at</strong>oire de<br />

la <strong>musique</strong> – Cité de la Musique<br />

« <strong>La</strong> <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? » Je répondrai<br />

non. Mais les musiciens, oui. L’économie festivalière<br />

a énormément structuré la vie professionn<strong>elle</strong><br />

artistique et autres activités dans ce pays.<br />

Brigitte HAUDEBOURG<br />

Directrice artistique<br />

Festival de <strong>musique</strong><br />

et d’art baroque en Tarentaise<br />

Notre festival a lieu dans <strong>des</strong> églises baroques dont la<br />

contenance peut, très souvent, ne pas excéder 100 personnes.<br />

<strong>La</strong> rentabilité d’un concert ou d’un festival est<br />

faible, d’où une énorme dépendance financière par rapport<br />

à la Région, la DRAC ou le Département, dépendance<br />

réciproque par ailleurs puisqu’ils en bénéficient.<br />

Sylvain TEUTSCH<br />

Président - Institut Théodore Gouvy<br />

Je suis Président d’un Institut consacré à un compositeur<br />

du XIX e , Théodore Gouvy, qu’on a totalement redécouvert,<br />

enterré dans ma petite ville de Hombourg-Haut, qui, de<br />

son vivant, était joué dans le monde entier, auteur de plus<br />

de 300 œuvres. C’est cette figure-là qui a permis que la<br />

région se redécouvre une identité. Grâce à la mobilis<strong>at</strong>ion<br />

de toute la région Lorraine qui a bien compris qu’il ne<br />

lui fallait pas négliger son p<strong>at</strong>rimoine culturel, nous avons<br />

créé un festival et une collection discographique qui s’app<strong>elle</strong><br />

Mémoire musicale de la Lorraine. Si l’on croit au projet<br />

qu’on porte, que l’on réussit à convaincre les élus, on<br />

peut alors faire de b<strong>elle</strong>s choses.<br />

Jean-Marc BOURE<br />

Directeur <strong>des</strong> Affaires Cultur<strong>elle</strong>s<br />

de Maisons-<strong>La</strong>ffitte et organis<strong>at</strong>eur<br />

bénévole depuis de nombreuses<br />

années de <strong>festivals</strong><br />

Je suis un peu surpris d’entendre parler de subventions<br />

de la DRAC puisqu’<strong>elle</strong> ne prend en charge que la diffusion<br />

sauf s’il s’agit de <strong>musique</strong> d’aujourd’hui ou de<br />

cas spécifiques d’intervention politique.<br />

Didier PILLON<br />

Conseiller régional chargé du spectacle<br />

vivant – Conseil Régional <strong>des</strong><br />

Pays de la Loire<br />

Je voudrais réévoquer le rôle <strong>des</strong> collectivités locales.<br />

Nous, élus, sommes très sensibles, avant tout :<br />

1°- à la cohérence de la programm<strong>at</strong>ion. Peu importent<br />

la taille du territoire concerné, la fréquent<strong>at</strong>ion escomptée,<br />

la jauge <strong>des</strong> salles.<br />

2°- à l’ancrage du projet dans la vie cultur<strong>elle</strong>. Ni programm<strong>at</strong>ion<br />

plaquée, ni en concurrence avec ce qui est<br />

déjà en place.<br />

3°- à la responsabilis<strong>at</strong>ion de l’équipe artistique. On<br />

aimerait pouvoir demander <strong>des</strong> comptes, en cas d’erreur<br />

manifeste de gestion d’un lieu, par exemple.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Je voudrais vous poser une question. Vous, élus, dont<br />

le rapport au temps est de l’ordre du présent immédi<strong>at</strong>,<br />

en opposition totale avec celui de la culture qui<br />

repose sur la longue durée, comment faites-vous pour<br />

faire <strong>des</strong> choix ?<br />

Didier PILLON<br />

En ce qui concerne les <strong>festivals</strong> qui existent depuis<br />

longtemps, les élus continuent à soutenir un projet qui<br />

marche. Pour ceux qui naissent, nous les accompagnons<br />

pendant 3 ans. Puis, on établit le bilan et on<br />

décide alors si oui ou non on bascule notre aide dans<br />

une aide au fonctionnement.<br />

Comment s’inscrire<br />

dans la durée sans une<br />

professionnalis<strong>at</strong>ion<br />

dont il faut trouver les<br />

financements ?<br />

Comment résoudre<br />

la tension entre<br />

l’éphémère, le vivant<br />

et la nécessité ré<strong>elle</strong><br />

de pérenniser ?<br />

Benoît DEBUYST<br />

Responsable de la communic<strong>at</strong>ion<br />

Festival de Wallonie<br />

Les exigences <strong>des</strong> pouvoirs politiques qui demandent<br />

aux <strong>festivals</strong> d’élargir leur champ<br />

d’action sur une région ou d’en allonger la durée,<br />

comme s’ils voulaient qu’on soit <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>eurs<br />

culturels permanents, sont les mêmes<br />

chez nous et ici. Or les <strong>festivals</strong>, pour répondre<br />

à la demande du public qui aime l’événementiel,<br />

ont tendance à resserrer leur durée et même<br />

à le limiter géographiquement. Comment faire ?<br />

Charlotte LATIGRAT<br />

Le festival d’Île de France, consacré à ses débuts surtout<br />

à la <strong>musique</strong> baroque, la <strong>musique</strong> de chambre et la mu-<br />

sique vocale, a été créé par <strong>des</strong> hommes de droite. Il y a<br />

qu<strong>at</strong>re ans, la région a basculé à gauche et n’a pas tardé<br />

à faire de nouv<strong>elle</strong>s deman<strong>des</strong>, très légitimes certes, qui<br />

nous ont, pourtant, plongés dans l’embarras pendant 1<br />

ou 2 ans, tant <strong>elle</strong>s étaient imprécises : il fallait d’urgence<br />

élargir le public, le répertoire, sans aucune autre indic<strong>at</strong>ion.<br />

Il fallait penser à la nouv<strong>elle</strong> génér<strong>at</strong>ion, donc<br />

exclure de nos projets la <strong>musique</strong> classique, trop élitiste,<br />

penser aux <strong>musique</strong>s d’aujourd’hui, contemporaines. Mais<br />

lesqu<strong>elle</strong>s ? Était-ce la <strong>musique</strong> contemporaine (idée de<br />

cré<strong>at</strong>ion ?), était-ce les <strong>musique</strong>s de jazz, était-ce les <strong>musique</strong>s<br />

populaires, de variété, de danse, était-ce les <strong>musique</strong>s<br />

actu<strong>elle</strong>s ? Oui, les <strong>musique</strong>s actu<strong>elle</strong>s ! Et, au bout<br />

de deux ans, après force réflexion, tout en sauvegardant<br />

les objectifs premiers du festival, on a pu proposer à la Région<br />

deux séries nouv<strong>elle</strong>s, l’une en ouverture de festival,<br />

<strong>des</strong>tinée à présenter <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s du Monde et la deuxième,<br />

axée sur le jazz électronique, clôturant le festival. Un<br />

festival plus polymorphe, très fréquenté, avec <strong>des</strong> publics<br />

différents, mais qui, malheureusement, ne se mélangent<br />

pas. Dans notre cas, on a su répondre, et pas trop mal, à<br />

la demande. Mais c’est loin d’être toujours possible, sans<br />

compter que la demande <strong>des</strong> politiques ne correspond pas<br />

forcément à c<strong>elle</strong> du public.<br />

Un festival subventionné, c’est un organisme fragile qui<br />

dépend du bon vouloir d’une collectivité locale, et, parfois<br />

même, de tensions entre <strong>des</strong> personnes. Il ne faut<br />

pas oublier non plus qu’un festival est géré par <strong>des</strong> professionnels,<br />

souvent depuis très longtemps sur le terrain,<br />

qui, eux aussi, ont <strong>des</strong> opinions, <strong>des</strong> idées, ils ont aussi<br />

étudié ce que veut le public, ils connaissent les lieux<br />

str<strong>at</strong>égiques comme les élus avec qui ils travaillent.<br />

Simone TERVILLE<br />

Adjointe au Maire - Saintes<br />

Je suis une élue, à Saintes. Ma position en tant que<br />

t<strong>elle</strong> est la suivante : quand un festival est de qualité,<br />

quand les professionnels qui le gèrent sont de qualité,<br />

quand le festival devient l’image de marque de la ville,<br />

tout élu ne peut que le soutenir. De toute façon, la<br />

<strong>musique</strong>, par définition, est un langage universel qui<br />

fait fi <strong>des</strong> clivages politiques.<br />

Charlotte LATIGRAT<br />

Merci de votre intervention. En effet, seule importe la<br />

<strong>musique</strong> de qualité, seule importe la présence du public,<br />

seul importe le rayonnement culturel qui rejaillit<br />

sur la ville ou la région. Bien sûr, les politiques ont raison<br />

d’avoir <strong>des</strong> exigences artistiques, mais nous, organis<strong>at</strong>eurs<br />

de <strong>festivals</strong>, nous ne sommes pas tout à fait<br />

quantité négligeable ; après tout, on passe du temps,<br />

dans les médias, dans les radios locales et n<strong>at</strong>ionales,<br />

à célébrer la beauté, la vitalité <strong>des</strong> régions ou <strong>des</strong> lieux<br />

que nous investissons, à vanter l’activité cultur<strong>elle</strong> qui<br />

y règne, pas seulement par professionnalisme, mais<br />

aussi par amour de ces lieux-là. Nous sommes utiles.<br />

a t e l i e r 3<br />

26<br />

27


a t e l i e r 3<br />

Guy DUMELIE<br />

Vice-Président - FNCC<br />

Les politiques cultur<strong>elle</strong>s <strong>des</strong> collectivités sont assez récentes<br />

(une trentaine d’années). Elles ont d’abord été <strong>des</strong><br />

politiques d’aménagement du territoire (construction de<br />

théâtres, etc..). Aujourd’hui, les élus s’interrogent sur la<br />

légitimité <strong>des</strong> dépenses cultur<strong>elle</strong>s, d’où leur maladroite<br />

exigence que tout projet culturel soit « à portée » de leur<br />

popul<strong>at</strong>ion. Mais, avec le dialogue, on peut dépasser les<br />

craintes premières et être dans un plaisir partagé.<br />

Henri FUOC<br />

Président - Festival Saoû chante<br />

Mozart dans la Drôme<br />

J’ai été maire, 17 ans, de Saoû, village de 420 habitants<br />

dans la Drôme, département rural. Qu’est-ce<br />

que demande un élu ? Avant tout, c’est vrai, « faire<br />

du monde ». Depuis six ans, tous nos concerts se donnent<br />

à guichet fermé, ça nous simplifie bien les choses.<br />

Mais on a eu de petits problèmes avec l’Ét<strong>at</strong>. Il<br />

existe, vous le savez, <strong>des</strong> subventions déconcentrées,<br />

accordées par le Préfet de Région sur proposition de la<br />

DRAC. Lors du conflit qui a écl<strong>at</strong>é (l’Ét<strong>at</strong> a diminué sa<br />

subvention pour moitié, cette année, rien n’est prévu<br />

l’an prochain), on a eu le soutien de tous les politiques,<br />

quels qu’ils soient.<br />

Hervé de COLOMBEL<br />

Il est nécessaire que<br />

s’établisse un véritable<br />

équilibre entre les élus<br />

(décideurs) et l’administr<strong>at</strong>ion<br />

(directeur de festival).<br />

Ce serait bien que<br />

tous les acteurs engagés,<br />

après un vrai dialogue,<br />

s’entendent sur de<br />

vrais critères d’évalu<strong>at</strong>ion,<br />

pas seulement fondés<br />

sur les chiffres de<br />

fréquent<strong>at</strong>ion.<br />

Il est nécessaire que s’établisse un véritable équilibre<br />

entre les élus (décideurs, mais pas omnipotents)<br />

et l’administr<strong>at</strong>ion (directeur de festival ou fonctionnaire<br />

territorial). Un élu, bien sûr, n’a pas la science<br />

infuse, mais il lui faut bien indiquer à un festival les<br />

objectifs à <strong>at</strong>teindre. Ce serait bien que tous les acteurs<br />

engagés (le directeur-technicien du festival, l’équipe,<br />

l’élu, la collectivité), après un vrai dialogue, s’entendent<br />

sur de vrais critères d’évalu<strong>at</strong>ion, pas seulement<br />

fondés sur les chiffres de fréquent<strong>at</strong>ion afin de réduire<br />

l’éventuel malentendu entre la commande et le porteur<br />

du projet.<br />

Véronique CHAUVOIS<br />

Chargée du spectacle vivant<br />

Conseil Régional du Limousin<br />

Chaque mois, se réunit une commission cultur<strong>elle</strong><br />

où nous expliquons et présentons chaque projet aux<br />

élus de façon la plus détaillée possible. Cela crée <strong>des</strong><br />

liens.<br />

Je voudrais savoir s’il existe une convention spécifique<br />

entre la Région et votre associ<strong>at</strong>ion qui fixe les contreparties<br />

apportées par rapport à la subvention que<br />

vous recevez.<br />

Charlotte LATIGRAT<br />

Oui, effectivement, il y a une convention signée entre<br />

l’associ<strong>at</strong>ion et la Région.<br />

Philippe DANEL<br />

Oui, il y a aussi une convention.<br />

Sylvain TEUTSCH<br />

Je suis président de l’Institut Théodore Gouvy, mais<br />

aussi élu de ma ville, chargé <strong>des</strong> affaires cultur<strong>elle</strong>s.<br />

Un double st<strong>at</strong>ut, source de certaines ambiguïtés. Je<br />

m’oblige à programmer au moins un concert de <strong>musique</strong><br />

de chambre chaque année. Quand on me reproche<br />

la faible fréquent<strong>at</strong>ion à ce concert, je la justifie<br />

par le fait que ce concert a généré un enregistrement<br />

discographique qui, lui, va être entendu par le monde<br />

entier, enregistrement qui vient d’avoir une critique<br />

dithyrambique dans The Strade.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Ne faites-vous pas dépendre toute subvention d’un<br />

dossier de presse ?<br />

Sylvain TEUTSCH<br />

Il est un moment où vous n’avez plus <strong>besoin</strong> de dossier<br />

de presse, lorsque vous avez réussi à faire admettre<br />

à tous vos partenaires la valeur de votre projet.<br />

Didier PILLON<br />

Tout à fait d’accord, le dossier de presse n’est pas un<br />

élément majeur, c’est une carte de visite, sans plus.<br />

J’ai été président d’une scène n<strong>at</strong>ionale, je ne me<br />

suis jamais mêlé de la programm<strong>at</strong>ion du directeur,<br />

je pense que j’aurais été en dehors de mon rôle, lui ne<br />

l’aurait pas admis. Cependant, quand un festival est<br />

financé à 75 %, il ne me paraît pas scandaleux que le<br />

Conseil Régional énonce <strong>des</strong> objectifs très précis, pas<br />

forcément d’ordre financier, tenant compte aussi <strong>des</strong><br />

avis de techniciens, comme ceux de la DRAC ou d’une<br />

commune, d’un département ou d’une région (les collectivités<br />

territoriales ont leurs directeurs culturels propres).<br />

Le critère important me paraît être, non pas le<br />

pur quantit<strong>at</strong>if, mais un certain rapport entre le prévisionnel<br />

escompté (financier ET artistique), qui comporte<br />

oblig<strong>at</strong>oirement sa part de risque, et le bilan.<br />

Véronique IACIU<br />

Directrice artistique<br />

Festival du Périgord Noir<br />

Je remercie les élus qui sont tout à fait bienveillants,<br />

ici, envers les <strong>festivals</strong>, mais je partage un peu le sentiment<br />

de Charlotte <strong>La</strong>trigr<strong>at</strong>. Je conseille quand même<br />

aux cré<strong>at</strong>eurs de festival de garder en tête qu’on exigera<br />

d’eux, à la fois, une programm<strong>at</strong>ion cohérente, un<br />

maillage avec les réseaux existant déjà dans la région,<br />

un retour sur investissement, donc un dossier de presse<br />

conséquent et <strong>des</strong> bilans financiers convenables, sans<br />

compter la cré<strong>at</strong>ion d’autres réseaux afin d’établir <strong>des</strong><br />

partenari<strong>at</strong>s avec l’étranger. Toute mission très difficile<br />

à gérer, surtout si on travaille à mi-temps.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Le mot « mode » est à retenir. Les politiques, qui ont<br />

compris la puissance de la culture, en usent parfois de<br />

façon démagogique, ce qui constitue une menace (risque<br />

de récupér<strong>at</strong>ion et manipul<strong>at</strong>ion politique).<br />

Fanny MALAFOSSE<br />

Musique en Voûte<br />

Dans la Région Bourgogne, je n’ai pas à me plaindre<br />

sur ce point, mais le caractère itinérant de notre<br />

festival oblige à la multiplic<strong>at</strong>ion de nos partenaires,<br />

donc nous expose à une plus grande fragilité. Chaque<br />

année, il faut convaincre nos partenaires de nous accorder<br />

à nouveau leur confiance. Les subventions peuvent<br />

n’avoir qu’un temps. Il y a aussi <strong>des</strong> risques de<br />

conception divergente : nous, on désire rester le petit<br />

festival régional qui se déplace de commune en commune.<br />

Les élus, dans la mesure où il marche, aimeraient<br />

bien qu’il s’agrandisse.<br />

28


Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

dans la cré<strong>at</strong>ion<br />

et la diffusion musicale ?<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Bénédicte DUMEIGE - Directrice - France Festivals<br />

Participants<br />

a t e l i e r 4<br />

Olivier BERNARD - Responsable de l’action cultur<strong>elle</strong> - SACEM<br />

Thierry PECOU - Compositeur<br />

Michèle PARADON - Directrice artistique - Arsenal de Metz<br />

Damien POUSSET - Directeur artistique - Aeon Records<br />

Pascale BOURGOGNE - Responsable <strong>des</strong> enregistrements – France Musiques<br />

31


a t e l i e r 4<br />

Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans la cré<strong>at</strong>ion<br />

et la diffusion musicale ?<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Les <strong>festivals</strong> tiennent-ils une place particulière dans<br />

le paysage musical français, favorisent-ils la cré<strong>at</strong>ion<br />

musicale, une meilleure diffusion musicale ?<br />

Ensuite nous parlerons de capt<strong>at</strong>ion, de diffusion,<br />

d’enregistrement.<br />

Olivier BERNARD<br />

En France, il existe environ 800 compositeurs de <strong>musique</strong><br />

dite contemporaine (70 à 75 % résident en région<br />

parisienne) dont presque la moitié voient leurs<br />

œuvres créées et diffusées, ce qui est un chiffre important.<br />

Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans la cré<strong>at</strong>ion et la<br />

diffusion de ces œuvres ?<br />

Deux c<strong>at</strong>égories de <strong>festivals</strong> : d’une part, les <strong>festivals</strong><br />

spécialisés, très majoritairement ou même exclusivement<br />

dévolus au répertoire contemporain et donc à la<br />

cré<strong>at</strong>ion d’œuvres nouv<strong>elle</strong>s, d’autre part, <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

généralistes qui accordent une place variable, mais<br />

assez signific<strong>at</strong>ive, aux <strong>musique</strong>s d’aujourd’hui.<br />

En 2002, on peut estimer à 791 000 euros l’ensemble<br />

<strong>des</strong> soutiens financiers qu’a apportés la SACEM à<br />

bon nombre d’entre eux, au titre de l’action cultur<strong>elle</strong>,<br />

une somme en augment<strong>at</strong>ion depuis quelques années.<br />

Pour la SACEM, en effet, il est très important<br />

de préserver une masse critique suffisante de manifest<strong>at</strong>ions<br />

spécialisées, tant <strong>elle</strong>s constituent les labor<strong>at</strong>oires<br />

et les vitrines de la cré<strong>at</strong>ion française dont il<br />

faut renforcer en Europe la dimension institutionn<strong>elle</strong><br />

et professionn<strong>elle</strong>. Il ne faut pas oublier que la cré<strong>at</strong>ion<br />

musicale ne possède pas, à l’instar <strong>des</strong> arts plastiques,<br />

de réseau de galeries privées où sont exposées<br />

les œuvres que le public peut acquérir, ni, comme les<br />

cré<strong>at</strong>eurs dram<strong>at</strong>iques et chorégraphiques, d’institutions<br />

muséales publiques ou de grand festival, mêlant<br />

intimement professionnels et am<strong>at</strong>eurs. Elle n’a qu’un<br />

réseau de <strong>festivals</strong> de taille diverse, dont la caractéristique,<br />

même pour les plus mo<strong>des</strong>tes d’entre eux, est le<br />

caractère oblig<strong>at</strong>oirement intern<strong>at</strong>ional <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>ions<br />

(pas de festival de cré<strong>at</strong>ion de <strong>musique</strong> française<br />

contemporaine).<br />

Certes, certains pays d’Europe de l’Ouest (Allemagne,<br />

France, Suisse, Belgique, Pays Bas, Royaume-Uni et,<br />

depuis peu de temps, à cause d’un volontarisme politique<br />

particulier, la Finlande), grands par leur tradition<br />

musicale ancienne plutôt que par leur poids démographique,<br />

possèdent, depuis les années 70-80, 2<br />

ou 3 grands <strong>festivals</strong>, soutenus, dans un certain nombre<br />

de cas, par <strong>des</strong> organismes de radiodiffusion et<br />

de service public, constituant ainsi un réseau de 15<br />

ou 20 manifest<strong>at</strong>ions en Europe capable de supporter<br />

les projets les plus lourds et de proposer <strong>des</strong> concerts<br />

d’orchestres, <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions lyriques, <strong>des</strong> pl<strong>at</strong>eaux d’ensembles<br />

coûteux, et de passer <strong>des</strong> comman<strong>des</strong> importantes<br />

bien rémunérées à <strong>des</strong> compositeurs (cf. : le<br />

réseau VARESE, dont le fond<strong>at</strong>eur est d’ailleurs dans<br />

cette salle, Jean-Dominique Marco, organisme de concert<strong>at</strong>ion<br />

et de co-réalis<strong>at</strong>ion, de coproduction, de circul<strong>at</strong>ion<br />

de cré<strong>at</strong>ions). Les budgets y sont rel<strong>at</strong>ivement<br />

considérables, même s’ils sont mo<strong>des</strong>tes, par rapport<br />

à d’autres mo<strong>des</strong> d’expression de spectacles vivants :<br />

1,5 à 2,5 millions d’euros environ. Un réseau qui perdure<br />

et dont l’un <strong>des</strong> intérêts est qu’il constitue, pour<br />

la carrière d’un compositeur, un lieu de sélection, de<br />

consécr<strong>at</strong>ion et de légitim<strong>at</strong>ion, une sorte de parcours<br />

obligé, un enjeu symbolique très fort, peut-être plus<br />

fort, dans ce milieu, que l’enjeu proprement économique.<br />

Une reconnaissance <strong>des</strong> professionnels, qui ne<br />

concerne pas seulement les compositeurs d’ailleurs,<br />

mais beaucoup de gestionnaires du secteur musical,<br />

qu’a légitimés la responsabilité d’un festival de <strong>musique</strong><br />

contemporaine.<br />

Le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />

dans le domaine de<br />

la production (mise à<br />

disposition d’un lieu,<br />

répétitions, concert)<br />

est essentiel, surtout<br />

dans la <strong>musique</strong><br />

contemporaine.<br />

Mais les nombreux petits <strong>festivals</strong> que j’évoquais<br />

tout à l’heure, fruit d’une politique, pas si lointaine,<br />

très volontariste, d’équipements, de studios, d’ensembles,<br />

de conserv<strong>at</strong>oires, d’écoles n<strong>at</strong>ionales de<br />

<strong>musique</strong>, ont permis de révéler <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s et <strong>des</strong><br />

compositeurs nouveaux, tout en trouvant un public.<br />

Les recettes de billetterie, peut-être marginales, ne<br />

le sont pas plus que dans d’autres types de manifest<strong>at</strong>ions<br />

où l’on met en avant la modernité, l’innov<strong>at</strong>ion,<br />

et à qui on n’en fait pas le reproche.<br />

Autant il est important pour nous de soutenir ces petits<br />

<strong>festivals</strong> spécialisés, vrais labor<strong>at</strong>oires, autant il<br />

faut soutenir, dans le même temps, les <strong>festivals</strong> plus<br />

généralistes, qui permettent de couvrir la diversité<br />

propre à la cré<strong>at</strong>ion musicale actu<strong>elle</strong>. Il faut les inciter<br />

à recycler l’innov<strong>at</strong>ion, à la confronter au répertoire<br />

et au p<strong>at</strong>rimoine. <strong>La</strong> <strong>musique</strong> de notre temps ne<br />

peut se contenter <strong>des</strong> indispensables circuits spécialisés,<br />

<strong>elle</strong> a <strong>besoin</strong> d’un second marché, qui accompagnera<br />

l’accès progressif <strong>des</strong> œuvres au répertoire,<br />

même s’il est lent et difficile. D’ailleurs, de plus en<br />

plus de <strong>festivals</strong> l’ont bien compris et jouent délibérément<br />

l’effet de contraste, mettant délibérément en<br />

miroir <strong>des</strong> œuvres d’hier et d’aujourd’hui (Saintes,<br />

Ambronay). D’autres s’<strong>at</strong>tachent la présence provisoire<br />

d’un compositeur, en résidence, (édition 2004<br />

du Festival de Besançon). D’autres vont encore plus<br />

loin et demandent au compositeur d’être responsable<br />

de la programm<strong>at</strong>ion (Marc Monnet, par exemple,<br />

responsable du printemps musical de Monaco).<br />

Toutes ces démarches qui sensibilisent les publics à<br />

la continuité <strong>des</strong> répertoires musicaux, au-delà <strong>des</strong><br />

ruptures et <strong>des</strong> crises liées à l’histoire de la <strong>musique</strong><br />

au XX e siècle, dédram<strong>at</strong>isent la question de la cré<strong>at</strong>ion<br />

vis-à-vis du public et, surtout, <strong>des</strong> partenaires<br />

institutionnels, méfiants, et <strong>des</strong> mécènes, pas toujours<br />

acquis à cette cause. Et lorsque <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />

spécialisés ou généralistes, décident d’en assumer le<br />

risque (exception française), la SACEM n’hésite pas<br />

à les soutenir au moyen de partenari<strong>at</strong>s-conventionnements,<br />

dans l’idéal pluriannuels.<br />

Mais les <strong>festivals</strong> ne sont jamais que le dernier<br />

maillon de la chaîne. Il faut aussi qu’il y ait encore<br />

plus de compositeurs qui écrivent, d’éditeurs qui éditent,<br />

<strong>des</strong> interprètes motivés, compétents et, enfin,<br />

<strong>des</strong> médias qui fassent connaître l’innov<strong>at</strong>ion. Or,<br />

on const<strong>at</strong>e difficultés, manques, dysfonctionnement<br />

de la filière.<br />

Thierry PECOU<br />

Participer à un festival n’est pas anodin. C’est un acte<br />

qui dépasse le côté éphémère du concert. Il s’agit<br />

d’entrer en contact avec un lieu et son histoire, avec<br />

ses habitants, donc avec son public. Quelque chose<br />

qui se construit dans le temps et qui, souvent, a <strong>des</strong><br />

répercussions ou <strong>des</strong> rebondissements sur les années<br />

futures ou la longueur de toute une saison.<br />

Quelques exemples d’expériences :<br />

- c<strong>elle</strong> vécue, au long d’une année, avec le Festival<br />

Musique en Scène à Lyon qui m’avait invité. Il s’agissait,<br />

d’une part, de construire une pièce pour violonc<strong>elle</strong><br />

et électronique (GRAM), d’autre part, de faire<br />

un travail avec les étudiants de l’École N<strong>at</strong>ionale de<br />

Musique de Villeurbanne (présent<strong>at</strong>ion, analyse, puis<br />

montage de mes partitions) qui a abouti à plusieurs<br />

concerts, au sein du festival bien sûr, mais aussi en<br />

dehors de manifest<strong>at</strong>ions propres à l’école de <strong>musique</strong>.<br />

Le festival, alors, n’est plus seulement un lieu<br />

c<strong>at</strong>alyseur d’énergies, mais donne naissance à <strong>des</strong><br />

choses qui vivent ailleurs leur vie.<br />

- c<strong>elle</strong> vécue avec Les Bucoliques du Pays de Racan,<br />

où j’ai pu vraiment m’approprier un lieu, le château<br />

du Grand Lucé, y inventer un parcours musical, long<br />

de toute une journée, sur le thème de l’acclim<strong>at</strong><strong>at</strong>ion.<br />

- c<strong>elle</strong> vécue avec <strong>des</strong> lycéens de Bretagne, qui, après<br />

avoir organisé un concours de poésie, ont sélectionné<br />

la meilleure pièce, me l’ont confiée pour que je la<br />

mette en <strong>musique</strong>. Le concert qui a suivi a permis à<br />

bon nombre d’étudiants de différents lycées de Bretagne<br />

de découvrir un type de <strong>musique</strong> qu’ils n’auraient<br />

jamais eu l’idée d’aller découvrir par ailleurs.<br />

- c<strong>elle</strong> vécue avec les Rencontres Musicales de Pontl’Abbé,<br />

dans la perspective de mise en valeur d’un<br />

p<strong>at</strong>rimoine local. On m’avait demandé d’illustrer un<br />

tableau de M<strong>at</strong>hurin Meheu, un peintre régional, sous<br />

la forme d’une œuvre pour orchestre. Une façon, pour<br />

moi, de m’approprier <strong>des</strong> traditions, une mythologie,<br />

une poétique, d’où une pièce d’une cinquantaine de<br />

minutes pour trois voix de femmes, deux instruments<br />

et grand orchestre.<br />

Les <strong>festivals</strong>, surtout les petits, animés par <strong>des</strong> am<strong>at</strong>eurs<br />

convaincus et passionnés, sont <strong>des</strong> lieux souvent<br />

pleins d’humanité où nous, cré<strong>at</strong>eurs, pouvons expérimenter,<br />

donner libre cours à notre imagin<strong>at</strong>ion.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Abordons le second thème de notre <strong>at</strong>elier, les liens<br />

qui existent ou non, entre les <strong>festivals</strong>, les scènes et les<br />

saisons cultur<strong>elle</strong>s qui se déroulent dans l’année.<br />

Michèle PARADON<br />

L’Arsenal est l’une <strong>des</strong> rares salles de concert en France<br />

qui a développé un projet assez original, une programm<strong>at</strong>ion<br />

qui va de la <strong>musique</strong> ancienne à la <strong>musique</strong><br />

contemporaine, qui œuvre également dans le domaine<br />

de l’art chorégraphique puisqu’on a une saison<br />

de danse assez conséquente.<br />

Pas de festival à l’Arsenal. Nous travaillons sur une<br />

saison, privilégiant quelques axes, <strong>musique</strong> baroque,<br />

<strong>musique</strong> contemporaine, danse contemporaine et mettant<br />

en place <strong>des</strong> résidences d’artistes, de compagnies<br />

ou d’ensembles. Mais, pour donner une plus grande<br />

visibilité aux cré<strong>at</strong>ions de ces artistes, nous sommes<br />

amenés à travailler avec <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, surtout spécialisés,<br />

comme le festival de Beaune (<strong>musique</strong> baroque),<br />

avec lequel nous avons, depuis plusieurs années, <strong>des</strong><br />

collabor<strong>at</strong>ions sous la forme de coproductions (recré<strong>at</strong>ion<br />

d’opéras baroques ou programmes de <strong>musique</strong><br />

baroque) ou le festival Musica (<strong>musique</strong> contemporaine)<br />

ou encore Montpellier Danse ou Avignon.<br />

Les <strong>festivals</strong> jouent aussi un rôle de form<strong>at</strong>ion permanente,<br />

rassemblant les artistes ou d’autres professionnels,<br />

lieux d’échanges, de rencontres et de découvertes<br />

dont on a tant <strong>besoin</strong>.<br />

Il nous arrive parfois d’envier le fonctionnement <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> qui, en principe, consacrent un peu plus d’argent<br />

