La musique at-elle besoin des festivals - Irma
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Édito<br />
Dix mois après le colloque tenu à Royaumont les 13 et 14 novembre 2003,<br />
France Festivals, Fédér<strong>at</strong>ion Française <strong>des</strong> Festivals Intern<strong>at</strong>ionaux de Musique,<br />
est heureuse de pouvoir publier les actes de cette manifest<strong>at</strong>ion au titre un rien<br />
provoc<strong>at</strong>eur : « <strong>La</strong> <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? ».<br />
Cette public<strong>at</strong>ion était <strong>at</strong>tendue et constitue l’un <strong>des</strong> premiers documents de<br />
référence regroupant de nombreuses inform<strong>at</strong>ions sur les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>.<br />
Elle est nourrie <strong>des</strong> contributions <strong>des</strong> différents intervenants et <strong>des</strong><br />
échanges avec les participants, au nombre de 200, professionnels et responsables<br />
de <strong>festivals</strong>. Elle doit permettre de pallier quelque peu le manque<br />
d’inform<strong>at</strong>ions st<strong>at</strong>istiques et analytiques sur la réalité et la diversité<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qu’a mis en évidence la prépar<strong>at</strong>ion du colloque.<br />
Plusieurs pistes de travail ont été évoquées et nourrissent le plan d’actions<br />
de France Festivals : cré<strong>at</strong>ion d’un observ<strong>at</strong>oire <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, conquête de<br />
nouveaux publics, place accordée dans les programm<strong>at</strong>ions aux nouveaux<br />
interprètes, à la <strong>musique</strong> d’aujourd’hui et à la cré<strong>at</strong>ion au sens large du<br />
terme, mise en place d’une concert<strong>at</strong>ion permanente avec le Ministère de<br />
la Culture et les collectivités locales… Ces travaux ne constituent pas une<br />
fi n en soi mais nous orientent vers de nouv<strong>elle</strong>s étapes dans le développement<br />
de notre fédér<strong>at</strong>ion.<br />
En outre, notre colloque, dont l’organis<strong>at</strong>ion était programmée depuis deux<br />
ans, s’est déroulé alors que l’actualité mettait sur le devant de la scène la<br />
question du régime d’assurance chômage <strong>des</strong> intermittents du spectacle. Le<br />
confl it a largement marqué la saison 2003 <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> et plusieurs d’entre<br />
eux ont été annulés ou perturbés. <strong>La</strong> saison 2004 a été plus sereine mais<br />
pour autant un certain nombre de questions restent posées sur l’emploi dans<br />
le spectacle vivant. <strong>La</strong> vie de nos structures dépend largement d’une solution<br />
pérenne pour le st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> artistes intermittents. Nous restons d’autant plus<br />
vigilants sur ce sujet que se pose la question de l’emploi permanent dans les<br />
<strong>festivals</strong> en raison de la fi n du dispositif <strong>des</strong> emplois jeunes.<br />
Je tiens à remercier l’ensemble <strong>des</strong> personnes qui ont contribué à cette réalis<strong>at</strong>ion,<br />
les intervenants, et partenaires pour leur particip<strong>at</strong>ion à la réussite de<br />
nos travaux. Enfi n, j’exprime ma gr<strong>at</strong>itude à la Fond<strong>at</strong>ion Royaumont pour<br />
son accueil particulièrement effi cace et chaleureux.<br />
Sommaire<br />
Philippe Toussaint<br />
Président de France Festivals<br />
Journée 1 Séance introductive à la journée du jeudi 13 novembre 4<br />
Atelier 1 Quel public pour les <strong>festivals</strong> ? 7<br />
Atelier 2 Quels interprètes pour les <strong>festivals</strong> ? 17<br />
Atelier 3<br />
Atelier 4<br />
Qu<strong>elle</strong> part les <strong>festivals</strong> prennent-ils dans le développement<br />
et l’anim<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> territoires ? 23<br />
Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dan la cré<strong>at</strong>ion<br />
et la diffusion musicale ? 31<br />
Journée 2 Séance introductive à la journée du vendredi 14 novembre 38<br />
Atelier 5 L’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> 43<br />
Atelier 6<br />
Qu<strong>elle</strong>s coopér<strong>at</strong>ions pour développer les projets<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au plan infra et supran<strong>at</strong>ional ? 55<br />
<strong>La</strong> <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ?<br />
Colloque organisé par France Festivals<br />
sous le p<strong>at</strong>ronage du Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion,<br />
a bénéfi cié du soutien fi nancier de :<br />
Il a été réalisé en partenari<strong>at</strong> avec :<br />
Et le soutien <strong>des</strong> médias :<br />
Les actes du colloque sont diffusés en partenari<strong>at</strong> avec <strong>La</strong> Scène.<br />
France Festivals fédère plus de 80 <strong>festivals</strong> intern<strong>at</strong>ionaux de <strong>musique</strong>.<br />
L’action de la fédér<strong>at</strong>ion est soutenue fi nancièrement par :<br />
France Festivals bénéfi cie du soutien <strong>des</strong> médias<br />
L’organis<strong>at</strong>ion a été pilotée par la commission colloque de la fédér<strong>at</strong>ion :<br />
Philippe Toussaint, Charlotte <strong>La</strong>tigr<strong>at</strong>, Hervé de Colombel, Pascal Escande,<br />
Bénédicte Dumeige et C<strong>at</strong>herine Jabaly.<br />
Les travaux du colloque ont été coordonnés par Jeanne Martine Vacher,<br />
productrice à France Culture.<br />
Les <strong>at</strong>eliers ont été modérés par<br />
Nicolas Marc – <strong>La</strong> Scène, Xavier Rey – Classica,<br />
Bénédicte Dumeige – France Festivals et Jeanne Martine Vacher.<br />
Organis<strong>at</strong>ion : C<strong>at</strong>herine Jabaly Communic<strong>at</strong>ion<br />
En étroite collabor<strong>at</strong>ion avec les services de la fédér<strong>at</strong>ion :<br />
Bénédicte Dumeige : Direction<br />
Yvette Cussey, Loïc Haye et Élise Pioger : chargés de mission<br />
Servane Garnier : secrétari<strong>at</strong><br />
Anakrusis : Rel<strong>at</strong>ions presse<br />
France Festivals remercie très chaleureusement toutes les personnes qui ont aidé<br />
à l’organis<strong>at</strong>ion et favorisé la réussite de cette initi<strong>at</strong>ive et tout particulièrement<br />
Francis Maréchal, directeur de Royaumont et son équipe ainsi que les étudiants<br />
du DESS de l’Université du Maine (Le Mans) qui ont assisté les rapporteurs.<br />
Merci à Pascale Grésus Vincent pour le décryptage <strong>des</strong> actes et à Bernard Flye-<br />
Sainte-Marie pour les photos.<br />
Édition <strong>des</strong> actes :<br />
Rewriting : Jeanne-Martine Vacher<br />
Révisions : les membres de la commission colloque<br />
Coordin<strong>at</strong>ion : Bénédicte Dumeige et C<strong>at</strong>herine Jabaly<br />
Réalis<strong>at</strong>ion : Perroquet Bleu<br />
Tirage 7500 exemplaires - Septembre 2004<br />
Prix de vente 10 €
J<br />
o u r n é e 1<br />
Séance introductive à la première journée<br />
de travaux jeudi 13 novembre 2003<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice sur France Culture,<br />
coordonn<strong>at</strong>rice <strong>des</strong> travaux <strong>des</strong> deux journées du colloque<br />
Intervention de Philippe TOUSSAINT - Président de France Festivals<br />
Intervention de Luc BENITO - Chercheur - Université d’Aix Marseille 1<br />
1 (NDL : Depuis lors, le Ministère a abandonné le projet<br />
visant à créer un « label n<strong>at</strong>ional »)<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Nous disposons de deux jours pour nous poser la question<br />
: la <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ?<br />
Ce m<strong>at</strong>in, nous nous intéresserons aux questions fondamentales<br />
suivantes : à quel public s’adressent les<br />
<strong>festivals</strong> ? ensuite quels interprètes pour les <strong>festivals</strong><br />
(sans eux, pas de <strong>festivals</strong>) ?<br />
Cet après-midi, le premier <strong>at</strong>elier sera consacré à la<br />
part que les <strong>festivals</strong> prennent dans le développement<br />
<strong>des</strong> lieux culturels qu’ils investissent, que ce soit <strong>des</strong><br />
lieux comme celui-ci, l’abbaye de Royaumont, lieux<br />
d’architecture ou de mémoire, ou que ce soit <strong>des</strong> espaces<br />
géographiques (départements par exemple) ou<br />
symboliques. Le deuxième <strong>at</strong>elier, lui, posera la question<br />
du rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans la cré<strong>at</strong>ion et la diffusion<br />
musicale.<br />
Demain m<strong>at</strong>in, le premier <strong>at</strong>elier portera sur le nerf de la<br />
guerre : la question de l’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, le deuxième<br />
sur la coopér<strong>at</strong>ion entre les <strong>festivals</strong> à l’échelon infra<br />
ou supran<strong>at</strong>ional et ses éventuels avantages.<br />
Chaque intervenant aura droit à une intervention<br />
d’une dizaine de minutes. Des interventions imaginées<br />
en complémentarité les unes avec les autres. Il<br />
serait bon qu’un échange se noue entre le public ici<br />
présent et les intervenants.<br />
Je vais donc passer la parole pour cette première séance<br />
plénière, d’abord à Philippe Toussaint, Président de<br />
France Festivals, et ensuite à Luc Bénito, chercheur,<br />
qui s’est intéressé à la politique économique et cultur<strong>elle</strong><br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
C’est la première fois que la fédér<strong>at</strong>ion organise un<br />
tel colloque, une première que nous préparons depuis<br />
maintenant deux ans. On est aujourd’hui récompensé<br />
en tant qu’organis<strong>at</strong>eur quand on vous voit tous rassemblés<br />
ici à Royaumont. Je rapp<strong>elle</strong> très rapidement<br />
que France Festivals rassemble 82 <strong>festivals</strong>, tournés<br />
principalement vers la <strong>musique</strong>, mais aussi vers la<br />
danse. Des <strong>festivals</strong> qui organisent 2 000 concerts par<br />
an, accueillent à peu près 20 000 interprètes et plus<br />
de 900 000 spect<strong>at</strong>eurs, autant que l’Opéra de Paris,<br />
me faisait-on observer, une masse signifi c<strong>at</strong>ive dans<br />
le monde musical. Mais nos <strong>festivals</strong> ne sont pas réductibles<br />
à <strong>des</strong> chiffres : ce sont <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions originales,<br />
toutes différentes les unes <strong>des</strong> autres, quant à leur<br />
taille, aux lieux qui les accueillent, à leur programm<strong>at</strong>ion.<br />
Ce sont toujours à l’origine <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>ions<br />
animées par un esprit de fête et de convivialité, ce qui<br />
favorise l’émergence de publics nouveaux que le formalisme,<br />
parfois, <strong>des</strong> saisons d’hiver rebute quelque<br />
peu. Dans les équipes se côtoient <strong>des</strong> professionnels et<br />
<strong>des</strong> bénévoles. Il n’y a pas de modèle unique de festival,<br />
mais je crois qu’on peut dire qu’il y a en France un<br />
« esprit festival » qui souffl e à travers toutes nos régions.<br />
Et bien que certains <strong>festivals</strong> aient une très forte<br />
image, bien que l’actualité ait mis en valeur certains<br />
d’entre eux qui s’en seraient bien passé, les <strong>festivals</strong><br />
de <strong>musique</strong> dans leur ensemble nous paraissent mal<br />
connus, voire peu considérés par leurs partenaires institutionnels<br />
notamment, donc fragiles dans leur existence<br />
et inquiets pour leur avenir. Je voudrais revenir<br />
sur ces différents points.<br />
• Mal connus : aucune étude de fond n’a été conduite<br />
sur la question <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> et tout particulièrement<br />
sur les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, par <strong>des</strong> équipes spécialisées<br />
ou par le Ministère de la Culture. Aujourd’hui,<br />
aucune donnée globale n’est disponible. C’est pourquoi<br />
nous avons cherché, avec l’aide de Luc Bénito, à<br />
améliorer cet ét<strong>at</strong> de nos connaissances et à fournir un<br />
certain nombre d’inform<strong>at</strong>ions très concrètes tout au<br />
long de ces deux journées.<br />
• Peu considérés : jusqu’à l’an dernier, il faut bien se<br />
rendre compte que les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, et France<br />
Festivals particulièrement, connaissaient <strong>des</strong> diffi cultés<br />
quasi-existenti<strong>elle</strong>s dans leurs contacts tant avec<br />
l’administr<strong>at</strong>ion centrale du Ministère de la Culture,<br />
qu’avec <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>ions comme le Syndéac. Et pourtant<br />
<strong>des</strong> décisions qui les concernent au premier chef<br />
ont été prises sans qu’ils aient eu un mot à dire, on l’a<br />
bien vu encore une fois cet été. Mais cette situ<strong>at</strong>ion a<br />
commencé à évoluer, dans le bon sens espérons-nous.<br />
L’absence de dialogue constitue une véritable faiblesse,<br />
à l’heure actu<strong>elle</strong>, pour nous collectivement.<br />
Inquiets pour leur avenir, fragiles dans leur existence<br />
: une chose dont chacun doit avoir conscience, c’est<br />
qu’après une forte croissance dans les années 80, les<br />
<strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> sont, depuis plusieurs années, les<br />
dernières en particulier, dans une situ<strong>at</strong>ion où ils ont<br />
connu, tout à la fois, une réduction de leurs ressources<br />
disponibles et un accroissement constant <strong>des</strong> contraintes<br />
d’organis<strong>at</strong>ion, tant sur le plan administr<strong>at</strong>if<br />
ou fi scal que du droit social. D’autre part, leur développement,<br />
leur implic<strong>at</strong>ion dans le tissu local, on le<br />
verra à diverses reprises tout au long du séminaire,<br />
entraînent une complexifi c<strong>at</strong>ion de leur organis<strong>at</strong>ion.<br />
Il a donc fallu nous professionnaliser, nous organiser,<br />
mieux nous structurer avec <strong>des</strong> moyens fi nanciers qui<br />
étaient eux plutôt plus diffi ciles à collecter. L’avenir<br />
est inquiétant donc. L’idée au cœur de ce colloque est<br />
de chercher ensemble à savoir quel est celui que nous<br />
voulons lui préparer.<br />
Il est clair que l’individualisme intégral garde encore<br />
ici et là quelques partisans. Mais les diffi cultés que je<br />
viens d’évoquer justifi ent de plus en plus la démarche<br />
de quelques précurseurs qui, il y a plus de 40 ans, ont<br />
construit cette fédér<strong>at</strong>ion. Et je crois qu’aujourd’hui,<br />
une grande majorité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> se rend compte que<br />
l’action collective vaut bien quelque effort. On ne peut<br />
tout laisser à la seule action individu<strong>elle</strong>. Ayons en<br />
tête qu’au cours <strong>des</strong> cinq dernières années, le nombre<br />
d’adhérents à notre fédér<strong>at</strong>ion s’est accru d’à peu près<br />
un tiers, que nos services se sont développés : form<strong>at</strong>ions,<br />
sites internet, label véritable <strong>des</strong>tiné à mieux<br />
communiquer, sans compter il y a quelques années<br />
une action lobbying très importante sur le plan fi scal,<br />
qui l’été dernier, a eu comme effet d’obtenir absolument<br />
in extremis, que les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> bénéfi -<br />
cient de la nouv<strong>elle</strong> loi sur le mécén<strong>at</strong>, dont au départ,<br />
en première lecture, le Parlement, nous avait exclus,<br />
ce qui en dit long… En abordant, au cours d’un vrai<br />
déb<strong>at</strong> contradictoire, dans nos six <strong>at</strong>eliers, les six thèmes<br />
suivants (les publics, les interprètes, les lieux, les<br />
répertoires, l’argent et les coopér<strong>at</strong>ions), nous voulons<br />
mettre en lumière nos forces, nos faiblesses et surtout<br />
les pistes d’actions pour l’avenir. Créer ainsi une dynamique,<br />
y associer tous nos partenaires institutionnels,<br />
professionnels, sans oublier le public, afi n de contribuer<br />
effi cacement au développement culturel de notre<br />
pays. Une démarche qui est à la fois un premier pas<br />
et l’aboutissement d’un long travail. Merci à tous ceux<br />
qui nous ont soutenus afi n de la mettre en place et à<br />
ceux qui vont la faire vivre.<br />
Luc BÉNITO<br />
Les colloques consacrés aux problém<strong>at</strong>iques que posent<br />
les <strong>festivals</strong> sont assez rares. Le dernier à ma connaissance<br />
remonte à une quinzaine d’années. C’est<br />
donc ici une bonne occasion d’en donner un aperçu<br />
global et de faire le point, surtout en la période<br />
cruciale que nous vivons. J’ai entamé, il y a une dizaine<br />
d’années, une thèse sur l’économie de la culture<br />
et plus précisément sur l’économie <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
car, comme Philippe Toussaint l’a rappelé, il s’agit là<br />
d’un secteur d’activité à part entière. Dans un premier<br />
temps, afi n de faciliter la réfl exion et le travail, il me<br />
Il n’y a pas de modèle<br />
unique de festival,<br />
mais il y a en France<br />
un « esprit festival »<br />
qui souffle.<br />
paraît essentiel de poser les idées reçues pour mieux<br />
dégager les problém<strong>at</strong>iques. Remontons à <strong>des</strong> sources<br />
que personne ne contestera : dans les dictionnaires,<br />
dans les encyclopédies, un festival est une manifest<strong>at</strong>ion<br />
musicale se déroulant sur quelques jours dans un<br />
lieu particulier. On const<strong>at</strong>e pourtant que depuis une<br />
vingtaine d’années environ, cette notion s’est considérablement<br />
élargie.<br />
D’une part, les <strong>festivals</strong> ne sont plus consacrés à la<br />
seule <strong>musique</strong>, mais à toutes sortes de disciplines, artistiques<br />
ou non : théâtre, cinéma, composition fl orale,<br />
ethnologie, folklore. On a même pu observer l’existence<br />
de <strong>festivals</strong> sur le jeu, la gastronomie, les arts<br />
culinaires. Est-ce une dérive ? <strong>La</strong> question n’est pas à<br />
l’ordre du jour de ce colloque.<br />
D’autre part, depuis bien longtemps, les <strong>festivals</strong> ne<br />
se déroulent plus sur quelques jours, la semaine étant<br />
la moyenne observée. Maintenant, il existe <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
express, sur deux jours, voire un seul, ou au contraire<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui se déroulent sur un mois, voire<br />
plusieurs, notamment les deux mois d’été (une façon<br />
pour les collectivités locales de manifester la volonté<br />
de proposer une mini-saison d’été en dehors de la<br />
saison cultur<strong>elle</strong>). Je peux même citer l’exemple d’un<br />
« festival » étendu sur six mois : un spectacle proposé<br />
chaque samedi soir durant ce laps de temps !<br />
On s’écarte là de la défi nition initiale, ce n’en est pas<br />
moins un const<strong>at</strong>.<br />
De plus, les <strong>festivals</strong> ne sont plus, loin de là, localisés<br />
dans un seul site d’accueil. Ils s’étendent non seulement<br />
à la ville entière, mais aussi aux alentours, là<br />
encore impulsés par <strong>des</strong> partenaires tels que les Communautés<br />
de Communes ou Conseils Généraux qui désirent<br />
à juste titre élargir ces manifest<strong>at</strong>ions à l’ensemble<br />
de leurs administrés ou de leur circonscription.<br />
Enfi n, les cré<strong>at</strong>eurs de <strong>festivals</strong> désormais hésitent à<br />
utiliser le terme de « <strong>festivals</strong> » justement, trop galvaudé<br />
pour beaucoup d’entre eux, sans doute aussi<br />
pour beaucoup d’entre vous. On lui préfère d’autres<br />
terminologies comme « semaine de » « rencontre<br />
de », « journée de », qui désignent <strong>des</strong> événements<br />
« mineurs », séries de petits concerts, qui ont connu<br />
un développement exponentiel dans les années 80,<br />
qu’on a malgré tout appelés « <strong>festivals</strong> », car l’appell<strong>at</strong>ion<br />
en garantit la qualité, ceci expliquant cela. Une<br />
t<strong>elle</strong> dérive est-<strong>elle</strong> étonnante ? Non, puisque jusquelà<br />
personne n’a revendiqué l’intégrité du terme « festival<br />
». Certes il existe <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions comme France<br />
Festivals, mais <strong>elle</strong>s restent centrées sur <strong>des</strong> enjeux<br />
sectoriels à l’image du titre du colloque : « <strong>La</strong> <strong>musique</strong><br />
a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? » D’autres regroupements<br />
s’effectuent, notamment dans le secteur du<br />
cinéma, mais ils restent enfermés dans leur propre<br />
discipline.<br />
Au niveau institutionnel, Philippe Toussaint l’a rappelé,<br />
il n’existe rien. Il y a quelques années, quinze à<br />
vingt ans, il y a bien eu une initi<strong>at</strong>ive : un bureau <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> a été créé au sein du Ministère de la Culture,<br />
mais cette expérience n’a duré que quelques mois.<br />
Dans le cadre de mes travaux, j’ai été conduit à interroger<br />
la puissance publique, et notamment l’Ét<strong>at</strong>. On<br />
m’a répondu très clairement que les <strong>festivals</strong> ne constituaient<br />
pas une priorité… J’imagine que beaucoup<br />
d’entre vous trouvent que c’est aussi bien comme cela.<br />
Pourtant, l’activité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est sans doute la plus<br />
décentralisée qui soit, avant l’heure. Les collectivités<br />
locales, dans les années 80, se sont très vite approprié<br />
cet outil, ce support (car c’est avant tout un support,<br />
on y reviendra). Or, aujourd’hui, on peut déceler de la<br />
part de l’Ét<strong>at</strong> un regain d’intérêt : on évoque même<br />
l’existence d’un label <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> pour 2004. Avec<br />
toutes les précautions qui s’imposent, si ce label pouvait<br />
permettre une meilleure reconnaissance <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />
les situer à leur juste place dans le paysage culturel<br />
français, ce serait parfait. Attendons… 1<br />
Vous espérez peut-être que mon intervention vous<br />
fournira au moins une comptabilité précise <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
en France. Je vous avoue que j’en suis bien incapable<br />
puisqu’il n’existe pas de structure qui la permette.<br />
Des comptabilis<strong>at</strong>ions se font au sein de secteurs<br />
particuliers, théâtre, <strong>musique</strong> ou cinéma, mais<br />
il y a assez peu de comptabilis<strong>at</strong>ions de l’ensemble<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, toutes disciplines confondues, et ce pour<br />
une raison bien simple, c’est que sa défi nition est encore<br />
extrêmement fl oue. Sa défi nition relève de deux<br />
dimensions. D’une part, une dimension objective : un<br />
festival, ce sont tous les événements qui sont limités<br />
dans le temps, qui reviennent chaque année, qui sont<br />
centrés sur un thème. Dans ce cas, comptabiliser, c’est<br />
très facile. Mais ça l’est beaucoup moins dans d’autres<br />
cas, par exemple <strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions où règne ce qu’on<br />
pourrait appeler un « esprit festival ». Dans ces cas-là,<br />
un festival (et c’est là une façon totalement subjective<br />
de l’appréhender), résulte d’une envie, une rencontre,<br />
une forme publique de célébr<strong>at</strong>ion d’un art ou d’une<br />
discipline artistique. Le public se déplace dans ce seul<br />
but et, très souvent, il revient chaque année. Une forme<br />
de quasi-pèlerinage, quelque chose de très fort.<br />
Il est alors très diffi cile d’effectuer une comptabilis<strong>at</strong>ion<br />
de ces phénomènes. C’est ce qui explique le manque<br />
de données sur ce point. Si vous voulez un ordre<br />
d’idées, les gui<strong>des</strong> culturels du Ministère de la Culture<br />
recensent 800 <strong>festivals</strong>, alors que la seule région Provence<br />
Alpes Côte d’Azur, que je connais bien, prétend<br />
qu’en été il s’en produit, en son sein, 2 500. Vous le<br />
voyez, il y a une certaine marge.<br />
Pourquoi aussi peu d’observ<strong>at</strong>ions et de recherches ?<br />
Est-ce que les <strong>festivals</strong> n’intéressent pas ? Ils fascinent,<br />
j’en suis sûr, mais ils font aussi peur, car le<br />
champ d’investig<strong>at</strong>ion est quasi vierge. Ils ne sont<br />
abordés et étudiés qu’à travers leur spécifi cité artistique,<br />
<strong>musique</strong>, cinéma, etc. Des travaux rares, parfois<br />
remarquables, sur un festival bien précis, comme<br />
4 5
celui effectué par Julien Besançon sur le festival de la<br />
Chaise-Dieu, existent : ils gagneraient à être centralisés<br />
et capitalisés.<br />
Peut-on proposer une typologie <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? C’est<br />
assez diffi cile. Voici une grille d’analyse, qui peut être<br />
intéressante. <strong>La</strong>issons de côté les données portant sur<br />
la répartition géographique, la durée et la saisonnalité.<br />
Soit donc une typologie qui inscrit les <strong>festivals</strong> dans<br />
un contexte historique particulier, générant <strong>des</strong> initi<strong>at</strong>ives<br />
et <strong>des</strong> missions spécifi ques : qu<strong>at</strong>re génér<strong>at</strong>ions<br />
de <strong>festivals</strong> qui ont perduré dans le temps, sans pour<br />
autant se fi ger.<br />
Première génér<strong>at</strong>ion : les premiers <strong>festivals</strong> pourraient<br />
être constitués par les événements montés par les sociétés<br />
chorales alleman<strong>des</strong> à la fi n du XVIII e siècle -<br />
début du XIX e , qui, chaque année, se réunissaient pour<br />
célébrer un auteur ou un artiste célèbre, par exemple,<br />
le festival de Vienne en 1811, consacré à Haydn.<br />
Progressivement, ces événements se sont transformés,<br />
sont devenus <strong>des</strong> chants chorals, puis <strong>des</strong> concerts<br />
classiques. Pour beaucoup d’entre nous, le Bayreuth<br />
Festival, créé en 1876 par Louis II de Bavière, inaugure<br />
véritablement l’ère <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Cette première<br />
génér<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong> était montée à l’initi<strong>at</strong>ive <strong>des</strong><br />
gran<strong>des</strong> cours européennes et, très souvent, dans <strong>des</strong><br />
lieux de villégi<strong>at</strong>ure, sans pour ainsi dire aucune idée<br />
de compétition.<br />
Deuxième génér<strong>at</strong>ion : au début du XX e siècle, ce sont<br />
les artistes eux-mêmes qui prennent l’initi<strong>at</strong>ive de<br />
monter <strong>des</strong> événements pour promouvoir leur discipline.<br />
À cette époque, naissent de nouveaux mo<strong>des</strong><br />
et moyens techniques de diffusion cultur<strong>elle</strong> comme<br />
la radiophonie, le phonographe, la ciném<strong>at</strong>ographie<br />
ou la photographie, qui amorcent un phénomène de<br />
« massifi c<strong>at</strong>ion » de la culture, permettant peu à peu<br />
aux disciplines artistiques de pénétrer dans les foyers,<br />
créant chez les artistes le désir de présenter au plus<br />
grand nombre leur discipline. Du coup, apparaissent<br />
les premiers <strong>festivals</strong> de danse (années 30), le premier<br />
festival de cinéma, la Mostra, à Venise, puis en<br />
France, sous l’infl uence de Jacques Coppo, <strong>des</strong> événements<br />
comme les Nuits Saint-Georges ou le festival<br />
de Chartres (années 1920). Peut-être l’Ét<strong>at</strong> prend-il<br />
alors conscience (ou le lui fait-on comprendre) que ces<br />
outils peuvent être utilisés en terme d’intervention publique<br />
: ce fut le cas du festival de Cannes qui aurait<br />
dû être créé en 1939 comme une contre-manifest<strong>at</strong>ion<br />
à la Mostra de Venise, alors empreinte d’idéologie fasciste,<br />
mais qui, pour les raisons que l’on sait, n’a démarré<br />
qu’en 1947. C’est donc à la Libér<strong>at</strong>ion, après<br />
1946, que les <strong>festivals</strong>, considérés comme <strong>des</strong> outils,<br />
se sont inscrits dans les grands programmes de démocr<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion,<br />
et plus particulièrement dans le mouvement<br />
de décentralis<strong>at</strong>ion dram<strong>at</strong>ique : le festival<br />
d’Avignon, dans ce cadre, en est un grand symbole.<br />
Pour autant, ces génér<strong>at</strong>ions de <strong>festivals</strong> ne sont par<br />
hermétiques. En 1947, on voit apparaître le festival<br />
intern<strong>at</strong>ional d’art lyrique à Aix-en-Provence, qui,<br />
pour ceux qui en connaissent la genèse, s’est construit<br />
dans la pure tradition aristocr<strong>at</strong>ique qui caractérise la<br />
première génér<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong>. Actu<strong>elle</strong>ment encore,<br />
et il faut s’en réjouir, existent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> initiés par<br />
<strong>des</strong> artistes désireux de produire et de montrer leur<br />
œuvre, moyen évident pour eux d’obtenir la reconnaissance<br />
publique de leur discipline. Un acquis dans le<br />
domaine culturel.<br />
Troisième génér<strong>at</strong>ion de festival : dans les années 70,<br />
l’initi<strong>at</strong>ive n’est plus aux artistes, mais revient aux collectivités<br />
locales, aux pouvoirs publics. Ce fut l’Ét<strong>at</strong> qui<br />
lança, dans les années 60, sous l’ère Malraux, un dispositif<br />
qui permettait (qui l’a en tout cas induit) d’initier<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au sein de monuments historiques,<br />
largement inanimés, dans le but de leur donner une<br />
vie. Mais ce fut un épiphénomène. Ce sont en vérité<br />
les collectivités locales qui prirent conscience, dans<br />
les années 70, que ces événements pouvaient servir à<br />
promouvoir une ville, à l’image de ceux de Cannes ou<br />
d’Avignon. Ils ont prouvé leur effi cacité : on a vu arriver<br />
les fameux événements ou <strong>festivals</strong> clés en mains,<br />
dont l’exigence artistique n’était pas, pour autant absente<br />
car était espéré un retour d’image et de « retombées<br />
économiques ».<br />
<strong>La</strong> qu<strong>at</strong>rième et dernière génér<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong> s’inscrit<br />
davantage dans une volonté <strong>des</strong> collectivités locales<br />
d’animer un territoire. Dès 1982, on a vu fl eurir,<br />
éclore plutôt, une myriade de petits événements qui se<br />
sont très volontiers appelés <strong>festivals</strong>. Un véritable engouement.<br />
Il faut le rappeler, à cette époque-là, l’Ét<strong>at</strong><br />
promeut l’idée que le domaine culturel constitue une<br />
véritable activité, apte à pallier le déclin de certaines<br />
industries. Fleurissent les premières étu<strong>des</strong> d’impact<br />
économique, dont la plus connue, vraie référence, est<br />
c<strong>elle</strong> menée sur le festival d’Avignon en 1986.<br />
Quelques mots sur les étu<strong>des</strong> d’impact, parce que<br />
c’est très souvent pour cette raison que l’on me sollicite<br />
pour intervenir lors de différents colloques. A priori,<br />
je ne m’oppose pas au principe <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> d’impact,<br />
mais il est vrai qu’au sein <strong>des</strong> économistes dont je fais<br />
partie, leur validité scientifi que est sujette à caution.<br />
Aujourd’hui, il s’agit d’un outil de communic<strong>at</strong>ion avéré.<br />
S’il l’est en tant que tel et qu’il permet de légitimer<br />
la particip<strong>at</strong>ion annu<strong>elle</strong> de certains partenaires fi nanciers,<br />
tant mieux. Néanmoins, il cache et masque tout<br />
un pan d’une réalité ou <strong>des</strong> réalités <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. On a<br />
coutume d’affi rmer que les <strong>festivals</strong>, et c’est sans doute<br />
vrai, sont génér<strong>at</strong>eurs de retombées économiques. Ce<br />
qu’on oublie de préciser, c’est qu’ils sont, avant tout, de<br />
formidables outils de promotion artistique et de développement<br />
culturel, <strong>des</strong> lieux privilégiés de la rencontre<br />
entre l’artiste et le public, de parfaits lieux de médi<strong>at</strong>ion<br />
cultur<strong>elle</strong>. <strong>La</strong> principale raison en est leur exigence. En<br />
effet, à la notion de festival est affectée une connot<strong>at</strong>ion<br />
qualit<strong>at</strong>ive. Sinon, ce n’est plus un festival, c’est une<br />
manifest<strong>at</strong>ion quelconque. Et les <strong>festivals</strong>, de fait, proposent<br />
de l’exceptionnel. Le fait de concentrer une série<br />
de spectacles ou de concerts dans une même journée,<br />
est une chose qui leur est propre. Il s’y effectue un véritable<br />
travail de programm<strong>at</strong>eur, le directeur artistique<br />
ne se contente pas de remplir <strong>des</strong> grilles de programmes,<br />
mais propose <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions, <strong>des</strong> spectacles jamais<br />
vus ailleurs pour lesquels le public se déplace. De plus,<br />
<strong>des</strong> disciplines qualifi ées d’élitistes, comme la <strong>musique</strong><br />
classique ou l’art lyrique, y sont développées. On en facilite<br />
donc l’accès.<br />
Le fait qu’on se déplace décloisonne le rapport spectacle-lieu<br />
de représent<strong>at</strong>ion. Très souvent les <strong>festivals</strong> se<br />
situent en dehors <strong>des</strong> lieux traditionnels de diffusion,<br />
en dehors <strong>des</strong> théâtres et opéras, ce qui permet un<br />
certain niv<strong>elle</strong>ment, les barrières tant psychologiques<br />
que sociales tombent, c’est évident. Souvent, on me<br />
demande de le prouver, de fournir <strong>des</strong> chiffres puisque<br />
c’est en partie ma mission. Je suggère qu’on pose<br />
la question aux directeurs artistiques qui connaissent<br />
bien leur public ; en tout cas, pour avoir analysé un<br />
certain nombre d’étu<strong>des</strong> de publics, je peux vous dire<br />
que la part de ce qu’on app<strong>elle</strong> les primo-visiteurs,<br />
c’est-à-dire les gens qui n’ont pas l’habitude d’aller<br />
dans <strong>des</strong> lieux de diffusion cultur<strong>elle</strong> réguliers, est largement<br />
plus importante dans les <strong>festivals</strong> que dans les<br />
structures permanentes.<br />
Enfi n, les <strong>festivals</strong> sont apparus comme de très bons<br />
moyens de combler <strong>des</strong> déserts culturels. J’ai parfois<br />
entendu <strong>des</strong> mauvaises langues parler de cache-misère.<br />
Ils sont pourtant <strong>at</strong>tendus par <strong>des</strong> popul<strong>at</strong>ions<br />
isolées, rurales notamment. Ils pallient un défi cit évident<br />
de structures permanentes, vecteurs de sociabilité<br />
dont témoigne l’activité bénévole, à un moment<br />
où certaines fêtes traditionn<strong>elle</strong>s et notamment rurales<br />
disparaissent. Je pense qu’un colloque comme celui-ci<br />
a l’intérêt de remettre à leur place les <strong>festivals</strong> au sein<br />
du paysage culturel, considérés comme de véritables<br />
enjeux et fondements <strong>des</strong> politiques cultur<strong>elle</strong>s et non<br />
plus, simplement, comme <strong>des</strong> génér<strong>at</strong>eurs de retombées<br />
économiques.<br />
Quel public pour les <strong>festivals</strong> ?<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice à France Culture<br />
Participants<br />
René MARTIN - Directeur - <strong>La</strong> Folle Journée de Nantes, <strong>La</strong> Roque d’Anthéron,<br />
le CREA de Nantes (Centre de Réalis<strong>at</strong>ion et d’Étu<strong>des</strong> Artistiques)<br />
Jean-Dominique MARCO - Directeur Général - Musica, festival intern<strong>at</strong>ional<br />
<strong>des</strong> <strong>musique</strong>s d’aujourd’hui<br />
Jean-Michel VERNEIGES - Directeur - Festival Saint-Michel-en-Thiérache<br />
Hélène JARRY - Conseillère Musique - Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale,<br />
Centre n<strong>at</strong>ional de document<strong>at</strong>ion pédagogique<br />
a t e l i e r 1<br />
6<br />
7
a t e l i e r 1<br />
Quel public pour les <strong>festivals</strong> ?<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Nous avons essayé de rassembler <strong>des</strong> intervenants qui<br />
avaient <strong>des</strong> expériences diverses. Je vous les présente<br />
dans l’ordre de passage :<br />
René Martin qui représente le CREA, parlera de son expérience<br />
à travers « Les Folles journées de Nantes » et<br />
le festival de la Roque d’Anthéron.<br />
À ses côtés, Jean-Dominique Marco du festival MU-<br />
SICA de Strasbourg, festival de <strong>musique</strong> contemporaine,<br />
témoignera de la rel<strong>at</strong>ion avec le public, de la recherche<br />
du public et de la façon dont tout cela se construit<br />
au fil du temps.<br />
À mes côtés, Jean-Michel Verneiges, délégué départemental<br />
à la <strong>musique</strong> et directeur artistique du festival de<br />
l’Abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache, nous fera part<br />
de son expérience particulière qu’a générée un lieu.<br />
Enfin, nous ouvrirons <strong>des</strong> perspectives et nous poserons<br />
la question de savoir comment ce public peut se<br />
développer « à la source », c’est-à-dire auprès <strong>des</strong> génér<strong>at</strong>ions<br />
montantes. Hélène Jarry, conseillère pour la<br />
<strong>musique</strong> au département Art et Culture du CNDP, qui<br />
depuis de longues années observe, initie tout ce qui<br />
touche à la <strong>musique</strong> au sein de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale<br />
et en rel<strong>at</strong>ion avec la culture, tentera de répondre.<br />
Je passe la parole à René Martin qui ouvre cette table<br />
ronde. Lorsque chacun <strong>des</strong> intervenants aura parlé, on<br />
essaiera d’échanger ensemble.<br />
René MARTIN<br />
D’emblée, je vais donner une note très optimiste. Il existe,<br />
oui, un très large public. Aujourd’hui, c’est la dixième<br />
année <strong>des</strong> Folles Journées à Nantes. L’an passé, nous<br />
avons vendu 120 000 billets, pour une opér<strong>at</strong>ion axée<br />
sur la <strong>musique</strong> italienne, la <strong>musique</strong> de la Renaissance<br />
et la <strong>musique</strong> baroque, un projet élitiste et assez difficile.<br />
À <strong>La</strong> Roque d’Anthéron, cet été, nous avons organisé<br />
environ 100 concerts et nous avons accueilli 70 000<br />
personnes. Donc, en effet, il existe un public. Mais comment<br />
le trouver, comment l’informer ?<br />
<strong>La</strong> chose la plus importante, c’est le contenu. Personn<strong>elle</strong>ment,<br />
j’écoute de la <strong>musique</strong> classique mais aussi<br />
beaucoup de <strong>musique</strong> contemporaine, du rock, du<br />
jazz. Un jour, alors que j’assistais à un concert de U2<br />
à Nantes, dans un stade de <strong>La</strong> Beaujoire, avec 35 000<br />
jeunes, je me suis dit : « Mais comment se fait-il que<br />
ces jeunes ne viennent pas à nos <strong>festivals</strong> ? ». Et là,<br />
ce fut une véritable remise en question. Je me suis<br />
dit qu’il fallait absolument trouver <strong>des</strong> passer<strong>elle</strong>s<br />
parce que le public qui écoute la <strong>musique</strong> de U2 ou<br />
aujourd’hui Radiohead, est capable d’écouter Bartòk,<br />
Stravinsky ou Stockhausen. Encore faut-il que cette<br />
<strong>musique</strong>-là soit diffusée et qu’il ait la chance peutêtre<br />
de la rencontrer.<br />
Première étape : de par mes fonctions, je bénéficie de<br />
rel<strong>at</strong>ions privilégiées avec beaucoup d’artistes. À <strong>La</strong><br />
Roque d’Anthéron, j’ai pu bien connaître les pianistes,<br />
les chefs d’orchestre, les orchestres, à l’Abbaye de<br />
Fontevrault, les chœurs, au festival de la Grange de<br />
Meslay, les chambristes. Je me suis dit : « Pourquoi ne<br />
pas essayer d’aller beaucoup plus loin ? » Donc pendant<br />
deux ans, j’ai réfléchi. Il ne s’agissait pas, pour<br />
moi, d’observer seulement les <strong>festivals</strong> <strong>des</strong> autres, et<br />
d’essayer de détourner leur public vers la Folle Journée,<br />
mais d’aller beaucoup plus loin, de sentir. J’ai<br />
regardé, en fin de compte, tout ce qui vivait autour de<br />
moi, dans tous les domaines, théâtre, danse, cinéma.<br />
Là je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen d’accès,<br />
retrouver l’esprit du concert de rock, mais surtout pas<br />
le copier, comme, par exemple, louer le stade de <strong>La</strong><br />
Beaujoire, faire venir Barbara Hendricks, inviter Rostropovitch<br />
avec l’orchestre de Washington, toute chose<br />
qui aurait permis de vendre 15 000 ou 20 000 billets.<br />
Cependant, cela aurait été une pâle copie du concert<br />
de rock. Ce qui m’intéressait, c’était de garder vraiment<br />
l’esprit du concert classique, cette qualité de silence,<br />
cette rel<strong>at</strong>ion privilégiée qu’on a aussi avec l’interprète.<br />
Donc trouver un esprit, un esprit nouveau.<br />
Deuxième étape : à Nantes, le Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts,<br />
le dimanche, pendant l’hiver, accordait la gr<strong>at</strong>uité. Je<br />
me suis aperçu que beaucoup de gens venaient voir<br />
<strong>des</strong> expositions, déambulant dans toutes ces salles,<br />
dépassant en nombre le cercle <strong>des</strong> seuls am<strong>at</strong>eurs du<br />
Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts. Alors, je me suis dit : pourquoi<br />
ne pas trouver un lieu suffisamment important<br />
pour proposer un concert, un deuxième concert, un<br />
troisième concert, les gens passant la journée, en fin<br />
de compte, dans cet endroit, comme ils passeraient<br />
la journée dans un grand musée. Mais j’ai remarqué<br />
que, dans un musée, si on rentre dans une salle contemporaine,<br />
et qu’une install<strong>at</strong>ion ne nous plaît pas,<br />
on peut en ressortir cinq minutes après. Or moi, je ne<br />
voulais pas qu’on fasse du zapping, c’est-à-dire qu’on<br />
rentre ou sorte suivant l’humeur. Dans la Folle Journée,<br />
si on rentre dans une salle, c’est pour assister<br />
à un concert, on a un programme, avec l’analyse de<br />
l’œuvre, comme dans une vraie salle de concert. C’est<br />
seulement quand on sort de la salle, que tout d’un<br />
coup s’opère la magie : on circule, on déambule, on<br />
rencontre <strong>des</strong> artistes, le public ; en vérité ce n’est pas<br />
du tout le rythme du concert traditionnel qui est bousculé,<br />
c’est ce qu’il y a autour.<br />
Je me suis dit aussi que, pour toucher un plus large<br />
public, il ne fallait pas l’obliger à écouter deux heures<br />
de <strong>musique</strong> d’affilée ; imaginons quelqu’un qui vient<br />
pour la première fois de sa vie écouter les son<strong>at</strong>es de<br />
Beethoven, si on lui fait écouter les trois dernières d’un<br />
seul coup, il lui sera très difficile de se concentrer. Je<br />
me suis donc dit : « Organisons <strong>des</strong> concerts courts,<br />
<strong>des</strong> concerts de 45 à 50 minutes environ, mais présentons<br />
évidemment les œuvres dans leur intégralité<br />
». C’est pourquoi, quand je conçois les programmes<br />
et que je discute avec les artistes, il nous faut trouver<br />
une très grande cohérence, préserver l’équilibre entre<br />
<strong>des</strong> concerts courts et d’autres plus longs. Lors de la<br />
prochaine Folle Journée par exemple, on va présenter<br />
beaucoup d’œuvres de Mendelssohn : Elie ou Paulus<br />
durent deux heures, on va donc en présenter l’intégrale.<br />
Ma philosophie, c’est donc de proposer <strong>des</strong> concerts<br />
suffisamment courts pour permettre à <strong>des</strong> gens qui ne<br />
venaient jamais écouter de <strong>musique</strong> classique, de rentrer<br />
immédi<strong>at</strong>ement, je dirais, dans les œuvres.<br />
C’est seulement ces observ<strong>at</strong>ions une fois faites qu’on<br />
a lancé la Folle Journée, la première édition étant consacrée<br />
à Mozart. Ensuite, mon souci numéro 1 a été :<br />
« Comment vais-je, maintenant, communiquer ? » Je<br />
disposais <strong>des</strong> fichiers de nos associ<strong>at</strong>ions, de ceux de<br />
l’ONPL, je pouvais les compléter par ceux de l’Abbaye<br />
de Fontevrault, de Tours. Mais je voulais aussi toucher<br />
<strong>des</strong> gens qui habitaient dans <strong>des</strong> quartiers populaires.<br />
Là, je me suis dit : « Il faut absolument que je travaille<br />
avec les commerçants, tous les boulangers, les bouchers<br />
qui sont au pied <strong>des</strong> tours ». On a organisé deux<br />
rencontres avec toutes les associ<strong>at</strong>ions de commerçants<br />
de Nantes, je leur ai expliqué notre projet. J’ai<br />
obtenu une adhésion absolument étonnante, puisque,<br />
dès la première année, 200 commerçants ont accepté<br />
d’être nos relais, sur place, c’est-à-dire de décorer<br />
leurs vitrines, distribuer <strong>des</strong> tracts et <strong>des</strong> dépliants. On<br />
a également organisé beaucoup d’anim<strong>at</strong>ions au sein<br />
<strong>des</strong> milieux scolaires et de toutes les associ<strong>at</strong>ions musicales,<br />
avec le souci d’intégrer le plus possible la vie<br />
musicale am<strong>at</strong>eur : ainsi, dans la Folle Journée, toutes<br />
les harmonies se côtoient et se produisent. Rel<strong>at</strong>ions<br />
privilégiées aussi bien sûr avec les écoles n<strong>at</strong>ionales<br />
de <strong>musique</strong>, avec les conserv<strong>at</strong>oires n<strong>at</strong>ionaux de région.<br />
C’est sans doute l’addition, en fin de compte, de<br />
tous ces contacts privilégiés qu’on a eus dès la première<br />
année qui a lancé le phénomène.<br />
Dernière remarque concernant les tarifs. Je pense que<br />
le prix constitue une vraie barrière. Aujourd’hui encore,<br />
le prix moyen d’un concert à une Folle Journée<br />
est autour de 6 euros. Dès la première année, on<br />
a vendu 25 000 billets, on a organisé 60 concerts.<br />
Aujourd’hui, nous sommes à 250 concerts et on a accueilli<br />
120 000 personnes. Conclusion, je crois vraiment<br />
qu’il y a un public, que ce public, il faut aller<br />
le chercher peut-être d’une autre façon. Si on décide<br />
d’organiser une manifest<strong>at</strong>ion, il faut connaître le profil<br />
de public qu’on aimerait avoir, prendre <strong>des</strong> contacts,<br />
observer le terrain.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Continuons la discussion avec une deuxième expérience,<br />
longue, c<strong>elle</strong>-là, puisque cette année nous<br />
en étions à la 22 e édition, c<strong>elle</strong> de Jean-Dominique<br />
Marco, du Festival Musica. Autre terrain, autre territoire<br />
musical, autre histoire donc…<br />
Jean-Dominique MARCO<br />
En entendant René Martin, je me suis dit qu’il parlait<br />
de Musica. Tout ce qu’il vient de dire, j’aurais aimé<br />
vous le dire, et je vais peut-être vous le répéter, d’une<br />
autre manière.<br />
On affirme souvent que la <strong>musique</strong> connaît <strong>des</strong> problèmes<br />
aujourd’hui, que la <strong>musique</strong> dite classique<br />
ou institutionn<strong>elle</strong> est malade. Je crois effectivement<br />
qu’<strong>elle</strong> l’est un peu. Mais ses problèmes ne sont pas<br />
<strong>des</strong> problèmes de contenu, ce sont <strong>des</strong> problèmes de<br />
contenant. C’est la forme de la présent<strong>at</strong>ion du répertoire<br />
ou même de la cré<strong>at</strong>ion qui pose problème.<br />
Quand Maurice Fleurét, directeur de la <strong>musique</strong> et de<br />
la danse à l’époque, m’a engagé début 82 sur le poste<br />
de délégué régional à la <strong>musique</strong> en Alsace, il m’a<br />
dit qu’il voulait créer un nouveau festival de <strong>musique</strong><br />
contemporaine. Royan étant fini et Metz, un peu en<br />
fin de parcours, il y avait un vide à combler. Maurice<br />
Fleuret ne voulait pas d’un nouveau salon du prêt à<br />
entendre. Il était convaincu que la <strong>musique</strong> contemporaine<br />
avait un avenir à condition qu’<strong>elle</strong> arrive à<br />
trouver son public, un public le plus large possible.<br />
Nous pensions tous les deux que Strasbourg et l’Alsace<br />
étaient un bon endroit pour accueillir une t<strong>elle</strong><br />
manifest<strong>at</strong>ion. « Prenez contact avec les élus, voyez<br />
comment on peut faire, me dit-il, et si vous pensez<br />
que l’opér<strong>at</strong>ion est viable, je viendrai et rencontrerai<br />
tout le monde pour lancer le projet ». Par la suite, je<br />
me suis vite rendu compte que Fleuret avait été visionnaire.<br />
Il faut dire qu’Il connaissait bien l’Alsace<br />
et nous étions d’accord pour reconnaître à cette région<br />
certains <strong>at</strong>outs :<br />
D’abord, Strasbourg est en face de la région rhénane<br />
allemande, véritable épicentre de la cré<strong>at</strong>ion musicale<br />
de l’après-guerre où beaucoup de choses se sont<br />
passées, notamment à Donaueschingen. À Darmstadt<br />
aussi, c’est là que tous les grands compositeurs se sont<br />
rencontrés, ont confronté leurs idées et ont essayé de<br />
former <strong>des</strong> étudiants lors <strong>des</strong> Académies d’été.<br />
Deuxièmement, il y a une tradition musicale très<br />
importante dans cette région et il existe toujours à<br />
l’heure actu<strong>elle</strong> de nombreux outils consacrés à la<br />
<strong>musique</strong> et à la cré<strong>at</strong>ion musicale en particulier. Je<br />
pense aux orchestres de radio, Francfort, Karlsruhe,<br />
Stuttgart, Baden-Baden, et à beaucoup d’ensembles<br />
et de grands compositeurs également très actifs<br />
dans cet espace. L’Alsace est également une région<br />
où la pr<strong>at</strong>ique am<strong>at</strong>eur est extrêmement développée :<br />
43 000 choristes, beaucoup de sociétés de <strong>musique</strong>. Il<br />
y a forcément un public potentiel.<br />
Ce que je voudrais vous dire, c’est qu’un festival tel<br />
que Musica remplit avant tout une mission de service<br />
public. Une mission en faveur <strong>des</strong> artistes et une<br />
mission pédagogique en direction <strong>des</strong> publics. Tout ce<br />
que l’on peut observer de positif sur les <strong>festivals</strong> ne<br />
va pas à l’encontre bien sûr d’un travail à l’année,<br />
d’un travail en profondeur, d’un travail régulier. Mais<br />
je crois fondamentalement au rôle important du festival.<br />
Pourquoi ? Parce qu’une t<strong>elle</strong> manifest<strong>at</strong>ion, on<br />
l’a dit tout à l’heure, est avant tout un moment « extra-ordinaire<br />
». C’est l’occasion d’une rencontre forte<br />
et dense avec le public qui s’apparente un peu à un<br />
contr<strong>at</strong> de confiance. Quand le public se rend au festival<br />
Musica, il vient évidemment écouter de la <strong>musique</strong>.<br />
Mais il ne vient pas forcément écouter tel ou tel<br />
compositeur, t<strong>elle</strong> œuvre, tel ensemble. <strong>La</strong> plupart du<br />
temps, il ne connaît pas tous les compositeurs présentés<br />
ni les œuvres, beaucoup d’entre <strong>elle</strong>s étant <strong>des</strong><br />
cré<strong>at</strong>ions ; il ne connaît pas non plus forcément les<br />
interprètes. C’est donc un véritable contr<strong>at</strong> de confiance<br />
qui s’établit entre le public et le festival, avec <strong>des</strong><br />
hauts, <strong>des</strong> bas, <strong>des</strong> choses qui marchent, d’autres qui<br />
marchent moins bien. Mais voyez-vous, lorsque nous<br />
organisons le concert d’un ensemble très connu, par<br />
exemple l’Ensemble Intercontemporain ou les Percussions<br />
de Strasbourg, nous avons entre 500 et 800 personnes,<br />
voire 1 000. Si l’on organise le même concert<br />
pendant l’année, on se retrouve avec 300 personnes.<br />
Nous avons fait l’expérience cette année en organisant<br />
avec le Musée d’Art Moderne et Contemporain<br />
C’est donc<br />
un véritable contr<strong>at</strong><br />
de confiance qui<br />
s’établit entre<br />
le public et le festival,<br />
c’est aussi un moment<br />
de grande convivialité.<br />
de Strasbourg, une saison de 5 concerts, suivi chacun<br />
d’un pot avec les artistes. Nous avons presque rempli<br />
l’auditorium avec 150 personnes, mais jamais plus.<br />
Ceci pour vous dire qu’un festival est un événement<br />
« boîte de résonance », un amplific<strong>at</strong>eur, bref, un moment<br />
« extra-ordinaire ».<br />
C’est aussi un événement très concentré, un moment<br />
où il se passe beaucoup de choses. Les spect<strong>at</strong>eurs<br />
sont entraînés dans une espèce de tourbillon d’où ils<br />
sortent un peu étourdis, rassasiés et heureux. À Mu-<br />
sica, nous proposons à peu près 35 à 40 manifest<strong>at</strong>ions<br />
