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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

perfection d’un être organisé se mesurera alors au nombre et à la complexité des rapports qu’il<br />

est capable d’entretenir 1 .<br />

Les rapports que les animaux ont entre eux ne sont pas figés, et les caractères qui les<br />

définissent peuvent varier en fonction des êtres avec qui on les compare. Ainsi, s’il y a un<br />

ordre dans la nature, ce n’est pas celui rigide des classifications, c’est un ordre au sein duquel<br />

les ressemblances et les différences varient selon les comparaisons, et où apparaissent aussi<br />

bien les régularités et les singularités. Les relations mises en évidence sont aussi bien celles<br />

entre les effets généraux et les effets particuliers afin de rendre compte de la production<br />

naturelle que celles que les êtres vivants et les espèces tissent entre eux afin de former des<br />

groupes et des nuances. L’ordre de la nature auquel Buffon tente d’avoir accès est ainsi, plutôt<br />

qu’un ordre proprement dit, un ordonnancement, une mise en ordre, un jeu de forces et de<br />

relations à l’œuvre, des adaptations et des transformations, un ordre donc dynamique et non<br />

statique.<br />

Dans ce contexte où l’être vivant est un centre d’où partent et s’organisent des rapports<br />

et où l’ordre est un ordre dynamique, l’image de l’échelle des êtres, pour<br />

méthodologiquement satisfaisante qu’elle soit, n’en est pas moins trop simpliste pour donner<br />

une vision adéquate de la nature. Ce que la voie de la comparaison dégage, c’est plutôt<br />

l’image d’un réseau, et non celle d’une échelle. Le mouvement de la nature n’est pas<br />

unidimensionnel, allant du bas vers le haut, du plus simple au plus complexe ; il va dans<br />

toutes les directions à la fois ; il « agit donc en tout sens, [il] travaille en avant, en arrière, en<br />

bas, en haut, à droite, à gauche, de tous côtés à la fois » 2 , et les quadrupèdes par exemple ont<br />

un point de contact autant avec les poissons qu’avec les oiseaux :<br />

Cette chaîne n’est pas un simple fil qui ne s’étend qu’en longueur, c’est une large trame ou<br />

plutôt un faisceau, qui, d’intervalle à intervalle, jette des branches de côté pour se réunir avec<br />

les faisceaux d’un autre ordre ; et c’est surtout aux deux extrémités que ces faisceaux se plient,<br />

se ramifient pour en atteindre d’autres. Nous avons vu que dans l’ordre des quadrupèdes, l’une<br />

des extrémités de la chaîne, s’élever vers l’ordre des oiseaux par les polatouches, les<br />

roussettes, les chauve-souris, qui, comme eux, ont la faculté de voler. Nous avons vu cette<br />

intérieure de tous les viscères, sont d’espèces encore plus éloignées que l’âne et le cheval, et il en est de même<br />

du chien, du renard et du loup. L’inspection de la forme extérieure nous éclaire davantage ; mais comme dans<br />

plusieurs espèces, et surtout dans celles qui ne sont pas éloignées, il y a, même à l’extérieur, beaucoup plus de<br />

ressemblance que de différence, cette inspection ne suffit pas encore pour décider si ces espèces sont différentes<br />

ou les mêmes : enfin lorsque les nuances sont encore plus légères, nous ne pouvons les saisir qu’en combinant<br />

les rapports de l’instinct ; c’est en effet par le naturel des animaux qu’on doit juger de leur nature », HN, art. Le<br />

Chien, p. 659.<br />

1 « Les animaux ont par leur sens, par leur forme, par leur mouvement, beaucoup plus de rapports avec les<br />

choses qui les environnent, que n’en ont les végétaux ; ceux-ci par leur développement, par leur figure, par leur<br />

accroissement et par leurs différentes parties ont aussi un plus grand nombre de rapports avec les objets<br />

extérieurs, que n’en ont les minéraux ou les pierres, qui n’ont aucune sorte de vie ou de mouvement, et c’est par<br />

ce plus grand nombre de rapports que l’animal est réellement au-dessus du végétal, et le végétal au-dessus du<br />

minéral. Nous-mêmes, à ne considérer que la partie matérielle de notre être, nous ne sommes au-dessus des<br />

animaux que par quelques rapports de plus, tels que ceux que nous donnent la langue et la main ; et quoique les<br />

ouvrages du Créateur soient en eux-mêmes tous également parfaits, l’animal est, selon notre façon d’apercevoir,<br />

l’ouvrage le plus complet de la Nature, et l’homme en est le chef-d’œuvre », HN, Histoire des animaux, chap. 1 :<br />

Comparaison des animaux et des végétaux, p. 133-134.<br />

2 IR, XIV, La nomenclature des singes, p. 23.

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