à l’artistique que nous, qui sommes dévorés par<br />

les frais structurels. Mais, ce que je déplore parfois,<br />

c’est qu’ils recherchent l’exclusivité <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions. Or<br />

les lieux de diffusion ne sont pas toujours remerciés<br />

de leurs bons efforts et la place de chacun n’est pas<br />

toujours respectée.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Nous donnons maintenant la parole à un représentant<br />

d’une maison de disques, Aeon Records, Damien<br />

Pousset. Quels sont vos mo<strong>des</strong> de collabor<strong>at</strong>ion avec<br />

les <strong>festivals</strong>, concernant la capt<strong>at</strong>ion, la production<br />

discographique ou la diffusion ?<br />

Damien POUSSET<br />

Il y a seulement 2 ans que le label Aeon existe, éman<strong>at</strong>ion<br />

d’une maison d’édition graphique de partitions,<br />

les éditions Lemoine. J’ai plus spécialement en<br />

charge le c<strong>at</strong>alogue contemporain. Ma rel<strong>at</strong>ion aux<br />

<strong>festivals</strong> (Musica, Octobre en Normandie et quelques<br />

autres) est surtout c<strong>elle</strong> d’un éditeur de <strong>musique</strong> contemporaine<br />

qui assiste aux cré<strong>at</strong>ions <strong>des</strong> œuvres pour<br />

mieux les faire connaître en les diffusant : 17 disques,<br />

presque un disque tous les mois et demi.<br />

Le festival est non seulement un lieu où l’on initie <strong>des</strong><br />

projets, mais aussi un lieu de sélection, de consécr<strong>at</strong>ion,<br />

de légitim<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> compositeurs qu’on édite. On<br />

s’y déplace pour tester au concert la performance de<br />

l’artiste. Mais les <strong>festivals</strong> s’y retrouvent car ils ont la<br />

volonté de plus en plus affirmée de laisser une trace<br />

de leur travail à travers le disque.<br />

Festivals et disque jouent un rôle essentiel dans la vie<br />

d’un artiste ou l’histoire d’une discographie : Alexandre<br />

Tharaud avait le projet d’enregistrer les œuvres<br />

de Mauricio Kagel. Le disque se fait. De par la dynamique<br />

ainsi mise en place, l’artiste prend l’initi<strong>at</strong>ive<br />

d’inscrire l’œuvre dans son répertoire et la propose à<br />

de nombreux <strong>festivals</strong>, enthousiastes. Les tournées se<br />

multiplient.<br />

Le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, dans le domaine de la production<br />

(mise à disposition d’un lieu, répétitions, concert) est<br />

essentiel, surtout dans la <strong>musique</strong> contemporaine. Il<br />

arrive que la réalis<strong>at</strong>ion de l’enregistrement, voire son<br />

financement, passe par le biais de coproduction. C’est<br />

ce vers quoi finalement on tend de plus en plus. C’est<br />

ainsi que fut réalisé, avec l’aide du festival Art’s Musica<br />

de Brux<strong>elle</strong>s, l’enregistrement d’une œuvre pour<br />

orchestre, de plus de deux heures, les Hivers de Hugues<br />

Dufour, dont le festival d’Automne à Paris était<br />

l’initi<strong>at</strong>eur et le commanditaire. Sans la logistique de<br />

ce festival, une production aussi lourde (un orchestre)<br />

n’aurait pu exister. Malgré son coût assez important,<br />

ce disque est déjà rentabilisé.<br />

Autre expérience, c<strong>elle</strong> entamée au mois de mai avec<br />

le festival de L’Epau. Le qu<strong>at</strong>uor YSAYE, qui y a été<br />

invité en résidence, s’est totalement impliqué dans la<br />

réalis<strong>at</strong>ion et l’édition d’un premier disque, sorti en<br />

septembre, les qu<strong>at</strong>uors de Haydn.<br />

Si ce genre de collabor<strong>at</strong>ion avec les <strong>festivals</strong> m’intéresse,<br />

c’est que le disque qu’on édite, dans ce cadrelà,<br />

porte bien sûr la sign<strong>at</strong>ure de l’artiste, mais aussi<br />

c<strong>elle</strong> du lieu où il a travaillé, avec son acoustique propre,<br />

sa couleur, qui donnent au son produit alors une<br />

spécificité, d’où une production discographique reconnaissable,<br />

identifiable, visible, essenti<strong>elle</strong> dans ma<br />

démarche éditoriale.<br />

Le gros problème reste celui de la distribution : le<br />

public ne dispose pas assez d’infos de la part d’une<br />

presse qui ne se déplace que pour les « coups », la<br />

FNAC, le diffuseur n° 1 en France, réduit ses offres.<br />

C’est dans les <strong>festivals</strong> que les gens achètent, <strong>des</strong> lieux<br />

qui, effectivement, créent l’événement, dans <strong>des</strong> conditions<br />

festives qui facilitent le geste d’acheter : le disque<br />

comme cadeau-souvenir (c’est bien, ça nous fait<br />

vivre) mais, non plus, comme il l’a été, un objet d’érudition,<br />

c’est dommage, on passe t<strong>elle</strong>ment d’heures à<br />

tout faire pour que le produit soit de qualité.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Autre moyen de diffuser la <strong>musique</strong>, avec les on<strong>des</strong><br />

radiophoniques. Pascale Bourgogne est responsable<br />

<strong>des</strong> retransmissions sur France Musiques, la « radio<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ».<br />

Pascale BOURGOGNE<br />

1° Qu<strong>elle</strong> est la place <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> sur l’antenne<br />

de France Musiques ?<br />

Les chiffres restent à peu près stables chaque année.<br />

En 2002, 1 245 concerts diffusés, ainsi répartis<br />

: 15 % de concerts produits par nos propres<br />

form<strong>at</strong>ions musicales, 26 % de concerts enregistrés<br />

par les radios étrangères, membres de l’UER,<br />

Union Européenne de Radiodiffusion, avec lesqu<strong>elle</strong>s<br />

s’opèrent <strong>des</strong> échanges, 17 % de rediffusions<br />

et enfin 42 % de retransmissions, concerts enregistrés<br />

dans l’année, en France, à la fois dans les<br />

saisons et dans les <strong>festivals</strong>. Au bout du compte,<br />

17% de l’offre globale de concerts sur France Musiques<br />

proviennent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

2° Quels sont les critères de choix ?<br />

Deux sortes de critères.<br />

- Les critères généraux qui s’appliquent à tous les<br />

concerts. Seul nous importe le contenu <strong>des</strong> concerts,<br />

non le lieu. Qualité <strong>des</strong> interprètes, qualité<br />

<strong>des</strong> programmes, qui, en outre, ne doivent pas<br />

faire doublon avec ce qu’on offre, ce qui explique<br />

pourquoi on a l’air d’abandonner certains d’entre<br />

vous. On fait aussi en sorte que l’offre soit la plus<br />

a t e l i e r 4<br />

32<br />

33


a t e l i e r 4<br />

diversifiée possible, on sera donc <strong>at</strong>tiré par les <strong>festivals</strong><br />

spécialisés qui, c’est sûr, proposent ce qui se<br />

fait de mieux en m<strong>at</strong>ière de cré<strong>at</strong>ion de <strong>musique</strong><br />

contemporaine ou en m<strong>at</strong>ière de répertoire baroque.<br />

Notre choix se portera aussi sur les <strong>festivals</strong><br />

qui ont fait leurs preuves, qui font <strong>des</strong> recré<strong>at</strong>ions<br />

inédites, originales, en fonction d’un marché qui<br />

existe.<br />

- Les critères spécifiques sélectionnent plus volontiers<br />

les <strong>festivals</strong> qui ont évidemment su se construire<br />

une image vis-à-vis du public, <strong>des</strong> médias.<br />

S’associer à eux permet qu’on parle de nous. Mais,<br />

on n’oublie pas notre mission de service public et<br />

on peut tout aussi bien s’intéresser à un nouveau<br />

festival, produisant de jeunes artistes ou compositeurs<br />

inconnus. <strong>La</strong> localis<strong>at</strong>ion géographique <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> joue aussi son rôle : on va assez facilement<br />

dans le Sud-Est, où un maximum de <strong>festivals</strong><br />

se concentrent en période estivale. On n’a pas un<br />

nombre d’équipes illimité, notre planific<strong>at</strong>ion doit<br />

en tenir compte.<br />

3° Qu<strong>elle</strong>s sont les <strong>at</strong>tentes de France Musiques<br />

à l’égard <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>eurs de <strong>festivals</strong> ?<br />

Ils font leur travail, mais ils ne peuvent pas avoir<br />

les mêmes préoccup<strong>at</strong>ions qu’une chaîne n<strong>at</strong>ionale<br />

de radio, ils ont leurs propres impér<strong>at</strong>ifs, mettre en<br />

valeur un lieu, privilégier une thém<strong>at</strong>ique précise,<br />

s’adresser à un public local, répondre aux exigences<br />

<strong>des</strong> politiques. Nous, on s’adresse à un public n<strong>at</strong>ional<br />

(audience d’un concert = entre 50 000 et<br />

200 000 personnes). On n’a pas d’<strong>at</strong>tentes particulières.<br />

On a la chance de disposer d’une offre<br />

d’une richesse extraordinaire dans laqu<strong>elle</strong> on pioche<br />

et qu’on fait ainsi mieux connaître : c’est donc<br />

un échange. On s’enrichit mutu<strong>elle</strong>ment.<br />

Jean-Dominique MARCO<br />

Directeur général - Festival Musica<br />

de Strasbourg<br />

Nous allons en 2004 réunir le festival Musica et le<br />

festival Routes et Voies Romanes, festival itinérant<br />

en Alsace, dont les programmes sont essenti<strong>elle</strong>ment<br />

tirés du répertoire polyphonique du XIII e siècle.<br />

Thierry Pecou y a été invité à faire une cré<strong>at</strong>ion<br />

: idée de collabor<strong>at</strong>ion entre deux <strong>festivals</strong>.<br />

Partager <strong>des</strong> coproductions est parfois difficile.<br />

L’année dernière, nous avons coproduit un opéravidéo<br />

de Steve Reich, Sweet Eyes, et aucune salle<br />

à Strasbourg n’a voulu le présenter. J’ai dû louer<br />

une salle à Baden-Baden, j’ai appelé ça Première<br />

Française à Baden-Baden. Les Allemands ont hurlé<br />

: qu’est-ce que c’est que ce festival qui colonise<br />

l’Allemagne ?<br />

Quant à Radio France, la notion de service public<br />

a-t-<strong>elle</strong> encore un sens quand cette radio ne<br />

tient plus comptes <strong>des</strong> spécificités, <strong>des</strong> marginalités<br />

? Pourquoi ne pas priv<strong>at</strong>iser ? C’est un peu<br />

provoc…<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Puisque nous disposons d’un outil collectif qui rassemble<br />

pas mal de <strong>festivals</strong> et d’un Intranet qui permet de<br />

diffuser et faire circuler très rapidement <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions,<br />

pourquoi ne pas s’en servir afin d’aplanir les<br />

problèmes liés à la coproduction, donner une impulsion<br />

nouv<strong>elle</strong> aux projets ?<br />

Olivier BERNARD<br />

Un réseau est, en effet, bénéfique pour tout le monde.<br />

On a trop tendance à oublier cette plus-value que<br />

pourrait apporter une collabor<strong>at</strong>ion en terme de communic<strong>at</strong>ion,<br />

d’inform<strong>at</strong>ions. Pourquoi pas d’opér<strong>at</strong>ions<br />

communes au-delà <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s qu’on peut<br />

avoir avec t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> manifest<strong>at</strong>ion ? Ce travail se<br />

fait de manière tout à fait pérenne dans les <strong>festivals</strong><br />

de jazz grâce à l’associ<strong>at</strong>ion-réseau, l’AFIJMA avec laqu<strong>elle</strong><br />

on travaille de manière quotidienne très s<strong>at</strong>isfaisante.<br />

Nous sommes partants, à cette seule réserve<br />

près : votre associ<strong>at</strong>ion est formidablement représent<strong>at</strong>ive<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> généralistes, un peu moins <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

spécialisés. Or, pour nous, c’est une cible très<br />

importante dans notre action. Nous devons trouver <strong>des</strong><br />

partenari<strong>at</strong>s, <strong>des</strong> convergences, <strong>des</strong> synergies avec <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> importants qui n’appartiennent pas à votre<br />

associ<strong>at</strong>ion.<br />

Damien POUSSET<br />

Dans le domaine de la cré<strong>at</strong>ion contemporaine, quand<br />

une œuvre est créée, <strong>elle</strong> est difficilement rejouée sauf<br />

quand les <strong>festivals</strong> se fédèrent ex : le réseau Varèse<br />

qui a permis la diffusion à travers toute l’Europe<br />

d’œuvres à effectif lourd ou à production coûteuse. Un<br />

vrai rêve d’éditeur ! Cela suppose que les <strong>festivals</strong> plus<br />

généralistes s’intéressent un peu plus au répertoire<br />

contemporain.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Je rapp<strong>elle</strong> que près de 40 <strong>festivals</strong> généralistes reçoivent<br />

l’aide de la SACEM. D’autre part, il faut savoir<br />

que la <strong>musique</strong> contemporaine est de plus en<br />

plus représentée dans la programm<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

de la fédér<strong>at</strong>ion, donc généralistes. On sous-estime,<br />

aujourd’hui, l’évolution qui s’est faite au sein de ces<br />

<strong>festivals</strong>.<br />

Michel HAMBERSIN<br />

Critique musical au Soir et Professeur<br />

à l’Université de Brux<strong>elle</strong>s<br />

1°L’exclusivité me paraît une pr<strong>at</strong>ique sidérante. Si je<br />

devais établir le cahier <strong>des</strong> charges d’un festival de<br />

<strong>musique</strong> contemporaine, je serais tenté d’exiger qu’il<br />

assure la diffusion d’une cré<strong>at</strong>ion dont il a passé la<br />

commande, au moins deux ou trois fois. C’est fondamental<br />

de faire vivre une œuvre.<br />

2° <strong>La</strong> vente de CD dans les <strong>festivals</strong> est-<strong>elle</strong> plus importante<br />

que c<strong>elle</strong> qu’on peut avoir dans une salle de<br />

concert ? Y a-t-il un effet festival ?<br />

3° Quel est le critère de sélection de France Musiques<br />

en ce qui concerne les concerts proposés en UER dont<br />

l’effet caisse de résonance est énorme pour <strong>des</strong> artistes<br />

moins connus ?<br />

Jean-Bernard MEUNIER<br />

Directeur artistique<br />

Festival de Sablé-sur-Sarthe<br />

Les ventes de disques à la sortie <strong>des</strong> concerts fonctionnent<br />

très bien dans les saisons et dans les <strong>festivals</strong>. Le<br />

seul problème, c’est le réseau de distribution. Heureusement,<br />

on a la chance d’avoir un disquaire indépendant<br />

qui fait très bien son travail.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

C’est le problème rencontré dans tous les <strong>festivals</strong> de<br />

France.<br />

André NICOLAS<br />

Responsable de l’Observ<strong>at</strong>oire de<br />

la Musique – Cité de la <strong>musique</strong><br />

On met en place un dispositif d’observ<strong>at</strong>ion de ce<br />

marché. Personne ne connaît le chiffre exact <strong>des</strong><br />

ventes tout simplement parce que ce qui est vendu<br />

au « cul du camion » n’est pas comptabilisé. On<br />

vient de produire un document sur la vente <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s<br />

du Monde : 15 à 25 % <strong>des</strong> ventes unitaires<br />

par référence (on reste dans <strong>des</strong> limites très basses).<br />

Aujourd’hui, le TOP 100 <strong>des</strong> ventes du classique<br />

indique quelques milliers d’exemplaires seulement.<br />

Nous procédons en ce moment à un inventaire précis<br />

de la distribution indépendante, qui tend à disparaître<br />

comme chacun sait. <strong>La</strong> profession s’est désintéressée<br />

de ces circuits de distribution, contrairement<br />

à ce qu’on a pu voir dans le cinéma ou dans le<br />

livre. On const<strong>at</strong>e, de la part <strong>des</strong> grands spécialistes,<br />

l’adoption d’une logique financière et commerciale,<br />

identique à c<strong>elle</strong> de la grande distribution, en<br />

terme de référencement ou de gestion de stocks.<br />

<strong>La</strong> diffusion est aussi un problème : <strong>des</strong> mesures<br />

précises existent, mais pas dans le secteur public.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Il y a d’autres maisons comme Naive, Alpha, qui ont<br />

peut-être <strong>des</strong> politiques éditoriales un petit peu différentes.<br />

Si, avec les majors, il est difficile d’obtenir<br />

<strong>des</strong> stocks, est-ce que vous, Damien Pousset, avec <strong>des</strong><br />

maisons d’édition plus petites, mieux calibrées et <strong>des</strong><br />

mo<strong>des</strong> de collabor<strong>at</strong>ion tels que vous les avez énoncés,<br />

tant avec les artistes qu’avec les organis<strong>at</strong>eurs de<br />

concerts et les <strong>festivals</strong>, vous allez faciliter la possibilité<br />

de diffusion de disques, notamment les soirs de<br />

concerts ?<br />

Damien POUSSET<br />

<strong>La</strong> chose existe déjà. Le directeur du festival de<br />

Sablé diffuse les disques de ZIG ZAG. <strong>La</strong> recherche<br />

du point de vente, lié au concert donné par les artistes,<br />

est constante. L’AFAA se préoccupe de cette<br />

situ<strong>at</strong>ion.<br />

Alain LACROIX<br />

Responsable du pôle <strong>musique</strong>s –<br />

Département <strong>des</strong> arts de la scène<br />

AFAA<br />

On essaie de réunir autour d’une table le producteur,<br />

la maison de disques, l’agent, les artistes et d’autres<br />

partenaires. Quand on a organisé Sound French à New<br />

York (festival de <strong>musique</strong> contemporaine avec compositeurs<br />

envoyés sur place), la SACEM était à nos côtés<br />

(disque lié à la tournée). Avec ALPHA, on organise<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> en Pologne (le Poème Harmonique<br />

cette année, l’année prochaine Café Zimmerman). Il<br />

faut soit lier l’agent et la maison de disques, soit, lors<br />

d’une tournée ou d’une sortie de disque, permettre à<br />

la maison de disques de travailler sur l’export de l’artiste<br />

aussi bien à l’étranger qu’en France.<br />

Damien POUSSET<br />

Bien qu’on soit peu nombreux, on déploie, nous, une<br />

énergie considérable. Lors d’un concert de Marc Coppey<br />

dont on vient de sortir les Suites de Bach, il a fallu<br />

quinze coups de fil pour que les disques soient sur le<br />

lieu, alors même qu’on bénéficie du réseau Harmonia<br />

Mundi, l’un <strong>des</strong> réseaux, en France, les plus dynamiques<br />

et les plus <strong>at</strong>tentifs.<br />

Christian LOUIS<br />

Responsable du centre d’inform<strong>at</strong>ion<br />

musicale – Cité de la Musique<br />

Harmonia Mundi, c’est l’une <strong>des</strong> seules innov<strong>at</strong>ions<br />

qu’on a eue dans le paysage de la distribution<br />

depuis une dizaine d’années. Mais Harmonia<br />

Mundi ne distribue que sa propre production et<br />

c<strong>elle</strong> de ses franchisés. Un autre mini-événement,<br />

c’est le regroupement d’une partie de la distribution<br />

autour d’Abeille Musique. On voit aujourd’hui<br />

les limites de ce volontarisme-là par rapport à la<br />

str<strong>at</strong>égie de la distribution spécialisée.<br />

On const<strong>at</strong>e un manque de réflexion str<strong>at</strong>égique<br />

en ce qui concerne la distribution de la production<br />

cultur<strong>elle</strong>, en particulier un manque de réflexion<br />

marketing. Dans son complexe ciném<strong>at</strong>ographique,<br />

Marin Karmitz a développé une boutique Harmonia<br />

Mundi, c<strong>elle</strong> qui marche le mieux à Paris.<br />

Lui a su créer les conditions d’une offre cultur<strong>elle</strong><br />

particulière qui prend en compte un public ciblé<br />

qui, entre les séances de cinémas, prend le temps<br />

de regarder dans les bacs… Le Ministère essaie<br />

de mettre en place <strong>des</strong> dispositifs, en lien avec le<br />

Ministère du commerce, pour revivifier <strong>des</strong> points<br />

de distribution en centre-ville. Le commerce culturel<br />

est négligé (c’est pourtant un commerce à la<br />

fois de proximité, de convivialité et de vitalis<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> centres ville), parce que les conditions économiques<br />

de la vente du disque, en particulier, ne<br />

permettent plus à la distribution indépendante de<br />

vivre, et c’est un véritable problème.<br />

Olivier BERNARD<br />

Nous avons fait le choix, aux côtés de ZIG ZAG, de<br />

coproduire régulièrement un artiste.<br />

Dans le domaine de<br />

la cré<strong>at</strong>ion contemporaine,<br />

quand une œuvre<br />

est créée, <strong>elle</strong> est difficilement<br />

rejouée sauf<br />

quand les <strong>festivals</strong><br />

se fédèrent.<br />

Bénédicte Dumeige<br />

Pascale Bourgogne, pouvez-vous nous éclairer sur les<br />

critères de choix pour la diffusion européenne de programmes<br />

enregistrés par France Musiques ?<br />

Pascale BOURGOGNE<br />

Je ne peux pas répondre à cette question. D’autres<br />

personnes que moi ont cette responsabilité.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

En aval, France Musiques pioche et picore, dites-vous.<br />

En amont, pas d’<strong>at</strong>tente spécifique. Mais ne peut-on<br />

mettre au point un dispositif qui permette un partenari<strong>at</strong><br />

en amont : lier la cré<strong>at</strong>ion d’un projet à sa radiodiffusion<br />

?<br />

Pascale BOURGOGNE<br />

Quand t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> programm<strong>at</strong>ion nous plaît, les<br />

choses ont une suite : d’une année sur l’autre, on peut<br />

reconduire <strong>des</strong> retransmissions. Il ne s’agit pas exactement<br />

de partenari<strong>at</strong>, mais ça y ressemble. On garde la<br />

liberté de choisir t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> partie de la programm<strong>at</strong>ion.<br />

Le festival de Saint-Michel-en-Thiérache est un<br />

cas de figure différent : il fait venir nos orchestres et il<br />

y a un engagement sur la fabric<strong>at</strong>ion de disques. Autre<br />

exemple : ça fait <strong>des</strong> années qu’on enregistre <strong>des</strong> concerts<br />

à Pra<strong>des</strong> ; a priori, je peux dire que <strong>des</strong> retransmissions<br />

auront lieu, d’une année sur l’autre. Mais<br />

concerneront-<strong>elle</strong>s 1, 5 ou 8 concerts ? Est-ce qu’on<br />

va faire un partenari<strong>at</strong> ou pas ? Je ne le sais pas.<br />

Alain BRUNET<br />

Directeur artistique<br />

Festival et académie baroque<br />

européenne d’Ambronay<br />

Le festival a été le partenaire de France Musiques<br />

pendant une quinzaine d’années. Mais ce partenari<strong>at</strong><br />

a cessé parce que d’année en année, les retransmissions<br />

ont diminué jusqu’au rien. On a réussi<br />

à sauver un enregistrement grâce à la présence de<br />

la télévision. Sans les caméras, nous n’avions pas<br />

de capt<strong>at</strong>ion. Finalement, la mort dans l’âme, j’ai<br />

mis fin à ce partenari<strong>at</strong>, const<strong>at</strong>ant que France Musiques<br />

ne témoignait pas de l’effort important que<br />

nous déployons à l’égard de la <strong>musique</strong> ancienne,<br />

alors que nous sommes véritablement un festival de<br />

production de cré<strong>at</strong>ions : Ambronay, c’est plus de<br />

20 000 personnes, c’est 5, 6, 8 productions chaque<br />

année, versions de concerts avec <strong>des</strong> jeunes artistes<br />

de toute l’Europe avec l’Académie Baroque Européenne,<br />

avec un grand chef chaque année, une tournée<br />

de 16 représent<strong>at</strong>ions. France Musiques, à mon<br />

avis, a manqué à sa mission de service public.<br />

Nous envisageons de créer notre propre label discographique<br />

en 2004 parce que nous ne sommes<br />

pas s<strong>at</strong>isfaits non plus <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s que nous<br />

avons avec les maisons de disques. Elles récupèrent<br />

les productions que nous leur apportons toutes cuites,<br />

puisqu’on leur donne le master, mais on n’a pas<br />

de contrepartie : très peu de royalties et très peu de<br />

bénéfices en terme de communic<strong>at</strong>ion parce que le<br />

disque est perçu comme celui de la maison X. Notre<br />

collabor<strong>at</strong>ion avec Naive a été très décevante. Nous<br />

allons donc créer notre propre label.<br />

a t e l i e r 4<br />

34<br />

35


a t e l i e r 4<br />

36<br />

Jean-Bernard MEUNIER<br />

Même expérience avec la messe de mariage d’Henri<br />

IV et de Marie de Médicis avec Denis Raisin-Dadre,<br />

où j’ai pris tous les risques de la production. C’est<br />

Naive qui en a récupéré les bénéfices.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Alors, une réflexion sur une charte de collabor<strong>at</strong>ion<br />

avec les maisons d’éditions discographiques ? Mais<br />

peut-être est-ce une mission de France Festivals de<br />

réfléchir sur les liens possibles entre capt<strong>at</strong>ion dans<br />

les <strong>festivals</strong> et maisons d’édition ?<br />

Sébastien ALMON<br />

Administr<strong>at</strong>eur –<br />

Académies musicales de Saintes<br />

Est-ce que l’Arsenal de Metz est sollicité par <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong> qui proposent <strong>des</strong> collabor<strong>at</strong>ions ? Est-ce<br />

que lui-même fait <strong>des</strong> propositions ?<br />

Comment se positionne France Musiques par rapport<br />

à Radio Classique ? Pouvez-vous être présents<br />

à un même festival ?<br />

Michèle PARADON<br />

L’Arsenal, par exemple, accueille le Concert Spirituel<br />

Hervé Niquet en résidence. Hervé Niquet a très<br />

envie de se lancer dans l’opéra, donc de monter <strong>des</strong><br />

productions plus importantes avec <strong>des</strong> mises en scène.<br />

Nous allons donc ensemble réfléchir sur la recherche<br />

d’autres partenaires (Festival d’Ambronay,<br />

Festival de Beaune, etc.). Mais <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ou <strong>des</strong><br />

ensembles peuvent aussi m’appeler pour proposer<br />

d’être partenaires sur <strong>des</strong> productions.<br />

Pascale BOURGOGNE<br />

On essaie depuis quelques années de faire que les<br />

routes de France Musiques et Radio Classique ne<br />

se croisent pas. C’est en train malheureusement de<br />

vaciller un peu : les organis<strong>at</strong>eurs de <strong>festivals</strong> qui,<br />

eux, ont envie d’être diffusés, ont de plus en plus de<br />

mal à nous accorder l’exclusivité.<br />

Francis MARECHAL<br />

Directeur - Fond<strong>at</strong>ion Royaumont<br />

Quel est, au bout du compte, le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans<br />

la diffusion et la cré<strong>at</strong>ion musicales ? D’une certaine<br />

manière, ce qui distingue les <strong>festivals</strong> d’une saison,<br />

d’un théâtre ou d’un lieu culturel, n’est-ce pas la notion<br />

de prise de risque ? Risques dans le domaine de<br />

la cré<strong>at</strong>ion musicale, dans le domaine de l’émergence<br />

d’une nouv<strong>elle</strong> génér<strong>at</strong>ion d’artistes, dans le domaine<br />

de la résurrection d’un certain nombre d’œuvres du répertoire<br />

: personne n’aurait reconstruit Le jeu de Robin<br />

et Marion (tournée européenne, 17 lieux) si Royaumont<br />

n’avait pas fait cette proposition. De même, un<br />

certain nombre de petites communes du Val d’Oise ont<br />

osé croiser jazz et flamenco, par exemple, parce qu’on<br />

a été capable de le leur proposer. Idem pour la cré<strong>at</strong>ion<br />

d’un opéra vidéo de Fausto Romitelli sur la scène<br />

n<strong>at</strong>ionale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise. Il y a là<br />

une contradiction fondamentale : les <strong>festivals</strong>, largement<br />

moins subventionnés par l’autorité publique que<br />

d’autres structures, donc économiquement moins à<br />

même de prendre <strong>des</strong> risques, osent en prendre justement.<br />

C’est nous qui jouons un vrai rôle de mission de<br />

service public, finalement, nous qui créons <strong>des</strong> ouvertures.<br />

Diffuseurs ou collectivités publiques, au premier<br />

rang <strong>des</strong>qu<strong>elle</strong>s l’Ét<strong>at</strong>, ont du mal à nous reconnaître<br />

cette fonction.<br />

Bénédicte DUMEIGE<br />

Outre la question de l’argent, retenons la notion<br />

de labor<strong>at</strong>oire, d’expériences tentées, l’émergence<br />

de projets artistiques (cré<strong>at</strong>ions et recré<strong>at</strong>ions<br />

multiples), de tribune pour les compositeurs et<br />

interprètes.