en quinze jours. Nous avons jusqu’à 3 concerts<br />
par jour et ils adorent ça. Pourquoi ? Parce c’est quelque<br />
chose d’inhabituel, c’est un univers dans lequel ils<br />
vont s’immerger. Quand ils en sortent, ils ont appris<br />
quelque chose en ayant vécu <strong>des</strong> moments intenses.<br />
Un festival, ce n’est pas simplement une succession<br />
de concerts, c’est aussi un moment de grande convivialité,<br />
un moment de contacts. Je crois que le public<br />
y tient énormément. Nous devons être avec les artistes<br />
à sa disposition. C’est un peu comme une grande<br />
famille qui aime se retrouver pour partager la <strong>musique</strong>,<br />
en discuter et confronter ses impressions. Cela se<br />
passe n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>ment lorsque l’ambiance du festival le<br />
permet. Et c’est très important.<br />
En 83, lors de la première édition du festival, conduite<br />
par son premier directeur, <strong>La</strong>urent Bayle, nous avons<br />
compris que pour pouvoir promouvoir cette <strong>musique</strong>, il<br />
fallait créer <strong>des</strong> conditions tout à fait exceptionn<strong>elle</strong>s.<br />
Il fallait la mettre en scène. Il ne suffisait pas de proposer<br />
<strong>des</strong> concerts en salle, mais imaginer encore toute<br />
une scénographie dans la ville. Nous voulions que<br />
cette <strong>musique</strong>, que personne ne recherchait a priori,<br />
ou pas grand monde, finisse par envahir la ville, une<br />
ville pas forcément moderne, pas forcément dynamique<br />
au niveau de la cré<strong>at</strong>ion musicale. Il s’agissait<br />
de faire en sorte que tout le monde sache qu’à un<br />
moment donné, il s’y passait quelque chose d’important<br />
autour de la cré<strong>at</strong>ion musicale, même ceux qui<br />
n’avaient pas l’intention a priori de fréquenter le festival.<br />
Créer un événement artistique médi<strong>at</strong>isé pour <strong>at</strong>tirer<br />
un public élargi. Le public de Musica ne devait<br />
pas se limiter à une assemblée de connaisseurs capables<br />
d’analyser et de comprendre la cré<strong>at</strong>ion musicale.<br />
L’histoire de Musica, c’est un peu l’histoire de la capt<strong>at</strong>ion<br />
d’un public beaucoup plus large, sur la base de<br />
la proposition suivante :<br />
« Venez, sentez-vous concernés, faites preuve de curiosité,<br />
et découvrez quelque chose que vous ne connaissez<br />
pas ».<br />
Tout au long de ces vingt années, c’est ce que nous<br />
avons essayé de faire. Pari plutôt gagné. Nous avons<br />
à peu près 20 000 entrées par an, ce qui est assez exceptionnel<br />
pour un festival consacré à la cré<strong>at</strong>ion musicale.<br />
Cela est peut-être dû en partie au clim<strong>at</strong> que<br />
nous avons créé et qui permet à <strong>des</strong> spect<strong>at</strong>eurs, a<br />
priori pas très motivés ni très au courant <strong>des</strong> différentes<br />
esthétiques, de venir sans complexe et de prendre<br />
du plaisir à écouter ces <strong>musique</strong>s-là.<br />
Pour pouvoir investir une ville, il faut envahir <strong>des</strong> lieux<br />
qui sont inhabituels, sortir <strong>des</strong> salles de concerts. Ce<br />
n’est pas évident, cela pose <strong>des</strong> problèmes techniques<br />
importants, notamment en ce qui concerne la sécurité,<br />
mais le public adore ça. Bien <strong>des</strong> spect<strong>at</strong>eurs se déplacent<br />
parce que la manifest<strong>at</strong>ion se déroule dans un<br />
endroit bizarre. Ainsi avons-nous fait <strong>des</strong> concerts dans<br />
<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers de répar<strong>at</strong>ion du TGV, dans <strong>des</strong> piscines.<br />
Je viens de faire un concert avec qu<strong>at</strong>re groupes d’orchestres<br />
et qu<strong>at</strong>re chœurs pour Carré, de Stockhausen<br />
à la p<strong>at</strong>inoire de Strasbourg, un lieu qui n’avait jamais<br />
a t e l i e r 1<br />
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a t e l i e r 1<br />
servi à autre chose qu’à p<strong>at</strong>iner. Nous avons installé ce<br />
lieu gigantesque avec l’aide d’un acousticien et nous<br />
avons obtenu une salle de concert qui avait une réverbér<strong>at</strong>ion<br />
de moins de deux secon<strong>des</strong>. Le concert a<br />
été exc<strong>elle</strong>nt. Tout au long de ces vingt années, nous<br />
n’avons cessé de fréquenter <strong>des</strong> lieux insolites.<br />
Nous avons fait ensuite <strong>des</strong> propositions musicales<br />
croisées pour souligner que nous n’étions pas une espèce<br />
d’élite complètement repliée sur <strong>elle</strong>-même mais<br />
au contraire que nous étions ouverts sur bien d’autres<br />
<strong>musique</strong>s. Nous avons croisé <strong>des</strong> thém<strong>at</strong>iques, nous<br />
sommes allés vers les autres institutions cultur<strong>elle</strong>s<br />
et vers les pr<strong>at</strong>iques musicales am<strong>at</strong>eurs. Nous avons<br />
réuni par exemple <strong>des</strong> centaines d’interprètes pour<br />
une œuvre de L. Bério, Accordo, Mille musiciens pour<br />
la paix et cent cinquante guitaristes de rock pour une<br />
pièce de Rhys Ch<strong>at</strong>ham.<br />
Il faut que la <strong>musique</strong> contemporaine marque sa volonté<br />
de s’insérer dans le paysage musical en général.<br />
Par exemple, cette année, nous avons fêté Stockhausen<br />
pour son 75 e anniversaire. Considéré comme l’un<br />
<strong>des</strong> pères fond<strong>at</strong>eurs de la <strong>musique</strong> électronique, de<br />
la <strong>musique</strong> électroacoustique, nous avons demandé à<br />
<strong>des</strong> DJs, dont certains ont été ses élèves, de venir et<br />
de participer à notre édition 2003. Nous nous sommes<br />
aussi associés à un festival de <strong>musique</strong>s électroniques<br />
qui s’app<strong>elle</strong> Les Nuits de l’Ososphère et qui dure deux<br />
jours en bouclant tout un quartier populaire de Strasbourg.<br />
On y entend de la <strong>musique</strong> non-stop, de 7-<br />
8 heures du soir jusqu’à 4 heures du m<strong>at</strong>in.<br />
Il s’est toujours agi pour Musica d’aller vers les publics<br />
et de pr<strong>at</strong>iquer l’insertion sociale de la <strong>musique</strong><br />
contemporaine. Il ne faut donc pas négliger la médi<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> manifest<strong>at</strong>ions. En médi<strong>at</strong>isant, vous<br />
permettez d’abord aux artistes d’avoir <strong>des</strong> tribunes<br />
importantes (les artistes, les compositeurs aspirent<br />
aujourd’hui plus que jamais à une fonction sociale et<br />
à une reconnaissance sociale), et au public d’être valorisé.<br />
On n’imagine pas l’impact que peut avoir une<br />
opér<strong>at</strong>ion médi<strong>at</strong>isée auprès <strong>des</strong> habitants d’une ville<br />
: ils sont heureux que leur ville, leur espace vital,<br />
fasse tout d’un coup la une <strong>des</strong> journaux d’une façon<br />
valorisante. On ne peut plus aujourd’hui se permettre<br />
de mépriser cela ou de l’ignorer. Bien sûr, la proposition<br />
artistique doit être originale et de qualité.<br />
Un festival, qu<strong>elle</strong> que soit son importance n<strong>at</strong>ionale<br />
et intern<strong>at</strong>ionale, n’est viable à long terme que s’il<br />
trouve un public local, un enracinement fort. Bien sûr,<br />
il y a <strong>des</strong> exceptions comme Avignon ou Aix, manifest<strong>at</strong>ions<br />
d’envergure qui sont <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> estivaux<br />
drainant tout un public de touristes. Musica a lieu au<br />
mois de septembre, début octobre, et n’est donc pas<br />
un festival estival.<br />
Signalons aussi que nous sommes aujourd’hui dans<br />
un espace européen. En tant que Strasbourgeois, je ne<br />
peux pas ignorer cette réalité, c’est même une dimension<br />
fondamentale. Nous avons créé il y a trois ans,<br />
un réseau européen, financé de manière très importante<br />
par l’Union européenne. Il s’app<strong>elle</strong> le Réseau<br />
Varèse et il regroupe à l’heure actu<strong>elle</strong> dix-huit opér<strong>at</strong>eurs<br />
culturels de douze pays d’Europe. Nous venons<br />
d’avoir une réunion ce week-end à Vienne. Notre objectif<br />
est d’ouvrir la <strong>musique</strong> contemporaine aux publics<br />
les plus divers en faisant circuler nos projets dans<br />
cet espace et en créant <strong>des</strong> connexions entre les <strong>festivals</strong><br />
poursuivant les mêmes buts.<br />
Une dernière chose, enfin, signific<strong>at</strong>ive : toute une<br />
part de notre activité d’enracinement passe aussi par<br />
<strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions que nous menons avec le Conserv<strong>at</strong>oire<br />
N<strong>at</strong>ional de Région de Strasbourg, par le biais de résidences<br />
de compositeurs. Il est indispensable d’aller<br />
vers de jeunes publics, vers <strong>des</strong> musiciens en devenir<br />
en leur donnant la possibilité de travailler sur un projet<br />
avec un compositeur. Il n’est pas inutile non plus<br />
que le compositeur soit confronté à <strong>des</strong> jeunes instrumentistes.<br />
Depuis que nous avons développé cette<br />
collabor<strong>at</strong>ion en 91, nous avons sensiblement rajeuni<br />
notre public. Ma préoccup<strong>at</strong>ion n’est pas d’augmenter<br />
le nombre de spect<strong>at</strong>eurs, de faire du prosélytisme<br />
mais de transmettre aux nouv<strong>elle</strong>s génér<strong>at</strong>ions l’expérience<br />
et le p<strong>at</strong>rimoine que représente le répertoire de<br />
Musica. C’est faire en sorte que cette <strong>musique</strong> puisse<br />
Un festival,<br />
qu<strong>elle</strong> que soit<br />
son importance<br />
n<strong>at</strong>ionale et intern<strong>at</strong>ionale,<br />
n’est viable<br />
à long terme<br />
que s’il trouve<br />
un public local,<br />
un enracinement fort.<br />
passer le relais d’une génér<strong>at</strong>ion à l’autre, entreprise<br />
d’autant plus difficile que nous avons à lutter contre<br />
<strong>des</strong> médias, comme la télévision, qui se moquent bien<br />
de ce que nous faisons.<br />
En ce qui concerne Musica, le budget de communic<strong>at</strong>ion<br />
représente 120 000 euros sur un budget de<br />
1 900 000 euros. Je peux vous dire qu’il y a vingt<br />
ans quand le festival a été lancé, le budget communic<strong>at</strong>ion<br />
était de l’ordre 210 000 euros sur un budget<br />
qui ne devait pas dépasser les 765 000 euros. C’était<br />
tout à fait nécessaire au début car il fallait donner à<br />
cette manifest<strong>at</strong>ion une ré<strong>elle</strong> existence médi<strong>at</strong>ique.<br />
Je vous signale aussi qu’à part un supplément de 8<br />
pages que je réalise avec le quotidien régional, les<br />
DNA, je n’achète pas d’espace presse. Je dois dire<br />
qu’aujourd’hui, la communic<strong>at</strong>ion de Musica est assurée<br />
principalement par les médias. Nous avons une<br />
revue de presse de plus de 300 articles. En ce qui concerne<br />
le budget artistique, il représente 60 % <strong>des</strong> dépenses.<br />
Les frais de fonctionnement 24 %. Les frais de<br />
communic<strong>at</strong>ion, moins de 10 %. Musica est financé<br />
à 70-75 % par les pouvoirs publics, l’Ét<strong>at</strong>, la Ville,<br />
le Département, la Région. L’essentiel du budget est<br />
donc consacré à l’artistique.<br />
S’agissant encore <strong>des</strong> médias, je reste persuadé qu’il<br />
faut être original pour les intéresser. Si vous avez une<br />
proposition qui ressemble à c<strong>elle</strong>s d’autres <strong>festivals</strong>,<br />
c’est sûr, vous aurez beaucoup de mal à les motiver.<br />
S’ils ne parlent pas de vous, vous allez être obligé de<br />
parler « vous-mêmes » de vous et donc d’acheter <strong>des</strong><br />
espaces. Or faire preuve d’originalité, vu le nombre<br />
de <strong>festivals</strong>, ce n’est pas évident, même pour un festival<br />
important. On a autant de mal que vous à faire<br />
venir les journalistes, surtout pour de la <strong>musique</strong> contemporaine.<br />
Voyez France Musiques qui n’a enregistré<br />
que deux concerts de Musica 2003 au lieu de 10-15<br />
habitu<strong>elle</strong>ment.<br />
Là où nous sommes tous égaux, c’est dans le domaine<br />
<strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions publiques. Les responsables de <strong>festivals</strong><br />
doivent être continu<strong>elle</strong>ment sur le terrain pour communiquer<br />
leur projet en créant <strong>des</strong> contacts aussi larges<br />
que possibles, notamment avec les élus qui prennent<br />
de plus en plus d’importance dans les régions du<br />
fait de la décentralis<strong>at</strong>ion.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Vous évoquez les jeunes génér<strong>at</strong>ions. Un mot qu’ils<br />
adorent est le mot « effervescence » que vous avez<br />
prononcé, qui est tout à fait lié aux <strong>musique</strong>s électroniques.<br />
Je me tourne vers notre prochain interlocuteur,<br />
Jean-Michel Verneiges. Comment justement fait-on<br />
pour créer l’effervescence d’un festival à Saint-Michelen-Thiérache,<br />
abbaye peu <strong>des</strong>tinée en principe à vivre<br />
ce type d’effervescence.<br />
Jean-Michel VERNEIGES<br />
Mon témoignage sera très différent. En effet, Saint-<br />
Michel-en-Thiérache n’est ni Strasbourg, ni Nantes ni<br />
la Roque d’Anthéron. Le festival est né de circonstances<br />
et de str<strong>at</strong>égies qui n’ont pas grand-chose à voir,<br />
finalement, avec c<strong>elle</strong>s qui nous ont été présentées à<br />
l’instant, str<strong>at</strong>égies un peu a priori, avec <strong>des</strong> concepts<br />
forts, qui peuvent même prendre la forme de comman<strong>des</strong><br />
comme ça a été le cas à Strasbourg. À Saint-<br />
Michel-en-Thiérache, en revanche, nous nous sommes<br />
retrouvés presque par hasard avec un festival sur les<br />
bras, une manifest<strong>at</strong>ion indissociable de l’action que<br />
je mène au niveau départemental avec le Conseil Général<br />
de l’Aisne. Je suis aussi directeur d’une ADDM,<br />
l’ADAMA en l’occurrence, Associ<strong>at</strong>ion Départementale<br />
de Développement Musical. Dans les années 87-<br />
88, nos préoccup<strong>at</strong>ions furent de trouver un concept<br />
d’utilis<strong>at</strong>ion d’un lieu, cette abbaye bénédictine précisément,<br />
en restaur<strong>at</strong>ion, Saint-Michel-en-Thiérache.<br />
Elle se situe dans une commune au nord-est du<br />
département de l’Aisne, tout près de la frontière belge,<br />
à 200 km d’ici, une commune d’à peine 4 000<br />
habitants, rien à voir donc avec les secteurs urbains,<br />
peuplés, voire touristiques que nous évoquions tout à<br />
l’heure.<br />
À l’époque, le département n’avait pas du tout l’intention<br />
de créer un festival dans cette abbaye, il s’agissait<br />
plutôt d’élaborer un projet susceptible de faire vivre un<br />
lieu au potentiel important, à l’occasion de la première<br />
restaur<strong>at</strong>ion d’un orgue historique qui compte parmi<br />
les plus importants, édifié en 1714, dont il fallait<br />
faire un usage, la conserv<strong>at</strong>ion n’étant pas l’objectif<br />
exclusif qui nous animait. Il se trouve que l’instrument<br />
est situé dans un lieu architectural très privilégié, qui<br />
a révélé également <strong>des</strong> capacités d’accueil de la <strong>musique</strong><br />
vocale, de par ses qualités acoustiques. On nous a<br />
demandé de proposer un certain nombre de manifest<strong>at</strong>ions<br />
<strong>des</strong>tinées à un public de passage, de hasard je<br />
dirais, qui, à la faveur de ses découvertes, de ses bala<strong>des</strong><br />
dans les chemins de randonnées, etc., pouvait se<br />
voir, là, offrir de la <strong>musique</strong>.<br />
Très rapidement, il nous est apparu que cette démarche<br />
serait insuffisante, d’abord parce que le public luimême,<br />
il fallait se rendre à l’évidence, était inexistant.<br />
Très vite, il nous apparut important de concevoir un<br />
projet qui mette en valeur le site et ses potentialités<br />
n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>s, en particulier baroques : l’orgue, je vous<br />
le rapp<strong>elle</strong>, d<strong>at</strong>e de 1714 et, quant à la nef de l’abb<strong>at</strong>iale,<br />
<strong>elle</strong> a été reconstruite par un abbé italien au<br />
XVII e , si bien que se dresse au cœur de la Thiérache, en<br />
pleine campagne, une façade qui ressemble à c<strong>elle</strong> du<br />
Jésus à Rome ou à c<strong>elle</strong> du Val de Grâce à Paris. Toute<br />
chose donc qui, tout n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>ment, nous orientait vers<br />
la <strong>musique</strong> ancienne et la <strong>musique</strong> baroque.<br />
Il a donc fallu faire au public <strong>des</strong> propositions en parfaite<br />
adéqu<strong>at</strong>ion avec les contraintes du site. Saint-<br />
Michel-en-Thiérache est à l’écart de toute zone véritablement<br />
touristique, à l’écart <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> voies de<br />
communic<strong>at</strong>ion et ne dispose pr<strong>at</strong>iquement pas d’hôt<strong>elle</strong>rie<br />
de proximité qui permette d’accueillir en nombre<br />
un public. Assez rapidement, on a décidé d’organiser<br />
<strong>des</strong> concerts uniquement le dimanche, mais en favorisant<br />
quand même un déplacement éventu<strong>elle</strong>ment<br />
lointain d’un public motivé par quelque chose d’ordre<br />
événementiel, en rupture aussi avec les habitu<strong>des</strong> normales<br />
du concert. D’où la naissance d’un concept qui<br />
prévaut toujours d’ailleurs, dans le festival : <strong>des</strong> journées<br />
complètes de <strong>musique</strong>, s’étalant sur les dimanches<br />
uniquement, selon un schéma mis en œuvre à la<br />
faveur d’une journée spéciale que nous avions montée<br />
avec Radio-France à la Pentecôte 87, qui fut l’acte<br />
fond<strong>at</strong>eur du festival.<br />
En fait nous avons proposé au public de venir passer<br />
une journée à la campagne afin d’y écouter de<br />
la <strong>musique</strong> de très haut niveau : à 11 h 30, il assiste<br />
d’abord à un concert d’une heure sans pause, puis<br />
il peut déjeuner sur le site abb<strong>at</strong>ial, rencontrer les<br />
artistes à 15 heures pour un déb<strong>at</strong> informel, puis il<br />
est convié à un deuxième concert à 16 h 30 en deux<br />
parties, jusque vers 19 heures ou 20 heures selon les<br />
programmes. Transformer ainsi un handicap, celui de<br />
l’éloignement ou de l’isolement, en un <strong>at</strong>out marketing<br />
: oui, c’est loin, oui, c’est perdu, oui, on ne peut<br />
pas se loger, mais on se déplace quand même pour<br />
passer un dimanche à la fois artistique et ludique.<br />
Une démarche qu’a permise notre collabor<strong>at</strong>ion avec<br />
Radio-France, véritable mission de service public. Démarche<br />
extrêmement constructive, toujours prégnante<br />
aujourd’hui d’ailleurs afin de continuer à faire exister<br />
le festival et le développer. Nous avons donc contacté<br />
à l’époque les responsables de France Musiques, et<br />
leur avons proposé le projet que nous avions mis sur<br />
pied et que nous produisions : acheminer un public<br />
de Paris, puis d’agglomér<strong>at</strong>ions situées sur le trajet,<br />
à bord d’un train spécialement affrété à la gare du<br />
Nord dans le seul but d’assister à un moment particulier<br />
événementiel. 500 personnes furent réunies dans<br />
cette abbaye. Conformément au contr<strong>at</strong> avec France<br />
Musiques, la promotion a été assurée par l’antenne,<br />
les deux concerts étant eux retransmis en direct. Ce fut<br />
véritablement le point de départ du festival jusqu’à<br />
encore aujourd’hui. <strong>La</strong> rel<strong>at</strong>ion avec Radio France que<br />
je qualifiais de si importante, ne s’est pas arrêtée là.<br />
Elle s’est également enrichie de réalis<strong>at</strong>ions discographiques.<br />
Dès la première année, nous avons coproduit<br />
un enregistrement de l’orgue historique avec<br />
André ISOIR afin de permettre au public de repartir<br />
tout de suite avec une carte postale sonore du lieu. Et<br />
chaque année, nous avons procédé à <strong>des</strong> enregistrements<br />
réguliers, non seulement de l’orgue mais bien<br />
entendu aussi d’autres programmes vocaux ou instrumentaux<br />
car, je le précise, Saint-Michel-en-Thiérache<br />
est loin d’être un festival d’orgue. L’orgue, même<br />
s’il reste un emblème du lieu et marque son identité,<br />
est finalement très minoritairement utilisé dans les<br />
programmes du festival. <strong>La</strong> collabor<strong>at</strong>ion avec Radio-<br />
France a culminé en 95 avec la cré<strong>at</strong>ion d’une collection<br />
discographique intitulée Tempérament, précisément<br />
consacrée aux orgues historiques, mais sous<br />
un angle que nous avons voulu très ouvert, non pas<br />
simplement <strong>des</strong> disques récitals, mais <strong>des</strong> programmes<br />
associant la <strong>musique</strong> vocale et instrumentale à<br />
un orgue historique (pas uniquement celui de l’Abbaye<br />
de Saint-Michel-en-Thiérache, ceux aussi de<br />
Toulouse, Saint-Maximin de Provence ou même de<br />
l’étranger), collection coéditée par le département de<br />
l’Aisne et Radio France.<br />
C’est donc grâce à l’action conjuguée de deux services<br />
publics, territorial (le département) et n<strong>at</strong>ional (Radio<br />
France) qu’un public a pu être capté.<br />
Il faut ajouter un dernier point très important qui a<br />
contribué à renforcer la présence du public sur le lieu.<br />
Ce festival, loin d’être un projet isolé, s’allie à d’autres<br />
manifest<strong>at</strong>ions festivalières du département, c<strong>elle</strong> par<br />
exemple qui se déroule en automne à <strong>La</strong>on, ville préfecture,<br />
où a été monté en 89, en complémentarité<br />
avec celui de Saint-Michel-en-Thiérache, un festival<br />
de <strong>musique</strong>, consacré plutôt au répertoire <strong>des</strong> XIX e et<br />
XX e siècles. C’est là une façon de dynamiser le public<br />
local et régional, d’un festival à l’autre, d’une période<br />
de l’année à l’autre.<br />
De plus, suite à notre collabor<strong>at</strong>ion avec Radio-France,<br />
nous accueillons à <strong>La</strong>on toutes les form<strong>at</strong>ions permanentes<br />
de Radio-France, du N<strong>at</strong>ional au Philharmonique<br />
en passant par le chœur, etc.<br />
Mon objectif, aujourd’hui, est de continuer à capitaliser<br />
ces dynamiques et faciliter la circul<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics.<br />
Nous ne sommes évidemment pas dans les mêmes<br />
grilles de chiffres évoquées tout à l’heure. Saint-Michelen-Thiérache,<br />
c’est 5 000 personnes sur 5 dimanches<br />
consécutifs, de la mi-juin à la mi-juillet : 5 journées,<br />
10 concerts pour ainsi dire, et un public qui provient<br />
majoritairement de la grande région, même si on compte<br />
à peu près 10 % de Franciliens, auxquels s’ajoutent<br />
bien sûr aussi quelques accros indéfectibles du baroque<br />
qui empruntent tous les circuits spécialisés et suivent<br />
les plus grands interprètes. Il n’en reste pas moins que<br />
60% du public est constitué par les gens du département<br />
de l’Aisne et <strong>des</strong> régions limitrophes (la Champagne-Ardenne,<br />
le reste de la Picardie et du Nord-Pas-de-<br />
Calais, le bassin lillois, la Belgique…) Depuis trois ans,<br />
nous avons développé une manifest<strong>at</strong>ion de l’autre côté<br />
de la frontière : un concours de chant baroque au château<br />
de Chimey, également lié aux manifest<strong>at</strong>ions de<br />
Saint-Michel-en-Thiérache, gage d’ouverture bien sûr<br />
vers d’autres publics qui circulent de part et d’autre de<br />
la frontière, ce qui nous permet en outre de bénéficier de<br />
financements interrégionaux, non négligeables comme<br />
vous le savez.<br />
Voilà comment, sur une terre complètement vierge,<br />
nous avons pu mobiliser un public en tenant compte<br />
d’abord de la spécificité du lieu et de ce que nous voulions<br />
apporter.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
On voit déjà se <strong>des</strong>siner un certain nombre de lignes<br />
de force, me semble-t-il. On a parlé de la forme du<br />
concert, de la médi<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion, du prix, toute chose importante<br />
pour <strong>at</strong>tirer <strong>des</strong> gens. Je retiens un mot employé<br />
par René Martin : faire que le public dépasse<br />
ses complexes. Nécessité donc d’une pédagogie, d’une<br />
ouverture. Nous avons demandé à Hélène Jarry de réfléchir<br />
à cette question.<br />
Hélène JARRY<br />
« <strong>La</strong> démarche pédagogique dans les <strong>festivals</strong> », tel<br />
était le sujet de mon intervention. Je me suis permis<br />
d’infléchir le propos, en raison <strong>des</strong> limites de mes<br />
compétences d’une part et d’autre part en raison de<br />
mon intuition. <strong>La</strong> question se nuance d’interrog<strong>at</strong>ion :<br />
les <strong>festivals</strong> ont-ils une démarche pédagogique ? Exercent-ils<br />
un impact sur les élèves du système scolaire ?<br />
a t e l i e r 1<br />
10 11
a t e l i e r 1<br />
Je suis conseillère pour la <strong>musique</strong> de ce qui s’est<br />
d’abord appelé la mission de l’éduc<strong>at</strong>ion artistique,<br />
mise en place au Ministère de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale<br />
en 2000, connue aujourd’hui sous le nom de département<br />
<strong>musique</strong> du Centre N<strong>at</strong>ional de Document<strong>at</strong>ion<br />
Pédagogique. C’est en tant que t<strong>elle</strong> que je m’exprime.<br />
Est-ce que le fait d’appartenir à une mission ou à<br />
un département change mes envies et mon énergie ?<br />
je ne le crois pas. Ce travail me permet d’envisager<br />
à un niveau n<strong>at</strong>ional ce qui m’a toujours intéressée<br />
quand j’étais professeur de <strong>musique</strong>, à savoir la richesse<br />
que peut constituer le contact avec la <strong>musique</strong><br />
vivante, en train de se faire, la richesse que représente<br />
la rencontre d’artistes en chair et en os pour <strong>des</strong><br />
enfants et <strong>des</strong> adolescents qui ne reçoivent pas une<br />
éduc<strong>at</strong>ion musicale spécialisée, mais seulement c<strong>elle</strong><br />
dispensée à l’école, au collège ou au lycée. C’est donc<br />
essenti<strong>elle</strong>ment sous cet angle que je vais aborder la<br />
question qui nous préoccupe. Je n’ignore pas qu’une<br />
<strong>des</strong> gran<strong>des</strong> dimensions <strong>des</strong> actions pédagogiques <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong>, ce sont les masterclasses qui constituent sans<br />
doute numériquement les événements les plus nombreux<br />
où peut-être les formes d’intervention sont les<br />
plus abouties, les plus poussées. Cependant, pour ce<br />
que j’ai observé, même dans ce cadre-là, j’hésite à<br />
parler de démarche pédagogique <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, tant<br />
<strong>elle</strong> dépend de l’artiste lui-même. En vérité, autant<br />
d’artistes, autant de démarches pédagogiques.<br />
Resituons très brièvement les choses dans un contexte<br />
un peu plus vaste. Les partenari<strong>at</strong>s entre le milieu<br />
enseignant et les institutions musicales ne d<strong>at</strong>ent pas<br />
d’hier. Il y a longtemps qu’autour de certains orchestres<br />
et de certaines maisons d’opéras se sont bâties<br />
<strong>des</strong> politiques pour le jeune public, reflet souvent de<br />
très fortes personnalités et reposant pour beaucoup sur<br />
de vrais militants de l’action pédagogique cultur<strong>elle</strong><br />
artistique. Ce qui me semble avoir changé, disons à<br />
partir du plan pour les arts à l’école, lancé en 2000,<br />
c’est le fait qu’on ait reconnu la légitimité de leurs<br />
actions. Trop souvent en effet, il a fallu que les enseignants<br />
se b<strong>at</strong>tent, au sein même de leur établissement,<br />
pour justifier le simple fait d’emmener les élèves<br />
au concert, les y préparer, etc. Il est très important<br />
de donner une légitimité, d’accorder <strong>des</strong> moyens financiers,<br />
ce qui a été fait, enfin de fixer un cadre, ce<br />
qui évite le gâchis ou la dispersion, tant sont riches les<br />
propositions artistiques, surgies <strong>des</strong> orchestres, maisons<br />
d’opéras, ensembles et <strong>festivals</strong>.<br />
Un dispositif a été mis en place qui s’app<strong>elle</strong> les classes<br />
à projets artistiques et culturels. Même si toutes les actions<br />
qu’on peut imaginer n’entrent pas forcément dans<br />
ce cadre, son mérite est d’avoir fixé une sorte d’idéal de<br />
ce qu’est un vrai contact artistique intégré à la vie de la<br />
classe, non pas la cerise sur le gâteau, non pas la sortie<br />
qui ne rime à rien, mais quelque chose qui a un avant,<br />
un pendant et un après. Ce dispositif est vraiment très<br />
intéressant parce qu’il envisage cette mise en contact<br />
<strong>des</strong> enfants avec les artistes et la <strong>musique</strong> vivante. Il<br />
vaut d’ailleurs pour toutes les disciplines artistiques, tant<br />
il a une vraie dimension, une véritable ambition. Une<br />
t<strong>elle</strong> ambition est-<strong>elle</strong> comp<strong>at</strong>ible avec le côté éphémère<br />
d’un festival ? On serait presque tenté de répondre<br />
par la nég<strong>at</strong>ive si <strong>des</strong> contre-exemples n’existaient pas,<br />
que je voudrais vous présenter car je crois énormément<br />
à l’effet de contagion.<br />
Par rapport à de tels projets, le handicap d’un festival<br />
tient d’une part à sa présence réduite dans le temps,<br />
d’autre part à son équipe de fonctionnement, <strong>elle</strong> aussi<br />
souvent réduite. De plus, certains <strong>festivals</strong> semblent<br />
d’emblée hors course parce qu’ils ont lieu l’été, hors de<br />
toute période scolaire. Pour d’autres, il est trop difficile<br />
de concevoir un dispositif qui fasse qu’une personne<br />
de l’équipe puisse assurer le dialogue essentiel avec<br />
les enseignants qui vont avoir envie de profiter de cette<br />
occasion. Alors, dans un premier temps, avec l’aide<br />
de France Festivals, j’ai cherché à obtenir <strong>des</strong> données<br />
numériques et donc consulté <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Pour 2002,<br />
sur 45 membres actifs, 15 ont mené <strong>des</strong> masterclasses,<br />
<strong>des</strong> académies, <strong>des</strong> stages pour adultes, ce qui fait une<br />
soixantaine de manifest<strong>at</strong>ions environ, 13 <strong>festivals</strong> ont<br />
eu <strong>des</strong> actions avec <strong>des</strong> classes. Mais il est assez difficile<br />
de connaître avec précision le contenu de ces actions.<br />
Pour les organis<strong>at</strong>ions abonnées, sur 36 <strong>festivals</strong>, 10 ont<br />
mené 15 masterclasses et 7 actions avec <strong>des</strong> classes. Les<br />
manifest<strong>at</strong>ions avec les classes se monteraient au nombre<br />
de 41, mais j’ai remarqué que le festival de Brault<br />
sous Valmy, à lui seul, en compte 20, ce qui brouille<br />
complètement mes st<strong>at</strong>istiques.<br />
Alors j’ai envoyé un questionnaire pour avoir un peu<br />
plus d’inform<strong>at</strong>ions sur les actions avec le milieu scolaire<br />
: le bide complet ! Peut-être est-ce là le signe de<br />
la difficulté dans laqu<strong>elle</strong> se trouvent les <strong>festivals</strong> d’assurer<br />
un suivi rel<strong>at</strong>ionnel au-delà de leur stricte période<br />
d’activité ? Donc pas de possibilité d’établir <strong>des</strong><br />
st<strong>at</strong>istiques signific<strong>at</strong>ives à partir <strong>des</strong> données chiffrées<br />
que j’ai obtenues, d’autant plus que même les <strong>festivals</strong><br />
qui ont une très importante action pédagogique<br />
ne la font pas forcément figurer dans leurs tablettes.<br />
Il n’est qu’à vous reporter à l’intervention de deux de<br />
nos interlocuteurs à cette table : l’un a évoqué le travail<br />
très important fait avec le conserv<strong>at</strong>oire de Strasbourg,<br />
et, quant aux Folles journées de Nantes, il va<br />
de soi que s’effectue un travail avec le milieu scolaire.<br />
Malgré le manque de chiffres, je vais évoquer quelques<br />
exemples signific<strong>at</strong>ifs.<br />
Prenons le cas du Festival d’Île de France qui me<br />
donne l’occasion de fournir un témoignage qualit<strong>at</strong>if,<br />
toujours utile pour alimenter et enrichir nos pr<strong>at</strong>iques.<br />
Le <strong>des</strong>criptif et le bilan de ce qui a été fait<br />
m’ont été donnés par un prof de <strong>musique</strong> de région<br />
parisienne, très investi. Raoul <strong>La</strong>y, chef d’orchestre<br />
de l’ensemble Télémaque de Marseille, est intervenu<br />
au collège Saint-Exupéry de Vincennes au mois<br />
d’octobre, dans le cadre de ce festival. Son travail<br />
avec les élèves de cinquième a consisté en une initi<strong>at</strong>ion<br />
à la direction d’orchestre, sur l’œuvre de Manuel<br />
de Falla, L’Amour sorcier. Pour donner à cette<br />
expérience toute sa valeur, <strong>elle</strong> a été inscrite dans le<br />
projet d’établissement. Un travail interdisciplinaire<br />
s’est rapidement mis en route avec d’autres professeurs<br />
du collège : le professeur d’espagnol a sensibilisé<br />
les élèves à la culture gitane et au flamenco et<br />
les élèves ont assisté à une projection du film Noces<br />
de sang. En géographie, le professeur a fait découvrir<br />
l’Andalousie, celui de français a travaillé sur <strong>des</strong><br />
extraits du Livret et, en <strong>at</strong>tendant la venue du chef,<br />
le professeur d’éduc<strong>at</strong>ion musicale a familiarisé les<br />
élèves avec la partition de l’Amour sorcier et sa <strong>musique</strong>.<br />
Ensuite Raoul <strong>La</strong>y a pris en charge les élèves,<br />
constitués de 2 groupes de 12, à raison de 4 heures<br />
par jour environ. Un concert a eu lieu, le 10 octobre<br />
en soirée, au Théâtre Daniel Sorano de Vincennes,<br />
au cours duquel les élèves ont, à tour de rôle, dirigé<br />
l’orchestre. Expérience extraordinaire et très riche<br />
selon les élèves, les professeurs et les musiciens.<br />
Enfin, les élèves ont participé le mercredi 8 octobre<br />
à l’émission « Un poco agit<strong>at</strong>o », diffusée depuis la<br />
Maison de Radio France. Vous voyez qu’il s’agit là<br />
d’une action extrêmement fouillée, très complexe,<br />
complète, qui a nécessité un réel investissement. On<br />
est à 1 000 lieues de l’image bébête de la simple<br />
sortie d’élèves.<br />
Un autre bilan très intéressant est venu d’enseignants<br />
qui ont travaillé dans le cadre du Festival d’Aix-en-<br />
Provence, qui, lui, a lieu au mois de juillet, donc hors<br />
temps scolaire… Mais il se trouve que pour préparer<br />
les spectacles, du fait aussi de l’existence de l’Académie<br />
européenne de <strong>musique</strong> qui travaille beaucoup en<br />
amont à Aix-en-Provence, l’équipe artistique est présente<br />
sur les lieux pendant la période scolaire. Donc,<br />
depuis 1998, un programme d’actions pédagogiques<br />
de sensibilis<strong>at</strong>ion à l’opéra est proposé par le Festival<br />
d’art lyrique aux collèges et lycées, véritable contr<strong>at</strong><br />
de confiance réciproque entre le festival d’une part,<br />
et les enseignants et les élèves d’autre part, qui s’engagent<br />
à travailler ensemble. Ainsi, entre janvier et<br />
juin, beaucoup d’événements : interventions de certains<br />
artistes auprès <strong>des</strong> classes, évoquant les œuvres<br />
de manière très complète, interventions qui donnent<br />
m<strong>at</strong>ière ensuite à une explor<strong>at</strong>ion et à <strong>des</strong> éclaircissements<br />
par l’enseignant. Une répartition <strong>des</strong> rôles<br />
ainsi bien comprise entre l’artiste et l’enseignant. Ou<br />
bien encore, visite par les élèves <strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers de Ven<strong>elle</strong>s,<br />
qui, plongeant les élèves au cœur du spectacle,<br />
provoque l’enthousiasme. Sans oublier le plaisir<br />
de la rencontre avec les jeunes artistes de l’Académie<br />
européenne de <strong>musique</strong>. Enfin proposition est faite par<br />
le festival d’un tarif scolaire préférentiel de 10 euros<br />
pour faciliter aux élèves l’accès aux spectacles. Ce qui<br />
me semble très intéressant dans ce cas-là, c’est qu’un<br />
gros travail prépar<strong>at</strong>oire s’opère dans le cadre scolaire,<br />
assumé par un large encadrement, mais qu’ensuite<br />
les élèves, individu<strong>elle</strong>ment, ont la possibilité de faire<br />
le choix d’aller ou non au spectacle, disposant ainsi<br />
d’une large autonomie vis-à-vis de la proposition<br />
qui leur a été faite, pas du tout contraints par un dispositif<br />
d’encadrement trop strict. On const<strong>at</strong>e que les<br />
élèves, après avoir découvert le travail <strong>des</strong> musiciens,<br />
sont présents en nombre au spectacle, malgré sa programm<strong>at</strong>ion<br />
en juillet.<br />
Il faut en particulier souligner, et les enseignants le<br />
font, le rôle majeur de la personne, issue de la structure<br />
festivalière, qui assure vraiment une continuité entre<br />
le projet et sa mise en œuvre complète. Les liens<br />
qui se créent sont essentiels.<br />
Je pourrais vous donner beaucoup d’autres exemples.<br />
Ici, à Royaumont, <strong>des</strong> actions pédagogiques ont été<br />
mises en place, liées à chaque saison. Même chose<br />
à <strong>La</strong> Villette, lors <strong>des</strong> manifest<strong>at</strong>ions de jazz. Je peux<br />
aussi évoquer une incroyable histoire, c<strong>elle</strong> d’un festival<br />
qui a sauvé un collège. À Marciac, dans le Sud-<br />
Ouest, un collège perdait beaucoup de ses élèves. Son<br />
proviseur, également président du festival de jazz de<br />
Marciac, a t<strong>elle</strong>ment nourri la vie de son collège de<br />
c<strong>elle</strong> du festival, que <strong>des</strong> classes musicales ont dû y<br />
être créées. Maintenant les élèves de la région se b<strong>at</strong>tent<br />
pour s’y faire inscrire.<br />
Alors qu<strong>elle</strong>s perspectives ? Évidemment très diverses<br />
en fonction <strong>des</strong> acquis. Des enseignants, très contents<br />
<strong>des</strong> bénéfices pédagogiques que leur procurent<br />
les <strong>festivals</strong>, pensent que ces derniers jouent un rôle<br />
tout aussi important que certains orchestres, opéras<br />
ou autres lieux de diffusion permanents. Dans d’autres<br />
endroits, les choses sont plus embryonnaires, voire<br />
inexistantes. En tout cas, si l’on veut élargir les publics,<br />
ne serait-ce que dans un esprit citoyen et pas<br />
seulement utilitariste ou mercantile, ces expériences<br />
sont riches d’enseignement.<br />
Inclure notamment les parents à la communauté éduc<strong>at</strong>ive,<br />
faire qu’ils se sentent concernés par les projets<br />
pédagogiques en place, est une démarche très<br />
forte. J’ai visité <strong>des</strong> classes ayant suivi <strong>des</strong> initi<strong>at</strong>ions<br />
à l’opéra, dont certains <strong>des</strong> enfants ne pouvaient partager<br />
avec leurs parents les émotions qu’ils avaient<br />
ressenties en allant à l’opéra, en écoutant un répertoire,<br />
très étranger à celui de leur tradition familiale et<br />
à leurs habitu<strong>des</strong> d’écoute. Or, outre les sensibiliser,<br />
faire aussi que les élèves puissent parler de ces choses-là<br />
chez eux, convier élèves et parents aux manifest<strong>at</strong>ions,<br />
c’est aussi extrêmement important. Une action<br />
éduc<strong>at</strong>ive réussie, c’est aussi élargir le public à partir<br />
de l’action éduc<strong>at</strong>ive <strong>elle</strong>-même.<br />
En conclusion, pas de généralis<strong>at</strong>ion : les <strong>festivals</strong> ne<br />
génèrent pas de fait une démarche pédagogique, mais<br />
je crois que certains <strong>festivals</strong> en adoptent une, souvent<br />
originale, qui me semble pouvoir servir de déclencheur,<br />
afin que plus nombreux soient les <strong>festivals</strong><br />
qui jouent un rôle dans l’éveil culturel et artistique <strong>des</strong><br />
enfants et <strong>des</strong> adolescents.<br />
Je voudrais finir avec quelques données pr<strong>at</strong>iques. Récemment<br />
est paru un livre blanc sur les actions pédagogiques<br />
<strong>des</strong> orchestres, édité par l’AFO (l’associ<strong>at</strong>ion<br />
française <strong>des</strong> orchestres), un livre très riche de témoignages<br />
sur <strong>des</strong> actions pédagogiques conduites par les<br />
ensembles instrumentaux et les orchestres. Au Ministère<br />
de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale, au CNDP qui en est l’organisme<br />
de document<strong>at</strong>ion, nous avons ouvert un site<br />
sur les arts et la culture, dont je vous donne l’adresse :<br />
www.artsculture.educ<strong>at</strong>ion.fr. Vous y trouverez tous<br />
les dispositifs récemment impulsés, depuis 2000, sur<br />
l’éduc<strong>at</strong>ion artistique à l’école, et, pour les gens particulièrement<br />
intéressés par les questions musicales,<br />
<strong>des</strong> dispositifs comme la mise en place de chartes de<br />
pr<strong>at</strong>iques vocales au niveau départemental. En tant<br />
que membres de cette grande communauté qui promeut<br />
la <strong>musique</strong>, c’est important que vous soyez au<br />
courant <strong>des</strong> outils mis en place. À votre disposition,<br />
existe aussi une liste de diffusion à laqu<strong>elle</strong> vous pouvez<br />
vous abonner, vous pourrez y lire <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions,<br />
essenti<strong>elle</strong>ment dans le domaine de la rel<strong>at</strong>ion Culture/Éduc<strong>at</strong>ion<br />
N<strong>at</strong>ionale. Cette liste de diffusion et ce<br />
site peuvent aussi faire circuler <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions venant<br />
de vous, concernant en priorité le public scolaire.<br />
Donc si vous avez <strong>des</strong> actions à faire connaître, à valoriser,<br />
si vous avez <strong>besoin</strong> de conseils, je vous engage<br />
fortement à entrer en contact avec ce département<br />
arts et culture.<br />
Les <strong>festivals</strong><br />
ne génèrent pas<br />
de fait une démarche<br />
pédagogique,<br />
mais certains <strong>festivals</strong><br />
en adoptent une,<br />
souvent originale.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Il nous reste un peu de temps pour discuter. Je vous<br />
propose de rebondir sur ce qui a été dit, de le compléter<br />
peut-être.<br />
Philippe ARNOLD<br />
Directeur - Dominicains<br />
de Haute-Alsace à Guebwiller<br />
Un sujet me semble n’avoir été qu’effleuré par les intervenants<br />
: celui <strong>des</strong> moyens qu’investissent aujourd’hui<br />
les <strong>festivals</strong> et d’autres organis<strong>at</strong>eurs dans la communic<strong>at</strong>ion,<br />
dans la publicité. Or ils prennent une part croissante,<br />
voire exponenti<strong>elle</strong>, au vu de la quantité incroyable<br />
de plaquettes, programmes de diffusion que nous recevons.<br />
Les frais occasionnés par les graphistes, les publicitaires,<br />
les frais d’envois, etc., prennent une proportion<br />
importante, qui va croissante, grignotant les budgets.<br />
Est-ce qu’ils contribuent à augmenter les publics, à<br />
les diversifier, à les toucher, à les informer ? Qu<strong>elle</strong> est la<br />
part consacrée aux artistes, aux budgets artistiques, ... ?<br />
Qu’en pense l’un ou l’autre <strong>des</strong> intervenants ?<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Qu<strong>elle</strong> est votre position à vous ?<br />
Philippe ARNOLD<br />
N’est-on pas en train d’assister à une fuite en avant où<br />
chacun est obligé de mettre plus pour pouvoir convaincre<br />
encore par rapport à d’autres organis<strong>at</strong>eurs, pour « rameuter<br />
» plus de public. On passe du programme aux affiches<br />
4 x 3, aux insertions publicitaires dans les journaux ;<br />
aujourd’hui un certain nombre de journaux de la presse<br />
quotidienne régionale disent très clairement : si vous voulez<br />
<strong>des</strong> couvertures d’annonces et même de critiques, il<br />
faut payer, ce qui est nouveau, c’est le cas en Alsace où se<br />
pr<strong>at</strong>ique une espèce de surenchère. Faut-il vraiment qu’on<br />
continue tous à consacrer autant d’argent et autant de<br />
moyens à la communic<strong>at</strong>ion pour convaincre <strong>des</strong> publics ?<br />
a t e l i e r 1<br />
12 13
a t e l i e r 1<br />
Jean-Dominique MARCO<br />
En ce qui concerne Musica, le budget de communic<strong>at</strong>ion<br />
qui comporte la conception de l’image, notre<br />
avant-programme, le livre-programme, les ach<strong>at</strong>s<br />
espace-presse, les cartons d’invit<strong>at</strong>ion, les cartons<br />
de vœux, les frais du photographe qui couvre le festival,<br />
bref, tout ce qui est communic<strong>at</strong>ion représente<br />
120 000 euros sur un budget d’1 900 000 euros. Je<br />
peux vous dire qu’il y a vingt ans lorsque le festival<br />
a été lancé, le budget communic<strong>at</strong>ion était de l’ordre<br />
10 000 euros sur un budget qui ne devait pas dépasser<br />
les 65 000 euros. C’était tout à fait nécessaire<br />
au début car il fallait donner à cette manifest<strong>at</strong>ion<br />
une existence médi<strong>at</strong>ique importante. Je vous signale<br />
aussi qu’à part un supplément de 8 pages que je<br />
réalise avec le quotidien régional, je n’achète pas<br />
un seul espace presse. Je dois dire qu’aujourd’hui,<br />
la communic<strong>at</strong>ion de Musica est assurée par les médias<br />
; nous avons une revue de presse qui représente<br />
plus de 300 articles. En ce qui concerne le budget<br />
artistique - et j’ai toujours tenu, ainsi que mes<br />
prédécesseurs, à ce que l’essentiel du budget aille<br />
dans l’artistique – il représente 60 %, les frais de<br />
fonctionnement 24 % et les frais de communic<strong>at</strong>ion<br />
moins de 10 %. Précisons que la plupart <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
comme Musica sont financés à 70-75 % par les<br />
pouvoirs publics, l’Ét<strong>at</strong>, la Ville, le Département, la<br />
Région, ce qui est normal, puisque nous remplissons<br />
une mission de service public, à savoir la mise en valeur<br />
du travail <strong>des</strong> artistes. L’essentiel du budget est<br />
donc consacré à l’artistique. Encore une fois, en ce<br />
qui concerne la communic<strong>at</strong>ion, ce sont davantage<br />
les médias qui viennent à moi plutôt que l’inverse.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Il faut tout de même préciser que tout le monde n’est<br />
pas égal face à la médi<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion. C’est plus facile<br />
quand on est Musica que quand on est une petite<br />
structure qui doit se faire connaître.<br />
René MARTIN<br />
Le budget est quasiment le même chez nous puisque<br />
la communic<strong>at</strong>ion représente 10 %, soit environ<br />
150 000 euros qui constituent notre budget. C’est<br />
vrai que, quand Diapason consacre 40 pages de rédactionnel<br />
à la Folle journée, il ne me demande rien.<br />
Et quand le Monde de la Musique fait un supplément<br />
spécial de 80 pages, même chose. Arte, au mois de<br />
janvier prochain, sera en direct, chose exceptionn<strong>elle</strong>,<br />
le samedi soir et le dimanche, pendant une heure<br />
et demie. Ce sera Arte qui paiera les droits aux<br />
artistes. Si France Musiques ou France-Culture sont<br />
là, ce sont ces radios qui les paient. Alors c’est vrai<br />
qu’on n’est pas tous égaux. Ce sont les contenus, les<br />
projets qui déclenchent les retombées médi<strong>at</strong>iques.<br />
<strong>La</strong> Roque d’Anthéron, aujourd’hui, a toujours de très<br />
bonnes retombées presse. Mais ça se travaille aussi,<br />
la communic<strong>at</strong>ion. Il faut innover, apporter sans cesse<br />
de nouv<strong>elle</strong>s choses. Quand j’entends dire « les<br />
journalistes sont incompétents », ce n’est pas vrai du<br />
tout. Il faut les respecter et leur donner <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions<br />
concrètes et précises, alors ils vont vous faire de<br />
très beaux articles. À Tours, dans la Grange de Meslay,<br />
depuis plusieurs années, on a <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s<br />
avec la Nouv<strong>elle</strong> République, jamais on ne nous a<br />
fait de chantage (sans partenari<strong>at</strong>, pas d’articles).<br />
J’en ai aussi avec Ouest-France et dans le Midi de la<br />
France avec d’autres journaux.<br />
Jean-Dominique MARCO<br />
Le problème, c’est que, dès qu’il s’agit <strong>des</strong> médias,<br />
il faut être original. Si vous avez une proposition<br />
qui ressemble fichtrement à c<strong>elle</strong>s d’autres <strong>festivals</strong>,<br />
c’est sûr, on aura beaucoup de mal à <strong>at</strong>tirer<br />
les médias. S’ils ne parlent pas de vous, vous allez<br />
être obligés de parler vous-mêmes de vous, donc<br />
d’acheter <strong>des</strong> espaces. Or faire preuve d’originalité,<br />
c’est vraiment difficile, même pour un festival<br />
connu.<br />
Une piste intéressante<br />
à explorer si on se<br />
soucie d’élargir <strong>des</strong><br />
publics, c’est donc<br />
de tisser <strong>des</strong> liens<br />
entre les structures<br />
permanentes<br />
et les lieux et<br />
les équipes qui<br />
s’occupent<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Pour clore la question <strong>des</strong> médias, je voudrais dire<br />
juste une chose, y travaillant moi-même. On ne peut<br />
pas nier de leur part <strong>des</strong> phénomènes d’emballement,<br />
de focalis<strong>at</strong>ion sur un certain nombre d’événements.<br />
Nous-mêmes à France-Culture, il faut parfois<br />
savoir résister pour pouvoir parler aussi d’autres choses.<br />
Il y a une dimension qu’il ne faut pas oublier :<br />
c’est son sujet qui valorise le journaliste. Donc si<br />
vous traitez <strong>des</strong> petites choses, vous ne vous valorisez<br />
pas du tout de la même façon. Je pense qu’on<br />
est tous pris dans ces contradictions-là. D’autres<br />
journalistes pourraient en témoigner.<br />
Isab<strong>elle</strong> du SAILLANT<br />
Présidente - Festival de la Vézère<br />
Je voudrais juste témoigner peut-être <strong>des</strong> petits <strong>festivals</strong>,<br />
pour lesquels les problèmes sont différents. Les<br />
petits <strong>festivals</strong> animent quantité de lieux : dans une<br />
zone rurale, il s’agit de petits villages, d’églises, nécessitant<br />
<strong>des</strong> programm<strong>at</strong>ions adaptées. Pourtant,<br />
avec <strong>des</strong> moyens moins grands, ils arrivent à séduire<br />
un public local très important, presque 70 % du public<br />
régional (ex : les <strong>festivals</strong> de la Tarentaise, de l’Orne<br />
ou du Comminges). Quand on a, comme moi, 12 lieux<br />
en charge, ça complique beaucoup la programm<strong>at</strong>ion<br />
et c’est un long travail que d’approcher ce public nouveau,<br />
quelque chose qui s’inscrit dans le temps. De<br />
plus, nos budgets, en comparaison <strong>des</strong> vôtres, sont assez<br />
faibles, mais même compar<strong>at</strong>ivement, la part de<br />
communic<strong>at</strong>ion paraît beaucoup plus lourde. Donc on<br />
est contraint à une communic<strong>at</strong>ion de type différent :<br />
énormément de bouche à oreille, de rapports locaux<br />
avec les élus (conseils municipaux). Une communic<strong>at</strong>ion,<br />
par la force <strong>des</strong> choses, pas très chère, mais<br />
très efficace. En revanche, au plan de la notoriété, <strong>elle</strong><br />
l’est moins. Et pourtant, en dépit de la mo<strong>des</strong>tie <strong>des</strong><br />
moyens ou <strong>des</strong> lieux, ces petits <strong>festivals</strong> sont d’une très<br />
grande qualité artistique.<br />
René MARTIN<br />
Je voudrais ajouter autre chose à propos de la communic<strong>at</strong>ion.<br />
Au moment de la Folle Journée, le long<br />
du périphérique à Paris, s’affichent <strong>des</strong> 4 x 3 m. Ce<br />
n’est pas moi qui les finance, je n’ai jamais cherché<br />
à les avoir. Alors, c’est qui ? C’est la ville de Nantes,<br />
parce qu’<strong>elle</strong> estime qu’aujourd’hui, la Folle Journée,<br />
c’est une très, très b<strong>elle</strong> image pour <strong>elle</strong>. Et<br />
c’est son service de la Communic<strong>at</strong>ion qui dégage un<br />
budget, je n’en suis même pas informé. Il s’est seulement<br />
