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Mariane Dubertret 1996 03 14 La vie Jean-Marie Lustiger Je suis ...

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LA SEM AIN E<br />

d'immigré », écrit par Robert Serrou après trois ans d'enquête<br />

une provocation vivante»<br />

En haut. 1933 : Aaron, à sept ans,<br />

avec ses parents. En 1942, à Decazeville<br />

(au fond, à gauche), avec son père<br />

(à droite). Baptisé en 1940, il a choisi<br />

le prénom de <strong><strong>Je</strong>an</strong>-<strong>Marie</strong>.<br />

Ci-dessus: en 6' A au lycée Montaigne<br />

(premier à gauche au deuxième rang).<br />

A gauche: son père, Charles, en 1917, en<br />

uniforme du club sioniste de Bendzin.<br />

ger. Son frère gardera toujours<br />

en mémoire la scène insupportable<br />

de l'annonce de sa décision.<br />

Après la Libération, en<br />

1945, Charles <strong>Lustiger</strong> cherchera<br />

en vain à obtenir l'annulation<br />

du baptême de son fils.<br />

«<strong>Je</strong> <strong>suis</strong> une provocation vioomte»,<br />

déclare en 1987 (1) l'archevêque<br />

de Paris, en évoquant sa<br />

double identité juive et chrétienne.<br />

En avril dernier, alors qu'il<br />

se trouvait en Israël pour un colloque<br />

sur le silence de Dieu durant<br />

la Shoah, le journal Hoaretz<br />

évoquait «le dégoût éprouvé par<br />

beaucoup d'entre nous vis-à vis<br />

d'unjuif apostat, converti au catlwlicisme<br />

pendant l'Holocauste».<br />

Le grand rabbin ashkénaze, Yisraël<br />

Meir <strong>La</strong>u, l'accusait d'avoir<br />

«trahi son peuple et sa religion »,<br />

et d'incarner «la voie de l'extinction<br />

spiri.tuelle qui. conduit,<br />

comme l'exterm ination physique,<br />

à la,solution finale de la question<br />

juive». Meurtri, le cardinal se<br />

contenta de répondre qu'il n'avait<br />

jamais entendu dire que le baptême<br />

était une abomination<br />

comparable au génocide<br />

nazi.<br />

Face à cette polémique<br />

qui le poursuit et prend sa<br />

source au cœur même de<br />

son histoire personnelle,<br />

de son itinéraire spirituel,<br />

<strong><strong>Je</strong>an</strong>-<strong>Marie</strong> <strong>Lustiger</strong> réagit<br />

avec passion. Avec sangfroid,<br />

aussi, au moins publiquement.<br />

«<strong>Je</strong> <strong>suis</strong> né<br />

juif, proclamait-il, quelques<br />

jours après sa nomination<br />

archiépiscopale, et<br />

je le resterai. » «Disons-<br />

~ le tout net, rétorquait alors<br />

§ l'ancien grand rabbin de<br />

~ Paris, Meyer Jays, à<br />

l'~moins de faire du ju-<br />

~ daïsme un racisme, un<br />

juif chrétien a autant de<br />

sens qu'un carré rond. <strong>La</strong><br />

foi d'Israël et la-foi chrétienne<br />

sont inconciliables.<br />

» Le père <strong>Lustiger</strong><br />

a d'autres arguments: «<strong>Je</strong><br />

souhaite, dit-il, que les<br />

chrétiens n'oublient pas<br />

qu'ils ont été greffés sur<br />

une racine unique. <strong>La</strong> racine,<br />

c'est Israël. Et la racine<br />

demeure.» D'où son<br />

rêve d'une reconnaissance<br />

réciproque entre les deux<br />

religions. Si le judaïsme<br />

est la racine, le christianisme<br />

est «une filiation<br />

donnée par Dieu», les<br />

chrétiens, «des enfants<br />

inattendus qui ont été<br />

donnés tui peuple juif».<br />

<strong>La</strong> fidélité contestée du cardinal<br />

à son peuple est inscrite dans<br />

sa mémoire en lettres de sang. Le<br />

sang des quarante membres de sa<br />

famille déportés, en août 1943,du<br />

ghetto de Bendzin à Auschwitz. Le<br />

sang de sa mère, arrêtée à Paris par<br />

la police française et la Gestapo,<br />

sur dénonciation, et morte gazée à<br />

Auschwitz, elle aussi.<br />

<strong><strong>Je</strong>an</strong>-<strong>Marie</strong> et sa sœur, qui<br />

étaient restés à Orléans, apprennent<br />

en septembre 1942 que leur<br />

mère a été déportée. Ils recevront,<br />

ensuite, quelques lettres d'elle. }!><br />

LA VIE N" 2637 - <strong>14</strong> MARS <strong>1996</strong> 17

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