J<br />

o u r n é e 2<br />

Séance plénière introductive à la journée<br />

du vendredi 14 novembre 2003<br />

Intervention de Philippe TOUSSAINT - Président de France Festivals<br />

Intervention d’Éric GARANDEAU - Conseiller technique en charge de la <strong>musique</strong><br />

auprès du Ministre de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion<br />

1<br />

(NDLR : Depuis lors, le Ministère a abandonné le projet<br />

visant à créer un « label n<strong>at</strong>ional »)<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

En l’absence de Jean-Jacques Aillagon, bienvenue à<br />

Éric Garandeau, conseiller technique auprès du Ministre,<br />

en charge de la <strong>musique</strong>, en particulier, et de sa<br />

fi scalité.<br />

Nous avons, depuis un peu plus de 18 mois, appris à<br />

travailler ensemble et nous l’avons fait assez effi cacement.<br />

Si ce séminaire de Royaumont a été rendu possible<br />

notamment, c’est grâce au soutien du Ministère<br />

de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion, ce qui ne m’empêchera<br />

pas d’évoquer de façon directe nos préoccup<strong>at</strong>ions<br />

qui ne sont pas mineures.<br />

Pendant tout l’été, nous avons eu à faire face à <strong>des</strong><br />

événements qui ont été diffi ciles, nous avons fait preuve,<br />

je crois, d’un esprit de survie acharné, réussissant à<br />

sauvegarder la plupart <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Aujourd’hui, nous<br />

sommes à un tournant, à la croisée de deux chemins<br />

qui ont chacun leur propre logique :<br />

- Quel est l’avenir en France du spectacle vivant et, en<br />

particulier, celui du spectacle vivant musical ?<br />

- Où en est la décentralis<strong>at</strong>ion et, dans ce contexte,<br />

quel rôle peut alors jouer le Ministère de la Culture et<br />

de la Communic<strong>at</strong>ion?<br />

Étant donné ces deux gran<strong>des</strong> interrog<strong>at</strong>ions, on peut<br />

se poser la question de savoir si les <strong>festivals</strong> vont garder<br />

leur raison d’être. Les clichés ont la vie dure (ils<br />

seraient aux mains de bénévoles, d’am<strong>at</strong>eurs, ils seraient<br />

démodés, ringards, et, …élitistes, le mot qui<br />

tue). Et pourtant, on l’a vu, sans jamais renier leur très<br />

grande exigence qualit<strong>at</strong>ive (une question de survie),<br />

avec de nombreuses cré<strong>at</strong>ions, ils constituent un outil<br />

essentiel de la démocr<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion cultur<strong>elle</strong> : irrig<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> déserts culturels, mise en valeur de lieux du p<strong>at</strong>rimoine<br />

parfois oubliés, occasion d’efforts pédagogiques<br />

originaux déployés dans les établissements scolaires,<br />

organe de haute culture dans un clim<strong>at</strong> hostile, soumis<br />

à une télévision trop souvent dispens<strong>at</strong>rice d’une culture<br />

au rabais, lieux d’échanges et de rencontres entre<br />

artistes et public, source de revenus déterminante pour<br />

les artistes et les ensembles non permanents, rampe<br />

de lancement irremplaçable, enfi n, pour nombre de<br />

compositeurs et d’interprètes qui sont venus en témoigner.<br />

En un mot, l’un <strong>des</strong> piliers de ce qu’on pourrait<br />

appeler le pôle musical français.<br />

Et pourtant, les <strong>festivals</strong> ont un sentiment de fragilité<br />

et d’inquiétude. Leur gestion s’est complexifi ée, professionnalisée.<br />

<strong>La</strong> prise de risques musicale s’est considérablement<br />

accrue, parfois presque plus grande au<br />

sein <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> que dans le cadre de saisons, alors<br />

que les ressources publiques se tarissent et que le mécén<strong>at</strong><br />

n’a pas pris le relais. En outre, la perspective de<br />

la décentralis<strong>at</strong>ion fait craindre un risque de dén<strong>at</strong>ur<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, transformés en outils à tout faire<br />

d’une politique régionale.<br />

Le Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion,<br />

il faut le dire, entretient, vis-à-vis <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, une<br />

rel<strong>at</strong>ion que je qualifi erais de contradictoire : il peut<br />

fi nancer avec largesse tel festival particulier (« génial<br />

»), mais s’en désintéresser de façon générale.<br />

Il fi nance massivement les conserv<strong>at</strong>oires, les form<strong>at</strong>ions<br />

permanentes, la cré<strong>at</strong>ion, mais pas les <strong>festivals</strong>,<br />

leur tribune n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>, pourtant, et qui coûtent<br />

à vrai dire de loin le moins cher par rapport à tous les<br />

autres efforts fi nanciers dispensés. On const<strong>at</strong>e, de la<br />

part du Ministère, un manque évident de concert<strong>at</strong>ion<br />

et d’intérêt : nous n’avons pu trouver, dans vos services,<br />

aucune trace d’étu<strong>des</strong> approfondies sur le sujet,<br />

qui permettraient d’étayer ensuite de bons choix<br />

politiques.<br />

Alors, si on veut favoriser le développement culturel<br />

français, et le spectacle vivant musical, en particulier,<br />

ne doit-on pas revoir dans un sens plus constructif la<br />

coopér<strong>at</strong>ion entre les <strong>festivals</strong> et le Ministère ?<br />

Éric GARANDEAU<br />

C’est exactement notre intention.<br />

<strong>La</strong> place <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est essenti<strong>elle</strong>. Elle nous est mal<br />

connue, même s’il existe <strong>des</strong> étu<strong>des</strong>, la dernière en<br />

d<strong>at</strong>e étant c<strong>elle</strong> du Festival d’Avignon par le Département<br />

Étu<strong>des</strong> et Prospectives. D’autres sont en cours. Le<br />

travail effectué ici est important. Nous comptons sur<br />

toutes les contributions, la vôtre et c<strong>elle</strong> issue du déb<strong>at</strong><br />

n<strong>at</strong>ional engagé sur la <strong>musique</strong> et le spectacle vivant,<br />

pour faire avancer nos propres réfl exions.<br />

Les <strong>festivals</strong>, lieux rares de rencontres précieuses et<br />

festives : rappelons-nous les débuts d’Hélène Grimaud<br />

à la Roque d’Anthéron, N<strong>at</strong>alie Dessay à Aix, Renaud<br />

Capuçon aux Arcs, Emmanuel Haim à Beaune, plus<br />

récemment. Le Ministère a engagé depuis un an une<br />

politique de soutien accrue aux ensembles musicaux,<br />

parfois restés en marge de nos soutiens, une procédure<br />

qui sera généralisée à tout le territoire, dès l’année<br />

2004.<br />

Le Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion a<br />

toujours accordé un soutien très <strong>at</strong>tentif aux <strong>festivals</strong><br />

et, tout particulièrement, aux <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>,<br />

même si l’Ét<strong>at</strong> a pu développer ses interventions sans<br />

critères ré<strong>elle</strong>ment défi nis, sans exercer d’évalu<strong>at</strong>ion<br />

sérieuse sur leur impact quant aux carrières <strong>des</strong> musiciens,<br />

la fi délis<strong>at</strong>ion et l’éduc<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics, l’économie<br />

<strong>des</strong> territoires, que ce soit au plan régional, n<strong>at</strong>ional<br />

et intern<strong>at</strong>ional.<br />

L’une <strong>des</strong> premières deman<strong>des</strong> du Ministre, à son arrivée,<br />

a été précisément d’établir un programme d’étu<strong>des</strong><br />

et d’évalu<strong>at</strong>ion qui porte sur l’impact de nos programmes<br />

sur la vie artistique et cultur<strong>elle</strong>, ainsi que<br />

leur rôle social et économique. Le malheur a voulu<br />

qu’au moment où a démarré ce programme, écl<strong>at</strong>e le<br />

désastre de cet été (annul<strong>at</strong>ion de grands <strong>festivals</strong> et<br />

perturb<strong>at</strong>ions diverses, même si beaucoup de <strong>festivals</strong><br />

ont pu se tenir normalement). On a pu voir, d’ailleurs,<br />

à cette occasion, à quel point leur rôle était indispensable<br />

à la vie cultur<strong>elle</strong>, économique et touristique de<br />

notre pays. Le Ministère a donc l’ambition de défi nir<br />

<strong>des</strong> critères d’intervention précis, qui ne soient pas la<br />

simple reconduction, d’année en année, <strong>des</strong> budgets<br />

ou la réponse à <strong>des</strong> <strong>besoin</strong>s exprimés sur le terrain.<br />

L’Ét<strong>at</strong> qui intervient souvent en soutien, en renforcement<br />

d’autres budgets émanant <strong>des</strong> Villes, <strong>des</strong> Départements<br />

ou <strong>des</strong> Régions, n’est pas un simple suiveur ;<br />

il est capable aussi de repérer <strong>des</strong> foyers d’exc<strong>elle</strong>nce<br />

et d’innov<strong>at</strong>ion et de les conforter (festival d’Aix-en-<br />

Provence, les Folles Journées de Nantes, les Francofolies<br />

ou le Printemps de Bourges). Il ne s’agit pas de<br />

faire une grande révolution qui conduirait à <strong>des</strong> retraits<br />

drastiques et sans appel, ou, au contraire, à <strong>des</strong><br />

renforcements brutaux sans contrôle, mais plutôt de<br />

clarifi er les rôles (sans négliger la recherche de nouv<strong>elle</strong>s<br />

sources de fi nancement et d’appui, indépendantes<br />

de l’Ét<strong>at</strong>, la meilleure façon de se garantir une certaine<br />

indépendance esthétique).<br />

<strong>La</strong> seule « révolution » qu’on pourrait noter à la rigueur,<br />

c’est l’intervention accrue <strong>des</strong> collectivités territoriales<br />

dans le champ culturel, une évolution que<br />

l’Ét<strong>at</strong> a accompagnée, une gestion de plus en plus<br />

déconcentrée de ses programmes d’intervention pour<br />

coller au plus près aux réalités du terrain. Un début<br />

de décentralis<strong>at</strong>ion, précisément. Les <strong>festivals</strong>, à ce<br />

propos, craignent un retrait massif de l’Ét<strong>at</strong>. Regardons<br />

les choses de près. En 2002, l’Ét<strong>at</strong> a aidé environ<br />

400 <strong>festivals</strong>, alors qu’en 1999, il en avait aidé<br />

600, un recentrage important, sans doute, mais qui<br />

s’est fait sans douleur, tout simplement parce que de<br />

très nombreuses subventions étaient d’un montant insignifi<br />

ant, voire parfois inférieur au coût de gestion.<br />

Dans le même temps, on a noté une augment<strong>at</strong>ion de<br />

la fréquent<strong>at</strong>ion et du nombre de <strong>festivals</strong> : en 2002,<br />

900 000 entrées, contre 700 000 entrées auparavant,<br />

une dynamique dont on const<strong>at</strong>e qu’<strong>elle</strong> se poursuit<br />

avec <strong>des</strong> équipes de gestion de plus en plus professionnalisées,<br />

<strong>des</strong> prises de contacts et <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions<br />

de réseaux de diffusion et de coproduction à un niveau<br />

n<strong>at</strong>ional et intern<strong>at</strong>ional. Ainsi, si le Ministère<br />

continue sa politique de recentrage, ce sera, en tout<br />

ét<strong>at</strong> de cause, selon un rythme et <strong>des</strong> modalités qui<br />

seront discutés entre les directeurs régionaux <strong>des</strong> affaires<br />

cultur<strong>elle</strong>s, les collectivités, les porteurs de projets<br />

et les responsables artistiques et administr<strong>at</strong>ifs de<br />

ces <strong>festivals</strong>. Encore une fois, il ne s’agit pas de fragiliser,<br />

mais, au contraire, de mieux gérer et de gérer<br />

au bon niveau.<br />

Quid du label n<strong>at</strong>ional ? Un signe de désengagement<br />

massif ? Pas du tout ; c’est une marque de qualité,<br />

d’exc<strong>elle</strong>nce artistique, tenant compte de certains critères<br />

à défi nir : rôle structurant de tel ou tel festival<br />

dans une discipline donnée, ouverture aux cultures et<br />

aux artistes étrangers, action auprès <strong>des</strong> publics, ancrage<br />

pérenne dans le territoire, soutien à l’innov<strong>at</strong>ion<br />

et à la cré<strong>at</strong>ion, etc., ce qui ne signifi e pas que<br />

les autres <strong>festivals</strong> seraient purement et simplement<br />

abandonnés. Il nous faut, en effet, veiller à une diffusion<br />

équilibrée sur tout le territoire <strong>des</strong> activités musicales,<br />

objectif peut-être second par rapport au premier,<br />

mais pas secondaire 1 .<br />

Élargir, enfi n, les sources de fi nancement. Jean-Jacques<br />

Aillagon a entrepris, dès son arrivée, la conduite<br />

d’une réforme de grande ampleur qui vise à étendre<br />

et à stimuler les initi<strong>at</strong>ives <strong>des</strong> citoyens et <strong>des</strong> entreprises,<br />

que ce soit directement sur <strong>des</strong> projets déterminés<br />

ou par le biais d’actions de plus longue durée,<br />

au travers d’associ<strong>at</strong>ions ou de fond<strong>at</strong>ions. <strong>La</strong> loi a été<br />

votée le 1 er août 2003, permettant <strong>des</strong> réductions fi s-<br />

cales considérables (60 % d’impôt sur les sociétés ou<br />

sur le revenu).<br />

Nous sommes donc en phase avec vos préoccup<strong>at</strong>ions,<br />

tentant de mieux défi nir une vraie politique à l’égard<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> pour agir plus justement en fonction <strong>des</strong> <strong>besoin</strong>s<br />

et en pleine harmonie avec tous les partenaires.<br />

Henri FUOC<br />

Président - Festival Saou chante<br />

Mozart dans la Drôme<br />

M. Aillagon, dans un article paru le 24 mai dans le<br />

Monde, souhaite engager <strong>des</strong> travaux avant l’été, pour<br />

aboutir, d’ici l’année 2004, à une communic<strong>at</strong>ion offi<br />

ci<strong>elle</strong> concernant le spectacle vivant. D’après une lettre<br />

que M. Aillagon a écrite à M. P<strong>at</strong>rick <strong>La</strong>baune, député-maire<br />

de Valence, la liste <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> d’intérêt<br />

n<strong>at</strong>ional sera arrêtée au deuxième semestre de l’année<br />

2003, au vu de critères en cours de défi nition et<br />

<strong>des</strong> propositions <strong>des</strong> DRAC. Or voici ce que la DRAC<br />

Rhône Alpes nous fait savoir, le 22 avril : « Le montant<br />

décidé cette année fait apparaître une baisse sensible<br />

de notre subvention par rapport à 2002 (baisse<br />

sensible <strong>des</strong> 2/3), les <strong>festivals</strong> n’étant pas une priorité<br />

de la politique cultur<strong>elle</strong> de l’Ét<strong>at</strong>, j’<strong>at</strong>tire votre <strong>at</strong>tention<br />

sur le fait que la DRAC ne soutiendra pas votre activité<br />

en 2004 ». Qu’est-ce qui autorise ainsi la DRAC<br />

à prendre <strong>des</strong> décisions avant que le Ministre ait conduit<br />

complètement sa réfl exion ?<br />

Vous nous parlez de mécén<strong>at</strong>. Très intéressant, la réforme<br />

du mécén<strong>at</strong>, mais, dans cette période de crise,<br />

ce ne sera pas par ce moyen qu’on va compenser la<br />

baisse <strong>des</strong> subventions de l’Ét<strong>at</strong>.<br />

Il est nécessaire que vous vous engagiez à ce que la<br />

liste <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> d’intérêt n<strong>at</strong>ional soit publiée, qu’on<br />

connaisse ceux qui vont recevoir une aide de l’Ét<strong>at</strong>.<br />

M. Aillagon fait savoir à Jean-Jacques Queyranne :<br />

« Il appartient aux collectivités territoriales d’aider les<br />

nombreux <strong>festivals</strong> qui se déroulent en France, souvent<br />

en période estivale, leur apport fi nancier y est<br />

d’ailleurs prépondérant, etc. ». Vous ne vous étonnerez<br />

donc pas que, pour ma part et je ne suis pas<br />

le seul, je me sois mis en rel<strong>at</strong>ion avec le Président<br />

du Conseil Général de la Drôme et la Présidente de<br />

la Région Rhône-Alpes afi n qu’ils diminuent les subventions<br />

aux associ<strong>at</strong>ions et aux organismes soutenus<br />

par l’Ét<strong>at</strong>, pour compenser la perte de subvention dont<br />

nous autres souffrons. De plus, dans ce cas-là, il n’y<br />

aura plus du tout d’argent pour les nouv<strong>elle</strong>s structures.<br />

Merci de vos réponses.<br />

Les <strong>festivals</strong>…<br />

sans jamais renier leur<br />

très grande exigence<br />

qualit<strong>at</strong>ive avec de<br />

nombreuses cré<strong>at</strong>ions,<br />

constituent un outil<br />

essentiel de la démocr<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion<br />

cultur<strong>elle</strong>.<br />

Éric GARANDEAU<br />

Le financement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ne dépendra pas autom<strong>at</strong>iquement<br />

de l’<strong>at</strong>tribution du label, je le répète.<br />

Par ailleurs, la fameuse liste <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> bénéfi ciaires<br />

<strong>des</strong> subventions de l’Ét<strong>at</strong> n’est en effet pas encore<br />

arrêtée, <strong>elle</strong> est en cours de discussion au niveau de<br />

chaque direction régionale <strong>des</strong> affaires cultur<strong>elle</strong>s. Il<br />

est vrai que les DRAC, à partir <strong>des</strong> exercices 2002 et<br />

2003, ont comme objectif de recentrer leurs moyens<br />

d’intervention, en liaison évidemment avec les collectivités.<br />

Mais la liste nouv<strong>elle</strong>ment établie ne conduira<br />

pas à exclure de façon mécanique les autres <strong>festivals</strong><br />

<strong>des</strong> soutiens de l’Ét<strong>at</strong>. Mais il ne m’appartient<br />

pas de rentrer dans le détail de chaque cas particulier<br />

d’autant que la responsabilité de ce genre de<br />

décision en revient davantage aux directeurs régionaux.<br />

38<br />

39


Hervé de COLOMBEL<br />

Directeur - Festival de l’Epau<br />

Je voudrais évoquer la question du label. Vous parlez<br />

de concert<strong>at</strong>ion, mais, à ce qu’il me semble, cette concert<strong>at</strong>ion<br />

est purement interne (entre le Ministère et<br />

les DRAC), les autres acteurs territoriaux restant hors<br />

du coup. S’il vous arrive, dans vos courriers, de citer<br />

les collectivités territoriales, nous, nous sommes exclus<br />

de la concert<strong>at</strong>ion. <strong>La</strong> Fédér<strong>at</strong>ion France Festivals n’y<br />

est pas associée, ni les collectivités principales, pourvoyeurs<br />

et financeurs. Je ne vois pas comment, dans<br />

ces conditions, vous pouvez procéder à une expertise<br />

débouchant sur un label. Pour avoir discuté avec le directeur<br />

de la DRAC <strong>des</strong> Pays de la Loire, a priori qu<strong>at</strong>re<br />

<strong>festivals</strong>, toutes disciplines confondues, vont être<br />

dotées de ce fameux label. Et mon voisin (festival de<br />

Sablé) et moi (festival de l’Epau), on sait déjà qu’on<br />

ne fera pas partie <strong>des</strong> élus. Ce n’est pas forcément<br />

très grave, mais il va falloir expliquer qu’il s’agit là<br />

d’une décision totalement arbitraire. Vous devrez l’assumer<br />

1 .<br />

Éric GARANDEAU<br />

Vous indiquez qu’il n’y a pas de concert<strong>at</strong>ion,<br />

pourtant vos contacts avec la DRAC vous permettent<br />

de voir déjà vers qu<strong>elle</strong>s orient<strong>at</strong>ions <strong>elle</strong><br />

s’achemine. C’est bien le signe que la concert<strong>at</strong>ion<br />

existe. Certes, il faut l’intensifier, si <strong>elle</strong><br />

se révèle insuffisante. Par ailleurs, vous parlez<br />

d’ « arbitraire ». Je dirais plutôt que c’est la situ<strong>at</strong>ion<br />

actu<strong>elle</strong> qui l’est. C’est pourquoi nous tenons<br />

à définir <strong>des</strong> critères les plus objectifs possibles<br />

qui permettront de vrais arbitrages. Cette<br />

liste, encore une fois, ne conduit pas à exclure,<br />

simplement à donner à certains pôles d’exc<strong>elle</strong>nce<br />

une marque de référence qui s’accompagnera<br />

d’ailleurs d’autant d’oblig<strong>at</strong>ions du festival vis-àvis<br />

de l’Ét<strong>at</strong> que d’oblig<strong>at</strong>ions de l’Ét<strong>at</strong> vis-à-vis<br />

du festival. Cela suppose une convention d’objectifs<br />

sur plusieurs années, ensuite une évalu<strong>at</strong>ion<br />

indépendante systém<strong>at</strong>ique. Le label est donc réversible.<br />

Mais le label ne doit pas résumer l’ensemble<br />

de la politique de l’Ét<strong>at</strong> vis-à-vis <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />

c’est un simple exemple.<br />

Isab<strong>elle</strong> du SAILLANT<br />

Présidente - Festival de la Vezère<br />

Hier, dans nos <strong>at</strong>eliers, <strong>des</strong> mots merveilleux ont surgi<br />

au cours d’interventions et de déb<strong>at</strong>s. Ces mots sont :<br />

variété, dynamisme, effervescence, ouverture, imagin<strong>at</strong>ion,<br />

cré<strong>at</strong>ivité, pédagogie, mais aussi, générosité,<br />

dévouement, admir<strong>at</strong>ion, enthousiasme et j’ajouterais<br />

poésie. Le mot « label » ne me paraît pas convenir<br />

du tout à tout cela. C’est un mot froid, un mot administr<strong>at</strong>if.<br />

Cela me fait penser aux étoiles du Michelin pour les<br />

restaurants. Aurez-vous <strong>des</strong> goûteurs qui viendront<br />

dans les régions écouter nos <strong>festivals</strong>, rencontrer nos<br />

artistes ? J’en doute puisque pour l’instant ils ne viennent<br />

pas : c’est trop loin ou trop isolé. Il existe bien<br />

<strong>des</strong> labels pour les monuments historiques, mais ceuxci<br />

sont inscrits à l’inventaire, ils peuvent être classés,<br />

cela a un sens. Mais les <strong>festivals</strong> sont une réalité<br />

autrement mouvante, dépendant <strong>des</strong> gens qui les dirigent<br />

(anim<strong>at</strong>eurs, cré<strong>at</strong>eurs). Des <strong>festivals</strong> naissent,<br />

certains se développent, d’autres s’étiolent ou meurent.<br />

Vous aurez donc constamment à renouveler votre<br />

sélection. Quant aux critères, quels peuvent-ils être ?<br />

Il en est un, rarement utilisé : nombre de <strong>festivals</strong> à<br />

petits moyens, dans <strong>des</strong> régions difficiles et sans activité<br />

cultur<strong>elle</strong>, réussissent <strong>des</strong> choses fantastiques. Jugez-les<br />

sur le nombre de leurs spect<strong>at</strong>eurs, les vrais,<br />

ceux qui achètent leurs billets. Bien sûr, <strong>des</strong> thèmes<br />

sont moins porteurs que d’autres, mais ces <strong>festivals</strong><br />

ont réussi à créer un public, car, finalement, les spectacles,<br />

nous les faisons pour le public, pour qu’il accède<br />

à la beauté, pour l’aider à connaître ce p<strong>at</strong>rimoine<br />

merveilleux, qui dans la vie est un soutien fantastique,<br />

une évasion extraordinaire, une sublim<strong>at</strong>ion.<br />

C’est ce à quoi nous croyons tous, ici présents, et qui<br />

me paraît incomp<strong>at</strong>ible avec ce genre de classific<strong>at</strong>ion.<br />

Il faut aimer les <strong>festivals</strong>, c’est la première <strong>des</strong><br />

choses, je crois.<br />

Éric GARANDEAU<br />

Madame, merci de vos propos. En effet, je l’ai dit<br />

aussi, ce sont ces moments extraordinaires qu’il<br />

faut savoir faire naître. Je salue d’ailleurs le travail<br />

que vous faites dans votre festival. L’aspect<br />

citoyen, l’implic<strong>at</strong>ion forte de personnes bénévoles<br />

qui se dévouent corps et âme à l’organis<strong>at</strong>ion<br />

de ces activités, à ces rencontres entre artistes et<br />

public correspondent tout à fait à l’ét<strong>at</strong> d’esprit du<br />

présent gouvernement. Pour en revenir à la question<br />

du label (où se joue aussi la question du financement),<br />

il s’agit par là de reconnaître un travail,<br />

c’est donc un signe d’intérêt de l’Ét<strong>at</strong>, c’est également<br />

une forme de contr<strong>at</strong>. Les critères peuvent<br />

être affinés. Bien sûr, face à cette réalité mouvante<br />

et si diverse <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, l’Ét<strong>at</strong> a <strong>des</strong> moyens<br />

limités, même s’ils sont, en France, infiniment<br />

plus importants que dans d’autres pays d’Europe.<br />

Les choix seront douloureux.<br />

Didier PILLON<br />

Conseiller régional chargé du<br />

spectacle vivant - Conseil Régional<br />

<strong>des</strong> Pays de la Loire<br />

Je parle en tant qu’élu. Le Ministère de la Culture est<br />

une curieuse administr<strong>at</strong>ion qui fait cohabiter DRAC et<br />

administr<strong>at</strong>ions ou directions très centralisées. J’imagine<br />

que les Directions <strong>des</strong> Affaires Cultur<strong>elle</strong>s ont <strong>des</strong><br />

crédits fléchés qui viennent <strong>des</strong> directions centrales.<br />

Or il existe toujours un hi<strong>at</strong>us entre ce que décide le<br />

Ministère à Paris et ce que peuvent faire les DRAC.<br />

L’une <strong>des</strong> positions que pourrait adopter le Ministère<br />

de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion sur la question<br />

du label, c’est de déléguer ses pouvoirs aux DRAC. Les<br />

DRAC, après discussion avec les collectivités locales<br />

(Villes, Départements, Régions), s’accorderaient sur<br />

les <strong>festivals</strong> à labelliser. À l’heure actu<strong>elle</strong>, à ma connaissance,<br />

il n’existe aucun échange entre les régions<br />

et votre Ministère, pas plus sur les labels que sur les<br />

intermittents. Cela me paraît dangereux.<br />

Méfiez-vous <strong>des</strong> effets d’annonce : par exemple, vous<br />

avez annoncé <strong>des</strong> ét<strong>at</strong>s généraux sur la Culture et on<br />

ne voit toujours rien venir. Vous créez donc forcément<br />

frustr<strong>at</strong>ions et déceptions. Pour en revenir aux labels,<br />

la question de l’évalu<strong>at</strong>ion est délic<strong>at</strong>e. Or l’Ét<strong>at</strong> ne se<br />

donne plus les moyens de sa politique. Accorder un label,<br />

c’est être capable d’en faire l’évalu<strong>at</strong>ion, donc de<br />

procéder à <strong>des</strong> inspections. Que l’Ét<strong>at</strong> ne finance plus<br />

certains <strong>festivals</strong>, ça ne me choque pas, d’autant que<br />

les collectivités territoriales, qui ont une certaine m<strong>at</strong>urité<br />

maintenant dans l’approche <strong>des</strong> dossiers, sont<br />

compétentes et aptes à gérer, <strong>elle</strong>s-mêmes, les dossiers.<br />

Mais si l’Ét<strong>at</strong> veut garder le pouvoir de labelliser,<br />

alors il faut qu’il prenne cette tâche au sérieux<br />

et qu’il finance lui-même les missions d’inspection et<br />

d’évalu<strong>at</strong>ion. Si l’élu, dans sa fonction, s’expose au<br />

clientélisme, l’Ét<strong>at</strong>, lui, est toujours exposé au risque<br />

du copinage. Se doter de moyens d’évalu<strong>at</strong>ion sérieux,<br />

ça veut donc dire créer <strong>des</strong> corps d’inspecteurs ou de<br />

techniciens, sinon, il ne sera pas crédible.<br />

En résumé, le label, c’est une arme à double tranchant.<br />

Il est peut-être nécessaire pour qu’il y ait<br />

<strong>des</strong> coups de projecteurs, qu’on évite la politique de<br />

l’émiettement, mais alors il faut que l’Ét<strong>at</strong> se dote <strong>des</strong><br />

moyens indispensables.<br />

Éric GARANDEAU<br />

C’est tout à fait la direction que nous voulons<br />

prendre.<br />

S’agissant <strong>des</strong> crédits, d’ores et déjà, en très grande<br />

partie globalisés, ils sont confiés aux DRAC.<br />

Nous avons veillé à ce qu’ils soient le plus précis<br />

possible, y compris en ce qui concerne les <strong>festivals</strong><br />

; bien sûr, il faut qu’on soit capable d’évaluer<br />

correctement les choses, que les DRAC aussi, avec<br />

le concours de services d’inspection ou de corps<br />

indépendants d’évalu<strong>at</strong>ion, puissent aller contrôler<br />

a posteriori ce qui a été fait, ce qui nous permettra<br />

de mieux redéployer nos crédits, de conforter<br />

tel ou tel festival ou t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> structure,<br />

de conquérir même <strong>des</strong> marges artistiques pour<br />

soutenir <strong>des</strong> projets en pointe. L’une <strong>des</strong> principales<br />

faiblesses de l’administr<strong>at</strong>ion, jusqu’ici, est<br />

d’avoir un peu négligé cet aspect si crucial. Cela<br />

concerne d’ailleurs toutes les institutions de diffusion,<br />

y compris les institutions d’éduc<strong>at</strong>ion musicale,<br />

même si c<strong>elle</strong>s-ci ont bénéficié d’évalu<strong>at</strong>ions<br />

beaucoup plus fréquentes.<br />

Odile PRADEM-FAURE<br />

Secrétaire Générale - Académies<br />

musicales de Saintes<br />

On a la chance en Poitou-Charentes que les rel<strong>at</strong>ions<br />

entre la Région et la DRAC se soient toujours extrêmement<br />

bien passées (seul, le Département reste assez<br />

absent sur le plan culturel). Un porteur de projet qui<br />

peut s’appuyer sur <strong>des</strong> élus, a, à sa disposition, <strong>des</strong><br />

outils contractuels, notamment les conventions d’objectif<br />

sur trois ans, scellées entre l’Ét<strong>at</strong> et un festival<br />

ou un festival et une Région, et même <strong>des</strong> conventions<br />

tripartites ou quadripartites dans certains cas, qui sont<br />

un bon moyen d’organiser la concert<strong>at</strong>ion et de s’assurer<br />

que les alternances politiques ne fragilisent pas<br />

le financement du projet lui-même. Donc l’Ét<strong>at</strong>, certes,<br />

a certaines difficultés à engager le dialogue, mais<br />

je ne connais pas de DRAC qui ait fermé la porte à un<br />

porteur de projet, accompagné de ses élus (protest<strong>at</strong>ions<br />

dans la salle…)<br />

Nous sommes donc très chanceux en Poitou-Charentes,<br />

la DRAC ne nous a jamais fermé la porte. Si ces conventions<br />

d’objectifs peuvent s’appuyer sur <strong>des</strong> comités<br />

d’experts, cela peut garantir la survie <strong>des</strong> projets.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