engagé à respecter l’esprit de la Folle Journée.<br />
Depuis l’année dernière, on a élargi la Folle<br />
Journée au niveau de la région <strong>des</strong> Pays de la Loire.<br />
Il est évident que la Région, aujourd’hui, se sert de<br />
l’image de la Folle Journée pour communiquer, mes<br />
budgets ne sont en rien concernés par la question.<br />
En vérité, ça fait plus de 20 ans que je m’occupe de<br />
<strong>festivals</strong>, j’ai commencé par de toutes petites opér<strong>at</strong>ions,<br />
qui ont pris ensuite de l’ampleur. Il n’y a pas<br />
de petits ou de grands <strong>festivals</strong>, il y a <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
de qualité. Un petit festival en milieu rural avec une<br />
très, très jolie programm<strong>at</strong>ion, dans de très beaux<br />
endroits, peut avoir de bonnes chances d’être médi<strong>at</strong>isé,<br />
susciter l’<strong>at</strong>tention d’un journaliste qui aura<br />
envie de traiter le sujet. Mais est-ce que son rédacteur<br />
en chef va accepter ce sujet ? On s’aperçoit que<br />
les journalistes sont présents sur le terrain, ont envie<br />
d’écrire <strong>des</strong> articles. Mais comme les sujets n’offrent<br />
pas un intérêt général, ils ne passent pas.<br />
Bé<strong>at</strong>rice de ROQUEMAUREL<br />
Itinéraire baroque<br />
Festival du Périgord Vert<br />
Nous sommes situés dans le Périgord Vert. Nous<br />
sommes un tout petit festival qui vient à peine d’être<br />
créé. Nous avons fait notre deuxième saison, au<br />
mois de juillet dernier. Notre directeur artistique est<br />
Tom Koopman, donc quelqu’un de qualité. Des artistes<br />
se produisent dans cinq petites églises romanes.<br />
Le public se déplace d’église en église, sur une journée,<br />
concert la veille, grand concert le lendemain.<br />
Un projet pédagogique a été mis sur pied grâce à<br />
l’initi<strong>at</strong>ive d’une institutrice, passionnée par la <strong>musique</strong><br />
baroque, et qui travaille avec nous dans l’associ<strong>at</strong>ion.<br />
Elle a contacté les instituteurs <strong>des</strong> villages<br />
environnants. 90 enfants du niveau primaire ont été<br />
ainsi concernés par l’opér<strong>at</strong>ion. Pendant un mois, les<br />
enfants ont travaillé sur la <strong>musique</strong> baroque, les instruments,<br />
les costumes de l’époque ; ils ont visité les<br />
églises, observé l’architecture (on a aussi un projet<br />
architectural). Ensuite, Tom Koopman a joué devant<br />
eux, leur a expliqué la composition d’une œuvre, ça<br />
a duré à peu près 3/4 d’heure (il ne faut pas que ce<br />
soit trop long pour les enfants), puis il a discuté avec<br />
eux, ils ont pu toucher l’instrument, jouer sur un clavecin,<br />
pr<strong>at</strong>iquement pendant toute une m<strong>at</strong>inée entière.<br />
Ils sont repartis émerveillés. On en a reparlé,<br />
ils lui ont envoyé <strong>des</strong> mails pour lui dire combien ils<br />
avaient été enthousiasmés par ce qui s’était passé.<br />
Et pendant le festival, <strong>des</strong> gens sont venus nous dire<br />
que ce sont leurs enfants, ceux-là mêmes qui avaient<br />
participé à l’<strong>at</strong>elier, qui leur ont donné envie de venir.<br />
Cette année, le projet prend de l’ampleur, puisqu’il<br />
touche non seulement <strong>des</strong> enfants du primaire<br />
d’autres communes, mais aussi deux classes de<br />
cinquième. Il y aura donc 2 concerts : une première<br />
partie pour les enfants du primaire, CE1 CE2, CM1,<br />
CM2, une seconde pour <strong>des</strong> enfants de collège qui<br />
ont déjà une petite pr<strong>at</strong>ique musicale.<br />
Benoît DEBUYST<br />
Responsable de la communic<strong>at</strong>ion<br />
Festival de Wallonie<br />
On a parlé de la nécessité de l’ancrage local. M. Martin,<br />
vous avez donné comme exemple celui <strong>des</strong> commerçants<br />
relais. Le milieu <strong>des</strong> commerçants, a priori, ne<br />
constitue pas, le meilleur <strong>des</strong> vecteurs culturels. <strong>La</strong> façon<br />
dont vous avez fait appel à eux m’a intrigué. Comment<br />
les avez-vous convaincus au tout début, avant<br />
que les Folles Journées ne soient connues ? Comment<br />
avez-vous réussi à les réunir, alors qu’ils comptent leur<br />
temps, qu’est-ce que vous leur avez dit pour les faire<br />
participer, qu’est-ce qu’ils y ont trouvé comme avantages,<br />
et puis, comment avez-vous pu les former pour<br />
qu’ils puissent diffuser l’inform<strong>at</strong>ion t<strong>elle</strong> que vous<br />
vouliez la faire diffuser ?<br />
René MARTIN<br />
Il existe <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions de commerçants qui se regroupent<br />
en fonction de leur spécificité (boulangerie,<br />
charcuterie, etc.). On les a invitées, l’une après l’autre,<br />
ce qui m’a demandé beaucoup de temps : il a fallu<br />
leur donner <strong>des</strong> explic<strong>at</strong>ions sur la programm<strong>at</strong>ion, sur<br />
les artistes. J’ai tenu aussi à faire passer ce message, à<br />
savoir que nos sociétés riches d’aujourd’hui ont <strong>besoin</strong><br />
de <strong>musique</strong>, de théâtre, de danse ; apparemment, ils<br />
l’ont entendu. D’ailleurs, si je voulais être efficace,<br />
c’était important qu’ils y croient, eux aussi. Mais j’ai<br />
fait le même travail avec tous les professeurs de <strong>musique</strong><br />
<strong>des</strong> collèges, qu’on a réunis par l’intermédiaire du<br />
rector<strong>at</strong>. J’ai été présent sur le terrain de tous les relais<br />
possibles qui me semblaient à moi importants.<br />
Lors de la Folle Journée consacrée à Bach, ce sont les<br />
associ<strong>at</strong>ions <strong>des</strong> commerçants <strong>elle</strong>s-mêmes qui ont<br />
pris l’initi<strong>at</strong>ive. Elles sont venues me voir et m’ont<br />
dit : « On a eu une idée : on va distribuer une pochette<br />
de disque vide dans les 160 000 boîtes aux lettres<br />
de Nantes, les gens viendront récupérer le disque<br />
dans nos boutiques ». Vous vous rendez compte ? Du<br />
Bach acheté au kilo ! Mais, pour moi, les versions de<br />
Bach proposées devaient être c<strong>elle</strong>s <strong>des</strong> artistes qui se<br />
produisaient à la Folle Journée, Philippe Herreweghe,<br />
Rias Kammerchor, il fallait donc négocier auprès d’eux<br />
la gr<strong>at</strong>uité <strong>des</strong> droits, ce qu’ils ont accepté, Rias m’a<br />
donné un motet. Cela a été une merveilleuse opér<strong>at</strong>ion<br />
! Cette année encore, les commerçants se sont<br />
chargés de distribuer, dès le 10 décembre dans leurs<br />
boutiques, un disque comportant <strong>des</strong> extraits <strong>des</strong> œuvres<br />
présentées à la Folle Journée. Toute l’opér<strong>at</strong>ion<br />
est financée par les commerçants. Aujourd’hui, surtout<br />
dans les magasins de disques ou dans les librairies, ils<br />
proposent à la vente <strong>des</strong> publicités sur le lieu de vente,<br />
de petites décor<strong>at</strong>ions, <strong>des</strong> kits, comme <strong>des</strong> notes de<br />
<strong>musique</strong> ou un violon par exemple, qui seront reproposées<br />
les années suivantes. Et quand un journaliste<br />
de FR3 se présente, je lui dis : « Allez donc chez ce<br />
fleuriste qui, pour décorer sa vitrine, s’est inspiré de<br />
la thém<strong>at</strong>ique de la Folle Journée. Elle est absolument<br />
extraordinaire ! ». Quand ce fleuriste se voit alors dans<br />
le journal de 20 heures sur FR3, je peux vous dire que<br />
tous les autres commerçants de Nantes n’en reviennent<br />
pas et sont contents.<br />
Au moment de la Folle Journée Brahms, un charcutier<br />
de Nantes me contacte et me dit : « Tous les<br />
jours, je dois proposer un nouveau pl<strong>at</strong>. Et si je proposais<br />
sur une journée les pl<strong>at</strong>s préférés de Brahms ? »<br />
Je trouve ça formidable. J’app<strong>elle</strong> les musicologues à<br />
Vienne, huit jours après j’ai la liste <strong>des</strong> pl<strong>at</strong>s préférés<br />
de Brahms. Le commerçant a eu un succès fou.<br />
Le lendemain, il m’a dit : « M. Martin, l’année prochaine,<br />
c’est le syndic<strong>at</strong> entier de la charcuterie qui va<br />
participer. ».<br />
Pour moi, c’est très important qu’une manifest<strong>at</strong>ion pénètre<br />
profondément dans la ville, et c’est vrai que les<br />
Nantais, aujourd’hui, sont très fiers de la Folle Journée.<br />
Les gens regardent les inform<strong>at</strong>ions, lisent dans les journaux<br />
locaux les papiers, et puis, pour certains, le déclic<br />
se produit. Ils viennent à la Folle Journée.<br />
L’intérêt porté aux scolaires doit rester fondamental.<br />
Quand j’ai créé la première Folle Journée, j’ai engagé<br />
deux mois avant la manifest<strong>at</strong>ion une opér<strong>at</strong>ion<br />
auprès de tous les collèges, j’ai fait écrire par un musicologue<br />
une petite pièce de théâtre sur Mozart, avec<br />
<strong>des</strong> musiciens, comportant <strong>des</strong> références sur l’histoire,<br />
la peinture, la <strong>musique</strong>. Elle voyage dans les classes.<br />
Aujourd’hui, cette initi<strong>at</strong>ive concerne environ 80<br />
établissements de la Loire Atlantique. Elle a été développée<br />
l’année dernière au niveau <strong>des</strong> Pays de la Loire,<br />
nous faisons travailler trois compagnies de théâtre<br />
professionn<strong>elle</strong>s de Nantes et de la région.<br />
Véronique CHAUVOIS<br />
Chargée du Spectacle Vivant<br />
Conseil Régional du Limousin<br />
L’élargissement <strong>des</strong> publics s’opère chez nous grâce<br />
à la diffusion essenti<strong>elle</strong>ment en territoire rural. Mais<br />
la difficulté est grande concernant les actions pédagogiques,<br />
car les <strong>festivals</strong> ont lieu plutôt l’été. De plus<br />
nos équipes sont souvent bénévoles. Mais on pr<strong>at</strong>ique<br />
<strong>des</strong> politiques tarifaires, on propose la gr<strong>at</strong>uité<br />
pour les jeunes qui accompagnent leurs parents. En<br />
ce qui concerne la communic<strong>at</strong>ion, depuis deux ans,<br />
la région Limousin édite une plaquette commune aux<br />
36 <strong>festivals</strong> d’été, toutes disciplines confondues, pas<br />
seulement <strong>musique</strong>, mais aussi théâtre, <strong>festivals</strong> pluridisciplinaires,<br />
contes, etc., qu’on diffuse dans les réseaux<br />
TER, ça permet de toucher un public plus large<br />
que celui qui se sent concerné par les questions artistiques,<br />
et on s’arrange pour que la plaquette sorte<br />
avant que ne ferment les lieux permanents de diffusion<br />
de spectacles.<br />
Une piste, je pense, intéressante à explorer si on se<br />
soucie d’élargir <strong>des</strong> publics, c’est donc de tisser <strong>des</strong><br />
liens entre les structures permanentes et les lieux et<br />
les équipes qui s’occupent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, les publics <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> et <strong>des</strong> lieux culturels étant différents.<br />
Jean-Michel MATHE<br />
Directeur - Festival de <strong>La</strong> Chaise-Dieu<br />
Je voulais revenir sur deux points déjà évoqués longuement<br />
ce m<strong>at</strong>in. D’abord les médias, qui indiscutablement<br />
font régner un système de staris<strong>at</strong>ion. On<br />
const<strong>at</strong>e que les <strong>festivals</strong> qui emploient les stars à la<br />
mode bénéficient plus facilement de la presse. Les<br />
lieux <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> exercent aussi plus ou moins d’<strong>at</strong>traction<br />
: si le festival se trouve sur la Côte d’Azur ou<br />
un lieu facile d’accès, le journaliste parisien se déplace<br />
dans un trou perdu, il y regardera à deux fois.<br />
a t e l i e r 1<br />
14 15
a t e l i e r ?<br />
Ne pas négliger aussi les diffi cultés accentuées par la<br />
place misérable de la <strong>musique</strong> classique à la télévision<br />
qui offre au grand public et aux jeunes en particulier,<br />
une connaissance de la <strong>musique</strong> classique très réduite,<br />
voire quasi nulle. Les médias télévisuels ne se sentent<br />
qu’à peine concernés.<br />
Un autre point : le prix <strong>des</strong> places. Évidemment tout le<br />
souhait <strong>des</strong> directeurs de <strong>festivals</strong>, c’est d’avoir <strong>des</strong> places<br />
pas chères, voire d’organiser <strong>des</strong> concerts gr<strong>at</strong>uits si<br />
possible. Mais, une fois de plus, on en revient aux problèmes<br />
<strong>des</strong> moyens, certains <strong>festivals</strong>, comme le Festival<br />
Musica, ont été fi nancés à peu près à 70 %, je crois,<br />
par de l’argent public. Nous, en revanche, on est à 70 %<br />
d’auto fi nancement. Donc les places sont oblig<strong>at</strong>oirement<br />
chères, du coup seul le public qui en a les moyens<br />
se déplace… donc c’est un peu un cercle vicieux.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Si je puis me permettre, aller à un m<strong>at</strong>ch de football ou<br />
aller à un concert de Johnny Hallyday, ça coûte extrêmement<br />
cher, et pourtant les gens se déplacent. <strong>La</strong> question<br />
n’est peut-être pas seulement d’ordre économique.<br />
Jean-Michel MATHE<br />
À <strong>La</strong> Chaise-Dieu, c’est vrai qu’on est obligé de pr<strong>at</strong>iquer<br />
une politique de prix moins bon marché qu’aux<br />
Folles Journées par exemple. Mais, même en zone rurale<br />
et dans <strong>des</strong> lieux très mo<strong>des</strong>tes, la qualité <strong>des</strong><br />
concerts est t<strong>elle</strong> que les gens viennent, paient leurs<br />
places, y compris les maires <strong>des</strong> villages. On a aussi<br />
plein d’adhérents, les gens n’hésitent pas à apporter<br />
un soutien fi nancier parce qu’ils considèrent que le<br />
festival éclaire tout leur été. En plus, la <strong>musique</strong> et les<br />
artistes méritent qu’on achète une place, comme au<br />
restaurant, comme au cinéma : il n’y a pas de raison<br />
que ça soit gr<strong>at</strong>uit, ni qu’on brade les places. À la rigueur,<br />
si on en a les moyens, d’accord pour une politique<br />
de prix bas, mais nous, c’est notre seule ressource.<br />
On dit aux gens : « Vous payez assez cher, parce<br />
qu’il le faut bien, mais vous aurez un spectacle à la<br />
hauteur ».<br />
René MARTIN<br />
Chez nous, le prix moyen est de 7 euros environ…<br />
Mais on va donner Elias et Paulus de Mendelssohn<br />
avec le Rias Kammerchor, Vous connaissez les cachets<br />
de ces artistes-là ? Même s’ils jouent plusieurs<br />
fois, faisant ainsi baisser le cachet moyen, les places<br />
pour ces concerts sont de 12 ou 15 euros. Le prix, c’est<br />
quand même un vrai déclencheur. Une famille avec<br />
4-5 enfants, qui vient à la Folle Journée, va en parler<br />
d’abord chez <strong>elle</strong>, puis ailleurs, vous comprenez ?<br />
Je n’ai pas envie que tout d’un coup <strong>elle</strong> se sacrifi e,<br />
qu’il n’y ait que la maman qui vienne avec le petit qui<br />
fait du piano et que les autres restent à la maison. Par<br />
ailleurs, moi aussi je m’oppose aux concerts gr<strong>at</strong>uits.<br />
Un artiste qui a travaillé quinze ans pour <strong>at</strong>teindre un<br />
certain niveau, ça mérite un salaire. Même le système<br />
une place gr<strong>at</strong>uite/une place payante me paraît une<br />
dérive. Il faut innover. <strong>La</strong> Folle Journée a lieu à Nantes,<br />
mais le public vient aussi de toutes les petites villes<br />
alentour. Aujourd’hui, on a réussi à faire que <strong>des</strong><br />
habitants de petites communes, plutôt que visiter <strong>des</strong><br />
lieux où la Vierge est apparue, ou aller au Puy-du-<br />
Fou, préfèrent, avec l’aide d’un autocariste, se rendre<br />
à la Folle Journée. Le vrai vivier aujourd’hui, ce n’est<br />
plus le public de la capitale. <strong>La</strong> Folle Journée <strong>at</strong>tire<br />
30 % de Parisiens ou de gens qui viennent de l’étranger,<br />
mais 70 % qui viennent de province.<br />
Hedwige de LIMÉ<br />
Directrice artistique - Festival<br />
Nuits musicales en Vendée romane<br />
Je voudrais faire part de mon expérience. L’été dernier,<br />
j’ai eu en charge 6 concerts, <strong>musique</strong> baroque,<br />
<strong>musique</strong> classique et jazz, qui avaient lieu dans un<br />
tout petit village de 800 habitants, doté d’une ancienne<br />
mine de charbon qui d<strong>at</strong>e d’un siècle. Il y a<br />
deux ans, le Conseil Général et la Région <strong>des</strong> Pays de<br />
la Loire ont fi nancé un musée dédié aux mines, ils ont<br />
inauguré les nouveaux vitraux de la Chap<strong>elle</strong> <strong>des</strong> Mines,<br />
autrefois fréquentée par <strong>des</strong> miniers d’origine italienne<br />
et polonaise… J’ai saisi l’occasion et j’ai décidé<br />
d’insérer dans la programm<strong>at</strong>ion de mon festival<br />
une œuvre musicale originale qui prendrait pour thème<br />
ces vitraux faits par un plasticien et j’ai donc passé<br />
une commande auprès d’un compositeur, Franck<br />
Krawczyk. Le concert a eu un succès absolument extraordinaire.<br />
Tout le monde était là, le plasticien, le compositeur,<br />
et les têtes d’affi ches de mes autres concerts,<br />
Gérard Lesne, les frères Capuçon, Dee Dee Bridgew<strong>at</strong>er,<br />
Michel Portal, etc. J’ai alors pu const<strong>at</strong>er qu’au moins<br />
5 ou 6 journalistes étaient présents à ce concert d’exception,<br />
alors qu’un ou deux seulement se déplacent<br />
pour les concerts « habituels », et ils ont écrit <strong>des</strong> papiers<br />
absolument enthousiastes.<br />
Jean-Dominique MARCO<br />
On a autant de mal que vous à faire venir les journalistes,<br />
surtout dans le domaine de la <strong>musique</strong> contemporaine.<br />
Je ne parle même pas de la radio ou de France<br />
Musiques qui, cette année, n’a enregistré que deux<br />
concerts au lieu de 10-15. Là où nous sommes tous<br />
égaux, c’est dans le domaine <strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions publiques.<br />
Nous, responsables de <strong>festivals</strong>, nous devons être sans<br />
arrêt sur le terrain pour communiquer, faire comprendre<br />
ce que nous faisons, essayer de créer <strong>des</strong> contacts<br />
avec un maximum de gens, notamment les politiques,<br />
qui prennent de plus en plus d’importance dans les régions,<br />
les collectivités locales. Il faut sans cesse aller<br />
vers les autres, structures, associ<strong>at</strong>ions, am<strong>at</strong>eurs, professionnels,<br />
un travail de communic<strong>at</strong>ion permanent<br />
en amont comme en aval.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Je voudrais rappeler que notre fédér<strong>at</strong>ion avait proposé<br />
trois thèmes, jeune public, jeunes cré<strong>at</strong>eurs et<br />
jeunes artistes. Nous avons demandé à tous nos <strong>festivals</strong><br />
de bien vouloir consacrer un temps dans leur<br />
programm<strong>at</strong>ion à au moins un de ces thèmes. C’est<br />
vraiment indispensable dans l’alchimie à bâtir. Une<br />
anecdote simplement. J’ai rencontré une organis<strong>at</strong>rice<br />
parisienne de concerts, bien connue, qui me dit, au vu<br />
de ma programm<strong>at</strong>ion : « Tu as du courage d’annoncer<br />
dans ton programme <strong>des</strong> compositeurs contemporains.<br />
Si je fais ça, à coup sûr, j’ai 30 % de public en<br />
moins. Quand je m’y hasarde, je le fais en douce ».<br />
Pourtant la rencontre avec les compositeurs, nous la<br />
vivons presque chaque année maintenant, c’est devenu<br />
incontournable. <strong>La</strong> <strong>musique</strong> classique, ce n’est pas<br />
une langue morte, comme le l<strong>at</strong>in, c’est quelque chose<br />
d’absolument vivant.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Pour conclure, mais y a-t-il une conclusion possible,<br />
juste une chose à propos du lien <strong>musique</strong> classique/<br />
élitisme. J’ai fait un jour un reportage dans un conserv<strong>at</strong>oire<br />
à Paris, dans un arrondissement extrêmement<br />
diffi cile, avec dealers postés à l’entrée, etc. Suzanne<br />
GIROUD, directrice de ce conserv<strong>at</strong>oire, me racontait<br />
que les familles qui venaient y conduire leurs<br />
enfants, lui disaient : « Ce que nous, on veut qu’ils<br />
apprennent, c’est le classique, parce que c’est là qu’ils<br />
apprennent aussi leur dignité de citoyens dans notre<br />
monde ». Quel que soit l’amour que je peux éprouver<br />
pour d’autres types de <strong>musique</strong>s, c’est là, à mon avis,<br />
une idée absolument fondamentale.<br />
Quels interprètes pour les <strong>festivals</strong> ?<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice à France Culture<br />
Moment musical avec l’Ensemble De Caelis, direction <strong>La</strong>urence Brisset, en résidence à la Fond<strong>at</strong>ion Royaumont (<strong>musique</strong> vocale du XIV e siècle)<br />
Participants<br />
Vincent DUMESTRE - Directeur artistique - Le Poème Harmonique<br />
Xavier FOURNEYRON - Fédér<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés (FEVIS)<br />
Philippe FANJAS - Directeur - Associ<strong>at</strong>ion Française <strong>des</strong> Orchestres (AFO)<br />
Cécile GRASSI - Musicienne - Qu<strong>at</strong>uor Psophos<br />
a t e l i e r 2<br />
16<br />
17
a t e l i e r 2<br />
Quels interprètes pour les <strong>festivals</strong> ?<br />
Vincent DUMESTRE<br />
J’ai créé le Poème Harmonique en 97. Auparavant, j’ai<br />
été musicien d’ensemble. Au fur et à mesure <strong>des</strong> productions,<br />
je me suis aperçu que j’avais <strong>besoin</strong> d’autres nourritures,<br />
notamment de découvrir <strong>des</strong> partitions de <strong>musique</strong>s<br />
moins connues ; donc, pendant huit ou dix ans, j’ai fait<br />
<strong>des</strong> recherches et, en 97, j’ai eu l’occasion de créer cet ensemble.<br />
Je me suis intéressé principalement à la période<br />
de transition, disons, entre la Renaissance et ce qu’on app<strong>elle</strong><br />
le premier baroque, c’est-à-dire le baroque du XVII e<br />
siècle. Un travail sur <strong>des</strong> compositeurs peu connus, comme<br />
Bellafonte Castaldi ou Domenico Belli, contemporains de<br />
Monteverdi par exemple, qui n’ont pas eu la chance de<br />
traverser les siècles. Ce sont <strong>des</strong> musiciens qui ont fait une<br />
très b<strong>elle</strong> carrière à leur époque, mais qui sont restés dans<br />
les bibliothèques.<br />
Un autre aspect de notre travail porte sur l’ornement<strong>at</strong>ion<br />
et l’improvis<strong>at</strong>ion vocale à cette période (début<br />
XVII e ). Prenant comme sujet d’étude Les <strong>La</strong>ment<strong>at</strong>ions<br />
de Cavalieri, j’ai fait un travail de recherches sur<br />
les faux-bourdons, ce qu’on app<strong>elle</strong> les faux-bourdons<br />
italiens, et l’utilité de l’ornement<strong>at</strong>ion dans ces fauxbourdons.<br />
Le projet vient de se concrétiser cette année<br />
avec un disque, qui s’app<strong>elle</strong> Nova Metamorphosi.<br />
Une véritable explor<strong>at</strong>ion de la rel<strong>at</strong>ion entre l’écrit, la<br />
<strong>musique</strong> inscrite sur le papier et la réalité musicale vécue<br />
dans les chap<strong>elle</strong>s ou dans les cours, une <strong>musique</strong><br />
qui, ornée, improvisée, sonne complètement différemment<br />
de ce qui est noté sur la partition.<br />
Un autre aspect, encore, de mon travail porte sur la<br />
part de la <strong>musique</strong> française qui correspond à la <strong>musique</strong><br />
madrigalesque en Italie, et qui est absolument<br />
inconnue. Les Français ne se soucient pas de leur p<strong>at</strong>rimoine,<br />
il n’existe pas vraiment ici l’équivalent d’un<br />
Monteverdi, en tout cas connu au moins du public mélomane.<br />
Bref, on a fait tout un travail sur les compositeurs<br />
d’airs de cour (polyphoniques), comme Estienne<br />
Moulinié ou Pierre Guédron. Plus récemment,<br />
nous avons créé, dans ces murs à Royaumont, un programme<br />
autour d’Antoine Boesset. Voilà trois compositeurs<br />
majeurs, appartenant à une époque capitale<br />
dans l’histoire de la <strong>musique</strong>, qui, pour <strong>des</strong> raisons<br />
de techniques ou de partitions, n’ont pas été encore<br />
proposés au public d’aujourd’hui. Cette recherche<br />
a même nécessité un travail sur la déclam<strong>at</strong>ion. Donc<br />
on a travaillé avec Eugène Green. Il a fallu réfléchir sur<br />
la gestu<strong>elle</strong>, le travail scénique, la danse, parce que<br />
le véritable <strong>at</strong>trait de cette <strong>musique</strong> tient à son interprét<strong>at</strong>ion.<br />
Donc travail sur l’ornement<strong>at</strong>ion, mais aussi<br />
travail sur la présence de l’artiste sur scène, sur la prononci<strong>at</strong>ion<br />
du vieux français qui insuffle une énergie<br />
très forte aux mots, bref, un travail autour de la <strong>musique</strong><br />
qui, à mon avis, rend l’œuvre passionnante.<br />
Enfin, un dernier aspect de notre travail s’<strong>at</strong>tache à la<br />
rel<strong>at</strong>ion entre la <strong>musique</strong> savante et la <strong>musique</strong> populaire,<br />
au XVI e et au XVII e siècles. À cette époque, la<br />
<strong>musique</strong> populaire est très présente dans la <strong>musique</strong><br />
savante. À la cour d’Henri IV, lors <strong>des</strong> bals, on danse<br />
les mêmes danses que dans les villages. Et ce n’est<br />
qu’au XVII e et au XVIII e siècles, avec la bourgeoisie notamment,<br />
que les chemins se séparent complètement.<br />
Plus tard, un Bartok par exemple se passionnera pour<br />
la <strong>musique</strong> populaire, mais d’une manière complètement<br />
différente d’alors. Notre travail a abouti à plusieurs<br />
projets que voici :<br />
- Nous avons produit un Stab<strong>at</strong> M<strong>at</strong>er avec le Centre<br />
de Musique Baroque, <strong>La</strong> Maîtrise de Versailles, dans<br />
lequel on a intégré <strong>des</strong> plain-chants populaires, chantés<br />
dans les chap<strong>elle</strong>s autour de Naples, au XVII e et au<br />
XVIII e siècles. Une façon de replacer une œuvre très<br />
connue dans son contexte napolitain du XVIII e siècle.<br />
- Un autre projet autour du compositeur Fasolo, pseudonyme<br />
de Francesco Manelli, cré<strong>at</strong>eur de l’Opéra vénitien,<br />
compositeur de <strong>musique</strong>s, je dirais, d’origine<br />
populaire.<br />
- Une recherche sur les chansons françaises, d<strong>at</strong>ant<br />
du XV e , XVI e , parfois XVII e ou XVIII e siècles, devenues<br />
<strong>des</strong> chansons pour enfants. Nous avons essayé d’en<br />
retrouver les sources. À l’origine, c’était <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s<br />
savantes.<br />
Pour résumer, l’aspect principal de notre travail est un<br />
travail de défrichage de partitions, qui implique <strong>des</strong><br />
recherches en bibliothèques, d’être aidé par <strong>des</strong> musicologues<br />
(cf. le Centre de Musique Baroque de Versailles).<br />
Puis vient le travail de cré<strong>at</strong>ion.<br />
Ce colloque m’a fait réfléchir sur notre histoire. Si<br />
on a pu faire tout ce travail, c’est grâce, d’une part,<br />
à notre label de disque et, d’autre part, à l’intérêt<br />
que les <strong>festivals</strong> ont montré pour notre ensemble.<br />
Concernant le premier point, j’insiste sur le rôle de<br />
Jean-Paul Combet qui dirige le label Alpha Production,<br />
né au même moment que notre ensemble, et<br />
qui a produit son premier disque, Alpha, avec le nôtre<br />
(Castaldi). Nous avons suivi un chemin parallèle,<br />
regardant vers l’inconnu (nous, <strong>musique</strong>s absolument<br />
inconnues avec <strong>des</strong> interprètes quasi inconnus<br />
et Alpha, un petit label de rien du tout, p<strong>at</strong>ronnant<br />
<strong>des</strong> artistes peu connus). Travailler ensemble a fait<br />
qu’on s’est donné de la force, mutu<strong>elle</strong>ment. S’en<br />
sont suivies toutes les réalis<strong>at</strong>ions discographiques<br />
du Poème Harmonique, concernant les travaux évoqués<br />
tout à l’heure. Depuis six ans, nous avons produit<br />
douze enregistrements, ce qui est assez important.<br />
Il faut dire que la presse nous a vraiment soutenus,<br />
et l’un et l’autre.<br />
Notre deuxième chance, c’est le rapport avec les <strong>festivals</strong>.<br />
Il suffit d’énumérer les projets que nous avons<br />
mis en place pour se rendre compte que c’est quasiment<br />
toujours grâce aux <strong>festivals</strong> qu’ils ont vu le jour.<br />
Belli s’est fait avec le festival d’Arques la B<strong>at</strong>aille, près<br />
de Dieppe, en Haute-Normandie. Tonos humanos a<br />
pu être créé grâce à Jean-Michel Verneiges, au festival<br />
Saint-Michel-en-Thiérache, Estienne Moulinié a eu<br />
la chance de revenir au festival d’Arques-la-B<strong>at</strong>aille,<br />
avec lequel on collabore depuis maintenant cinq ans,<br />
Cavalieri est né au festival de Sablé, Pergolèse grâce<br />
à Philippe Maillard et sa saison, Nuit et Chansons<br />
à Arques, etc. Guedron encore à Sablé avec qui nous<br />
travaillons régulièrement. Auprès <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, nous<br />
avons trouvé un véritable appui, une vraie fidélité,<br />
alors que choisir ce type d’œuvres constitue pour eux<br />
<strong>des</strong> risques. Grâce à eux, non seulement nous avons<br />
pu nous structurer et créer, mais aussi vivre tout simplement,<br />
car nos ressources viennent pour la plupart<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Quelques chiffres : en 99, après la production<br />
du premier disque, nous avons donné 7 concerts,<br />
tous dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. En 2000, on est passé<br />
à 22 concerts. Sur les 22, 19 ont eu lieu au sein de<br />
<strong>festivals</strong>, un sur une scène n<strong>at</strong>ionale et deux, achetés<br />
par une ville (filière privée). En 2001, 42 concerts :<br />
36 dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, 4 dans <strong>des</strong> scènes n<strong>at</strong>ionales<br />
ou théâtres et 2 achetés par <strong>des</strong> villes. En 2002, 49<br />
concerts : 42 dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, 3 dans <strong>des</strong> théâtres et<br />
autres scènes, 4 dans d’autres lieux. En 2003, nous<br />
aurons donné 48 concerts : 36 dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, 6<br />
dans <strong>des</strong> théâtres et scènes et 6 demandés par <strong>des</strong> villes.<br />
L’importance <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est d’évidence, même<br />
si, depuis quelques années, j’observe une très légère<br />
inflexion dans le sens inverse, ce qui est nécessaire si<br />
l’on ne veut pas dépendre toujours <strong>des</strong> mêmes lieux<br />
d’accueil.<br />
Pour conclure, je dirais que la place que notre ensemble<br />
a prise dans le paysage musical en France,<br />
assez importante en tout cas dans la <strong>musique</strong><br />
ancienne, a été bâtie grâce aux <strong>festivals</strong>, facilitée<br />
par la qualité <strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions que leurs directeurs artistiques<br />
entretiennent avec les musiciens ; j’<strong>at</strong>tache<br />
beaucoup d’importance à la dimension humaine.<br />
Eux savent pr<strong>at</strong>iquer confiance, ouverture d’esprit,<br />
prise de risques, fidélité. Contrairement à nous, le<br />
musicien du XVII e siècle a toutes sortes de possibilités,<br />
un luthiste, par exemple, peut être compositeur<br />
pour son propre instrument, ou composer pour<br />
la voix, ce n’est pas rare qu’il soit lui-même chanteur,<br />
il peut aussi faire de la <strong>musique</strong> de chambre<br />
et se produire dans le cercle de la cour, au sein <strong>des</strong><br />
premiers orchestres comme les vingt-qu<strong>at</strong>re violons<br />
du roi, ou participer à <strong>des</strong> opéras ; bref, sa vie est<br />
riche de perspectives. Mais un musicien comme moi,<br />
aujourd’hui, ne peut vraiment s’exprimer que grâce<br />
aux <strong>festivals</strong> qui, seuls, offrent cette même variété<br />
de lieux, font preuve de la même curiosité.<br />
Xavier FOURNEYRON<br />
J’interviens au nom de la FEVIS. Cette fédér<strong>at</strong>ion regroupe<br />
tous les ensembles professionnels ayant une<br />
spécialis<strong>at</strong>ion artistique et employant majoritairement<br />
<strong>des</strong> artistes intermittents du spectacle, actu<strong>elle</strong>ment<br />
au nombre de 72, sans aucune distinction de répertoire.<br />
On peut citer le Chœur Accentus, les Arts Florissants,<br />
un ensemble comme le Poème Harmonique,<br />
l’Orchestre <strong>des</strong> Champs Élysées, l’Ensemble baroque<br />
de Limoges, <strong>des</strong> ensembles comme la Fenice, le Café<br />
Zimmerman ou Diabolus in Musica.<br />
Deux const<strong>at</strong>s concernant les rapports entre les <strong>festivals</strong><br />
et ces ensembles.<br />
Les <strong>festivals</strong> sont en effet <strong>des</strong> partenaires très privilégiés<br />
pour la diffusion de nos concerts puisqu’ils en<br />
assurent la majeure partie, pour exemple 35 % en<br />
2002, ce qui représente 2 200 concerts, donnés par<br />
72 ensembles. À titre de comparaison, le deuxième<br />
lieu d’accueil pour nos ensembles ne représente que<br />
10 %. Parallèlement à notre production discographique,<br />
les <strong>festivals</strong> constituent donc, pour nos ensembles,<br />
notre meilleur vecteur pour fidéliser un public,<br />
pour proposer <strong>des</strong> nouveautés, <strong>des</strong> interprét<strong>at</strong>ions différentes.<br />
Autre const<strong>at</strong> : d’un point de vue économique, on le<br />
sait, les <strong>festivals</strong> assurent une majeure partie du budget<br />
<strong>des</strong> ensembles de la FEVIS qui leur vendent concerts<br />
et spectacles. Le fait que cette vente représente<br />
environ 65 % <strong>des</strong> recettes propres <strong>des</strong> ensembles,<br />
qui, <strong>elle</strong>s, sont le plus gros de leur budget (70 %),<br />
souligne, une fois encore, le rôle essentiel <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
auprès d’eux, d’autant que grande est la difficulté<br />
à jouer et à être diffusés dans d’autres structures, en<br />
général si peu ouvertes à la <strong>musique</strong>, peu curieuses<br />
d’autres styles de répertoire, n’aimant pas les risques.<br />
De plus, les <strong>festivals</strong> se tenant principalement entre<br />
mai et octobre, cela offre une bonne complémentarité<br />
avec la saison <strong>des</strong> salles permanentes, permettant aux<br />
ensembles d’élargir leur diffusion.<br />
En outre, le fait que les <strong>festivals</strong>, pour la plupart, se<br />
spécialisent sur un thème ou sur une forme musicale<br />
(<strong>musique</strong> sacrée, <strong>musique</strong> profane, etc.), a conduit nos<br />
ensembles à la diversité et à la spécialis<strong>at</strong>ion. Les ensembles<br />
de la FEVIS, très souples, s’adaptent aux désirs<br />
<strong>des</strong> directeurs artistiques de festival, pour la plupart<br />
désireux souvent d’une thém<strong>at</strong>ique particulière ou<br />
d’un programme précis et ils se montrent capables de<br />
proposer <strong>des</strong> programmes avec 3 interprètes ou une<br />
centaine ! <strong>La</strong> difficulté, en revanche, de se plier ainsi à<br />
la demande, c’est qu’il est parfois ardu de tourner un<br />
programme et de le diffuser plusieurs fois.<br />
Les <strong>festivals</strong> sont d’exc<strong>elle</strong>nts partenaires sur tous les<br />
plans (administr<strong>at</strong>if, logistique, économique) alors<br />
qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir le maximum<br />
de confort quant à la diffusion et à la cré<strong>at</strong>ion de<br />
nos programmes. Trois cas de figure peuvent se présenter<br />
:<br />
- Une diffusion simple : le festival achète un concert ou<br />
un spectacle, l’inclut dans sa programm<strong>at</strong>ion dans le cadre<br />
soit d’une tournée soit d’une simple diffusion.<br />
- Le festival accorde une aide à la cré<strong>at</strong>ion, programme<br />
commandé ou non d’ailleurs. Sous forme soit de<br />
moyens spécifiques (mise à disposition de lieux, d’hébergement<br />
ou de répétition), soit d’aide financière<br />
(paiement <strong>des</strong> répétitions pendant la durée du festival<br />
ou en amont, cachets, paiement éventu<strong>elle</strong>ment<br />
de décors ou de costumes, éventuels partenari<strong>at</strong>s discographiques).<br />
Un cas de figure pas toujours réalisable<br />
car les <strong>festivals</strong> sont, par essence, éphémères et,<br />
souvent, n’ont pas de lieux propres.<br />
- Le festival est producteur du programme d’un ensemble<br />
et le diffuse auprès d’autres <strong>festivals</strong> ou<br />
d’autres structures.<br />
Pour finir, j’aurais voulu évoquer la question de l’exclusivité,<br />
soit tempor<strong>elle</strong>, soit géographique. Elle peut<br />
apparaître légitime aux <strong>festivals</strong>, désireux d’une reconnaissance<br />
à la fois du public et de ses partenaires ;<br />
mais <strong>elle</strong> est très lourde à porter pour les ensembles<br />
car pour nous c’est un frein à la fois économique et<br />
artistique.<br />
Enfin, je souhaitais poser la question de savoir si la<br />
Fédér<strong>at</strong>ion France Festivals décerne <strong>des</strong> labels aux <strong>festivals</strong><br />
qui respectent <strong>des</strong> règles de bonne conduite lorsqu’ils<br />
accueillent <strong>des</strong> ensembles de <strong>musique</strong> ?<br />
Les <strong>festivals</strong> sont<br />
<strong>des</strong> partenaires très<br />
privilégiés pour la<br />
diffusion <strong>des</strong> concerts<br />
<strong>des</strong> membres de<br />
la FEVIS, puisqu’ils<br />
en assurent la majeure<br />
partie.<br />
Philippe FANJAS<br />
Sous le terme générique de « festival », on désigne<br />
une réalité extrêmement diverse sur tous les plans<br />
(objectifs, projet artistique, taille, moyens). Les orchestres,<br />
c’est la même chose. Entre un orchestre investi<br />
d’une mission de diffusion régionale sur un territoire<br />
géographique déterminé, sans ville siège, sans<br />
beaucoup d’abonnés et tournant d’églises en salles<br />
<strong>des</strong> fêtes plutôt qu’en théâtres et scènes n<strong>at</strong>ionales, et<br />
un orchestre symphonique à grand effectif, basé dans<br />
une métropole régionale, à voc<strong>at</strong>ion strictement symphonique<br />
ou pouvant partager son activité entre le lyrique<br />
et le symphonique, il n’y a pas grand-chose de<br />
commun.<br />
Même chose quand il s’agit d’ensembles à voc<strong>at</strong>ion<br />
pluridisciplinaire ou aux répertoires polyvalents et<br />
d’ensembles très spécialisés comme l’Ensemble Intercontemporain.<br />
En plus, les mo<strong>des</strong> de financement <strong>des</strong> orchestres de<br />
l’AFO, sont très diversifiés, même s’ils bénéficient tous<br />
en commun de fonds publics. Il n’y a rien de commun<br />
entre un financement public qui provient majoritairement<br />
de l’Ét<strong>at</strong>, un financement public majoritairement<br />
accordé par une ville ou une région ou <strong>des</strong> financements<br />
croisés dans <strong>des</strong> proportions très variables.<br />
Nous ne disposons pas, au sein de l’Associ<strong>at</strong>ion Française<br />
<strong>des</strong> Orchestres, d’éléments st<strong>at</strong>istiques avérés,<br />
nous permettant de déterminer quel est le poids <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> dans l’activité <strong>des</strong> orchestres.<br />
Si je me fie à mon expérience de la gestion <strong>des</strong> orchestres<br />
et à quelques infos glanées ici et là, je vais énumérer<br />
quelques points signific<strong>at</strong>ifs :<br />
- Les diffusions <strong>des</strong> orchestres au sein <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> restent<br />
concentrées sur les mois d’été : 5 % à 8-10 %<br />
maximum du nombre de concerts et programmes présentés<br />
par les orchestres membres de l’AFO sur l’ensemble<br />
d’une année, un pourcentage bien inférieur à<br />
ce qui était évoqué tout à l’heure par Vincent Dumestre<br />
ou Xavier Fourneyron.<br />
- Les rel<strong>at</strong>ions entre les orchestres et les <strong>festivals</strong> sont<br />
extrêmement variables. Les orchestres de l’AFO sont<br />
accusés d’être souvent de « grosses machines, riches,<br />
lour<strong>des</strong> à mettre en œuvre et très rai<strong>des</strong> sur leurs projets<br />
artistiques ». <strong>La</strong> réalité n’est pas tout à fait c<strong>elle</strong>là.<br />
Ceux que je représente ont une première mission,<br />
c<strong>elle</strong> d’assurer une saison de concerts, sur un territoire<br />
déterminé (une ville ou une région) et, pour certains<br />
d’entre eux, une voc<strong>at</strong>ion intern<strong>at</strong>ionale. Cela signifie<br />
une moyenne d’environ 70 à 80 concerts dans la<br />
ville ou la région-siège pour chaque saison, ce qui est<br />
important, d’autant qu’il faut y ajouter les déplacements,<br />
les temps de trajets (pour un orchestre, implanté<br />
à Rennes, qui va jouer à Brest : 3 heures aller,<br />
3 heures retour, plus le temps du concert). Quand<br />
ces déplacements se répètent et s’intègrent à une activité<br />
saisonnière qui suppose 80 à 100 concerts par<br />
saison, c’est sans doute un vrai enjeu, un vrai pari,<br />
un vrai enthousiasme, mais c’est une vraie difficulté.<br />
C’est aux mois d’été que les <strong>festivals</strong> jouent leur<br />
rôle dans l’activité <strong>des</strong> orchestres, un rôle vital pour<br />
le moins : sans ça, les orchestres auraient <strong>des</strong> saisons<br />
marquées par trois, voire qu<strong>at</strong>re mois de ralentissement<br />
de leur activité. Les saisons se resserrent de plus<br />
en plus. On sait qu’aujourd’hui on peut programmer<br />
entre octobre et mai, pas au-delà car, à partir de juin<br />
et jusqu’à septembre inclus, l’orchestre est indisponible,<br />
étant en tournée de <strong>festivals</strong> généralement. Le paradoxe,<br />
c’est que le nombre de <strong>festivals</strong> susceptibles<br />
d’accueillir les orchestres membres de l’AFO, donc <strong>des</strong><br />
form<strong>at</strong>ions d’un effectif assez important, sont rares. Il<br />
faut <strong>des</strong> moyens logistiques importants, <strong>des</strong> conditions<br />
acoustiques qui portent la <strong>musique</strong> : alors qu’on serait<br />
a t e l i e r 2<br />
18<br />
19
a t e l i e r 2<br />
ravi de jouer plutôt dans un festival d’été, plutôt dans<br />
le Sud parce qu’il fait bon et que le public est sympa,<br />
justement les conditions acoustiques de plein air excluent<br />
les concerts de <strong>musique</strong> dite savante.<br />
L’autre difficulté, c’est la charge logistique que suppose<br />
l’accueil, 100-120 personnes dans un lieu.<br />
Si l’on considère la question de la programm<strong>at</strong>ion, les<br />
<strong>festivals</strong> permettent à certains orchestres (Orchestre<br />
n<strong>at</strong>ional de France ou Orchestre de Paris), de déroger<br />
au principe de l’essentiel affecté au symphonique,<br />
d’où la possibilité pour eux de s’impliquer dans <strong>des</strong><br />
opér<strong>at</strong>ions lyriques (c’est beaucoup moins fréquent<br />
pour les autres orchestres). Les directeurs musicaux ou<br />
chefs permanents de ce type d’orchestres sont très rarement<br />
présents à la tête de leur orchestre dans le cadre<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. C’est exactement l’inverse pour les<br />
orchestres régionaux dont la personnalité en général<br />
est très liée à c<strong>elle</strong> de leur chef, d’ailleurs le nom du<br />
directeur musical figure généralement en sous-titre<br />
sous celui de l’orchestre.<br />
Une autre remarque, plutôt intéressante, les orchestres<br />
présentent en général moins d’œuvres avec solistes<br />
dans le cadre <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> que dans le cadre de<br />
leur saison. Cela peut s’expliquer : la première raison,<br />
triviale, est c<strong>elle</strong> du coût (plus cher d’avoir un orchestre<br />
avec un soliste dans une œuvre concertante qu’une<br />
œuvre symphonique). <strong>La</strong> deuxième raison, c’est que<br />
nombre d’orchestres ont le souci de présenter de gran<strong>des</strong><br />
pages symphoniques comme exemplaires de leur<br />
répertoire, de leur qualité propre (bon pour leur image)<br />
plutôt que d’être en accompagnement de soliste et<br />
si, en plus, le soliste est fameux, il y a risque d’écrasement<br />
d’une personnalité par rapport à l’autre.<br />
Les œuvres que les orchestres symphoniques présentent<br />
dans les <strong>festivals</strong> correspondent en général à leur<br />
répertoire : peu de dérog<strong>at</strong>ions au répertoire habituel.<br />
Il arrive cependant, même si c’est rare, que <strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions<br />
de partenari<strong>at</strong> artistique bien compris entre un<br />
festival et un orchestre permettent de déboucher sur<br />
une cré<strong>at</strong>ion, et, objectif conjoint, <strong>des</strong> moyens sont mis<br />
en commun. Grâce à l’appui d’un festival, le montage<br />
de t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> œuvre du répertoire, non inscrite<br />
dans les habitu<strong>des</strong> de programm<strong>at</strong>ion de l’orchestre,<br />
est rendu possible. C’est notamment le cas pour <strong>des</strong><br />
œuvres faisant appel à un effectif instrumental doublé<br />
d’un effectif choral avec un pl<strong>at</strong>eau de chanteurs<br />
important.<br />
<strong>La</strong> question de la localis<strong>at</strong>ion géographique : là encore,<br />
pas de moyenne, pas de règle générale, mais un<br />
partage en deux tendances.<br />
Première tendance, les orchestres sortent de leur ville<br />
ou de leur région siège pour aller dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
éloignés dans lesquels ils sont invités.<br />
Deuxième tendance très intéressante. Les orchestres se<br />
produisent dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de leur région siège : on<br />
ne joue pas sur l’événementiel, il y a mise en rel<strong>at</strong>ion<br />
entre l’activité de saison qui a lieu dans la ville x et<br />
l’activité d’été qui, <strong>elle</strong>, se développe dans <strong>des</strong> lieux<br />
appartenant à un même territoire géographique. Cela<br />
n’empêche pas qu’on puisse aussi jouer sur l’événementiel<br />
pendant le temps <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au profit d’une<br />
programm<strong>at</strong>ion plus régulière pendant le reste de la<br />
saison.<br />
Je reviens sur les notions d’événementiel ou de non<br />
événementiel : il est dans la logique d’un festival de<br />
jouer le coup de projecteur, c’est d’ailleurs sa définition<br />
même. Et c’est la concentr<strong>at</strong>ion sur un lieu précis<br />
pendant un moment déterminé d’un certain nombre<br />
de facteurs, qui va <strong>at</strong>tirer un public qui, la plupart<br />
du temps, ne sera pas un public captif. L’orchestre<br />
est dans une logique complètement différente : ses<br />
60 à 80 concerts réalisés dans le cadre de sa ville<br />
ou de sa région-siège, c’est de la <strong>musique</strong> au quotidien<br />
ou presque. Sa préoccup<strong>at</strong>ion majeure, c’est de<br />
faire que sa programm<strong>at</strong>ion reste <strong>at</strong>trayante, musicalement<br />
passionnante, efficace sur le long terme, sans<br />
oublier les actions éduc<strong>at</strong>ives de plus en plus développées.<br />
Alors, comment orchestres et <strong>festivals</strong> peuventils<br />
trouver <strong>des</strong> objectifs communs au moment où ils<br />
conduisent une programm<strong>at</strong>ion conjointe ? Sur quels<br />
objectifs peuvent-ils véritablement s’entendre ? Y a-til<br />
cohabit<strong>at</strong>ion pacifique mais obligée, ou de vrais partenari<strong>at</strong>s<br />
bien compris, reposant sur une vraie compréhension<br />
réciproque <strong>des</strong> enjeux <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres ?<br />
Je ne conclus pas, je pose simplement la question. Je<br />
souhaite qu’on puisse trouver les moyens, dans un<br />
avenir proche, d’une vraie réflexion sur les complémentarités<br />
d’objectifs et de missions entre <strong>festivals</strong> et<br />
orchestres.<br />
Cécile GRASSI<br />
En tant que représentante d’un qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong>,<br />
nous ne sommes r<strong>at</strong>tachés à aucune ville, nous<br />
n’avons pas non plus de structures, sauf à être en résidence,<br />
ce qui est quand même assez rare en France<br />
ou alors difficile à obtenir. Le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est<br />
donc primordial pour nous. D’eux dépendent à peu<br />
près 75 à 80 % de notre programm<strong>at</strong>ion. Plus de<br />
<strong>festivals</strong> = disparition de qu<strong>at</strong>uors à cor<strong>des</strong>, en tout<br />
cas pour nous, c’est certain.<br />
Nous sommes une jeune form<strong>at</strong>ion âgée de 6 ans.<br />
Il n’y a que quelques années que nous sommes professionnels<br />
; le déclic a eu lieu au moment <strong>des</strong> concours<br />
intern<strong>at</strong>ionaux, une démarche déterminante<br />
pour la scène et surtout pour <strong>des</strong> contacts avec <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong>. Puis, nous avons remporté le prix de Bordeaux.<br />
Et grâce à un accord entre le concours intern<strong>at</strong>ional<br />
et <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui s’engageaient à faire<br />
jouer les lauré<strong>at</strong>s, on a pu être rapidement diffusés<br />
dans l’année qui a suivi, aussi bien sur scène<br />
que dans <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. D’environ 20 concerts on est<br />
passé à 80, l’année qui a suivi le concours.<br />
Nous avons aussi eu l’aide de Pro Quartet et du Mécén<strong>at</strong><br />
Société Générale qui continue de nous aider.<br />
C’est important, on en a <strong>besoin</strong> en permanence (on<br />
est intermittents du spectacle).<br />
Les rapports avec les <strong>festivals</strong> sont les premiers<br />
contacts que nous avons eus avec <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>eurs<br />
de spectacles. On salue le travail de tous<br />
ces <strong>festivals</strong> qui ont un public et n’hésitent pas à<br />
leur présenter de nouveaux musiciens, alors que ce<br />
n’est pas toujours facile de faire venir une form<strong>at</strong>ion<br />
complètement inconnue. De jeunes ensembles<br />
sont ainsi propulsés sur les scènes et ça, c’est très<br />
important.<br />
Il existe quelques réserves à émettre par rapport aux<br />
<strong>festivals</strong>, on trouve dommage qu’il n’y ait pas plus<br />
de contacts avec l’étranger, par exemple. On comprend<br />
que les <strong>festivals</strong> qui créent l’événement et,<br />
pour ce faire, mettent en place toute une structure,<br />
demandent l’exclusivité, mais on aimerait pouvoir<br />
jouer à l’étranger. Peut-être <strong>des</strong> contacts pourraient-ils<br />
se nouer entre certains <strong>festivals</strong>, sinon au<br />
niveau régional, du moins au niveau n<strong>at</strong>ional et<br />
européen en vue de l’organis<strong>at</strong>ion de tournées ?<br />
Quant à la programm<strong>at</strong>ion, nous aimons faire découvrir<br />
de nouv<strong>elle</strong>s écritures, monter l’œuvre d’un<br />
compositeur contemporain, jamais jouée, mais<br />
qu’on apprécie. Les <strong>festivals</strong> sont <strong>des</strong> structures qui<br />
permettent ce genre de diffusions car ils mobilisent<br />
un public souvent beaucoup plus curieux qu’ils ne<br />
croient. On a connu ainsi quelques b<strong>elle</strong>s expériences<br />
que le public a appréciées.<br />
<strong>La</strong> prise de risques et<br />
la spécialis<strong>at</strong>ion de<br />
chaque ensemble de<br />
la FEVIS (en <strong>musique</strong><br />
ancienne ou en cré<strong>at</strong>ion<br />
contemporaine)<br />
sont bien reçues par<br />
les <strong>festivals</strong>.<br />
Je précise rapidement que nous sommes de simples<br />
intermittents du spectacle, qui avons privilégié le<br />
qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong>, discipline particulière qui exige<br />
un travail quotidien, d’où la nécessité de ce st<strong>at</strong>ut.<br />
Pour préparer un concert (non rediffusé le plus souvent),<br />
il nous faut d’innombrables répétitions (comme<br />
pour tous les musiciens). Le travail est encore<br />
plus important si les programm<strong>at</strong>ions diffèrent (en<br />
fonction <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>).<br />
Xavier REY<br />
Est-ce que c’est propre aux <strong>festivals</strong> ou à un<br />
public qui écoute de la <strong>musique</strong> dans ses salles<br />
habitu<strong>elle</strong>s?<br />
Cécile GRASSI<br />
C’est propre bien sûr au public aussi, mais les <strong>festivals</strong><br />