L’une <strong>des</strong> choses à faire remarquer justement,<br />

c’est que si la décentralis<strong>at</strong>ion permet de coller au<br />

terrain, la contrepartie en est que, d’une région<br />

à l’autre, les choses peuvent se passer très différemment.<br />

Didier BIDAUX<br />

Directeur - Festival de Musique<br />

de Sully-sur-Loire<br />

Je suis directeur du Festival de Musique de Sully-sur-<br />

Loire, depuis dix ans. Les collectivités locales financent<br />

un tiers de mon budget, <strong>des</strong> partenaires privés un autre<br />

tiers et le troisième tiers est constitué de la billetterie.<br />

J’ai eu l’idée de contacter le responsable de la DRAC<br />

(nous ne recevons rien, ni de la DRAC ni du Ministère).<br />

M. Marais, Directeur de la DRAC à Orléans, m’a<br />

répondu que le festival de Sully, étant suffisamment<br />

reconnu, n’avait absolument pas <strong>besoin</strong> d’aide, mais<br />

que, si un jour nous engagions les rappeurs d’Orléans<br />

que la DRAC soutenait ou le centre d’électro-acoustique<br />

de Bourges, alors, à ce moment-là, il reverrait<br />

peut-être sa politique. Or, nous sommes un festival de<br />

<strong>musique</strong> classique. Cette année, nous avons renouvelé<br />

notre demande, il ne m’a même pas répondu.<br />

Alain BRUNET<br />

Directeur du Festival<br />

et Académie baroque<br />

européenne d’Ambronay<br />

J’ai eu aussi beaucoup de mal avec la DRAC Rhône-Alpes<br />

pour faire reconduire ses ai<strong>des</strong>. Et si on<br />

a la chance de voir reconduire sa subvention, c’est<br />

déjà bien, il est interdit de se plaindre. Or notre<br />

projet, en se développant, prenait de plus en plus<br />

d’ampleur, avait donc <strong>des</strong> <strong>besoin</strong>s plus grands. Si,<br />

aujourd’hui, il y a la volonté de la part du Ministère<br />

de faire une véritable analyse de la situ<strong>at</strong>ion,<br />

de soutenir les choses qui bougent, qui font un vrai<br />

travail de terrain, alors je salue le Ministre qui a<br />

le courage d’en assumer la responsabilité. Mais, il<br />

faut aussi que le Ministère entende toutes ces interrog<strong>at</strong>ions,<br />

toutes ces angoisses qui s’expriment.<br />

<strong>La</strong> question de l’évalu<strong>at</strong>ion (sa méthode et ses critères)<br />

est un vrai problème.<br />

Éric GARANDEAU<br />

Si j’entends bien ce que vous dites, tous, il faut que<br />

l’Ét<strong>at</strong>, ait sur les <strong>festivals</strong> le regard le plus objectif<br />

possible en vue d’intervenir le mieux possible.<br />

Ce qui n’est pas facile. D’une certaine façon, on<br />

est victime du succès : les <strong>festivals</strong> sont très nombreux<br />

et très professionnels, donc leurs <strong>besoin</strong>s de<br />

financement augmentent. Comment accorder suffisamment<br />

de temps à chaque équipe artistique, à<br />

chaque demande de soutien, comment évaluer ensuite<br />

le résult<strong>at</strong> <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> apportées ? D’où l’idée<br />

d’un certain recentrage, <strong>des</strong>tiné à améliorer à la<br />

fois la qualité de la rel<strong>at</strong>ion avec les <strong>festivals</strong> et les<br />

moyens à apporter. Faire preuve d’objectivité et de<br />

rigueur est donc d’autant plus nécessaire, reposant<br />

sur une ré<strong>elle</strong> concert<strong>at</strong>ion, bien sûr, avec les collectivités<br />

territoriales qui sont, d’ailleurs, les principaux<br />

financeurs <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

J’ai bien perçu le fort <strong>besoin</strong> de dialogue et de concert<strong>at</strong>ion,<br />

à la fois au niveau régional et n<strong>at</strong>ional.<br />

Mais, je le rapp<strong>elle</strong>, un déb<strong>at</strong> a déjà commencé sur<br />

la <strong>musique</strong> et le spectacle vivant, la mission a été<br />

confiée à Bernard LATARJET et à son équipe et a<br />

conduit à <strong>des</strong> consult<strong>at</strong>ions très importantes. Je ne<br />

manquerai pas d’<strong>at</strong>tirer l’<strong>at</strong>tention sur la question<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, concernés en vérité par tous les déb<strong>at</strong>s-clés<br />

: question de l’intermittence, <strong>des</strong> métiers<br />

et <strong>des</strong> carrières, question <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> à la diffusion,<br />

question de la cré<strong>at</strong>ion.<br />

En tout cas, soyez certains que je retransmettrai<br />

fidèlement au Ministre nos échanges dont j’ai apprécié<br />

la franchise. C<strong>at</strong>herine AHMADI est là pour<br />

vous accompagner au long de cette deuxième journée<br />

de réflexion. Je vous remercie, je remercie Philippe<br />

Toussaint de m’avoir convié à cette rencontre<br />

ce m<strong>at</strong>in.<br />

Le mot « label » me<br />

fait penser aux étoiles<br />

du Michelin pour<br />

les restaurants. Aurezvous<br />

<strong>des</strong> goûteurs qui<br />

viendront dans les<br />

régions écouter nos<br />

<strong>festivals</strong>, rencontrer<br />

nos artistes ?<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Bernard LATARJET s’est peut-être mis au travail,<br />

mais nous n’avons pas été contactés par lui. Nous<br />

aimerions avoir toute notre place dans ce déb<strong>at</strong>.<br />

Éric GARANDEAU<br />

<strong>La</strong> mission est connue, <strong>elle</strong> est publique. Elle va<br />

se poursuivre au sein de commissions axées sur<br />

cinq thèmes. Vous avez toute votre place dans ce<br />

déb<strong>at</strong>.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Il me reste à vous remercier, Éric Garandeau, de<br />

vous être prêté de bonne grâce à cet échange nourri<br />

et très intéressant.<br />

1<br />

(NDLR : Depuis lors, le Ministère a abandonné le projet<br />

visant à créer un « label n<strong>at</strong>ional »)<br />

40<br />

41


Pour votre retraite,<br />

vous comptez<br />

sur la chance ?<br />

Nous,NON.<br />

Membre d’<br />

Retraite<br />

Préparer l’avenir et anticiper, c’est notre<br />

métier depuis toujours.<br />

Vous aussi, adressez-vous à l’un de nos<br />

conseillers AGF qui définira avec vous la<br />

solution la mieux adaptée.<br />

L’argent <strong>des</strong> Festivals…<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Nicolas MARC - Directeur - <strong>La</strong> Scène<br />

L’intervention de Luc Bénito, chercheur, a été transformée en un article d’analyse page 44<br />

Participants<br />

Hervé de COLOMBEL - Directeur - Festival de l’Epau<br />

Didier PILLON - Conseiller régional chargé du spectacle vivant - Conseil Régional <strong>des</strong> Pays de la Loire<br />

C<strong>at</strong>herine AHMADI - Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et <strong>des</strong> Spectacles -<br />

Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion.<br />

Philippe TOUSSAINT - Président - France Festivals<br />

Luc Bénito - Chercheur - Université d’Aix-Marseille 1<br />

a t e l i e r 5<br />

www.agf.fr<br />

43


a t e l i e r 5<br />

Les <strong>festivals</strong> de France Festivals sous l’angle économique *<br />

D’après les résult<strong>at</strong>s de l’étude, on voit que les coûts<br />

artistiques sur les 63 <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> représentent<br />

55 % <strong>des</strong> dépenses <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, soit le double<br />

<strong>des</strong> frais administr<strong>at</strong>ifs et quasiment 4 fois plus<br />

que les frais de communic<strong>at</strong>ion et les frais techniques.<br />

<strong>La</strong> dépense moyenne en frais artistiques est de<br />

280 000 euros par festival. Pour être plus précis, il faut<br />

savoir que 50 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont <strong>des</strong> coûts artistiques<br />

compris entre 100 000 euros et 500 000 euros ; et<br />

tout de même 15 % ont <strong>des</strong> coûts artistiques supérieurs<br />

à 500 000 euros.<br />

Pour en revenir à la « loi de Baumol », il est évident<br />

que les <strong>festivals</strong> ne peuvent pas compenser cet accroissement<br />

inéluctable <strong>des</strong> coûts artistiques par une hausse<br />

<strong>des</strong> prix, et encore moins par <strong>des</strong> gains de productivité<br />

comme on le préconise dans les secteurs économipar<br />

Luc Bénito - Chercheur - Université d’Aix-Marseille 1<br />

Mise en évidence de la précarité de la situ<strong>at</strong>ion financière <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

Typologie <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> par rapport à leur structure de financement<br />

L’indispensable travail de mobilis<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> partenaires financiers<br />

Aujourd’hui est posée la question de l’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

C’est évidemment une question sensible. Est-ce<br />

qu’<strong>elle</strong> l’est plus au niveau <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? Je ne sais<br />

pas. En tout cas, ce que nous savons c’est qu’un festival,<br />

ça coûte soit cher, soit très cher. On sait aussi<br />

ce que rapporte un festival, c’est-à-dire leurs recettes,<br />

ne réussit généralement pas à couvrir ses dépenses.<br />

D’ailleurs à plusieurs reprises, j’ai entendu qualifier<br />

les <strong>festivals</strong> de « machines à générer du déficit ». Vu<br />

sous cet angle, évidemment, ce n’est pas très valorisant.<br />

Mais au-delà ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est<br />

l’extrême fragilité de ces organis<strong>at</strong>ions, et la récente<br />

actualité n’a fait que le confirmer.<br />

Pour autant, nous savons que les activités cultur<strong>elle</strong>s<br />

et plus particulièrement les structures de diffusion sont<br />

par bien <strong>des</strong> égards <strong>des</strong> unités de production qui n’ont<br />

rien de commun avec les entreprises <strong>des</strong> secteurs économiques<br />

classiques. Ce qui ne justifie pas pour autant<br />

que certaines fonctions notamment rel<strong>at</strong>ives à la gestion<br />

soient négligées par les responsables <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Nous ne sommes pas dans la représent<strong>at</strong>ion de<br />

l’artiste déconnecté <strong>des</strong> contingences financières mais<br />

certaines fois on peut s’interroger. D’autant que la prise<br />

en charge totale <strong>des</strong> activités cultur<strong>elle</strong>s par la collectivité<br />

publique est un déb<strong>at</strong> sans fin mais qui surtout<br />

n’est pas une finalité en soi.<br />

1 – Une activité déficitaire *<br />

Les coûts<br />

Pour dépasser ces quelques considér<strong>at</strong>ions qui relèvent<br />

parfois du lieu commun, je pense qu’il faut dans<br />

un premier temps s’arrêter sur cette question du coût<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

D’après les résult<strong>at</strong>s de l’étude sur 63 <strong>festivals</strong>, membres<br />

actifs ou organis<strong>at</strong>ions abonnées, de France<br />

Festivals, qui représentent un panel assez représent<strong>at</strong>if<br />

notamment sur les budgets et la fréquent<strong>at</strong>ion,<br />

nous const<strong>at</strong>ons tout de même une dépense moyenne<br />

par festival de 500 000 euros. Il existe évidemment<br />

d’énormes disparités puisque les dépenses s’échelonnent<br />

entre 20 000 euros pour le plus petit et plus de<br />

3 500 000 euros pour le plus gros. Nous savons néanmoins<br />

que plus de 70 % d’entre eux ont <strong>des</strong> dépenses<br />

de plus de 100 000 euros et 27 % de plus de<br />

500 000 euros.<br />

*NDLR : les chiffres présentés ci-après sont issus de l’enquête<br />

réalisée auprès <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> adhérents à France Festivals. Elle<br />

porte sur l’exercice 2002. Des résult<strong>at</strong>s complémentaires sont<br />

mis en ligne sur le site www.france<strong>festivals</strong>.com<br />

Pourquoi les <strong>festivals</strong> coûtent-ils chers ? On a une explic<strong>at</strong>ion<br />

scientifique à ce questionnement. En effet,<br />

les économistes ont mis en évidence un phénomène<br />

économique, qu’ils présentent comme une loi, et qui<br />

offre une explic<strong>at</strong>ion sans doute parti<strong>elle</strong> à ce problème<br />

de coût ? Cette loi, dite « Loi de Baumol » du nom<br />

de son cré<strong>at</strong>eur, nous dit que les activités de spectacles<br />

comme les <strong>festivals</strong> souffrent d’un accroissement inéluctable<br />

<strong>des</strong> coûts de production. Dépassant le simple<br />

cadre de l’infl<strong>at</strong>ion, le coût <strong>des</strong> artistes, <strong>des</strong> spectacles,<br />

<strong>des</strong> moyens techniques est toujours plus élevé chaque<br />

année. D’un point de vue économique, en réponse à<br />

une t<strong>elle</strong> situ<strong>at</strong>ion, on ne peut qu’augmenter les prix.<br />

Mais dans le domaine <strong>des</strong> spectacles et <strong>des</strong> concerts,<br />

une hausse <strong>des</strong> prix est impossible car <strong>elle</strong> placerait la<br />

tarific<strong>at</strong>ion à un niveau beaucoup trop élevé. De plus,<br />

dans la conscience collective, la tarific<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> activités<br />

cultur<strong>elle</strong>s doit rester abordable. D’ailleurs on entend<br />

souvent que la <strong>musique</strong> classique et plus particulièrement<br />

les opéras sont <strong>des</strong> pr<strong>at</strong>iques élitistes parce<br />

que le prix d’entrée <strong>des</strong> spectacles est élevé. Mais les<br />

prix sont élevés parce que les coûts sont parfois importants,<br />

voire très importants.<br />

ques classiques. Par exemple, on ne peut pas demander<br />

à un orchestre de jouer avec moins de musiciens<br />

sous prétexte que ça coûterait moins cher.<br />

Voilà pour cette loi qui traduit un phénomène, somme<br />

toute, assez logique mais qui se vérifie particulièrement<br />

au niveau <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> sachant que le caractère<br />

exceptionnel <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> pousse toujours les programm<strong>at</strong>eurs<br />

à proposer <strong>des</strong> artistes et <strong>des</strong> spectacles<br />

de qualité, qui se payent généralement très cher.<br />

Les ressources<br />

Avec tous ces éléments, on ne peut pas être surpris<br />

de voir que le niveau d’autofinancement se situe en<br />

moyenne entre 20 et 40 %.<br />

Sur l’étude il s’échelonne plutôt entre 25 et 50 %.<br />

Les recettes propres générées par les <strong>festivals</strong>, à savoir<br />

billetterie, cotis<strong>at</strong>ion, ventes annexes représentent en<br />

moyenne 36 % <strong>des</strong> ressources de l’ensemble <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Néanmoins, les deux extrêmes sont aussi présents<br />

: 2 ou 3 <strong>festivals</strong> ont <strong>des</strong> taux de plus de 90 %,<br />

tandis que 2 ou 3 autres ne dépassent pas les 5 %.<br />

Concrètement, les recettes propres moyennes tournent<br />

aux alentours de 180 000 euros par festival. Ce chiffre<br />

est évidemment loin de pouvoir couvrir tous les cas de<br />

figure. Il faut plutôt garder à l’esprit que près <strong>des</strong> deux<br />

tiers <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont <strong>des</strong> recettes propres de plus de<br />

Le niveau d’autofinancement<br />

se situe<br />

en moyenne entre 20<br />

et 40 %. Avec même<br />

40 % d’autofinancement,<br />

les <strong>festivals</strong> restent<br />

bien entendu largement<br />

dépendants<br />

<strong>des</strong> apports financiers.<br />

50 000 euros et près de 40 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> <strong>des</strong> recettes<br />

de plus de 100 000 euros.<br />

Avec même 40 % d’autofinancement, les <strong>festivals</strong> restent<br />

bien entendu largement dépendants <strong>des</strong> apports<br />

financiers. Sur la question du mécén<strong>at</strong>, on ne peut pas<br />

dire, contrairement à beaucoup d’autres pays, notamment<br />

nord-américains, que la particip<strong>at</strong>ion financière<br />

<strong>des</strong> entreprises privées soit très développée en France.<br />

Néanmoins, le mécén<strong>at</strong> est sans doute plus présent<br />

dans les <strong>festivals</strong> que dans les autres activités cultur<strong>elle</strong>s.<br />

D’après la synthèse de certains travaux, le financement<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> par le mécén<strong>at</strong> représente en<br />

moyenne moins de 14 %.<br />

Les résult<strong>at</strong>s de l’étude tendent à confirmer cette proportion<br />

puisqu’il a été calculé que la part du mécén<strong>at</strong><br />

représentait 16 % <strong>des</strong> ressources, soit une particip<strong>at</strong>ion<br />

moyenne d’environ 80 000 euros par festival.<br />

Notons pour inform<strong>at</strong>ion que 70 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont<br />

<strong>des</strong> particip<strong>at</strong>ions provenant du mécén<strong>at</strong> de moins de<br />

50 000 euros.<br />

<strong>La</strong> faiblesse du mécén<strong>at</strong> culturel nous est souvent expliquée<br />

par le fait que le soutien d’activités cultur<strong>elle</strong>s<br />

par <strong>des</strong> entreprises privées apparaît, dans la conscience<br />

collective et sans doute plus dans c<strong>elle</strong> <strong>des</strong> professionnels<br />

de la culture, comme un mariage contre n<strong>at</strong>ure.<br />

Plus particulièrement le sponsoring qui associe une<br />

marque plutôt qu’une entreprise est largement montré<br />

du doigt alors que les Nord-Américains ne s’embarrassent<br />

guère de t<strong>elle</strong>s considér<strong>at</strong>ions.<br />

Pour ma part, je pense qu’un autre facteur explique<br />

beaucoup mieux la faiblesse du mécén<strong>at</strong> culturel. Il<br />

relève de cette fameuse exception cultur<strong>elle</strong> française<br />

qui s’illustre par une imbric<strong>at</strong>ion forte <strong>des</strong> activités<br />

cultur<strong>elle</strong>s dans la sphère publique. Certaines étu<strong>des</strong><br />

ont montré que la part <strong>des</strong> particip<strong>at</strong>ions de la collectivité<br />

publique s’élevait à environ 50 % dans le budget<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Cette proportion se retrouve dans les résult<strong>at</strong>s de l’étude<br />

sur les 63 <strong>festivals</strong> puisqu’on relève que 47 % <strong>des</strong><br />

ressources proviennent de subventions, soit une particip<strong>at</strong>ion<br />

moyenne par festival de plus de 230 000 euros.<br />

Un chiffre particulièrement impressionnant. Il faut savoir<br />

que plus de 55 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> reçoivent <strong>des</strong> subventions<br />

de plus de 100 000 euros.<br />

En fait, les collectivités publiques se sont considérablement<br />

investies dans le domaine culturel, notamment<br />

depuis le début <strong>des</strong> années 80, avec <strong>des</strong> professionnels<br />

largement consentant. N’oublions pas que l’accès<br />

à la culture pour tous est un droit constitutionnel, et<br />

par conséquent un devoir pour les pouvoirs publics.<br />

Pour autant, le service public culturel est un champ<br />

encore très flou qui ne cesse de questionner et de soulever<br />

le déb<strong>at</strong>, voire la polémique. Dans le cadre de<br />

cette intervention, je n’irai pas plus loin, et je vous<br />

invite à prolonger éventu<strong>elle</strong>ment ce déb<strong>at</strong> dans les<br />

<strong>at</strong>eliers. Rappelons, néanmoins, pour ce qui concerne<br />

les <strong>festivals</strong>, que ce sont les collectivités locales qui se<br />

les ont appropriées.<br />

2 – Un équilibre financier précaire<br />

Montage et partenaires financiers<br />

Les collectivités locales qui ont été aussi à l’initi<strong>at</strong>ive<br />

d’un grand nombre de manifest<strong>at</strong>ions, sont frian<strong>des</strong><br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> et continuent de l’être même si le paysage<br />

s’est considérablement rempli. Au premier rang <strong>des</strong><br />

partenaires <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, on trouverait assez logique<br />

de voir les villes et les communes. Mais les résult<strong>at</strong>s<br />

de l’étude ont montré une autre réalité.<br />

En effet, dans l’ensemble <strong>des</strong> 63 <strong>festivals</strong>, il se<br />

trouve que 97 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont comme partenaire<br />

leur Conseil Général, 92 % leur Conseil Régional,<br />

et les municipalités apportent leur contribution<br />

dans 89 % <strong>des</strong> cas observés. Quant à l’Ét<strong>at</strong>,<br />

63 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> l’ont comme partenaire.<br />

Faut-il pour autant en tirer <strong>des</strong> conclusions ? Il s’agit<br />

en tout cas d’une observ<strong>at</strong>ion intéressante. Ceci étant<br />

dit qu’ils soient pouvoirs publics ou mécènes privés,<br />

tous rechignent à se fidéliser sur plusieurs années,<br />

obligeant les responsables à sortir chaque année leur<br />

« bâton de pèlerin » (de leurs propres dires) pour aller<br />

convaincre leurs partenaires ainsi que de nouveaux.<br />

De plus, les particip<strong>at</strong>ions qui peuvent <strong>at</strong>teindre de fortes<br />

sommes, comme on l’a vu, ne vont pas sans contreparties,<br />

au-delà <strong>des</strong> retombées en termes d’image<br />

et de développement économique.<br />

Elles ont une incidence certaine sur le montage financier<br />

mais peuvent peut-être aussi en avoir sur la direction<br />

artistique. Sur ce point, on peut relever deux<br />

cas de figures :<br />

- Soit le festival dispose de plusieurs partenaires ce qui<br />

multiplie les interlocuteurs et oblige à passer beaucoup<br />

de temps, généralement chaque année, à les<br />

convaincre. L’avantage c’est d’être totalement indépendant<br />

d’un point de vue artistique mais aussi d’être<br />

moins exposé au retrait éventuel d’un partenaire financier.<br />

C’est le cas <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> provenant d’une initi<strong>at</strong>ive<br />

privée t<strong>elle</strong> qu’une associ<strong>at</strong>ion.<br />

- Soit le festival relève d’un partenaire majoritaire ou<br />

bien l’activité est prise en charge en totalité par la collectivité<br />

publique. Le montage financier est par conséquent<br />

plus simple mais le risque d’ingérence dans la<br />

a t e l i e r 5<br />

44<br />

45


a t e l i e r 5<br />

fonction artistique est évidemment plus fort ; d’autant<br />

que le retrait du partenaire majoritaire est en général f<strong>at</strong>al<br />

à l’événement. On retrouve dans ces cas de figure les<br />

<strong>festivals</strong> gérés directement par une collectivité locale ou<br />

par une associ<strong>at</strong>ion para-publique par exemple.<br />

Si on peut facilement replacer l’engouement <strong>des</strong> collectivités<br />

locales pour les <strong>festivals</strong> dans la première vague<br />

de décentralis<strong>at</strong>ion du début <strong>des</strong> années 80, il<br />

faut tout de même distinguer deux pério<strong>des</strong> par rapport<br />

au financement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> par les pouvoirs publics.<br />

On doit opposer la décennie <strong>des</strong> années 80 avec<br />

la croissance <strong>des</strong> dépenses cultur<strong>elle</strong>s publiques à la<br />

période de stagn<strong>at</strong>ion qu’ont connu les budgets dans<br />

les années 90.<br />

Au niveau de l’Ét<strong>at</strong> par exemple dont la part du budget<br />

du Ministère de la Culture avait quasiment doublé<br />

entre 1981 et 1991 pour frôler le cap symbolique du<br />

1 %, on a const<strong>at</strong>é une stagn<strong>at</strong>ion du budget, voire<br />

une baisse <strong>des</strong> subventions accordées par les DRAC<br />

aux structures de diffusion cultur<strong>elle</strong>.<br />

Au niveau <strong>des</strong> collectivités locales, le const<strong>at</strong> est plus probant<br />

puisque leurs dépenses cultur<strong>elle</strong>s qui avaient été<br />

multipliées par 2,5 en 15 ans pour <strong>at</strong>teindre 36,9 milliards<br />

de francs en 1993, ont connu une baisse assez<br />

importante en simplement trois ans et n’étaient plus que<br />

de 30,3 milliards de francs en 1996.<br />

Il faut bien entendu mettre cette baisse sur le compte<br />

<strong>des</strong> difficultés financières qu’ont rencontrées les collectivités<br />

mais plus globalement, il faut replacer ce<br />

phénomène dans le contexte socioéconomique <strong>des</strong> années<br />

90. Au cours de cette période, les pouvoirs publics<br />

ont donné la priorité à la lutte contre le chômage<br />

et l’exclusion <strong>des</strong> minorités sociales au détriment <strong>des</strong><br />

budgets alloués à la culture. Et les <strong>festivals</strong> ont subi de<br />

plein fouet cette baisse <strong>des</strong> subventions publiques qui<br />

a entraîné une certaine r<strong>at</strong>ionalis<strong>at</strong>ion de cette activité.<br />

Les premiers à être touchés sont malheureusement<br />

les nouveaux projets, et à travers eux, c’est l’innov<strong>at</strong>ion.<br />

Car dans les budgets culturels publics, il faut tout<br />

d’abord continuer à soutenir ceux que l’on soutenait<br />

déjà, et pour les nouveaux il ne reste par conséquent<br />

pas grand-chose, sinon rien.<br />

Un autre effet plus pervers, car plus insidieux, est à relever<br />

et à mettre sur le compte de cette r<strong>at</strong>ionalis<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> budgets culturels. Ce phénomène concerne tout<br />

spécialement les collectivités locales qui ont eu tendance<br />

à concentrer leur soutien sur les <strong>festivals</strong> dits de<br />

prestige, vecteurs d’image pour eux, ou sur les <strong>festivals</strong><br />

d’anim<strong>at</strong>ion notamment pour les communes, soit<br />

<strong>des</strong> événements qui leur coûtent moins chers. Il reste<br />

par conséquent une frange de <strong>festivals</strong> plutôt importante<br />

et qui revendiquent sans aucun doute une qualité<br />

artistique certaine mais qui ne trouvent malheureusement<br />

pas écho auprès <strong>des</strong> collectivités locales.<br />

Les contraintes de gestion<br />

Pour toutes ces contraintes rel<strong>at</strong>ives au montage financier,<br />

les <strong>festivals</strong> sont souvent présentés comme <strong>des</strong> activités<br />

à haut risque. Ces difficultés qu’ils rencontrent pour<br />

le financement de leurs activités ont une implic<strong>at</strong>ion directe<br />

et forte sur le fonctionnement de ces structures.<br />

On const<strong>at</strong>e dans les <strong>festivals</strong> comme dans beaucoup<br />

d’autres structures cultur<strong>elle</strong>s que la priorité est donnée<br />

à la dimension artistique. On l’a vu précédemment<br />

dans la prédominance <strong>des</strong> frais artistiques au<br />

détriment <strong>des</strong> autres postes. Au niveau du personnel,<br />

les équipes sont souvent réduites à leur portion congrue<br />

et le recours au bénévol<strong>at</strong> est indispensable comme<br />

on le voit parfaitement dans l’étude.<br />

Bien que les <strong>festivals</strong> aient logiquement à plus de<br />

87 % recours à du personnel administr<strong>at</strong>if, les bénévoles<br />

représentent tout de même près de 50 % de toutes<br />

les personnes employées par les <strong>festivals</strong>, intermittents<br />

compris. Le nombre moyen de bénévoles par festival<br />

est de 30 tandis que pour les permanents (dont<br />

1/3 sont à temps partiel), il est de 6.<br />

Évidemment la présence de bénévoles est souvent<br />

montrée comme exemple de solidarité et d’engagement<br />

de la popul<strong>at</strong>ion locale. Il faut tout de même<br />

rappeler qu’encadrer <strong>des</strong> dizaines, voire <strong>des</strong> centaines<br />

de bénévoles, n’est pas une mission facile et évidente.<br />

<strong>La</strong> bonne volonté n’a jamais remplacé la compétence<br />

et <strong>elle</strong> ne facilite pas la rigueur professionn<strong>elle</strong>. Pour<br />

résumer, il n’est pas toujours facile de donner <strong>des</strong> ordres<br />

à un bénévole.<br />

Emplois administr<strong>at</strong>ifs Nombre % Moyenne Recours<br />

Permanents à temps complet 225 24% 4 64%<br />

Permanents à temps partiel 102 11% 2 60%<br />

Saisonniers 467 49 % 8 53 %<br />

Stagiaires 150 16 % 3 53 %<br />

Emplois<br />

Emplois administr<strong>at</strong>ifs (total) 944 24 % 15 87 %<br />

Intermittents du spectacle 1 047 27 % 17 60 %<br />

Bénévoles 1 798 46 % 29 83 %<br />

Autres 83 3 % 1 13 %<br />

Total 3 872 100 % 61<br />

Pour le personnel permanent ou semi-permanent, le recours<br />

à <strong>des</strong> emplois aidés est devenu une pr<strong>at</strong>ique courante.<br />

Il nécessite là encore un encadrement spécifique<br />

car les compétences requises ne sont pas innées.<br />

Quant aux responsables <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, plusieurs cas de<br />

figure sont possibles. Il peut s’agir d’un groupe d’am<strong>at</strong>eurs<br />

passionnés, qui crée une manifest<strong>at</strong>ion. Portée par<br />

le succès <strong>des</strong> premières éditions, la structure festival arrive<br />

dans une phase de développement qui implique de<br />

passer du petit groupe d’am<strong>at</strong>eurs à de véritables professionnels.<br />

Et bien heureusement, on voit <strong>des</strong> responsables,<br />

notamment parmi ceux qui sont encore présents<br />

(ce qui est parfaitement logique) apprendre la gestion<br />

cultur<strong>elle</strong> ou se familiariser avec les fonctions administr<strong>at</strong>ives.<br />

Malheureusement, combien de responsables<br />

culturels négligent encore ces fonctions au profit de l’artistique,<br />

alors que les deux sont irrémédiablement liées.<br />

Une structure t<strong>elle</strong> qu’un festival ne peut être déconnecté<br />

<strong>des</strong> réalités économiques, notamment au niveau local,<br />

sous peine de sanction immédi<strong>at</strong>e.<br />

Cet équilibre financier et cette stabilité si difficile à obtenir<br />

(sans contreparties) font partie du quotidien <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong>. Ajoutons tout de même, pour corser le tout,<br />

que ces structures se trouvent aussi particulièrement<br />

exposées à divers aléas dont ils n’ont absolument<br />

aucune maîtrise. Nous ne rentrerons pas ici dans les<br />

détails mais, rappelons que le conflit <strong>des</strong> intermittents<br />

(sans revenir sur le fond du déb<strong>at</strong>) a eu pour conséquence<br />

<strong>des</strong> situ<strong>at</strong>ions financières assez dram<strong>at</strong>iques.<br />

Mais au-delà de ce phénomène qui a surpris tout le<br />

monde, les <strong>festivals</strong> sont aussi tributaires <strong>des</strong> aléas<br />

météorologiques, <strong>des</strong> nuisances occasionnées par la<br />

fréquent<strong>at</strong>ion de l’événement (dégrad<strong>at</strong>ions de la<br />

qualité de vie <strong>des</strong> résidents), mais tout simplement de<br />

l’échec d’un spectacle puisque beaucoup d’entre eux<br />

sont joués en exclusivité ou en avant-première.<br />

3 – Initi<strong>at</strong>ives et arbitrage<br />

Une mobilis<strong>at</strong>ion et une recherche perpétu<strong>elle</strong><br />

de partenaires<br />

C’est une vision bien pessimiste et quelque peu décourageante<br />

qui est présentée ici. Qu<strong>elle</strong> est la marge de<br />

manœuvre <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> face à ces contraintes financières<br />

et leurs incidences ? Sans doute que les déb<strong>at</strong>s qui auront<br />

lieu dans les <strong>at</strong>eliers notamment au travers d’échanges<br />

d’expérience pourront amener <strong>des</strong> pistes de réflexion.<br />

N’oublions pas que les <strong>festivals</strong> sont là et ils sont nombreux.<br />

Ce qui signifie que les responsables <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

ont su légitimer leur activité auprès de ceux qui pouvaient<br />

être et apparaître comme les plus intéressés,<br />

à savoir les collectivités locales ; peut-être pour <strong>des</strong><br />

raisons artistiques mais sans doute aussi en mettant<br />

en évidence ces fameuses retombées qu’un festival est<br />

susceptible de générer pour la collectivité<br />

Un festival ne semble pas viable sans l’engagement<br />

de la collectivité locale. C’est en tout cas ce que l’on<br />

const<strong>at</strong>e dans l’étude sur les <strong>festivals</strong> membres de<br />