ont un rôle très important. C’est eux qui vont<br />
donner au public m<strong>at</strong>ière à penser, lui permettre<br />
d’évoluer. Le public, souvent, suit un festival quand<br />
il a confiance dans sa programm<strong>at</strong>ion, et il éprouve<br />
du plaisir aussi bien dans <strong>des</strong> retrouvailles avec <strong>des</strong><br />
musiciens qu’il connaît que dans les innov<strong>at</strong>ions.<br />
Xavier REY<br />
Vous êtes d’accord ?<br />
Xavier FOURNEYRON<br />
Oui, je précise simplement que la FEVIS ne regroupe<br />
pas que <strong>des</strong> ensembles de <strong>musique</strong> ancienne. J’ai<br />
cité tout à l’heure Accentus, Music<strong>at</strong>reize par exemple.<br />
Nos ensembles ont une grande souplesse artistique<br />
et économique (on emploie aussi <strong>des</strong> artistes<br />
intermittents du spectacle), puisqu’on est capable de<br />
proposer une nouveauté non seulement avec 4 ou 5<br />
interprètes, mais aussi avec 60 ou 70.<br />
<strong>La</strong> richesse <strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions humaines établies entre<br />
Directeur d’un ensemble et Directeur d’un festival<br />
conduit ce dernier au bout d’une discussion qui peut<br />
durer plusieurs années, à accepter de se laisser séduire<br />
par une idée dont il peut penser qu’<strong>elle</strong> plaira<br />
à son public.<br />
Philippe FANJAS<br />
Je voudrais juste rajouter quelque chose. Je crois<br />
qu’il faut qu’on se méfie d’une sens<strong>at</strong>ion qu’on<br />
peut avoir, il vaut mieux se reporter à <strong>des</strong> données<br />
avérées. Tout à l’heure, je n’ai pas opposé de<br />
manière aussi franche cré<strong>at</strong>ion-non cré<strong>at</strong>ion dans<br />
la rel<strong>at</strong>ion avec les <strong>festivals</strong>. Je pense simplement<br />
qu’il y a <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui effectivement ont la possibilité<br />
d’accueillir <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>ions difficiles<br />
et d’autres non. Il n’y a rien que de très banal<br />
là-dedans. C’est la même chose pour le théâtre,<br />
par exemple.<br />
Xavier REY<br />
Quelqu’un parlait de deman<strong>des</strong> très précises et<br />
diversifiées <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Est-il quand même<br />
possible d’aiguiller les « très précises » vers votre<br />
répertoire ?<br />
Xavier FOURNEYRON<br />
Une fédér<strong>at</strong>ion de 70 ensembles comporte évidemment<br />
aussi <strong>des</strong> diversités. Mais je pense que les <strong>festivals</strong>,<br />
selon leur thém<strong>at</strong>ique, leur lieu, la période historique<br />
qu’ils affectionnent, encouragent de fait la diversité<br />
d’un répertoire puisqu’ils peuvent effectivement<br />
faire appel à un ensemble qui va leur créer une œuvre<br />
contemporaine, à un autre qui va leur jouer Bach,<br />
à un troisième qui leur jouera une pièce médiévale.<br />
Cette diversité, portée par les ensembles de manière<br />
globale, assure aussi une diversité du répertoire et une<br />
diversité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Xavier REY<br />
Vous présentez tous la question de l’exclusivité comme<br />
un inconvénient, mais est-ce qu’il n’y a pas un avantage<br />
aussi pour l’interprète ? Est-ce que ce n’est pas<br />
un moyen de vous garantir un certain nombre d’auditeurs<br />
?<br />
Vincent DUMESTRE<br />
L’exclusivité d’une cré<strong>at</strong>ion est normale, nécessaire,<br />
n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong> même quand <strong>elle</strong> illustre un rapport entre<br />
un lieu et un ensemble. En vérité, c’est toujours<br />
l’objet d’une discussion, on se met d’accord avec les<br />
lieux concernés pour faire une cré<strong>at</strong>ion qui peut tourner<br />
dans une région. Chaque festival est maître de son<br />
public, il sait si avoir une cré<strong>at</strong>ion qui tourne à 60 km<br />
ou à 100 km est problém<strong>at</strong>ique ou non.<br />
Philippe FANJAS<br />
<strong>La</strong> question de l’exclusivité renvoie de fait à la question<br />
<strong>des</strong> réseaux. On a const<strong>at</strong>é, on est très nombreux<br />
à le faire, que les scènes n<strong>at</strong>ionales notamment, s’intéressent<br />
peu à la <strong>musique</strong>, leur priorité, c’est le théâtre,<br />
puis la danse contemporaine et, en troisième lieu<br />
seulement, les <strong>musique</strong>s. <strong>La</strong> part de la <strong>musique</strong> savante<br />
ici est très faible. Donc on est très nombreux évidemment<br />
à appeler à la constitution de réseaux d’ordre<br />
musical aidant à la diffusion de la <strong>musique</strong> savante<br />
dans les scènes n<strong>at</strong>ionales et les théâtres.<br />
Cécile GRASSI<br />
C’est ce que fait l’AFAA à l’étranger. Nous avons<br />
fait plusieurs tournées à l’étranger, en particulier<br />
en Afrique, pendant 1 mois. Or le financement<br />
de ces tournées, même quand il s’agit<br />
d’une petite structure, est très lourd. Mais on<br />
a pu les faire parce que l’AFAA avait contacté<br />
les centres culturels <strong>des</strong> pays concernés justement,<br />
nouant eux aussi <strong>des</strong> liens entre eux.<br />
On pourrait imaginer cela à l’échelon européen.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Ce serait bien de réfléchir ensemble, et, peut-être<br />
aboutir à une charte de qualité ou autre que nos adhérents<br />
s’engageraient à respecter.<br />
En ce qui concerne la programm<strong>at</strong>ion, je voudrais témoigner<br />
d’une difficulté : les agents sont assez rétifs à<br />
l’originalité. On a bien souvent intérêt à contacter directement<br />
les artistes si on veut bâtir un programme<br />
spécifique.<br />
Quelques mots à M. FANJAS : les rapports entre <strong>festivals</strong><br />
et orchestres, quoiqu’on en dise, existent, fort<br />
heureusement, mais il ne faut pas oublier que le cahier<br />
<strong>des</strong> charges de nombre d’orchestres en France,<br />
n<strong>at</strong>ionaux ou régionaux, fait que la période <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
n’est pas forcément la période où les orchestres<br />
sont le plus disponibles.<br />
Philippe FANJAS<br />
Pendant les mois d’été, les orchestres ont du temps,<br />
ils sont disponibles pour les <strong>festivals</strong>. Mais les directions<br />
d’orchestres et les directions de <strong>festivals</strong> n’ont<br />
que peu la possibilité de réfléchir ensemble à <strong>des</strong> programmes<br />
spécifiques (constitution d’un programme,<br />
construction) essenti<strong>elle</strong>ment pour <strong>des</strong> raisons financières,<br />
car qui dit programme symphonique nouveau<br />
dit répétitions, donc une semaine de travail au moins,<br />
donc de l’argent.<br />
Xavier REY<br />
Est-ce que vous ne croyez pas aussi qu’il y a une difficulté<br />
à réunir, sur les lieux de <strong>festivals</strong>, solistes et<br />
orchestres ?<br />
Philippe FANJAS<br />
Non, dans la pr<strong>at</strong>ique, le soliste se déplace au siège de<br />
l’orchestre. Ils répètent et partent ensemble. C’est une<br />
simple question de montage de la production.<br />
Odile PRADEM-FAURE<br />
Secrétaire Générale<br />
Abbaye aux Dames et Académies<br />
musicales de Sainte<br />
Il est indéniable que tous les concerts de <strong>musique</strong>s<br />
contemporaines sont systém<strong>at</strong>iquement boudés par le<br />
public, au sein <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. À Saintes, on a essayé<br />
d’inciter notre public à la curiosité : sur 2 000 personnes<br />
évaluées, il y en a environ 150 qui prennent le<br />
risque d’assister à un concert de <strong>musique</strong> contemporaine.<br />
<strong>La</strong> question de l’éduc<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics est donc<br />
urgente. Comment peut-on s’y prendre, sachant que<br />
le public <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est, par définition, parfaitement<br />
vol<strong>at</strong>ile ? Là, je me tourne vers l’AFO et vers la FEVIS.<br />
a t e l i e r 2<br />
20<br />
21
a t e l i e r ?<br />
Y a-t-il <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s à imaginer entre les ensembles<br />
en résidence dans t<strong>elle</strong> région ou t<strong>elle</strong> ville, qui<br />
aboutiraient à une prise en charge de cette form<strong>at</strong>ion,<br />
à faire que le public dispose de quelques clés<br />
de compréhension pour aborder sans trop de préjugés<br />
les concerts de <strong>musique</strong> contemporaine ?<br />
Philippe FANJAS<br />
Personne n’a la capacité de se substituer au service<br />
public de l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale. Voilà, ça c’est la règle<br />
fondamentale. Les seules actions intéressantes<br />
sont c<strong>elle</strong>s qui s’inscrivent évidemment sur la durée.<br />
Travailler en amont et en partenari<strong>at</strong> avec le festival,<br />
les artistes, l’Éduc<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale, les médi<strong>at</strong>eurs<br />
quand ils existent, les rector<strong>at</strong>s, les DRAC…<br />
Recruter, au sein de ces institutions, le plus de personnes<br />
possibles susceptibles de donner envie de venir<br />
au concert. On sait par ailleurs que les publics<br />
jeunes sont beaucoup plus sensibles à <strong>des</strong> répertoires<br />
contemporains qui leur paraissent plus proches<br />
d’une expression spontanée, qui sont moins organisés<br />
sur le plan formel et qui leur laissent plus de<br />
liberté d’appréhension. Il faut plusieurs années pour<br />
que cette démarche porte ses fruits.<br />
Cécile GRASSI<br />
De simples conférences, organisées avant le concert,<br />
suffi sent parfois à susciter la curiosité, il nous est arrivé<br />
de le const<strong>at</strong>er. Il faut aussi savoir mélanger les époques<br />
pour que les gens surmontent <strong>des</strong> appréhensions.<br />
En Allemagne, on a participé à un festival autour de<br />
Schoenberg, qui a mobilisé du monde, précisément<br />
parce que l’offre était diversifi ée, et, du coup, les gens<br />
ont découvert toute une époque de Schoenberg.<br />
Odile PIERRE-CHRETIEN<br />
Présidente - Festival Intern<strong>at</strong>ional<br />
du Qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong> du Lubéro<br />
Pour notre part (c’est notre 29 e saison l’année prochaine),<br />
nous accueillons de jeunes qu<strong>at</strong>uors ou de plus connus.<br />
Notre public a accepté nos choix de programm<strong>at</strong>ion<br />
qui mêlent <strong>musique</strong> contemporaine et œuvres du répertoire.<br />
Nous laissons le choix <strong>des</strong> œuvres aux artistes et le<br />
public maintenant nous fait confi ance. C’est simplement<br />
la qualité de la programm<strong>at</strong>ion qui est déterminante.<br />
de rupture, d’autres programmes que ceux proposés<br />
en saison dans sa région et qui est migrant.<br />
Les <strong>festivals</strong> pallient certaines carences (non diffusion<br />
de la <strong>musique</strong> savante en général - <strong>musique</strong><br />
médiévale, contemporaine, jazz – au sein <strong>des</strong> lieux<br />
institutionnels), mais de façon très ponctu<strong>elle</strong>.<br />
Quand nous programmons nos saisons, il nous faut,<br />
de plus en plus, créer l’événement : doivent exister<br />
<strong>des</strong> temps forts (<strong>des</strong> sortes de <strong>festivals</strong> ?). Ce serait<br />
bien d’instituer un certain nombre de passer<strong>elle</strong>s entre<br />
une pr<strong>at</strong>ique cultur<strong>elle</strong> estivale, d’une part, et,<br />
d’autre part, une pr<strong>at</strong>ique cultur<strong>elle</strong> de saison.<br />
Jean-Marc BADOR<br />
Directeur - Orchestre de Bretagne<br />
Depuis maintenant deux ans, l’orchestre accueille en<br />
résidence le compositeur Éric Tanguy, occasion de rencontres<br />
quasiment quotidiennes entre un compositeur<br />
et un public, qui trouve son achèvement dans le temps<br />
du festival.<br />
Qu<strong>elle</strong> part les <strong>festivals</strong> prennent-ils<br />
dans le développement et l’anim<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> territoires ?<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine VACHER - Productrice à France Culture<br />
Participants<br />
a t e l i e r 3<br />
Jean-Bernard MEUNIER<br />
Directeur - Festival de Sablé<br />
Diffi cile de mobiliser un public pour un événement<br />
très bref (un festival), à cheval entre opér<strong>at</strong>ion cultur<strong>elle</strong>,<br />
action de communic<strong>at</strong>ion de la collectivité<br />
territoriale et fait touristique. Un public qui a envie<br />
Odile PRADEM-FAURE - Secrétaire Générale - Abbaye aux Dames<br />
et Académies Musicales de Saintes<br />
Philippe DANEL - Directeur - Festival Octobre en Normandie<br />
Charlotte LATIGRAT - Directrice - Festival d’Île de France<br />
Guy DUMELIE - Vice-Président - Fédér<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale <strong>des</strong> Collectivités pour la Culture (FNCC)<br />
Hervé de COLOMBEL - Représentant Didier MONTAGNÉ - ex-Festival du Pays de Racan<br />
22<br />
23
a t e l i e r 3<br />
Qu<strong>elle</strong> part les <strong>festivals</strong> prennent-ils<br />
dans le développement et l’anim<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> territoires ?<br />
Odile PRADEM-FAURE<br />
Le Festival de Saintes se situe dans un lieu unique, le<br />
site de l’Abbaye aux Dames, 10 jours dans l’année, et se<br />
donne pour but la défense du répertoire sur instruments<br />
d’époque, quels que soient les répertoires et les époques.<br />
Qui dit lien entre festival et site p<strong>at</strong>rimonial, dit confront<strong>at</strong>ion<br />
de deux identités cultur<strong>elle</strong>s très fortes. <strong>La</strong> coopér<strong>at</strong>ion,<br />
si <strong>elle</strong> peut être particulièrement féconde, ne va pas<br />
de soi, <strong>elle</strong> comporte ses risques et ses limites.<br />
Le site de Saintes a ses particularités, un bâtiment qui a<br />
commencé à être rénové dès les années 80. L’Abbaye est<br />
devenue depuis 1992, comme ici Royaumont, Centre Culturel<br />
de Rencontres.<br />
Entre 1971 et 1988, c’est l’époque d’un lien très fort entre<br />
les deux entités. <strong>La</strong> cré<strong>at</strong>ion du festival et la réhabilit<strong>at</strong>ion<br />
de l’Abbaye aux Dames émanent <strong>des</strong> mêmes responsables<br />
politiques et procèdent d’un même esprit : d’une part un<br />
festival porteur d’un projet musical « baroque, contest<strong>at</strong>aire<br />
» (il faut se rappeler ce qu’était le mouvement baroque<br />
dans les années 70) et, d’autre part, l’ambition de faire<br />
revivre, autour d’un projet culturel, un lieu socialement assez<br />
défavorisé. C’est le festival qui <strong>at</strong>tire l’<strong>at</strong>tention <strong>des</strong><br />
pouvoirs publics sur l’Abbaye. Les travaux de réhabilit<strong>at</strong>ion<br />
qui s’ensuivent sauvent le bâtiment de la ruine. Par<br />
l’acoustique de son abb<strong>at</strong>iale et sa capacité d’hébergement,<br />
l’Abbaye devient l’épicentre du festival. Tous ceux<br />
qui connaissent l’architecture simple et majestueuse de<br />
l’Abbaye aux Dames savent à quel point <strong>elle</strong> se prête à la<br />
densité spiritu<strong>elle</strong> <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s qui y sont interprétées. Et<br />
l’image de l’Abbaye et c<strong>elle</strong> du festival semblent en parfaite<br />
adéqu<strong>at</strong>ion, signe manifeste de l’harmonie <strong>des</strong> liens<br />
entre un lieu et un événement. Mais, entre un site p<strong>at</strong>rimonial<br />
« intemporel » et un festival, la temporalité ne se<br />
vit pas de la même façon. À partir de 1988, pour <strong>des</strong> problèmes<br />
d’appropri<strong>at</strong>ion du lieu tout au long de l’année,<br />
pour <strong>des</strong> raisons politiques, naît la volonté de créer une<br />
autre associ<strong>at</strong>ion à côté de l’associ<strong>at</strong>ion du festival, qui<br />
portera le nom d’Associ<strong>at</strong>ion d’Abbaye aux Dames. Créée<br />
en 1988, <strong>elle</strong> a pour mission de gérer et d’animer tout au<br />
long de l’année le site entièrement rénové. L’associ<strong>at</strong>ion<br />
aligne rapidement son action sur le modèle <strong>des</strong> Centres<br />
culturels de rencontres (l’Abbaye aux Dames rentre dans<br />
le cercle <strong>des</strong> Centres culturels de rencontres en 1991) et<br />
cherche à intégrer un projet artistique pluridisciplinaire au<br />
sein du site : si la primauté de la <strong>musique</strong> est affirmée,<br />
la place qui lui est accordée n’est pourtant pas exclusive<br />
dans la mission de diffusion du spectacle vivant dévolue<br />
à l’associ<strong>at</strong>ion.<br />
L’action artistique de l’Abbaye dépasse bientôt c<strong>elle</strong> du<br />
festival, le site prend son indépendance vis-à-vis de la<br />
manifest<strong>at</strong>ion qui l’a tiré de l’ombre. <strong>La</strong> coopér<strong>at</strong>ion entre<br />
les deux structures, à ce moment-là, se fait a minima.<br />
L’Associ<strong>at</strong>ion de l’Abbaye aux Dames devient prest<strong>at</strong>aire<br />
de services à l’égard du festival. Il va de soi que<br />
l’Abbaye bénéficie toujours <strong>des</strong> retombées positives du<br />
festival : image, visites, fréquent<strong>at</strong>ion du site, fréquent<strong>at</strong>ion<br />
touristique ; de son côté, le festival bénéficie de la<br />
structure professionn<strong>elle</strong> et du soutien logistique de l’Associ<strong>at</strong>ion<br />
Abbaye. <strong>La</strong> rel<strong>at</strong>ion est cependant déséquilibrée.<br />
Le festival, porté par le renom de son directeur artistique,<br />
Philippe Herreweghe, jouit d’un prestige intern<strong>at</strong>ional. En<br />
revanche, bien qu’associée au réseau <strong>des</strong> Centres culturels<br />
de rencontres, l’Associ<strong>at</strong>ion de l’Abbaye ne parvient pas<br />
à faire émerger un projet clairement reconnu, cohérent,<br />
suffisamment fort. L’image de l’Abbaye aux Dames reste<br />
brouillée, souvent confondue avec c<strong>elle</strong> du festival et le<br />
Centre culturel de rencontres, ne parvenant pas à se démarquer,<br />
pâtit de cette rel<strong>at</strong>ion déséquilibrée.<br />
À partir de 1998, le const<strong>at</strong> <strong>des</strong> difficultés de l’Abbaye à<br />
faire vivre un projet culturel d’envergure entraîne la révision<br />
<strong>des</strong> rel<strong>at</strong>ions entre le site et le festival. À la faveur de<br />
la rénov<strong>at</strong>ion du Théâtre municipal de Saintes qui prend<br />
alors en charge les missions du spectacle vivant, le CCR<br />
recentre tout son projet autour de Philippe Herreweghe et<br />
de la <strong>musique</strong>, se limitant à une « niche » : l’Abbaye aux<br />
Dames travaille maintenant autour de la <strong>musique</strong> classique<br />
et romantique sur instruments d’époque. Le rapprochement<br />
opéré avec le festival débouche, du coup, sur la<br />
fusion <strong>des</strong> deux associ<strong>at</strong>ions et, depuis 2003, une seule<br />
équipe, c<strong>elle</strong> qui s’occupait auparavant du seul festival,<br />
est en charge de la gestion du site et de l’organis<strong>at</strong>ion<br />
du festival. De part et d’autre, cette fusion ouvre de nouveaux<br />
horizons. L’Abbaye se voit investie d’un projet musical<br />
ambitieux, le festival en s’intégrant complètement à<br />
un site p<strong>at</strong>rimonial est amené à dépasser sa dimension<br />
purement saisonnière. Les activités développées autour de<br />
la form<strong>at</strong>ion professionn<strong>elle</strong>, de la form<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics,<br />
de l’accueil <strong>des</strong> entreprises, sont appelées à prendre de<br />
l’ampleur. Au-delà d’un simple événement localisé parmi<br />
d’autres à l’Abbaye, le festival devient la vitrine de tout ce<br />
qui se fait tout au long de l’année dans le cadre de l’Abbaye<br />
aux Dames.<br />
L’inscription du festival au sein d’un lieu porteur d’un héritage<br />
culturel a donc été particulièrement féconde, en dépit<br />
de rel<strong>at</strong>ions tumultueuses. Occuper un même lieu suppose,<br />
c’est préférable, la mise en place d’un projet se déroulant<br />
tout au long de l’année.<br />
Philippe DANEL<br />
C’est fin 98 que j’ai été appelé à la direction d’Octobre<br />
en Normandie. Une responsabilité qui exige <strong>des</strong> objectifs<br />
devant être en permanence réévalués, et les moyens de<br />
même, sinon, nous sommes condamnés à disparaître. Il y<br />
a cinq ans, j’ai trouvé un festival prestigieux, chargé d’histoire,<br />
faisant lui-même suite à un festival créé en 1974,<br />
alors <strong>des</strong>tiné à animer les lieux de p<strong>at</strong>rimoine de la Seine-<br />
Maritime, un festival d’été qui a pris de plus en plus d’importance<br />
et qui, en 1991, est devenu un festival d’automne,<br />
Festival d’Automne bis peut être, essenti<strong>elle</strong>ment concentré<br />
sur quelques pôles et en particulier sur Rouen.<br />
<strong>La</strong> première décision prise a été de redéployer ce festival<br />
sur l’ensemble du département : cette année nous étions<br />
présents dans 23 communes différentes pour une trentaine<br />
de lieux différents. Un objectif que nous ne dépasserons<br />
pas, en terme de logistique, on ne peut pas aller plus loin<br />
sans remettre en question la qualité et l’identité même<br />
du festival.<br />
Une évolution parallèle s’imposait, c<strong>elle</strong> de la programm<strong>at</strong>ion<br />
que nous avons essayé d’ouvrir, en y accueillant<br />
d’autres disciplines et <strong>des</strong> propositions de spectacles de<br />
niveau d’accessibilité différent. Notre festival s’est ouvert<br />
à la littér<strong>at</strong>ure, au théâtre, au cinéma, devenant très pluridisciplinaire,<br />
même si la danse et la <strong>musique</strong> y conservent<br />
évidemment une place très importante. Nous sommes<br />
convaincus, en effet, qu’on peut <strong>at</strong>tirer un public vers<br />
<strong>des</strong> choses plus rares, plus originales. Ce fut une évolution<br />
lente, progressive, fruit d’une conviction. Au départ, aucun<br />
cahier <strong>des</strong> charges, aucune feuille de route à respecter,<br />
aucun objectif. Simplement le sentiment qu’il fallait lutter<br />
contre l’image d’un festival élitiste, excluant beaucoup de<br />
gens. Un comb<strong>at</strong> difficile, pas encore couronné de succès.<br />
En investissant 30 lieux différents, il a été nécessaire de<br />
s’adapter à la spécificité de chacun. Notre politique tarifaire,<br />
par exemple, doit s’adapter aux petites communes dont<br />
les seules pr<strong>at</strong>iques cultur<strong>elle</strong>s sont les sorties annu<strong>elle</strong>s ou<br />
bi annu<strong>elle</strong>s généralement offertes, rien à voir avec c<strong>elle</strong>s<br />
de Rouen ou Le Havre. Une façon de pr<strong>at</strong>iquer la décentralis<strong>at</strong>ion<br />
très <strong>at</strong>tendue par nos partenaires du département,<br />
ainsi partie prenante d’une manifest<strong>at</strong>ion reconnue.<br />
Étant donné la réduction <strong>des</strong> coûts (20 à 30 % du coût du<br />
pl<strong>at</strong>eau) - et plus le spectacle est difficile, plus on le propose<br />
à un tarif intéressant - les artistes se produisent deux,<br />
trois, qu<strong>at</strong>re fois.<br />
L’un <strong>des</strong> autres avantages de cette décentralis<strong>at</strong>ion, c’est<br />
le parti qu’en tire le Conseil Général qui peut ainsi se prévaloir<br />
d’une politique cultur<strong>elle</strong> large et ambitieuse, puisque<br />
<strong>des</strong> spectacles de haute qualité sont proposés à la fois<br />
à de petites communes et dans de grands centres urbains.<br />
Le but du festival initial avait été, autrefois, de mettre en<br />
valeur le p<strong>at</strong>rimoine, but que le festival d’Octobre en Normandie,<br />
à partir de 1991, avait un peu oublié, mais avec<br />
lequel nous avons renoué. Il ne s’agit plus seulement de<br />
châteaux et d’églises, un peu froids et humi<strong>des</strong> à cette<br />
époque, mais aussi de lieux industriels. Cette année, par<br />
exemple, nous avons proposé une journée mar<strong>at</strong>hon, reliant<br />
Dieppe à Brighton, avec un certain nombre de manifest<strong>at</strong>ions<br />
sur le b<strong>at</strong>eau et aussi en Angleterre. Une proposition<br />
qui a fait le plein, les gens ayant été séduits au<br />
premier abord par la simple idée de la traversée de la<br />
Manche, sans se soucier du programme lui-même. En revanche,<br />
on a connu un rel<strong>at</strong>if échec avec l’investissement<br />
d’une usine Renault à Grand-Couronne, où le public nouveau<br />
que nous espérions, celui <strong>des</strong> travailleurs de la semaine,<br />
ne s’est pas déplacé.<br />
Tous ces projets supposent <strong>des</strong> contraintes financières, les<br />
lieux que nous visitons devant être réaménagés. D’autre<br />
part, la capacité d’accueil <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est limitée, pas forcément<br />
extensible. Dans les lieux que nous investissons, on<br />
ne pourra réunir que 50, 100 spect<strong>at</strong>eurs pour un concert<br />
de qu<strong>at</strong>uor à cor<strong>des</strong>. En vérité, c’est une réussite, mais, si<br />
on se contente du chiffre, ça n’apparaît pas comme tel.<br />
Les artistes acceptent volontiers de se plier à toutes les<br />
contraintes que suppose notre démarche. <strong>La</strong> difficulté majeure<br />
est la dispersion. Il est très difficile de conserver l’esprit<br />
et la dynamique d’un festival quand on est réparti sur<br />
30 lieux différents. De plus, si l’on a le souci de se faire<br />
connaître, ce n’est déjà pas une mince affaire que de faire<br />
venir un journaliste de Paris à Rouen, alors à Doudeville<br />
ou à Gonfreville-l’Orcher, c’est encore pire.<br />
<strong>La</strong> métamorphose d’un festival très rouennais, très<br />
en pointe sur la <strong>musique</strong> contemporaine, en un festival<br />
pluridisciplinaire, plus ouvert en terme de programm<strong>at</strong>ion,<br />
et s’étendant sur l’ensemble d’un territoire,<br />
a entraîné <strong>des</strong> modific<strong>at</strong>ions d’équilibre, nous a coupé de<br />
spect<strong>at</strong>eurs, abonnés passe-partout (pour le plus grand<br />
profit du Théâtre <strong>des</strong> Arts - Léonard de Vinci Opéra de<br />
Rouen), la difficulté étant trop grande pour eux de changer<br />
de lieu tous les soirs, même si nous organisons <strong>des</strong><br />
navettes.<br />
Notre mission est à la fois de permettre à un public plus<br />
large d’accéder à une programm<strong>at</strong>ion aussi intéressante<br />
que possible et, c’est une question d’éthique et de conviction<br />
personn<strong>elle</strong>, de privilégier la part de la cré<strong>at</strong>ion, de<br />
maintenir une politique volontariste en faveur de jeunes<br />
compositeurs comme Frédéric Verrière, Franck Krawczyk,<br />
Bruno Mantovani, qui ont tous pu profiter du coup de projecteur<br />
d’Octobre en Normandie.<br />
<strong>La</strong> décentralis<strong>at</strong>ion n’est pas un gage de réussite, mais <strong>elle</strong><br />
peut permettre de toucher un nouveau public.<br />
Charlotte LATIGRAT<br />
Le festival d’Île de France, créé il y a 26 ans par le Conseil<br />
Régional d’Île de France, largement subventionné par<br />
cette Région (75 % de son budget général), a lieu pendant<br />
six semaines, à l’automne, entre septembre et mi-octobre<br />
: une quarantaine d’événements (concerts et manifest<strong>at</strong>ions<br />
périphériques) sont organisés sur une trentaine<br />
de lieux investis.<br />
Le développement d’un site ne peut se confondre avec celui<br />
d’un festival sur une région ou un département, même si<br />
<strong>des</strong> problém<strong>at</strong>iques se recoupent bien sûr. On ne peut pas<br />
effectivement mettre en parallèle une ville comme Saint-<br />
Denis et Saintes dont on a parlé, ou apparenter Noirlac à<br />
la région Île de France, où vit 1/5 e de la popul<strong>at</strong>ion française<br />
et compte 8 départements, dont la capitale.<br />
C’est d’abord leur nom qui signe les <strong>festivals</strong>, en général<br />
celui de la ville, de la commune, de la région dans lequel<br />
ils se trouvent, donc liés de fait au développement local.<br />
Pour les collectivités, c’est une marque d’appartenance,<br />
une sign<strong>at</strong>ure qui leur apportera <strong>des</strong> retombées médi<strong>at</strong>iques<br />
et une espèce de reconnaissance de la part de l’ensemble<br />
<strong>des</strong> concitoyens du territoire en question. Octobre<br />
en Normandie constitue le cas, rare, d’un festival, très largement<br />
soutenu par son département, qui ne porte pas le<br />
nom de son département, la Seine Maritime.<br />
Le festival d’Île de France couvre plusieurs zones comme<br />
<strong>des</strong> cercles autour de Paris. Paris donc, avec <strong>des</strong> publics<br />
très différenciés, puis la banlieue, nommée pudiquement<br />
la petite couronne, avec ses quartiers difficiles, ensuite la<br />
grande couronne, zone semi-urbaine avec <strong>des</strong> villes nouv<strong>elle</strong>s<br />
à l’identité pas toujours bien définie. Un troisième<br />
territoire ensuite, semi rural, un peu bâtard, où l’on rencontre<br />
de petites surprises architecturales tout à fait étonnantes,<br />
et enfin, ce qu’on oublie, un important territoire<br />
essenti<strong>elle</strong>ment rural. Il y a de ce fait une grande difficulté<br />
pour le festival d’Île de France et ses partenaires, à imaginer<br />
le développement de ces territoires. Il est certain qu’on<br />
ne peut pas l’appréhender de façon géographique. Il faut<br />
y penser différemment.<br />
Quels lieux sont investis tout au long de ces éditions ?<br />
D’abord <strong>des</strong> lieux du p<strong>at</strong>rimoine. C’est l’un <strong>des</strong> impér<strong>at</strong>ifs<br />
contenus dans la charte du festival. Or, la définition p<strong>at</strong>rimoniale<br />
est peu précise et les départements ne sont pas<br />
tous égaux en la m<strong>at</strong>ière. Certains départements comptent<br />
de prestigieux bâtiments, mais dont beaucoup sont privés.<br />
D’autres comme la Seine-Saint-Denis, par exemple,<br />
ou le Val-de-Marne et parti<strong>elle</strong>ment l’Essonne, sont jalonnés<br />
de bâtiments qui ne correspondent pas à une définition<br />
classique. Ce sont par exemple <strong>des</strong> friches industri<strong>elle</strong>s,<br />
<strong>des</strong> lieux de mémoire sociale, ou <strong>des</strong> lieux éphémères<br />
comme le Théâtre Zingaro à Aubervilliers. Mais à chacun<br />
de ces lieux doit correspondre un projet qui sera en adéqu<strong>at</strong>ion<br />
avec ce qu’il évoque pour l’ensemble du public.<br />
Nous pouvons aussi le surprendre avec une idée <strong>at</strong>ypique<br />
qui va réhabiliter un site abandonné. Nous choisissons un<br />
répertoire, une époque, un clim<strong>at</strong> particulier. Nous sommes<br />
vigilants à la magie du lieu, à son ambiance. C’est le<br />
Festival d’Île de France qui procède à ce choix, effectué en<br />
toute liberté. Cette nécessité nous a contraints à créer un<br />
poste permanent réservé aux repérages <strong>des</strong> lieux qui se renouv<strong>elle</strong>nt<br />
pour moitié tous les ans. Au bout de 26 années<br />
de fonctionnement du festival, un maillage régional très<br />
important a pu être ainsi établi.<br />
Le festival d’Île de<br />
France est donc un<br />
festival nomade qui<br />
chaque année défriche<br />
de nouveaux territoires<br />
et de nouveaux<br />
publics.<br />
Le festival d’Île de France est donc un festival nomade<br />
qui chaque année défriche de nouveaux territoires et de<br />
nouveaux publics. Le festival rencontre à cette occasion de<br />
nouveaux partenaires que nous devons sensibiliser chaque<br />
année, comme si nous devions renaître infiniment. Des<br />
partenaires auprès <strong>des</strong>quels nous devons présenter notre<br />
spécificité, l’intérêt qu’ils pourraient trouver dans une collabor<strong>at</strong>ion<br />
et que nous devons convaincre parfois de rentrer<br />
dans une co-production pour un projet original, ambitieux<br />
et qui peut rentrer dans leur propre saison. .<br />
Parfois la collabor<strong>at</strong>ion se réduit à une aide logistique,<br />
sous forme de prêt de m<strong>at</strong>ériel, ou à une aide en communic<strong>at</strong>ion.<br />
Plus abouties sont les opér<strong>at</strong>ions périphériques<br />
à un événement comme une résidence d’artistes avec la<br />
coopér<strong>at</strong>ion d’enfants ou de chœurs dans un spectacle. Je<br />
pense à la classe de qu<strong>at</strong>rième qui a « dirigé » l’ensemble<br />
Télémaque dans l’Amour sorcier de Manuel de Falla<br />
avec Raoul <strong>La</strong>y.<br />
Mais développer un territoire, c’est développer d’autres actions<br />
de type culturel. C’est pourquoi, avec le soutien de<br />
la région Île de France, nous avons mis en place depuis<br />
deux ans, une cellule de développement <strong>des</strong> publics. Une<br />
équipe, constituée de deux personnes, a été créée après le<br />
const<strong>at</strong> amer de nos difficultés de plus en plus fréquentes<br />
à toucher le public éloigné <strong>des</strong> zones urbaines ou habitant<br />
<strong>des</strong> quartiers difficiles. Je veux parler surtout <strong>des</strong> zones rurales<br />
lointaines où les habitu<strong>des</strong> cultur<strong>elle</strong>s sont limitées,<br />
soit du fait de l’éloignement d’un centre urbain équipé,<br />
soit parce que la popul<strong>at</strong>ion ne se sent pas concernée par<br />
la <strong>musique</strong> dite savante, mais surtout parce qu’il ne la<br />
connaît pas, qu’<strong>elle</strong> l’impressionne, qu’il n’en possède pas<br />
les clés d’accès. Cette équipe sillonne ainsi tous les départements,<br />
fait en sorte du porte-à-porte auprès <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions,<br />
dont les activités ne sont pas forcément musicales,<br />
met en place <strong>des</strong> masterclasses, <strong>des</strong> résidences d’artistes,<br />
fait rentrer <strong>des</strong> musiciens dans les classes, cherchent les<br />
acteurs locaux les plus mobilisés pour faire relais. Ce travail<br />
n’en est qu’à son début, mais nous pouvons dire qu’il<br />
a été pour beaucoup dans l’augment<strong>at</strong>ion de 10 % de<br />
notre public en 2003.<br />
Les <strong>festivals</strong> et le festival d’Île de France en particulier,<br />
pourraient développer de plus en plus cette qualité<br />
d’éveilleur. Encourager le public à venir écouter Schubert,<br />
Bach ou Stravinsky, c’est le respecter, remplir un devoir de<br />
service public, comme lui proposer d’écouter les meilleurs<br />
musiciens de jazz ou une cré<strong>at</strong>ion contemporaine. Je pense<br />
aussi que le caractère festif <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, nous rend plus<br />
facile la possibilité de faire participer le public à un moment<br />
rare pour tous.<br />
Guy DUMELIE<br />
Deux mots sur la Fédér<strong>at</strong>ion N<strong>at</strong>ionale <strong>des</strong> Collectivités<br />
pour la Culture, fédér<strong>at</strong>ion pluraliste, qui, depuis quarante<br />
ans, reflétant l’ensemble <strong>des</strong> sensibilités politiques,<br />
regroupe un peu plus de 400 villes (gran<strong>des</strong> et<br />
moyennes), mais aussi <strong>des</strong> communes rurales qui ont<br />
choisi la culture comme vecteur de développement, ainsi<br />
que <strong>des</strong> départements et <strong>des</strong> régions. Un véritable lieu<br />
de form<strong>at</strong>ion (réflexion, échanges) pour les élus, mais<br />
aussi un partenaire pour le Ministère de la Culture.<br />
a t e l i e r 3<br />
24<br />
25
a t e l i e r 3<br />
Mon propos va s’articuler sur trois const<strong>at</strong>s et un souhait.<br />
Premier const<strong>at</strong>, les <strong>festivals</strong> sont devenus incontournables.<br />
À Aubervilliers ( je représente cette ville dans cette<br />
fédér<strong>at</strong>ion), se sont développés trois <strong>festivals</strong> de proximité,<br />
Banlieue Bleue, le Festival de Saint-Denis, un festival<br />
de Ville <strong>des</strong> Musiques du monde, sans compter le festival<br />
d’Île de France. C’est bien la preuve de la place de la <strong>musique</strong><br />
dans la société. Les <strong>festivals</strong>, composante signific<strong>at</strong>ive,<br />
pleine, de la vie cultur<strong>elle</strong>,<br />
Deuxième const<strong>at</strong> : les répertoires s’ouvrent, établissent<br />
<strong>des</strong> passer<strong>elle</strong>s. Après une période de spécialis<strong>at</strong>ion très<br />
étroite, les <strong>festivals</strong>, de plus en plus généralistes, couvrent<br />
un spectre plus large (Banlieue Bleue, festival de jazz, ou<br />
festival de Saint-Denis, axé sur la <strong>musique</strong> savante européenne,<br />
offrent parfois de la <strong>musique</strong> contemporaine).<br />
Troisième const<strong>at</strong> : pendant longtemps, les activités musicales<br />
se sont pensées de façon cloisonnée, séparant<br />
les questions de form<strong>at</strong>ion, de diffusion, de pr<strong>at</strong>iques en<br />
am<strong>at</strong>eur ou professionn<strong>elle</strong>s. Cette conception s’estompe.<br />
Les politiques cultur<strong>elle</strong>s publiques, centrées sur l’accès du<br />
plus grand nombre aux gran<strong>des</strong> œuvres de l’esprit, misent<br />
sur <strong>des</strong> structures comme les <strong>festivals</strong>, certes, mais aussi<br />
sur de nouveaux outils (actions de form<strong>at</strong>ion, éduc<strong>at</strong>ion,<br />
accompagnement <strong>des</strong> projets et <strong>des</strong> pr<strong>at</strong>iques, <strong>at</strong>eliers)<br />
qu’<strong>elle</strong>s s’efforcent de mettre en cohérence.<br />
Et puis, on ne se cultive plus pour accéder aux gran<strong>des</strong><br />
œuvres, mais pour son propre équilibre, pour développer<br />
ses propres capacités. Aussi, le festival comme moment<br />
d’exc<strong>elle</strong>nce, moment isolé, tend à s’estomper au profit<br />
d’un festival, toujours moment d’exc<strong>elle</strong>nce, mais moment<br />
fort d’une pr<strong>at</strong>ique pérenne (développement <strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers).<br />
Ainsi, le festival, d’abord simple moyen de mise en valeur,<br />
devient une composante essenti<strong>elle</strong> de la politique<br />
cultur<strong>elle</strong> locale. Depuis longtemps, les élus demandaient<br />
que le festival soit autre chose qu’un élément rapporté, le<br />
temps d’une brève période, mais les évolutions const<strong>at</strong>ées<br />
vont dans le sens qu’ils souhaitent, <strong>elle</strong>s assoient la légitimité<br />
de la dépense publique consacrée aux <strong>festivals</strong>.<br />
Mon souhait, c’est que les <strong>festivals</strong> soient encore plus inscrits<br />
dans la réalité <strong>des</strong> politiques cultur<strong>elle</strong>s locales. Cela<br />
suppose bien sûr <strong>des</strong> échanges entre les élus et les porteurs<br />
de projets, mais aussi entre les porteurs de projets et<br />
l’ensemble <strong>des</strong> acteurs musicaux sur un territoire. Asseoir,<br />
contribuer à développer cette légitimité m’apparaît très<br />
important. Jusqu’à maintenant, l’expertise était l’affaire<br />
de l’Ét<strong>at</strong>. Que les collectivités, les départements, les régions,<br />
les villes développent leur propre capacité d’expertise<br />
(assumées par les associ<strong>at</strong>ions départementales <strong>musique</strong>)<br />
afin que le désengagement progressif de l’Ét<strong>at</strong> ne<br />
soit pas vécu comme une remise en cause de projets qui<br />
ont toute leur valeur.<br />
C’est une bonne façon d’assurer la pérennité <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Hervé de COLOMBEL<br />
Didier Montagné a titré son intervention « Attention, fragile<br />
». C’est l’exemple même <strong>des</strong> conséquences du malentendu<br />
qui peut exister entre <strong>des</strong> élus et <strong>des</strong> porteurs de<br />
projets, qui s’opposent ne partageant pas la même conception<br />
du développement local.<br />
Le festival <strong>des</strong> Bucoliques de Racan se situe au Nord<br />
de l’Indre-et-Loire, région très rurale regroupant<br />
10 000 habitants. Didier Montagné et une poignée<br />
d’autres, émettent, un jour, le désir de créer une académie<br />
de piano. L’associ<strong>at</strong>ion multi-partenariale regroupant<br />
les principaux acteurs du territoire a très vite validé<br />
ce projet et la première académie et quelques concerts<br />
organisés dans les églises environnantes ont pu voir le<br />
jour en août 1990. Une première édition qui a permis<br />
de mettre en valeur le nom que venait de se donner ce<br />
territoire, le Pays de Racan (Racan, poète contemporain<br />
de Ronsard), lui donner une chair.<br />
Mars 2001. L’assemblée générale de l’associ<strong>at</strong>ion<br />
de développement local qui produisait le festival, lors<br />
d’une réunion houleuse suivie par près de 200 personnes,<br />
décidait de suspendre ce festival. Quelques jours<br />
auparavant, les élus locaux avaient décidé de ne plus<br />
soutenir l’associ<strong>at</strong>ion qui, à leurs yeux, s’était rendue<br />
responsable d’avoir organisé, juste avant les élections<br />
municipales, une réunion publique <strong>des</strong>tinée à expliquer<br />
pourquoi les futurs élus devaient enfin mettre en chantier<br />
une structure intercommunale pour pérenniser l’action<br />
de développement en cours et bien sûr le festival<br />
qui la symbolisait. Une polémique violente s’en est alors<br />
ensuivie, relayée par la presse avec deux camps qui ont<br />
très vite émergé ; le Conseil Général à qui on avait demandé<br />
d’arbitrer un peu ce conflit naissant avait alors<br />
subordonné son soutien, ses subventions donc, au fait<br />
que le festival soit géré par une nouv<strong>elle</strong> structure, strictement<br />
cultur<strong>elle</strong> qui donc ne devrait plus s’occuper du<br />
développement local et du territoire, comme c’était le<br />
cas auparavant. L’associ<strong>at</strong>ion décida d’abandonner le<br />
festival.<br />
L’histoire <strong>des</strong> Bucoliques a mis à nu les limites que ne<br />
doit pas franchir un festival, s’il veut continuer à recevoir<br />
<strong>des</strong> subventions et l’accrédit<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> politiques. Il doit<br />
rester de l’art pour l’art, se cantonner au culturel, ne pas<br />
se référer à d’autres dimensions (économiques, sociales,<br />
civiques), qui pourtant le légitiment et marquent simplement<br />
son souci de s’enraciner et d’être en cohérence<br />
avec son milieu.<br />
Entre ces deux moments extrêmes, pourtant, onze éditions<br />
du festival. Les Bucoliques de Racan étaient devenues<br />
l’emblème du Pays de Racan, de son développement,<br />
de la reconnaissance dont il était l’objet. <strong>La</strong> notoriété<br />
du festival a permis que s’installent <strong>des</strong> entreprises<br />
cultur<strong>elle</strong>s, maisons d’édition, compagnies de théâtre,<br />
studios d’enregistrement, tant le projet artistique était<br />
fort et singulier. En 92, décision est prise d’abandonner<br />
l’académie de <strong>musique</strong>, trop contraignante, et de développer<br />
un véritable projet culturel autour du festival, que<br />
Didier Montagné définit comme un parcours esthétique :<br />
dix jours durant, une thém<strong>at</strong>ique est déclinée, chaque<br />
année différente (<strong>musique</strong> et plaisir, <strong>musique</strong> et silence,<br />
<strong>musique</strong> et nostalgie, <strong>musique</strong> et voyage). Cela permet<br />
un éclectisme raisonné dans la programm<strong>at</strong>ion, de choisir<br />
de manière plus ouverte dans le répertoire les genres<br />
et aussi d’élargir le public. L’interdisciplinarité <strong>des</strong><br />
genres artistiques a également été mise en avant très<br />
rapidement, littér<strong>at</strong>ure, arts plastiques, danse, cirque,<br />
gastronomie, cinéma. Suite de moments singuliers qui<br />
tranchent avec le déroulement habituel du seul concert,<br />
le spect<strong>at</strong>eur considéré comme auditeur-artiste (cf. : un<br />
voyage en train spécial, toute une journée, et arrêt dans<br />
six petites gares désaffectées pour l’intégrale <strong>des</strong> suites<br />
pour violonc<strong>elle</strong> de Bach qu’avait donnée Jean-Guihen<br />
Queyras ou pièces de violes de Sainte-Colombe à écouter<br />
en plein air, dans un parc à côté de performances<br />
réalisées par <strong>des</strong> plasticiens). Le budget s’est accru au<br />
fur et à mesure <strong>des</strong> années et il est passé de 50 000 à<br />
600 000 Francs avec contributions de trois Départements,<br />
deux Régions, la DRAC et, certaines années, <strong>des</strong><br />
fonds européens. Mais on sauvegardait un certain équilibre,<br />
à savoir un tiers de subventions publiques, un tiers<br />
de billetterie et un tiers de partenari<strong>at</strong>s privés.<br />
Pourtant les Bucoliques n’ont jamais trouvé de réel soutien<br />
financier, ou alors très tardivement, à la hauteur<br />
de leurs ambitions artistiques, seulement à l’aune de la<br />
taille géographique du territoire dans lequel <strong>elle</strong>s se développaient.<br />
Les élus locaux ont toujours mis en doute<br />
le bien-fondé <strong>des</strong> choix artistiques, réclamant sans cesse<br />
« <strong>des</strong> choses pour les gens d’ici », malgré le nombre de<br />
manifest<strong>at</strong>ions gr<strong>at</strong>uites et l’éclectisme <strong>des</strong> propositions.<br />
<strong>La</strong> petite jauge de certains lieux choisis pour <strong>des</strong> motifs<br />
esthétiques ou le numerus clausus imposé par la forme<br />
de certaines manifest<strong>at</strong>ions écornent un bilan dont<br />
beaucoup ne veulent voir tout à coup que l’aspect quantit<strong>at</strong>if.<br />
Ce qui faisait une spécificité reconnue peut devenir<br />
à tout moment une aberr<strong>at</strong>ion, au regard de critères<br />
aussi imparables que l’utilis<strong>at</strong>ion de l’argent public ou<br />
la nécessité de s’adresser au plus grand nombre.<br />
L’histoire <strong>des</strong> Bucoliques, comme c<strong>elle</strong> de nombreux <strong>festivals</strong>,<br />
est avant tout c<strong>elle</strong> d’une aventure humaine intense<br />
et parfois vers<strong>at</strong>ile, reposant sur une quarantaine<br />
de personnes bénévoles. 60 % du budget était consacré<br />
à l’artistique. Comment s’inscrire dans la durée sans<br />
une professionnalis<strong>at</strong>ion dont il faut trouver les financements<br />
? Comment résoudre la tension entre l’éphémère,<br />
le vivant et la nécessité ré<strong>elle</strong> de pérenniser ? Nous ne<br />
pouvons pas terminer sans citer René Char, « les plus<br />
pures récoltes naissent dans un sol qui n’existe pas, <strong>elle</strong>s<br />
éliminent la gr<strong>at</strong>itude et ne doivent qu’au printemps. »<br />
Jean-Marie PACQUETEAU<br />
Conseiller pour la <strong>musique</strong><br />
Conseil Général d’Indre-et-Loire<br />
Une précision : le Conseil Général n’a pas subordonné<br />
sa subvention à une condition, mais a demandé que<br />
l’activité « festival » soit indépendante de l’activité<br />
« développement global » de l’associ<strong>at</strong>ion.<br />
André NICOLAS<br />
Responsable de l’Observ<strong>at</strong>oire de<br />
la <strong>musique</strong> – Cité de la Musique<br />
« <strong>La</strong> <strong>musique</strong> a-t-<strong>elle</strong> <strong>besoin</strong> <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? » Je répondrai<br />
non. Mais les musiciens, oui. L’économie festivalière<br />
a énormément structuré la vie professionn<strong>elle</strong><br />
artistique et autres activités dans ce pays.<br />
Brigitte HAUDEBOURG<br />
Directrice artistique<br />
Festival de <strong>musique</strong><br />
et d’art baroque en Tarentaise<br />
Notre festival a lieu dans <strong>des</strong> églises baroques dont la<br />
contenance peut, très souvent, ne pas excéder 100 personnes.<br />
<strong>La</strong> rentabilité d’un concert ou d’un festival est<br />
faible, d’où une énorme dépendance financière par rapport<br />
à la Région, la DRAC ou le Département, dépendance<br />
réciproque par ailleurs puisqu’ils en bénéficient.<br />
Sylvain TEUTSCH<br />
Président - Institut Théodore Gouvy<br />
Je suis Président d’un Institut consacré à un compositeur<br />
du XIX e , Théodore Gouvy, qu’on a totalement redécouvert,<br />
enterré dans ma petite ville de Hombourg-Haut, qui, de<br />
son vivant, était joué dans le monde entier, auteur de plus<br />
de 300 œuvres. C’est cette figure-là qui a permis que la<br />
région se redécouvre une identité. Grâce à la mobilis<strong>at</strong>ion<br />
de toute la région Lorraine qui a bien compris qu’il ne<br />
lui fallait pas négliger son p<strong>at</strong>rimoine culturel, nous avons<br />
créé un festival et une collection discographique qui s’app<strong>elle</strong><br />
Mémoire musicale de la Lorraine. Si l’on croit au projet<br />
qu’on porte, que l’on réussit à convaincre les élus, on<br />
peut alors faire de b<strong>elle</strong>s choses.<br />
Jean-Marc BOURE<br />
Directeur <strong>des</strong> Affaires Cultur<strong>elle</strong>s<br />
de Maisons-<strong>La</strong>ffitte et organis<strong>at</strong>eur<br />
bénévole depuis de nombreuses<br />
années de <strong>festivals</strong><br />
Je suis un peu surpris d’entendre parler de subventions<br />
de la DRAC puisqu’<strong>elle</strong> ne prend en charge que la diffusion<br />
sauf s’il s’agit de <strong>musique</strong> d’aujourd’hui ou de<br />
cas spécifiques d’intervention politique.<br />
Didier PILLON<br />
Conseiller régional chargé du spectacle<br />
vivant – Conseil Régional <strong>des</strong><br />
Pays de la Loire<br />
Je voudrais réévoquer le rôle <strong>des</strong> collectivités locales.<br />
Nous, élus, sommes très sensibles, avant tout :<br />
1°- à la cohérence de la programm<strong>at</strong>ion. Peu importent<br />
la taille du territoire concerné, la fréquent<strong>at</strong>ion escomptée,<br />
la jauge <strong>des</strong> salles.<br />
2°- à l’ancrage du projet dans la vie cultur<strong>elle</strong>. Ni programm<strong>at</strong>ion<br />
plaquée, ni en concurrence avec ce qui est<br />
déjà en place.<br />
3°- à la responsabilis<strong>at</strong>ion de l’équipe artistique. On<br />
aimerait pouvoir demander <strong>des</strong> comptes, en cas d’erreur<br />
manifeste de gestion d’un lieu, par exemple.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Je voudrais vous poser une question. Vous, élus, dont<br />
le rapport au temps est de l’ordre du présent immédi<strong>at</strong>,<br />
en opposition totale avec celui de la culture qui<br />
repose sur la longue durée, comment faites-vous pour<br />
faire <strong>des</strong> choix ?<br />
Didier PILLON<br />
En ce qui concerne les <strong>festivals</strong> qui existent depuis<br />
longtemps, les élus continuent à soutenir un projet qui<br />
marche. Pour ceux qui naissent, nous les accompagnons<br />
pendant 3 ans. Puis, on établit le bilan et on<br />
décide alors si oui ou non on bascule notre aide dans<br />
une aide au fonctionnement.<br />
Comment s’inscrire<br />
dans la durée sans une<br />
professionnalis<strong>at</strong>ion<br />
dont il faut trouver les<br />
financements ?<br />
Comment résoudre<br />
la tension entre<br />
l’éphémère, le vivant<br />
et la nécessité ré<strong>elle</strong><br />
de pérenniser ?<br />
Benoît DEBUYST<br />
Responsable de la communic<strong>at</strong>ion<br />
Festival de Wallonie<br />
Les exigences <strong>des</strong> pouvoirs politiques qui demandent<br />
aux <strong>festivals</strong> d’élargir leur champ<br />
d’action sur une région ou d’en allonger la durée,<br />
comme s’ils voulaient qu’on soit <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>eurs<br />
culturels permanents, sont les mêmes<br />
chez nous et ici. Or les <strong>festivals</strong>, pour répondre<br />
à la demande du public qui aime l’événementiel,<br />
ont tendance à resserrer leur durée et même<br />
à le limiter géographiquement. Comment faire ?<br />
Charlotte LATIGRAT<br />
Le festival d’Île de France, consacré à ses débuts surtout<br />
à la <strong>musique</strong> baroque, la <strong>musique</strong> de chambre et la mu-<br />
sique vocale, a été créé par <strong>des</strong> hommes de droite. Il y a<br />
qu<strong>at</strong>re ans, la région a basculé à gauche et n’a pas tardé<br />
à faire de nouv<strong>elle</strong>s deman<strong>des</strong>, très légitimes certes, qui<br />
nous ont, pourtant, plongés dans l’embarras pendant 1<br />
ou 2 ans, tant <strong>elle</strong>s étaient imprécises : il fallait d’urgence<br />
élargir le public, le répertoire, sans aucune autre indic<strong>at</strong>ion.<br />
Il fallait penser à la nouv<strong>elle</strong> génér<strong>at</strong>ion, donc<br />
exclure de nos projets la <strong>musique</strong> classique, trop élitiste,<br />
penser aux <strong>musique</strong>s d’aujourd’hui, contemporaines. Mais<br />
lesqu<strong>elle</strong>s ? Était-ce la <strong>musique</strong> contemporaine (idée de<br />
cré<strong>at</strong>ion ?), était-ce les <strong>musique</strong>s de jazz, était-ce les <strong>musique</strong>s<br />
populaires, de variété, de danse, était-ce les <strong>musique</strong>s<br />
actu<strong>elle</strong>s ? Oui, les <strong>musique</strong>s actu<strong>elle</strong>s ! Et, au bout<br />
de deux ans, après force réflexion, tout en sauvegardant<br />
les objectifs premiers du festival, on a pu proposer à la Région<br />
deux séries nouv<strong>elle</strong>s, l’une en ouverture de festival,<br />
<strong>des</strong>tinée à présenter <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s du Monde et la deuxième,<br />
axée sur le jazz électronique, clôturant le festival. Un<br />
festival plus polymorphe, très fréquenté, avec <strong>des</strong> publics<br />
différents, mais qui, malheureusement, ne se mélangent<br />
pas. Dans notre cas, on a su répondre, et pas trop mal, à<br />
la demande. Mais c’est loin d’être toujours possible, sans<br />
compter que la demande <strong>des</strong> politiques ne correspond pas<br />
forcément à c<strong>elle</strong> du public.<br />
Un festival subventionné, c’est un organisme fragile qui<br />
dépend du bon vouloir d’une collectivité locale, et, parfois<br />
même, de tensions entre <strong>des</strong> personnes. Il ne faut<br />
pas oublier non plus qu’un festival est géré par <strong>des</strong> professionnels,<br />
souvent depuis très longtemps sur le terrain,<br />
qui, eux aussi, ont <strong>des</strong> opinions, <strong>des</strong> idées, ils ont aussi<br />
étudié ce que veut le public, ils connaissent les lieux<br />
str<strong>at</strong>égiques comme les élus avec qui ils travaillent.<br />
Simone TERVILLE<br />
Adjointe au Maire - Saintes<br />
Je suis une élue, à Saintes. Ma position en tant que<br />
t<strong>elle</strong> est la suivante : quand un festival est de qualité,<br />
quand les professionnels qui le gèrent sont de qualité,<br />
quand le festival devient l’image de marque de la ville,<br />
tout élu ne peut que le soutenir. De toute façon, la<br />
<strong>musique</strong>, par définition, est un langage universel qui<br />
fait fi <strong>des</strong> clivages politiques.<br />
Charlotte LATIGRAT<br />
Merci de votre intervention. En effet, seule importe la<br />
<strong>musique</strong> de qualité, seule importe la présence du public,<br />
seul importe le rayonnement culturel qui rejaillit<br />
sur la ville ou la région. Bien sûr, les politiques ont raison<br />
d’avoir <strong>des</strong> exigences artistiques, mais nous, organis<strong>at</strong>eurs<br />
de <strong>festivals</strong>, nous ne sommes pas tout à fait<br />
quantité négligeable ; après tout, on passe du temps,<br />
dans les médias, dans les radios locales et n<strong>at</strong>ionales,<br />
à célébrer la beauté, la vitalité <strong>des</strong> régions ou <strong>des</strong> lieux<br />
que nous investissons, à vanter l’activité cultur<strong>elle</strong> qui<br />
y règne, pas seulement par professionnalisme, mais<br />
aussi par amour de ces lieux-là. Nous sommes utiles.<br />
a t e l i e r 3<br />
26<br />
27
a t e l i e r 3<br />
Guy DUMELIE<br />
Vice-Président - FNCC<br />
Les politiques cultur<strong>elle</strong>s <strong>des</strong> collectivités sont assez récentes<br />
(une trentaine d’années). Elles ont d’abord été <strong>des</strong><br />
politiques d’aménagement du territoire (construction de<br />
théâtres, etc..). Aujourd’hui, les élus s’interrogent sur la<br />
légitimité <strong>des</strong> dépenses cultur<strong>elle</strong>s, d’où leur maladroite<br />
exigence que tout projet culturel soit « à portée » de leur<br />
popul<strong>at</strong>ion. Mais, avec le dialogue, on peut dépasser les<br />
craintes premières et être dans un plaisir partagé.<br />
Henri FUOC<br />
Président - Festival Saoû chante<br />
Mozart dans la Drôme<br />
J’ai été maire, 17 ans, de Saoû, village de 420 habitants<br />
dans la Drôme, département rural. Qu’est-ce<br />
que demande un élu ? Avant tout, c’est vrai, « faire<br />
du monde ». Depuis six ans, tous nos concerts se donnent<br />
à guichet fermé, ça nous simplifie bien les choses.<br />
Mais on a eu de petits problèmes avec l’Ét<strong>at</strong>. Il<br />
existe, vous le savez, <strong>des</strong> subventions déconcentrées,<br />
accordées par le Préfet de Région sur proposition de la<br />
DRAC. Lors du conflit qui a écl<strong>at</strong>é (l’Ét<strong>at</strong> a diminué sa<br />
subvention pour moitié, cette année, rien n’est prévu<br />
l’an prochain), on a eu le soutien de tous les politiques,<br />
quels qu’ils soient.<br />
Hervé de COLOMBEL<br />
Il est nécessaire que<br />
s’établisse un véritable<br />
équilibre entre les élus<br />
(décideurs) et l’administr<strong>at</strong>ion<br />
(directeur de festival).<br />
Ce serait bien que<br />
tous les acteurs engagés,<br />
après un vrai dialogue,<br />
s’entendent sur de<br />
vrais critères d’évalu<strong>at</strong>ion,<br />
pas seulement fondés<br />
sur les chiffres de<br />
fréquent<strong>at</strong>ion.<br />
Il est nécessaire que s’établisse un véritable équilibre<br />
entre les élus (décideurs, mais pas omnipotents)<br />
et l’administr<strong>at</strong>ion (directeur de festival ou fonctionnaire<br />
territorial). Un élu, bien sûr, n’a pas la science<br />
infuse, mais il lui faut bien indiquer à un festival les<br />
objectifs à <strong>at</strong>teindre. Ce serait bien que tous les acteurs<br />
engagés (le directeur-technicien du festival, l’équipe,<br />
l’élu, la collectivité), après un vrai dialogue, s’entendent<br />
sur de vrais critères d’évalu<strong>at</strong>ion, pas seulement<br />
fondés sur les chiffres de fréquent<strong>at</strong>ion afin de réduire<br />
l’éventuel malentendu entre la commande et le porteur<br />
du projet.<br />
Véronique CHAUVOIS<br />
Chargée du spectacle vivant<br />
Conseil Régional du Limousin<br />
Chaque mois, se réunit une commission cultur<strong>elle</strong><br />
où nous expliquons et présentons chaque projet aux<br />
élus de façon la plus détaillée possible. Cela crée <strong>des</strong><br />
liens.<br />
Je voudrais savoir s’il existe une convention spécifique<br />
entre la Région et votre associ<strong>at</strong>ion qui fixe les contreparties<br />
apportées par rapport à la subvention que<br />
vous recevez.<br />
Charlotte LATIGRAT<br />
Oui, effectivement, il y a une convention signée entre<br />
l’associ<strong>at</strong>ion et la Région.<br />
Philippe DANEL<br />
Oui, il y a aussi une convention.<br />
Sylvain TEUTSCH<br />
Je suis président de l’Institut Théodore Gouvy, mais<br />
aussi élu de ma ville, chargé <strong>des</strong> affaires cultur<strong>elle</strong>s.<br />
Un double st<strong>at</strong>ut, source de certaines ambiguïtés. Je<br />
m’oblige à programmer au moins un concert de <strong>musique</strong><br />
de chambre chaque année. Quand on me reproche<br />
la faible fréquent<strong>at</strong>ion à ce concert, je la justifie<br />
par le fait que ce concert a généré un enregistrement<br />
discographique qui, lui, va être entendu par le monde<br />
entier, enregistrement qui vient d’avoir une critique<br />
dithyrambique dans The Strade.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Ne faites-vous pas dépendre toute subvention d’un<br />
dossier de presse ?<br />
Sylvain TEUTSCH<br />
Il est un moment où vous n’avez plus <strong>besoin</strong> de dossier<br />
de presse, lorsque vous avez réussi à faire admettre<br />
à tous vos partenaires la valeur de votre projet.<br />
Didier PILLON<br />
Tout à fait d’accord, le dossier de presse n’est pas un<br />
élément majeur, c’est une carte de visite, sans plus.<br />
J’ai été président d’une scène n<strong>at</strong>ionale, je ne me<br />
suis jamais mêlé de la programm<strong>at</strong>ion du directeur,<br />
je pense que j’aurais été en dehors de mon rôle, lui ne<br />
l’aurait pas admis. Cependant, quand un festival est<br />
financé à 75 %, il ne me paraît pas scandaleux que le<br />
Conseil Régional énonce <strong>des</strong> objectifs très précis, pas<br />
forcément d’ordre financier, tenant compte aussi <strong>des</strong><br />
avis de techniciens, comme ceux de la DRAC ou d’une<br />
commune, d’un département ou d’une région (les collectivités<br />
territoriales ont leurs directeurs culturels propres).<br />
Le critère important me paraît être, non pas le<br />
pur quantit<strong>at</strong>if, mais un certain rapport entre le prévisionnel<br />
escompté (financier ET artistique), qui comporte<br />
oblig<strong>at</strong>oirement sa part de risque, et le bilan.<br />
Véronique IACIU<br />
Directrice artistique<br />
Festival du Périgord Noir<br />
Je remercie les élus qui sont tout à fait bienveillants,<br />
ici, envers les <strong>festivals</strong>, mais je partage un peu le sentiment<br />
de Charlotte <strong>La</strong>trigr<strong>at</strong>. Je conseille quand même<br />
aux cré<strong>at</strong>eurs de festival de garder en tête qu’on exigera<br />
d’eux, à la fois, une programm<strong>at</strong>ion cohérente, un<br />
maillage avec les réseaux existant déjà dans la région,<br />
un retour sur investissement, donc un dossier de presse<br />
conséquent et <strong>des</strong> bilans financiers convenables, sans<br />
compter la cré<strong>at</strong>ion d’autres réseaux afin d’établir <strong>des</strong><br />
partenari<strong>at</strong>s avec l’étranger. Toute mission très difficile<br />
à gérer, surtout si on travaille à mi-temps.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Le mot « mode » est à retenir. Les politiques, qui ont<br />
compris la puissance de la culture, en usent parfois de<br />
façon démagogique, ce qui constitue une menace (risque<br />
de récupér<strong>at</strong>ion et manipul<strong>at</strong>ion politique).<br />
Fanny MALAFOSSE<br />
Musique en Voûte<br />
Dans la Région Bourgogne, je n’ai pas à me plaindre<br />
sur ce point, mais le caractère itinérant de notre<br />
festival oblige à la multiplic<strong>at</strong>ion de nos partenaires,<br />
donc nous expose à une plus grande fragilité. Chaque<br />
année, il faut convaincre nos partenaires de nous accorder<br />
à nouveau leur confiance. Les subventions peuvent<br />
n’avoir qu’un temps. Il y a aussi <strong>des</strong> risques de<br />
conception divergente : nous, on désire rester le petit<br />
festival régional qui se déplace de commune en commune.<br />
Les élus, dans la mesure où il marche, aimeraient<br />
bien qu’il s’agrandisse.<br />
28
Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
dans la cré<strong>at</strong>ion<br />
et la diffusion musicale ?<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Bénédicte DUMEIGE - Directrice - France Festivals<br />
Participants<br />
a t e l i e r 4<br />
Olivier BERNARD - Responsable de l’action cultur<strong>elle</strong> - SACEM<br />
Thierry PECOU - Compositeur<br />
Michèle PARADON - Directrice artistique - Arsenal de Metz<br />
Damien POUSSET - Directeur artistique - Aeon Records<br />
Pascale BOURGOGNE - Responsable <strong>des</strong> enregistrements – France Musiques<br />
31
a t e l i e r 4<br />
Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans la cré<strong>at</strong>ion<br />
et la diffusion musicale ?<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Les <strong>festivals</strong> tiennent-ils une place particulière dans<br />
le paysage musical français, favorisent-ils la cré<strong>at</strong>ion<br />
musicale, une meilleure diffusion musicale ?<br />
Ensuite nous parlerons de capt<strong>at</strong>ion, de diffusion,<br />
d’enregistrement.<br />
Olivier BERNARD<br />
En France, il existe environ 800 compositeurs de <strong>musique</strong><br />
dite contemporaine (70 à 75 % résident en région<br />
parisienne) dont presque la moitié voient leurs<br />
œuvres créées et diffusées, ce qui est un chiffre important.<br />
Quel est le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans la cré<strong>at</strong>ion et la<br />
diffusion de ces œuvres ?<br />
Deux c<strong>at</strong>égories de <strong>festivals</strong> : d’une part, les <strong>festivals</strong><br />
spécialisés, très majoritairement ou même exclusivement<br />
dévolus au répertoire contemporain et donc à la<br />
cré<strong>at</strong>ion d’œuvres nouv<strong>elle</strong>s, d’autre part, <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
généralistes qui accordent une place variable, mais<br />
assez signific<strong>at</strong>ive, aux <strong>musique</strong>s d’aujourd’hui.<br />
En 2002, on peut estimer à 791 000 euros l’ensemble<br />
<strong>des</strong> soutiens financiers qu’a apportés la SACEM à<br />
bon nombre d’entre eux, au titre de l’action cultur<strong>elle</strong>,<br />
une somme en augment<strong>at</strong>ion depuis quelques années.<br />
Pour la SACEM, en effet, il est très important<br />
de préserver une masse critique suffisante de manifest<strong>at</strong>ions<br />
spécialisées, tant <strong>elle</strong>s constituent les labor<strong>at</strong>oires<br />
et les vitrines de la cré<strong>at</strong>ion française dont il<br />
faut renforcer en Europe la dimension institutionn<strong>elle</strong><br />
et professionn<strong>elle</strong>. Il ne faut pas oublier que la cré<strong>at</strong>ion<br />
musicale ne possède pas, à l’instar <strong>des</strong> arts plastiques,<br />
de réseau de galeries privées où sont exposées<br />
les œuvres que le public peut acquérir, ni, comme les<br />
cré<strong>at</strong>eurs dram<strong>at</strong>iques et chorégraphiques, d’institutions<br />
muséales publiques ou de grand festival, mêlant<br />
intimement professionnels et am<strong>at</strong>eurs. Elle n’a qu’un<br />
réseau de <strong>festivals</strong> de taille diverse, dont la caractéristique,<br />
même pour les plus mo<strong>des</strong>tes d’entre eux, est le<br />
caractère oblig<strong>at</strong>oirement intern<strong>at</strong>ional <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>ions<br />
(pas de festival de cré<strong>at</strong>ion de <strong>musique</strong> française<br />
contemporaine).<br />
Certes, certains pays d’Europe de l’Ouest (Allemagne,<br />
France, Suisse, Belgique, Pays Bas, Royaume-Uni et,<br />
depuis peu de temps, à cause d’un volontarisme politique<br />
particulier, la Finlande), grands par leur tradition<br />
musicale ancienne plutôt que par leur poids démographique,<br />
possèdent, depuis les années 70-80, 2<br />
ou 3 grands <strong>festivals</strong>, soutenus, dans un certain nombre<br />
de cas, par <strong>des</strong> organismes de radiodiffusion et<br />
de service public, constituant ainsi un réseau de 15<br />
ou 20 manifest<strong>at</strong>ions en Europe capable de supporter<br />
les projets les plus lourds et de proposer <strong>des</strong> concerts<br />
d’orchestres, <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions lyriques, <strong>des</strong> pl<strong>at</strong>eaux d’ensembles<br />
coûteux, et de passer <strong>des</strong> comman<strong>des</strong> importantes<br />
bien rémunérées à <strong>des</strong> compositeurs (cf. : le<br />
réseau VARESE, dont le fond<strong>at</strong>eur est d’ailleurs dans<br />
cette salle, Jean-Dominique Marco, organisme de concert<strong>at</strong>ion<br />
et de co-réalis<strong>at</strong>ion, de coproduction, de circul<strong>at</strong>ion<br />
de cré<strong>at</strong>ions). Les budgets y sont rel<strong>at</strong>ivement<br />
considérables, même s’ils sont mo<strong>des</strong>tes, par rapport<br />
à d’autres mo<strong>des</strong> d’expression de spectacles vivants :<br />
1,5 à 2,5 millions d’euros environ. Un réseau qui perdure<br />
et dont l’un <strong>des</strong> intérêts est qu’il constitue, pour<br />
la carrière d’un compositeur, un lieu de sélection, de<br />
consécr<strong>at</strong>ion et de légitim<strong>at</strong>ion, une sorte de parcours<br />
obligé, un enjeu symbolique très fort, peut-être plus<br />
fort, dans ce milieu, que l’enjeu proprement économique.<br />
Une reconnaissance <strong>des</strong> professionnels, qui ne<br />
concerne pas seulement les compositeurs d’ailleurs,<br />
mais beaucoup de gestionnaires du secteur musical,<br />
qu’a légitimés la responsabilité d’un festival de <strong>musique</strong><br />
contemporaine.<br />
Le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />
dans le domaine de<br />
la production (mise à<br />
disposition d’un lieu,<br />
répétitions, concert)<br />
est essentiel, surtout<br />
dans la <strong>musique</strong><br />
contemporaine.<br />
Mais les nombreux petits <strong>festivals</strong> que j’évoquais<br />
tout à l’heure, fruit d’une politique, pas si lointaine,<br />
très volontariste, d’équipements, de studios, d’ensembles,<br />
de conserv<strong>at</strong>oires, d’écoles n<strong>at</strong>ionales de<br />
<strong>musique</strong>, ont permis de révéler <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s et <strong>des</strong><br />
compositeurs nouveaux, tout en trouvant un public.<br />
Les recettes de billetterie, peut-être marginales, ne<br />
le sont pas plus que dans d’autres types de manifest<strong>at</strong>ions<br />
où l’on met en avant la modernité, l’innov<strong>at</strong>ion,<br />
et à qui on n’en fait pas le reproche.<br />
Autant il est important pour nous de soutenir ces petits<br />
<strong>festivals</strong> spécialisés, vrais labor<strong>at</strong>oires, autant il<br />
faut soutenir, dans le même temps, les <strong>festivals</strong> plus<br />
généralistes, qui permettent de couvrir la diversité<br />
propre à la cré<strong>at</strong>ion musicale actu<strong>elle</strong>. Il faut les inciter<br />
à recycler l’innov<strong>at</strong>ion, à la confronter au répertoire<br />
et au p<strong>at</strong>rimoine. <strong>La</strong> <strong>musique</strong> de notre temps ne<br />
peut se contenter <strong>des</strong> indispensables circuits spécialisés,<br />
<strong>elle</strong> a <strong>besoin</strong> d’un second marché, qui accompagnera<br />
l’accès progressif <strong>des</strong> œuvres au répertoire,<br />
même s’il est lent et difficile. D’ailleurs, de plus en<br />
plus de <strong>festivals</strong> l’ont bien compris et jouent délibérément<br />
l’effet de contraste, mettant délibérément en<br />
miroir <strong>des</strong> œuvres d’hier et d’aujourd’hui (Saintes,<br />
Ambronay). D’autres s’<strong>at</strong>tachent la présence provisoire<br />
d’un compositeur, en résidence, (édition 2004<br />
du Festival de Besançon). D’autres vont encore plus<br />
loin et demandent au compositeur d’être responsable<br />
de la programm<strong>at</strong>ion (Marc Monnet, par exemple,<br />
responsable du printemps musical de Monaco).<br />
Toutes ces démarches qui sensibilisent les publics à<br />
la continuité <strong>des</strong> répertoires musicaux, au-delà <strong>des</strong><br />
ruptures et <strong>des</strong> crises liées à l’histoire de la <strong>musique</strong><br />
au XX e siècle, dédram<strong>at</strong>isent la question de la cré<strong>at</strong>ion<br />
vis-à-vis du public et, surtout, <strong>des</strong> partenaires<br />
institutionnels, méfiants, et <strong>des</strong> mécènes, pas toujours<br />
acquis à cette cause. Et lorsque <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />
spécialisés ou généralistes, décident d’en assumer le<br />
risque (exception française), la SACEM n’hésite pas<br />
à les soutenir au moyen de partenari<strong>at</strong>s-conventionnements,<br />
dans l’idéal pluriannuels.<br />
Mais les <strong>festivals</strong> ne sont jamais que le dernier<br />
maillon de la chaîne. Il faut aussi qu’il y ait encore<br />
plus de compositeurs qui écrivent, d’éditeurs qui éditent,<br />
<strong>des</strong> interprètes motivés, compétents et, enfin,<br />
<strong>des</strong> médias qui fassent connaître l’innov<strong>at</strong>ion. Or,<br />
on const<strong>at</strong>e difficultés, manques, dysfonctionnement<br />
de la filière.<br />
Thierry PECOU<br />
Participer à un festival n’est pas anodin. C’est un acte<br />
qui dépasse le côté éphémère du concert. Il s’agit<br />
d’entrer en contact avec un lieu et son histoire, avec<br />
ses habitants, donc avec son public. Quelque chose<br />
qui se construit dans le temps et qui, souvent, a <strong>des</strong><br />
répercussions ou <strong>des</strong> rebondissements sur les années<br />
futures ou la longueur de toute une saison.<br />
Quelques exemples d’expériences :<br />
- c<strong>elle</strong> vécue, au long d’une année, avec le Festival<br />
Musique en Scène à Lyon qui m’avait invité. Il s’agissait,<br />
d’une part, de construire une pièce pour violonc<strong>elle</strong><br />
et électronique (GRAM), d’autre part, de faire<br />
un travail avec les étudiants de l’École N<strong>at</strong>ionale de<br />
Musique de Villeurbanne (présent<strong>at</strong>ion, analyse, puis<br />
montage de mes partitions) qui a abouti à plusieurs<br />
concerts, au sein du festival bien sûr, mais aussi en<br />
dehors de manifest<strong>at</strong>ions propres à l’école de <strong>musique</strong>.<br />
Le festival, alors, n’est plus seulement un lieu<br />
c<strong>at</strong>alyseur d’énergies, mais donne naissance à <strong>des</strong><br />
choses qui vivent ailleurs leur vie.<br />
- c<strong>elle</strong> vécue avec Les Bucoliques du Pays de Racan,<br />
où j’ai pu vraiment m’approprier un lieu, le château<br />
du Grand Lucé, y inventer un parcours musical, long<br />
de toute une journée, sur le thème de l’acclim<strong>at</strong><strong>at</strong>ion.<br />
- c<strong>elle</strong> vécue avec <strong>des</strong> lycéens de Bretagne, qui, après<br />
avoir organisé un concours de poésie, ont sélectionné<br />
la meilleure pièce, me l’ont confiée pour que je la<br />
mette en <strong>musique</strong>. Le concert qui a suivi a permis à<br />
bon nombre d’étudiants de différents lycées de Bretagne<br />
de découvrir un type de <strong>musique</strong> qu’ils n’auraient<br />
jamais eu l’idée d’aller découvrir par ailleurs.<br />
- c<strong>elle</strong> vécue avec les Rencontres Musicales de Pontl’Abbé,<br />
dans la perspective de mise en valeur d’un<br />
p<strong>at</strong>rimoine local. On m’avait demandé d’illustrer un<br />
tableau de M<strong>at</strong>hurin Meheu, un peintre régional, sous<br />
la forme d’une œuvre pour orchestre. Une façon, pour<br />
moi, de m’approprier <strong>des</strong> traditions, une mythologie,<br />
une poétique, d’où une pièce d’une cinquantaine de<br />
minutes pour trois voix de femmes, deux instruments<br />
et grand orchestre.<br />
Les <strong>festivals</strong>, surtout les petits, animés par <strong>des</strong> am<strong>at</strong>eurs<br />
convaincus et passionnés, sont <strong>des</strong> lieux souvent<br />
pleins d’humanité où nous, cré<strong>at</strong>eurs, pouvons expérimenter,<br />
donner libre cours à notre imagin<strong>at</strong>ion.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Abordons le second thème de notre <strong>at</strong>elier, les liens<br />
qui existent ou non, entre les <strong>festivals</strong>, les scènes et les<br />
saisons cultur<strong>elle</strong>s qui se déroulent dans l’année.<br />
Michèle PARADON<br />
L’Arsenal est l’une <strong>des</strong> rares salles de concert en France<br />
qui a développé un projet assez original, une programm<strong>at</strong>ion<br />
qui va de la <strong>musique</strong> ancienne à la <strong>musique</strong><br />
contemporaine, qui œuvre également dans le domaine<br />
de l’art chorégraphique puisqu’on a une saison<br />
de danse assez conséquente.<br />
Pas de festival à l’Arsenal. Nous travaillons sur une<br />
saison, privilégiant quelques axes, <strong>musique</strong> baroque,<br />
<strong>musique</strong> contemporaine, danse contemporaine et mettant<br />
en place <strong>des</strong> résidences d’artistes, de compagnies<br />
ou d’ensembles. Mais, pour donner une plus grande<br />
visibilité aux cré<strong>at</strong>ions de ces artistes, nous sommes<br />
amenés à travailler avec <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, surtout spécialisés,<br />
comme le festival de Beaune (<strong>musique</strong> baroque),<br />
avec lequel nous avons, depuis plusieurs années, <strong>des</strong><br />
collabor<strong>at</strong>ions sous la forme de coproductions (recré<strong>at</strong>ion<br />
d’opéras baroques ou programmes de <strong>musique</strong><br />
baroque) ou le festival Musica (<strong>musique</strong> contemporaine)<br />
ou encore Montpellier Danse ou Avignon.<br />
Les <strong>festivals</strong> jouent aussi un rôle de form<strong>at</strong>ion permanente,<br />
rassemblant les artistes ou d’autres professionnels,<br />
lieux d’échanges, de rencontres et de découvertes<br />
dont on a tant <strong>besoin</strong>.<br />
Il nous arrive parfois d’envier le fonctionnement <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> qui, en principe, consacrent un peu plus d’argent<br />
à l’artistique que nous, qui sommes dévorés par<br />
les frais structurels. Mais, ce que je déplore parfois,<br />
c’est qu’ils recherchent l’exclusivité <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions. Or<br />
les lieux de diffusion ne sont pas toujours remerciés<br />
de leurs bons efforts et la place de chacun n’est pas<br />
toujours respectée.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Nous donnons maintenant la parole à un représentant<br />
d’une maison de disques, Aeon Records, Damien<br />
Pousset. Quels sont vos mo<strong>des</strong> de collabor<strong>at</strong>ion avec<br />
les <strong>festivals</strong>, concernant la capt<strong>at</strong>ion, la production<br />
discographique ou la diffusion ?<br />
Damien POUSSET<br />
Il y a seulement 2 ans que le label Aeon existe, éman<strong>at</strong>ion<br />
d’une maison d’édition graphique de partitions,<br />
les éditions Lemoine. J’ai plus spécialement en<br />
charge le c<strong>at</strong>alogue contemporain. Ma rel<strong>at</strong>ion aux<br />
<strong>festivals</strong> (Musica, Octobre en Normandie et quelques<br />
autres) est surtout c<strong>elle</strong> d’un éditeur de <strong>musique</strong> contemporaine<br />
qui assiste aux cré<strong>at</strong>ions <strong>des</strong> œuvres pour<br />
mieux les faire connaître en les diffusant : 17 disques,<br />
presque un disque tous les mois et demi.<br />
Le festival est non seulement un lieu où l’on initie <strong>des</strong><br />
projets, mais aussi un lieu de sélection, de consécr<strong>at</strong>ion,<br />
de légitim<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> compositeurs qu’on édite. On<br />
s’y déplace pour tester au concert la performance de<br />
l’artiste. Mais les <strong>festivals</strong> s’y retrouvent car ils ont la<br />
volonté de plus en plus affirmée de laisser une trace<br />
de leur travail à travers le disque.<br />
Festivals et disque jouent un rôle essentiel dans la vie<br />
d’un artiste ou l’histoire d’une discographie : Alexandre<br />
Tharaud avait le projet d’enregistrer les œuvres<br />
de Mauricio Kagel. Le disque se fait. De par la dynamique<br />
ainsi mise en place, l’artiste prend l’initi<strong>at</strong>ive<br />
d’inscrire l’œuvre dans son répertoire et la propose à<br />
de nombreux <strong>festivals</strong>, enthousiastes. Les tournées se<br />
multiplient.<br />
Le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, dans le domaine de la production<br />
(mise à disposition d’un lieu, répétitions, concert) est<br />
essentiel, surtout dans la <strong>musique</strong> contemporaine. Il<br />
arrive que la réalis<strong>at</strong>ion de l’enregistrement, voire son<br />
financement, passe par le biais de coproduction. C’est<br />
ce vers quoi finalement on tend de plus en plus. C’est<br />
ainsi que fut réalisé, avec l’aide du festival Art’s Musica<br />
de Brux<strong>elle</strong>s, l’enregistrement d’une œuvre pour<br />
orchestre, de plus de deux heures, les Hivers de Hugues<br />
Dufour, dont le festival d’Automne à Paris était<br />
l’initi<strong>at</strong>eur et le commanditaire. Sans la logistique de<br />
ce festival, une production aussi lourde (un orchestre)<br />
n’aurait pu exister. Malgré son coût assez important,<br />
ce disque est déjà rentabilisé.<br />
Autre expérience, c<strong>elle</strong> entamée au mois de mai avec<br />
le festival de L’Epau. Le qu<strong>at</strong>uor YSAYE, qui y a été<br />
invité en résidence, s’est totalement impliqué dans la<br />
réalis<strong>at</strong>ion et l’édition d’un premier disque, sorti en<br />
septembre, les qu<strong>at</strong>uors de Haydn.<br />
Si ce genre de collabor<strong>at</strong>ion avec les <strong>festivals</strong> m’intéresse,<br />
c’est que le disque qu’on édite, dans ce cadrelà,<br />
porte bien sûr la sign<strong>at</strong>ure de l’artiste, mais aussi<br />
c<strong>elle</strong> du lieu où il a travaillé, avec son acoustique propre,<br />
sa couleur, qui donnent au son produit alors une<br />
spécificité, d’où une production discographique reconnaissable,<br />
identifiable, visible, essenti<strong>elle</strong> dans ma<br />
démarche éditoriale.<br />
Le gros problème reste celui de la distribution : le<br />
public ne dispose pas assez d’infos de la part d’une<br />
presse qui ne se déplace que pour les « coups », la<br />
FNAC, le diffuseur n° 1 en France, réduit ses offres.<br />
C’est dans les <strong>festivals</strong> que les gens achètent, <strong>des</strong> lieux<br />
qui, effectivement, créent l’événement, dans <strong>des</strong> conditions<br />
festives qui facilitent le geste d’acheter : le disque<br />
comme cadeau-souvenir (c’est bien, ça nous fait<br />
vivre) mais, non plus, comme il l’a été, un objet d’érudition,<br />
c’est dommage, on passe t<strong>elle</strong>ment d’heures à<br />
tout faire pour que le produit soit de qualité.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Autre moyen de diffuser la <strong>musique</strong>, avec les on<strong>des</strong><br />
radiophoniques. Pascale Bourgogne est responsable<br />
<strong>des</strong> retransmissions sur France Musiques, la « radio<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ».<br />
Pascale BOURGOGNE<br />
1° Qu<strong>elle</strong> est la place <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> sur l’antenne<br />
de France Musiques ?<br />
Les chiffres restent à peu près stables chaque année.<br />
En 2002, 1 245 concerts diffusés, ainsi répartis<br />
: 15 % de concerts produits par nos propres<br />
form<strong>at</strong>ions musicales, 26 % de concerts enregistrés<br />
par les radios étrangères, membres de l’UER,<br />
Union Européenne de Radiodiffusion, avec lesqu<strong>elle</strong>s<br />
s’opèrent <strong>des</strong> échanges, 17 % de rediffusions<br />
et enfin 42 % de retransmissions, concerts enregistrés<br />
dans l’année, en France, à la fois dans les<br />
saisons et dans les <strong>festivals</strong>. Au bout du compte,<br />
17% de l’offre globale de concerts sur France Musiques<br />
proviennent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
2° Quels sont les critères de choix ?<br />
Deux sortes de critères.<br />
- Les critères généraux qui s’appliquent à tous les<br />
concerts. Seul nous importe le contenu <strong>des</strong> concerts,<br />
non le lieu. Qualité <strong>des</strong> interprètes, qualité<br />
<strong>des</strong> programmes, qui, en outre, ne doivent pas<br />
faire doublon avec ce qu’on offre, ce qui explique<br />
pourquoi on a l’air d’abandonner certains d’entre<br />
vous. On fait aussi en sorte que l’offre soit la plus<br />
a t e l i e r 4<br />
32<br />
33
a t e l i e r 4<br />
diversifiée possible, on sera donc <strong>at</strong>tiré par les <strong>festivals</strong><br />
spécialisés qui, c’est sûr, proposent ce qui se<br />
fait de mieux en m<strong>at</strong>ière de cré<strong>at</strong>ion de <strong>musique</strong><br />
contemporaine ou en m<strong>at</strong>ière de répertoire baroque.<br />
Notre choix se portera aussi sur les <strong>festivals</strong><br />
qui ont fait leurs preuves, qui font <strong>des</strong> recré<strong>at</strong>ions<br />
inédites, originales, en fonction d’un marché qui<br />
existe.<br />
- Les critères spécifiques sélectionnent plus volontiers<br />
les <strong>festivals</strong> qui ont évidemment su se construire<br />
une image vis-à-vis du public, <strong>des</strong> médias.<br />
S’associer à eux permet qu’on parle de nous. Mais,<br />
on n’oublie pas notre mission de service public et<br />
on peut tout aussi bien s’intéresser à un nouveau<br />
festival, produisant de jeunes artistes ou compositeurs<br />
inconnus. <strong>La</strong> localis<strong>at</strong>ion géographique <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> joue aussi son rôle : on va assez facilement<br />
dans le Sud-Est, où un maximum de <strong>festivals</strong><br />
se concentrent en période estivale. On n’a pas un<br />
nombre d’équipes illimité, notre planific<strong>at</strong>ion doit<br />
en tenir compte.<br />
3° Qu<strong>elle</strong>s sont les <strong>at</strong>tentes de France Musiques<br />
à l’égard <strong>des</strong> organis<strong>at</strong>eurs de <strong>festivals</strong> ?<br />
Ils font leur travail, mais ils ne peuvent pas avoir<br />
les mêmes préoccup<strong>at</strong>ions qu’une chaîne n<strong>at</strong>ionale<br />
de radio, ils ont leurs propres impér<strong>at</strong>ifs, mettre en<br />
valeur un lieu, privilégier une thém<strong>at</strong>ique précise,<br />
s’adresser à un public local, répondre aux exigences<br />
<strong>des</strong> politiques. Nous, on s’adresse à un public n<strong>at</strong>ional<br />
(audience d’un concert = entre 50 000 et<br />
200 000 personnes). On n’a pas d’<strong>at</strong>tentes particulières.<br />
On a la chance de disposer d’une offre<br />
d’une richesse extraordinaire dans laqu<strong>elle</strong> on pioche<br />
et qu’on fait ainsi mieux connaître : c’est donc<br />
un échange. On s’enrichit mutu<strong>elle</strong>ment.<br />
Jean-Dominique MARCO<br />
Directeur général - Festival Musica<br />
de Strasbourg<br />
Nous allons en 2004 réunir le festival Musica et le<br />
festival Routes et Voies Romanes, festival itinérant<br />
en Alsace, dont les programmes sont essenti<strong>elle</strong>ment<br />
tirés du répertoire polyphonique du XIII e siècle.<br />
Thierry Pecou y a été invité à faire une cré<strong>at</strong>ion<br />
: idée de collabor<strong>at</strong>ion entre deux <strong>festivals</strong>.<br />
Partager <strong>des</strong> coproductions est parfois difficile.<br />
L’année dernière, nous avons coproduit un opéravidéo<br />
de Steve Reich, Sweet Eyes, et aucune salle<br />
à Strasbourg n’a voulu le présenter. J’ai dû louer<br />
une salle à Baden-Baden, j’ai appelé ça Première<br />
Française à Baden-Baden. Les Allemands ont hurlé<br />
: qu’est-ce que c’est que ce festival qui colonise<br />
l’Allemagne ?<br />
Quant à Radio France, la notion de service public<br />
a-t-<strong>elle</strong> encore un sens quand cette radio ne<br />
tient plus comptes <strong>des</strong> spécificités, <strong>des</strong> marginalités<br />
? Pourquoi ne pas priv<strong>at</strong>iser ? C’est un peu<br />
provoc…<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Puisque nous disposons d’un outil collectif qui rassemble<br />
pas mal de <strong>festivals</strong> et d’un Intranet qui permet de<br />
diffuser et faire circuler très rapidement <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions,<br />
pourquoi ne pas s’en servir afin d’aplanir les<br />
problèmes liés à la coproduction, donner une impulsion<br />
nouv<strong>elle</strong> aux projets ?<br />
Olivier BERNARD<br />
Un réseau est, en effet, bénéfique pour tout le monde.<br />
On a trop tendance à oublier cette plus-value que<br />
pourrait apporter une collabor<strong>at</strong>ion en terme de communic<strong>at</strong>ion,<br />
d’inform<strong>at</strong>ions. Pourquoi pas d’opér<strong>at</strong>ions<br />
communes au-delà <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s qu’on peut<br />
avoir avec t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> manifest<strong>at</strong>ion ? Ce travail se<br />
fait de manière tout à fait pérenne dans les <strong>festivals</strong><br />
de jazz grâce à l’associ<strong>at</strong>ion-réseau, l’AFIJMA avec laqu<strong>elle</strong><br />
on travaille de manière quotidienne très s<strong>at</strong>isfaisante.<br />
Nous sommes partants, à cette seule réserve<br />
près : votre associ<strong>at</strong>ion est formidablement représent<strong>at</strong>ive<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> généralistes, un peu moins <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
spécialisés. Or, pour nous, c’est une cible très<br />
importante dans notre action. Nous devons trouver <strong>des</strong><br />
partenari<strong>at</strong>s, <strong>des</strong> convergences, <strong>des</strong> synergies avec <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> importants qui n’appartiennent pas à votre<br />
associ<strong>at</strong>ion.<br />
Damien POUSSET<br />
Dans le domaine de la cré<strong>at</strong>ion contemporaine, quand<br />
une œuvre est créée, <strong>elle</strong> est difficilement rejouée sauf<br />
quand les <strong>festivals</strong> se fédèrent ex : le réseau Varèse<br />
qui a permis la diffusion à travers toute l’Europe<br />
d’œuvres à effectif lourd ou à production coûteuse. Un<br />
vrai rêve d’éditeur ! Cela suppose que les <strong>festivals</strong> plus<br />
généralistes s’intéressent un peu plus au répertoire<br />
contemporain.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Je rapp<strong>elle</strong> que près de 40 <strong>festivals</strong> généralistes reçoivent<br />
l’aide de la SACEM. D’autre part, il faut savoir<br />
que la <strong>musique</strong> contemporaine est de plus en<br />
plus représentée dans la programm<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
de la fédér<strong>at</strong>ion, donc généralistes. On sous-estime,<br />
aujourd’hui, l’évolution qui s’est faite au sein de ces<br />
<strong>festivals</strong>.<br />
Michel HAMBERSIN<br />
Critique musical au Soir et Professeur<br />
à l’Université de Brux<strong>elle</strong>s<br />
1°L’exclusivité me paraît une pr<strong>at</strong>ique sidérante. Si je<br />
devais établir le cahier <strong>des</strong> charges d’un festival de<br />
<strong>musique</strong> contemporaine, je serais tenté d’exiger qu’il<br />
assure la diffusion d’une cré<strong>at</strong>ion dont il a passé la<br />
commande, au moins deux ou trois fois. C’est fondamental<br />
de faire vivre une œuvre.<br />
2° <strong>La</strong> vente de CD dans les <strong>festivals</strong> est-<strong>elle</strong> plus importante<br />
que c<strong>elle</strong> qu’on peut avoir dans une salle de<br />
concert ? Y a-t-il un effet festival ?<br />
3° Quel est le critère de sélection de France Musiques<br />
en ce qui concerne les concerts proposés en UER dont<br />
l’effet caisse de résonance est énorme pour <strong>des</strong> artistes<br />
moins connus ?<br />
Jean-Bernard MEUNIER<br />
Directeur artistique<br />
Festival de Sablé-sur-Sarthe<br />
Les ventes de disques à la sortie <strong>des</strong> concerts fonctionnent<br />
très bien dans les saisons et dans les <strong>festivals</strong>. Le<br />
seul problème, c’est le réseau de distribution. Heureusement,<br />
on a la chance d’avoir un disquaire indépendant<br />
qui fait très bien son travail.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
C’est le problème rencontré dans tous les <strong>festivals</strong> de<br />
France.<br />
André NICOLAS<br />
Responsable de l’Observ<strong>at</strong>oire de<br />
la Musique – Cité de la <strong>musique</strong><br />
On met en place un dispositif d’observ<strong>at</strong>ion de ce<br />
marché. Personne ne connaît le chiffre exact <strong>des</strong><br />
ventes tout simplement parce que ce qui est vendu<br />
au « cul du camion » n’est pas comptabilisé. On<br />
vient de produire un document sur la vente <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s<br />
du Monde : 15 à 25 % <strong>des</strong> ventes unitaires<br />
par référence (on reste dans <strong>des</strong> limites très basses).<br />
Aujourd’hui, le TOP 100 <strong>des</strong> ventes du classique<br />
indique quelques milliers d’exemplaires seulement.<br />
Nous procédons en ce moment à un inventaire précis<br />
de la distribution indépendante, qui tend à disparaître<br />
comme chacun sait. <strong>La</strong> profession s’est désintéressée<br />
de ces circuits de distribution, contrairement<br />
à ce qu’on a pu voir dans le cinéma ou dans le<br />
livre. On const<strong>at</strong>e, de la part <strong>des</strong> grands spécialistes,<br />
l’adoption d’une logique financière et commerciale,<br />
identique à c<strong>elle</strong> de la grande distribution, en<br />
terme de référencement ou de gestion de stocks.<br />
<strong>La</strong> diffusion est aussi un problème : <strong>des</strong> mesures<br />
précises existent, mais pas dans le secteur public.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Il y a d’autres maisons comme Naive, Alpha, qui ont<br />
peut-être <strong>des</strong> politiques éditoriales un petit peu différentes.<br />
Si, avec les majors, il est difficile d’obtenir<br />
<strong>des</strong> stocks, est-ce que vous, Damien Pousset, avec <strong>des</strong><br />
maisons d’édition plus petites, mieux calibrées et <strong>des</strong><br />
mo<strong>des</strong> de collabor<strong>at</strong>ion tels que vous les avez énoncés,<br />
tant avec les artistes qu’avec les organis<strong>at</strong>eurs de<br />
concerts et les <strong>festivals</strong>, vous allez faciliter la possibilité<br />
de diffusion de disques, notamment les soirs de<br />
concerts ?<br />
Damien POUSSET<br />
<strong>La</strong> chose existe déjà. Le directeur du festival de<br />
Sablé diffuse les disques de ZIG ZAG. <strong>La</strong> recherche<br />
du point de vente, lié au concert donné par les artistes,<br />
est constante. L’AFAA se préoccupe de cette<br />
situ<strong>at</strong>ion.<br />
Alain LACROIX<br />
Responsable du pôle <strong>musique</strong>s –<br />
Département <strong>des</strong> arts de la scène<br />
AFAA<br />
On essaie de réunir autour d’une table le producteur,<br />
la maison de disques, l’agent, les artistes et d’autres<br />
partenaires. Quand on a organisé Sound French à New<br />
York (festival de <strong>musique</strong> contemporaine avec compositeurs<br />
envoyés sur place), la SACEM était à nos côtés<br />
(disque lié à la tournée). Avec ALPHA, on organise<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> en Pologne (le Poème Harmonique<br />
cette année, l’année prochaine Café Zimmerman). Il<br />
faut soit lier l’agent et la maison de disques, soit, lors<br />
d’une tournée ou d’une sortie de disque, permettre à<br />
la maison de disques de travailler sur l’export de l’artiste<br />
aussi bien à l’étranger qu’en France.<br />
Damien POUSSET<br />
Bien qu’on soit peu nombreux, on déploie, nous, une<br />
énergie considérable. Lors d’un concert de Marc Coppey<br />
dont on vient de sortir les Suites de Bach, il a fallu<br />
quinze coups de fil pour que les disques soient sur le<br />
lieu, alors même qu’on bénéficie du réseau Harmonia<br />
Mundi, l’un <strong>des</strong> réseaux, en France, les plus dynamiques<br />
et les plus <strong>at</strong>tentifs.<br />
Christian LOUIS<br />
Responsable du centre d’inform<strong>at</strong>ion<br />
musicale – Cité de la Musique<br />
Harmonia Mundi, c’est l’une <strong>des</strong> seules innov<strong>at</strong>ions<br />
qu’on a eue dans le paysage de la distribution<br />
depuis une dizaine d’années. Mais Harmonia<br />
Mundi ne distribue que sa propre production et<br />
c<strong>elle</strong> de ses franchisés. Un autre mini-événement,<br />
c’est le regroupement d’une partie de la distribution<br />
autour d’Abeille Musique. On voit aujourd’hui<br />
les limites de ce volontarisme-là par rapport à la<br />
str<strong>at</strong>égie de la distribution spécialisée.<br />
On const<strong>at</strong>e un manque de réflexion str<strong>at</strong>égique<br />
en ce qui concerne la distribution de la production<br />
cultur<strong>elle</strong>, en particulier un manque de réflexion<br />
marketing. Dans son complexe ciném<strong>at</strong>ographique,<br />
Marin Karmitz a développé une boutique Harmonia<br />
Mundi, c<strong>elle</strong> qui marche le mieux à Paris.<br />
Lui a su créer les conditions d’une offre cultur<strong>elle</strong><br />
particulière qui prend en compte un public ciblé<br />
qui, entre les séances de cinémas, prend le temps<br />
de regarder dans les bacs… Le Ministère essaie<br />
de mettre en place <strong>des</strong> dispositifs, en lien avec le<br />
Ministère du commerce, pour revivifier <strong>des</strong> points<br />
de distribution en centre-ville. Le commerce culturel<br />
est négligé (c’est pourtant un commerce à la<br />
fois de proximité, de convivialité et de vitalis<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> centres ville), parce que les conditions économiques<br />
de la vente du disque, en particulier, ne<br />
permettent plus à la distribution indépendante de<br />
vivre, et c’est un véritable problème.<br />
Olivier BERNARD<br />
Nous avons fait le choix, aux côtés de ZIG ZAG, de<br />
coproduire régulièrement un artiste.<br />
Dans le domaine de<br />
la cré<strong>at</strong>ion contemporaine,<br />
quand une œuvre<br />
est créée, <strong>elle</strong> est difficilement<br />
rejouée sauf<br />
quand les <strong>festivals</strong><br />
se fédèrent.<br />
Bénédicte Dumeige<br />
Pascale Bourgogne, pouvez-vous nous éclairer sur les<br />
critères de choix pour la diffusion européenne de programmes<br />
enregistrés par France Musiques ?<br />
Pascale BOURGOGNE<br />
Je ne peux pas répondre à cette question. D’autres<br />
personnes que moi ont cette responsabilité.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
En aval, France Musiques pioche et picore, dites-vous.<br />
En amont, pas d’<strong>at</strong>tente spécifique. Mais ne peut-on<br />
mettre au point un dispositif qui permette un partenari<strong>at</strong><br />
en amont : lier la cré<strong>at</strong>ion d’un projet à sa radiodiffusion<br />
?<br />
Pascale BOURGOGNE<br />
Quand t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> programm<strong>at</strong>ion nous plaît, les<br />
choses ont une suite : d’une année sur l’autre, on peut<br />
reconduire <strong>des</strong> retransmissions. Il ne s’agit pas exactement<br />
de partenari<strong>at</strong>, mais ça y ressemble. On garde la<br />
liberté de choisir t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> partie de la programm<strong>at</strong>ion.<br />
Le festival de Saint-Michel-en-Thiérache est un<br />
cas de figure différent : il fait venir nos orchestres et il<br />
y a un engagement sur la fabric<strong>at</strong>ion de disques. Autre<br />
exemple : ça fait <strong>des</strong> années qu’on enregistre <strong>des</strong> concerts<br />
à Pra<strong>des</strong> ; a priori, je peux dire que <strong>des</strong> retransmissions<br />
auront lieu, d’une année sur l’autre. Mais<br />
concerneront-<strong>elle</strong>s 1, 5 ou 8 concerts ? Est-ce qu’on<br />
va faire un partenari<strong>at</strong> ou pas ? Je ne le sais pas.<br />
Alain BRUNET<br />
Directeur artistique<br />
Festival et académie baroque<br />
européenne d’Ambronay<br />
Le festival a été le partenaire de France Musiques<br />
pendant une quinzaine d’années. Mais ce partenari<strong>at</strong><br />
a cessé parce que d’année en année, les retransmissions<br />
ont diminué jusqu’au rien. On a réussi<br />
à sauver un enregistrement grâce à la présence de<br />
la télévision. Sans les caméras, nous n’avions pas<br />
de capt<strong>at</strong>ion. Finalement, la mort dans l’âme, j’ai<br />
mis fin à ce partenari<strong>at</strong>, const<strong>at</strong>ant que France Musiques<br />
ne témoignait pas de l’effort important que<br />
nous déployons à l’égard de la <strong>musique</strong> ancienne,<br />
alors que nous sommes véritablement un festival de<br />
production de cré<strong>at</strong>ions : Ambronay, c’est plus de<br />
20 000 personnes, c’est 5, 6, 8 productions chaque<br />
année, versions de concerts avec <strong>des</strong> jeunes artistes<br />
de toute l’Europe avec l’Académie Baroque Européenne,<br />
avec un grand chef chaque année, une tournée<br />
de 16 représent<strong>at</strong>ions. France Musiques, à mon<br />
avis, a manqué à sa mission de service public.<br />
Nous envisageons de créer notre propre label discographique<br />
en 2004 parce que nous ne sommes<br />
pas s<strong>at</strong>isfaits non plus <strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s que nous<br />
avons avec les maisons de disques. Elles récupèrent<br />
les productions que nous leur apportons toutes cuites,<br />
puisqu’on leur donne le master, mais on n’a pas<br />
de contrepartie : très peu de royalties et très peu de<br />
bénéfices en terme de communic<strong>at</strong>ion parce que le<br />
disque est perçu comme celui de la maison X. Notre<br />
collabor<strong>at</strong>ion avec Naive a été très décevante. Nous<br />
allons donc créer notre propre label.<br />
a t e l i e r 4<br />
34<br />
35
a t e l i e r 4<br />
36<br />
Jean-Bernard MEUNIER<br />
Même expérience avec la messe de mariage d’Henri<br />
IV et de Marie de Médicis avec Denis Raisin-Dadre,<br />
où j’ai pris tous les risques de la production. C’est<br />
Naive qui en a récupéré les bénéfices.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Alors, une réflexion sur une charte de collabor<strong>at</strong>ion<br />
avec les maisons d’éditions discographiques ? Mais<br />
peut-être est-ce une mission de France Festivals de<br />
réfléchir sur les liens possibles entre capt<strong>at</strong>ion dans<br />
les <strong>festivals</strong> et maisons d’édition ?<br />
Sébastien ALMON<br />
Administr<strong>at</strong>eur –<br />
Académies musicales de Saintes<br />
Est-ce que l’Arsenal de Metz est sollicité par <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong> qui proposent <strong>des</strong> collabor<strong>at</strong>ions ? Est-ce<br />
que lui-même fait <strong>des</strong> propositions ?<br />
Comment se positionne France Musiques par rapport<br />
à Radio Classique ? Pouvez-vous être présents<br />
à un même festival ?<br />
Michèle PARADON<br />
L’Arsenal, par exemple, accueille le Concert Spirituel<br />
Hervé Niquet en résidence. Hervé Niquet a très<br />
envie de se lancer dans l’opéra, donc de monter <strong>des</strong><br />
productions plus importantes avec <strong>des</strong> mises en scène.<br />
Nous allons donc ensemble réfléchir sur la recherche<br />
d’autres partenaires (Festival d’Ambronay,<br />
Festival de Beaune, etc.). Mais <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ou <strong>des</strong><br />
ensembles peuvent aussi m’appeler pour proposer<br />
d’être partenaires sur <strong>des</strong> productions.<br />
Pascale BOURGOGNE<br />
On essaie depuis quelques années de faire que les<br />
routes de France Musiques et Radio Classique ne<br />
se croisent pas. C’est en train malheureusement de<br />
vaciller un peu : les organis<strong>at</strong>eurs de <strong>festivals</strong> qui,<br />
eux, ont envie d’être diffusés, ont de plus en plus de<br />
mal à nous accorder l’exclusivité.<br />
Francis MARECHAL<br />
Directeur - Fond<strong>at</strong>ion Royaumont<br />
Quel est, au bout du compte, le rôle <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> dans<br />
la diffusion et la cré<strong>at</strong>ion musicales ? D’une certaine<br />
manière, ce qui distingue les <strong>festivals</strong> d’une saison,<br />
d’un théâtre ou d’un lieu culturel, n’est-ce pas la notion<br />
de prise de risque ? Risques dans le domaine de<br />
la cré<strong>at</strong>ion musicale, dans le domaine de l’émergence<br />
d’une nouv<strong>elle</strong> génér<strong>at</strong>ion d’artistes, dans le domaine<br />
de la résurrection d’un certain nombre d’œuvres du répertoire<br />
: personne n’aurait reconstruit Le jeu de Robin<br />
et Marion (tournée européenne, 17 lieux) si Royaumont<br />
n’avait pas fait cette proposition. De même, un<br />
certain nombre de petites communes du Val d’Oise ont<br />
osé croiser jazz et flamenco, par exemple, parce qu’on<br />
a été capable de le leur proposer. Idem pour la cré<strong>at</strong>ion<br />
d’un opéra vidéo de Fausto Romitelli sur la scène<br />
n<strong>at</strong>ionale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise. Il y a là<br />
une contradiction fondamentale : les <strong>festivals</strong>, largement<br />
moins subventionnés par l’autorité publique que<br />
d’autres structures, donc économiquement moins à<br />
même de prendre <strong>des</strong> risques, osent en prendre justement.<br />
C’est nous qui jouons un vrai rôle de mission de<br />
service public, finalement, nous qui créons <strong>des</strong> ouvertures.<br />
Diffuseurs ou collectivités publiques, au premier<br />
rang <strong>des</strong>qu<strong>elle</strong>s l’Ét<strong>at</strong>, ont du mal à nous reconnaître<br />
cette fonction.<br />
Bénédicte DUMEIGE<br />
Outre la question de l’argent, retenons la notion<br />
de labor<strong>at</strong>oire, d’expériences tentées, l’émergence<br />
de projets artistiques (cré<strong>at</strong>ions et recré<strong>at</strong>ions<br />
multiples), de tribune pour les compositeurs et<br />
interprètes.