France Festivals où il ressort qu’un festival compte en<br />

moyenne qu<strong>at</strong>re partenaires parmi les pouvoirs publics<br />

sachant qu’il peut y avoir aussi une communauté<br />

de communes ou l’Europe.<br />

Par ailleurs, la faiblesse du mécén<strong>at</strong> culturel n’est pas<br />

une f<strong>at</strong>alité. Le recours au soutien <strong>des</strong> entreprises privées<br />

n’est pas à ignorer, et pourtant il l’est parfois ;<br />

sans doute pour les raisons évoquées toute à l’heure.<br />

On observe sur ce point et de façon assez logique que<br />

le soutien <strong>des</strong> PME locales va plutôt en direction <strong>des</strong><br />

événements dont le rayonnement est plutôt local tandis<br />

que les gran<strong>des</strong> entreprises (privées ou pas) sont<br />

évidemment mobilisables dans le cadre de <strong>festivals</strong><br />

avec déjà une certaine envergure.<br />

Enfin pour ceux qui se sentiraient exclus de ces<br />

deux schémas, l’apparition de groupes d’entreprises<br />

mécènes offre <strong>des</strong> opportunités indéniables pour les<br />

<strong>festivals</strong>. D’une part la cré<strong>at</strong>ion de clubs d’entreprises<br />

mécènes permet, même à de petites sociétés de<br />

pouvoir participer à <strong>des</strong> événements de renom. À titre<br />

d’exemple, le « Club <strong>des</strong> entreprises du Cher », créé à<br />

l’initi<strong>at</strong>ive du préfet du département, est un partenaire<br />

financier du « Printemps de Bourges ». Réunissant<br />

16 entreprises, il regroupe aussi bien <strong>des</strong> P.M.E. que<br />

<strong>des</strong> entreprises comme Renault ou EDF. <strong>La</strong> cotis<strong>at</strong>ion<br />

annu<strong>elle</strong> intégralement reversée au festival s’élevait il<br />

y a quelques années à 30 000 francs.<br />

Au niveau <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, ces clubs d’entreprises<br />

mécènes sont une source de financement non négligeable<br />

car tous types d’entreprises peuvent y adhérer,<br />

et plus particulièrement les P.M.E. que certains<br />

<strong>festivals</strong> n’arrivent pas à engager financièrement de<br />

manière isolée. <strong>La</strong> mise en place d’une structure de<br />

gestion, même légère, limite le nombre d’interlocuteurs<br />

et facilite ainsi la collabor<strong>at</strong>ion avec le festival.<br />

Ces clubs assurent surtout une garantie de financement<br />

même si un partenaire se retire, et favorise une<br />

certaine fidélité tant recherchée par les <strong>festivals</strong>.<br />

<strong>La</strong> mobilis<strong>at</strong>ion ne s’arrête pas aux simples partenaires<br />

financiers. N’oublions pas que les collabor<strong>at</strong>ions<br />

avec les opér<strong>at</strong>eurs touristiques ne sont pas non plus à<br />

négliger pour toutes les contributions en terme de promotion<br />

qu’ils peuvent fournir. Il semble que les <strong>festivals</strong><br />

membres de France Festivals aient pris la mesure<br />

de cette réalité puisque près de 60 % d’entre eux ont<br />

au moins deux partenaires sur les trois principaux institutionnels<br />

du tourisme que sont les offices du tourisme,<br />

les comités départementaux du tourisme et les<br />

comités régionaux du tourisme.<br />

Une gestion professionn<strong>elle</strong><br />

Le salut <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ne passe pas sans une mobilis<strong>at</strong>ion<br />

de ces différents acteurs, qui a nécessité pour bon<br />

nombre de responsables d’événements de développer<br />

<strong>des</strong> compétences spécifiques. Il est vrai que la professionnalis<strong>at</strong>ion<br />

du secteur culturel est une question qui<br />

remonte déjà à plusieurs années, sans doute plus de<br />

vingt ans. Dans le domaine de l’organis<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />

<strong>elle</strong> ne se limite pas uniquement à se former à la<br />

comptabilité ou la gestion financière. Pour beaucoup<br />

de responsables, les compétences à développer l’ont<br />

été de façon totalement autodidacte sachant que certaines<br />

d’entre <strong>elle</strong>s ne relèvent que du bon sens même<br />

sur <strong>des</strong> points qui peuvent apparaître comme hautement<br />

str<strong>at</strong>égiques.<br />

Pendant longtemps la recherche de mécènes était orchestrée<br />

par le directeur qui allait défendre son projet<br />

auprès de partenaires financiers. C’est évidemment encore<br />

le cas, mais on a vu apparaître assez récemment<br />

<strong>des</strong> form<strong>at</strong>ions pour apprendre la recherche de partenaires.<br />

Par ailleurs <strong>des</strong> postes spécifiques au sein de<br />

grands <strong>festivals</strong> notamment comme le Festival d’art lyrique<br />

d’Aix-en-Provence ont été créés. Et bien plus tôt les<br />

agences de parrainage ont fait aussi leur apparition.<br />

Au-delà de toutes ces compétences en terme de marketing,<br />

de management, de communic<strong>at</strong>ion, ou de recherche<br />

de partenaires qui ont une incidence concrète<br />

et certaine sur le fonctionnement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, ce qui<br />

fait la réussite d’un festival et qui conditionne sa notoriété,<br />

son équilibre financier et par conséquent sa pérennité,<br />

c’est la capacité du directeur artistique à offrir<br />

un programme original, savante combinaison entre les<br />

répertoires, les interprètes et les lieux. Offrir toujours<br />

plus, innover ou découvrir de nouveaux talents, relève<br />

d’un travail de spécialiste, dont la liberté de programm<strong>at</strong>ion<br />

est une condition sine qua non.<br />

Mais cette marge de liberté se voit désormais considérablement<br />

réduite, par la multiplic<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> partenaires<br />

financiers dont les aspir<strong>at</strong>ions vont davantage<br />

vers le vedettari<strong>at</strong>. D’autre part, pour garantir l’équilibre<br />

financier, les directeurs de <strong>festivals</strong> ne conçoivent<br />

plus la présent<strong>at</strong>ion de spectacles de cré<strong>at</strong>ion sans la<br />

présence de valeurs sûres. Ainsi, la direction artistique,<br />

peut se présenter comme un arbitrage entre <strong>des</strong> logiques<br />

artistiques et <strong>des</strong> logiques financières de plus en<br />

plus interdépendantes.<br />

a t e l i e r 5<br />

46 47


a t e l i e r 5<br />

L’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>…<br />

Nicolas MARC<br />

Je vous propose trois grands thèmes :<br />

- Rôle et implic<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> collectivités territoriales dans<br />

le financement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

- Positionnement de l’Ét<strong>at</strong>.<br />

- Le mécén<strong>at</strong>. Le nouveau dispositif législ<strong>at</strong>if peut-il<br />

être ré<strong>elle</strong>ment efficace ?<br />

Hervé de COLOMBEL<br />

Le rôle <strong>des</strong> collectivités territoriales (départements,<br />

régions, communes) est prééminent dans le financement<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, comme d’ailleurs dans la majeure<br />

partie <strong>des</strong> activités cultur<strong>elle</strong>s aujourd’hui, non économiquement<br />

rentables, par n<strong>at</strong>ure. Certes, un festival<br />

de <strong>musique</strong> classique, plus qu’un festival de théâtre<br />

ou de danse contemporaine, a la capacité de réunir<br />

<strong>des</strong> fonds, soit sous la forme de ses recettes propres<br />

(public), soit grâce au mécén<strong>at</strong>, qui, en France, reste<br />

néanmoins très limité. Les fonds publics sont donc absolument<br />

nécessaires.<br />

<strong>La</strong> décentralis<strong>at</strong>ion<br />

a vraiment permis<br />

l’essor <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Les <strong>festivals</strong> qui ont<br />

perduré sont ceux qui<br />

sont devenus de vrais<br />

projets culturels.<br />

Dès le processus de décentralis<strong>at</strong>ion amorcé depuis 20<br />

ans, les collectivités territoriales se sont très n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>ment<br />

engagées dans toutes sortes de manifest<strong>at</strong>ions<br />

cultur<strong>elle</strong>s, en particulier les <strong>festivals</strong>. Ce sont <strong>elle</strong>s qui<br />

en ont assuré l’indispensable équilibre économique,<br />

beaucoup plus que l’autre partenaire public traditionnel,<br />

l’Ét<strong>at</strong>, qui, lui, ne s’y est jamais engagé de façon<br />

très importante, à quelques notables exceptions<br />

(Aix-en-Provence, Avignon ou Orange). Et malgré ce<br />

const<strong>at</strong>, nous, les responsables de <strong>festivals</strong>, (y compris<br />

notre fédér<strong>at</strong>ion), entretenons paradoxalement l’idée<br />

que nos rapports avec les représentants de l’Ét<strong>at</strong> sont<br />

privilégiés ! Ce rapport de type passionnel avec le Ministère,<br />

avec les DRAC, est sans doute l’un <strong>des</strong> signes<br />

de l’« exception française », un héritage un peu jacobin,<br />

peut-être…<br />

Nicolas MARC<br />

Sous qu<strong>elle</strong> forme les collectivités territoriales se sont<strong>elle</strong>s<br />

engagées vis-à-vis <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, en particulier?<br />

Hervé de COLOMBEL<br />

C<strong>elle</strong> d’une contractualis<strong>at</strong>ion. Les représentants <strong>des</strong><br />

DRAC, au début <strong>des</strong> années 80, nous disaient : ayez<br />

de l’imagin<strong>at</strong>ion, amenez-nous <strong>des</strong> projets, on fera<br />

affaire. À l’époque, les collectivités n’avaient pas<br />

encore l’expérience, les services pour déterminer<br />

leur propre politique cultur<strong>elle</strong>. Plusieurs logiques<br />

d’anim<strong>at</strong>ion d’un lieu se sont exercées : d’abord, les<br />

collectivités émergentes se sont servi de nos manifest<strong>at</strong>ions<br />

comme outils de communic<strong>at</strong>ion, ensuite<br />

comme une façon d’affirmer leur autonomie toute<br />

récente, exerçant leurs propres choix culturels dans<br />

<strong>des</strong> lieux qui leur appartenaient. Imaginons ce que<br />

pouvait être, il y a 20 ans, la frustr<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> élus<br />

dont toutes les décisions devaient obtenir l’aval du<br />

Préfet ! <strong>La</strong> décentralis<strong>at</strong>ion a vraiment permis l’essor<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />

Si on avance un peu plus dans le temps, on se rend<br />

compte que les <strong>festivals</strong> qui ont perduré sont ceux<br />

qui sont devenus <strong>des</strong> vrais projets culturels, ayant<br />

ainsi acquis là, la seule légitimité possible.<br />

Comment interviennent aujourd’hui les collectivités ?<br />

- soit <strong>elle</strong>s financent un festival organisé par un<br />

tiers, de type associ<strong>at</strong>if le plus souvent, s’alliant à<br />

d’autres acteurs privés. C’est le système le plus répandu<br />

dans notre pays : <strong>des</strong> cofinancements croisés<br />

de l’ensemble <strong>des</strong> collectivités et de l’Ét<strong>at</strong>. Ex : Ambronay,<br />

Pra<strong>des</strong>, la Vézère ou Sablé,…<br />

- soit <strong>elle</strong>s-mêmes organisent leurs propres <strong>festivals</strong><br />

dans <strong>des</strong> lieux p<strong>at</strong>rimoniaux leur appartenant. Ex :<br />

l’Epau, Sully, le Festival d’Île de France, etc.<br />

Il est vrai que, grâce à l’action de l’Ét<strong>at</strong> et <strong>des</strong> collectivités,<br />

les <strong>festivals</strong> constituent, aujourd’hui, de véritables<br />

outils de politique cultur<strong>elle</strong> dans le domaine<br />

de la diffusion, de la sensibilis<strong>at</strong>ion du public, et<br />

que, par la cré<strong>at</strong>ion de structures artistiques nouv<strong>elle</strong>s<br />

comme les résidences permanentes offertes à <strong>des</strong><br />

artistes et <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>eurs, ils perdent un peu de leur<br />

caractère éphémère, acquièrent plus d’assise.<br />

Mais cette rel<strong>at</strong>ion privilégiée comporte un corollaire<br />

fâcheux : les organis<strong>at</strong>eurs sont souvent liés à<br />

l’alé<strong>at</strong>oire de la vie démocr<strong>at</strong>ique. À l’occasion du<br />

moindre changement, la manifest<strong>at</strong>ion, dans le pire<br />

<strong>des</strong> cas, peut être totalement remise en question et<br />

abandonnée, ou alors être soumise à <strong>des</strong> tensions, à<br />

<strong>des</strong> comman<strong>des</strong> imposées par l’acteur public. D’où<br />

la crainte, face à la présence de plus en plus importante<br />

<strong>des</strong> collectivités, d’un interventionnisme dans<br />

la programm<strong>at</strong>ion ou dans les choix de lieux <strong>des</strong><br />

concerts, crainte aussi d’un certain clientélisme. Ces<br />

craintes fragilisent nos manifest<strong>at</strong>ions, que renforcent<br />

encore d’autres facteurs, comme, par exemple,<br />

le st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> fonctionnaires territoriaux, aujourd’hui<br />

en charge de la mise en œuvre de nos manifest<strong>at</strong>ions,<br />

qui n’est absolument pas adapté à la réalité.<br />

Ce qu’il nous faudrait donc :<br />

1° Un véritable outil de gestion, adapté aux manifest<strong>at</strong>ions<br />

cultur<strong>elle</strong>s et qui mêlerait acteurs publics<br />

et acteurs privés, fonds publics et fonds privés, qui<br />

tiendrait compte <strong>des</strong> spécificités et impér<strong>at</strong>ifs du milieu<br />

culturel (activité saisonnière, <strong>des</strong> équipes devant<br />

nécessairement travailler 15 ou 16 heures d’affilée<br />

quand on accueille un concert, etc.), un outil<br />

qui se soucierait d’intégrer en régie directe un contr<strong>at</strong><br />

d’engagement, un contr<strong>at</strong> de cession, bref, un<br />

outil mixte entre l’outil de droit public et l’outil de<br />

droit privé qu’est l’associ<strong>at</strong>ion, un outil qu’à ce jour<br />

on n’a pas encore inventé. Pour avoir étudié d’un<br />

peu près l’Établissement Public de Coopér<strong>at</strong>ion Cultur<strong>elle</strong>,<br />

même si nous ne disposons pas encore du<br />

recul suffisant, je ne crois pas que l’on soit en face<br />

d’une véritable solution, tant ce mode de gestion<br />

paraît lourd et complexe.<br />

2° Une filière consacrée au spectacle vivant devrait<br />

exister. <strong>La</strong> fonction publique territoriale, dans<br />

le domaine culturel, propose toutes sortes de filières<br />

techniques (métiers du p<strong>at</strong>rimoine, archéologie, bibliothèques,<br />

archives), rien sur le spectacle vivant.<br />

Quand on const<strong>at</strong>e combien les collectivités sont impliquées<br />

dans l’organis<strong>at</strong>ion de nos <strong>festivals</strong>, c’est<br />

une urgence.<br />

3° L’exercice du contrôle a posteriori par les services<br />

de l’Ét<strong>at</strong>, notamment les Chambres Régionales de<br />

Comptes qui ne connaissent pas forcément la spécificité<br />

de notre milieu, dont les membres ont une<br />

form<strong>at</strong>ion de juristes publics, a <strong>besoin</strong> d’être revu.<br />

On a frôlé le grotesque quand on m’a demandé de<br />

mettre en marché public la programm<strong>at</strong>ion de mon<br />

festival ! Ce chantier est indispensable si l’on veut<br />

se donner les moyens de travailler efficacement et<br />

dans la légalité.<br />

4° Nous n’avons aucun poids en m<strong>at</strong>ière de lobbying,<br />

nous n’avons pas de chambre syndicale pou-<br />

vant être écoutée et régulièrement reçue (même si le<br />

travail de la Fédér<strong>at</strong>ion que conduit Philippe Toussaint,<br />

tend à aller dans ce sens). Il nous faudrait disposer<br />

d’une instance semblable à la chambre syndicale<br />

<strong>des</strong> théâtres lyriques, pour faire progresser nos<br />

revendic<strong>at</strong>ions.<br />

Je n’ai pas l’intention de parler d’argent ni d’évoquer<br />

le pseudo désengagement de l’Ét<strong>at</strong> qui n’est jamais<br />

qu’une redéfinition de son implic<strong>at</strong>ion, comme cela<br />

est son rôle. Simplement, nous avons <strong>besoin</strong>, les uns<br />

et les autres, de savoir exactement qui fait quoi, de<br />

désigner clairement un niveau de collectivité, responsable<br />

et chef de file, afin de collaborer efficacement<br />

ensemble.<br />

Les collectivités depuis vingt ans, se sont emparé d’un<br />

domaine qu’<strong>elle</strong>s estiment de leur compétence (politiques<br />

cultur<strong>elle</strong>s, <strong>festivals</strong>). En tant que t<strong>elle</strong>s, <strong>elle</strong>s<br />

sont demandeuses d’une collabor<strong>at</strong>ion avec l’Ét<strong>at</strong>,<br />

mais aussi avec l’Europe, dans le cadre <strong>des</strong> sources<br />

de financement qui peuvent exister à l’éch<strong>elle</strong> de ces<br />

nouveaux territoires.<br />

Je voudrais ré-évoquer la question du label. Ce que je<br />

conteste, c’est, encore une fois, le manque de concert<strong>at</strong>ion.<br />

J’ai bien peur que les DRAC, chacune enfermée<br />

dans leur propre logique, n’émettent <strong>des</strong> propositions<br />

qui nous conduisent à une situ<strong>at</strong>ion aberrante. <strong>La</strong> répartition<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, toutes disciplines confondues,<br />

est très inégalitaire selon les régions. Le risque est que<br />

dans certaines régions, pauvres en <strong>festivals</strong>, la DRAC<br />

concernée n’ait même pas l’embarras du « choix »,<br />

que, dans d’autres régions pléthoriques en manifest<strong>at</strong>ions,<br />

au contraire, <strong>elle</strong> ne soit contrainte d’en oublier<br />

certaines, qui comptent pourtant à l’éch<strong>elle</strong> n<strong>at</strong>ionale.<br />

Il faut donc, d’urgence, favoriser la mise en place<br />

d’une ré<strong>elle</strong> négoci<strong>at</strong>ion, d’un vrai partenari<strong>at</strong> entre<br />

les acteurs représent<strong>at</strong>ifs, dont la Fédér<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> Festivals,<br />

entre autres.<br />

Quelques pistes à explorer dans cette logique de répartition<br />

<strong>des</strong> rôles :<br />

1° Les collectivités territoriales (communes, villes,<br />

régions, départements) pourraient intervenir sur les<br />

points suivants :<br />

- répartition équilibrée au sein de chaque territoire<br />

concerné<br />

- complémentarité <strong>des</strong> genres <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> (éviter une<br />

trop grande concurrence de proximité)<br />

- garantir l’indépendance artistique <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

- s’engager dans le financement de la programm<strong>at</strong>ion<br />

par le biais de conventions. Un espace-temps de 3-5<br />

ans serait souhaitable.<br />

2° L’Ét<strong>at</strong> devrait créer un observ<strong>at</strong>oire <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui<br />

est un outil dont nous avons <strong>besoin</strong>, utilisable aussi<br />

dans le domaine du tourisme. J’ai déjà parlé tout à<br />

l’heure de la nécessité d’un outil de gestion.<br />

3° Quant à l’Europe, il y a là un champ important<br />

que nous, Français, n’avons pas encore exploré, celui<br />

de la contractualis<strong>at</strong>ion, portant non seulement sur la<br />

diffusion, mais aussi sur les échanges artistiques, sur<br />

l’encadrement social du travail <strong>des</strong> artistes. Nous devons<br />

également favoriser une coopér<strong>at</strong>ion supran<strong>at</strong>ionale<br />

entre les associ<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales et l’Associ<strong>at</strong>ion<br />

Européenne <strong>des</strong> Festivals, notamment en ce qui concerne<br />

les bases de données.<br />

Nicolas MARC<br />

Merci de cette intervention. On a parlé de répartition<br />

<strong>des</strong> rôles, <strong>des</strong> compétences et de champs d’intervention,<br />

mais derrière ces notions se cachent, la plupart<br />

du temps, <strong>des</strong> budgets. Didier Pillon, comment se passe,<br />

au niveau de la Région <strong>des</strong> Pays de la Loire, l’intervention<br />

financière de votre collectivité en ce qui concerne<br />

les <strong>festivals</strong> ?<br />

Didier PILLON<br />

Les chiffres que je vais citer correspondent seulement<br />

à une réalité de terrain, c<strong>elle</strong> de la Région <strong>des</strong> Pays de<br />

la Loire. Je ne suis pas le président de la commission<br />

culture, mais j’ai la chance de disposer d’une délég<strong>at</strong>ion<br />

sur le spectacle vivant, donc en lien direct avec<br />

les <strong>festivals</strong>.<br />

<strong>La</strong> Région Pays de la Loire n’est pas une région homogène,<br />

mais plutôt faite de bric et de broc, voulue<br />

politiquement par l’ancien président de Région, Olivier<br />

Guichard. Les activités cultur<strong>elle</strong>s, pour nous, sont<br />

un instrument de cohésion territoriale ; d’où un budget<br />

assez important. En 98, la majorité s’est succédé<br />

à <strong>elle</strong>-même, mais il y a eu un renouv<strong>elle</strong>ment d’élus<br />

(nouveau président, nouv<strong>elle</strong> équipe de techniciens<br />

culturels).<br />

Nous sommes la 5e région française en popul<strong>at</strong>ion,<br />

en superficie, en richesses. <strong>La</strong> Région <strong>des</strong> Pays de la<br />

Loire se divise en deux territoires différents. Le premier,<br />

côtier, se prête, l’été, à une multiplic<strong>at</strong>ion de<br />

<strong>festivals</strong>, grâce à son p<strong>at</strong>rimoine littoral. Le second<br />

(3 départements) est de type rural. Notre région, c’est<br />

aussi un maillage assez subtil de villes qui s’équilibrent<br />

entre <strong>elle</strong>s : la capitale régionale, Nantes, puis<br />

Angers (Maine-et-Loire), Le Mans (Sarthe), la Rochesur-Yon<br />

(Vendée) et <strong>La</strong>val (Mayenne), <strong>des</strong> villes assez<br />

diversifiées, moyennes, qui ont toutes voulu leur<br />

festival pour mieux s’affirmer. Le budget de la culture<br />

pour l’ensemble de la Région, en 2003, s’élève<br />

à 27 600 000 euros (5 % du budget total). En 4 ans,<br />

la nouv<strong>elle</strong> équipe a réussi à multiplier par 2 le budget<br />

de la culture. Le spectacle vivant, dans son ensemble,<br />

représente en gros 36 % de ces dépenses (environ<br />

10 millions d’euros), dont 12 à 13 % sont consacrés<br />

aux <strong>festivals</strong> (1 200 000 euros).<br />

En quoi consiste notre action ?<br />

<strong>La</strong> plupart <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de la région existaient avant<br />

nous. Comment soutenir les nouveaux ? L’aide que la<br />

Région peut apporter est de l’ordre de 10 à 25 % <strong>des</strong><br />

budgets totaux. Précisons que nous n’accordons pas<br />

de subvention, mais une particip<strong>at</strong>ion en pourcentage.<br />

Jusqu’à présent, disposant d’une certaine marge<br />

de manœuvre, nous avons régulièrement accompagné<br />

les <strong>festivals</strong> dans leur développement. On n’a pas véritablement<br />

instauré de plafond, mais on a raisonné<br />

en termes de particip<strong>at</strong>ion financière : certains <strong>festivals</strong><br />

sont aidés à hauteur de 25 %, d’autres à hauteur<br />

de 10 % (le minimum). Cela nous permet d’être exigeants,<br />

simplement. Nous ne tenons absolument pas<br />

à être <strong>des</strong> commanditaires.<br />

Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un<br />

comité technique, mis en place par notre commission<br />

cultur<strong>elle</strong>, nouv<strong>elle</strong>ment installée en 98. Il est composé<br />

d’une petite partie <strong>des</strong> élus de la commission cultur<strong>elle</strong><br />

(qu<strong>at</strong>re conseillers régionaux) et de responsables<br />

<strong>des</strong> structures cultur<strong>elle</strong>s (permanents, directeurs<br />

de <strong>festivals</strong>, artistes et autres professionnels qui s’y<br />

connaissent en spectacle vivant, cré<strong>at</strong>ion, diffusion,<br />

enseignement artistique), sans oublier le responsable<br />

syndical de l’associ<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> artistes, dont il faut<br />

souligner le rôle : il nous a permis de mieux gérer les<br />

budgets artistiques, les budgets <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> en particulier,<br />

et d’être sensibles à la question de la rémunér<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> artistes, et à d’autres frais, pas toujours évidents.<br />

Confrontés à une économie dont la gestion est<br />

compliquée (il faut savoir décrypter parfois certaines<br />

dépenses), on a essayé de préserver le même pourcentage,<br />

tout en ayant le souci d’accorder <strong>des</strong> cachets<br />

raisonnables aux artistes.<br />

Après discussion, nos critères d’<strong>at</strong>tribution ont pu être<br />

affinés :<br />

- <strong>La</strong> cohérence entre l’idée artistique et la programm<strong>at</strong>ion<br />

est primordiale.<br />

- Ensuite, tout festival doit s’intégrer dans la vie cultur<strong>elle</strong><br />

artistique locale et faire appel aux forces vives<br />

artistiques du secteur.<br />

- L’équipe artistique joue un rôle fondamental. Elle<br />

doit être capable de défendre son projet et son budget.<br />

Ce sont les techniciens de la Région qui sont chargés<br />

de vérifier s’il y a bien adéqu<strong>at</strong>ion entre le budget<br />

prévisionnel et la réalis<strong>at</strong>ion. Quand la Région aide un<br />

festival, <strong>elle</strong> lui <strong>at</strong>tribue immédi<strong>at</strong>ement 50 % de la<br />

subvention. Les 50 % complémentaires ne sont versés<br />

qu’à l’issue d’un bilan financier arrêté. Nous pouvons<br />

ainsi respecter la fameuse fourchette que j’évoquais<br />

<strong>des</strong> 10 % <strong>des</strong> dépenses ré<strong>elle</strong>s. Si, pour <strong>des</strong> raisons x<br />

ou y, le budget devait être moindre que prévu, la subvention<br />

régionale serait diminuée d’autant.<br />

D’autres critères, comme la taille du festival, l’ampleur<br />

de la programm<strong>at</strong>ion, sa durée, ne sont pas, à<br />

nos yeux, <strong>des</strong> critères importants.<br />

Nicolas MARC<br />

On a l’impression qu’il s’agit là de critères objectifs,<br />

mais est-ce qu’il n’y a pas aussi une part laissée à la<br />

subjectivité dans vos décisions d’<strong>at</strong>tribuer tel ou tel financement<br />

?<br />

Didier PILLON<br />

Oui, bien sûr. Il nous arrive d’avoir <strong>des</strong> coups de cœur,<br />

de prendre <strong>des</strong> risques artistiques. Mais <strong>des</strong> réalités<br />

politiques pèsent parfois. Si le maire d’une ville est un<br />

a t e l i e r 5<br />

48<br />

49


a t e l i e r 5<br />

ancien ministre et s’il lui prend l’envie d’un festival, il<br />

bénéficiera forcément d’une aide (ex : Les Orientales<br />

de Saint-Florent-le-Viel, à la programm<strong>at</strong>ion musicale<br />

exigeante et difficile, auxqu<strong>elle</strong>s la Région apportera<br />

une aide de 25 % plutôt que de 10%). Mais on ne<br />

souhaite pas que les porteurs de projets, chaque année,<br />

aient l’angoisse de ne pas voir leur subvention se<br />

renouveler. Je connais trop le mar<strong>at</strong>hon lent et difficile<br />

qu’ils doivent parcourir pour défendre leur projet : aller<br />

voir l’Ét<strong>at</strong>, la Région, la Ville, le Département qui<br />

n’ont ni les mêmes critères, ni les mêmes formulaires.<br />

Donc, en général, notre Région s’engage au minimum<br />

sur trois ans, sauf imprévu.<br />

Quand, chez nous, un nouveau festival se crée, il fait<br />

appel à un dispositif qu’on a mis en place, le FRA-<br />

DIC, Fonds Régional d’Ai<strong>des</strong> et de Développement<br />

aux Initi<strong>at</strong>ives Cultur<strong>elle</strong>s, doté de 3 millions d’euros<br />

environ. Le nombre de <strong>festivals</strong> que nous aidons se<br />

situe dans une proportion de 10 %. Le porteur de<br />

projet discute non avec les élus (ce n’est pas leur<br />

rôle, je le redis), mais avec les techniciens culturels,<br />

qui, eux, valident le projet. Celui-ci est ensuite<br />

examiné en comité technique ou en commission,<br />

en fonction <strong>des</strong> critères que j’ai définis plus haut.<br />

L’aide, une fois accordée, d’au moins 10 %, est assurée<br />

pour trois ans. Au bout de ce temps, on fait un<br />

bilan. Après examen et dialogue, si on donne notre<br />

aval, il entre dans la c<strong>at</strong>égorie « <strong>festivals</strong> » et il est<br />

alors reconduit pr<strong>at</strong>iquement tous les ans. Inutile de<br />

dire que les associ<strong>at</strong>ions se bousculent aux portes<br />

du FRADIC. Jusqu’à présent, on n’a pas eu à serrer<br />

les boulons. Mais le jour où on nous demandera<br />

de diminuer nos budgets, comme le fait maintenant<br />

l’Ét<strong>at</strong>, ça sera beaucoup plus difficile.<br />

Nous avons deux types de <strong>festivals</strong>, ceux purement<br />

musicaux (environ une quinzaine), les autres (à peu<br />

près 35), plus polyvalents (un peu de danse, de théâtre,<br />

de <strong>musique</strong>). En cas de manifest<strong>at</strong>ion exceptionn<strong>elle</strong>,<br />

la cré<strong>at</strong>ion d’une œuvre jamais jouée par exemple,<br />

d’autres ai<strong>des</strong> supplémentaires à la cré<strong>at</strong>ion, à la<br />

résidence, ou à la diffusion seront ponctu<strong>elle</strong>ment accordées<br />

(de l’ordre de 30 à 50 %).<br />

Nicolas MARC<br />

Un mot est revenu souvent, c’est le mot concert<strong>at</strong>ion.<br />

Concert<strong>at</strong>ion entre les collectivités territoriales et l’Ét<strong>at</strong>.<br />

Comment se passe la concert<strong>at</strong>ion entre la Région Pays<br />

de la Loire, l’Ét<strong>at</strong> ainsi qu’avec les Départements en<br />

m<strong>at</strong>ière de financement ?<br />

Didier PILLON<br />

Les Départements, la Région, l’Ét<strong>at</strong> et les Villes ont du<br />

mal en effet à articuler leurs politiques. Je dirais que<br />

c’est historique. <strong>La</strong> Région dialogue plus facilement<br />

avec les Villes qu’avec les Départements. Mais on essaie<br />

maintenant de devenir complémentaires les uns<br />

<strong>des</strong> autres, y compris entre Départements et Régions.<br />

Nous avons mis en place <strong>des</strong> outils valables partout.<br />

Je citerai deux exemples :<br />

1° <strong>La</strong> Région finance <strong>des</strong> chéquiers, appelés Pass Culture-Sport<br />