J<br />
o u r n é e 2<br />
Séance plénière introductive à la journée<br />
du vendredi 14 novembre 2003<br />
Intervention de Philippe TOUSSAINT - Président de France Festivals<br />
Intervention d’Éric GARANDEAU - Conseiller technique en charge de la <strong>musique</strong><br />
auprès du Ministre de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion<br />
1<br />
(NDLR : Depuis lors, le Ministère a abandonné le projet<br />
visant à créer un « label n<strong>at</strong>ional »)<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
En l’absence de Jean-Jacques Aillagon, bienvenue à<br />
Éric Garandeau, conseiller technique auprès du Ministre,<br />
en charge de la <strong>musique</strong>, en particulier, et de sa<br />
fi scalité.<br />
Nous avons, depuis un peu plus de 18 mois, appris à<br />
travailler ensemble et nous l’avons fait assez effi cacement.<br />
Si ce séminaire de Royaumont a été rendu possible<br />
notamment, c’est grâce au soutien du Ministère<br />
de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion, ce qui ne m’empêchera<br />
pas d’évoquer de façon directe nos préoccup<strong>at</strong>ions<br />
qui ne sont pas mineures.<br />
Pendant tout l’été, nous avons eu à faire face à <strong>des</strong><br />
événements qui ont été diffi ciles, nous avons fait preuve,<br />
je crois, d’un esprit de survie acharné, réussissant à<br />
sauvegarder la plupart <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Aujourd’hui, nous<br />
sommes à un tournant, à la croisée de deux chemins<br />
qui ont chacun leur propre logique :<br />
- Quel est l’avenir en France du spectacle vivant et, en<br />
particulier, celui du spectacle vivant musical ?<br />
- Où en est la décentralis<strong>at</strong>ion et, dans ce contexte,<br />
quel rôle peut alors jouer le Ministère de la Culture et<br />
de la Communic<strong>at</strong>ion?<br />
Étant donné ces deux gran<strong>des</strong> interrog<strong>at</strong>ions, on peut<br />
se poser la question de savoir si les <strong>festivals</strong> vont garder<br />
leur raison d’être. Les clichés ont la vie dure (ils<br />
seraient aux mains de bénévoles, d’am<strong>at</strong>eurs, ils seraient<br />
démodés, ringards, et, …élitistes, le mot qui<br />
tue). Et pourtant, on l’a vu, sans jamais renier leur très<br />
grande exigence qualit<strong>at</strong>ive (une question de survie),<br />
avec de nombreuses cré<strong>at</strong>ions, ils constituent un outil<br />
essentiel de la démocr<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion cultur<strong>elle</strong> : irrig<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> déserts culturels, mise en valeur de lieux du p<strong>at</strong>rimoine<br />
parfois oubliés, occasion d’efforts pédagogiques<br />
originaux déployés dans les établissements scolaires,<br />
organe de haute culture dans un clim<strong>at</strong> hostile, soumis<br />
à une télévision trop souvent dispens<strong>at</strong>rice d’une culture<br />
au rabais, lieux d’échanges et de rencontres entre<br />
artistes et public, source de revenus déterminante pour<br />
les artistes et les ensembles non permanents, rampe<br />
de lancement irremplaçable, enfi n, pour nombre de<br />
compositeurs et d’interprètes qui sont venus en témoigner.<br />
En un mot, l’un <strong>des</strong> piliers de ce qu’on pourrait<br />
appeler le pôle musical français.<br />
Et pourtant, les <strong>festivals</strong> ont un sentiment de fragilité<br />
et d’inquiétude. Leur gestion s’est complexifi ée, professionnalisée.<br />
<strong>La</strong> prise de risques musicale s’est considérablement<br />
accrue, parfois presque plus grande au<br />
sein <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> que dans le cadre de saisons, alors<br />
que les ressources publiques se tarissent et que le mécén<strong>at</strong><br />
n’a pas pris le relais. En outre, la perspective de<br />
la décentralis<strong>at</strong>ion fait craindre un risque de dén<strong>at</strong>ur<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, transformés en outils à tout faire<br />
d’une politique régionale.<br />
Le Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion,<br />
il faut le dire, entretient, vis-à-vis <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, une<br />
rel<strong>at</strong>ion que je qualifi erais de contradictoire : il peut<br />
fi nancer avec largesse tel festival particulier (« génial<br />
»), mais s’en désintéresser de façon générale.<br />
Il fi nance massivement les conserv<strong>at</strong>oires, les form<strong>at</strong>ions<br />
permanentes, la cré<strong>at</strong>ion, mais pas les <strong>festivals</strong>,<br />
leur tribune n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>, pourtant, et qui coûtent<br />
à vrai dire de loin le moins cher par rapport à tous les<br />
autres efforts fi nanciers dispensés. On const<strong>at</strong>e, de la<br />
part du Ministère, un manque évident de concert<strong>at</strong>ion<br />
et d’intérêt : nous n’avons pu trouver, dans vos services,<br />
aucune trace d’étu<strong>des</strong> approfondies sur le sujet,<br />
qui permettraient d’étayer ensuite de bons choix<br />
politiques.<br />
Alors, si on veut favoriser le développement culturel<br />
français, et le spectacle vivant musical, en particulier,<br />
ne doit-on pas revoir dans un sens plus constructif la<br />
coopér<strong>at</strong>ion entre les <strong>festivals</strong> et le Ministère ?<br />
Éric GARANDEAU<br />
C’est exactement notre intention.<br />
<strong>La</strong> place <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> est essenti<strong>elle</strong>. Elle nous est mal<br />
connue, même s’il existe <strong>des</strong> étu<strong>des</strong>, la dernière en<br />
d<strong>at</strong>e étant c<strong>elle</strong> du Festival d’Avignon par le Département<br />
Étu<strong>des</strong> et Prospectives. D’autres sont en cours. Le<br />
travail effectué ici est important. Nous comptons sur<br />
toutes les contributions, la vôtre et c<strong>elle</strong> issue du déb<strong>at</strong><br />
n<strong>at</strong>ional engagé sur la <strong>musique</strong> et le spectacle vivant,<br />
pour faire avancer nos propres réfl exions.<br />
Les <strong>festivals</strong>, lieux rares de rencontres précieuses et<br />
festives : rappelons-nous les débuts d’Hélène Grimaud<br />
à la Roque d’Anthéron, N<strong>at</strong>alie Dessay à Aix, Renaud<br />
Capuçon aux Arcs, Emmanuel Haim à Beaune, plus<br />
récemment. Le Ministère a engagé depuis un an une<br />
politique de soutien accrue aux ensembles musicaux,<br />
parfois restés en marge de nos soutiens, une procédure<br />
qui sera généralisée à tout le territoire, dès l’année<br />
2004.<br />
Le Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion a<br />
toujours accordé un soutien très <strong>at</strong>tentif aux <strong>festivals</strong><br />
et, tout particulièrement, aux <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>,<br />
même si l’Ét<strong>at</strong> a pu développer ses interventions sans<br />
critères ré<strong>elle</strong>ment défi nis, sans exercer d’évalu<strong>at</strong>ion<br />
sérieuse sur leur impact quant aux carrières <strong>des</strong> musiciens,<br />
la fi délis<strong>at</strong>ion et l’éduc<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> publics, l’économie<br />
<strong>des</strong> territoires, que ce soit au plan régional, n<strong>at</strong>ional<br />
et intern<strong>at</strong>ional.<br />
L’une <strong>des</strong> premières deman<strong>des</strong> du Ministre, à son arrivée,<br />
a été précisément d’établir un programme d’étu<strong>des</strong><br />
et d’évalu<strong>at</strong>ion qui porte sur l’impact de nos programmes<br />
sur la vie artistique et cultur<strong>elle</strong>, ainsi que<br />
leur rôle social et économique. Le malheur a voulu<br />
qu’au moment où a démarré ce programme, écl<strong>at</strong>e le<br />
désastre de cet été (annul<strong>at</strong>ion de grands <strong>festivals</strong> et<br />
perturb<strong>at</strong>ions diverses, même si beaucoup de <strong>festivals</strong><br />
ont pu se tenir normalement). On a pu voir, d’ailleurs,<br />
à cette occasion, à quel point leur rôle était indispensable<br />
à la vie cultur<strong>elle</strong>, économique et touristique de<br />
notre pays. Le Ministère a donc l’ambition de défi nir<br />
<strong>des</strong> critères d’intervention précis, qui ne soient pas la<br />
simple reconduction, d’année en année, <strong>des</strong> budgets<br />
ou la réponse à <strong>des</strong> <strong>besoin</strong>s exprimés sur le terrain.<br />
L’Ét<strong>at</strong> qui intervient souvent en soutien, en renforcement<br />
d’autres budgets émanant <strong>des</strong> Villes, <strong>des</strong> Départements<br />
ou <strong>des</strong> Régions, n’est pas un simple suiveur ;<br />
il est capable aussi de repérer <strong>des</strong> foyers d’exc<strong>elle</strong>nce<br />
et d’innov<strong>at</strong>ion et de les conforter (festival d’Aix-en-<br />
Provence, les Folles Journées de Nantes, les Francofolies<br />
ou le Printemps de Bourges). Il ne s’agit pas de<br />
faire une grande révolution qui conduirait à <strong>des</strong> retraits<br />
drastiques et sans appel, ou, au contraire, à <strong>des</strong><br />
renforcements brutaux sans contrôle, mais plutôt de<br />
clarifi er les rôles (sans négliger la recherche de nouv<strong>elle</strong>s<br />
sources de fi nancement et d’appui, indépendantes<br />
de l’Ét<strong>at</strong>, la meilleure façon de se garantir une certaine<br />
indépendance esthétique).<br />
<strong>La</strong> seule « révolution » qu’on pourrait noter à la rigueur,<br />
c’est l’intervention accrue <strong>des</strong> collectivités territoriales<br />
dans le champ culturel, une évolution que<br />
l’Ét<strong>at</strong> a accompagnée, une gestion de plus en plus<br />
déconcentrée de ses programmes d’intervention pour<br />
coller au plus près aux réalités du terrain. Un début<br />
de décentralis<strong>at</strong>ion, précisément. Les <strong>festivals</strong>, à ce<br />
propos, craignent un retrait massif de l’Ét<strong>at</strong>. Regardons<br />
les choses de près. En 2002, l’Ét<strong>at</strong> a aidé environ<br />
400 <strong>festivals</strong>, alors qu’en 1999, il en avait aidé<br />
600, un recentrage important, sans doute, mais qui<br />
s’est fait sans douleur, tout simplement parce que de<br />
très nombreuses subventions étaient d’un montant insignifi<br />
ant, voire parfois inférieur au coût de gestion.<br />
Dans le même temps, on a noté une augment<strong>at</strong>ion de<br />
la fréquent<strong>at</strong>ion et du nombre de <strong>festivals</strong> : en 2002,<br />
900 000 entrées, contre 700 000 entrées auparavant,<br />
une dynamique dont on const<strong>at</strong>e qu’<strong>elle</strong> se poursuit<br />
avec <strong>des</strong> équipes de gestion de plus en plus professionnalisées,<br />
<strong>des</strong> prises de contacts et <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>ions<br />
de réseaux de diffusion et de coproduction à un niveau<br />
n<strong>at</strong>ional et intern<strong>at</strong>ional. Ainsi, si le Ministère<br />
continue sa politique de recentrage, ce sera, en tout<br />
ét<strong>at</strong> de cause, selon un rythme et <strong>des</strong> modalités qui<br />
seront discutés entre les directeurs régionaux <strong>des</strong> affaires<br />
cultur<strong>elle</strong>s, les collectivités, les porteurs de projets<br />
et les responsables artistiques et administr<strong>at</strong>ifs de<br />
ces <strong>festivals</strong>. Encore une fois, il ne s’agit pas de fragiliser,<br />
mais, au contraire, de mieux gérer et de gérer<br />
au bon niveau.<br />
Quid du label n<strong>at</strong>ional ? Un signe de désengagement<br />
massif ? Pas du tout ; c’est une marque de qualité,<br />
d’exc<strong>elle</strong>nce artistique, tenant compte de certains critères<br />
à défi nir : rôle structurant de tel ou tel festival<br />
dans une discipline donnée, ouverture aux cultures et<br />
aux artistes étrangers, action auprès <strong>des</strong> publics, ancrage<br />
pérenne dans le territoire, soutien à l’innov<strong>at</strong>ion<br />
et à la cré<strong>at</strong>ion, etc., ce qui ne signifi e pas que<br />
les autres <strong>festivals</strong> seraient purement et simplement<br />
abandonnés. Il nous faut, en effet, veiller à une diffusion<br />
équilibrée sur tout le territoire <strong>des</strong> activités musicales,<br />
objectif peut-être second par rapport au premier,<br />
mais pas secondaire 1 .<br />
Élargir, enfi n, les sources de fi nancement. Jean-Jacques<br />
Aillagon a entrepris, dès son arrivée, la conduite<br />
d’une réforme de grande ampleur qui vise à étendre<br />
et à stimuler les initi<strong>at</strong>ives <strong>des</strong> citoyens et <strong>des</strong> entreprises,<br />
que ce soit directement sur <strong>des</strong> projets déterminés<br />
ou par le biais d’actions de plus longue durée,<br />
au travers d’associ<strong>at</strong>ions ou de fond<strong>at</strong>ions. <strong>La</strong> loi a été<br />
votée le 1 er août 2003, permettant <strong>des</strong> réductions fi s-<br />
cales considérables (60 % d’impôt sur les sociétés ou<br />
sur le revenu).<br />
Nous sommes donc en phase avec vos préoccup<strong>at</strong>ions,<br />
tentant de mieux défi nir une vraie politique à l’égard<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> pour agir plus justement en fonction <strong>des</strong> <strong>besoin</strong>s<br />
et en pleine harmonie avec tous les partenaires.<br />
Henri FUOC<br />
Président - Festival Saou chante<br />
Mozart dans la Drôme<br />
M. Aillagon, dans un article paru le 24 mai dans le<br />
Monde, souhaite engager <strong>des</strong> travaux avant l’été, pour<br />
aboutir, d’ici l’année 2004, à une communic<strong>at</strong>ion offi<br />
ci<strong>elle</strong> concernant le spectacle vivant. D’après une lettre<br />
que M. Aillagon a écrite à M. P<strong>at</strong>rick <strong>La</strong>baune, député-maire<br />
de Valence, la liste <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> d’intérêt<br />
n<strong>at</strong>ional sera arrêtée au deuxième semestre de l’année<br />
2003, au vu de critères en cours de défi nition et<br />
<strong>des</strong> propositions <strong>des</strong> DRAC. Or voici ce que la DRAC<br />
Rhône Alpes nous fait savoir, le 22 avril : « Le montant<br />
décidé cette année fait apparaître une baisse sensible<br />
de notre subvention par rapport à 2002 (baisse<br />
sensible <strong>des</strong> 2/3), les <strong>festivals</strong> n’étant pas une priorité<br />
de la politique cultur<strong>elle</strong> de l’Ét<strong>at</strong>, j’<strong>at</strong>tire votre <strong>at</strong>tention<br />
sur le fait que la DRAC ne soutiendra pas votre activité<br />
en 2004 ». Qu’est-ce qui autorise ainsi la DRAC<br />
à prendre <strong>des</strong> décisions avant que le Ministre ait conduit<br />
complètement sa réfl exion ?<br />
Vous nous parlez de mécén<strong>at</strong>. Très intéressant, la réforme<br />
du mécén<strong>at</strong>, mais, dans cette période de crise,<br />
ce ne sera pas par ce moyen qu’on va compenser la<br />
baisse <strong>des</strong> subventions de l’Ét<strong>at</strong>.<br />
Il est nécessaire que vous vous engagiez à ce que la<br />
liste <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> d’intérêt n<strong>at</strong>ional soit publiée, qu’on<br />
connaisse ceux qui vont recevoir une aide de l’Ét<strong>at</strong>.<br />
M. Aillagon fait savoir à Jean-Jacques Queyranne :<br />
« Il appartient aux collectivités territoriales d’aider les<br />
nombreux <strong>festivals</strong> qui se déroulent en France, souvent<br />
en période estivale, leur apport fi nancier y est<br />
d’ailleurs prépondérant, etc. ». Vous ne vous étonnerez<br />
donc pas que, pour ma part et je ne suis pas<br />
le seul, je me sois mis en rel<strong>at</strong>ion avec le Président<br />
du Conseil Général de la Drôme et la Présidente de<br />
la Région Rhône-Alpes afi n qu’ils diminuent les subventions<br />
aux associ<strong>at</strong>ions et aux organismes soutenus<br />
par l’Ét<strong>at</strong>, pour compenser la perte de subvention dont<br />
nous autres souffrons. De plus, dans ce cas-là, il n’y<br />
aura plus du tout d’argent pour les nouv<strong>elle</strong>s structures.<br />
Merci de vos réponses.<br />
Les <strong>festivals</strong>…<br />
sans jamais renier leur<br />
très grande exigence<br />
qualit<strong>at</strong>ive avec de<br />
nombreuses cré<strong>at</strong>ions,<br />
constituent un outil<br />
essentiel de la démocr<strong>at</strong>is<strong>at</strong>ion<br />
cultur<strong>elle</strong>.<br />
Éric GARANDEAU<br />
Le financement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ne dépendra pas autom<strong>at</strong>iquement<br />
de l’<strong>at</strong>tribution du label, je le répète.<br />
Par ailleurs, la fameuse liste <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> bénéfi ciaires<br />
<strong>des</strong> subventions de l’Ét<strong>at</strong> n’est en effet pas encore<br />
arrêtée, <strong>elle</strong> est en cours de discussion au niveau de<br />
chaque direction régionale <strong>des</strong> affaires cultur<strong>elle</strong>s. Il<br />
est vrai que les DRAC, à partir <strong>des</strong> exercices 2002 et<br />
2003, ont comme objectif de recentrer leurs moyens<br />
d’intervention, en liaison évidemment avec les collectivités.<br />
Mais la liste nouv<strong>elle</strong>ment établie ne conduira<br />
pas à exclure de façon mécanique les autres <strong>festivals</strong><br />
<strong>des</strong> soutiens de l’Ét<strong>at</strong>. Mais il ne m’appartient<br />
pas de rentrer dans le détail de chaque cas particulier<br />
d’autant que la responsabilité de ce genre de<br />
décision en revient davantage aux directeurs régionaux.<br />
38<br />
39
Hervé de COLOMBEL<br />
Directeur - Festival de l’Epau<br />
Je voudrais évoquer la question du label. Vous parlez<br />
de concert<strong>at</strong>ion, mais, à ce qu’il me semble, cette concert<strong>at</strong>ion<br />
est purement interne (entre le Ministère et<br />
les DRAC), les autres acteurs territoriaux restant hors<br />
du coup. S’il vous arrive, dans vos courriers, de citer<br />
les collectivités territoriales, nous, nous sommes exclus<br />
de la concert<strong>at</strong>ion. <strong>La</strong> Fédér<strong>at</strong>ion France Festivals n’y<br />
est pas associée, ni les collectivités principales, pourvoyeurs<br />
et financeurs. Je ne vois pas comment, dans<br />
ces conditions, vous pouvez procéder à une expertise<br />
débouchant sur un label. Pour avoir discuté avec le directeur<br />
de la DRAC <strong>des</strong> Pays de la Loire, a priori qu<strong>at</strong>re<br />
<strong>festivals</strong>, toutes disciplines confondues, vont être<br />
dotées de ce fameux label. Et mon voisin (festival de<br />
Sablé) et moi (festival de l’Epau), on sait déjà qu’on<br />
ne fera pas partie <strong>des</strong> élus. Ce n’est pas forcément<br />
très grave, mais il va falloir expliquer qu’il s’agit là<br />
d’une décision totalement arbitraire. Vous devrez l’assumer<br />
1 .<br />
Éric GARANDEAU<br />
Vous indiquez qu’il n’y a pas de concert<strong>at</strong>ion,<br />
pourtant vos contacts avec la DRAC vous permettent<br />
de voir déjà vers qu<strong>elle</strong>s orient<strong>at</strong>ions <strong>elle</strong><br />
s’achemine. C’est bien le signe que la concert<strong>at</strong>ion<br />
existe. Certes, il faut l’intensifier, si <strong>elle</strong><br />
se révèle insuffisante. Par ailleurs, vous parlez<br />
d’ « arbitraire ». Je dirais plutôt que c’est la situ<strong>at</strong>ion<br />
actu<strong>elle</strong> qui l’est. C’est pourquoi nous tenons<br />
à définir <strong>des</strong> critères les plus objectifs possibles<br />
qui permettront de vrais arbitrages. Cette<br />
liste, encore une fois, ne conduit pas à exclure,<br />
simplement à donner à certains pôles d’exc<strong>elle</strong>nce<br />
une marque de référence qui s’accompagnera<br />
d’ailleurs d’autant d’oblig<strong>at</strong>ions du festival vis-àvis<br />
de l’Ét<strong>at</strong> que d’oblig<strong>at</strong>ions de l’Ét<strong>at</strong> vis-à-vis<br />
du festival. Cela suppose une convention d’objectifs<br />
sur plusieurs années, ensuite une évalu<strong>at</strong>ion<br />
indépendante systém<strong>at</strong>ique. Le label est donc réversible.<br />
Mais le label ne doit pas résumer l’ensemble<br />
de la politique de l’Ét<strong>at</strong> vis-à-vis <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />
c’est un simple exemple.<br />
Isab<strong>elle</strong> du SAILLANT<br />
Présidente - Festival de la Vezère<br />
Hier, dans nos <strong>at</strong>eliers, <strong>des</strong> mots merveilleux ont surgi<br />
au cours d’interventions et de déb<strong>at</strong>s. Ces mots sont :<br />
variété, dynamisme, effervescence, ouverture, imagin<strong>at</strong>ion,<br />
cré<strong>at</strong>ivité, pédagogie, mais aussi, générosité,<br />
dévouement, admir<strong>at</strong>ion, enthousiasme et j’ajouterais<br />
poésie. Le mot « label » ne me paraît pas convenir<br />
du tout à tout cela. C’est un mot froid, un mot administr<strong>at</strong>if.<br />
Cela me fait penser aux étoiles du Michelin pour les<br />
restaurants. Aurez-vous <strong>des</strong> goûteurs qui viendront<br />
dans les régions écouter nos <strong>festivals</strong>, rencontrer nos<br />
artistes ? J’en doute puisque pour l’instant ils ne viennent<br />
pas : c’est trop loin ou trop isolé. Il existe bien<br />
<strong>des</strong> labels pour les monuments historiques, mais ceuxci<br />
sont inscrits à l’inventaire, ils peuvent être classés,<br />
cela a un sens. Mais les <strong>festivals</strong> sont une réalité<br />
autrement mouvante, dépendant <strong>des</strong> gens qui les dirigent<br />
(anim<strong>at</strong>eurs, cré<strong>at</strong>eurs). Des <strong>festivals</strong> naissent,<br />
certains se développent, d’autres s’étiolent ou meurent.<br />
Vous aurez donc constamment à renouveler votre<br />
sélection. Quant aux critères, quels peuvent-ils être ?<br />
Il en est un, rarement utilisé : nombre de <strong>festivals</strong> à<br />
petits moyens, dans <strong>des</strong> régions difficiles et sans activité<br />
cultur<strong>elle</strong>, réussissent <strong>des</strong> choses fantastiques. Jugez-les<br />
sur le nombre de leurs spect<strong>at</strong>eurs, les vrais,<br />
ceux qui achètent leurs billets. Bien sûr, <strong>des</strong> thèmes<br />
sont moins porteurs que d’autres, mais ces <strong>festivals</strong><br />
ont réussi à créer un public, car, finalement, les spectacles,<br />
nous les faisons pour le public, pour qu’il accède<br />
à la beauté, pour l’aider à connaître ce p<strong>at</strong>rimoine<br />
merveilleux, qui dans la vie est un soutien fantastique,<br />
une évasion extraordinaire, une sublim<strong>at</strong>ion.<br />
C’est ce à quoi nous croyons tous, ici présents, et qui<br />
me paraît incomp<strong>at</strong>ible avec ce genre de classific<strong>at</strong>ion.<br />
Il faut aimer les <strong>festivals</strong>, c’est la première <strong>des</strong><br />
choses, je crois.<br />
Éric GARANDEAU<br />
Madame, merci de vos propos. En effet, je l’ai dit<br />
aussi, ce sont ces moments extraordinaires qu’il<br />
faut savoir faire naître. Je salue d’ailleurs le travail<br />
que vous faites dans votre festival. L’aspect<br />
citoyen, l’implic<strong>at</strong>ion forte de personnes bénévoles<br />
qui se dévouent corps et âme à l’organis<strong>at</strong>ion<br />
de ces activités, à ces rencontres entre artistes et<br />
public correspondent tout à fait à l’ét<strong>at</strong> d’esprit du<br />
présent gouvernement. Pour en revenir à la question<br />
du label (où se joue aussi la question du financement),<br />
il s’agit par là de reconnaître un travail,<br />
c’est donc un signe d’intérêt de l’Ét<strong>at</strong>, c’est également<br />
une forme de contr<strong>at</strong>. Les critères peuvent<br />
être affinés. Bien sûr, face à cette réalité mouvante<br />
et si diverse <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, l’Ét<strong>at</strong> a <strong>des</strong> moyens<br />
limités, même s’ils sont, en France, infiniment<br />
plus importants que dans d’autres pays d’Europe.<br />
Les choix seront douloureux.<br />
Didier PILLON<br />
Conseiller régional chargé du<br />
spectacle vivant - Conseil Régional<br />
<strong>des</strong> Pays de la Loire<br />
Je parle en tant qu’élu. Le Ministère de la Culture est<br />
une curieuse administr<strong>at</strong>ion qui fait cohabiter DRAC et<br />
administr<strong>at</strong>ions ou directions très centralisées. J’imagine<br />
que les Directions <strong>des</strong> Affaires Cultur<strong>elle</strong>s ont <strong>des</strong><br />
crédits fléchés qui viennent <strong>des</strong> directions centrales.<br />
Or il existe toujours un hi<strong>at</strong>us entre ce que décide le<br />
Ministère à Paris et ce que peuvent faire les DRAC.<br />
L’une <strong>des</strong> positions que pourrait adopter le Ministère<br />
de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion sur la question<br />
du label, c’est de déléguer ses pouvoirs aux DRAC. Les<br />
DRAC, après discussion avec les collectivités locales<br />
(Villes, Départements, Régions), s’accorderaient sur<br />
les <strong>festivals</strong> à labelliser. À l’heure actu<strong>elle</strong>, à ma connaissance,<br />
il n’existe aucun échange entre les régions<br />
et votre Ministère, pas plus sur les labels que sur les<br />
intermittents. Cela me paraît dangereux.<br />
Méfiez-vous <strong>des</strong> effets d’annonce : par exemple, vous<br />
avez annoncé <strong>des</strong> ét<strong>at</strong>s généraux sur la Culture et on<br />
ne voit toujours rien venir. Vous créez donc forcément<br />
frustr<strong>at</strong>ions et déceptions. Pour en revenir aux labels,<br />
la question de l’évalu<strong>at</strong>ion est délic<strong>at</strong>e. Or l’Ét<strong>at</strong> ne se<br />
donne plus les moyens de sa politique. Accorder un label,<br />
c’est être capable d’en faire l’évalu<strong>at</strong>ion, donc de<br />
procéder à <strong>des</strong> inspections. Que l’Ét<strong>at</strong> ne finance plus<br />
certains <strong>festivals</strong>, ça ne me choque pas, d’autant que<br />
les collectivités territoriales, qui ont une certaine m<strong>at</strong>urité<br />
maintenant dans l’approche <strong>des</strong> dossiers, sont<br />
compétentes et aptes à gérer, <strong>elle</strong>s-mêmes, les dossiers.<br />
Mais si l’Ét<strong>at</strong> veut garder le pouvoir de labelliser,<br />
alors il faut qu’il prenne cette tâche au sérieux<br />
et qu’il finance lui-même les missions d’inspection et<br />
d’évalu<strong>at</strong>ion. Si l’élu, dans sa fonction, s’expose au<br />
clientélisme, l’Ét<strong>at</strong>, lui, est toujours exposé au risque<br />
du copinage. Se doter de moyens d’évalu<strong>at</strong>ion sérieux,<br />
ça veut donc dire créer <strong>des</strong> corps d’inspecteurs ou de<br />
techniciens, sinon, il ne sera pas crédible.<br />
En résumé, le label, c’est une arme à double tranchant.<br />
Il est peut-être nécessaire pour qu’il y ait<br />
<strong>des</strong> coups de projecteurs, qu’on évite la politique de<br />
l’émiettement, mais alors il faut que l’Ét<strong>at</strong> se dote <strong>des</strong><br />
moyens indispensables.<br />
Éric GARANDEAU<br />
C’est tout à fait la direction que nous voulons<br />
prendre.<br />
S’agissant <strong>des</strong> crédits, d’ores et déjà, en très grande<br />
partie globalisés, ils sont confiés aux DRAC.<br />
Nous avons veillé à ce qu’ils soient le plus précis<br />
possible, y compris en ce qui concerne les <strong>festivals</strong><br />
; bien sûr, il faut qu’on soit capable d’évaluer<br />
correctement les choses, que les DRAC aussi, avec<br />
le concours de services d’inspection ou de corps<br />
indépendants d’évalu<strong>at</strong>ion, puissent aller contrôler<br />
a posteriori ce qui a été fait, ce qui nous permettra<br />
de mieux redéployer nos crédits, de conforter<br />
tel ou tel festival ou t<strong>elle</strong> ou t<strong>elle</strong> structure,<br />
de conquérir même <strong>des</strong> marges artistiques pour<br />
soutenir <strong>des</strong> projets en pointe. L’une <strong>des</strong> principales<br />
faiblesses de l’administr<strong>at</strong>ion, jusqu’ici, est<br />
d’avoir un peu négligé cet aspect si crucial. Cela<br />
concerne d’ailleurs toutes les institutions de diffusion,<br />
y compris les institutions d’éduc<strong>at</strong>ion musicale,<br />
même si c<strong>elle</strong>s-ci ont bénéficié d’évalu<strong>at</strong>ions<br />
beaucoup plus fréquentes.<br />
Odile PRADEM-FAURE<br />
Secrétaire Générale - Académies<br />
musicales de Saintes<br />
On a la chance en Poitou-Charentes que les rel<strong>at</strong>ions<br />
entre la Région et la DRAC se soient toujours extrêmement<br />
bien passées (seul, le Département reste assez<br />
absent sur le plan culturel). Un porteur de projet qui<br />
peut s’appuyer sur <strong>des</strong> élus, a, à sa disposition, <strong>des</strong><br />
outils contractuels, notamment les conventions d’objectif<br />
sur trois ans, scellées entre l’Ét<strong>at</strong> et un festival<br />
ou un festival et une Région, et même <strong>des</strong> conventions<br />
tripartites ou quadripartites dans certains cas, qui sont<br />
un bon moyen d’organiser la concert<strong>at</strong>ion et de s’assurer<br />
que les alternances politiques ne fragilisent pas<br />
le financement du projet lui-même. Donc l’Ét<strong>at</strong>, certes,<br />
a certaines difficultés à engager le dialogue, mais<br />
je ne connais pas de DRAC qui ait fermé la porte à un<br />
porteur de projet, accompagné de ses élus (protest<strong>at</strong>ions<br />
dans la salle…)<br />
Nous sommes donc très chanceux en Poitou-Charentes,<br />
la DRAC ne nous a jamais fermé la porte. Si ces conventions<br />
d’objectifs peuvent s’appuyer sur <strong>des</strong> comités<br />
d’experts, cela peut garantir la survie <strong>des</strong> projets.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
L’une <strong>des</strong> choses à faire remarquer justement,<br />
c’est que si la décentralis<strong>at</strong>ion permet de coller au<br />
terrain, la contrepartie en est que, d’une région<br />
à l’autre, les choses peuvent se passer très différemment.<br />
Didier BIDAUX<br />
Directeur - Festival de Musique<br />
de Sully-sur-Loire<br />
Je suis directeur du Festival de Musique de Sully-sur-<br />
Loire, depuis dix ans. Les collectivités locales financent<br />
un tiers de mon budget, <strong>des</strong> partenaires privés un autre<br />
tiers et le troisième tiers est constitué de la billetterie.<br />
J’ai eu l’idée de contacter le responsable de la DRAC<br />
(nous ne recevons rien, ni de la DRAC ni du Ministère).<br />
M. Marais, Directeur de la DRAC à Orléans, m’a<br />
répondu que le festival de Sully, étant suffisamment<br />
reconnu, n’avait absolument pas <strong>besoin</strong> d’aide, mais<br />
que, si un jour nous engagions les rappeurs d’Orléans<br />
que la DRAC soutenait ou le centre d’électro-acoustique<br />
de Bourges, alors, à ce moment-là, il reverrait<br />
peut-être sa politique. Or, nous sommes un festival de<br />
<strong>musique</strong> classique. Cette année, nous avons renouvelé<br />
notre demande, il ne m’a même pas répondu.<br />
Alain BRUNET<br />
Directeur du Festival<br />
et Académie baroque<br />
européenne d’Ambronay<br />
J’ai eu aussi beaucoup de mal avec la DRAC Rhône-Alpes<br />
pour faire reconduire ses ai<strong>des</strong>. Et si on<br />
a la chance de voir reconduire sa subvention, c’est<br />
déjà bien, il est interdit de se plaindre. Or notre<br />
projet, en se développant, prenait de plus en plus<br />
d’ampleur, avait donc <strong>des</strong> <strong>besoin</strong>s plus grands. Si,<br />
aujourd’hui, il y a la volonté de la part du Ministère<br />
de faire une véritable analyse de la situ<strong>at</strong>ion,<br />
de soutenir les choses qui bougent, qui font un vrai<br />
travail de terrain, alors je salue le Ministre qui a<br />
le courage d’en assumer la responsabilité. Mais, il<br />
faut aussi que le Ministère entende toutes ces interrog<strong>at</strong>ions,<br />
toutes ces angoisses qui s’expriment.<br />
<strong>La</strong> question de l’évalu<strong>at</strong>ion (sa méthode et ses critères)<br />
est un vrai problème.<br />
Éric GARANDEAU<br />
Si j’entends bien ce que vous dites, tous, il faut que<br />
l’Ét<strong>at</strong>, ait sur les <strong>festivals</strong> le regard le plus objectif<br />
possible en vue d’intervenir le mieux possible.<br />
Ce qui n’est pas facile. D’une certaine façon, on<br />
est victime du succès : les <strong>festivals</strong> sont très nombreux<br />
et très professionnels, donc leurs <strong>besoin</strong>s de<br />
financement augmentent. Comment accorder suffisamment<br />
de temps à chaque équipe artistique, à<br />
chaque demande de soutien, comment évaluer ensuite<br />
le résult<strong>at</strong> <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> apportées ? D’où l’idée<br />
d’un certain recentrage, <strong>des</strong>tiné à améliorer à la<br />
fois la qualité de la rel<strong>at</strong>ion avec les <strong>festivals</strong> et les<br />
moyens à apporter. Faire preuve d’objectivité et de<br />
rigueur est donc d’autant plus nécessaire, reposant<br />
sur une ré<strong>elle</strong> concert<strong>at</strong>ion, bien sûr, avec les collectivités<br />
territoriales qui sont, d’ailleurs, les principaux<br />
financeurs <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
J’ai bien perçu le fort <strong>besoin</strong> de dialogue et de concert<strong>at</strong>ion,<br />
à la fois au niveau régional et n<strong>at</strong>ional.<br />
Mais, je le rapp<strong>elle</strong>, un déb<strong>at</strong> a déjà commencé sur<br />
la <strong>musique</strong> et le spectacle vivant, la mission a été<br />
confiée à Bernard LATARJET et à son équipe et a<br />
conduit à <strong>des</strong> consult<strong>at</strong>ions très importantes. Je ne<br />
manquerai pas d’<strong>at</strong>tirer l’<strong>at</strong>tention sur la question<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, concernés en vérité par tous les déb<strong>at</strong>s-clés<br />
: question de l’intermittence, <strong>des</strong> métiers<br />
et <strong>des</strong> carrières, question <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> à la diffusion,<br />
question de la cré<strong>at</strong>ion.<br />
En tout cas, soyez certains que je retransmettrai<br />
fidèlement au Ministre nos échanges dont j’ai apprécié<br />
la franchise. C<strong>at</strong>herine AHMADI est là pour<br />
vous accompagner au long de cette deuxième journée<br />
de réflexion. Je vous remercie, je remercie Philippe<br />
Toussaint de m’avoir convié à cette rencontre<br />
ce m<strong>at</strong>in.<br />
Le mot « label » me<br />
fait penser aux étoiles<br />
du Michelin pour<br />
les restaurants. Aurezvous<br />
<strong>des</strong> goûteurs qui<br />
viendront dans les<br />
régions écouter nos<br />
<strong>festivals</strong>, rencontrer<br />
nos artistes ?<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Bernard LATARJET s’est peut-être mis au travail,<br />
mais nous n’avons pas été contactés par lui. Nous<br />
aimerions avoir toute notre place dans ce déb<strong>at</strong>.<br />
Éric GARANDEAU<br />
<strong>La</strong> mission est connue, <strong>elle</strong> est publique. Elle va<br />
se poursuivre au sein de commissions axées sur<br />
cinq thèmes. Vous avez toute votre place dans ce<br />
déb<strong>at</strong>.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Il me reste à vous remercier, Éric Garandeau, de<br />
vous être prêté de bonne grâce à cet échange nourri<br />
et très intéressant.<br />
1<br />
(NDLR : Depuis lors, le Ministère a abandonné le projet<br />
visant à créer un « label n<strong>at</strong>ional »)<br />
40<br />
41
Pour votre retraite,<br />
vous comptez<br />
sur la chance ?<br />
Nous,NON.<br />
Membre d’<br />
Retraite<br />
Préparer l’avenir et anticiper, c’est notre<br />
métier depuis toujours.<br />
Vous aussi, adressez-vous à l’un de nos<br />
conseillers AGF qui définira avec vous la<br />
solution la mieux adaptée.<br />
L’argent <strong>des</strong> Festivals…<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Nicolas MARC - Directeur - <strong>La</strong> Scène<br />
L’intervention de Luc Bénito, chercheur, a été transformée en un article d’analyse page 44<br />
Participants<br />
Hervé de COLOMBEL - Directeur - Festival de l’Epau<br />
Didier PILLON - Conseiller régional chargé du spectacle vivant - Conseil Régional <strong>des</strong> Pays de la Loire<br />
C<strong>at</strong>herine AHMADI - Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et <strong>des</strong> Spectacles -<br />
Ministère de la Culture et de la Communic<strong>at</strong>ion.<br />
Philippe TOUSSAINT - Président - France Festivals<br />
Luc Bénito - Chercheur - Université d’Aix-Marseille 1<br />
a t e l i e r 5<br />
www.agf.fr<br />
43
a t e l i e r 5<br />
Les <strong>festivals</strong> de France Festivals sous l’angle économique *<br />
D’après les résult<strong>at</strong>s de l’étude, on voit que les coûts<br />
artistiques sur les 63 <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> représentent<br />
55 % <strong>des</strong> dépenses <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, soit le double<br />
<strong>des</strong> frais administr<strong>at</strong>ifs et quasiment 4 fois plus<br />
que les frais de communic<strong>at</strong>ion et les frais techniques.<br />
<strong>La</strong> dépense moyenne en frais artistiques est de<br />
280 000 euros par festival. Pour être plus précis, il faut<br />
savoir que 50 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont <strong>des</strong> coûts artistiques<br />
compris entre 100 000 euros et 500 000 euros ; et<br />
tout de même 15 % ont <strong>des</strong> coûts artistiques supérieurs<br />
à 500 000 euros.<br />
Pour en revenir à la « loi de Baumol », il est évident<br />
que les <strong>festivals</strong> ne peuvent pas compenser cet accroissement<br />
inéluctable <strong>des</strong> coûts artistiques par une hausse<br />
<strong>des</strong> prix, et encore moins par <strong>des</strong> gains de productivité<br />
comme on le préconise dans les secteurs économipar<br />
Luc Bénito - Chercheur - Université d’Aix-Marseille 1<br />
Mise en évidence de la précarité de la situ<strong>at</strong>ion financière <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
Typologie <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> par rapport à leur structure de financement<br />
L’indispensable travail de mobilis<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> partenaires financiers<br />
Aujourd’hui est posée la question de l’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
C’est évidemment une question sensible. Est-ce<br />
qu’<strong>elle</strong> l’est plus au niveau <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ? Je ne sais<br />
pas. En tout cas, ce que nous savons c’est qu’un festival,<br />
ça coûte soit cher, soit très cher. On sait aussi<br />
ce que rapporte un festival, c’est-à-dire leurs recettes,<br />
ne réussit généralement pas à couvrir ses dépenses.<br />
D’ailleurs à plusieurs reprises, j’ai entendu qualifier<br />
les <strong>festivals</strong> de « machines à générer du déficit ». Vu<br />
sous cet angle, évidemment, ce n’est pas très valorisant.<br />
Mais au-delà ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est<br />
l’extrême fragilité de ces organis<strong>at</strong>ions, et la récente<br />
actualité n’a fait que le confirmer.<br />
Pour autant, nous savons que les activités cultur<strong>elle</strong>s<br />
et plus particulièrement les structures de diffusion sont<br />
par bien <strong>des</strong> égards <strong>des</strong> unités de production qui n’ont<br />
rien de commun avec les entreprises <strong>des</strong> secteurs économiques<br />
classiques. Ce qui ne justifie pas pour autant<br />
que certaines fonctions notamment rel<strong>at</strong>ives à la gestion<br />
soient négligées par les responsables <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Nous ne sommes pas dans la représent<strong>at</strong>ion de<br />
l’artiste déconnecté <strong>des</strong> contingences financières mais<br />
certaines fois on peut s’interroger. D’autant que la prise<br />
en charge totale <strong>des</strong> activités cultur<strong>elle</strong>s par la collectivité<br />
publique est un déb<strong>at</strong> sans fin mais qui surtout<br />
n’est pas une finalité en soi.<br />
1 – Une activité déficitaire *<br />
Les coûts<br />
Pour dépasser ces quelques considér<strong>at</strong>ions qui relèvent<br />
parfois du lieu commun, je pense qu’il faut dans<br />
un premier temps s’arrêter sur cette question du coût<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
D’après les résult<strong>at</strong>s de l’étude sur 63 <strong>festivals</strong>, membres<br />
actifs ou organis<strong>at</strong>ions abonnées, de France<br />
Festivals, qui représentent un panel assez représent<strong>at</strong>if<br />
notamment sur les budgets et la fréquent<strong>at</strong>ion,<br />
nous const<strong>at</strong>ons tout de même une dépense moyenne<br />
par festival de 500 000 euros. Il existe évidemment<br />
d’énormes disparités puisque les dépenses s’échelonnent<br />
entre 20 000 euros pour le plus petit et plus de<br />
3 500 000 euros pour le plus gros. Nous savons néanmoins<br />
que plus de 70 % d’entre eux ont <strong>des</strong> dépenses<br />
de plus de 100 000 euros et 27 % de plus de<br />
500 000 euros.<br />
*NDLR : les chiffres présentés ci-après sont issus de l’enquête<br />
réalisée auprès <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> adhérents à France Festivals. Elle<br />
porte sur l’exercice 2002. Des résult<strong>at</strong>s complémentaires sont<br />
mis en ligne sur le site www.france<strong>festivals</strong>.com<br />
Pourquoi les <strong>festivals</strong> coûtent-ils chers ? On a une explic<strong>at</strong>ion<br />
scientifique à ce questionnement. En effet,<br />
les économistes ont mis en évidence un phénomène<br />
économique, qu’ils présentent comme une loi, et qui<br />
offre une explic<strong>at</strong>ion sans doute parti<strong>elle</strong> à ce problème<br />
de coût ? Cette loi, dite « Loi de Baumol » du nom<br />
de son cré<strong>at</strong>eur, nous dit que les activités de spectacles<br />
comme les <strong>festivals</strong> souffrent d’un accroissement inéluctable<br />
<strong>des</strong> coûts de production. Dépassant le simple<br />
cadre de l’infl<strong>at</strong>ion, le coût <strong>des</strong> artistes, <strong>des</strong> spectacles,<br />
<strong>des</strong> moyens techniques est toujours plus élevé chaque<br />
année. D’un point de vue économique, en réponse à<br />
une t<strong>elle</strong> situ<strong>at</strong>ion, on ne peut qu’augmenter les prix.<br />
Mais dans le domaine <strong>des</strong> spectacles et <strong>des</strong> concerts,<br />
une hausse <strong>des</strong> prix est impossible car <strong>elle</strong> placerait la<br />
tarific<strong>at</strong>ion à un niveau beaucoup trop élevé. De plus,<br />
dans la conscience collective, la tarific<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> activités<br />
cultur<strong>elle</strong>s doit rester abordable. D’ailleurs on entend<br />
souvent que la <strong>musique</strong> classique et plus particulièrement<br />
les opéras sont <strong>des</strong> pr<strong>at</strong>iques élitistes parce<br />
que le prix d’entrée <strong>des</strong> spectacles est élevé. Mais les<br />
prix sont élevés parce que les coûts sont parfois importants,<br />
voire très importants.<br />
ques classiques. Par exemple, on ne peut pas demander<br />
à un orchestre de jouer avec moins de musiciens<br />
sous prétexte que ça coûterait moins cher.<br />
Voilà pour cette loi qui traduit un phénomène, somme<br />
toute, assez logique mais qui se vérifie particulièrement<br />
au niveau <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> sachant que le caractère<br />
exceptionnel <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> pousse toujours les programm<strong>at</strong>eurs<br />
à proposer <strong>des</strong> artistes et <strong>des</strong> spectacles<br />
de qualité, qui se payent généralement très cher.<br />
Les ressources<br />
Avec tous ces éléments, on ne peut pas être surpris<br />
de voir que le niveau d’autofinancement se situe en<br />
moyenne entre 20 et 40 %.<br />
Sur l’étude il s’échelonne plutôt entre 25 et 50 %.<br />
Les recettes propres générées par les <strong>festivals</strong>, à savoir<br />
billetterie, cotis<strong>at</strong>ion, ventes annexes représentent en<br />
moyenne 36 % <strong>des</strong> ressources de l’ensemble <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Néanmoins, les deux extrêmes sont aussi présents<br />
: 2 ou 3 <strong>festivals</strong> ont <strong>des</strong> taux de plus de 90 %,<br />
tandis que 2 ou 3 autres ne dépassent pas les 5 %.<br />
Concrètement, les recettes propres moyennes tournent<br />
aux alentours de 180 000 euros par festival. Ce chiffre<br />
est évidemment loin de pouvoir couvrir tous les cas de<br />
figure. Il faut plutôt garder à l’esprit que près <strong>des</strong> deux<br />
tiers <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont <strong>des</strong> recettes propres de plus de<br />
Le niveau d’autofinancement<br />
se situe<br />
en moyenne entre 20<br />
et 40 %. Avec même<br />
40 % d’autofinancement,<br />
les <strong>festivals</strong> restent<br />
bien entendu largement<br />
dépendants<br />
<strong>des</strong> apports financiers.<br />
50 000 euros et près de 40 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> <strong>des</strong> recettes<br />
de plus de 100 000 euros.<br />
Avec même 40 % d’autofinancement, les <strong>festivals</strong> restent<br />
bien entendu largement dépendants <strong>des</strong> apports<br />
financiers. Sur la question du mécén<strong>at</strong>, on ne peut pas<br />
dire, contrairement à beaucoup d’autres pays, notamment<br />
nord-américains, que la particip<strong>at</strong>ion financière<br />
<strong>des</strong> entreprises privées soit très développée en France.<br />
Néanmoins, le mécén<strong>at</strong> est sans doute plus présent<br />
dans les <strong>festivals</strong> que dans les autres activités cultur<strong>elle</strong>s.<br />
D’après la synthèse de certains travaux, le financement<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> par le mécén<strong>at</strong> représente en<br />
moyenne moins de 14 %.<br />
Les résult<strong>at</strong>s de l’étude tendent à confirmer cette proportion<br />
puisqu’il a été calculé que la part du mécén<strong>at</strong><br />
représentait 16 % <strong>des</strong> ressources, soit une particip<strong>at</strong>ion<br />
moyenne d’environ 80 000 euros par festival.<br />
Notons pour inform<strong>at</strong>ion que 70 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont<br />
<strong>des</strong> particip<strong>at</strong>ions provenant du mécén<strong>at</strong> de moins de<br />
50 000 euros.<br />
<strong>La</strong> faiblesse du mécén<strong>at</strong> culturel nous est souvent expliquée<br />
par le fait que le soutien d’activités cultur<strong>elle</strong>s<br />
par <strong>des</strong> entreprises privées apparaît, dans la conscience<br />
collective et sans doute plus dans c<strong>elle</strong> <strong>des</strong> professionnels<br />
de la culture, comme un mariage contre n<strong>at</strong>ure.<br />
Plus particulièrement le sponsoring qui associe une<br />
marque plutôt qu’une entreprise est largement montré<br />
du doigt alors que les Nord-Américains ne s’embarrassent<br />
guère de t<strong>elle</strong>s considér<strong>at</strong>ions.<br />
Pour ma part, je pense qu’un autre facteur explique<br />
beaucoup mieux la faiblesse du mécén<strong>at</strong> culturel. Il<br />
relève de cette fameuse exception cultur<strong>elle</strong> française<br />
qui s’illustre par une imbric<strong>at</strong>ion forte <strong>des</strong> activités<br />
cultur<strong>elle</strong>s dans la sphère publique. Certaines étu<strong>des</strong><br />
ont montré que la part <strong>des</strong> particip<strong>at</strong>ions de la collectivité<br />
publique s’élevait à environ 50 % dans le budget<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Cette proportion se retrouve dans les résult<strong>at</strong>s de l’étude<br />
sur les 63 <strong>festivals</strong> puisqu’on relève que 47 % <strong>des</strong><br />
ressources proviennent de subventions, soit une particip<strong>at</strong>ion<br />
moyenne par festival de plus de 230 000 euros.<br />
Un chiffre particulièrement impressionnant. Il faut savoir<br />
que plus de 55 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> reçoivent <strong>des</strong> subventions<br />
de plus de 100 000 euros.<br />
En fait, les collectivités publiques se sont considérablement<br />
investies dans le domaine culturel, notamment<br />
depuis le début <strong>des</strong> années 80, avec <strong>des</strong> professionnels<br />
largement consentant. N’oublions pas que l’accès<br />
à la culture pour tous est un droit constitutionnel, et<br />
par conséquent un devoir pour les pouvoirs publics.<br />
Pour autant, le service public culturel est un champ<br />
encore très flou qui ne cesse de questionner et de soulever<br />
le déb<strong>at</strong>, voire la polémique. Dans le cadre de<br />
cette intervention, je n’irai pas plus loin, et je vous<br />
invite à prolonger éventu<strong>elle</strong>ment ce déb<strong>at</strong> dans les<br />
<strong>at</strong>eliers. Rappelons, néanmoins, pour ce qui concerne<br />
les <strong>festivals</strong>, que ce sont les collectivités locales qui se<br />
les ont appropriées.<br />
2 – Un équilibre financier précaire<br />
Montage et partenaires financiers<br />
Les collectivités locales qui ont été aussi à l’initi<strong>at</strong>ive<br />
d’un grand nombre de manifest<strong>at</strong>ions, sont frian<strong>des</strong><br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> et continuent de l’être même si le paysage<br />
s’est considérablement rempli. Au premier rang <strong>des</strong><br />
partenaires <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, on trouverait assez logique<br />
de voir les villes et les communes. Mais les résult<strong>at</strong>s<br />
de l’étude ont montré une autre réalité.<br />
En effet, dans l’ensemble <strong>des</strong> 63 <strong>festivals</strong>, il se<br />
trouve que 97 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ont comme partenaire<br />
leur Conseil Général, 92 % leur Conseil Régional,<br />
et les municipalités apportent leur contribution<br />
dans 89 % <strong>des</strong> cas observés. Quant à l’Ét<strong>at</strong>,<br />
63 % <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> l’ont comme partenaire.<br />
Faut-il pour autant en tirer <strong>des</strong> conclusions ? Il s’agit<br />
en tout cas d’une observ<strong>at</strong>ion intéressante. Ceci étant<br />
dit qu’ils soient pouvoirs publics ou mécènes privés,<br />
tous rechignent à se fidéliser sur plusieurs années,<br />
obligeant les responsables à sortir chaque année leur<br />
« bâton de pèlerin » (de leurs propres dires) pour aller<br />
convaincre leurs partenaires ainsi que de nouveaux.<br />
De plus, les particip<strong>at</strong>ions qui peuvent <strong>at</strong>teindre de fortes<br />
sommes, comme on l’a vu, ne vont pas sans contreparties,<br />
au-delà <strong>des</strong> retombées en termes d’image<br />
et de développement économique.<br />
Elles ont une incidence certaine sur le montage financier<br />
mais peuvent peut-être aussi en avoir sur la direction<br />
artistique. Sur ce point, on peut relever deux<br />
cas de figures :<br />
- Soit le festival dispose de plusieurs partenaires ce qui<br />
multiplie les interlocuteurs et oblige à passer beaucoup<br />
de temps, généralement chaque année, à les<br />
convaincre. L’avantage c’est d’être totalement indépendant<br />
d’un point de vue artistique mais aussi d’être<br />
moins exposé au retrait éventuel d’un partenaire financier.<br />
C’est le cas <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> provenant d’une initi<strong>at</strong>ive<br />
privée t<strong>elle</strong> qu’une associ<strong>at</strong>ion.<br />
- Soit le festival relève d’un partenaire majoritaire ou<br />
bien l’activité est prise en charge en totalité par la collectivité<br />
publique. Le montage financier est par conséquent<br />
plus simple mais le risque d’ingérence dans la<br />
a t e l i e r 5<br />
44<br />
45
a t e l i e r 5<br />
fonction artistique est évidemment plus fort ; d’autant<br />
que le retrait du partenaire majoritaire est en général f<strong>at</strong>al<br />
à l’événement. On retrouve dans ces cas de figure les<br />
<strong>festivals</strong> gérés directement par une collectivité locale ou<br />
par une associ<strong>at</strong>ion para-publique par exemple.<br />
Si on peut facilement replacer l’engouement <strong>des</strong> collectivités<br />
locales pour les <strong>festivals</strong> dans la première vague<br />
de décentralis<strong>at</strong>ion du début <strong>des</strong> années 80, il<br />
faut tout de même distinguer deux pério<strong>des</strong> par rapport<br />
au financement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> par les pouvoirs publics.<br />
On doit opposer la décennie <strong>des</strong> années 80 avec<br />
la croissance <strong>des</strong> dépenses cultur<strong>elle</strong>s publiques à la<br />
période de stagn<strong>at</strong>ion qu’ont connu les budgets dans<br />
les années 90.<br />
Au niveau de l’Ét<strong>at</strong> par exemple dont la part du budget<br />
du Ministère de la Culture avait quasiment doublé<br />
entre 1981 et 1991 pour frôler le cap symbolique du<br />
1 %, on a const<strong>at</strong>é une stagn<strong>at</strong>ion du budget, voire<br />
une baisse <strong>des</strong> subventions accordées par les DRAC<br />
aux structures de diffusion cultur<strong>elle</strong>.<br />
Au niveau <strong>des</strong> collectivités locales, le const<strong>at</strong> est plus probant<br />
puisque leurs dépenses cultur<strong>elle</strong>s qui avaient été<br />
multipliées par 2,5 en 15 ans pour <strong>at</strong>teindre 36,9 milliards<br />
de francs en 1993, ont connu une baisse assez<br />
importante en simplement trois ans et n’étaient plus que<br />
de 30,3 milliards de francs en 1996.<br />
Il faut bien entendu mettre cette baisse sur le compte<br />
<strong>des</strong> difficultés financières qu’ont rencontrées les collectivités<br />
mais plus globalement, il faut replacer ce<br />
phénomène dans le contexte socioéconomique <strong>des</strong> années<br />
90. Au cours de cette période, les pouvoirs publics<br />
ont donné la priorité à la lutte contre le chômage<br />
et l’exclusion <strong>des</strong> minorités sociales au détriment <strong>des</strong><br />
budgets alloués à la culture. Et les <strong>festivals</strong> ont subi de<br />
plein fouet cette baisse <strong>des</strong> subventions publiques qui<br />
a entraîné une certaine r<strong>at</strong>ionalis<strong>at</strong>ion de cette activité.<br />
Les premiers à être touchés sont malheureusement<br />
les nouveaux projets, et à travers eux, c’est l’innov<strong>at</strong>ion.<br />
Car dans les budgets culturels publics, il faut tout<br />
d’abord continuer à soutenir ceux que l’on soutenait<br />
déjà, et pour les nouveaux il ne reste par conséquent<br />
pas grand-chose, sinon rien.<br />
Un autre effet plus pervers, car plus insidieux, est à relever<br />
et à mettre sur le compte de cette r<strong>at</strong>ionalis<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> budgets culturels. Ce phénomène concerne tout<br />
spécialement les collectivités locales qui ont eu tendance<br />
à concentrer leur soutien sur les <strong>festivals</strong> dits de<br />
prestige, vecteurs d’image pour eux, ou sur les <strong>festivals</strong><br />
d’anim<strong>at</strong>ion notamment pour les communes, soit<br />
<strong>des</strong> événements qui leur coûtent moins chers. Il reste<br />
par conséquent une frange de <strong>festivals</strong> plutôt importante<br />
et qui revendiquent sans aucun doute une qualité<br />
artistique certaine mais qui ne trouvent malheureusement<br />
pas écho auprès <strong>des</strong> collectivités locales.<br />
Les contraintes de gestion<br />
Pour toutes ces contraintes rel<strong>at</strong>ives au montage financier,<br />
les <strong>festivals</strong> sont souvent présentés comme <strong>des</strong> activités<br />
à haut risque. Ces difficultés qu’ils rencontrent pour<br />
le financement de leurs activités ont une implic<strong>at</strong>ion directe<br />
et forte sur le fonctionnement de ces structures.<br />
On const<strong>at</strong>e dans les <strong>festivals</strong> comme dans beaucoup<br />
d’autres structures cultur<strong>elle</strong>s que la priorité est donnée<br />
à la dimension artistique. On l’a vu précédemment<br />
dans la prédominance <strong>des</strong> frais artistiques au<br />
détriment <strong>des</strong> autres postes. Au niveau du personnel,<br />
les équipes sont souvent réduites à leur portion congrue<br />
et le recours au bénévol<strong>at</strong> est indispensable comme<br />
on le voit parfaitement dans l’étude.<br />
Bien que les <strong>festivals</strong> aient logiquement à plus de<br />
87 % recours à du personnel administr<strong>at</strong>if, les bénévoles<br />
représentent tout de même près de 50 % de toutes<br />
les personnes employées par les <strong>festivals</strong>, intermittents<br />
compris. Le nombre moyen de bénévoles par festival<br />
est de 30 tandis que pour les permanents (dont<br />
1/3 sont à temps partiel), il est de 6.<br />
Évidemment la présence de bénévoles est souvent<br />
montrée comme exemple de solidarité et d’engagement<br />
de la popul<strong>at</strong>ion locale. Il faut tout de même<br />
rappeler qu’encadrer <strong>des</strong> dizaines, voire <strong>des</strong> centaines<br />
de bénévoles, n’est pas une mission facile et évidente.<br />
<strong>La</strong> bonne volonté n’a jamais remplacé la compétence<br />
et <strong>elle</strong> ne facilite pas la rigueur professionn<strong>elle</strong>. Pour<br />
résumer, il n’est pas toujours facile de donner <strong>des</strong> ordres<br />
à un bénévole.<br />
Emplois administr<strong>at</strong>ifs Nombre % Moyenne Recours<br />
Permanents à temps complet 225 24% 4 64%<br />
Permanents à temps partiel 102 11% 2 60%<br />
Saisonniers 467 49 % 8 53 %<br />
Stagiaires 150 16 % 3 53 %<br />
Emplois<br />
Emplois administr<strong>at</strong>ifs (total) 944 24 % 15 87 %<br />
Intermittents du spectacle 1 047 27 % 17 60 %<br />
Bénévoles 1 798 46 % 29 83 %<br />
Autres 83 3 % 1 13 %<br />
Total 3 872 100 % 61<br />
Pour le personnel permanent ou semi-permanent, le recours<br />
à <strong>des</strong> emplois aidés est devenu une pr<strong>at</strong>ique courante.<br />
Il nécessite là encore un encadrement spécifique<br />
car les compétences requises ne sont pas innées.<br />
Quant aux responsables <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, plusieurs cas de<br />
figure sont possibles. Il peut s’agir d’un groupe d’am<strong>at</strong>eurs<br />
passionnés, qui crée une manifest<strong>at</strong>ion. Portée par<br />
le succès <strong>des</strong> premières éditions, la structure festival arrive<br />
dans une phase de développement qui implique de<br />
passer du petit groupe d’am<strong>at</strong>eurs à de véritables professionnels.<br />
Et bien heureusement, on voit <strong>des</strong> responsables,<br />
notamment parmi ceux qui sont encore présents<br />
(ce qui est parfaitement logique) apprendre la gestion<br />
cultur<strong>elle</strong> ou se familiariser avec les fonctions administr<strong>at</strong>ives.<br />
Malheureusement, combien de responsables<br />
culturels négligent encore ces fonctions au profit de l’artistique,<br />
alors que les deux sont irrémédiablement liées.<br />
Une structure t<strong>elle</strong> qu’un festival ne peut être déconnecté<br />
<strong>des</strong> réalités économiques, notamment au niveau local,<br />
sous peine de sanction immédi<strong>at</strong>e.<br />
Cet équilibre financier et cette stabilité si difficile à obtenir<br />
(sans contreparties) font partie du quotidien <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong>. Ajoutons tout de même, pour corser le tout,<br />
que ces structures se trouvent aussi particulièrement<br />
exposées à divers aléas dont ils n’ont absolument<br />
aucune maîtrise. Nous ne rentrerons pas ici dans les<br />
détails mais, rappelons que le conflit <strong>des</strong> intermittents<br />
(sans revenir sur le fond du déb<strong>at</strong>) a eu pour conséquence<br />
<strong>des</strong> situ<strong>at</strong>ions financières assez dram<strong>at</strong>iques.<br />
Mais au-delà de ce phénomène qui a surpris tout le<br />
monde, les <strong>festivals</strong> sont aussi tributaires <strong>des</strong> aléas<br />
météorologiques, <strong>des</strong> nuisances occasionnées par la<br />
fréquent<strong>at</strong>ion de l’événement (dégrad<strong>at</strong>ions de la<br />
qualité de vie <strong>des</strong> résidents), mais tout simplement de<br />
l’échec d’un spectacle puisque beaucoup d’entre eux<br />
sont joués en exclusivité ou en avant-première.<br />
3 – Initi<strong>at</strong>ives et arbitrage<br />
Une mobilis<strong>at</strong>ion et une recherche perpétu<strong>elle</strong><br />
de partenaires<br />
C’est une vision bien pessimiste et quelque peu décourageante<br />
qui est présentée ici. Qu<strong>elle</strong> est la marge de<br />
manœuvre <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> face à ces contraintes financières<br />
et leurs incidences ? Sans doute que les déb<strong>at</strong>s qui auront<br />
lieu dans les <strong>at</strong>eliers notamment au travers d’échanges<br />
d’expérience pourront amener <strong>des</strong> pistes de réflexion.<br />
N’oublions pas que les <strong>festivals</strong> sont là et ils sont nombreux.<br />
Ce qui signifie que les responsables <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
ont su légitimer leur activité auprès de ceux qui pouvaient<br />
être et apparaître comme les plus intéressés,<br />
à savoir les collectivités locales ; peut-être pour <strong>des</strong><br />
raisons artistiques mais sans doute aussi en mettant<br />
en évidence ces fameuses retombées qu’un festival est<br />
susceptible de générer pour la collectivité<br />
Un festival ne semble pas viable sans l’engagement<br />
de la collectivité locale. C’est en tout cas ce que l’on<br />
const<strong>at</strong>e dans l’étude sur les <strong>festivals</strong> membres de<br />
France Festivals où il ressort qu’un festival compte en<br />
moyenne qu<strong>at</strong>re partenaires parmi les pouvoirs publics<br />
sachant qu’il peut y avoir aussi une communauté<br />
de communes ou l’Europe.<br />
Par ailleurs, la faiblesse du mécén<strong>at</strong> culturel n’est pas<br />
une f<strong>at</strong>alité. Le recours au soutien <strong>des</strong> entreprises privées<br />
n’est pas à ignorer, et pourtant il l’est parfois ;<br />
sans doute pour les raisons évoquées toute à l’heure.<br />
On observe sur ce point et de façon assez logique que<br />
le soutien <strong>des</strong> PME locales va plutôt en direction <strong>des</strong><br />
événements dont le rayonnement est plutôt local tandis<br />
que les gran<strong>des</strong> entreprises (privées ou pas) sont<br />
évidemment mobilisables dans le cadre de <strong>festivals</strong><br />
avec déjà une certaine envergure.<br />
Enfin pour ceux qui se sentiraient exclus de ces<br />
deux schémas, l’apparition de groupes d’entreprises<br />
mécènes offre <strong>des</strong> opportunités indéniables pour les<br />
<strong>festivals</strong>. D’une part la cré<strong>at</strong>ion de clubs d’entreprises<br />
mécènes permet, même à de petites sociétés de<br />
pouvoir participer à <strong>des</strong> événements de renom. À titre<br />
d’exemple, le « Club <strong>des</strong> entreprises du Cher », créé à<br />
l’initi<strong>at</strong>ive du préfet du département, est un partenaire<br />
financier du « Printemps de Bourges ». Réunissant<br />
16 entreprises, il regroupe aussi bien <strong>des</strong> P.M.E. que<br />
<strong>des</strong> entreprises comme Renault ou EDF. <strong>La</strong> cotis<strong>at</strong>ion<br />
annu<strong>elle</strong> intégralement reversée au festival s’élevait il<br />
y a quelques années à 30 000 francs.<br />
Au niveau <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, ces clubs d’entreprises<br />
mécènes sont une source de financement non négligeable<br />
car tous types d’entreprises peuvent y adhérer,<br />
et plus particulièrement les P.M.E. que certains<br />
<strong>festivals</strong> n’arrivent pas à engager financièrement de<br />
manière isolée. <strong>La</strong> mise en place d’une structure de<br />
gestion, même légère, limite le nombre d’interlocuteurs<br />
et facilite ainsi la collabor<strong>at</strong>ion avec le festival.<br />
Ces clubs assurent surtout une garantie de financement<br />
même si un partenaire se retire, et favorise une<br />
certaine fidélité tant recherchée par les <strong>festivals</strong>.<br />
<strong>La</strong> mobilis<strong>at</strong>ion ne s’arrête pas aux simples partenaires<br />
financiers. N’oublions pas que les collabor<strong>at</strong>ions<br />
avec les opér<strong>at</strong>eurs touristiques ne sont pas non plus à<br />
négliger pour toutes les contributions en terme de promotion<br />
qu’ils peuvent fournir. Il semble que les <strong>festivals</strong><br />
membres de France Festivals aient pris la mesure<br />
de cette réalité puisque près de 60 % d’entre eux ont<br />
au moins deux partenaires sur les trois principaux institutionnels<br />
du tourisme que sont les offices du tourisme,<br />
les comités départementaux du tourisme et les<br />
comités régionaux du tourisme.<br />
Une gestion professionn<strong>elle</strong><br />
Le salut <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> ne passe pas sans une mobilis<strong>at</strong>ion<br />
de ces différents acteurs, qui a nécessité pour bon<br />
nombre de responsables d’événements de développer<br />
<strong>des</strong> compétences spécifiques. Il est vrai que la professionnalis<strong>at</strong>ion<br />
du secteur culturel est une question qui<br />
remonte déjà à plusieurs années, sans doute plus de<br />
vingt ans. Dans le domaine de l’organis<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>,<br />
<strong>elle</strong> ne se limite pas uniquement à se former à la<br />
comptabilité ou la gestion financière. Pour beaucoup<br />
de responsables, les compétences à développer l’ont<br />
été de façon totalement autodidacte sachant que certaines<br />
d’entre <strong>elle</strong>s ne relèvent que du bon sens même<br />
sur <strong>des</strong> points qui peuvent apparaître comme hautement<br />
str<strong>at</strong>égiques.<br />
Pendant longtemps la recherche de mécènes était orchestrée<br />
par le directeur qui allait défendre son projet<br />
auprès de partenaires financiers. C’est évidemment encore<br />
le cas, mais on a vu apparaître assez récemment<br />
<strong>des</strong> form<strong>at</strong>ions pour apprendre la recherche de partenaires.<br />
Par ailleurs <strong>des</strong> postes spécifiques au sein de<br />
grands <strong>festivals</strong> notamment comme le Festival d’art lyrique<br />
d’Aix-en-Provence ont été créés. Et bien plus tôt les<br />
agences de parrainage ont fait aussi leur apparition.<br />
Au-delà de toutes ces compétences en terme de marketing,<br />
de management, de communic<strong>at</strong>ion, ou de recherche<br />
de partenaires qui ont une incidence concrète<br />
et certaine sur le fonctionnement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, ce qui<br />
fait la réussite d’un festival et qui conditionne sa notoriété,<br />
son équilibre financier et par conséquent sa pérennité,<br />
c’est la capacité du directeur artistique à offrir<br />
un programme original, savante combinaison entre les<br />
répertoires, les interprètes et les lieux. Offrir toujours<br />
plus, innover ou découvrir de nouveaux talents, relève<br />
d’un travail de spécialiste, dont la liberté de programm<strong>at</strong>ion<br />
est une condition sine qua non.<br />
Mais cette marge de liberté se voit désormais considérablement<br />
réduite, par la multiplic<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> partenaires<br />
financiers dont les aspir<strong>at</strong>ions vont davantage<br />
vers le vedettari<strong>at</strong>. D’autre part, pour garantir l’équilibre<br />
financier, les directeurs de <strong>festivals</strong> ne conçoivent<br />
plus la présent<strong>at</strong>ion de spectacles de cré<strong>at</strong>ion sans la<br />
présence de valeurs sûres. Ainsi, la direction artistique,<br />
peut se présenter comme un arbitrage entre <strong>des</strong> logiques<br />
artistiques et <strong>des</strong> logiques financières de plus en<br />
plus interdépendantes.<br />
a t e l i e r 5<br />
46 47
a t e l i e r 5<br />
L’argent <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>…<br />
Nicolas MARC<br />
Je vous propose trois grands thèmes :<br />
- Rôle et implic<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> collectivités territoriales dans<br />
le financement <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
- Positionnement de l’Ét<strong>at</strong>.<br />
- Le mécén<strong>at</strong>. Le nouveau dispositif législ<strong>at</strong>if peut-il<br />
être ré<strong>elle</strong>ment efficace ?<br />
Hervé de COLOMBEL<br />
Le rôle <strong>des</strong> collectivités territoriales (départements,<br />
régions, communes) est prééminent dans le financement<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, comme d’ailleurs dans la majeure<br />
partie <strong>des</strong> activités cultur<strong>elle</strong>s aujourd’hui, non économiquement<br />
rentables, par n<strong>at</strong>ure. Certes, un festival<br />
de <strong>musique</strong> classique, plus qu’un festival de théâtre<br />
ou de danse contemporaine, a la capacité de réunir<br />
<strong>des</strong> fonds, soit sous la forme de ses recettes propres<br />
(public), soit grâce au mécén<strong>at</strong>, qui, en France, reste<br />
néanmoins très limité. Les fonds publics sont donc absolument<br />
nécessaires.<br />
<strong>La</strong> décentralis<strong>at</strong>ion<br />
a vraiment permis<br />
l’essor <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Les <strong>festivals</strong> qui ont<br />
perduré sont ceux qui<br />
sont devenus de vrais<br />
projets culturels.<br />
Dès le processus de décentralis<strong>at</strong>ion amorcé depuis 20<br />
ans, les collectivités territoriales se sont très n<strong>at</strong>ur<strong>elle</strong>ment<br />
engagées dans toutes sortes de manifest<strong>at</strong>ions<br />
cultur<strong>elle</strong>s, en particulier les <strong>festivals</strong>. Ce sont <strong>elle</strong>s qui<br />
en ont assuré l’indispensable équilibre économique,<br />
beaucoup plus que l’autre partenaire public traditionnel,<br />
l’Ét<strong>at</strong>, qui, lui, ne s’y est jamais engagé de façon<br />
très importante, à quelques notables exceptions<br />
(Aix-en-Provence, Avignon ou Orange). Et malgré ce<br />
const<strong>at</strong>, nous, les responsables de <strong>festivals</strong>, (y compris<br />
notre fédér<strong>at</strong>ion), entretenons paradoxalement l’idée<br />
que nos rapports avec les représentants de l’Ét<strong>at</strong> sont<br />
privilégiés ! Ce rapport de type passionnel avec le Ministère,<br />
avec les DRAC, est sans doute l’un <strong>des</strong> signes<br />
de l’« exception française », un héritage un peu jacobin,<br />
peut-être…<br />
Nicolas MARC<br />
Sous qu<strong>elle</strong> forme les collectivités territoriales se sont<strong>elle</strong>s<br />
engagées vis-à-vis <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, en particulier?<br />
Hervé de COLOMBEL<br />
C<strong>elle</strong> d’une contractualis<strong>at</strong>ion. Les représentants <strong>des</strong><br />
DRAC, au début <strong>des</strong> années 80, nous disaient : ayez<br />
de l’imagin<strong>at</strong>ion, amenez-nous <strong>des</strong> projets, on fera<br />
affaire. À l’époque, les collectivités n’avaient pas<br />
encore l’expérience, les services pour déterminer<br />
leur propre politique cultur<strong>elle</strong>. Plusieurs logiques<br />
d’anim<strong>at</strong>ion d’un lieu se sont exercées : d’abord, les<br />
collectivités émergentes se sont servi de nos manifest<strong>at</strong>ions<br />
comme outils de communic<strong>at</strong>ion, ensuite<br />
comme une façon d’affirmer leur autonomie toute<br />
récente, exerçant leurs propres choix culturels dans<br />
<strong>des</strong> lieux qui leur appartenaient. Imaginons ce que<br />
pouvait être, il y a 20 ans, la frustr<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> élus<br />
dont toutes les décisions devaient obtenir l’aval du<br />
Préfet ! <strong>La</strong> décentralis<strong>at</strong>ion a vraiment permis l’essor<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>.<br />
Si on avance un peu plus dans le temps, on se rend<br />
compte que les <strong>festivals</strong> qui ont perduré sont ceux<br />
qui sont devenus <strong>des</strong> vrais projets culturels, ayant<br />
ainsi acquis là, la seule légitimité possible.<br />
Comment interviennent aujourd’hui les collectivités ?<br />
- soit <strong>elle</strong>s financent un festival organisé par un<br />
tiers, de type associ<strong>at</strong>if le plus souvent, s’alliant à<br />
d’autres acteurs privés. C’est le système le plus répandu<br />
dans notre pays : <strong>des</strong> cofinancements croisés<br />
de l’ensemble <strong>des</strong> collectivités et de l’Ét<strong>at</strong>. Ex : Ambronay,<br />
Pra<strong>des</strong>, la Vézère ou Sablé,…<br />
- soit <strong>elle</strong>s-mêmes organisent leurs propres <strong>festivals</strong><br />
dans <strong>des</strong> lieux p<strong>at</strong>rimoniaux leur appartenant. Ex :<br />
l’Epau, Sully, le Festival d’Île de France, etc.<br />
Il est vrai que, grâce à l’action de l’Ét<strong>at</strong> et <strong>des</strong> collectivités,<br />
les <strong>festivals</strong> constituent, aujourd’hui, de véritables<br />
outils de politique cultur<strong>elle</strong> dans le domaine<br />
de la diffusion, de la sensibilis<strong>at</strong>ion du public, et<br />
que, par la cré<strong>at</strong>ion de structures artistiques nouv<strong>elle</strong>s<br />
comme les résidences permanentes offertes à <strong>des</strong><br />
artistes et <strong>des</strong> cré<strong>at</strong>eurs, ils perdent un peu de leur<br />
caractère éphémère, acquièrent plus d’assise.<br />
Mais cette rel<strong>at</strong>ion privilégiée comporte un corollaire<br />
fâcheux : les organis<strong>at</strong>eurs sont souvent liés à<br />
l’alé<strong>at</strong>oire de la vie démocr<strong>at</strong>ique. À l’occasion du<br />
moindre changement, la manifest<strong>at</strong>ion, dans le pire<br />
<strong>des</strong> cas, peut être totalement remise en question et<br />
abandonnée, ou alors être soumise à <strong>des</strong> tensions, à<br />
<strong>des</strong> comman<strong>des</strong> imposées par l’acteur public. D’où<br />
la crainte, face à la présence de plus en plus importante<br />
<strong>des</strong> collectivités, d’un interventionnisme dans<br />
la programm<strong>at</strong>ion ou dans les choix de lieux <strong>des</strong><br />
concerts, crainte aussi d’un certain clientélisme. Ces<br />
craintes fragilisent nos manifest<strong>at</strong>ions, que renforcent<br />
encore d’autres facteurs, comme, par exemple,<br />
le st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> fonctionnaires territoriaux, aujourd’hui<br />
en charge de la mise en œuvre de nos manifest<strong>at</strong>ions,<br />
qui n’est absolument pas adapté à la réalité.<br />
Ce qu’il nous faudrait donc :<br />
1° Un véritable outil de gestion, adapté aux manifest<strong>at</strong>ions<br />
cultur<strong>elle</strong>s et qui mêlerait acteurs publics<br />
et acteurs privés, fonds publics et fonds privés, qui<br />
tiendrait compte <strong>des</strong> spécificités et impér<strong>at</strong>ifs du milieu<br />
culturel (activité saisonnière, <strong>des</strong> équipes devant<br />
nécessairement travailler 15 ou 16 heures d’affilée<br />
quand on accueille un concert, etc.), un outil<br />
qui se soucierait d’intégrer en régie directe un contr<strong>at</strong><br />
d’engagement, un contr<strong>at</strong> de cession, bref, un<br />
outil mixte entre l’outil de droit public et l’outil de<br />
droit privé qu’est l’associ<strong>at</strong>ion, un outil qu’à ce jour<br />
on n’a pas encore inventé. Pour avoir étudié d’un<br />
peu près l’Établissement Public de Coopér<strong>at</strong>ion Cultur<strong>elle</strong>,<br />
même si nous ne disposons pas encore du<br />
recul suffisant, je ne crois pas que l’on soit en face<br />
d’une véritable solution, tant ce mode de gestion<br />
paraît lourd et complexe.<br />
2° Une filière consacrée au spectacle vivant devrait<br />
exister. <strong>La</strong> fonction publique territoriale, dans<br />
le domaine culturel, propose toutes sortes de filières<br />
techniques (métiers du p<strong>at</strong>rimoine, archéologie, bibliothèques,<br />
archives), rien sur le spectacle vivant.<br />
Quand on const<strong>at</strong>e combien les collectivités sont impliquées<br />
dans l’organis<strong>at</strong>ion de nos <strong>festivals</strong>, c’est<br />
une urgence.<br />
3° L’exercice du contrôle a posteriori par les services<br />
de l’Ét<strong>at</strong>, notamment les Chambres Régionales de<br />
Comptes qui ne connaissent pas forcément la spécificité<br />
de notre milieu, dont les membres ont une<br />
form<strong>at</strong>ion de juristes publics, a <strong>besoin</strong> d’être revu.<br />
On a frôlé le grotesque quand on m’a demandé de<br />
mettre en marché public la programm<strong>at</strong>ion de mon<br />
festival ! Ce chantier est indispensable si l’on veut<br />
se donner les moyens de travailler efficacement et<br />
dans la légalité.<br />
4° Nous n’avons aucun poids en m<strong>at</strong>ière de lobbying,<br />
nous n’avons pas de chambre syndicale pou-<br />
vant être écoutée et régulièrement reçue (même si le<br />
travail de la Fédér<strong>at</strong>ion que conduit Philippe Toussaint,<br />
tend à aller dans ce sens). Il nous faudrait disposer<br />
d’une instance semblable à la chambre syndicale<br />
<strong>des</strong> théâtres lyriques, pour faire progresser nos<br />
revendic<strong>at</strong>ions.<br />
Je n’ai pas l’intention de parler d’argent ni d’évoquer<br />
le pseudo désengagement de l’Ét<strong>at</strong> qui n’est jamais<br />
qu’une redéfinition de son implic<strong>at</strong>ion, comme cela<br />
est son rôle. Simplement, nous avons <strong>besoin</strong>, les uns<br />
et les autres, de savoir exactement qui fait quoi, de<br />
désigner clairement un niveau de collectivité, responsable<br />
et chef de file, afin de collaborer efficacement<br />
ensemble.<br />
Les collectivités depuis vingt ans, se sont emparé d’un<br />
domaine qu’<strong>elle</strong>s estiment de leur compétence (politiques<br />
cultur<strong>elle</strong>s, <strong>festivals</strong>). En tant que t<strong>elle</strong>s, <strong>elle</strong>s<br />
sont demandeuses d’une collabor<strong>at</strong>ion avec l’Ét<strong>at</strong>,<br />
mais aussi avec l’Europe, dans le cadre <strong>des</strong> sources<br />
de financement qui peuvent exister à l’éch<strong>elle</strong> de ces<br />
nouveaux territoires.<br />
Je voudrais ré-évoquer la question du label. Ce que je<br />
conteste, c’est, encore une fois, le manque de concert<strong>at</strong>ion.<br />
J’ai bien peur que les DRAC, chacune enfermée<br />
dans leur propre logique, n’émettent <strong>des</strong> propositions<br />
qui nous conduisent à une situ<strong>at</strong>ion aberrante. <strong>La</strong> répartition<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, toutes disciplines confondues,<br />
est très inégalitaire selon les régions. Le risque est que<br />
dans certaines régions, pauvres en <strong>festivals</strong>, la DRAC<br />
concernée n’ait même pas l’embarras du « choix »,<br />
que, dans d’autres régions pléthoriques en manifest<strong>at</strong>ions,<br />
au contraire, <strong>elle</strong> ne soit contrainte d’en oublier<br />
certaines, qui comptent pourtant à l’éch<strong>elle</strong> n<strong>at</strong>ionale.<br />
Il faut donc, d’urgence, favoriser la mise en place<br />
d’une ré<strong>elle</strong> négoci<strong>at</strong>ion, d’un vrai partenari<strong>at</strong> entre<br />
les acteurs représent<strong>at</strong>ifs, dont la Fédér<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> Festivals,<br />
entre autres.<br />
Quelques pistes à explorer dans cette logique de répartition<br />
<strong>des</strong> rôles :<br />
1° Les collectivités territoriales (communes, villes,<br />
régions, départements) pourraient intervenir sur les<br />
points suivants :<br />
- répartition équilibrée au sein de chaque territoire<br />
concerné<br />
- complémentarité <strong>des</strong> genres <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> (éviter une<br />
trop grande concurrence de proximité)<br />
- garantir l’indépendance artistique <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
- s’engager dans le financement de la programm<strong>at</strong>ion<br />
par le biais de conventions. Un espace-temps de 3-5<br />
ans serait souhaitable.<br />
2° L’Ét<strong>at</strong> devrait créer un observ<strong>at</strong>oire <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> qui<br />
est un outil dont nous avons <strong>besoin</strong>, utilisable aussi<br />
dans le domaine du tourisme. J’ai déjà parlé tout à<br />
l’heure de la nécessité d’un outil de gestion.<br />
3° Quant à l’Europe, il y a là un champ important<br />
que nous, Français, n’avons pas encore exploré, celui<br />
de la contractualis<strong>at</strong>ion, portant non seulement sur la<br />
diffusion, mais aussi sur les échanges artistiques, sur<br />
l’encadrement social du travail <strong>des</strong> artistes. Nous devons<br />
également favoriser une coopér<strong>at</strong>ion supran<strong>at</strong>ionale<br />
entre les associ<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales et l’Associ<strong>at</strong>ion<br />
Européenne <strong>des</strong> Festivals, notamment en ce qui concerne<br />
les bases de données.<br />
Nicolas MARC<br />
Merci de cette intervention. On a parlé de répartition<br />
<strong>des</strong> rôles, <strong>des</strong> compétences et de champs d’intervention,<br />
mais derrière ces notions se cachent, la plupart<br />
du temps, <strong>des</strong> budgets. Didier Pillon, comment se passe,<br />
au niveau de la Région <strong>des</strong> Pays de la Loire, l’intervention<br />
financière de votre collectivité en ce qui concerne<br />
les <strong>festivals</strong> ?<br />
Didier PILLON<br />
Les chiffres que je vais citer correspondent seulement<br />
à une réalité de terrain, c<strong>elle</strong> de la Région <strong>des</strong> Pays de<br />
la Loire. Je ne suis pas le président de la commission<br />
culture, mais j’ai la chance de disposer d’une délég<strong>at</strong>ion<br />
sur le spectacle vivant, donc en lien direct avec<br />
les <strong>festivals</strong>.<br />
<strong>La</strong> Région Pays de la Loire n’est pas une région homogène,<br />
mais plutôt faite de bric et de broc, voulue<br />
politiquement par l’ancien président de Région, Olivier<br />
Guichard. Les activités cultur<strong>elle</strong>s, pour nous, sont<br />
un instrument de cohésion territoriale ; d’où un budget<br />
assez important. En 98, la majorité s’est succédé<br />
à <strong>elle</strong>-même, mais il y a eu un renouv<strong>elle</strong>ment d’élus<br />
(nouveau président, nouv<strong>elle</strong> équipe de techniciens<br />
culturels).<br />
Nous sommes la 5e région française en popul<strong>at</strong>ion,<br />
en superficie, en richesses. <strong>La</strong> Région <strong>des</strong> Pays de la<br />
Loire se divise en deux territoires différents. Le premier,<br />
côtier, se prête, l’été, à une multiplic<strong>at</strong>ion de<br />
<strong>festivals</strong>, grâce à son p<strong>at</strong>rimoine littoral. Le second<br />
(3 départements) est de type rural. Notre région, c’est<br />
aussi un maillage assez subtil de villes qui s’équilibrent<br />
entre <strong>elle</strong>s : la capitale régionale, Nantes, puis<br />
Angers (Maine-et-Loire), Le Mans (Sarthe), la Rochesur-Yon<br />
(Vendée) et <strong>La</strong>val (Mayenne), <strong>des</strong> villes assez<br />
diversifiées, moyennes, qui ont toutes voulu leur<br />
festival pour mieux s’affirmer. Le budget de la culture<br />
pour l’ensemble de la Région, en 2003, s’élève<br />
à 27 600 000 euros (5 % du budget total). En 4 ans,<br />
la nouv<strong>elle</strong> équipe a réussi à multiplier par 2 le budget<br />
de la culture. Le spectacle vivant, dans son ensemble,<br />
représente en gros 36 % de ces dépenses (environ<br />
10 millions d’euros), dont 12 à 13 % sont consacrés<br />
aux <strong>festivals</strong> (1 200 000 euros).<br />
En quoi consiste notre action ?<br />
<strong>La</strong> plupart <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de la région existaient avant<br />
nous. Comment soutenir les nouveaux ? L’aide que la<br />
Région peut apporter est de l’ordre de 10 à 25 % <strong>des</strong><br />
budgets totaux. Précisons que nous n’accordons pas<br />
de subvention, mais une particip<strong>at</strong>ion en pourcentage.<br />
Jusqu’à présent, disposant d’une certaine marge<br />
de manœuvre, nous avons régulièrement accompagné<br />
les <strong>festivals</strong> dans leur développement. On n’a pas véritablement<br />
instauré de plafond, mais on a raisonné<br />
en termes de particip<strong>at</strong>ion financière : certains <strong>festivals</strong><br />
sont aidés à hauteur de 25 %, d’autres à hauteur<br />
de 10 % (le minimum). Cela nous permet d’être exigeants,<br />
simplement. Nous ne tenons absolument pas<br />
à être <strong>des</strong> commanditaires.<br />
Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un<br />
comité technique, mis en place par notre commission<br />
cultur<strong>elle</strong>, nouv<strong>elle</strong>ment installée en 98. Il est composé<br />
d’une petite partie <strong>des</strong> élus de la commission cultur<strong>elle</strong><br />
(qu<strong>at</strong>re conseillers régionaux) et de responsables<br />
<strong>des</strong> structures cultur<strong>elle</strong>s (permanents, directeurs<br />
de <strong>festivals</strong>, artistes et autres professionnels qui s’y<br />
connaissent en spectacle vivant, cré<strong>at</strong>ion, diffusion,<br />
enseignement artistique), sans oublier le responsable<br />
syndical de l’associ<strong>at</strong>ion <strong>des</strong> artistes, dont il faut<br />
souligner le rôle : il nous a permis de mieux gérer les<br />
budgets artistiques, les budgets <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> en particulier,<br />
et d’être sensibles à la question de la rémunér<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> artistes, et à d’autres frais, pas toujours évidents.<br />
Confrontés à une économie dont la gestion est<br />
compliquée (il faut savoir décrypter parfois certaines<br />
dépenses), on a essayé de préserver le même pourcentage,<br />
tout en ayant le souci d’accorder <strong>des</strong> cachets<br />
raisonnables aux artistes.<br />
Après discussion, nos critères d’<strong>at</strong>tribution ont pu être<br />
affinés :<br />
- <strong>La</strong> cohérence entre l’idée artistique et la programm<strong>at</strong>ion<br />
est primordiale.<br />
- Ensuite, tout festival doit s’intégrer dans la vie cultur<strong>elle</strong><br />
artistique locale et faire appel aux forces vives<br />
artistiques du secteur.<br />
- L’équipe artistique joue un rôle fondamental. Elle<br />
doit être capable de défendre son projet et son budget.<br />
Ce sont les techniciens de la Région qui sont chargés<br />
de vérifier s’il y a bien adéqu<strong>at</strong>ion entre le budget<br />
prévisionnel et la réalis<strong>at</strong>ion. Quand la Région aide un<br />
festival, <strong>elle</strong> lui <strong>at</strong>tribue immédi<strong>at</strong>ement 50 % de la<br />
subvention. Les 50 % complémentaires ne sont versés<br />
qu’à l’issue d’un bilan financier arrêté. Nous pouvons<br />
ainsi respecter la fameuse fourchette que j’évoquais<br />
<strong>des</strong> 10 % <strong>des</strong> dépenses ré<strong>elle</strong>s. Si, pour <strong>des</strong> raisons x<br />
ou y, le budget devait être moindre que prévu, la subvention<br />
régionale serait diminuée d’autant.<br />
D’autres critères, comme la taille du festival, l’ampleur<br />
de la programm<strong>at</strong>ion, sa durée, ne sont pas, à<br />
nos yeux, <strong>des</strong> critères importants.<br />
Nicolas MARC<br />
On a l’impression qu’il s’agit là de critères objectifs,<br />
mais est-ce qu’il n’y a pas aussi une part laissée à la<br />
subjectivité dans vos décisions d’<strong>at</strong>tribuer tel ou tel financement<br />
?<br />
Didier PILLON<br />
Oui, bien sûr. Il nous arrive d’avoir <strong>des</strong> coups de cœur,<br />
de prendre <strong>des</strong> risques artistiques. Mais <strong>des</strong> réalités<br />
politiques pèsent parfois. Si le maire d’une ville est un<br />
a t e l i e r 5<br />
48<br />
49
a t e l i e r 5<br />
ancien ministre et s’il lui prend l’envie d’un festival, il<br />
bénéficiera forcément d’une aide (ex : Les Orientales<br />
de Saint-Florent-le-Viel, à la programm<strong>at</strong>ion musicale<br />
exigeante et difficile, auxqu<strong>elle</strong>s la Région apportera<br />
une aide de 25 % plutôt que de 10%). Mais on ne<br />
souhaite pas que les porteurs de projets, chaque année,<br />
aient l’angoisse de ne pas voir leur subvention se<br />
renouveler. Je connais trop le mar<strong>at</strong>hon lent et difficile<br />
qu’ils doivent parcourir pour défendre leur projet : aller<br />
voir l’Ét<strong>at</strong>, la Région, la Ville, le Département qui<br />
n’ont ni les mêmes critères, ni les mêmes formulaires.<br />
Donc, en général, notre Région s’engage au minimum<br />
sur trois ans, sauf imprévu.<br />
Quand, chez nous, un nouveau festival se crée, il fait<br />
appel à un dispositif qu’on a mis en place, le FRA-<br />
DIC, Fonds Régional d’Ai<strong>des</strong> et de Développement<br />
aux Initi<strong>at</strong>ives Cultur<strong>elle</strong>s, doté de 3 millions d’euros<br />
environ. Le nombre de <strong>festivals</strong> que nous aidons se<br />
situe dans une proportion de 10 %. Le porteur de<br />
projet discute non avec les élus (ce n’est pas leur<br />
rôle, je le redis), mais avec les techniciens culturels,<br />
qui, eux, valident le projet. Celui-ci est ensuite<br />
examiné en comité technique ou en commission,<br />
en fonction <strong>des</strong> critères que j’ai définis plus haut.<br />
L’aide, une fois accordée, d’au moins 10 %, est assurée<br />
pour trois ans. Au bout de ce temps, on fait un<br />
bilan. Après examen et dialogue, si on donne notre<br />
aval, il entre dans la c<strong>at</strong>égorie « <strong>festivals</strong> » et il est<br />
alors reconduit pr<strong>at</strong>iquement tous les ans. Inutile de<br />
dire que les associ<strong>at</strong>ions se bousculent aux portes<br />
du FRADIC. Jusqu’à présent, on n’a pas eu à serrer<br />
les boulons. Mais le jour où on nous demandera<br />
de diminuer nos budgets, comme le fait maintenant<br />
l’Ét<strong>at</strong>, ça sera beaucoup plus difficile.<br />
Nous avons deux types de <strong>festivals</strong>, ceux purement<br />
musicaux (environ une quinzaine), les autres (à peu<br />
près 35), plus polyvalents (un peu de danse, de théâtre,<br />
de <strong>musique</strong>). En cas de manifest<strong>at</strong>ion exceptionn<strong>elle</strong>,<br />
la cré<strong>at</strong>ion d’une œuvre jamais jouée par exemple,<br />
d’autres ai<strong>des</strong> supplémentaires à la cré<strong>at</strong>ion, à la<br />
résidence, ou à la diffusion seront ponctu<strong>elle</strong>ment accordées<br />
(de l’ordre de 30 à 50 %).<br />
Nicolas MARC<br />
Un mot est revenu souvent, c’est le mot concert<strong>at</strong>ion.<br />
Concert<strong>at</strong>ion entre les collectivités territoriales et l’Ét<strong>at</strong>.<br />
Comment se passe la concert<strong>at</strong>ion entre la Région Pays<br />
de la Loire, l’Ét<strong>at</strong> ainsi qu’avec les Départements en<br />
m<strong>at</strong>ière de financement ?<br />
Didier PILLON<br />
Les Départements, la Région, l’Ét<strong>at</strong> et les Villes ont du<br />
mal en effet à articuler leurs politiques. Je dirais que<br />
c’est historique. <strong>La</strong> Région dialogue plus facilement<br />
avec les Villes qu’avec les Départements. Mais on essaie<br />
maintenant de devenir complémentaires les uns<br />
<strong>des</strong> autres, y compris entre Départements et Régions.<br />
Nous avons mis en place <strong>des</strong> outils valables partout.<br />
Je citerai deux exemples :<br />
1° <strong>La</strong> Région finance <strong>des</strong> chéquiers, appelés Pass Culture-Sport<br />
(7 euros, l’un) envoyés à tous les lycéens<br />
volontaires, comportant 6 chèques (dont un pour le<br />
livre, un pour le sport, un pour le p<strong>at</strong>rimoine, un pour<br />
un film et un pour un spectacle vivant). Une opér<strong>at</strong>ion<br />
qui existe depuis qu<strong>at</strong>re ans, qui a explosé les budgets<br />
(de 100 000 euros à 3 000 000 d’euros). Mais,<br />
aujourd’hui, un lycéen sur trois et un apprenti sur deux<br />
utilisent le chéquier pour aller voir <strong>des</strong> spectacles. Tous<br />
les <strong>festivals</strong>, y compris ceux dans les Départements,<br />
s’ils le souhaitent, peuvent faire bénéficier les lycéens<br />
de ce dispositif.<br />
2° Nous avons créé un site Web qui s’app<strong>elle</strong> Culture en<br />
Pays de la Loire, un serveur qui permet à toutes les structures,<br />
y compris les <strong>festivals</strong> <strong>des</strong> Départements, de faire<br />
leur promotion en temps réel. Dans les deux ans, nous<br />
comptons mettre sur pied une billetterie en ligne.<br />
C’est ce type de rel<strong>at</strong>ions qu’on aimerait voir s’instaurer<br />
avec l’Ét<strong>at</strong>.<br />
Hervé de COLOMBEL<br />
Je voudrais quand même dire qu’on fonctionne plutôt<br />
bien ensemble. <strong>La</strong> Région a monté une associ<strong>at</strong>ion<br />
pour gérer cette billetterie en ligne, dont je suis, je<br />
crois, le vice-président.<br />
Ce que l’on revendique, en vérité (les élus en sont<br />
d’accord), c’est qu’il soit possible d’identifier, entre<br />
toutes les instances existantes (Région, Départements,<br />
Municipalités), le chef de file n<strong>at</strong>urel, au-delà de tous<br />
les clivages politiques afin d’optimiser l’ensemble de<br />
ces niveaux de fonctionnement.<br />
Nicolas MARC<br />
Nous allons maintenant parler du rôle de l’Ét<strong>at</strong> avec<br />
C<strong>at</strong>herine Ahmadi, de la DMDTS. Avant de parler<br />
d’avenir et de revenir sur ce fameux label n<strong>at</strong>ional,<br />
j’aimerais très brièvement que vous puissiez nous<br />
communiquer les chiffres officiels de l’implic<strong>at</strong>ion du<br />
Ministère de la Culture en m<strong>at</strong>ière de financement <strong>des</strong><br />
<strong>festivals</strong>.<br />
C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />
Nous manquons d’un véritable appareil st<strong>at</strong>istique<br />
n<strong>at</strong>ional dont il faudrait vraiment que nous nous dotions,<br />
à l’instar de celui qui mesure les dépenses cultur<strong>elle</strong>s<br />
<strong>des</strong> Français tous les cinq ou dix ans. Les<br />
chiffres que je vais vous donner ne portent donc que<br />
sur les interventions spécifiques de l’Ét<strong>at</strong>.<br />
Une remarque générale : la tendance du Ministère,<br />
qu<strong>elle</strong>s que soient les disciplines, est, certes, de recentrer<br />
ses interventions, mais non de se désengager,<br />
puisque nos crédits ont augmenté continûment<br />
(avec <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> plus ou moins fastes) durant la<br />
dernière décennie :<br />
- En 2002, le Ministère finance environ 500 <strong>festivals</strong>,<br />
toutes disciplines confondues, dont 360 concernent<br />
le spectacle vivant (72 %). Sur ces 360,<br />
214 concernent <strong>des</strong> spectacles musicaux (60 % de<br />
tous les spectacles vivants). Donc, premier const<strong>at</strong>,<br />
la <strong>musique</strong> est largement prévalente. - Sur les 214<br />
<strong>festivals</strong> financés par le Ministère en 2002, 126<br />
(plus de 60 %) correspondent à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de<br />
<strong>musique</strong> classique, contemporaine et lyrique, et 88<br />
concernent les <strong>musique</strong>s dites actu<strong>elle</strong>s (jazz, <strong>musique</strong>s<br />
amplifiées, électro-acoustiques et autres, innovantes<br />
dans ce domaine).<br />
Si l’on excepte la Corse (on n’intervient plus depuis<br />
la récente loi de décentralis<strong>at</strong>ion) et les DOM-TOM<br />
(appareil st<strong>at</strong>istique différent), les crédits <strong>at</strong>tribués<br />
en 2002 à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de spectacle vivant représentent<br />
20 millions d’euros, dont 47 % pour la <strong>musique</strong><br />
(9,2 millions d’euros). Sur ces 9,2 millions,<br />
5,9 millions très précisément sont consacrés à la<br />
<strong>musique</strong> savante (64 % du total de la <strong>musique</strong>) et<br />
3,3 millions d’euros aux <strong>musique</strong>s actu<strong>elle</strong>s.<br />
Ces chiffres ne prennent pas en considér<strong>at</strong>ion les<br />
<strong>festivals</strong> pluridisciplinaires qui constituent une<br />
autre difficulté de recensement st<strong>at</strong>istique (Festival<br />
d’Automne, par ex.). Néanmoins, dans une enquête<br />
n<strong>at</strong>ionale exhaustive, il faudrait en tenir compte.<br />
Un const<strong>at</strong> : non seulement l’Ét<strong>at</strong> recentre globalement<br />
ses interventions, mais de surcroît les chiffres<br />
montrent qu’il concentre le gros de ses subventions<br />
sur un nombre restreint de <strong>festivals</strong>. <strong>La</strong> moyenne <strong>des</strong><br />
subventions accordées aux <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> est<br />
donc faible. Quelques chiffres : l’Ét<strong>at</strong> donne à 27<br />
<strong>festivals</strong> de spectacle vivant plus de 100 000 euros<br />
de subvention. Sur les 27 en question, 13 concernent<br />
la <strong>musique</strong> : 6 ont trait à la <strong>musique</strong> savante<br />
(Aix qui reçoit 2,6 millions d’euros, Orange pour le<br />
lyrique, Musica et les 38 e Rugissants pour le contemporain,<br />
Saintes et Ambronay pour la <strong>musique</strong><br />
baroque), et les 7 autres concernent les <strong>musique</strong>s<br />
dites actu<strong>elle</strong>s (Bourges, Banlieue Bleue, Francofolies,<br />
Transmusicales, Interceltique, Sons d’hiver, Musiques<br />
métisses à Angoulême).<br />
Pour résumer, sur les 9,2 millions d’euros de subventions<br />
accordés par l’Ét<strong>at</strong> à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, 5,6 millions<br />
d’euros (60 % de notre subvention) sont <strong>at</strong>tribués<br />
à 13 <strong>festivals</strong>. Il reste donc 3,6 millions d’euros à répartir<br />
entre 201 <strong>festivals</strong>, à savoir une moyenne d’un peu<br />
moins de 18 000 euros par festival.<br />
Ainsi donc, même si l’intervention de l’Ét<strong>at</strong> est signific<strong>at</strong>ive<br />
pour un nombre important de <strong>festivals</strong>,<br />
<strong>elle</strong> reste mineure dans la grande majorité <strong>des</strong> cas,<br />
très élevée toutefois dans un nombre sélectif de manifest<strong>at</strong>ions<br />
festivalières. Il s’agit là d’une politique<br />
ancienne que l’Ét<strong>at</strong> se doit légitimement de clarifier<br />
(préciser les critères de subventions), ce qui est important<br />
aussi pour les professionnels que vous êtes.<br />
Encore une fois, il n’y a pas de désengagement, on<br />
observe même l’augment<strong>at</strong>ion de nos financements<br />
aux manifest<strong>at</strong>ions festivalières qui remplissent une<br />
série de missions d’intérêt général. Un dernier chiffre<br />
: si les collectivités territoriales financent les <strong>festivals</strong><br />
à hauteur de 80 % et l’Ét<strong>at</strong> de 20 %, celuici<br />
en accorde les 47 % aux <strong>festivals</strong> dont j’ai parlé<br />
tout à l’heure.<br />
À plusieurs reprises, on a parlé de décentralis<strong>at</strong>ion,<br />
il me semble qu’il y a parfois une confusion sémantique<br />
entre déconcentr<strong>at</strong>ion et décentralis<strong>at</strong>ion. <strong>La</strong><br />
décentralis<strong>at</strong>ion, je le rapp<strong>elle</strong>, c’est le transfert de<br />
compétences et évidemment de financement à <strong>des</strong><br />
collectivités territoriales. Mais en ce qui concerne<br />
les <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong>, notamment, les financements<br />
croisés seront maintenus encore un bon moment,<br />
avec <strong>des</strong> compétences partagées non définies<br />
en tant que t<strong>elle</strong>s dans la loi et totalement partagées<br />
entre l’Ét<strong>at</strong> et les Collectivités Territoriales. Donc, pas<br />
de décentralis<strong>at</strong>ion prévue sur le terrain strict <strong>des</strong> activités<br />
cultur<strong>elle</strong>s et artistiques. Peut-être y en aur<strong>at</strong>-il<br />
une, le Parlement ne s’est pas encore définitivement<br />
prononcé.<br />
Nicolas MARC<br />
Vous estimez que le terme de désengagement n’est<br />
pas approprié. Pourtant quand on envoie un courrier<br />
qui annonce : « Nous ne pourrons pas vous<br />
aider cette année », c’est-à-dire, en vérité, plus jamais,<br />
ne peut-on quand même pas parler de désengagement<br />
?<br />
C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />
Il faut voir les choses d’un point de vue global, pas<br />
seulement local. Recentrer signifie <strong>at</strong>tribuer <strong>des</strong><br />
fonds plus importants à un certain nombre de <strong>festivals</strong><br />
dont nous estimons qu’ils remplissent <strong>des</strong> missions<br />
qui ressortent davantage <strong>des</strong> objectifs n<strong>at</strong>ionaux.<br />
Des critères comme la proximité territoriale,<br />
l’aménagement d’un certain nombre de cantons, de<br />
Sur les 9,2 millions<br />
d’euros de subventions<br />
accordés par l’Ét<strong>at</strong><br />
à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de<br />
<strong>musique</strong>, 5,6 millions<br />
d’euros (60 % de notre<br />
subvention) sont <strong>at</strong>tribués<br />
à 13 <strong>festivals</strong>. Il<br />
reste donc 3,6 millions<br />
d’euros à répartir<br />
entre 201 <strong>festivals</strong>,<br />
à savoir une moyenne<br />
d’un peu moins<br />
de 18 000 euros<br />
par festival.<br />
bassins de pays, absolument indispensables à notre<br />
territoire et plus largement à la n<strong>at</strong>ion en terme<br />
d’égalité d’accès <strong>des</strong> citoyens à la proposition cultur<strong>elle</strong>,<br />
sont bien sûr importants, mais nous pensons<br />
que l’Ét<strong>at</strong> se doit d’intervenir au nom d’objectifs plus<br />
ciblés, comme l’exc<strong>elle</strong>nce artistique ou le développement<br />
de genres plus difficiles (<strong>musique</strong>s contemporaine,<br />
ancienne ou baroque), bref, au nom d’un<br />
objectif de rayonnement intern<strong>at</strong>ional. C’est là une<br />
véritable politique artistique. C’est difficile à admettre<br />
de tous ceux qui, parmi vous, depuis <strong>des</strong> années,<br />
se b<strong>at</strong>tent pour faire vivre <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, avec ce que<br />
ça suppose de volontarisme, de bénévol<strong>at</strong> ou même<br />
de professionnalis<strong>at</strong>ion. Aussi l’Ét<strong>at</strong> doit-il assumer<br />
cette période de transition nécessaire de façon intelligente<br />
et non pas brutale, en dépit de certains contre-exemples,<br />
et faire en sorte d’assurer une meilleure<br />
articul<strong>at</strong>ion locale avec les collectivités.<br />
Même si, tendanci<strong>elle</strong>ment, les coûts dans le spectacle<br />
vivant ne cessent d’augmenter à cause du coût<br />
du travail (ce qui concerne d’ailleurs surtout les institutions<br />
permanentes), cela ne doit pas vouloir dire<br />
augment<strong>at</strong>ion de la subvention par définition. Malgré<br />
une conjoncture assez mauvaise, on espère que<br />
la loi sur le mécén<strong>at</strong> permettra de relancer la machine,<br />
on compte aussi sur les billetteries, donc le<br />
public (même si on est soucieux de ne pas augmenter<br />
les billetteries à connot<strong>at</strong>ion redistributive). On<br />
regrette à cet égard que Raymond Duffaut ne soit<br />
pas là. Il vous aurait expliqué comment à Orange<br />
avec un théâtre antique de 8 600 places, il arrive<br />
à avoir 80 % de recettes grâce à la billetterie. Mais<br />
évidemment tout le monde n’a pas le théâtre antique<br />
d’Orange.<br />
Nicolas MARC<br />
Alors de qu<strong>elle</strong> manière cette politique artistique va-t<strong>elle</strong><br />
être mise en œuvre au niveau <strong>des</strong> DRAC, qu<strong>elle</strong> va<br />
être la répartition <strong>des</strong> rôles entre la DMDTS <strong>des</strong> services<br />
centraux et la DRAC ?<br />
C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />
Certes l’Ét<strong>at</strong> est Un, mais il est représenté par de nombreuses<br />
structures. Il n’y a aucun clivage d’intention<br />
entre le niveau déconcentré et le niveau administr<strong>at</strong>if<br />
central, la DMDTS et bien sûr le Ministre et son cabinet.<br />
Au contraire, on travaille de concert. Mais les difficultés<br />
sont plus gran<strong>des</strong> pour les DRAC qui se frottent<br />
directement aux initi<strong>at</strong>ives, aux deman<strong>des</strong> incessantes<br />
<strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres, qui doivent s’expliquer, se justifier<br />
en permanence, et qui, pourtant, doivent appliquer<br />
une politique de recentrage, en fonction <strong>des</strong> critères<br />
et objectifs exposés tout à l’heure, passant ainsi<br />
pour les méchants qui empêchent notre b<strong>elle</strong> machine<br />
artistique française d’avancer. Je veux leur rendre<br />
hommage.<br />
Il est vrai que le calendrier que nous avions arrêté a<br />
été un peu retardé, vu les circonstances. En vérité, ce<br />
n’est pas plus mal, ça nous permettra de mieux accompagner<br />
les difficultés notamment locales.<br />
Nicolas MARC<br />
Quand voyez-vous la mise en œuvre du label et quel<br />
va être le nombre de <strong>festivals</strong> labellisés ?<br />
a t e l i e r 5<br />
50<br />
51
a t e l i e r 5<br />
C<strong>at</strong>herine AHMADI<br />
Rien n’est arrêté, on est dans une phase de réflexion<br />
interne. Il faut être très précautionneux, ce dont nous<br />
sommes parfaitement conscients. Raisonnablement,<br />
on peut situer la chose aux environs du dernier trimestre<br />
2004. Quant au nombre de <strong>festivals</strong> n<strong>at</strong>ionaux,<br />
toutes disciplines confondues, qui bénéficieront<br />
de ce label, le chiffre se situe entre 30 et 50,<br />
donc entre 20 et 30 pour les <strong>festivals</strong> musicaux.<br />
Un dernier mot. Le mot de label résonne « technocr<strong>at</strong>ique<br />
», aux oreilles de certains, ici présents.<br />
Je le répète, il s’agit simplement pour nous de reconnaître<br />
un ensemble de missions n<strong>at</strong>ionalement<br />
coordonnées que certains <strong>festivals</strong> assument. Cela<br />
n’empêche pas une grande diversité. Je vais prendre<br />
l’exemple de scènes n<strong>at</strong>ionales comme le Cargo à<br />
Grenoble (un bâtiment gigantesque avec un budget<br />
considérable, <strong>des</strong> missions pluridisciplinaires dans<br />
tous les domaines très importantes) ou la Rochesur-Yon<br />
ou encore Château-Gontier, un établissement<br />
beaucoup plus mo<strong>des</strong>te. Pourtant, ces établissements<br />
se retrouvent sur <strong>des</strong> missions de fond qui<br />
sont les mêmes, même si <strong>elle</strong>s se déploient avec <strong>des</strong><br />
moyens très différents. Donc ne dram<strong>at</strong>isons pas et<br />
essayons de faire les choses de façon pragm<strong>at</strong>ique,<br />
intelligente et concertée bien sûr.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Un mot sur le mécén<strong>at</strong>. <strong>La</strong> personne qui devait en<br />
parler n’a pu venir parce qu’<strong>elle</strong>-même ignore ce<br />
que va devenir le mécén<strong>at</strong> dans son entreprise, ce<br />
qui prouve combien ce type d’intervention est fragile.<br />
Ce que nous avons obtenu du Parlement, non<br />
sans ferrailler ferme, est une loi qui concerne exclusivement<br />
le mécén<strong>at</strong> d’entreprise. Les dons que<br />
peuvent désormais faire les entreprises à nos <strong>festivals</strong><br />
sont aujourd’hui devenus fiscalement plus intéressants<br />
que les partenari<strong>at</strong>s qui permettaient jusqu’alors<br />
une série de combinaisons assez intéressantes<br />
finalement.<br />
Une première c<strong>at</strong>égorie d’entreprises s’intéresse<br />
plutôt aux <strong>festivals</strong> n<strong>at</strong>ionaux qui répondent davantage<br />
à leur cahier <strong>des</strong> charges (idée d’un contr<strong>at</strong><br />
avec une collectivité publique). Une autre c<strong>at</strong>égorie<br />
d’entreprises est beaucoup plus intéressée par <strong>des</strong><br />
retombées locales et par une image locale. Il ne<br />
s’agit donc pas d’un milieu homogène.<br />
Un bon mécén<strong>at</strong>, je vis l’expérience <strong>des</strong> deux côtés<br />
de la barrière, suppose une vraie démarche sociale<br />
de l’entreprise, initiée par une personne, sans<br />
doute, mais approuvée par <strong>des</strong> salariés qui doivent<br />
en tirer parti et le vivre comme quelque chose<br />
de positif.<br />
Il faut aussi faire très <strong>at</strong>tention à l’équilibre <strong>des</strong> recettes,<br />
pour ne pas être à quai si jamais un grand<br />
mécène vient à disparaître.<br />
Au sujet <strong>des</strong> coûts, deux facteurs me préoccupent.<br />
L’utilis<strong>at</strong>ion d’intermittents, importants dans notre<br />
dispositif, aujourd’hui conduit d’une manière<br />
ou d’une autre à un certain renchérissement <strong>des</strong><br />
coûts. Nous, en tant que fédér<strong>at</strong>ion, devons réfléchir<br />
à une charte dans le domaine social avec <strong>des</strong><br />
institutions t<strong>elle</strong>s le GRISS pour que les choses se<br />
passent bien.<br />
D’autre part, les emplois-jeunes vont disparaître.<br />
Certes <strong>des</strong> dispositifs d’aide en sifflet ou en biseau<br />
ont été mis en place par le Ministère <strong>des</strong> Affaires<br />
Sociales. Mais il y aura un manque. Des sortes de<br />
chèques emplois services vont être mis sur pied,<br />
semble-t-il, pour toutes les activités d’été <strong>des</strong> Monuments<br />
Historiques. Ce dispositif ne pourrait-il pas<br />
être applicable aux <strong>festivals</strong> ?<br />
Par ailleurs, une tendance apparaît : les collectivités<br />
locales voudront de plus en plus que nous rentabilisions<br />
nos équipes et qu’outre leurs activités<br />
festivalières, c<strong>elle</strong>s-ci prennent en charge <strong>des</strong> saisons<br />
d’hiver, par exemple. Le risque, c’est qu’évidemment<br />
les <strong>festivals</strong> y perdent leur caractéristique<br />
propre.<br />
Le travail en réseau européen est une chose qu’on<br />
n’a encore peu pr<strong>at</strong>iquée, mais il peut peut-être<br />
donner lieu à <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> européennes.<br />
Enfin, concernant le label, on a vraiment le sentiment<br />
qu’entre responsables et administr<strong>at</strong>eurs culturels,<br />
on reste entre soi, et que la rel<strong>at</strong>ion avec les<br />
tiers que nous sommes est vraiment opaque. Pour<br />
ma part, je n’ai pas encore bien compris sa valeur<br />
ajoutée, sauf si, bien entendu, il s’inscrit dans une<br />
vision politique dynamique.<br />
Nicolas MARC<br />
Philippe Toussaint, est-ce que la réforme récente du<br />
mécén<strong>at</strong> va être suffisamment incit<strong>at</strong>ive pour ouvrir<br />
un certain nombre de <strong>festivals</strong> au monde de l’entreprise<br />
et réciproquement ?<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Une loi de ce type n’est pas une fin en soi, c’est un<br />
outil, qui, en tout cas, hausse la France, sur le plan<br />
de la fiscalité <strong>des</strong> don<strong>at</strong>eurs, à un niveau compétitif<br />
sur le plan intern<strong>at</strong>ional. C’est donc déjà une chose<br />
importante. Aujourd’hui, nous sommes dans une<br />
conjoncture économique peu favorable aux dépenses<br />
de mécén<strong>at</strong>. Nous avons donc un travail de communic<strong>at</strong>ion<br />
à faire pour convaincre les mécènes. Il nous<br />
faut aussi, de notre côté, offrir une b<strong>elle</strong> image collective<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>, c’est un peu d’ailleurs pour ça<br />
qu’on a transformé la FFFIM en France Festivals. Assez<br />
curieusement, notre démarche est un peu parallèle<br />
à c<strong>elle</strong> de l’Ét<strong>at</strong>, mais pour <strong>des</strong> raisons différentes<br />
car notre objectif est, d’abord, d’avoir un niveau<br />
qualit<strong>at</strong>if global, ensuite d’avoir un effet de poids<br />
global. Ce qui est très original en France, en effet,<br />
plusieurs mécènes nous l’ont dit, c’est notre masse<br />
d’implant<strong>at</strong>ion festivalière, très différente de ce qui<br />
se passe dans les autres pays où il n’y a que quelques<br />
grands <strong>festivals</strong>.<br />
Nicolas MARC<br />
Luc BÉNITO, pensez-vous qu’on peut renforcer la part<br />
actu<strong>elle</strong> du mécén<strong>at</strong> (16 % <strong>des</strong> recettes <strong>des</strong> <strong>festivals</strong>),<br />
qu’<strong>elle</strong> peut s’acheminer vers <strong>des</strong> particip<strong>at</strong>ions plus<br />
importantes comme c’est le cas à l’étranger ?<br />
Luc BENITO<br />
Oui, même s’il est parfois très difficile, pour une entreprise,<br />
de justifier une dépense de mécén<strong>at</strong> alors qu’on<br />
prépare un plan social ou qu’on licencie. Souhaitons<br />
que cette loi favorise <strong>des</strong> impulsions, au-delà <strong>des</strong> barrières<br />
psychologiques aujourd’hui existantes.<br />
Édith ROBERT<br />
Présidente - Nuits de la Citad<strong>elle</strong><br />
de Sisteron<br />
On n’a pas du tout parlé <strong>des</strong> fonds européens et de<br />
l’utilis<strong>at</strong>ion qu’on pouvait en faire. Il paraît qu’en<br />
France, on les utilise mal, de façon insuffisante. Dans<br />
mon département, les Alpes de Haute-Provence, il paraîtrait<br />
que <strong>des</strong> fonds repartent parce que non inutilisés.<br />
J’ai entendu parler <strong>des</strong> programmes Inter-reg : dans<br />
qu<strong>elle</strong> mesure les <strong>festivals</strong> peuvent-ils justement organiser<br />
<strong>des</strong> partenari<strong>at</strong>s avec un autre pays de la Communauté<br />
?<br />
Henri FUOC<br />
Président - Saoû chante Mozart<br />
dans la Drôme<br />
Moi aussi, j’aimerais une réponse. Nous sommes éligibles<br />
au programme FEDER Objectif 2 - c’est-à-dire<br />
les régions de moyenne montagne défavorisées. À ce<br />
titre, la région Rhône Alpes a obtenu pour la période<br />
2000-2006, 380 millions d’euros, qui ne concernent<br />
pas que la culture. Au début de l’année, 24 millions<br />
d’euros seulement avaient été demandés. Si par période<br />
annu<strong>elle</strong> et au bout de deux ans ces crédits n’ont<br />
pas été utilisés, ils sont retournés à Brux<strong>elle</strong>s. Nous<br />
avons donc eu une réunion, initiée par la présidente<br />
de la Région Rhône-Alpes et le Préfet de Région. Pour<br />
2001, nous avons demandé et obtenu 21 000 euros<br />
de subvention. Ces crédits sont instruits par les DRAC.<br />
Le dossier a été remis en 2002, complet. Nous sommes<br />
fin 2003. En mai, les dernières deman<strong>des</strong> d’explic<strong>at</strong>ion<br />
ont été données à la DRAC. De retour <strong>des</strong><br />
Et<strong>at</strong>s-Unis, samedi, la DRAC nous réclame encore un<br />
autre petit renseignement avant de pouvoir nous <strong>at</strong>tribuer<br />
les crédits. On nous dit aussi que les <strong>festivals</strong><br />
ne peuvent en bénéficier que pendant trois ans, et pas<br />
six, que le p<strong>at</strong>rimoine doit aussi en bénéficier. Le Préfet<br />
de région, lui, déclare que nous en bénéficierons<br />
six ans.<br />
Nicolas MARC<br />
Qui veut réagir ?<br />
Didier PILLON<br />
Les crédits européens, me semble-t-il, sont surtout<br />
gérés par les préfectures de Région, les DRAC n’étant<br />
que <strong>des</strong> outils d’expertise. Dans la région <strong>des</strong> Pays<br />
de la Loire, quelques <strong>festivals</strong> ont obtenu <strong>des</strong> fonds<br />
européens, au titre du FEDER notamment. Les règles<br />
sont très compliquées. À ma connaissance, ces crédits<br />
sont valables trois ans et pas six. Je me méfie<br />
<strong>des</strong> gens qui vous proposent quelque chose pendant<br />
six ans en sachant qu’ils seront partis d’ici là. Considérez<br />
les fonds européens comme une aubaine momentanée<br />
qui vous permet de consolider votre structure,<br />
mais ne le prenez pas comme un fonds permanent.<br />
Quant à Inter-reg, ça concerne surtout les<br />
régions frontalières et, me semble-t-il, il faut qu’il<br />
y ait au moins deux autres partenaires européens<br />
concernés. Peut-être, aujourd’hui, un seul suffit. Je<br />
voudrais quand même préciser que peu de fonds<br />
européens repart car une commission administr<strong>at</strong>ive<br />
régionale re-répartit les fonds non utilisés dans<br />
d’autres domaines.<br />
Édith ROBERT<br />
Chez nous, si.<br />
Mon associ<strong>at</strong>ion gère à la fois un monument, la Citad<strong>elle</strong><br />
de Sisteron, et un festival, anim<strong>at</strong>ion de la Citad<strong>elle</strong>.<br />
J’obtiens <strong>des</strong> fonds européens pour la restaur<strong>at</strong>ion<br />
de la Citad<strong>elle</strong> au titre de l’objectif 2, mais on me<br />
les a complètement refusés au titre du festival, en me<br />
disant qu’on n’était absolument pas éligible.<br />
Philippe TOUSSAINT<br />
Le festival peut être éligible dans certains domaines,<br />
en particulier l’investissement (m<strong>at</strong>ériel scénique,<br />
m<strong>at</strong>ériel d’accueil <strong>des</strong> spect<strong>at</strong>eurs et autres,<br />
mais aussi opér<strong>at</strong>ions liées à la sensibilis<strong>at</strong>ion <strong>des</strong><br />
publics, notamment <strong>des</strong> publics exclus). Mais je crois<br />
que, dans une saine gestion, il faut quand même<br />
affecter le plus souvent ce type de fonds à <strong>des</strong> opér<strong>at</strong>ions<br />
d’investissement beaucoup plus que de fonctionnement.<br />
Nicolas MARC<br />
Il existe une structure d’inform<strong>at</strong>ion assez efficace qui<br />
s’app<strong>elle</strong> le Relais Culture Europe, mis en place par<br />
l’Europe, qui fait très bien son travail et qui peut renseigner<br />
les porteurs de projets et les responsables de<br />
<strong>festivals</strong> sur les dispositifs. Cet organisme est à Paris<br />
et permet notamment à chacun de connaître les programmes<br />
qui débuteront en 2006, actu<strong>elle</strong>ment en<br />
préfigur<strong>at</strong>ion. Je vous invite à prendre contact. C’est<br />
un centre de ressources et d’inform<strong>at</strong>ions dont la voc<strong>at</strong>ion<br />
est d’apporter une inform<strong>at</strong>ion sur les ai<strong>des</strong> à<br />
la culture.<br />
Alain BRUNET<br />
Directeur artistique -<br />
Festival d’Ambronay<br />
En effet, Relais Culture Europe a un exc<strong>elle</strong>nt conseiller<br />
qui vous donnera toutes les indic<strong>at</strong>ions. Les<br />
<strong>festivals</strong> sont surtout concernés par le programme<br />
Culture 2 000. Il faut savoir que c’est un parcours<br />
du comb<strong>at</strong>tant absolument invraisemblable et que,<br />
pour pouvoir bénéficier d’une aide annu<strong>elle</strong>, il faut<br />
que vous ayez <strong>des</strong> partenaires européens, financièrement<br />
impliqués dans votre projet. Pour un projet annuel,<br />
trois pays sont concernés, pour un projet triennal<br />
de réseau, cinq pays. J’ai créé le réseau REMA<br />
qui bénéficie pour la deuxième période d’un soutien<br />
triennal. Les critères de sélection et de contrôle de<br />
l’Union Européenne sont absolument épouvantables.<br />
On se retrouve dans <strong>des</strong> situ<strong>at</strong>ions de stress<br />