(7 euros, l’un) envoyés à tous les lycéens<br />

volontaires, comportant 6 chèques (dont un pour le<br />

livre, un pour le sport, un pour le p<strong>at</strong>rimoine, un pour<br />

un film et un pour un spectacle vivant). Une opér<strong>at</strong>ion<br />

qui existe depuis qu<strong>at</strong>re ans, qui a explosé les budgets<br />

(de 100 000 euros à 3 000 000 d’euros). Mais,<br />

aujourd’hui, un lycéen sur trois et un apprenti sur deux<br />

utilisent le chéquier pour aller voir <strong>des</strong> spectacles. Tous<br />

les <strong>festivals</strong>, y compris ceux dans les Départements,<br />

s’ils le souhaitent, peuvent faire bénéficier les lycéens<br />

de ce dispositif.<br />

2° Nous avons créé un site Web qui s’app<strong>elle</strong> Culture en<br />

Pays de la Loire, un serveur qui permet à toutes les structures,<br />

y compris les <strong>festivals</strong> <strong>des</strong> Départements, de faire<br />

leur promotion en temps réel. Dans les deux ans, nous<br />

comptons mettre sur pied une billetterie en ligne.<br />

C’est ce type de rel<strong>at</strong>ions qu’on aimerait voir s’instaurer<br />

avec l’Ét<strong>at</strong>.<br />

Hervé de COLOMBEL<br />

Je voudrais quand même dire qu’on fonctionne plutôt<br />

bien ensemble. <strong>La</strong> Région a monté une associ<strong>at</strong>ion<br />

pour gérer cette billetterie en ligne, dont je suis, je<br />

crois, le vice-président.<br />

Ce que l’on revendique, en vérité (les élus en sont<br />

d’accord), c’est qu’il soit possible d’identifier, entre<br />

toutes les instances existantes (Région, Départements,<br />

Municipalités), le chef de file n<strong>at</strong>urel, au-delà de tous<br />

les clivages politiques afin d’optimiser l’ensemble de<br />

ces niveaux de fonctionnement.<br />

Nicolas MARC<br />

Nous allons maintenant parler du rôle de l’Ét<strong>at</strong> avec<br />

C<strong>at</strong>herine Ahmadi, de la DMDTS. Avant de parler<br />

d’avenir et de revenir sur ce fameux label n<strong>at</strong>ional,<br />

j’aimerais très brièvement que vous puissiez nous<br />

communiquer les chiffres officiels de l’implic<strong>at</strong>ion du<br />

Ministère de la Culture en m<strong>at</strong>ière de financement <strong>des</strong><br />

<strong>festivals</strong>.<br />

C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />

Nous manquons d’un véritable appareil st<strong>at</strong>istique<br />

n<strong>at</strong>ional dont il faudrait vraiment que nous nous dotions,<br />

à l’instar de celui qui mesure les dépenses cultur<strong>elle</strong>s<br />

<strong>des</strong> Français tous les cinq ou dix ans. Les<br />

chiffres que je vais vous donner ne portent donc que<br />

sur les interventions spécifiques de l’Ét<strong>at</strong>.<br />

Une remarque générale : la tendance du Ministère,<br />

qu<strong>elle</strong>s que soient les disciplines, est, certes, de recentrer<br />

ses interventions, mais non de se désengager,<br />

puisque nos crédits ont augmenté continûment<br />

(avec <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> plus ou moins fastes) durant la<br />

dernière décennie :<br />

- En 2002, le Ministère finance environ 500 <strong>festivals</strong>,<br />

toutes disciplines confondues, dont 360 concernent<br />

le spectacle vivant (72 %). Sur ces 360,<br />

214 concernent <strong>des</strong> spectacles musicaux (60 % de<br />

tous les spectacles vivants). Donc, premier const<strong>at</strong>,<br />

la <strong>musique</strong> est largement prévalente. - Sur les 214<br />

<strong>festivals</strong> financés par le Ministère en 2002, 126<br />

(plus de 60 %) correspondent à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de<br />

<strong>musique</strong> classique, contemporaine et lyrique, et 88<br />

concernent les <strong>musique</strong>s dites actu<strong>elle</strong>s (jazz, <strong>musique</strong>s<br />

amplifiées, électro-acoustiques et autres, innovantes<br />

dans ce domaine).<br />

Si l’on excepte la Corse (on n’intervient plus depuis<br />

la récente loi de décentralis<strong>at</strong>ion) et les DOM-TOM<br />

(appareil st<strong>at</strong>istique différent), les crédits <strong>at</strong>tribués<br />

en 2002 à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de spectacle vivant représentent<br />

20 millions d’euros, dont 47 % pour la <strong>musique</strong><br />

(9,2 millions d’euros). Sur ces 9,2 millions,<br />

5,9 millions très précisément sont consacrés à la<br />

<strong>musique</strong> savante (64 % du total de la <strong>musique</strong>) et<br />

3,3 millions d’euros aux <strong>musique</strong>s actu<strong>elle</strong>s.<br />

Ces chiffres ne prennent pas en considér<strong>at</strong>ion les<br />

<strong>festivals</strong> pluridisciplinaires qui constituent une<br />

autre difficulté de recensement st<strong>at</strong>istique (Festival<br />

d’Automne, par ex.). Néanmoins, dans une enquête<br />

n<strong>at</strong>ionale exhaustive, il faudrait en tenir compte.<br />

Un const<strong>at</strong> : non seulement l’Ét<strong>at</strong> recentre globalement<br />

ses interventions, mais de surcroît les chiffres<br />

montrent qu’il concentre le gros de ses subventions<br />

sur un nombre restreint de <strong>festivals</strong>. <strong>La</strong> moyenne <strong>des</strong><br />

subventions accordées aux <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> est<br />

donc faible. Quelques chiffres : l’Ét<strong>at</strong> donne à 27<br />

<strong>festivals</strong> de spectacle vivant plus de 100 000 euros<br />

de subvention. Sur les 27 en question, 13 concernent<br />

la <strong>musique</strong> : 6 ont trait à la <strong>musique</strong> savante<br />

(Aix qui reçoit 2,6 millions d’euros, Orange pour le<br />

lyrique, Musica et les 38 e Rugissants pour le contemporain,<br />

Saintes et Ambronay pour la <strong>musique</strong><br />

baroque), et les 7 autres concernent les <strong>musique</strong>s<br />

dites actu<strong>elle</strong>s (Bourges, Banlieue Bleue, Francofolies,<br />

Transmusicales, Interceltique, Sons d’hiver, Musiques<br />

métisses à Angoulême).<br />

Pour résumer, sur les 9,2 millions d’euros de subventions<br />

accordés par l’Ét<strong>at</strong> à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, 5,6 millions<br />

d’euros (60 % de notre subvention) sont <strong>at</strong>tribués<br />

à 13 <strong>festivals</strong>. Il reste donc 3,6 millions d’euros à répartir<br />

entre 201 <strong>festivals</strong>, à savoir une moyenne d’un peu<br />

moins de 18 000 euros par festival.<br />

Ainsi donc, même si l’intervention de l’Ét<strong>at</strong> est signific<strong>at</strong>ive<br />

pour un nombre important de <strong>festivals</strong>,<br />

<strong>elle</strong> reste mineure dans la grande majorité <strong>des</strong> cas,<br />

très élevée toutefois dans un nombre sélectif de manifest<strong>at</strong>ions<br />

festivalières. Il s’agit là d’une politique<br />

ancienne que l’Ét<strong>at</strong> se doit légitimement de clarifier<br />

(préciser les critères de subventions), ce qui est important<br />

aussi pour les professionnels que vous êtes.<br />

Encore une fois, il n’y a pas de désengagement, on<br />

observe même l’augment<strong>at</strong>ion de nos financements<br />

aux manifest<strong>at</strong>ions festivalières qui remplissent une<br />

série de missions d’intérêt général. Un dernier chiffre<br />

: si les collectivités territoriales financent les <strong>festivals</strong><br />

à hauteur de 80 % et l’Ét<strong>at</strong> de 20 %, celuici<br />

en accorde les 47 % aux <strong>festivals</strong> dont j’ai parlé<br />

tout à l’heure.<br />

À plusieurs reprises, on a parlé de décentralis<strong>at</strong>ion,<br />

il me semble qu’il y a parfois une confusion sémantique<br />

entre déconcentr<strong>at</strong>ion et décentralis<strong>at</strong>ion. <strong>La</strong><br />

décentralis<strong>at</strong>ion, je le rapp<strong>elle</strong>, c’est le transfert de<br />

compétences et évidemment de financement à <strong>des</strong><br />

collectivités territoriales. Mais en ce qui concerne<br />

les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, notamment, les financements<br />

croisés seront maintenus encore un bon moment,<br />

avec <strong>des</strong> compétences partagées non définies<br />

en tant que t<strong>elle</strong>s dans la loi et totalement partagées<br />

entre l’Ét<strong>at</strong> et les Collectivités Territoriales. Donc, pas<br />

de décentralis<strong>at</strong>ion prévue sur le terrain strict <strong>des</strong> activités<br />

cultur<strong>elle</strong>s et artistiques. Peut-être y en aur<strong>at</strong>-il<br />

une, le Parlement ne s’est pas encore définitivement<br />

prononcé.<br />

Nicolas MARC<br />

Vous estimez que le terme de désengagement n’est<br />

pas approprié. Pourtant quand on envoie un courrier<br />

qui annonce : « Nous ne pourrons pas vous<br />

aider cette année », c’est-à-dire, en vérité, plus jamais,<br />

ne peut-on quand même pas parler de désengagement<br />

?<br />

C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />

Il faut voir les choses d’un point de vue global, pas<br />

seulement local. Recentrer signifie <strong>at</strong>tribuer <strong>des</strong><br />

fonds plus importants à un certain nombre de <strong>festivals</strong><br />

dont nous estimons qu’ils remplissent <strong>des</strong> missions<br />

qui ressortent davantage <strong>des</strong> objectifs n<strong>at</strong>ionaux.<br />

Des critères comme la proximité territoriale,<br />

l’aménagement d’un certain nombre de cantons, de<br />

Sur les 9,2 millions<br />

d’euros de subventions<br />

accordés par l’Ét<strong>at</strong><br />

à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de<br />

<strong>musique</strong>, 5,6 millions<br />

d’euros (60 % de notre<br />

subvention) sont <strong>at</strong>tribués<br />

à 13 <strong>festivals</strong>. Il<br />

reste donc 3,6 millions<br />

d’euros à répartir<br />

entre 201 <strong>festivals</strong>,<br />

à savoir une moyenne<br />

d’un peu moins<br />

de 18 000 euros<br />

par festival.<br />

bassins de pays, absolument indispensables à notre<br />

territoire et plus largement à la n<strong>at</strong>ion en terme<br />

d’égalité d’accès <strong>des</strong> citoyens à la proposition cultur<strong>elle</strong>,<br />

sont bien sûr importants, mais nous pensons<br />

que l’Ét<strong>at</strong> se doit d’intervenir au nom d’objectifs plus<br />

ciblés, comme l’exc<strong>elle</strong>nce artistique ou le développement<br />

de genres plus difficiles (<strong>musique</strong>s contemporaine,<br />

ancienne ou baroque), bref, au nom d’un<br />

objectif de rayonnement intern<strong>at</strong>ional. C’est là une<br />

véritable politique artistique. C’est difficile à admettre<br />

de tous ceux qui, parmi vous, depuis <strong>des</strong> années,<br />

se b<strong>at</strong>tent pour faire vivre <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, avec ce que<br />

ça suppose de volontarisme, de bénévol<strong>at</strong> ou même<br />

de professionnalis<strong>at</strong>ion. Aussi l’Ét<strong>at</strong> doit-il assumer<br />

cette période de transition nécessaire de façon intelligente<br />

et non pas brutale, en dépit de certains contre-exemples,<br />

et faire en sorte d’assurer une meilleure<br />

articul<strong>at</strong>ion locale avec les collectivités.<br />

Même si, tendanci<strong>elle</strong>ment, les coûts dans le spectacle<br />

vivant ne cessent d’augmenter à cause du coût<br />

du travail (ce qui concerne d’ailleurs surtout les institutions<br />

permanentes), cela ne doit pas vouloir dire<br />

augment<strong>at</strong>ion de la subvention par définition. Malgré<br />

une conjoncture assez mauvaise, on espère que<br />

la loi sur le mécén<strong>at</strong> permettra de relancer la machine,<br />

on compte aussi sur les billetteries, donc le<br />

public (même si on est soucieux de ne pas augmenter<br />

les billetteries à connot<strong>at</strong>ion redistributive). On<br />

regrette à cet égard que Raymond Duffaut ne soit<br />

pas là. Il vous aurait expliqué comment à Orange<br />

avec un théâtre antique de 8 600 places, il arrive<br />

à avoir 80 % de recettes grâce à la billetterie. Mais<br />

évidemment tout le monde n’a pas le théâtre antique<br />

d’Orange.<br />

Nicolas MARC<br />

Alors de qu<strong>elle</strong> manière cette politique artistique va-t<strong>elle</strong><br />

être mise en œuvre au niveau <strong>des</strong> DRAC, qu<strong>elle</strong> va<br />

être la répartition <strong>des</strong> rôles entre la DMDTS <strong>des</strong> services<br />

centraux et la DRAC ?<br />

C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />

Certes l’Ét<strong>at</strong> est Un, mais il est représenté par de nombreuses<br />

structures. Il n’y a aucun clivage d’intention<br />

entre le niveau déconcentré et le niveau administr<strong>at</strong>if<br />

central, la DMDTS et bien sûr le Ministre et son cabinet.<br />

Au contraire, on travaille de concert. Mais les difficultés<br />

sont plus gran<strong>des</strong> pour les DRAC qui se frottent<br />

directement aux initi<strong>at</strong>ives, aux deman<strong>des</strong> incessantes<br />

<strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres, qui doivent s’expliquer, se justifier<br />

en permanence, et qui, pourtant, doivent appliquer<br />

une politique de recentrage, en fonction <strong>des</strong> critères<br />

et objectifs exposés tout à l’heure, passant ainsi<br />

pour les méchants qui empêchent notre b<strong>elle</strong> machine<br />

artistique française d’avancer. Je veux leur rendre<br />

hommage.<br />

Il est vrai que le calendrier que nous avions arrêté a<br />

été un peu retardé, vu les circonstances. En vérité, ce<br />

n’est pas plus mal, ça nous permettra de mieux accompagner<br />

les difficultés notamment locales.<br />

Nicolas MARC<br />

Quand voyez-vous la mise en œuvre du label et quel<br />

va être le nombre de <strong>festivals</strong> labellisés ?<br />

a t e l i e r 5<br />

50<br />

51


a t e l i e r 5<br />

C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />

Rien n’est arrêté, on est dans une phase de réflexion<br />

interne. Il faut être très précautionneux, ce dont nous<br />

sommes parfaitement conscients. Raisonnablement,<br />

on peut situer la chose aux environs du dernier trimestre<br />

2004. Quant au nombre de <strong>festivals</strong> n<strong>at</strong>ionaux,<br />

toutes disciplines confondues, qui bénéficieront<br />

de ce label, le chiffre se situe entre 30 et 50,<br />

donc entre 20 et 30 pour les <strong>festivals</strong> musicaux.<br />

Un dernier mot. Le mot de label résonne « technocr<strong>at</strong>ique<br />

», aux oreilles de certains, ici présents.<br />

Je le répète, il s’agit simplement pour nous de reconnaître<br />

un ensemble de missions n<strong>at</strong>ionalement<br />

coordonnées que certains <strong>festivals</strong> assument. Cela<br />

n’empêche pas une grande diversité. Je vais prendre<br />

l’exemple de scènes n<strong>at</strong>ionales comme le Cargo à<br />

Grenoble (un bâtiment gigantesque avec un budget<br />

considérable, <strong>des</strong> missions pluridisciplinaires dans<br />

tous les domaines très importantes) ou la Rochesur-Yon<br />

ou encore Château-Gontier, un établissement<br />

beaucoup plus mo<strong>des</strong>te. Pourtant, ces établissements<br />

se retrouvent sur <strong>des</strong> missions de fond qui<br />

sont les mêmes, même si <strong>elle</strong>s se déploient avec <strong>des</strong><br />

moyens très différents. Donc ne dram<strong>at</strong>isons pas et<br />

essayons de faire les choses de façon pragm<strong>at</strong>ique,<br />

intelligente et concertée bien sûr.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Un mot sur le mécén<strong>at</strong>. <strong>La</strong> personne qui devait en<br />

parler n’a pu venir parce qu’<strong>elle</strong>-même ignore ce<br />

que va devenir le mécén<strong>at</strong> dans son entreprise, ce<br />

qui prouve combien ce type d’intervention est fragile.<br />

Ce que nous avons obtenu du Parlement, non<br />

sans ferrailler ferme, est une loi qui concerne exclusivement<br />

le mécén<strong>at</strong> d’entreprise. Les dons que<br />

peuvent désormais faire les entreprises à nos <strong>festivals</strong><br />

sont aujourd’hui devenus fiscalement plus intéressants<br />

que les partenari<strong>at</strong>s qui permettaient jusqu’alors<br />

une série de combinaisons assez intéressantes<br />

finalement.<br />

Une première c<strong>at</strong>égorie d’entreprises s’intéresse<br />

plutôt aux <strong>festivals</strong> n<strong>at</strong>ionaux qui répondent davantage<br />

à leur cahier <strong>des</strong> charges (idée d’un contr<strong>at</strong><br />

avec une collectivité publique). Une autre c<strong>at</strong>égorie<br />

d’entreprises est beaucoup plus intéressée par <strong>des</strong><br />

retombées locales et par une image locale. Il ne<br />

s’agit donc pas d’un milieu homogène.<br />

Un bon mécén<strong>at</strong>, je vis l’expérience <strong>des</strong> deux côtés<br />

de la barrière, suppose une vraie démarche sociale<br />

de l’entreprise, initiée par une personne, sans<br />

doute, mais approuvée par <strong>des</strong> salariés qui doivent<br />

en tirer parti et le vivre comme quelque chose<br />

de positif.<br />

Il faut aussi faire très <strong>at</strong>tention à l’équilibre <strong>des</strong> recettes,<br />

pour ne pas être à quai si jamais un grand<br />

mécène vient à disparaître.<br />

Au sujet <strong>des</strong> coûts, deux facteurs me préoccupent.<br />

L’utilis<strong>at</strong>ion d’intermittents, importants dans notre<br />

dispositif, aujourd’hui conduit d’une manière<br />

ou d’une autre à un certain renchérissement <strong>des</strong><br />

coûts. Nous, en tant que fédér<strong>at</strong>ion, devons réfléchir<br />

à une charte dans le domaine social avec <strong>des</strong><br />

institutions t<strong>elle</strong>s le GRISS pour que les choses se<br />

passent bien.<br />

D’autre part, les emplois-jeunes vont disparaître.<br />

Certes <strong>des</strong> dispositifs d’aide en sifflet ou en biseau<br />

ont été mis en place par le Ministère <strong>des</strong> Affaires<br />

Sociales. Mais il y aura un manque. Des sortes de<br />

chèques emplois services vont être mis sur pied,<br />

semble-t-il, pour toutes les activités d’été <strong>des</strong> Monuments<br />

Historiques. Ce dispositif ne pourrait-il pas<br />

être applicable aux <strong>festivals</strong> ?<br />

Par ailleurs, une tendance apparaît : les collectivités<br />

locales voudront de plus en plus que nous rentabilisions<br />

nos équipes et qu’outre leurs activités<br />

festivalières, c<strong>elle</strong>s-ci prennent en charge <strong>des</strong> saisons<br />

d’hiver, par exemple. Le risque, c’est qu’évidemment<br />

les <strong>festivals</strong> y perdent leur caractéristique<br />

propre.<br />

Le travail en réseau européen est une chose qu’on<br />

n’a encore peu pr<strong>at</strong>iquée, mais il peut peut-être<br />

donner lieu à <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> européennes.<br />

Enfin, concernant le label, on a vraiment le sentiment<br />

qu’entre responsables et administr<strong>at</strong>eurs culturels,<br />

on reste entre soi, et que la rel<strong>at</strong>ion avec les<br />

tiers que nous sommes est vraiment opaque. Pour<br />

ma part, je n’ai pas encore bien compris sa valeur<br />

ajoutée, sauf si, bien entendu, il s’inscrit dans une<br />

vision politique dynamique.<br />

Nicolas MARC<br />

Philippe Toussaint, est-ce que la réforme récente du<br />

mécén<strong>at</strong> va être suffisamment incit<strong>at</strong>ive pour ouvrir<br />

un certain nombre de <strong>festivals</strong> au monde de l’entreprise<br />

et réciproquement ?<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Une loi de ce type n’est pas une fin en soi, c’est un<br />

outil, qui, en tout cas, hausse la France, sur le plan<br />

de la fiscalité <strong>des</strong> don<strong>at</strong>eurs, à un niveau compétitif<br />

sur le plan intern<strong>at</strong>ional. C’est donc déjà une chose<br />

importante. Aujourd’hui, nous sommes dans une<br />

conjoncture économique peu favorable aux dépenses<br />

de mécén<strong>at</strong>. Nous avons donc un travail de communic<strong>at</strong>ion<br />

à faire pour convaincre les mécènes. Il nous<br />

faut aussi, de notre côté, offrir une b<strong>elle</strong> image collective<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, c’est un peu d’ailleurs pour ça<br />

qu’on a transformé la FFFIM en France Festivals. Assez<br />

curieusement, notre démarche est un peu parallèle<br />

à c<strong>elle</strong> de l’Ét<strong>at</strong>, mais pour <strong>des</strong> raisons différentes<br />

car notre objectif est, d’abord, d’avoir un niveau<br />

qualit<strong>at</strong>if global, ensuite d’avoir un effet de poids<br />

global. Ce qui est très original en France, en effet,<br />

plusieurs mécènes nous l’ont dit, c’est notre masse<br />

d’implant<strong>at</strong>ion festivalière, très différente de ce qui<br />

se passe dans les autres pays où il n’y a que quelques<br />

grands <strong>festivals</strong>.<br />

Nicolas MARC<br />

Luc BÉNITO, pensez-vous qu’on peut renforcer la part<br />

actu<strong>elle</strong> du mécén<strong>at</strong> (16 % <strong>des</strong> recettes <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>),<br />

qu’<strong>elle</strong> peut s’acheminer vers <strong>des</strong> particip<strong>at</strong>ions plus<br />

importantes comme c’est le cas à l’étranger ?<br />

Luc BENITO<br />

Oui, même s’il est parfois très difficile, pour une entreprise,<br />

de justifier une dépense de mécén<strong>at</strong> alors qu’on<br />

prépare un plan social ou qu’on licencie. Souhaitons<br />

que cette loi favorise <strong>des</strong> impulsions, au-delà <strong>des</strong> barrières<br />

psychologiques aujourd’hui existantes.<br />

Édith ROBERT<br />

Présidente - Nuits de la Citad<strong>elle</strong><br />

de Sisteron<br />

On n’a pas du tout parlé <strong>des</strong> fonds européens et de<br />

l’utilis<strong>at</strong>ion qu’on pouvait en faire. Il paraît qu’en<br />

France, on les utilise mal, de façon insuffisante. Dans<br />

mon département, les Alpes de Haute-Provence, il paraîtrait<br />

que <strong>des</strong> fonds repartent parce que non inutilisés.<br />

J’ai entendu parler <strong>des</strong> programmes Inter-reg : dans<br />

qu<strong>elle</strong> mesure les <strong>festivals</strong> peuvent-ils justement organiser<br />

<strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s avec un autre pays de la Communauté<br />

?<br />

Henri FUOC<br />

Président - Saoû chante Mozart<br />

dans la Drôme<br />

Moi aussi, j’aimerais une réponse. Nous sommes éligibles<br />

au programme FEDER Objectif 2 - c’est-à-dire<br />

les régions de moyenne montagne défavorisées. À ce<br />

titre, la région Rhône Alpes a obtenu pour la période<br />

2000-2006, 380 millions d’euros, qui ne concernent<br />

pas que la culture. Au début de l’année, 24 millions<br />

d’euros seulement avaient été demandés. Si par période<br />

annu<strong>elle</strong> et au bout de deux ans ces crédits n’ont<br />

pas été utilisés, ils sont retournés à Brux<strong>elle</strong>s. Nous<br />

avons donc eu une réunion, initiée par la présidente<br />

de la Région Rhône-Alpes et le Préfet de Région. Pour<br />

2001, nous avons demandé et obtenu 21 000 euros<br />

de subvention. Ces crédits sont instruits par les DRAC.<br />

Le dossier a été remis en 2002, complet. Nous sommes<br />

fin 2003. En mai, les dernières deman<strong>des</strong> d’explic<strong>at</strong>ion<br />

ont été données à la DRAC. De retour <strong>des</strong><br />

Et<strong>at</strong>s-Unis, samedi, la DRAC nous réclame encore un<br />

autre petit renseignement avant de pouvoir nous <strong>at</strong>tribuer<br />

les crédits. On nous dit aussi que les <strong>festivals</strong><br />

ne peuvent en bénéficier que pendant trois ans, et pas<br />

six, que le p<strong>at</strong>rimoine doit aussi en bénéficier. Le Préfet<br />

de région, lui, déclare que nous en bénéficierons<br />

six ans.<br />

Nicolas MARC<br />

Qui veut réagir ?<br />

Didier PILLON<br />

Les crédits européens, me semble-t-il, sont surtout<br />

gérés par les préfectures de Région, les DRAC n’étant<br />

que <strong>des</strong> outils d’expertise. Dans la région <strong>des</strong> Pays<br />

de la Loire, quelques <strong>festivals</strong> ont obtenu <strong>des</strong> fonds<br />

européens, au titre du FEDER notamment. Les règles<br />

sont très compliquées. À ma connaissance, ces crédits<br />

sont valables trois ans et pas six. Je me méfie<br />

<strong>des</strong> gens qui vous proposent quelque chose pendant<br />

six ans en sachant qu’ils seront partis d’ici là. Considérez<br />

les fonds européens comme une aubaine momentanée<br />

qui vous permet de consolider votre structure,<br />

mais ne le prenez pas comme un fonds permanent.<br />

Quant à Inter-reg, ça concerne surtout les<br />

régions frontalières et, me semble-t-il, il faut qu’il<br />

y ait au moins deux autres partenaires européens<br />

concernés. Peut-être, aujourd’hui, un seul suffit. Je<br />

voudrais quand même préciser que peu de fonds<br />

européens repart car une commission administr<strong>at</strong>ive<br />

régionale re-répartit les fonds non utilisés dans<br />

d’autres domaines.<br />

Édith ROBERT<br />

Chez nous, si.<br />

Mon associ<strong>at</strong>ion gère à la fois un monument, la Citad<strong>elle</strong><br />

de Sisteron, et un festival, anim<strong>at</strong>ion de la Citad<strong>elle</strong>.<br />

J’obtiens <strong>des</strong> fonds européens pour la restaur<strong>at</strong>ion<br />

de la Citad<strong>elle</strong> au titre de l’objectif 2, mais on me<br />

les a complètement refusés au titre du festival, en me<br />

disant qu’on n’était absolument pas éligible.<br />

Philippe TOUSSAINT<br />

Le festival peut être éligible dans certains domaines,<br />

en particulier l’investissement (m<strong>at</strong>ériel scénique,<br />

m<strong>at</strong>ériel d’accueil <strong>des</strong> spect<strong>at</strong>eurs et autres,<br />

mais aussi opér<strong>at</strong>ions liées à la sensibilis<strong>at</strong>ion <strong>des</strong><br />

publics, notamment <strong>des</strong> publics exclus). Mais je crois<br />

que, dans une saine gestion, il faut quand même<br />

affecter le plus souvent ce type de fonds à <strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions<br />

d’investissement beaucoup plus que de fonctionnement.<br />

Nicolas MARC<br />

Il existe une structure d’inform<strong>at</strong>ion assez efficace qui<br />

s’app<strong>elle</strong> le Relais Culture Europe, mis en place par<br />

l’Europe, qui fait très bien son travail et qui peut renseigner<br />

les porteurs de projets et les responsables de<br />

<strong>festivals</strong> sur les dispositifs. Cet organisme est à Paris<br />

et permet notamment à chacun de connaître les programmes<br />

qui débuteront en 2006, actu<strong>elle</strong>ment en<br />

préfigur<strong>at</strong>ion. Je vous invite à prendre contact. C’est<br />

un centre de ressources et d’inform<strong>at</strong>ions dont la voc<strong>at</strong>ion<br />

est d’apporter une inform<strong>at</strong>ion sur les ai<strong>des</strong> à<br />

la culture.<br />

Alain BRUNET<br />

Directeur artistique -<br />

Festival d’Ambronay<br />

En effet, Relais Culture Europe a un exc<strong>elle</strong>nt conseiller<br />

qui vous donnera toutes les indic<strong>at</strong>ions. Les<br />

<strong>festivals</strong> sont surtout concernés par le programme<br />

Culture 2 000. Il faut savoir que c’est un parcours<br />

du comb<strong>at</strong>tant absolument invraisemblable et que,<br />

pour pouvoir bénéficier d’une aide annu<strong>elle</strong>, il faut<br />

que vous ayez <strong>des</strong> partenaires européens, financièrement<br />

impliqués dans votre projet. Pour un projet annuel,<br />

trois pays sont concernés, pour un projet triennal<br />

de réseau, cinq pays. J’ai créé le réseau REMA<br />

qui bénéficie pour la deuxième période d’un soutien<br />

triennal. Les critères de sélection et de contrôle de<br />

l’Union Européenne sont absolument épouvantables.<br />

On se retrouve dans <strong>des</strong> situ<strong>at</strong>ions de stress<br />

très difficiles parce que la manière de fonctionner<br />

de l’UE ne correspond absolument pas à c<strong>elle</strong> d’une<br />

entreprise cultur<strong>elle</strong>. Dans les premières grilles financières<br />

qu’<strong>elle</strong> nous donnait à remplir, il n’y avait<br />

pas de ligne budgétaire artistique, ça figurait dans<br />

les « divers » : 70 % du budget apparaissait dans<br />

une ligne « divers » ! Les crédits qu’<strong>elle</strong> accorde sont<br />

<strong>at</strong>tribués ligne budgétaire par ligne budgétaire. Par<br />

exemple, vous avez prévu 1 000 euros de frais de<br />

déplacement, mais vous en dépensez 1 200, on ne<br />

vous accordera pas un centime supplémentaire. Si<br />

vous avez prévu 5 000 euros de frais d’hébergement<br />

d’artistes, mais n’en dépensez que 500, on vous diminue<br />

la subvention d’autant sur cette ligne budgétaire,<br />

sans la reporter sur une autre, alors que vous<br />

êtes engagé sur une période de trois ans (en ce qui<br />

concerne les réseaux), que vous êtes donc tenus de<br />

financer les opér<strong>at</strong>ions. Au début, ils m’ont même<br />

réclamé 70 000 euros. Il a fallu discuter, montrer les<br />

factures. Après, j’ai eu droit à leurs félicit<strong>at</strong>ions. Il ne<br />

s’agit pas d’un problème d’incompétence, mais le<br />

champ européen est t<strong>elle</strong>ment énorme qu’il lui faut<br />

adopter <strong>des</strong> critères administr<strong>at</strong>ifs financiers extrêmement<br />

stricts. Mais je vous engage quand même<br />

vivement à contacter RCE, ne serait-ce que pour qu’il<br />

prenne conscience de l’existence et du foisonnement<br />

de la vie cultur<strong>elle</strong> dans nos pays européens.<br />

Nicolas MARC<br />

J’aimerais juste, pour compléter les sources de financement<br />

aux <strong>festivals</strong>, citer <strong>des</strong> organismes professionnels,<br />

en particulier <strong>des</strong> sociétés civiles qui apportent<br />

<strong>des</strong> petits financements : la SACEM, l’ADAMI et la<br />

SPEDIDAM qui se positionnent notamment sur le financement<br />

de pl<strong>at</strong>eaux de jeunes artistes.<br />

a t e l i e r 5<br />

52 53


Qu<strong>elle</strong>s coopér<strong>at</strong>ions pour développer<br />

les projets <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />

au plan infra et supran<strong>at</strong>ional ?<br />

Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine Vacher - Productrice à France-Culture<br />