très difficiles parce que la manière de fonctionner<br />
de l’UE ne correspond absolument pas à c<strong>elle</strong> d’une<br />
entreprise cultur<strong>elle</strong>. Dans les premières grilles financières<br />
qu’<strong>elle</strong> nous donnait à remplir, il n’y avait<br />
pas de ligne budgétaire artistique, ça figurait dans<br />
les « divers » : 70 % du budget apparaissait dans<br />
une ligne « divers » ! Les crédits qu’<strong>elle</strong> accorde sont<br />
<strong>at</strong>tribués ligne budgétaire par ligne budgétaire. Par<br />
exemple, vous avez prévu 1 000 euros de frais de<br />
déplacement, mais vous en dépensez 1 200, on ne<br />
vous accordera pas un centime supplémentaire. Si<br />
vous avez prévu 5 000 euros de frais d’hébergement<br />
d’artistes, mais n’en dépensez que 500, on vous diminue<br />
la subvention d’autant sur cette ligne budgétaire,<br />
sans la reporter sur une autre, alors que vous<br />
êtes engagé sur une période de trois ans (en ce qui<br />
concerne les réseaux), que vous êtes donc tenus de<br />
financer les opér<strong>at</strong>ions. Au début, ils m’ont même<br />
réclamé 70 000 euros. Il a fallu discuter, montrer les<br />
factures. Après, j’ai eu droit à leurs félicit<strong>at</strong>ions. Il ne<br />
s’agit pas d’un problème d’incompétence, mais le<br />
champ européen est t<strong>elle</strong>ment énorme qu’il lui faut<br />
adopter <strong>des</strong> critères administr<strong>at</strong>ifs financiers extrêmement<br />
stricts. Mais je vous engage quand même<br />
vivement à contacter RCE, ne serait-ce que pour qu’il<br />
prenne conscience de l’existence et du foisonnement<br />
de la vie cultur<strong>elle</strong> dans nos pays européens.<br />
Nicolas MARC<br />
J’aimerais juste, pour compléter les sources de financement<br />
aux <strong>festivals</strong>, citer <strong>des</strong> organismes professionnels,<br />
en particulier <strong>des</strong> sociétés civiles qui apportent<br />
<strong>des</strong> petits financements : la SACEM, l’ADAMI et la<br />
SPEDIDAM qui se positionnent notamment sur le financement<br />
de pl<strong>at</strong>eaux de jeunes artistes.<br />
a t e l i e r 5<br />
52 53
Qu<strong>elle</strong>s coopér<strong>at</strong>ions pour développer<br />
les projets <strong>des</strong> <strong>festivals</strong><br />
au plan infra et supran<strong>at</strong>ional ?<br />
Modér<strong>at</strong>ion par Jeanne-Martine Vacher - Productrice à France-Culture<br />
Participants<br />
a t e l i e r 6<br />
Tamàs KLENJANSZKY - Secrétaire Général - Associ<strong>at</strong>ion Européenne <strong>des</strong> Festivals<br />
Alain BRUNET - Directeur artistique - Festival d’Ambronay<br />
Alain LACROIX - Responsable du pôle <strong>musique</strong>s - Département <strong>des</strong> arts de la scène -<br />
Associ<strong>at</strong>ion Française d’Action Artistique<br />
Didier MONTAGNÉ - Directeur - Institut Français de Prague<br />
55
a t e l i e r 6<br />
Qu<strong>elle</strong>s coopér<strong>at</strong>ions pour développer les projets<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong> au plan infra et supran<strong>at</strong>ional ?<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Cet <strong>at</strong>elier est consacré aux coopér<strong>at</strong>ions européennes<br />
que nouent entre eux les <strong>festivals</strong>, car l’Europe existe<br />
au niveau de la culture depuis très longtemps.<br />
Tamàs KLENJANSZKY<br />
Je suis hongrois. Avant d’être nommé comme secrétaire<br />
général de notre associ<strong>at</strong>ion et de diriger son bureau<br />
en Suisse, j’ai travaillé pour <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> de différentes<br />
c<strong>at</strong>égories en Hongrie. J’ai créé le Festival de<br />
<strong>musique</strong> contemporaine Bartòk, dans les années 80,<br />
puis, avec d’autres artistes et partenaires, celui de <strong>musique</strong><br />
ancienne à Sopron, à la frontière austro-hongroise.<br />
Ces six dernières années, j’ai été responsable<br />
du Festival de Printemps de Budapest, le plus important<br />
dans notre domaine, devenu, grâce aux s<strong>at</strong>ellites,<br />
une sorte de modèle, à l’image de plusieurs <strong>festivals</strong><br />
membres de notre associ<strong>at</strong>ion européenne, tels que le<br />
Festival de Wallonie ou le Festival de Flandres.<br />
Je vais vous présenter notre associ<strong>at</strong>ion, source de<br />
merveilleuses richesses du point de vue culturel et artistique,<br />
offrant une diversité totale. Elle est composée<br />
de membres individuels, dits « ordinaires » (93<br />
aujourd’hui), représentant <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> intern<strong>at</strong>ionaux<br />
<strong>des</strong> arts du spectacle, mêlant <strong>festivals</strong> de <strong>musique</strong> pure<br />
et <strong>festivals</strong> multidisciplinaires de gran<strong>des</strong> villes (<strong>musique</strong>-danse-théâtre).<br />
Outre leur diversité artistique, ces<br />
<strong>festivals</strong> offrent une diversité de structure : par exemple,<br />
Settembre Musica, un festival très prestigieux, est<br />
géré par le Département <strong>des</strong> Affaires Cultur<strong>elle</strong>s de Turin.<br />
D’autres sont structurés comme <strong>des</strong> fond<strong>at</strong>ions,<br />
absolument privées. Comment <strong>des</strong> membres aussi différents<br />
de par leur form<strong>at</strong>ion ou leur structure, peuvent-ils<br />
se regrouper au sein d’une même associ<strong>at</strong>ion,<br />
s’identifier à <strong>elle</strong>, même si <strong>des</strong> préoccup<strong>at</strong>ions comme<br />
les problèmes de financement, de mécén<strong>at</strong> ou de<br />
communic<strong>at</strong>ion intéressent tout le monde ? C’est là un<br />
énorme défi.<br />
Nous nous sommes encore compliqué la vie quand, à<br />
Turin en 1998, nous avons décidé de modifier nos st<strong>at</strong>uts<br />
sur le plan juridique afin d’accueillir, en plus <strong>des</strong><br />
membres individuels ordinaires, <strong>des</strong> membres collectifs.<br />
Il y avait déjà <strong>des</strong> exemples de fédér<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales,<br />
la Fédér<strong>at</strong>ion Française ou le British Art Festival<br />
Associ<strong>at</strong>ion. Nous avons créé l’Associ<strong>at</strong>ion hongroise<br />
<strong>des</strong> Festivals <strong>des</strong> arts du spectacle. À l’époque, on s’est<br />
dit que si l’on voulait acquérir une vraie dimension,<br />
au moins au niveau européen, si l’on voulait être pris<br />
au sérieux (« business festival »), il fallait que notre<br />
Associ<strong>at</strong>ion s’ouvre aux associ<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales. Il a<br />
fallu convaincre les membres individuels qui étaient<br />
loin d’être d’accord.<br />
On a mis sur pied un programme de développement,<br />
afin d’aider les <strong>festivals</strong> d’autres pays européens à se<br />
structurer au niveau n<strong>at</strong>ional, par exemple la Tchéquie<br />
(Czech Associ<strong>at</strong>ion of Music <strong>festivals</strong>), la Bulgarie ou<br />
l’Estonie. Actu<strong>elle</strong>ment on négocie avec les collègues<br />
en Flandre.<br />
Être un partenaire digne de ce nom vis-à-vis <strong>des</strong> autorités<br />
cultur<strong>elle</strong>s européennes, à Strasbourg et Brux<strong>elle</strong>s,<br />
c’est difficile : difficultés méthodologiques, politiques,<br />
cultur<strong>elle</strong>s. C’est un vrai défi que de parvenir à<br />
un niveau très haut de représent<strong>at</strong>ivité.<br />
On a ouvert aussi notre structure à <strong>des</strong> réseaux européens,<br />
comme le REMA (Réseau Européen de Musique<br />
Ancienne) de M. Brunet, devenu membre associé de<br />
notre organis<strong>at</strong>ion. Ce n’est pas le seul. Nous avions<br />
déjà trois réseaux spécifiques : Fontainebleau, pour la<br />
<strong>musique</strong> de chambre (surtout les qu<strong>at</strong>uors), avec <strong>des</strong><br />
activités intern<strong>at</strong>ionales de qualité, puis l’Union <strong>des</strong><br />
Théâtres Européens, club d’élite créé par Giorgio Strehler,<br />
avec <strong>des</strong> institutions éminentes comme l’Odéon<br />
et le théâtre de l’Europe, et enfin la Conférence Européenne<br />
<strong>des</strong> Promoteurs de Musiques Nouv<strong>elle</strong>s.<br />
Comment avoir une pr<strong>at</strong>ique cohérente et garder <strong>des</strong><br />
ambitions politiques et cultur<strong>elle</strong>s fortes avec <strong>des</strong><br />
membres si divers ?<br />
Notre programme, décidé il y a sept ans, fut de créer<br />
<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers, d’offrir <strong>des</strong> cadres de coopér<strong>at</strong>ion et de<br />
dialogue aux différents types de membres, orientés<br />
vers les mêmes contenus artistiques :<br />
- Dans le cadre de la Conférence Européenne <strong>des</strong> Promoteurs<br />
de Musiques Nouv<strong>elle</strong>s, un <strong>at</strong>elier est né,<br />
Arts’Nova. Il permet <strong>des</strong> rencontres annu<strong>elle</strong>s spécifiques,<br />
liées toujours à un événement, un festival<br />
de <strong>musique</strong> contemporaine si possible, avec le souci<br />
d’échanger <strong>des</strong> inform<strong>at</strong>ions, d’élaborer <strong>des</strong> projets<br />
communs, coproductions et échange de productions.<br />
- Un groupe de travail sur la <strong>musique</strong> ancienne s’est<br />
constitué avec <strong>des</strong> buts très similaires. Grâce au REMA,<br />
il peut acquérir une dimension très importante.<br />
- Un autre exemple encore, l’<strong>at</strong>elier organisé avec<br />
l’aide d’une organis<strong>at</strong>ion de l’UNESCO, la Fédér<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> Concours Intern<strong>at</strong>ionaux de Musique : c’est<br />
ainsi qu’est né Crescendo, qui favorise la coopér<strong>at</strong>ion<br />
(échange d’idées ou de métho<strong>des</strong>) entre les membres<br />
<strong>des</strong> organis<strong>at</strong>ions-sœurs pour la promotion efficace<br />
<strong>des</strong> jeunes interprètes.<br />
- Le dernier exemple, c’est New-Wave. Nous avons<br />
créé, il y a quelques années, un programme de form<strong>at</strong>ion<br />
de 2 ans, Euro Fest, grâce à <strong>des</strong> fonds de<br />
l’Union Européenne. À Genève et au Portugal, ont été<br />
organisés, durant deux semaines, <strong>des</strong> conférences et<br />
<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers qui ont regroupé environ 20 jeunes délégués<br />
d’associ<strong>at</strong>ions n<strong>at</strong>ionales, membres collectifs de<br />
16 pays. Des voyages d’étu<strong>des</strong>, <strong>des</strong> visites de <strong>festivals</strong><br />
de toute sorte eurent aussi lieu. Le groupe ainsi formé<br />
a décidé de se maintenir sous l’appell<strong>at</strong>ion Nouv<strong>elle</strong><br />
Vague. L’un d’eux a été élu membre de notre comité<br />
exécutif, afin d’assister les nouv<strong>elle</strong>s génér<strong>at</strong>ions.<br />
Le groupe nous aide aussi activement à établir notre<br />
deuxième programme de form<strong>at</strong>ions et à réfléchir sur<br />
notre fonctionnement. Nous avons <strong>des</strong> services, <strong>des</strong> sites,<br />
<strong>des</strong> public<strong>at</strong>ions…<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Qui sont vos interlocuteurs au niveau <strong>des</strong> institutions<br />
européennes ? Vous avez <strong>des</strong> interlocuteurs privilégiés<br />
?<br />
Tamàs KLENJANSZKY<br />
Nous n’avons pas d’interlocuteurs privilégiés. Nous<br />
avons rejoint une organis<strong>at</strong>ion qui s’occupe de lobbying<br />
à Brux<strong>elle</strong>s. On y a trouvé <strong>des</strong> interlocuteurs,<br />
mais notre ambition serait de devenir consultant n<strong>at</strong>urel,<br />
évident, <strong>des</strong> autorités.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Je me tourne vers Alain Brunet, qui va nous parler du<br />
Réseau Européen pour les Musiques Anciennes.<br />
Alain BRUNET<br />
Avant le Réseau Européen pour la Musique Ancienne,<br />
le Festival d’Ambronay a connu une expérience intéressante<br />
avec la cré<strong>at</strong>ion de l’Académie Baroque Européenne,<br />
en 1993. Notre objectif alors était de mettre<br />
sur pied, à côté du festival, une action de promotion<br />
de jeunes artistes en début de carrière ou arrivant en<br />
fin de cursus. Nombre de <strong>festivals</strong> organisaient déjà<br />
<strong>des</strong> master-classes ou <strong>des</strong> académies, qui, outre les<br />
conserv<strong>at</strong>oires, prenaient en charge la form<strong>at</strong>ion en<br />
<strong>musique</strong> ancienne. Il nous fallait répondre à d’autres<br />
<strong>besoin</strong>s, production et professionnalis<strong>at</strong>ion, d’où la<br />
nécessité de faire se rencontrer, pendant au moins un<br />
mois, <strong>des</strong> jeunes de toute l’Europe, <strong>des</strong> grands maîtres,<br />
<strong>des</strong> metteurs en scène, <strong>des</strong> chorégraphes et <strong>des</strong><br />
directeurs artistiques du meilleur niveau (depuis 10<br />
ans, nous avons accueilli, dans l’ordre, Christophe<br />
Coin, William Christie plusieurs fois, Christophe Rousset,<br />
Tom Koopman, Gabriel Garrido, Rinaldo Alessandrini,<br />
Paul Mac Creesh).<br />
En 93, la première Académie a eu lieu avec Christophe<br />
Coin. Nous avons monté Didon et Enée de Purcell.<br />
L’idée était que ces jeunes, une fois la production<br />
montée et donnée dans le cadre du festival, fassent<br />
une tournée en France et en Europe. Cette année, nous<br />
56<br />
57
a t e l i e r 6<br />
avons fêté le dixième anniversaire de cette expérience<br />
avec une très b<strong>elle</strong> tournée d’Athalia de Haendel, sous<br />
la direction de Paul Mac Creesh, avec une mise en scène<br />
de François Rancillac, malgré toutes sortes de péripéties,<br />
liées aux événements que vous connaissez.<br />
On const<strong>at</strong>e le grand intérêt <strong>des</strong> directeurs de théâtres<br />
pour accueillir l’Académie. Une vingtaine de<br />
structures, chaque année, renouv<strong>elle</strong>nt leurs deman<strong>des</strong>,<br />
comme le Capitole de Toulouse, Reims, Avignon,<br />
Rennes, Besançon, ou <strong>des</strong> structures étrangères comme<br />
le théâtre <strong>des</strong> Beaux-arts à Brux<strong>elle</strong>s, le festival<br />
de Namur etc. Cette Académie répond au réel <strong>besoin</strong><br />
qu’ont les programm<strong>at</strong>eurs d’opéras de programmer<br />
de la <strong>musique</strong> baroque, de la <strong>musique</strong> ancienne dans<br />
leurs opéras.<br />
Nous organisons à peu près six ou huit auditions dans<br />
les gran<strong>des</strong> capitales européennes, nous créons chaque<br />
année un chœur, un orchestre, avec les jeunes<br />
ainsi recrutés, avec double distribution pour pouvoir<br />
faire travailler le plus possible de jeunes chanteurs.<br />
Nous montons ensuite le spectacle et organisons la<br />
tournée qui a lieu en octobre.<br />
Le point noir, c’est la question <strong>des</strong> financements. Ce<br />
projet aurait mérité d’être davantage aidé par l’Union<br />
Européenne, nous n’avons obtenu en dix ans que trois<br />
ai<strong>des</strong> sur kaléidoscope. Je regrette qu’on n’ait jamais<br />
pu arriver à faire en sorte que cette Académie soit plus<br />
institutionnalisée alors que chaque année les résult<strong>at</strong>s<br />
sont probants et qu’il se passe <strong>des</strong> choses extraordinaires.<br />
De plus en plus de jeunes nous viennent de pays<br />
de l’Est, comme la Pologne, la Roumanie, etc., pour<br />
apprendre la tragédie lyrique française avec William<br />
Christie ou Christophe Rousset, travaillant avec <strong>des</strong><br />
linguistes, <strong>des</strong> chefs de chants. C’est très important<br />
pour le p<strong>at</strong>rimoine français que de disposer d’un outil<br />
comme l’Académie d’Ambronay, permettant ainsi à de<br />
jeunes artistes étrangers, notamment <strong>des</strong> chanteurs,<br />
de s’approprier le répertoire baroque français.<br />
Aujourd’hui, dix ans après, Ambronay devient Centre<br />
culturel de Rencontres. L’abbaye, en cours de rénov<strong>at</strong>ion,<br />
accueillera <strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers sur la form<strong>at</strong>ion, l’insertion<br />
professionn<strong>elle</strong>, ce qui, en outre, nous permettra<br />
de mieux financer notre Académie.<br />
En 1999, eut lieu un colloque : « Qu<strong>elle</strong> Europe pour<br />
les <strong>musique</strong>s anciennes ? », organisé avec le Ministère<br />
de la Culture et le Département <strong>des</strong> Affaires Intern<strong>at</strong>ionales,<br />
qui a réuni une cinquantaine de professionnels<br />
de 14 pays environ. Des const<strong>at</strong>s furent faits : absence<br />
de structure européenne existante qui regrouperait<br />
les acteurs de la <strong>musique</strong> ancienne, demande de<br />
plus d’inform<strong>at</strong>ions sur les diverses expériences européennes,<br />
nombreuses difficultés à trouver <strong>des</strong> partenaires<br />
en vue de coproductions, etc. Il fut donc décidé<br />
de créer une associ<strong>at</strong>ion pour défendre les acteurs de<br />
la <strong>musique</strong> ancienne et faciliter leurs rencontres. Le<br />
REMA est né en juin 2000, son siège social est à Ambronay<br />
qui en assure la première présidence (présidence<br />
tournante). Nos seules ressources sont les cotis<strong>at</strong>ions<br />
(500 euros l’adhésion), très mo<strong>des</strong>tes même<br />
si nous avons voulu ouvrir le REMA à toutes les structures<br />
intéressées par la <strong>musique</strong> ancienne. D’autres<br />
institutions moins spécialisées comme le Palais <strong>des</strong><br />
Beaux-arts à Brux<strong>elle</strong>s ou le Théâtre de la Monnaie<br />
ont tenu à soutenir notre initi<strong>at</strong>ive. Nous regroupons<br />
actu<strong>elle</strong>ment 24 structures d’une douzaine de pays et<br />
quelques adhésions individu<strong>elle</strong>s. Nous bénéficions<br />
d’une aide minimale du Département <strong>des</strong> Affaires Intern<strong>at</strong>ionales<br />
du Ministère de la Culture (7 600 euros),<br />
ce qui rend difficile notre développement d’autant que<br />
nous n’avons toujours pas de secrétaire général qui se<br />
consacrerait à cette tâche.<br />
Objectifs du REMA :<br />
- Fédérer les acteurs de la <strong>musique</strong> ancienne.<br />
- Soutenir et encourager la recherche musicologique<br />
en vue de restituer les partitions majeures du p<strong>at</strong>rimoine<br />
de <strong>musique</strong> ancienne.<br />
- Mettre en œuvre une politique de coproduction et de<br />
diffusion européenne.<br />
- Développer une str<strong>at</strong>égie en vue de sensibiliser et de<br />
toucher de nouveaux publics.<br />
- Privilégier le soutien et l’aide aux jeunes artistes avec<br />
<strong>des</strong> productions adaptées.<br />
- Organiser <strong>des</strong> forums et <strong>des</strong> rencontres.<br />
- Encourager et soutenir les projets mettant en synergie<br />
<strong>musique</strong> ancienne et cré<strong>at</strong>ion contemporaine.<br />
- Développer un site internet et son forum, dont voici<br />
les coordonnées : www.rema-emn.net, un site qui demande<br />
évidemment à être développé.<br />
Depuis trois ans, <strong>des</strong> forums et <strong>des</strong> rencontres ont été<br />
organisées chaque année au mois de juin : tous les<br />
partenaires qui le souhaitent viennent exprimer leurs<br />
souhaits, leurs <strong>besoin</strong>s et surtout leurs projets, ce qui,<br />
parfois, a abouti à <strong>des</strong> productions ou <strong>des</strong> collabor<strong>at</strong>ions,<br />
par exemple Ambronay avec le Festival de Modène<br />
ou l’Associ<strong>at</strong>ion de <strong>musique</strong> ancienne de Palerme.<br />
Ce n’est qu’un début. Nous faisons maintenant partie<br />
de l’Associ<strong>at</strong>ion Européenne <strong>des</strong> Festivals au sein de<br />
laqu<strong>elle</strong> une commission pour la <strong>musique</strong> ancienne a<br />
été créée. Entre ce forum et le REMA, les acteurs de la<br />
<strong>musique</strong> ancienne devraient mieux travailler ensemble,<br />
mieux défendre la <strong>musique</strong> ancienne.<br />
<strong>La</strong> grande question est de savoir comment s’y prendre<br />
pour intéresser les responsables de la culture au niveau<br />
européen et faire que certains grands projets de<br />
<strong>musique</strong> ancienne puissent être soutenus. Il faudrait<br />
être présent à Brux<strong>elle</strong>s beaucoup plus souvent.<br />
Le REMA reste à construire avec tous ceux qui s’intéressent<br />
à ces répertoires. Une réunion pour fixer les<br />
gran<strong>des</strong> orient<strong>at</strong>ions sur les années à venir aura lieu à<br />
Paris le 13 décembre. Nous pourrons peut-être y définir<br />
<strong>des</strong> objectifs assez clairs, même si c’est difficile<br />
de se retrouver à 24 structures qui n’ont pas les mêmes<br />
objectifs. On se heurte même à <strong>des</strong> choses très<br />
simples : trouver une d<strong>at</strong>e pour se réunir, se dégager<br />
du temps, disposer d’un minimum de moyens pour<br />
avancer. Ce serait bien de pouvoir financer ne seraitce<br />
qu’un temps partiel, dans un premier temps, pour<br />
travailler au développement du projet et à la structur<strong>at</strong>ion<br />
du REMA.<br />
Alain LACROIX<br />
L’Associ<strong>at</strong>ion Française d’Action Artistique dépend en<br />
Comment avoir une<br />
pr<strong>at</strong>ique cohérente et<br />
garder <strong>des</strong> ambitions<br />
politiques et cultur<strong>elle</strong>s<br />
fortes avec <strong>des</strong> membres<br />
si divers ?<br />
Notre programme,<br />
décidé il y a sept ans,<br />
fut de créer<br />
<strong>des</strong> <strong>at</strong>eliers, d’offrir<br />
<strong>des</strong> cadres de coopér<strong>at</strong>ion<br />
et de dialogue<br />
aux différents types<br />
de membres, orientés<br />
vers les mêmes contenus<br />
artistiques.<br />
grande partie du Ministère <strong>des</strong> Affaires Étrangères<br />
dont <strong>elle</strong> orchestre la politique. Elle est aussi en rel<strong>at</strong>ion<br />
avec le Ministère de la Culture et, depuis quelques<br />
années, avec les collectivités territoriales pour certains<br />
projets. Moi, j’appartiens au secteur de la <strong>musique</strong> qui<br />
regroupe <strong>musique</strong>s anciennes, baroques, actu<strong>elle</strong>s, orchestres<br />
etc. J’ai une équipe de trois personnes, plus<br />
quelques stagiaires.<br />
On travaille sur la diffusion <strong>des</strong> ensembles à l’étranger,<br />
structurée de plus en plus en « programmes ». Les<br />
services culturels, les ambassadeurs principalement,<br />
qui sont nos relais, nous signalent les organismes désireux<br />
de monter <strong>des</strong> projets avec la France, ainsi que<br />
les structures, saisons musicales ou <strong>festivals</strong>, sur lesqu<strong>elle</strong>s<br />
on peut s’appuyer. Il faut dire que les <strong>festivals</strong><br />
à l’étranger sont de très importants lieux d’accueil<br />
pour les artistes français.<br />
Précisons ce que nous entendons par « programmes<br />
» :<br />
- Un exemple : DECLIC. Il permet d’aider les jeunes<br />
à passer <strong>des</strong> concours intern<strong>at</strong>ionaux. S’ils reviennent<br />
vainqueurs, on leur organise un concert avec France<br />
Musiques, qui, retransmis sur les on<strong>des</strong>, va donner<br />
naissance à un master-live qui aboutira à un disque<br />
qu’on adressera aux agents, aux programm<strong>at</strong>eurs, à<br />
nos services culturels à l’étranger. <strong>La</strong> saison suivante,<br />
une tournée de ces musiciens sera mise sur pied.<br />
- Autre exemple de programme : « un chef, un orchestre<br />
». Une quinzaine de projets ont été montés dans<br />
<strong>des</strong> zones ciblées, Europe centrale et orientale, Asie et<br />
Amérique l<strong>at</strong>ine, où on a envoyé de jeunes chefs d’orchestres<br />
français issus <strong>des</strong> conserv<strong>at</strong>oires, qui, pendant<br />
une dizaine de jours, dirigent une form<strong>at</strong>ion sympho-<br />
nique. Cette année, Berlioz a été mis à l’honneur. Dès<br />
cette année, la formule a été améliorée : s’y ajoute un<br />
soliste (chanteur ou soliste instrumental).<br />
Tous les acteurs de la chaîne musicale sont concernés.<br />
Il existe un projet similaire concernant les compositeurs<br />
de <strong>musique</strong> contemporaine. Pendant une dizaine<br />
de jours, c’est en résidence (la durée est une donnée<br />
importante) qu’ils travaillent, qui avec une académie<br />
de <strong>musique</strong> ou un ensemble du pays d’accueil, qui<br />
avec l’ensemble auquel il est <strong>at</strong>taché en France.<br />
- Un autre programme prend en main le lyrique. Des<br />
œuvres comme Pelléas et Mélisande, Dialogues <strong>des</strong><br />
Carmélites ou Saint-François d’Assise n’ont pas encore<br />
été créées dans nombre de pays. Nous allons donc<br />
aider à la cré<strong>at</strong>ion à l’étranger de ces trois chefs-d’œuvre<br />
du répertoire du XX e .<br />
- Autre programme encore, une nouveauté, qui ne<br />
s’adresse plus à de jeunes solistes mais à <strong>des</strong> solistes<br />
chevronnés, qui sont connus en France mais qui n’ont<br />
pas la renommée intern<strong>at</strong>ionale qu’ils méritent. Donc<br />
<strong>des</strong> auditions vont avoir lieu (même si la pr<strong>at</strong>ique est<br />
inhabitu<strong>elle</strong> pour eux) devant <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>eurs<br />
étrangers pour qu’ensuite ils puissent les engager.<br />
- Un autre projet nous tient extrêmement à cœur dans<br />
le cadre de la diffusion : « un concert, un disque ». On<br />
envoie en tournée un ensemble qui a fait un disque,<br />
la maison de disques (Naive, Ambroisie ou Zig zag)<br />
suit la tournée.<br />
Qu’en est-il en ce qui concerne les <strong>festivals</strong> ?<br />
1° D’abord une politique d’invit<strong>at</strong>ions qu’on adresse<br />
à <strong>des</strong> programm<strong>at</strong>eurs étrangers de <strong>festivals</strong> ou à <strong>des</strong><br />
journalistes. On ne leur impose rien, ils viennent simplement<br />
écouter.<br />
2° À partir de là, vont se tisser <strong>des</strong> liens. Ex : Alain<br />
Brunet a reçu le directeur du Festival de Vancouver.<br />
Eh bien, Vancouver, cette année, organise un spécial<br />
France. Joël Soubiette, à partir d’un double projet<br />
autour de Bach et de Poulenc, va travailler avec un<br />
ensemble canadien. De la rencontre, est né l’échange.<br />
De même, il nous a été possible d’exporter l’ingénierie<br />
cultur<strong>elle</strong> <strong>des</strong> Folles Journées à Lisbonne. Du coup, ce<br />
projet-là va avoir lieu à Lisbonne et, bientôt, les Folles<br />
Journées s’exporteront au Japon dès 2005. Notre politique<br />
met l’accent sur l’offre et les partenari<strong>at</strong>s possibles<br />
entre un programm<strong>at</strong>eur, un ingénieur culturel<br />
et un partenaire étranger. Notre politique d’invit<strong>at</strong>ions<br />
peut concerner tout aussi bien de grands <strong>festivals</strong><br />
comme Agora, Musica, Aix-en-Provence, mais aussi un<br />
directeur d’opéra qui a envie de monter une coréalis<strong>at</strong>ion<br />
lyrique ou autres.<br />
De même le festival de Boston, l’un <strong>des</strong> plus gros <strong>festivals</strong><br />
de <strong>musique</strong> ancienne aux Ét<strong>at</strong>s-Unis, a programmé<br />
un spécial France. On a donc fait démarrer<br />
aux Ét<strong>at</strong>s-Unis Doulce Mémoire, Le Concert Spirituel<br />
avec Hervé Niquet. Le projet incluait aussi Clément<br />
Janequin qui était venu à Versailles au CMBV, il y<br />
a deux ou trois ans. Le CMBV a donc transporté làbas<br />
toutes les éditions du Centre de Musique Baroque<br />
de Versailles et a commencé un travail en direction<br />
<strong>des</strong> Et<strong>at</strong>s-Unis. À signaler, par la même occasion, la<br />
naissance du festival Sound French, l’année dernière<br />
à New York : une trentaine de compositeurs français,<br />
joués par <strong>des</strong> ensembles américains pour la plupart,<br />
sur une vingtaine de lieux, pendant un mois. Un très<br />
gros pari qui a très bien marché, parce que, sur place,<br />
il y a eu une forte présence de programm<strong>at</strong>eurs, animés<br />
d’un vrai désir de faire que les choses se passent.<br />
Pourtant la période n’était pas favorable, Jean-Marc<br />
Granet-Bouffartigue, responsable, à l’AFAA, du département<br />
<strong>des</strong> Arts de la Scène, était dans l’avion le jour<br />
de la déclar<strong>at</strong>ion de guerre à l’Irak. Le festival a quand<br />
même eu lieu avec de nombreux compositeurs (Boulez,<br />
Dutilleux, Hurel, Escaich).<br />
Nous procédons de la même façon avec les collectivités<br />
territoriales, par exemple la convention signée avec<br />
la DRAC Pays de Loire et la Ville de Nantes. Concernant<br />
le projet René Martin, nous sommes trois partenaires<br />
autour de la même table, à même d’exporter ce genre<br />
de projet : un accord avec une trentaine de collectivités<br />
territoriales a été signé. Il ne s’agit pas simplement<br />
d’adresser un projet clé en mains, c’est une vraie collabor<strong>at</strong>ion<br />
entre un festival avec une équipe française et<br />
<strong>des</strong> artistes français en résidence. Par exemple, Charlotte<br />
<strong>La</strong>tigr<strong>at</strong>, Festival d’Île de France, dans ce cadrelà,<br />
a accueilli, il y a quelques années, un projet qu’on<br />
a monté avec les Taiwanais et Doulce Mémoire. Ainsi<br />
<strong>des</strong> projets croisés entre artistes étrangers et français<br />
travaillant sur un projet commun peuvent être proposés<br />
dans les deux pays concernés, conjointement.<br />
Des saisons cultur<strong>elle</strong>s sont prévues, consécutives<br />
à <strong>des</strong> décisions passées au niveau gouvernemental.<br />
L’année de l’Algérie se termine. Commencent les années<br />
croisées France-Chine : la Chine en France octobre<br />
2003-juillet 2004, la France en Chine, septembre<br />
2004-juin 2005. Deux commissari<strong>at</strong>s, le commissari<strong>at</strong><br />
français et le commissari<strong>at</strong> du pays concerné,<br />
prennent en charge ces projets, avec <strong>des</strong> gens de nos<br />
équipes. L’année prochaine, année de la Pologne en<br />
France, mai-décembre 2004. Une saison brésilienne<br />
se prépare pour mai-décembre 2005.<br />
Didier MONTAGNÉ<br />
Je suis directeur de l’Institut Français de Prague. Aux<br />
yeux <strong>des</strong> responsables de <strong>festivals</strong>, Prague fait figure<br />
d’oasis musicale. Voyons de plus près les fonctions<br />
d’un Institut français, un service culturel français à<br />
l’étranger. Cet outil a deux missions, la première, l’enseignement<br />
du français, la deuxième, diffuser la culture<br />
française dans toutes ses expressions. Nous sommes<br />
l’opér<strong>at</strong>eur principal d’une « politique » cultur<strong>elle</strong><br />
d’affirm<strong>at</strong>ion de la présence française à l’étranger.<br />
L’Institut dispose d’à peu près 160 000 euros pour<br />
intervenir sur l’ensemble <strong>des</strong> champs artistiques : on<br />
s’occupe de littér<strong>at</strong>ure, de cinéma, de <strong>musique</strong> (savantes<br />
et actu<strong>elle</strong>s), d’art visuel, de théâtre, de danse.<br />
Pour toute la <strong>musique</strong>, je dispose pour 2004 de<br />
50 000 euros. Une somme que je considère plutôt<br />
comme un levier, c’est-à-dire une façon de nous inclure<br />
dans l’ensemble du champ musical praguois et<br />
par extension de la République tchèque. Ce qui signifie<br />
cultiver une petite présence d’accompagnement dans<br />
les principaux <strong>festivals</strong>, répondre à <strong>des</strong> sollicit<strong>at</strong>ions<br />
nombreuses, peser <strong>des</strong> <strong>at</strong>tentes, établir <strong>des</strong> médi<strong>at</strong>ions,<br />
<strong>des</strong> ponts, avec les acteurs français que je connais.<br />
Mais il peut nous arriver quand même d’avoir<br />
une politique véritablement de cré<strong>at</strong>ion parce que le<br />
fait qu’on soit présent nous contraint à une str<strong>at</strong>égie.<br />
Je m’interroge parfois sur les désirs de certains à vouloir<br />
explorer le champ intern<strong>at</strong>ional (je signale, à ce<br />
propos, qu’aucun festival français n’a formulé de demande<br />
quant à sa présence sur le territoire tchèque).<br />
Considérons le mètre et demi de dossiers que je reçois<br />
de la part d’ensembles divers et variés et permettezmoi<br />
d’esquisser une typologie.<br />
- D’abord, les « ensembles fonctionnaires ». Ils envoient<br />
leur dossier, programme, bio (oh, l’ennui <strong>des</strong><br />
bio !), spécificité, discographie, et parfois, leurs tarifs.<br />
Puis, on n’entend plus parler d’eux. Donc, en général,<br />
on classe… à moins d’une envie, ce qui peut aussi<br />
arriver.<br />
- Ensuite, les « imbus et les idiots-syncr<strong>at</strong>iques ». Les<br />
« imbus » nous signifient qu’« ils sont bons, t<strong>elle</strong>ment<br />
bons que, nous, les fonctionnaires à l’étranger de la<br />
diffusion, nous DEVONS les faire venir. C’est notre mission,<br />
quels que soient le prix et les problèmes ! ». Les<br />
« idiots-syncr<strong>at</strong>iques », eux, sont plus retors. Ils exigent<br />
purement et simplement que leur exceptionn<strong>elle</strong><br />
singularité artistique soit prise en compte, moyennant<br />
d’ailleurs <strong>des</strong> conditions financières, <strong>elle</strong>s aussi, tout<br />
à fait singulières ! Par exemple, un ensemble qui va<br />
venir bientôt à Prague, a exigé deux concerts en République<br />
tchèque. Nous les avons organisés. <strong>La</strong> région<br />
où il se rend, une sous-région, lui a même proposé de<br />
prolonger son séjour et de faire une petite tournée régionale<br />
(deux ou trois concerts). L’ensemble a exprimé<br />
ses conditions : 7 000 euros de cachet artistique,<br />
sans l’hébergement et les « per diem » (les voyages,<br />
c’est nous qui les prenons en charge). J’ai cru que la<br />
structure locale allait s’évanouir. 7 000 euros, c’est la<br />
totalité de l’argent dont <strong>elle</strong> dispose pour toute sa politique<br />
cultur<strong>elle</strong> pendant une année dans le domaine<br />
musical ! Mais l’ensemble a tenu bon et n’a rien négocié.<br />
- Enfin, la dernière c<strong>at</strong>égorie, la plus désirable, les<br />
« prévenants », ceux qui, avant de venir, sont curieux<br />
de l’endroit où ils vont mettre les pieds. Ils nous interrogent<br />
sur les conditions, les structures locales, les<br />
moyens à disposition, les collabor<strong>at</strong>ions possibles,<br />
sont souples sur les conditions financières et m<strong>at</strong>éri<strong>elle</strong>s,<br />
sont même prêts à chercher eux-mêmes <strong>des</strong><br />
financements. En vérité, pour reprendre une formule<br />
de l’AFAA, l’intern<strong>at</strong>ional, ça commence en France,<br />
en effet.<br />
En résumé, je souhaiterais que les <strong>festivals</strong>, si ré<strong>elle</strong>ment<br />
ils éprouvent le désir d’expériences intern<strong>at</strong>ionales,<br />
fassent appel aux Centres et Instituts culturels<br />
français à l’étranger qui constituent le bras armé et<br />
l’antenne de ce désir d’externalis<strong>at</strong>ion. Ils représentent<br />
150 postes dans le monde, c’est-à-dire le plus gros réseau<br />
culturel au monde. Ce n’est pas à négliger.<br />
De plus, il faut connaître les réalités de terrain. Qu<strong>elle</strong><br />
est-<strong>elle</strong> en République Tchèque, par exemple ? <strong>La</strong> vie<br />
a t e l i e r 6<br />
58<br />
59
a t e l i e r ?<br />
60<br />
musicale y est très codée, <strong>elle</strong> se limite, pour Prague,<br />
à deux orchestres symphoniques, un orchestre d’Ét<strong>at</strong><br />
et un orchestre de la ville de Prague. Il y faut ajouter<br />
une structure privée, un orchestre symphonique de<br />
chambre. Les deux orchestres symphoniques organisent<br />
<strong>des</strong> saisons musicales fournies, cossues, à partir<br />
d’un répertoire classique, romantique et un peu moderne.<br />
Rien en ce qui concerne la <strong>musique</strong> ancienne,<br />
si ce n’est quelques velléités, quelques pr<strong>at</strong>iciens qu’il<br />
faut aider. À de très rares exceptions, pas de diffusion<br />
de la <strong>musique</strong> contemporaine. Seul domine un grand<br />
festival, le Printemps de Prague, qui capte quasiment<br />
toutes les subventions. L’Ét<strong>at</strong> aide les institutions musicales<br />
qui ont à charge le répertoire. De façon générale,<br />
l’Ét<strong>at</strong> tchèque, les villes tchèques n’aident pas<br />
le spectacle vivant, n’accordent aucun soutien aux acteurs<br />
plus petits, privés ou indépendants. <strong>La</strong> conséquence<br />
est que la vie musicale tchèque et tous ses acteurs<br />
sont dans une situ<strong>at</strong>ion financière <strong>des</strong> plus fragiles.<br />
L’Ét<strong>at</strong> tchèque ne consacre que 0,22 % de son<br />
budget à la culture, les institutions sont donc obligées<br />
de faire feu de tout bois, de recourir à un mécén<strong>at</strong> qui<br />
n’est pas non plus d’une richesse débordante. Alors, il<br />
faut miser sur le tourisme, ce qui veut dire que le répertoire<br />
proposé ne peut se permettre aucun risque.<br />
Il faut se souvenir que le niveau de vie en République<br />
tchèque est deux fois moins cher qu’en France, c’està-dire<br />
que le prix d’entrée pour un concert est d’à peu<br />
près 60 francs pour les Tchèques. Dans la salle Smetana,<br />
en tant que touriste, vous paierez 200 francs.<br />
L’accès aux lieux est également très cher, étant, vous<br />
vous l’imaginez, livré au néo-libéralisme. Enfin, les<br />
cachets donnés par les institutions sont assez faibles.<br />
Un soliste, s’il reçoit 500 euros, c’est magnifique.<br />
C’est ce que gagne par mois une institutrice, ce qui<br />
l’oblige d’ailleurs à faire <strong>des</strong> ménages, si <strong>elle</strong> veut vivre<br />
et se loger. Une chambre d’hôtel à Prague, c’est<br />
700 francs. Voilà la configur<strong>at</strong>ion économico-cultur<strong>elle</strong>.<br />
À bon entendeur (les « idiots-syncr<strong>at</strong>iques » sontils<br />
à l’écoute ?)…<br />
En conclusion, une vraie collabor<strong>at</strong>ion avec l’étranger,<br />
c’est passer d’une logique de diffusion à une logique<br />
de coopér<strong>at</strong>ion. Les acteurs locaux veulent travailler<br />
avec l’étranger car, dans leur contexte, c’est le<br />
seul recours dont ils disposent pour avoir une politique<br />
ambitieuse de rénov<strong>at</strong>ion de leur répertoire et de programm<strong>at</strong>ion.<br />
Jeanne-Martine VACHER<br />
Alain Brunet, vous avez parlé d’une vingtaine de<br />
structures qui pouvaient accueillir les tournées <strong>des</strong><br />
productions, montées dans le cadre de votre Académie.<br />
Alors, pourquoi y a-t-il un problème de coproduction<br />
?<br />
Alain BRUNET<br />
L’Académie baroque européenne est un pur produit<br />
Ambronay, donc tout passe par le festival, aidé<br />
En conclusion, une<br />
vraie collabor<strong>at</strong>ion<br />
avec l’étranger, c’est<br />
passer d’une logique<br />
de diffusion à une logique<br />
de coopér<strong>at</strong>ion.<br />
par la Région, le Département, l’Ét<strong>at</strong> et France Telecom.<br />
Prenons le cas d’une production lyrique comme<br />
Athalia dont le coût de production est de 2,5<br />
millions de Francs. Nous recevons en ai<strong>des</strong> environ<br />
1,2 million. Si l’on a le souci d’équilibrer le budget,<br />
d’abord, on ne peut rémunérer les artistes que lorsqu’ils<br />
sont en concert, et, de plus, au tarif minimum<br />
(tous les frais de voyage et de séjour sont pris en<br />
charge). Ensuite, il nous faut impér<strong>at</strong>ivement vendre<br />
le spectacle : cette année, nous avons joué 16 fois<br />
Athalia, 2 fois dans le cadre du festival et 14 fois au<br />
cours de la tournée. Ce sont ces 14 représent<strong>at</strong>ions<br />
qui nous ont permis d’équilibrer la production. Si le<br />
Ministère ne veut pas que j’ « exploite » nos jeunes<br />
artistes (donc limiter à 8 le nombre de lieux d’accueil<br />
ou de représent<strong>at</strong>ions), alors, qu’il augmente<br />
d’autant sa subvention !<br />
À l’heure actu<strong>elle</strong>, nombre de directeurs d’opéras ou<br />
de <strong>festivals</strong> sont prêts à nous accueillir parce qu’ils<br />
connaissent nos productions, dont ils savent qu’<strong>elle</strong>s<br />
sont de qualité sans être hors de prix : une production<br />
comme Athalia (63 musiciens, 70 personnes à<br />
gérer pendant deux mois, un mois de prépar<strong>at</strong>ion, un<br />
mois de tournée) coûte à peu près 200 000 francs,<br />
considérant qu’à l’étranger (Festival Br<strong>at</strong>islava en<br />
Pologne) on peut vendre moins cher. C’est évidemment<br />
meilleur marché que William CHRISTIE ou<br />
d’autres grands artistes intern<strong>at</strong>ionaux. Mais c’est<br />
le minimum.<br />
Qui nous achète ? Très peu de scènes n<strong>at</strong>ionales,<br />
mais <strong>des</strong> opéras (Reims, Besançon, Avignon, Vichy<br />
etc.), intéressés par le dynamisme et l’enthousiasme<br />
de nos jeunes artistes. En revanche, la coproduction<br />
reste très difficile. Je pensais que le REMA la favoriserait.<br />
Or, on s’aperçoit que chaque directeur de<br />
grand festival a sa propre programm<strong>at</strong>ion, veut défendre<br />
son exclusivité, revendiquer la cré<strong>at</strong>ion. C’est<br />
un tour de force que de mettre autour d’une table<br />
qu<strong>at</strong>re ou cinq grands <strong>festivals</strong>, qu<strong>at</strong>re ou cinq producteurs<br />
européens pour monter un grand projet. <strong>La</strong><br />
coproduction européenne ne pourra se développer<br />
que si les partenaires se connaissent bien, liés par<br />
une vraie entente, une vraie amitié, une vraie confiance<br />
qui feront que les barrières tomberont.<br />
Tamàs KLENJANSZKY<br />
Oui, la coproduction est un défi pour les associ<strong>at</strong>ions.<br />
L’année dernière, on a pu célébrer notre jubilé en organisant<br />
un festival grâce à Ambronay, un système de<br />
coproduction incluant le grand théâtre de Genève, dirigé<br />
par Jean-Marie BLANCHARD.<br />
Charlotte LATIGRAT<br />
Directrice - Festival d’Île de France<br />
Quand le festival d’Île de France s’est associé aux<br />
saisons de l’AFAA, au début, notre désir était « impur<br />
» d’une certaine manière. Voilà une bonne occasion<br />
d’avoir une petite subvention supplémentaire,<br />
se disait-on. Mais on avait quand même aussi un<br />
vrai désir d’autre chose, non pas le désir de « l’intern<strong>at</strong>ional<br />
» dont Didier Montagné parlait tout à<br />
l’heure, mais plutôt le désir de l’étranger, ce qui est<br />
autre chose. Après bientôt dix ans de programm<strong>at</strong>ion,<br />
on voulait ouvrir notre festival à d’autres répertoires,<br />
à d’autres cultures, à d’autres civilis<strong>at</strong>ions.<br />
Pas forcément musicales. On voulait aussi pénétrer<br />
<strong>des</strong> mentalités qui n’étaient pas les nôtres, bref, ne<br />
plus ronronner avec de très bons musiciens français,<br />
certes, mais vus partout dans toutes les programm<strong>at</strong>ions<br />
de tous les <strong>festivals</strong> de France et de Navarre. Il<br />
a fallu prendre <strong>des</strong> risques car, on le sait bien, notre<br />
public aime bien retrouver les répertoires et les<br />
interprètes qu’il connaît. Qu<strong>elle</strong> était alors la bonne<br />
façon d’inclure un pays étranger à l’intérieur de notre<br />
programm<strong>at</strong>ion ? Pour ma part, j’ai toujours travaillé<br />
sur la notion de passer<strong>elle</strong>. <strong>La</strong> <strong>musique</strong> n’est<br />
pas un art qui ne repose sur rien, <strong>elle</strong> s’adosse à<br />
la littér<strong>at</strong>ure, aux arts plastiques, à l’histoire, au<br />
paysage, aux mentalités, à la religion. Nous sommes<br />
donc partis à la recherche de thèmes fédér<strong>at</strong>eurs<br />
qui permettaient à chaque fois de mettre le<br />
pays invité en rel<strong>at</strong>ion avec autre chose. <strong>La</strong> Hongrie<br />
a donné naissance à une saison qui s’appelait Vents<br />
d’Est, mais <strong>elle</strong> n’était pas la seule concernée ; ensuite,<br />
nous avons accueilli la République tchèque,<br />
que nous avons appelée Bohèmes, une notion que<br />
nous n’avons pas considérée dans sa seule dimension<br />
régionale. L’année dernière, ce fut le tour de<br />
l’Algérie, au sein d’un festival de <strong>musique</strong> classique<br />
(une gageure, s’il en est), que nous avons évoquée<br />
sous l’angle thém<strong>at</strong>ique du Paradis, ce qui, en<br />
2003, était plutôt paradoxal, même violent. Cette<br />
année, nous invitons la Pologne, je ne vous parlerai<br />
pas du thème qui fera l’objet d’une communic<strong>at</strong>ion<br />
particulière, puis ce sera au tour du Brésil.<br />
Les rapports avec l’AFAA se passent très bien sur le<br />
territoire français. Il y a les techniciens ici, il y a<br />
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un commissaire qui fait ce qu’il peut, en rel<strong>at</strong>ions<br />
avec les artistes. Nous établissons une convention<br />
qui nous permet effectivement d’avoir une aide concernant<br />
les hébergements <strong>des</strong> artistes, la partie artistique<br />
étant à notre charge (à savoir, quand même,<br />
plus de 150 musiciens et artistes provenant du pays<br />
invité). C’est lui qui paie les voyages. Enfin, ça, c’est<br />
sur le papier. Car, bien souvent, sur le terrain, c’est<br />
autre chose : le pays étranger n’a pas les mêmes<br />
habitu<strong>des</strong> que nous, ne travaille pas de la même<br />
façon, le professionnalisme n’est pas le même. Parfois,<br />
on nous « suggère » un artiste plutôt que celui<br />
qu’on est prêt à inviter, il faut être diplom<strong>at</strong>e, être à<br />
la fois prudent et ferme. Ce n’est pas simple. Néanmoins,<br />
je crois qu’on a réussi à vaincre les difficultés.<br />
Cette année, avec l’année de l’Algérie, nous avons<br />
accueilli plus de 20 000 personnes, dans un festival<br />
de <strong>musique</strong> classique, je le précise encore. Pourquoi<br />
ça a marché ? S’agissant de l’Algérie, par exemple,<br />
ce n’est pas forcément la <strong>musique</strong> classique, au sens<br />
européen du mot classique, qui a suscité l’engouement,<br />
c’est autre chose, ce sont <strong>des</strong> poètes, <strong>des</strong> régions,<br />
<strong>des</strong> saveurs, une religion, <strong>des</strong> mentalités qu’il<br />
faut comprendre, appréhender et présenter sous une<br />
forme à la fois respectueuse et critique.<br />
Donc, oui à la collabor<strong>at</strong>ion avec un Institut culturel,<br />
mais, encore une fois, en sachant pourquoi. Le désir<br />
« impur » ne marche plus, parce qu’il y a de moins<br />
en moins d’argent.<br />
Jean-Marc BADOR<br />
Directeur - Orchestre de Bretagne<br />
Il existe un autre réseau très utile, auquel on ne pense<br />
pas souvent, le réseau <strong>des</strong> jumelages. Un certain<br />
nombre de villes, de régions et de départements ont<br />
noué <strong>des</strong> jumelages en Europe et au-delà. Certains<br />
d’entre eux sont moribonds, mais d’autres vivent, grâce<br />
à <strong>des</strong> associ<strong>at</strong>ions. <strong>La</strong> Ville de Rennes a un certain<br />
nombre de jumelages qui fonctionnent très bien et qui<br />
ont permis <strong>des</strong> échanges, de vraies rencontres, par<br />
exemple, avec la ville de Brno, la deuxième ville de la<br />
République tchèque, dont la vie cultur<strong>elle</strong> est très riche<br />
(trois orchestres et un chœur extraordinaire). Dans<br />
le cadre de la saison tchèque, on a eu l’occasion de<br />
les accueillir, de travailler avec le chœur en vue d’une<br />
production. On a monté avec la ville de Brno un projet<br />
pour leur festival, l’Automne Morave, en 2005, qui<br />
devrait avoir comme thème la France et où l’orchestre<br />
de Bretagne devrait se produire. De même, dans le cadre<br />
d’une tournée qu’on a faite aux Ét<strong>at</strong>s-Unis, la ville<br />
de Rodchester dans l’Ét<strong>at</strong> de New York, jumelée avec<br />
Rennes, a accueilli l’orchestre de Bretagne. Enfin, dans<br />
le cadre de la saison polonaise, on va accueillir un orchestre<br />
de Poznan, l’orchestre de chambre Amadeus.<br />
Ainsi donc, <strong>des</strong> villes comme Brest ou Lorient peuvent<br />
mettre à profit leurs propres jumelages et convaincre<br />
les collectivités locales du bien-fondé d’une dimension<br />
intern<strong>at</strong>ionale si riche à explorer.<br />
Alain LACROIX<br />
Pour qu’il y ait coopér<strong>at</strong>ion, il faut <strong>des</strong> cadres et <strong>des</strong><br />
outils. Alain a parlé de la convention AFAA - DRAC<br />
- Collectivités locales, un très bon outil. Le 30 novembre,<br />
la Région Centre organise à Prague,un type<br />
d’évenement, comme une Folle Journée de <strong>musique</strong><br />
ancienne, dans un lieu voué à la <strong>musique</strong> classique.<br />
Outre les jumelages, il existe aussi la « coopér<strong>at</strong>ion<br />
décentralisée », qui désigne tout le travail accompli<br />
par <strong>des</strong> régions vers d’autres régions d’Europe,<br />
par exemple, en effet la Bretagne et Brno, les Pays<br />
de la Loire et la Hongrie, travail parfaitement producteur<br />
de moyens. Un autre outil encore : Culture<br />
2000, un programme de la Communauté Européenne<br />
qui suppose qu’il y ait au moins trois partenaires<br />
dans l’Union Européenne pour mener un projet.<br />
C’est certes une procédure assez lourde mais qui légitime<br />
un partenari<strong>at</strong>, à qui l’on fournit au moins<br />
50 % <strong>des</strong> moyens.<br />
Je voudrais évoquer une expérience du Festival<br />
Massenet de Saint-Étienne. Il y a quelques années,<br />
lors de la saison France-Égypte - Horizons partagés,<br />
on a invité l’Opéra du Caire qui a vu la production.<br />
Eh bien, on a remonté complètement la<br />
production à l’Opéra du Caire qui la voulait dans<br />
son répertoire : on a emmené toute l’équipe technique<br />
de Saint-Étienne, le chef, le chef de chœur, les<br />
décor<strong>at</strong>eurs, les costumiers, etc., et on a remonté<br />
la production avec les chanteurs et l’orchestre local<br />
égyptiens. <strong>La</strong> Région s’est complètement impliquée,<br />
<strong>elle</strong> a convaincu <strong>des</strong> décideurs économiques<br />
et a loué un charter.<br />
Tamas KLENJANSZKY<br />
Une inform<strong>at</strong>ion : on a discuté dernièrement, au sein<br />
de l’Associ<strong>at</strong>ion Européenne, <strong>des</strong> expériences <strong>des</strong><br />
membres concernant les projets proposés pour la subvention<br />
européenne. <strong>La</strong> const<strong>at</strong><strong>at</strong>ion <strong>des</strong> collègues<br />
était que c’est une grande loterie, avec beaucoup de<br />
problèmes, ce n’est pas un système assez transparent,<br />
les résult<strong>at</strong>s sont connus d’avance.<br />
Simplement, un message adressé à l’AFAA : est-ce<br />
que, dans l’avenir, vous pouvez imaginer une sorte<br />
de saison dans la région danubienne ce qui serait un<br />
soutien énorme politique pour les institutions dans la<br />
région. Si je mentionne « Danube » c’est que nous<br />
avons créé un groupe de travail, sous le titre Art’s Danubiana,<br />
qui peut vous offrir ses services.<br />
Alain LACROIX<br />
Les saisons en ce qui concerne les échanges avec les<br />
pays se décident au niveau du Président de la République.<br />
D’autre part, la question est c<strong>elle</strong> <strong>des</strong> moyens et<br />
les moyens ne sont pas énormes. On peut néanmoins<br />
monter <strong>des</strong> choses à un petit niveau d’abord, avant de<br />
songer à la saison. Ce pourrait être merveilleux en effet<br />
de faire du baroque dans cette région du monde.<br />
Conclusion<br />
de Philippe TOUSSAINT<br />
Président de France Festivals<br />
Qu<strong>elle</strong>s premières conclusions tirer de ces deux jours<br />
de travaux ?<br />
D’abord un const<strong>at</strong> : ce colloque a démontré son utilité<br />
tant était grande la nécessité de conduire une réflexion<br />
sur les <strong>festivals</strong>. Nous avons peut-être commencé à<br />
combler le manque d’inform<strong>at</strong>ion criant dont souffrent<br />
nos organis<strong>at</strong>ions. Certains faits ont été mis en évidence<br />
et notamment le rôle primordial assuré par les<br />
<strong>festivals</strong> dans la vie musicale de ce pays. <strong>La</strong> prise de<br />
conscience commence à se faire mais <strong>elle</strong> n’est pas<br />
encore partagée par tous.<br />
Plusieurs propositions ont été suggérées et doivent être<br />
approfondies maintenant par France Festivals.<br />
• <strong>La</strong> première est l’idée d’observ<strong>at</strong>oire. Il convient de réfléchir<br />
à la mise en place d’un dispositif permanent d’observ<strong>at</strong>ion<br />
<strong>des</strong> <strong>festivals</strong>. Les rôles respectifs du Ministère<br />
de la Culture qui dispose d’une direction <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> et<br />
de France Festivals doivent, dans cette perspective, être<br />
précisés.<br />
• En deuxième lieu, une concert<strong>at</strong>ion permanente, sur<br />
les questions nous concernant, devrait être organisée entre<br />
Ét<strong>at</strong>, les collectivités territoriales et les <strong>festivals</strong>. Une<br />
t<strong>elle</strong> concert<strong>at</strong>ion peut, à l’image de ce qui se fait en Finlande,<br />
permettre de combiner les soutiens à la cré<strong>at</strong>ion,<br />
la diffusion, l’interprét<strong>at</strong>ion pour favoriser l’ensemble de<br />
la vie musicale.<br />
• <strong>La</strong> troisième proposition porte sur France Festivals, son<br />
périmètre, sa représent<strong>at</strong>ivité, ses missions : notre fédér<strong>at</strong>ion<br />
a certes accru de manière signific<strong>at</strong>ive le nombre<br />
de ses membres mais il convient de poursuivre ce développement<br />
en envisageant d’ouvrir plus largement nos<br />
portes par exemple à <strong>des</strong> <strong>festivals</strong> spécialisés en <strong>musique</strong><br />
contemporaine.<br />
L’appui à l’organis<strong>at</strong>ion de <strong>festivals</strong> de dimension plus<br />
mo<strong>des</strong>te a été demandé. C’est l’objet notamment <strong>des</strong><br />
form<strong>at</strong>ions mises en place par France Festivals. <strong>La</strong> cré<strong>at</strong>ion<br />
de l’intranet devant également favoriser le transfert<br />
de compétences dans le domaine de la réglement<strong>at</strong>ion<br />
sociale, fiscale, ...<br />
• Le qu<strong>at</strong>rième thème abordé de façon transversale dans<br />
les <strong>at</strong>eliers est la réforme du st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> intermittents du<br />
spectacle. Les <strong>festivals</strong> ont été les premiers touchés par le<br />
conflit en cours. <strong>La</strong> vie de nos structures dépend largement<br />
d’une solution pérenne pour le st<strong>at</strong>ut <strong>des</strong> artistes intermittents.<br />
Nous restons d’autant plus vigilants sur ce sujet que<br />
se pose la question de l’emploi permanent dans les <strong>festivals</strong><br />
en raison de la fin du dispositif <strong>des</strong> emplois jeunes.<br />
Enfin d’autres sujets devront être abordés : la mise en<br />
œuvre du nouveau dispositif en faveur du mécén<strong>at</strong>, le<br />
développement <strong>des</strong> réseaux européens, ...<br />
Je voudrais pour conclure remercier l’ensemble <strong>des</strong> personnes<br />
qui ont participé à l’organis<strong>at</strong>ion du colloque, les<br />
partenaires, les intervenants, les journalistes et chacun<br />
d’entre vous de votre particip<strong>at</strong>ion à nos travaux. Un<br />
grand merci enfin à la Fond<strong>at</strong>ion Royaumont pour son<br />
accueil particulièrement chaleureux.<br />
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Île de France / Nord Picardie<br />
Festival d’Auvers-sur-Oise • Festival d’Île de France • Festival Chopin à Paris • Saison<br />
Musicale de Royaumont • Festival de Saint-Denis • Festival de Musique Ancienne et Baroque<br />
de l’Abbaye de Saint - Michel en Thiérache • Festival Jean de <strong>La</strong> Fontaine de Château-Thierry •<br />
Rencontres musicales ProQuartet de Fontainebleau • Festival d’Hardelot • Les Transclassiques, Paris<br />
• Festival Baroque de Pontoise • Festival l’Orangerie de Sceaux • L’Automne Musical au Château de<br />
Versailles<br />
Centre Ouest<br />
• Festival de l’Epau • Heures Musicales de l’Abbaye de Lessay • Festival Octobre<br />
en Normandie • Septembre Musical de l’Orne • Les Promena<strong>des</strong> Musicales du Pays<br />
d’Auge • Semaines Musicales de Quimper • Festival de Sablé • Académies Musicales<br />
de Saintes • Festival Intern<strong>at</strong>ional de Musique de Sully sur Loire • Lyrique-en-Mer / Festival<br />
de B<strong>elle</strong>-Île • Les Riches Heures de l’Orgue en Berry • Festival Intern<strong>at</strong>ional d’Orgue de Chartres •<br />
Rencontres Musicales autour de <strong>La</strong> Prée • Les Nocturnes Océanes de Luçon • <strong>La</strong> Folle Journée de Nantes<br />
• Printemps <strong>des</strong> Arts de Nantes, <strong>musique</strong> baroque et classique • Festival de Noirlac • Rencontres de<br />
Musique Vocale de l’Abbaye du Relec - Plounéour - Ménez • Fêtes Musicales en Touraine • Académie<br />
Francis Poulenc - Tours • Musique Baroque en Vendée • Nuits Musicales en Vendée Romane<br />
Sud Ouest<br />
• Festival du Comminges • Jazz in Marciac • Sinfonia en Périgord • Festival<br />
du Périgord Noir • Festival Intern<strong>at</strong>ional de <strong>musique</strong> sacrée de l’Abbaye<br />
de Sylvanes • Festival de <strong>La</strong> Vézère • Festival d’été de Bordeaux • Festival Musiques sur<br />
Ciel - Cor<strong>des</strong> sur Ciel • Itinéraire Baroque en Périgord Vert<br />
Midi Méditerranée<br />
• Nuits Musicales du Suquet, Cannes • Festival Intern<strong>at</strong>ional de Qu<strong>at</strong>uors<br />
à cor<strong>des</strong> du Luberon • Festival de Musique de Menton • Printemps <strong>des</strong> Arts<br />
de Monte-Carlo • Le Festival de Radio France et Montpellier • Chorégies<br />
d’Orange • Festival Pablo Casals de Pra<strong>des</strong> • Festival Intern<strong>at</strong>ional<br />
de Piano de <strong>La</strong> Roque d’Anthéron • Les Nuits de la Citad<strong>elle</strong> de<br />
Sisteron • Les Floraisons Musicales de Châteauneuf • Les Riches Heures<br />
Musicales de la Rotonde • Festival du Vigan<br />
Rhône-Alpes / Auvergne<br />
• Festival d’Ambronay • Festival de <strong>La</strong> Chaise-Dieu •<br />
Festival Berlioz, <strong>La</strong> Côte Saint - André • Été Musical<br />
Loire en Rhône - Alpes • Festival du Monastier, « <strong>La</strong><br />
Musique <strong>des</strong> Cuivres » • Saoû chante Mozart • Festival<br />
de Musique et d’Art Baroque en Tarentaise • Cor<strong>des</strong> en<br />
Ballade - Ardèche • Festival Les Arts Jaillissants - Maurienne • Nuits<br />
d’Été à Megève • Fêtes Musicales du Château de Pions<strong>at</strong> • Festival<br />
Bach de Saint-Don<strong>at</strong> • Festival Massenet de Saint-Étienne • Festival<br />
Pierre Boulez , Département de la Loire • Festival de <strong>musique</strong> d’Automne<br />
de Saint - Genest - Lerpt<br />
Grand-Est<br />
• Festival Intern<strong>at</strong>ional d’Opéra Baroque de Beaune • Festival Intern<strong>at</strong>ional<br />
de <strong>musique</strong> de Besançon Franche-Comté • Festival Intern<strong>at</strong>ional de Colmar •<br />
Nancyphonies - Festival de Nancy • Musica - Festival intern<strong>at</strong>ional <strong>des</strong> <strong>musique</strong>s<br />
d’aujourd’hui, Strasbourg • Festival de Musique de Strasbourg • Festival RenaissanceS,<br />
Bar le Duc • Festival Musical <strong>des</strong> Grands Crus de Bourgogne • Itinéraires de Musique et d’Histoire de<br />
la Fond<strong>at</strong>ion Cultur<strong>elle</strong> de Braux-sous-Valmy • Musicalta, Rouffach