Participants<br />

a t e l i e r 6<br />

Tamàs KLENJANSZKY - Secrétaire Général - Associ<strong>at</strong>ion Européenne <strong>des</strong> Festivals<br />

Alain BRUNET - Directeur artistique - Festival d’Ambronay<br />

Alain LACROIX - Responsable du pôle <strong>musique</strong>s - Département <strong>des</strong> arts de la scène -<br />

Associ<strong>at</strong>ion Française d’Action Artistique<br />

Didier MONTAGNÉ - Directeur - Institut Français de Prague<br />

55


a t e l i e r 6<br />

Qu<strong>elle</strong>s coopér<strong>at</strong>ions pour développer les projets<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au plan infra et supran<strong>at</strong>ional ?<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Cet <strong>at</strong>elier est consacré aux coopér<strong>at</strong>ions européennes<br />

que nouent entre eux les <strong>festivals</strong>, car l’Europe existe<br />

au niveau de la culture depuis très longtemps.<br />

Tamàs KLENJANSZKY<br />

Je suis hongrois. Avant d’être nommé comme secrétaire<br />

général de notre associ<strong>at</strong>ion et de diriger son bureau<br />

en Suisse, j’ai travaillé pour <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de différentes<br />

c<strong>at</strong>égories en Hongrie. J’ai créé le Festival de<br />

<strong>musique</strong> contemporaine Bartòk, dans les années 80,<br />

puis, avec d’autres artistes et partenaires, celui de <strong>musique</strong><br />

ancienne à Sopron, à la frontière austro-hongroise.<br />

Ces six dernières années, j’ai été responsable<br />

du Festival de Printemps de Budapest, le plus important<br />

dans notre domaine, devenu, grâce aux s<strong>at</strong>ellites,<br />

une sorte de modèle, à l’image de plusieurs <strong>festivals</strong><br />

membres de notre associ<strong>at</strong>ion européenne, tels que le<br />

Festival de Wallonie ou le Festival de Flandres.<br />

Je vais vous présenter notre associ<strong>at</strong>ion, source de<br />

merveilleuses richesses du point de vue culturel et artistique,<br />

offrant une diversité totale. Elle est composée<br />

de membres individuels, dits « ordinaires » (93<br />

aujourd’hui), représentant <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> intern<strong>at</strong>ionaux<br />

<strong>des</strong> arts du spectacle, mêlant <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> pure<br />

et <strong>festivals</strong> multidisciplinaires de gran<strong>des</strong> villes (<strong>musique</strong>-danse-théâtre).<br />

Outre leur diversité artistique, ces<br />

<strong>festivals</strong> offrent une diversité de structure : par exemple,<br />

Settembre Musica, un festival très prestigieux, est<br />

géré par le Département <strong>des</strong> Affaires Cultur<strong>elle</strong>s de Turin.<br />

D’autres sont structurés comme <strong>des</strong> fond<strong>at</strong>ions,<br />

absolument privées. Comment <strong>des</strong> membres aussi différents<br />

de par leur form<strong>at</strong>ion ou leur structure, peuvent-ils<br />

se regrouper au sein d’une même associ<strong>at</strong>ion,<br />

s’identifier à <strong>elle</strong>, même si <strong>des</strong> préoccup<strong>at</strong>ions comme<br />

les problèmes de financement, de mécén<strong>at</strong> ou de<br />

communic<strong>at</strong>ion intéressent tout le monde ? C’est là un<br />

énorme défi.<br />

Nous nous sommes encore compliqué la vie quand, à<br />

Turin en 1998, nous avons décidé de modifier nos st<strong>at</strong>uts<br />

sur le plan juridique afin d’accueillir, en plus <strong>des</strong><br />

membres individuels ordinaires, <strong>des</strong> membres collectifs.<br />

Il y avait déjà <strong>des</strong> exemples de fédér<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales,<br />

la Fédér<strong>at</strong>ion Française ou le British Art Festival<br />

Associ<strong>at</strong>ion. Nous avons créé l’Associ<strong>at</strong>ion hongroise<br />

<strong>des</strong> Festivals <strong>des</strong> arts du spectacle. À l’époque, on s’est<br />

dit que si l’on voulait acquérir une vraie dimension,<br />

au moins au niveau européen, si l’on voulait être pris<br />

au sérieux (« business festival »), il fallait que notre<br />

Associ<strong>at</strong>ion s’ouvre aux associ<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales. Il a<br />

fallu convaincre les membres individuels qui étaient<br />

loin d’être d’accord.<br />

On a mis sur pied un programme de développement,<br />

afin d’aider les <strong>festivals</strong> d’autres pays européens à se<br />

structurer au niveau n<strong>at</strong>ional, par exemple la Tchéquie<br />

(Czech Associ<strong>at</strong>ion of Music <strong>festivals</strong>), la Bulgarie ou<br />

l’Estonie. Actu<strong>elle</strong>ment on négocie avec les collègues<br />

en Flandre.<br />

Être un partenaire digne de ce nom vis-à-vis <strong>des</strong> autorités<br />

cultur<strong>elle</strong>s européennes, à Strasbourg et Brux<strong>elle</strong>s,<br />

c’est difficile : difficultés méthodologiques, politiques,<br />

cultur<strong>elle</strong>s. C’est un vrai défi que de parvenir à<br />

un niveau très haut de représent<strong>at</strong>ivité.<br />

On a ouvert aussi notre structure à <strong>des</strong> réseaux européens,<br />

comme le REMA (Réseau Européen de Musique<br />

Ancienne) de M. Brunet, devenu membre associé de<br />

notre organis<strong>at</strong>ion. Ce n’est pas le seul. Nous avions<br />

déjà trois réseaux spécifiques : Fontainebleau, pour la<br />

<strong>musique</strong> de chambre (surtout les qu<strong>at</strong>uors), avec <strong>des</strong><br />

activités intern<strong>at</strong>ionales de qualité, puis l’Union <strong>des</strong><br />

Théâtres Européens, club d’élite créé par Giorgio Strehler,<br />

avec <strong>des</strong> institutions éminentes comme l’Odéon<br />

et le théâtre de l’Europe, et enfin la Conférence Européenne<br />

<strong>des</strong> Promoteurs de Musiques Nouv<strong>elle</strong>s.<br />

Comment avoir une pr<strong>at</strong>ique cohérente et garder <strong>des</strong><br />

ambitions politiques et cultur<strong>elle</strong>s fortes avec <strong>des</strong><br />

membres si divers ?<br />

Notre programme, décidé il y a sept ans, fut de créer<br />

<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers, d’offrir <strong>des</strong> cadres de coopér<strong>at</strong>ion et de<br />

dialogue aux différents types de membres, orientés<br />

vers les mêmes contenus artistiques :<br />

- Dans le cadre de la Conférence Européenne <strong>des</strong> Promoteurs<br />

de Musiques Nouv<strong>elle</strong>s, un <strong>at</strong>elier est né,<br />

Arts’Nova. Il permet <strong>des</strong> rencontres annu<strong>elle</strong>s spécifiques,<br />

liées toujours à un événement, un festival<br />

de <strong>musique</strong> contemporaine si possible, avec le souci<br />

d’échanger <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions, d’élaborer <strong>des</strong> projets<br />

communs, coproductions et échange de productions.<br />

- Un groupe de travail sur la <strong>musique</strong> ancienne s’est<br />

constitué avec <strong>des</strong> buts très similaires. Grâce au REMA,<br />

il peut acquérir une dimension très importante.<br />

- Un autre exemple encore, l’<strong>at</strong>elier organisé avec<br />

l’aide d’une organis<strong>at</strong>ion de l’UNESCO, la Fédér<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> Concours Intern<strong>at</strong>ionaux de Musique : c’est<br />

ainsi qu’est né Crescendo, qui favorise la coopér<strong>at</strong>ion<br />

(échange d’idées ou de métho<strong>des</strong>) entre les membres<br />

<strong>des</strong> organis<strong>at</strong>ions-sœurs pour la promotion efficace<br />

<strong>des</strong> jeunes interprètes.<br />

- Le dernier exemple, c’est New-Wave. Nous avons<br />

créé, il y a quelques années, un programme de form<strong>at</strong>ion<br />

de 2 ans, Euro Fest, grâce à <strong>des</strong> fonds de<br />

l’Union Européenne. À Genève et au Portugal, ont été<br />

organisés, durant deux semaines, <strong>des</strong> conférences et<br />

<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers qui ont regroupé environ 20 jeunes délégués<br />

d’associ<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales, membres collectifs de<br />

16 pays. Des voyages d’étu<strong>des</strong>, <strong>des</strong> visites de <strong>festivals</strong><br />

de toute sorte eurent aussi lieu. Le groupe ainsi formé<br />

a décidé de se maintenir sous l’appell<strong>at</strong>ion Nouv<strong>elle</strong><br />

Vague. L’un d’eux a été élu membre de notre comité<br />

exécutif, afin d’assister les nouv<strong>elle</strong>s génér<strong>at</strong>ions.<br />

Le groupe nous aide aussi activement à établir notre<br />

deuxième programme de form<strong>at</strong>ions et à réfléchir sur<br />

notre fonctionnement. Nous avons <strong>des</strong> services, <strong>des</strong> sites,<br />

<strong>des</strong> public<strong>at</strong>ions…<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Qui sont vos interlocuteurs au niveau <strong>des</strong> institutions<br />

européennes ? Vous avez <strong>des</strong> interlocuteurs privilégiés<br />

?<br />

Tamàs KLENJANSZKY<br />

Nous n’avons pas d’interlocuteurs privilégiés. Nous<br />

avons rejoint une organis<strong>at</strong>ion qui s’occupe de lobbying<br />

à Brux<strong>elle</strong>s. On y a trouvé <strong>des</strong> interlocuteurs,<br />

mais notre ambition serait de devenir consultant n<strong>at</strong>urel,<br />

évident, <strong>des</strong> autorités.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Je me tourne vers Alain Brunet, qui va nous parler du<br />

Réseau Européen pour les Musiques Anciennes.<br />

Alain BRUNET<br />

Avant le Réseau Européen pour la Musique Ancienne,<br />

le Festival d’Ambronay a connu une expérience intéressante<br />

avec la cré<strong>at</strong>ion de l’Académie Baroque Européenne,<br />

en 1993. Notre objectif alors était de mettre<br />

sur pied, à côté du festival, une action de promotion<br />

de jeunes artistes en début de carrière ou arrivant en<br />

fin de cursus. Nombre de <strong>festivals</strong> organisaient déjà<br />

<strong>des</strong> master-classes ou <strong>des</strong> académies, qui, outre les<br />

conserv<strong>at</strong>oires, prenaient en charge la form<strong>at</strong>ion en<br />

<strong>musique</strong> ancienne. Il nous fallait répondre à d’autres<br />

<strong>besoin</strong>s, production et professionnalis<strong>at</strong>ion, d’où la<br />

nécessité de faire se rencontrer, pendant au moins un<br />

mois, <strong>des</strong> jeunes de toute l’Europe, <strong>des</strong> grands maîtres,<br />

<strong>des</strong> metteurs en scène, <strong>des</strong> chorégraphes et <strong>des</strong><br />

directeurs artistiques du meilleur niveau (depuis 10<br />

ans, nous avons accueilli, dans l’ordre, Christophe<br />

Coin, William Christie plusieurs fois, Christophe Rousset,<br />

Tom Koopman, Gabriel Garrido, Rinaldo Alessandrini,<br />

Paul Mac Creesh).<br />

En 93, la première Académie a eu lieu avec Christophe<br />

Coin. Nous avons monté Didon et Enée de Purcell.<br />

L’idée était que ces jeunes, une fois la production<br />

montée et donnée dans le cadre du festival, fassent<br />

une tournée en France et en Europe. Cette année, nous<br />

56<br />

57


a t e l i e r 6<br />

avons fêté le dixième anniversaire de cette expérience<br />

avec une très b<strong>elle</strong> tournée d’Athalia de Haendel, sous<br />

la direction de Paul Mac Creesh, avec une mise en scène<br />

de François Rancillac, malgré toutes sortes de péripéties,<br />

liées aux événements que vous connaissez.<br />

On const<strong>at</strong>e le grand intérêt <strong>des</strong> directeurs de théâtres<br />

pour accueillir l’Académie. Une vingtaine de<br />

structures, chaque année, renouv<strong>elle</strong>nt leurs deman<strong>des</strong>,<br />

comme le Capitole de Toulouse, Reims, Avignon,<br />

Rennes, Besançon, ou <strong>des</strong> structures étrangères comme<br />

le théâtre <strong>des</strong> Beaux-arts à Brux<strong>elle</strong>s, le festival<br />

de Namur etc. Cette Académie répond au réel <strong>besoin</strong><br />

qu’ont les programm<strong>at</strong>eurs d’opéras de programmer<br />

de la <strong>musique</strong> baroque, de la <strong>musique</strong> ancienne dans<br />

leurs opéras.<br />

Nous organisons à peu près six ou huit auditions dans<br />

les gran<strong>des</strong> capitales européennes, nous créons chaque<br />

année un chœur, un orchestre, avec les jeunes<br />

ainsi recrutés, avec double distribution pour pouvoir<br />

faire travailler le plus possible de jeunes chanteurs.<br />

Nous montons ensuite le spectacle et organisons la<br />

tournée qui a lieu en octobre.<br />

Le point noir, c’est la question <strong>des</strong> financements. Ce<br />

projet aurait mérité d’être davantage aidé par l’Union<br />

Européenne, nous n’avons obtenu en dix ans que trois<br />

ai<strong>des</strong> sur kaléidoscope. Je regrette qu’on n’ait jamais<br />

pu arriver à faire en sorte que cette Académie soit plus<br />

institutionnalisée alors que chaque année les résult<strong>at</strong>s<br />

sont probants et qu’il se passe <strong>des</strong> choses extraordinaires.<br />

De plus en plus de jeunes nous viennent de pays<br />

de l’Est, comme la Pologne, la Roumanie, etc., pour<br />

apprendre la tragédie lyrique française avec William<br />

Christie ou Christophe Rousset, travaillant avec <strong>des</strong><br />

linguistes, <strong>des</strong> chefs de chants. C’est très important<br />

pour le p<strong>at</strong>rimoine français que de disposer d’un outil<br />

comme l’Académie d’Ambronay, permettant ainsi à de<br />

jeunes artistes étrangers, notamment <strong>des</strong> chanteurs,<br />

de s’approprier le répertoire baroque français.<br />

Aujourd’hui, dix ans après, Ambronay devient Centre<br />

culturel de Rencontres. L’abbaye, en cours de rénov<strong>at</strong>ion,<br />

accueillera <strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers sur la form<strong>at</strong>ion, l’insertion<br />

professionn<strong>elle</strong>, ce qui, en outre, nous permettra<br />

de mieux financer notre Académie.<br />

En 1999, eut lieu un colloque : « Qu<strong>elle</strong> Europe pour<br />

les <strong>musique</strong>s anciennes ? », organisé avec le Ministère<br />

de la Culture et le Département <strong>des</strong> Affaires Intern<strong>at</strong>ionales,<br />

qui a réuni une cinquantaine de professionnels<br />

de 14 pays environ. Des const<strong>at</strong>s furent faits : absence<br />

de structure européenne existante qui regrouperait<br />

les acteurs de la <strong>musique</strong> ancienne, demande de<br />

plus d’inform<strong>at</strong>ions sur les diverses expériences européennes,<br />

nombreuses difficultés à trouver <strong>des</strong> partenaires<br />

en vue de coproductions, etc. Il fut donc décidé<br />

de créer une associ<strong>at</strong>ion pour défendre les acteurs de<br />

la <strong>musique</strong> ancienne et faciliter leurs rencontres. Le<br />

REMA est né en juin 2000, son siège social est à Ambronay<br />

qui en assure la première présidence (présidence<br />

tournante). Nos seules ressources sont les cotis<strong>at</strong>ions<br />

(500 euros l’adhésion), très mo<strong>des</strong>tes même<br />

si nous avons voulu ouvrir le REMA à toutes les structures<br />

intéressées par la <strong>musique</strong> ancienne. D’autres<br />

institutions moins spécialisées comme le Palais <strong>des</strong><br />

Beaux-arts à Brux<strong>elle</strong>s ou le Théâtre de la Monnaie<br />

ont tenu à soutenir notre initi<strong>at</strong>ive. Nous regroupons<br />

actu<strong>elle</strong>ment 24 structures d’une douzaine de pays et<br />

quelques adhésions individu<strong>elle</strong>s. Nous bénéficions<br />

d’une aide minimale du Département <strong>des</strong> Affaires Intern<strong>at</strong>ionales<br />

du Ministère de la Culture (7 600 euros),<br />

ce qui rend difficile notre développement d’autant que<br />

nous n’avons toujours pas de secrétaire général qui se<br />

consacrerait à cette tâche.<br />

Objectifs du REMA :<br />

- Fédérer les acteurs de la <strong>musique</strong> ancienne.<br />

- Soutenir et encourager la recherche musicologique<br />

en vue de restituer les partitions majeures du p<strong>at</strong>rimoine<br />

de <strong>musique</strong> ancienne.<br />

- Mettre en œuvre une politique de coproduction et de<br />

diffusion européenne.<br />

- Développer une str<strong>at</strong>égie en vue de sensibiliser et de<br />

toucher de nouveaux publics.<br />

- Privilégier le soutien et l’aide aux jeunes artistes avec<br />

<strong>des</strong> productions adaptées.<br />

- Organiser <strong>des</strong> forums et <strong>des</strong> rencontres.<br />

- Encourager et soutenir les projets mettant en synergie<br />

<strong>musique</strong> ancienne et cré<strong>at</strong>ion contemporaine.<br />

- Développer un site internet et son forum, dont voici<br />

les coordonnées : www.rema-emn.net, un site qui demande<br />

évidemment à être développé.<br />

Depuis trois ans, <strong>des</strong> forums et <strong>des</strong> rencontres ont été<br />

organisées chaque année au mois de juin : tous les<br />

partenaires qui le souhaitent viennent exprimer leurs<br />

souhaits, leurs <strong>besoin</strong>s et surtout leurs projets, ce qui,<br />

parfois, a abouti à <strong>des</strong> productions ou <strong>des</strong> collabor<strong>at</strong>ions,<br />

par exemple Ambronay avec le Festival de Modène<br />

ou l’Associ<strong>at</strong>ion de <strong>musique</strong> ancienne de Palerme.<br />

Ce n’est qu’un début. Nous faisons maintenant partie<br />

de l’Associ<strong>at</strong>ion Européenne <strong>des</strong> Festivals au sein de<br />

laqu<strong>elle</strong> une commission pour la <strong>musique</strong> ancienne a<br />

été créée. Entre ce forum et le REMA, les acteurs de la<br />

<strong>musique</strong> ancienne devraient mieux travailler ensemble,<br />

mieux défendre la <strong>musique</strong> ancienne.<br />

<strong>La</strong> grande question est de savoir comment s’y prendre<br />

pour intéresser les responsables de la culture au niveau<br />

européen et faire que certains grands projets de<br />

<strong>musique</strong> ancienne puissent être soutenus. Il faudrait<br />

être présent à Brux<strong>elle</strong>s beaucoup plus souvent.<br />

Le REMA reste à construire avec tous ceux qui s’intéressent<br />

à ces répertoires. Une réunion pour fixer les<br />

gran<strong>des</strong> orient<strong>at</strong>ions sur les années à venir aura lieu à<br />

Paris le 13 décembre. Nous pourrons peut-être y définir<br />

<strong>des</strong> objectifs assez clairs, même si c’est difficile<br />

de se retrouver à 24 structures qui n’ont pas les mêmes<br />

objectifs. On se heurte même à <strong>des</strong> choses très<br />

simples : trouver une d<strong>at</strong>e pour se réunir, se dégager<br />

du temps, disposer d’un minimum de moyens pour<br />

avancer. Ce serait bien de pouvoir financer ne seraitce<br />

qu’un temps partiel, dans un premier temps, pour<br />

travailler au développement du projet et à la structur<strong>at</strong>ion<br />

du REMA.<br />

Alain LACROIX<br />

L’Associ<strong>at</strong>ion Française d’Action Artistique dépend en<br />

Comment avoir une<br />

pr<strong>at</strong>ique cohérente et<br />

garder <strong>des</strong> ambitions<br />

politiques et cultur<strong>elle</strong>s<br />

fortes avec <strong>des</strong> membres<br />

si divers ?<br />

Notre programme,<br />

décidé il y a sept ans,<br />

fut de créer<br />

<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers, d’offrir<br />

<strong>des</strong> cadres de coopér<strong>at</strong>ion<br />

et de dialogue<br />

aux différents types<br />

de membres, orientés<br />

vers les mêmes contenus<br />

artistiques.<br />

grande partie du Ministère <strong>des</strong> Affaires Étrangères<br />

dont <strong>elle</strong> orchestre la politique. Elle est aussi en rel<strong>at</strong>ion<br />

avec le Ministère de la Culture et, depuis quelques<br />

années, avec les collectivités territoriales pour certains<br />

projets. Moi, j’appartiens au secteur de la <strong>musique</strong> qui<br />

regroupe <strong>musique</strong>s anciennes, baroques, actu<strong>elle</strong>s, orchestres<br />

etc. J’ai une équipe de trois personnes, plus<br />

quelques stagiaires.<br />

On travaille sur la diffusion <strong>des</strong> ensembles à l’étranger,<br />

structurée de plus en plus en « programmes ». Les<br />

services culturels, les ambassadeurs principalement,<br />

qui sont nos relais, nous signalent les organismes désireux<br />

de monter <strong>des</strong> projets avec la France, ainsi que<br />

les structures, saisons musicales ou <strong>festivals</strong>, sur lesqu<strong>elle</strong>s<br />

on peut s’appuyer. Il faut dire que les <strong>festivals</strong><br />

à l’étranger sont de très importants lieux d’accueil<br />

pour les artistes français.<br />

Précisons ce que nous entendons par « programmes<br />

» :<br />

- Un exemple : DECLIC. Il permet d’aider les jeunes<br />

à passer <strong>des</strong> concours intern<strong>at</strong>ionaux. S’ils reviennent<br />

vainqueurs, on leur organise un concert avec France<br />

Musiques, qui, retransmis sur les on<strong>des</strong>, va donner<br />

naissance à un master-live qui aboutira à un disque<br />

qu’on adressera aux agents, aux programm<strong>at</strong>eurs, à<br />

nos services culturels à l’étranger. <strong>La</strong> saison suivante,<br />

une tournée de ces musiciens sera mise sur pied.<br />

- Autre exemple de programme : « un chef, un orchestre<br />

». Une quinzaine de projets ont été montés dans<br />

<strong>des</strong> zones ciblées, Europe centrale et orientale, Asie et<br />

Amérique l<strong>at</strong>ine, où on a envoyé de jeunes chefs d’orchestres<br />

français issus <strong>des</strong> conserv<strong>at</strong>oires, qui, pendant<br />

une dizaine de jours, dirigent une form<strong>at</strong>ion sympho-<br />

nique. Cette année, Berlioz a été mis à l’honneur. Dès<br />

cette année, la formule a été améliorée : s’y ajoute un<br />

soliste (chanteur ou soliste instrumental).<br />

Tous les acteurs de la chaîne musicale sont concernés.<br />

Il existe un projet similaire concernant les compositeurs<br />

de <strong>musique</strong> contemporaine. Pendant une dizaine<br />

de jours, c’est en résidence (la durée est une donnée<br />

importante) qu’ils travaillent, qui avec une académie<br />

de <strong>musique</strong> ou un ensemble du pays d’accueil, qui<br />

avec l’ensemble auquel il est <strong>at</strong>taché en France.<br />

- Un autre programme prend en main le lyrique. Des<br />

œuvres comme Pelléas et Mélisande, Dialogues <strong>des</strong><br />

Carmélites ou Saint-François d’Assise n’ont pas encore<br />

été créées dans nombre de pays. Nous allons donc<br />

aider à la cré<strong>at</strong>ion à l’étranger de ces trois chefs-d’œuvre<br />

du répertoire du XX e .<br />

- Autre programme encore, une nouveauté, qui ne<br />

s’adresse plus à de jeunes solistes mais à <strong>des</strong> solistes<br />

chevronnés, qui sont connus en France mais qui n’ont<br />

pas la renommée intern<strong>at</strong>ionale qu’ils méritent. Donc<br />

<strong>des</strong> auditions vont avoir lieu (même si la pr<strong>at</strong>ique est<br />

inhabitu<strong>elle</strong> pour eux) devant <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>eurs<br />

étrangers pour qu’ensuite ils puissent les engager.<br />

- Un autre projet nous tient extrêmement à cœur dans<br />

le cadre de la diffusion : « un concert, un disque ». On<br />

envoie en tournée un ensemble qui a fait un disque,<br />

la maison de disques (Naive, Ambroisie ou Zig zag)<br />

suit la tournée.<br />

Qu’en est-il en ce qui concerne les <strong>festivals</strong> ?<br />

1° D’abord une politique d’invit<strong>at</strong>ions qu’on adresse<br />

à <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>eurs étrangers de <strong>festivals</strong> ou à <strong>des</strong><br />

journalistes. On ne leur impose rien, ils viennent simplement<br />

écouter.<br />

2° À partir de là, vont se tisser <strong>des</strong> liens. Ex : Alain<br />

Brunet a reçu le directeur du Festival de Vancouver.<br />

Eh bien, Vancouver, cette année, organise un spécial<br />

France. Joël Soubiette, à partir d’un double projet<br />

autour de Bach et de Poulenc, va travailler avec un<br />

ensemble canadien. De la rencontre, est né l’échange.<br />

De même, il nous a été possible d’exporter l’ingénierie<br />

cultur<strong>elle</strong> <strong>des</strong> Folles Journées à Lisbonne. Du coup, ce<br />

projet-là va avoir lieu à Lisbonne et, bientôt, les Folles<br />

Journées s’exporteront au Japon dès 2005. Notre politique<br />

met l’accent sur l’offre et les partenari<strong>at</strong>s possibles<br />

entre un programm<strong>at</strong>eur, un ingénieur culturel<br />

et un partenaire étranger. Notre politique d’invit<strong>at</strong>ions<br />

peut concerner tout aussi bien de grands <strong>festivals</strong><br />

comme Agora, Musica, Aix-en-Provence, mais aussi un<br />

directeur d’opéra qui a envie de monter une coréalis<strong>at</strong>ion<br />

lyrique ou autres.<br />

De même le festival de Boston, l’un <strong>des</strong> plus gros <strong>festivals</strong><br />

de <strong>musique</strong> ancienne aux Ét<strong>at</strong>s-Unis, a programmé<br />

un spécial France. On a donc fait démarrer<br />

aux Ét<strong>at</strong>s-Unis Doulce Mémoire, Le Concert Spirituel<br />

avec Hervé Niquet. Le projet incluait aussi Clément<br />

Janequin qui était venu à Versailles au CMBV, il y<br />

a deux ou trois ans. Le CMBV a donc transporté làbas<br />

toutes les éditions du Centre de Musique Baroque<br />

de Versailles et a commencé un travail en direction<br />

<strong>des</strong> Et<strong>at</strong>s-Unis. À signaler, par la même occasion, la<br />

naissance du festival Sound French, l’année dernière<br />

à New York : une trentaine de compositeurs français,<br />

joués par <strong>des</strong> ensembles américains pour la plupart,<br />

sur une vingtaine de lieux, pendant un mois. Un très<br />

gros pari qui a très bien marché, parce que, sur place,<br />

il y a eu une forte présence de programm<strong>at</strong>eurs, animés<br />

d’un vrai désir de faire que les choses se passent.<br />

Pourtant la période n’était pas favorable, Jean-Marc<br />

Granet-Bouffartigue, responsable, à l’AFAA, du département<br />

<strong>des</strong> Arts de la Scène, était dans l’avion le jour<br />

de la déclar<strong>at</strong>ion de guerre à l’Irak. Le festival a quand<br />

même eu lieu avec de nombreux compositeurs (Boulez,<br />

Dutilleux, Hurel, Escaich).<br />

Nous procédons de la même façon avec les collectivités<br />

territoriales, par exemple la convention signée avec<br />

la DRAC Pays de Loire et la Ville de Nantes. Concernant<br />

le projet René Martin, nous sommes trois partenaires<br />

autour de la même table, à même d’exporter ce genre<br />

de projet : un accord avec une trentaine de collectivités<br />

territoriales a été signé. Il ne s’agit pas simplement<br />

d’adresser un projet clé en mains, c’est une vraie collabor<strong>at</strong>ion<br />

entre un festival avec une équipe française et<br />

<strong>des</strong> artistes français en résidence. Par exemple, Charlotte<br />

<strong>La</strong>tigr<strong>at</strong>, Festival d’Île de France, dans ce cadrelà,<br />

a accueilli, il y a quelques années, un projet qu’on<br />

a monté avec les Taiwanais et Doulce Mémoire. Ainsi<br />

<strong>des</strong> projets croisés entre artistes étrangers et français<br />

travaillant sur un projet commun peuvent être proposés<br />

dans les deux pays concernés, conjointement.<br />

Des saisons cultur<strong>elle</strong>s sont prévues, consécutives<br />

à <strong>des</strong> décisions passées au niveau gouvernemental.<br />

L’année de l’Algérie se termine. Commencent les années<br />

croisées France-Chine : la Chine en France octobre<br />

2003-juillet 2004, la France en Chine, septembre<br />

2004-juin 2005. Deux commissari<strong>at</strong>s, le commissari<strong>at</strong><br />

français et le commissari<strong>at</strong> du pays concerné,<br />

prennent en charge ces projets, avec <strong>des</strong> gens de nos<br />

équipes. L’année prochaine, année de la Pologne en<br />

France, mai-décembre 2004. Une saison brésilienne<br />

se prépare pour mai-décembre 2005.<br />

Didier MONTAGNÉ<br />

Je suis directeur de l’Institut Français de Prague. Aux<br />

yeux <strong>des</strong> responsables de <strong>festivals</strong>, Prague fait figure<br />

d’oasis musicale. Voyons de plus près les fonctions<br />

d’un Institut français, un service culturel français à<br />

l’étranger. Cet outil a deux missions, la première, l’enseignement<br />

du français, la deuxième, diffuser la culture<br />

française dans toutes ses expressions. Nous sommes<br />

l’opér<strong>at</strong>eur principal d’une « politique » cultur<strong>elle</strong><br />

d’affirm<strong>at</strong>ion de la présence française à l’étranger.<br />

L’Institut dispose d’à peu près 160 000 euros pour<br />

intervenir sur l’ensemble <strong>des</strong> champs artistiques : on<br />

s’occupe de littér<strong>at</strong>ure, de cinéma, de <strong>musique</strong> (savantes<br />

et actu<strong>elle</strong>s), d’art visuel, de théâtre, de danse.<br />

Pour toute la <strong>musique</strong>, je dispose pour 2004 de<br />

50 000 euros. Une somme que je considère plutôt<br />

comme un levier, c’est-à-dire une façon de nous inclure<br />

dans l’ensemble du champ musical praguois et<br />

par extension de la République tchèque. Ce qui signifie<br />

cultiver une petite présence d’accompagnement dans<br />

les principaux <strong>festivals</strong>, répondre à <strong>des</strong> sollicit<strong>at</strong>ions<br />

nombreuses, peser <strong>des</strong> <strong>at</strong>tentes, établir <strong>des</strong> médi<strong>at</strong>ions,<br />

<strong>des</strong> ponts, avec les acteurs français que je connais.<br />

Mais il peut nous arriver quand même d’avoir<br />

une politique véritablement de cré<strong>at</strong>ion parce que le<br />

fait qu’on soit présent nous contraint à une str<strong>at</strong>égie.<br />

Je m’interroge parfois sur les désirs de certains à vouloir<br />

explorer le champ intern<strong>at</strong>ional (je signale, à ce<br />

propos, qu’aucun festival français n’a formulé de demande<br />

quant à sa présence sur le territoire tchèque).<br />

Considérons le mètre et demi de dossiers que je reçois<br />

de la part d’ensembles divers et variés et permettezmoi<br />

d’esquisser une typologie.<br />

- D’abord, les « ensembles fonctionnaires ». Ils envoient<br />

leur dossier, programme, bio (oh, l’ennui <strong>des</strong><br />

bio !), spécificité, discographie, et parfois, leurs tarifs.<br />

Puis, on n’entend plus parler d’eux. Donc, en général,<br />

on classe… à moins d’une envie, ce qui peut aussi<br />

arriver.<br />

- Ensuite, les « imbus et les idiots-syncr<strong>at</strong>iques ». Les<br />

« imbus » nous signifient qu’« ils sont bons, t<strong>elle</strong>ment<br />

bons que, nous, les fonctionnaires à l’étranger de la<br />

diffusion, nous DEVONS les faire venir. C’est notre mission,<br />

quels que soient le prix et les problèmes ! ». Les<br />

« idiots-syncr<strong>at</strong>iques », eux, sont plus retors. Ils exigent<br />

purement et simplement que leur exceptionn<strong>elle</strong><br />

singularité artistique soit prise en compte, moyennant<br />

d’ailleurs <strong>des</strong> conditions financières, <strong>elle</strong>s aussi, tout<br />

à fait singulières ! Par exemple, un ensemble qui va<br />

venir bientôt à Prague, a exigé deux concerts en République<br />

tchèque. Nous les avons organisés. <strong>La</strong> région<br />

où il se rend, une sous-région, lui a même proposé de<br />

prolonger son séjour et de faire une petite tournée régionale<br />

(deux ou trois concerts). L’ensemble a exprimé<br />

ses conditions : 7 000 euros de cachet artistique,<br />

sans l’hébergement et les « per diem » (les voyages,<br />

c’est nous qui les prenons en charge). J’ai cru que la<br />

structure locale allait s’évanouir. 7 000 euros, c’est la<br />

totalité de l’argent dont <strong>elle</strong> dispose pour toute sa politique<br />

cultur<strong>elle</strong> pendant une année dans le domaine<br />

musical ! Mais l’ensemble a tenu bon et n’a rien négocié.<br />

- Enfin, la dernière c<strong>at</strong>égorie, la plus désirable, les<br />

« prévenants », ceux qui, avant de venir, sont curieux<br />

de l’endroit où ils vont mettre les pieds. Ils nous interrogent<br />

sur les conditions, les structures locales, les<br />

moyens à disposition, les collabor<strong>at</strong>ions possibles,<br />

sont souples sur les conditions financières et m<strong>at</strong>éri<strong>elle</strong>s,<br />

sont même prêts à chercher eux-mêmes <strong>des</strong><br />

financements. En vérité, pour reprendre une formule<br />

de l’AFAA, l’intern<strong>at</strong>ional, ça commence en France,<br />

en effet.<br />

En résumé, je souhaiterais que les <strong>festivals</strong>, si ré<strong>elle</strong>ment<br />

ils éprouvent le désir d’expériences intern<strong>at</strong>ionales,<br />

fassent appel aux Centres et Instituts culturels<br />

français à l’étranger qui constituent le bras armé et<br />

l’antenne de ce désir d’externalis<strong>at</strong>ion. Ils représentent<br />

150 postes dans le monde, c’est-à-dire le plus gros réseau<br />

culturel au monde. Ce n’est pas à négliger.<br />

De plus, il faut connaître les réalités de terrain. Qu<strong>elle</strong><br />

est-<strong>elle</strong> en République Tchèque, par exemple ? <strong>La</strong> vie<br />

a t e l i e r 6<br />

58<br />

59


a t e l i e r ?<br />

60<br />

musicale y est très codée, <strong>elle</strong> se limite, pour Prague,<br />

à deux orchestres symphoniques, un orchestre d’Ét<strong>at</strong><br />

et un orchestre de la ville de Prague. Il y faut ajouter<br />

une structure privée, un orchestre symphonique de<br />

chambre. Les deux orchestres symphoniques organisent<br />

<strong>des</strong> saisons musicales fournies, cossues, à partir<br />

d’un répertoire classique, romantique et un peu moderne.<br />

Rien en ce qui concerne la <strong>musique</strong> ancienne,<br />

si ce n’est quelques velléités, quelques pr<strong>at</strong>iciens qu’il<br />

faut aider. À de très rares exceptions, pas de diffusion<br />

de la <strong>musique</strong> contemporaine. Seul domine un grand<br />

festival, le Printemps de Prague, qui capte quasiment<br />

toutes les subventions. L’Ét<strong>at</strong> aide les institutions musicales<br />

qui ont à charge le répertoire. De façon générale,<br />

l’Ét<strong>at</strong> tchèque, les villes tchèques n’aident pas<br />

le spectacle vivant, n’accordent aucun soutien aux acteurs<br />

plus petits, privés ou indépendants. <strong>La</strong> conséquence<br />

est que la vie musicale tchèque et tous ses acteurs<br />

sont dans une situ<strong>at</strong>ion financière <strong>des</strong> plus fragiles.<br />

L’Ét<strong>at</strong> tchèque ne consacre que 0,22 % de son<br />

budget à la culture, les institutions sont donc obligées<br />

de faire feu de tout bois, de recourir à un mécén<strong>at</strong> qui<br />

n’est pas non plus d’une richesse débordante. Alors, il<br />

faut miser sur le tourisme, ce qui veut dire que le répertoire<br />

proposé ne peut se permettre aucun risque.<br />

Il faut se souvenir que le niveau de vie en République<br />

tchèque est deux fois moins cher qu’en France, c’està-dire<br />

que le prix d’entrée pour un concert est d’à peu<br />

près 60 francs pour les Tchèques. Dans la salle Smetana,<br />

en tant que touriste, vous paierez 200 francs.<br />

L’accès aux lieux est également très cher, étant, vous<br />

vous l’imaginez, livré au néo-libéralisme. Enfin, les<br />

cachets donnés par les institutions sont assez faibles.<br />

Un soliste, s’il reçoit 500 euros, c’est magnifique.<br />

C’est ce que gagne par mois une institutrice, ce qui<br />

l’oblige d’ailleurs à faire <strong>des</strong> ménages, si <strong>elle</strong> veut vivre<br />

et se loger. Une chambre d’hôtel à Prague, c’est<br />

700 francs. Voilà la configur<strong>at</strong>ion économico-cultur<strong>elle</strong>.<br />

À bon entendeur (les « idiots-syncr<strong>at</strong>iques » sontils<br />

à l’écoute ?)…<br />

En conclusion, une vraie collabor<strong>at</strong>ion avec l’étranger,<br />

c’est passer d’une logique de diffusion à une logique<br />

de coopér<strong>at</strong>ion. Les acteurs locaux veulent travailler<br />

avec l’étranger car, dans leur contexte, c’est le<br />

seul recours dont ils disposent pour avoir une politique<br />

ambitieuse de rénov<strong>at</strong>ion de leur répertoire et de programm<strong>at</strong>ion.<br />

Jeanne-Martine VACHER<br />

Alain Brunet, vous avez parlé d’une vingtaine de<br />

structures qui pouvaient accueillir les tournées <strong>des</strong><br />

productions, montées dans le cadre de votre Académie.<br />

Alors, pourquoi y a-t-il un problème de coproduction<br />

?<br />

Alain BRUNET<br />

L’Académie baroque européenne est un pur produit<br />

Ambronay, donc tout passe par le festival, aidé<br />

En conclusion, une<br />

vraie collabor<strong>at</strong>ion<br />

avec l’étranger, c’est<br />

passer d’une logique<br />

de diffusion à une logique<br />

de coopér<strong>at</strong>ion.<br />

par la Région, le Département, l’Ét<strong>at</strong> et France Telecom.<br />

Prenons le cas d’une production lyrique comme<br />

Athalia dont le coût de production est de 2,5<br />

millions de Francs. Nous recevons en ai<strong>des</strong> environ<br />

1,2 million. Si l’on a le souci d’équilibrer le budget,<br />

d’abord, on ne peut rémunérer les artistes que lorsqu’ils<br />

sont en concert, et, de plus, au tarif minimum<br />

(tous les frais de voyage et de séjour sont pris en<br />

charge). Ensuite, il nous faut impér<strong>at</strong>ivement vendre<br />

le spectacle : cette année, nous avons joué 16 fois<br />

Athalia, 2 fois dans le cadre du festival et 14 fois au<br />

cours de la tournée. Ce sont ces 14 représent<strong>at</strong>ions<br />

qui nous ont permis d’équilibrer la production. Si le<br />

Ministère ne veut pas que j’ « exploite » nos jeunes<br />

artistes (donc limiter à 8 le nombre de lieux d’accueil<br />

ou de représent<strong>at</strong>ions), alors, qu’il augmente<br />

d’autant sa subvention !<br />

À l’heure actu<strong>elle</strong>, nombre de directeurs d’opéras ou<br />

de <strong>festivals</strong> sont prêts à nous accueillir parce qu’ils<br />

connaissent nos productions, dont ils savent qu’<strong>elle</strong>s<br />

sont de qualité sans être hors de prix : une production<br />

comme Athalia (63 musiciens, 70 personnes à<br />

gérer pendant deux mois, un mois de prépar<strong>at</strong>ion, un<br />

mois de tournée) coûte à peu près 200 000 francs,<br />

considérant qu’à l’étranger (Festival Br<strong>at</strong>islava en<br />

Pologne) on peut vendre moins cher. C’est évidemment<br />

meilleur marché que William CHRISTIE ou<br />

d’autres grands artistes intern<strong>at</strong>ionaux. Mais c’est<br />

le minimum.<br />

Qui nous achète ? Très peu de scènes n<strong>at</strong>ionales,<br />

mais <strong>des</strong> opéras (Reims, Besançon, Avignon, Vichy<br />

etc.), intéressés par le dynamisme et l’enthousiasme<br />

de nos jeunes artistes. En revanche, la coproduction<br />

reste très difficile. Je pensais que le REMA la favoriserait.<br />

Or, on s’aperçoit que chaque directeur de<br />

grand festival a sa propre programm<strong>at</strong>ion, veut défendre<br />

son exclusivité, revendiquer la cré<strong>at</strong>ion. C’est<br />

un tour de force que de mettre autour d’une table<br />

qu<strong>at</strong>re ou cinq grands <strong>festivals</strong>, qu<strong>at</strong>re ou cinq producteurs<br />

européens pour monter un grand projet. <strong>La</strong><br />

coproduction européenne ne pourra se développer<br />

que si les partenaires se connaissent bien, liés par<br />

une vraie entente, une vraie amitié, une vraie confiance<br />

qui feront que les barrières tomberont.<br />

Tamàs KLENJANSZKY<br />

Oui, la coproduction est un défi pour les associ<strong>at</strong>ions.<br />

L’année dernière, on a pu célébrer notre jubilé en organisant<br />

un festival grâce à Ambronay, un système de<br />

coproduction incluant le grand théâtre de Genève, dirigé<br />

par Jean-Marie BLANCHARD.<br />

Charlotte LATIGRAT<br />

Directrice - Festival d’Île de France<br />

Quand le festival d’Île de France s’est associé aux<br />

saisons de l’AFAA, au début, notre désir était « impur<br />

» d’une certaine manière. Voilà une bonne occasion<br />

d’avoir une petite subvention supplémentaire,<br />

se disait-on. Mais on avait quand même aussi un<br />

vrai désir d’autre chose, non pas le désir de « l’intern<strong>at</strong>ional<br />

» dont Didier Montagné parlait tout à<br />

l’heure, mais plutôt le désir de l’étranger, ce qui est<br />

autre chose. Après bientôt dix ans de programm<strong>at</strong>ion,<br />

on voulait ouvrir notre festival à d’autres répertoires,<br />

à d’autres cultures, à d’autres civilis<strong>at</strong>ions.<br />

Pas forcément musicales. On voulait aussi pénétrer<br />

<strong>des</strong> mentalités qui n’étaient pas les nôtres, bref, ne<br />

plus ronronner avec de très bons musiciens français,<br />

certes, mais vus partout dans toutes les programm<strong>at</strong>ions<br />

de tous les <strong>festivals</strong> de France et de Navarre. Il<br />

a fallu prendre <strong>des</strong> risques car, on le sait bien, notre<br />

public aime bien retrouver les répertoires et les<br />

interprètes qu’il connaît. Qu<strong>elle</strong> était alors la bonne<br />

façon d’inclure un pays étranger à l’intérieur de notre<br />

programm<strong>at</strong>ion ? Pour ma part, j’ai toujours travaillé<br />

sur la notion de passer<strong>elle</strong>. <strong>La</strong> <strong>musique</strong> n’est<br />

pas un art qui ne repose sur rien, <strong>elle</strong> s’adosse à<br />

la littér<strong>at</strong>ure, aux arts plastiques, à l’histoire, au<br />

paysage, aux mentalités, à la religion. Nous sommes<br />

donc partis à la recherche de thèmes fédér<strong>at</strong>eurs<br />

qui permettaient à chaque fois de mettre le<br />

pays invité en rel<strong>at</strong>ion avec autre chose. <strong>La</strong> Hongrie<br />

a donné naissance à une saison qui s’appelait Vents<br />

d’Est, mais <strong>elle</strong> n’était pas la seule concernée ; ensuite,<br />

nous avons accueilli la République tchèque,<br />

que nous avons appelée Bohèmes, une notion que<br />

nous n’avons pas considérée dans sa seule dimension<br />

régionale. L’année dernière, ce fut le tour de<br />

l’Algérie, au sein d’un festival de <strong>musique</strong> classique<br />

(une gageure, s’il en est), que nous avons évoquée<br />

sous l’angle thém<strong>at</strong>ique du Paradis, ce qui, en<br />

2003, était plutôt paradoxal, même violent. Cette<br />

année, nous invitons la Pologne, je ne vous parlerai<br />

pas du thème qui fera l’objet d’une communic<strong>at</strong>ion<br />

particulière, puis ce sera au tour du Brésil.<br />

Les rapports avec l’AFAA se passent très bien sur le<br />

territoire français. Il y a les techniciens ici, il y a<br />

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un commissaire qui fait ce qu’il peut, en rel<strong>at</strong>ions<br />

avec les artistes. Nous établissons une convention<br />

qui nous permet effectivement d’avoir une aide concernant<br />

les hébergements <strong>des</strong> artistes, la partie artistique<br />

étant à notre charge (à savoir, quand même,<br />

plus de 150 musiciens et artistes provenant du pays<br />

invité). C’est lui qui paie les voyages. Enfin, ça, c’est<br />

sur le papier. Car, bien souvent, sur le terrain, c’est<br />

autre chose : le pays étranger n’a pas les mêmes<br />

habitu<strong>des</strong> que nous, ne travaille pas de la même<br />

façon, le professionnalisme n’est pas le même. Parfois,<br />

on nous « suggère » un artiste plutôt que celui<br />

qu’on est prêt à inviter, il faut être diplom<strong>at</strong>e, être à<br />

la fois prudent et ferme. Ce n’est pas simple. Néanmoins,<br />

je crois qu’on a réussi à vaincre les difficultés.<br />

Cette année, avec l’année de l’Algérie, nous avons<br />

accueilli plus de 20 000 personnes, dans un festival<br />

de <strong>musique</strong> classique, je le précise encore. Pourquoi<br />

ça a marché ? S’agissant de l’Algérie, par exemple,<br />

ce n’est pas forcément la <strong>musique</strong> classique, au sens<br />

européen du mot classique, qui a suscité l’engouement,<br />

c’est autre chose, ce sont <strong>des</strong> poètes, <strong>des</strong> régions,<br />

<strong>des</strong> saveurs, une religion, <strong>des</strong> mentalités qu’il<br />

faut comprendre, appréhender et présenter sous une<br />

forme à la fois respectueuse et critique.<br />

Donc, oui à la collabor<strong>at</strong>ion avec un Institut culturel,<br />

mais, encore une fois, en sachant pourquoi. Le désir<br />

« impur » ne marche plus, parce qu’il y a de moins<br />

en moins d’argent.<br />

Jean-Marc BADOR<br />

Directeur - Orchestre de Bretagne<br />

Il existe un autre réseau très utile, auquel on ne pense<br />

pas souvent, le réseau <strong>des</strong> jumelages. Un certain<br />

nombre de villes, de régions et de départements ont<br />

noué <strong>des</strong> jumelages en Europe et au-delà. Certains<br />

d’entre eux sont moribonds, mais d’autres vivent, grâce<br />

à <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions. <strong>La</strong> Ville de Rennes a un certain<br />

nombre de jumelages qui fonctionnent très bien et qui<br />

ont permis <strong>des</strong> échanges, de vraies rencontres, par<br />

exemple, avec la ville de Brno, la deuxième ville de la<br />

République tchèque, dont la vie cultur<strong>elle</strong> est très riche<br />

(trois orchestres et un chœur extraordinaire). Dans<br />

le cadre de la saison tchèque, on a eu l’occasion de<br />

les accueillir, de travailler avec le chœur en vue d’une<br />

production. On a monté avec la ville de Brno un projet<br />

pour leur festival, l’Automne Morave, en 2005, qui<br />

devrait avoir comme thème la France et où l’orchestre<br />

de Bretagne devrait se produire. De même, dans le cadre<br />

d’une tournée qu’on a faite aux Ét<strong>at</strong>s-Unis, la ville<br />

de Rodchester dans l’Ét<strong>at</strong> de New York, jumelée avec<br />

Rennes, a accueilli l’orchestre de Bretagne. Enfin, dans<br />

le cadre de la saison polonaise, on va accueillir un orchestre<br />

de Poznan, l’orchestre de chambre Amadeus.<br />

Ainsi donc, <strong>des</strong> villes comme Brest ou Lorient peuvent<br />

mettre à profit leurs propres jumelages et convaincre<br />

les collectivités locales du bien-fondé d’une dimension<br />

intern<strong>at</strong>ionale si riche à explorer.<br />

Alain LACROIX<br />

Pour qu’il y ait coopér<strong>at</strong>ion, il faut <strong>des</strong> cadres et <strong>des</strong><br />

outils. Alain a parlé de la convention AFAA - DRAC<br />

- Collectivités locales, un très bon outil. Le 30 novembre,<br />

la Région Centre organise à Prague,un type<br />

d’évenement, comme une Folle Journée de <strong>musique</strong><br />

ancienne, dans un lieu voué à la <strong>musique</strong> classique.<br />

Outre les jumelages, il existe aussi la « coopér<strong>at</strong>ion<br />

décentralisée », qui désigne tout le travail accompli<br />

par <strong>des</strong> régions vers d’autres régions d’Europe,<br />

par exemple, en effet la Bretagne et Brno, les Pays<br />

de la Loire et la Hongrie, travail parfaitement producteur<br />

de moyens. Un autre outil encore : Culture<br />

2000, un programme de la Communauté Européenne<br />

qui suppose qu’il y ait au moins trois partenaires<br />

dans l’Union Européenne pour mener un projet.<br />

C’est certes une procédure assez lourde mais qui légitime<br />

un partenari<strong>at</strong>, à qui l’on fournit au moins<br />

50 % <strong>des</strong> moyens.<br />

Je voudrais évoquer une expérience du Festival<br />

Massenet de Saint-Étienne. Il y a quelques années,<br />

lors de la saison France-Égypte - Horizons partagés,<br />

on a invité l’Opéra du Caire qui a vu la production.<br />

Eh bien, on a remonté complètement la<br />

production à l’Opéra du Caire qui la voulait dans<br />

son répertoire : on a emmené toute l’équipe technique<br />

de Saint-Étienne, le chef, le chef de chœur, les<br />

décor<strong>at</strong>eurs, les costumiers, etc., et on a remonté<br />

la production avec les chanteurs et l’orchestre local<br />

égyptiens. <strong>La</strong> Région s’est complètement impliquée,<br />

<strong>elle</strong> a convaincu <strong>des</strong> décideurs économiques<br />

et a loué un charter.<br />

Tamas KLENJANSZKY<br />

Une inform<strong>at</strong>ion : on a discuté dernièrement, au sein<br />

de l’Associ<strong>at</strong>ion Européenne, <strong>des</strong> expériences <strong>des</strong><br />

membres concernant les projets proposés pour la subvention<br />

européenne. <strong>La</strong> const<strong>at</strong><strong>at</strong>ion <strong>des</strong> collègues<br />

était que c’est une grande loterie, avec beaucoup de<br />

problèmes, ce n’est pas un système assez transparent,<br />

les résult<strong>at</strong>s sont connus d’avance.<br />

Simplement, un message adressé à l’AFAA : est-ce<br />

que, dans l’avenir, vous pouvez imaginer une sorte<br />

de saison dans la région danubienne ce qui serait un<br />

soutien énorme politique pour les institutions dans la<br />

région. Si je mentionne « Danube » c’est que nous<br />

avons créé un groupe de travail, sous le titre Art’s Danubiana,<br />

qui peut vous offrir ses services.<br />

Alain LACROIX<br />

Les saisons en ce qui concerne les échanges avec les<br />

pays se décident au niveau du Président de la République.<br />

D’autre part, la question est c<strong>elle</strong> <strong>des</strong> moyens et<br />

les moyens ne sont pas énormes. On peut néanmoins<br />

monter <strong>des</strong> choses à un petit niveau d’abord, avant de<br />

songer à la saison. Ce pourrait être merveilleux en effet<br />

de faire du baroque dans cette région du monde.<br />

Conclusion<br />

de Philippe TOUSSAINT<br />

Président de France Festivals<br />

Qu<strong>elle</strong>s premières conclusions tirer de ces deux jours<br />

de travaux ?<br />

D’abord un const<strong>at</strong> : ce colloque a démontré son utilité<br />

tant était grande la nécessité de conduire une réflexion<br />

sur les <strong>festivals</strong>. Nous avons peut-être commencé à<br />

combler le manque d’inform<strong>at</strong>ion criant dont souffrent<br />

nos organis<strong>at</strong>ions. Certains faits ont été mis en évidence<br />

et notamment le rôle primordial assuré par les<br />

<strong>festivals</strong> dans la vie musicale de ce pays. <strong>La</strong> prise de<br />

conscience commence à se faire mais <strong>elle</strong> n’est pas<br />

encore partagée par tous.<br />

Plusieurs propositions ont été suggérées et doivent être<br />

approfondies maintenant par France Festivals.<br />

• <strong>La</strong> première est l’idée d’observ<strong>at</strong>oire. Il convient de réfléchir<br />

à la mise en place d’un dispositif permanent d’observ<strong>at</strong>ion<br />

<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Les rôles respectifs du Ministère<br />

de la Culture qui dispose d’une direction <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> et<br />

de France Festivals doivent, dans cette perspective, être<br />

précisés.<br />

• En deuxième lieu, une concert<strong>at</strong>ion permanente, sur<br />

les questions nous concernant, devrait être organisée entre<br />

Ét<strong>at</strong>, les collectivités territoriales et les <strong>festivals</strong>. Une<br />

t<strong>elle</strong> concert<strong>at</strong>ion peut, à l’image de ce qui se fait en Finlande,<br />

permettre de combiner les soutiens à la cré<strong>at</strong>ion,<br />

la diffusion, l’interprét<strong>at</strong>ion pour favoriser l’ensemble de<br />

la vie musicale.<br />

• <strong>La</strong> troisième proposition porte sur France Festivals, son<br />

périmètre, sa représent<strong>at</strong>ivité, ses missions : notre fédér<strong>at</strong>ion<br />

a certes accru de manière signific<strong>at</strong>ive le nombre<br />

de ses membres mais il convient de poursuivre ce développement<br />

en envisageant d’ouvrir plus largement nos<br />

portes par exemple à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> spécialisés en <strong>musique</strong><br />

contemporaine.<br />

L’appui à l’organis<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong> de dimension plus<br />

mo<strong>des</strong>te a été demandé. C’est l’objet notamment <strong>des</strong><br />

form<strong>at</strong>ions mises en place par France Festivals. <strong>La</strong> cré<strong>at</strong>ion<br />

de l’intranet devant également favoriser le transfert<br />

de compétences dans le domaine de la réglement<strong>at</strong>ion<br />

sociale, fiscale, ...<br />

• Le qu<strong>at</strong>rième thème abordé de façon transversale dans<br />

les <strong>at</strong>eliers est la réforme du st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> intermittents du<br />

spectacle. Les <strong>festivals</strong> ont été les premiers touchés par le<br />

conflit en cours. <strong>La</strong> vie de nos structures dépend largement<br />

d’une solution pérenne pour le st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> artistes intermittents.<br />

Nous restons d’autant plus vigilants sur ce sujet que<br />

se pose la question de l’emploi permanent dans les <strong>festivals</strong><br />

en raison de la fin du dispositif <strong>des</strong> emplois jeunes.<br />

Enfin d’autres sujets devront être abordés : la mise en<br />

œuvre du nouveau dispositif en faveur du mécén<strong>at</strong>, le<br />

développement <strong>des</strong> réseaux européens, ...<br />

Je voudrais pour conclure remercier l’ensemble <strong>des</strong> personnes<br />

qui ont participé à l’organis<strong>at</strong>ion du colloque, les<br />

partenaires, les intervenants, les journalistes et chacun<br />

d’entre vous de votre particip<strong>at</strong>ion à nos travaux. Un<br />

grand merci enfin à la Fond<strong>at</strong>ion Royaumont pour son<br />

accueil particulièrement chaleureux.<br />

62


Île de France / Nord Picardie<br />

Festival d’Auvers-sur-Oise • Festival d’Île de France • Festival Chopin à Paris • Saison<br />

Musicale de Royaumont • Festival de Saint-Denis • Festival de Musique Ancienne et Baroque<br />

de l’Abbaye de Saint - Michel en Thiérache • Festival Jean de <strong>La</strong> Fontaine de Château-Thierry •<br />

Rencontres musicales ProQuartet de Fontainebleau • Festival d’Hardelot • Les Transclassiques, Paris<br />

• Festival Baroque de Pontoise • Festival l’Orangerie de Sceaux • L’Automne Musical au Château de<br />

Versailles<br />

Centre Ouest<br />

• Festival de l’Epau • Heures Musicales de l’Abbaye de Lessay • Festival Octobre<br />

en Normandie • Septembre Musical de l’Orne • Les Promena<strong>des</strong> Musicales du Pays<br />

d’Auge • Semaines Musicales de Quimper • Festival de Sablé • Académies Musicales<br />

de Saintes • Festival Intern<strong>at</strong>ional de Musique de Sully sur Loire • Lyrique-en-Mer / Festival<br />

de B<strong>elle</strong>-Île • Les Riches Heures de l’Orgue en Berry • Festival Intern<strong>at</strong>ional d’Orgue de Chartres •<br />

Rencontres Musicales autour de <strong>La</strong> Prée • Les Nocturnes Océanes de Luçon • <strong>La</strong> Folle Journée de Nantes<br />

• Printemps <strong>des</strong> Arts de Nantes, <strong>musique</strong> baroque et classique • Festival de Noirlac • Rencontres de<br />

Musique Vocale de l’Abbaye du Relec - Plounéour - Ménez • Fêtes Musicales en Touraine • Académie<br />

Francis Poulenc - Tours • Musique Baroque en Vendée • Nuits Musicales en Vendée Romane<br />

Sud Ouest<br />

• Festival du Comminges • Jazz in Marciac • Sinfonia en Périgord • Festival<br />

du Périgord Noir • Festival Intern<strong>at</strong>ional de <strong>musique</strong> sacrée de l’Abbaye<br />

de Sylvanes • Festival de <strong>La</strong> Vézère • Festival d’été de Bordeaux • Festival Musiques sur<br />

Ciel - Cor<strong>des</strong> sur Ciel • Itinéraire Baroque en Périgord Vert<br />

Midi Méditerranée<br />

• Nuits Musicales du Suquet, Cannes • Festival Intern<strong>at</strong>ional de Qu<strong>at</strong>uors<br />

à cor<strong>des</strong> du Luberon • Festival de Musique de Menton • Printemps <strong>des</strong> Arts<br />

de Monte-Carlo • Le Festival de Radio France et Montpellier • Chorégies<br />

d’Orange • Festival Pablo Casals de Pra<strong>des</strong> • Festival Intern<strong>at</strong>ional<br />

de Piano de <strong>La</strong> Roque d’Anthéron • Les Nuits de la Citad<strong>elle</strong> de<br />

Sisteron • Les Floraisons Musicales de Châteauneuf • Les Riches Heures<br />

Musicales de la Rotonde • Festival du Vigan<br />

Rhône-Alpes / Auvergne<br />

• Festival d’Ambronay • Festival de <strong>La</strong> Chaise-Dieu •<br />

Festival Berlioz, <strong>La</strong> Côte Saint - André • Été Musical<br />

Loire en Rhône - Alpes • Festival du Monastier, « <strong>La</strong><br />

Musique <strong>des</strong> Cuivres » • Saoû chante Mozart • Festival<br />

de Musique et d’Art Baroque en Tarentaise • Cor<strong>des</strong> en<br />

Ballade - Ardèche • Festival Les Arts Jaillissants - Maurienne • Nuits<br />

d’Été à Megève • Fêtes Musicales du Château de Pions<strong>at</strong> • Festival<br />

Bach de Saint-Don<strong>at</strong> • Festival Massenet de Saint-Étienne • Festival<br />

Pierre Boulez , Département de la Loire • Festival de <strong>musique</strong> d’Automne<br />

de Saint - Genest - Lerpt<br />

Grand-Est<br />

• Festival Intern<strong>at</strong>ional d’Opéra Baroque de Beaune • Festival Intern<strong>at</strong>ional<br />

de <strong>musique</strong> de Besançon Franche-Comté • Festival Intern<strong>at</strong>ional de Colmar •<br />

Nancyphonies - Festival de Nancy • Musica - Festival intern<strong>at</strong>ional <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s<br />

d’aujourd’hui, Strasbourg • Festival de Musique de Strasbourg • Festival RenaissanceS,<br />

Bar le Duc • Festival Musical <strong>des</strong> Grands Crus de Bourgogne • Itinéraires de Musique et d’Histoire de<br />

la Fond<strong>at</strong>ion Cultur<strong>elle</strong> de Braux-sous-Valmy • Musicalta, Rouffach

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